Contrat social, déjeuner-débat avec Jean

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Contrat social, déjeuner-débat avec Jean
Contrat-social, déjeuner-débat Jean Marc Daniel, 22 juin 2011
Jean-Marc Daniel (J.-M. D.), président de Contrat social et directeur de la revue Sociétal, a
présenté le 22 juin son dernier livre, « Le Socialisme de l’excellence », un titre qu’il présente
comme un « oxymore gagnant ».
Il dénonce les évolutions récentes du socialisme, qui, à l’origine, ne s’identifiait pas à l’État : il
avait un objectif, faire bénéficier la nation des richesses produites, réduire la pauvreté, et non pas
les inégalités. Mais, pour la Gauche, l’État est devenu une fin en soi, et non plus un moyen.
Pour J.-M. D., la société est le lieu d’un affrontement entre les rentiers et les « talentueux », ceux
qui sont créateurs de richesses. Or c’est, in fine, l’intervention publique qui est créatrice de
rentes. J.-M. Daniel se compare à ce sujet à Fourier, mais ajoute que ce dernier était « fou
furieux ». « Moi, dit-il, je ne suis pas « furieux ».
Au XVIIe siècle, c’est la religion, soutenue par l’État, qui permettait des acquisitions indues de
richesses, comme en témoigne la pièce de Molière, Tartuffe. Aujourd’hui, c’est l’art (puisque
c’est l’État qui dit ce qui est art) et la chicane (générée par la réglementation) qui créent des
revenus indus. S’y ajoutent les revenus liés à la création par les États de plus de signes monétaires
que n’en permet le travail réel.
J.-M. D. aniel ne récuse pas toutes les rentes, certaines sont légitimes, lorsqu’elles permettent à
l’État de lutter contre la pauvreté. Mais sinon, l’État doit encourager la concurrence. Il ne doit
pas se tromper d’adversaire. C’est ainsi que la Commission européenne punit les entreprises qui
ne jouent pas le jeu de la concurrence, au lieu de punir les individus. « Il faut mettre les gens [les
chefs d’entreprise] en prison », mais ne pas pénaliser les entreprises. Il faut supprimer toutes les
fonctions à statut, notamment le statut de la fonction publique, et les numerus clausus. Il faut
mettre les institutions en concurrence, par exemple la Sécurité Sociale.
La dépense de l’État doit être organisée avec un seul projet, lutter contre la pauvreté. Parmi les
outils de cette lutte, il cite un système éducatif efficace. Il cite également une fiscalité qui
cesserait le pénaliser le revenu, donc les talents, et qui serait entièrement « écologique ».
L’État doit aller jusqu’au bout de ses projets, et ne pas faire, comme actuellement du « carpet
bombing avec des pétards ». Parmi ces projets mal ciblés, il cite l’autonomie des universités, qui a
amené l’une d’elle à décerner un master à Mme Ben Ali !
Interrogé sur la réception de ses thèses par le parti socialiste, J.-M. Daniel rappelle qu’il a
commencé sa carrière en « faisant du cabinet à gauche ». Ses amis lui disent : « tu as peut-être
raison, mais il ne faut pas le dire ». Pour sa part, il s’interroge, le PS veut-il vraiment le pouvoir ?
Se met-il en situation de gouverner, alors qu’il continue de tenir un discours keynésien dont il
sait qu’il sera inapplicable dans la conjoncture actuelle ? Il estime que les discours sur « la
concurrence loyale » ne sont que les nouveaux habits du protectionnisme.
II a cette formule : « le but de la société, ce n’est pas le producteur, c’est le consommateur ».
L’État doit laisser le producteur produire, et se soucier du consommateur.
Interrogé sur les dépenses de santé, et le contre-exemple américain, qui prouve que le libéralisme
en la matière aboutit à un renchérissement des coûts pour un résultat médiocre, et à une
judiciarisation des pratiques médicales, il répond qu’il faut « mettre en concurrence les
compagnies d’assurance », qui sauront faire adopter les bonnes pratiques aux médecins, sous
peine de leur retirer leur agrément.
Interrogé sur le rapport entre masse monétaire et inflation, il indique que, dans une prochaine
édition, il musclera cette partie de son raisonnement, qui n’est pas suffisamment précise.
Il ne répond pas à une remarque sur l’inefficacité de la mise en concurrence des établissements
scolaires.
Il plaide pour une transformation de la procédure budgétaire, qui devrait cesser d’être annuelle.
Il estime que l’apurement des comptes de l’État, qui a 890 milliards de dettes, suppose un « effort
partagé », mais dans un contexte de croissance. Le gouvernement qui sortira des urnes l’an
prochain devra réfléchir à la nature et à la fonction de l’État, il aura des décisions à prendre, il
devra ensuite s’y tenir et faire le pari qu’elles apporteront leurs fruits avant la fin de la législature.
Cela suppose des caractères bien trempés, des hommes et des femmes qui assument leurs
convictions, mais c’est ce qu’attendent les Français, assure J.-M. D..
Le débat porte ensuite sur la notion d’attractivité et de compétitivité de l’économie et de la
société françaises, puis sur la difficulté de tracer les frontières entre la rente et la rémunération du
talent, par exemple dans le cas des brevets, ou entre « position dominante » et « abus de position
dominante ».
Il porte aussi sur le rôle des banques centrales. Pour J.-M. D., elles doivent « gérer le temps » et
lutter contre l’inflation, alors que nos sociétés vivent dans l’angoisse. Elles ne doivent pas hésiter
à mettre en faillite une banque privée, mais en sauvant les épargnants, et en jouant leur rôle de
« prêteur en dernier ressort ».
Le débat porte encore sur « la vraie pensée socialiste », qui veut libérer la société de l’angoisse,
mais qui en arrive à une société où tout est assurance. Pour J.-M. D., il faut réintroduire l’idée de
risque.