Recherche clinique : Pas de crise pour les CROs

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Recherche clinique : Pas de crise pour les CROs
Industrie Prestataires
Recherche clinique
Pas de crise
pour les CROs
Les contours de l’industrie pharmaceutique mondiale n’en
finissent pas de bouger. Si certains partenaires, comme ceux
de la visite médicale, souffrent, rien de tel pour les CROs 1,
en plein essor.
L
es chifres l’attestent : le nombre total de projets de recherche
ne cesse d’augmenter 2. Pourtant, nul n’ignore plus qu’en
matière de R&D, les laboratoires
sont confrontés à des déis majeurs,
en tête desquels igurent la baisse de
la productivité et les exigences accrues des agences du médicament en
matière de sécurité et de suivi des
médicaments après l’AMM. Le tout
dans un contexte de poids croissant des pays émergents. Les leaders
de la pharmacie mondiale sont en
quête de nouveaux modèles et multiplient les restructurations stratégiques. Leurs mouvements ne laissent
pas les CROs indiférentes.
Sous traitance en recherche clinique
Un marché de 12 milliards d’euros
Au niveau mondial, une dizaine de CROs se partagent près de la moitié d’un marché estimé
à 12 milliards d’euros. Trois acteurs dominent largement le secteur, avec un chifre d’afaires
supérieur à un milliard d’euros : Covance, PPD, Quintiles. D’une manière générale, les CROs
d’origine nord-américaine ont une taille très supérieure aux CROs européennes, a fortiori françaises (graphique 2). En France, en 2007, selon Précepta, quelque 80 sociétés se partagent un
marché d’environ 600 millions d’euros. Le secteur est jeune mais concentré : les six leaders
réalisent 43 % du CA total. Si les CROs sont majoritairement indépendantes, les 21 iliales de
groupes étrangers sont les plus importantes en taille : elles ont réalisé 56 % des ventes totales en
France, soit 343 millions d’euros. La taille des CROs varie avec leur origine – parmi les CROs
full service, les iliales de groupes étrangers ont un CA moyen de 15 millions d’euros, quatre fois
supérieur à celui des CROs françaises – et leur activité. Les CROs impliquées sur le préclinique
sont les plus importantes avec un CA moyen de 17,9 millions d’euros, suivies des CROs impliquées sur les phases I et IIa (11,6 millions). Les CROs les plus petites sont celles spécialisées
dans l’épidémiologie et la biométrie (1,8 million). Dernier fait marquant du secteur, des CROs
venant de pays émergents s’implantent en France, via des acquisitions. C’est le cas des indiens
Synchron et Veeda Clinical Research.
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PHARMACEUTIQUES - JANVIER 2009
Les labos externalisent
En premier lieu, comme le souligne
la dernière étude de Précepta 3, l’heure est plus que jamais à l’externalisation. La recherche d’économies et
la volonté de transformer certains
coûts ixes en coûts variables poussent les laboratoires à se recentrer
sur les activités jugées stratégiques.
C’est le principal moteur de développement des CROs. En 2007, le
marché mondial de la recherche sous
contrat était de quelque 12 milliards
d’euros (un quart des dépenses
consacrées au développement), en
progression annuelle à deux chifres
depuis le début des années 2000. Ce
mouvement devrait s’accélérer d’ici
2010 avec les restructurations récentes annoncées par de nombreux
groupes. Les CROs les plus importantes sont les mieux à même de
proiter de ces reconigurations, et
de nouveaux modèles apparaissent,
renforçant les liens entre CROs et
labos. Ainsi, en 2008, Lilly a cédé
un de ses sites à Covance tout en
signant un contrat de services courant sur dix ans avec la CRO. Autre
facteur essentiel de croissance pour
les CROs : la montée en puissance
des sociétés de biotechnologie. Dé-
La carte biotech
Graphique 1
SOURCE: PRÉCEPTA
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pourvues de capacités internes de
développement, elles représentent
d’ailleurs déjà plus du tiers de l’activité des grandes CROs mondiales.
Si la crise inancière risque de dégrader leurs capacités de inancement
et donc de retarder la mise en route
de nouveaux projets, les biotechs
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européennes représentent toutefois
une réelle opportunité, dans la mesure où nombre de leurs projets arrivent à terme (en 2007, le pipeline
français comprenait 22 produits
en phase III, venant d’obtenir une
AMM ou mis sur le marché, contre
7 en 2006 et 2005).
Pour Précepta, les CROs « full service » possèdent ici un avantage, du
fait de leurs compétences en matière
d’expertise, conseil et accompagnement de clients, à forte valeur ajoutée. Les CROs développant des activités de production biologique ou
de inancement ont aussi une carte à
jouer auprès des biotech. Quintiles
et Covance, deux des leaders mondiaux, se positionnent sur ce type
d’ofres nouvelles. Quant aux CROs
françaises, elles se rapprochent des
centres de décision des biotechs en
s’implantant notamment au Royaume-Uni. C’est par exemple la stratégie de Cerb, Mapi, ICTA, Biotrial.
En 2008, cette dernière s’est aussi
implantée aux Etats-Unis. Autre
atout pour les CROs : les exigences accrues des autorités de tutelle
vont entraîner une généralisation de
leurs demandes d’études épidémiologiques et de pharmacovigilance
pour les nouveaux médicaments.
Les CROs ont ici un rôle à jouer,
notamment en matière d’élaboration de méthodes d’évaluation de
Industrie Prestataires
Chiffre d’affaires des CROs françaises et mondiales
ORIGINE
CA ACTIVITE CRO 2007
(millions d’euros)
France
Autres pays
européens
Etats-Unis
Autres pays
Nord-américains
COVANCE,
QUINTILES CRO,
PPD
Supérieur à 1000
600-1000
ICON
SOURCE: PRÉCEPTA
250-600
PAREXEL,
PHARMANET,
KENDLE, PRA
100-250
OMNICARE CR,
I3 RESEARCH
50-100
MDS PHARMA,
SERVICES
CHILTERN
20-50
CIT, MAPI, BIOTRIAL, EUROFINS
5-20
FORENAP, PORSOLT AVOGADRO,
DERMSCAN, THERAPHARM,
GECEM, MEDISCIS, CERB, ICTA,
EURAXI, CLINACT, SPI BIO
ASTER.CEPHAC (SGS)
la sécurité des produits, de la prévention des risques et de l’eicacité
médico-économique, où tout, ou
presque, reste à faire. Le lyonnais
Mapi a ainsi lancé Mapi Epi, une
structure basée à Londres et spécialisée dans le conseil en épidémiologie
et en risk management. Ces nouvelles opportunités devraient permettre
aux CROs de faire face à la baisse
inéluctable des études médico-marketing.
lement en Asie/Paciique, Europe
de l’Est et Amérique latine : ouverture de bureaux, création de iliales,
partenariats, joint-ventures, rachats
d’opérateurs. Les CROs françaises
s’y mettent aussi et plusieurs, notamment Clinact, CERB, ICTA ou
Biotrial, ont choisi la mise en réseau
avec d’autres CROs. herapharm
Recherches a créé une société dédiée, Imitis, avec quatre partenaires
européens. De tels mouvements sont
indispensables car la recherche préAccompagner les délocalisaAMM ne cesse de baisser en Europe
tions
et aux Etats-Unis : les sites nordEnin, dernier élément important : américains soufrent le plus, mais la
l’industrie délocalise. L’Asie
France n’est pas épargnée,
et l’Europe de l’Est atavec une réduction d’entirent de plus en plus
viron un tiers de ses
les essais cliniques,
essais cliniques endu fait de leurs
tre 1997 et 2007.
CROs et
coûts particulièreLa création du
hôpitaux : deux
ment compétitifs
CeNGEPS 4 en
et de leur vitesse
2007, agence de
univers très
de recrutement
moyens associant
des médecins inpartenaires
pricomplémentaires
vestigateurs et des
vés (industriels) et
patients. Le potentiel
publics (hôpitaux et
élevé de leur marché
Inserm), et dont le but
constitue un autre élément
est d’aider la recherche clifort d’attractivité. Pour pouvoir
nique industrielle (76 % de la rerépondre aux appels d’ofre interna- cherche clinique en France), devrait
tionaux, les CROs n’ont pas le choix : aider l’hexagone à rebondir dans la
elles doivent suivre le processus et compétition européenne. La dynas’implanter dans les pays émergents. mique française pourrait aussi être
Les leaders mondiaux multiplient relancée avec l’apparition de rapproles opérations en ce sens, essentiel- chements entre CROs et hôpitaux,
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PHARMACEUTIQUES - JANVIER 2009
deux univers très complémentaires :
les premières maîtrisent la gestion
des essais, les seconds disposent des
infrastructures, expertises médicales
et capacités de recrutement de patients. Biotrial a intégré en 2006 le
centre d’innovation technologique
de Rennes, qui réunit des industriels, le CHU rennais, l’Université
Rennes I et l’INSERM. Fin 2007,
herapharm a créé avec le CHU de
Caen une structure commune, spécialisée dans les essais de phases I et
II, menés au sein de l’hôpital. Enin,
début 2008, la iliale ClinicalLand
de Dermscan a noué un partenariat
avec les hôpitaux du Grand Lyon.
Les CROs étrangères mieux
armées
On le voit, à condition de se positionner sur les segments en croissance et de se tourner vers l’international, l’avenir des CROs est pour le
moins prometteur. Selon Précepta,
d’ici 2010, le secteur continuera à
enregistrer une progression annuelle
de 8 % en France. Les CROs étrangères devraient continuer à croître
plus vite que les CROs françaises
(graphique 1). Elles récupèrent en
efet la plus grosse part des marchés
internationaux externalisés par les
laboratoires (notamment les phases
II ou III), du fait de leur présence
mondiale et de leur positionnement
« full service ». Face à elles, les PME
françaises, dont la plupart n’assure
qu’une partie des essais, notamment
les phases précoces (I et IIa) et les
phases tardives, surtout post-AMM,
sont moins performantes. La belle
santé du secteur leur ofre actuellement des opportunités uniques de
développement. n
Valérie Moulle
(1) Contract Research Organisation
ou société de recherche sous contrat –
CRO.
(2) Entre 2005 et 2008, selon Pharmaprojects, la croissance annuelle du
nombre de nouvelles molécules étudiées
en phase I est de 15 %. Elle est de
11 % en phase II et de 9 % en phase III.
(3) « Sociétés de recherche sous contrat
(CROs), défis stratégiques et positionnement des acteurs », Précepta (groupe
Xerfi), octobre 2008.
(4) Centre national de gestion des essais de produits de santé – CeNGEPS.

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