Qui se souvient de la fusillade de la rue d`Isly à Alger le 26 mars 1962

Transcription

Qui se souvient de la fusillade de la rue d`Isly à Alger le 26 mars 1962
Qui se souvient de la fusillade de la rue d’Isly à Alger le
26 mars 1962 ?
Les témoins de cette tragédie sont d'évidence de moins en moins
nombreux et beaucoup ont encore de la pudeur à l'évoquer. Le sujet
reste quasiment tabou et l'histoire attend que les années jettent leur
linceul sur ce crime d’État. Ceux qui revisitent l'histoire et décident du
politiquement incorrect attendent que les derniers survivants
disparaissent pour réécrire l'histoire à leur façon.
Jocelyne Mas fut témoin de cette infamie. Elle l'a relaté dans de
nombreux textes. Chaque année comme d'autres pieds-noirs, elle
souffre en silence et se remémore les faits. Voici ce qu'elle écrit:
"- Quand on pense que c'est après le 19 mars 1962 que les enlèvements
d'européens se sont multipliés, que les attentats, les crimes, se sont fait
journaliers, que le 26 mars 1962 à Alger, rue d'Isly, les gardes mobiles
ont tiré sur la foule de femmes et d'enfants français. Foule qui venait
soutenir les habitants d'un quartier : Bab el oued, encerclé depuis une
semaine, sans vivres, sans médicaments. Qui le sait ? Des Français
tirant sans hésitation, sans sommation sur des Français désarmés,
innocents. Mais qui le sait ? Que les ambulances étaient déjà dans les
rues adjacentes, que les morts ont été ensevelis dans la nuit dans les
cimetières les plus proches. Que c'était un véritable piège. À Oran, il y a
eu des milliers d'enlèvements, d'assassinats. Mais qui le sait ? Que les
troupes de l'ALN vous arrêtaient sur la route, vous assassinaient
uniquement pour vous voler vos bijoux et votre voiture. Et le général
Katz chargé par De Gaulle « de mettre au pas cette population rebelle »,
dans l'hélicoptère survolant ce carnage dit à son pilote qui s'inquiétait :
on ne bouge pas ! Mais qui le sait ? Que les musulmans des campagnes
commençaient à descendre dans les villes pour occuper les
appartements, villas et les magasins des Européens, n'hésitant pas à
égorger ceux qui résistaient. Mais qui le sait ?"
On comprend mieux que les pieds-noirs, même si beaucoup d'entre
votent à droite (il faut dire que l'accueil du maire PS de Marseille, Gaston
Deferre, ne les a pas incité à voter à gauche), qu'ils ne sautent pas de
joie à l'évocation du Général De Gaulle et du gaullisme dont continuent à
se réclamer des politiques à la recherche d'une étiquette qualificative...
Combien d'élus se sentent encore concernés par ce détestable souvenir,
au point même de le commémorer ? La député-maire du Cannet,
Michèle Tabarot est de ceux-là. Chaque année elle rend un hommage
ému aux victimes de la fusillade du 26 mars 1962. Ce sera cette-fois le
vendredi 25 mars à 16 h, Stèle du Souvenir.
Elle est, on le serait à moins, scandalisé par la volonté du chef de l’État
de prendre part aux cérémonies du 19 mars 1962. « Chacun sait - ditelle - que les accords d’Évian et le prétendu cessez-le-feu, n’ont jamais
signifié la fin des combats. Durant les mois qui ont suivi, les Pieds-noirs
et les Harkis ont été lourdement endeuillés. À Oran, rue d'Isly et dans
tant d’autres lieux de sinistre mémoire… Commémorer cette date pour
faire plaisir à quelques associations politisées au mépris de toutes
celles, bien plus nombreuses, qui refusent ce funeste anniversaire est
une insulte à la mémoire des victimes de ce conflit qui s’est soldé par un
lourd abandon. »
Cet acte inédit, jamais vu sous notre République, serait une grave faute
historique mais aussi symbolique, ajoute-t-elle. « Sur le plan symbolique,
le choix du Président de la République du quai Branly pour prononcer
son discours apparaîtrait comme une triste provocation. Ce lieu, voulu
par le président Jacques Chirac pour les cérémonies du 5 décembre, ne
doit pas recevoir la polémique. Il doit rester un symbole fort
d’apaisement et de volonté de tourner une page douloureuse de notre
histoire, sans oubli et sans injustice. Y commémorer le 19 mars 1962
serait une offense de plus à la mémoire des Pieds-noirs et des Harkis
qui, depuis le début de ce quinquennat, ont eu à subir en plus de la
repentance systématique, bien trop de vexations qu’ils ne méritent pas. »
Alain Dartigues
Publié le vendredi 11 mars 2016