UR b A i N - Festival Agrirock

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UR b A i N - Festival Agrirock
septembre 2015 | vol. 18 - no. 10 | 4,00$
Je pense, donc je nuis
Le coin de... GATNO
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Le Couac
Amnésie internationale...
Ils ont osé !
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Pourquoi je poursuis
la Biennale de Montréal
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DA DOU DRONE DRONE
(La clef USB étant très abîmée, voici les segments les
plus explicites que Le COUAC a pu tirer de ce document.)
…
M
esdames et messieurs, la meilleure façon, non la façon la plus rapide et la plus
économique, c’est d’avoir
des révoltés locaux qu’on contrôle avec
des drones. Le prochain pouvoir sur le
monde c’est celui du contrôle des drones.
Tout le monde ici sait très bien que
pour contrôler un pays sans piloter ses
dirigeants naturels ou quand les dirigeants ne sont pas «pilotables» il faut
l’occuper le pays, mais pour occuper le
pays ça prend des hommes, des armes,
de la logistique compliquée, ça coûte
cher, très cher, en argent et en hommes.
Alors qu’avec des «locaux-contren’importe-quoi» à qui on fournit d’une
part des armes, des explosifs, tout le
tralala militaire, on épargne sur la logistique des troupes (ils sont déjà sur place
et s’ils n’y sont pas, ils savent très bien
comment y aller) mais aussi et surtout,
on leur fournit l’information et l’intelligence, si vous voyez ce que je veux dire.
Et comment on l’a eue nous, cette information sur l’endroit précis où se trouve leur ennemi, hein? Je vous le donne en… (incompréhensible) on
l’a obtenue, avec nos drones qui peuvent se «tagguer»,
même à 20 km (demandez nos drones réseautés), sur
un individu désigné, 24h tout le temps.
C’est bien beau, me direz-vous, mais les locaux,
comment les contrôlez-vous, les «locaux»? Avec
des drones encore, des drones d’information envoyée à nos alliés, des lignes de communication, et
en cas d’erreur, par exemple erreur de déplacement
des troupes ou des armements, ou de redistribution
des richesses naturelles à un tiers, ou quelque autre
trouble – ne parlons même pas de sécurité ici…
– De direction, des directives de directions, des
déplacements de matériels ou d’hommes dans des
directions qui ne seraient pas appropriées à notre
stratégie.
– En somme ce que vous semblez dire, c’est «Pas
de drone pas d’avenir».
– Exactement.
…
– Politique, quelle politique, dans
le monde libre il n’y a pas de politique,
seulement des «policies», et les policies
sont commandées par la «national security», nous n’avons pas le choix, pour
la sécurité du monde libre, nous devons
asservir le monde, et quand je dis le
monde, c’est le monde au complet. Le
monde libre ne pourra exister qu’à partir du moment où il sera complet, planétaire, unique et unifié pour la liberté et
la démocratie.
…
Voix irritée
Contrôle humain
– Les drones d’information sont effectivement
équipés de mitrailleuses et peuvent l’être de roquettes. Ils peuvent donner un coup de main, à l’occasion, à des locaux qui seraient «mal pris» ou qui
n’auraient pas tout à fait compris nos directives.
– Comme…?
Ode au Pêcheur
– mais ça c’est la vision d’avenir à laquelle je ne veux pas penser: des drones
connectés entre eux par internet, et qui
seraient contrôlés par des «intérêts écologiques», non, quelle horreur…
…
- nous sommes absolument contre les robots-militaires, nos drones sont toujours sous contrôle humain.
(Manifestement enregistré lors d’une session de
vente-discussion-focus-group-genre…)
Jan Dark
U r b a i n
Tsé, aussi loin qu’toé.
Malgré les boules, malgré la noune,
Mon ver de terre flotte proche du tien.
Ô toi, pêcheur urbain,
Toi qui affrontes les éléments,
Le chaud, le frette,
Le vent, la pluie,
Dans les grosses roches, entre les touristes,
Toi t’as compris.
Toi t’as compris combien c’tait l’fun
De voir ta canne faire touk-touk-touk,
Ferrer, tirer et pis ram’ner
Un p’tit, un gros ou bien une pelle.
Y s’passe toujours de quoi à pêche.
Des fois grisant,
D’autres fois sacrant,
Mais jamais, jamais emmerdant.
Et pis au pire y’a le soleil,
Pis les bateaux pis les oiseaux.
Pis quand c’est platte y’arrive de quoi
Pour t’faire écarquiller les yeux.
Ces histoires-là c’est les meilleures.
Comme c’te fois-là où t’as pogné
Une autoroute ou ben un pont,
Une bouée ou un voilier.
Un pélican drette dans ta face
Qui t’pique un doré qui mordait pas,
Parce qu’y’était là drette en surface.
Ou un héron qui s’est parqué à quarante pieds
pis qui t’observe
Pendant quatre heures.
Le phoque qui vient scrapper ta pêche,
Ou le huard ou les canards
Qui viennent te compétitionner
Et pis plonger en avant d’toé.
Si t’es chanceux t’vas même pouvoir,
Une fois par ci une fois par là,
Te battre pour vrai avec une truite,
Un esturgeon ou un crapet,
Cent mille barbues, des p’tits gobies,
Des achigans pis des muskys.
Ô toi, pêcheur urbain,
Lâche pas.
Rosette Mariette Matapalimatou
Mulcair contre
le pipe-line?
Voyons donc…
10
Ô toi, pêcheur urbain,
Tu me fascines.
Toi qui es smatte ou bien crétin,
Ou bien douchebag ou bien taquin,
Tu es fabuleux.
Le bord de l’eau, le d’ssous du pont,
la baie de ci, le quai de ça,
Échantillon d’humanité.
Des fois je t’aime,
Des fois j’t’intriguée,
Pis des fois j’aurais le goût de t’fesser.
Tout comme dans file à l’épicerie,
T’es comme un concentré
De tout c’qu’on r’trouve quand on s’coltine
À chaque humain au coin d’la rue.
Des fois tu jases,
Des fois tu t’tais,
Des fois t’aurais mieux fait d’te taire.
Des fois tu crisses ta ligne dans mienne,
Parc’tu commences ou par malchance,
Mais des fois rien qu’par arrogance.
Des fois j’m’en fous ou j’trouve ça drôle,
Ou bien j’te jambetterais dans l’fleuve,
Rien que pour voir si tu mordrais
Sur le vivant que tu viens d’mettre
Sur ta grosse canne à cin’cent piasses.
La troisième ligne qu’tu tires dans l’eau,
En éventail pour prendre d’la place,
Pour essayer de m’écoeurer
Pour j’crisse mon camp parc’j’ai pu d’spot.
Des fois tu m’traites comme une débile
Parce qu’un m’ment’nné t’as remarqué
Que la nature m’avait dotée
D’une paire de seins pis d’un vagin.
Ô toi, pêcheur machiste
Ou misogyne ou juste sexiste,
Va chier.
Mon noeud va t’nir, y’ont toute tenu
Les trois cent fois que mon ham’çon
A revolé à deux cent pieds,
Quand de tes yeux éberlués
Tu me r’gardais swigner ma canne,
Garrocher ma ligne loin.
Ben loin.
Ben, ben loin.
L’auteure, bouche bée d’un gobie.
2
Le Couac | sept 2015
MARCHE CONTRE LES
courrier
VIOLENCES
MASCULINES ROCK DE
J
usqu’à présent cette année 32 femmes et
sept enfants ont été tuées en Catalogne en
raison de la violence masculine. C’est intolérable. On ne peut parler de véritables droits ou
d’égalité tandis que cet été, tous les trois jours,
une femme est tuée par son partenaire ou son
ex-conjoint. Cuenca, Marina et Laura sont les
dernières victimes en liste des auteurs de cette
violence coupable, mais qui a aussi trop de complices.
Les complices sont les institutions qui traitent
de la question comme quelque chose d’«inévitable» dans notre société. Les médias sont
complices qui traitent ce terrorisme contre les
femmes comme un «événement», et non pas
comme une attaque. Le pouvoir judiciaire est
complice dans toute sa structure patriarcale, une
structure qui juge encore des femmes plus que
leurs assassins. La complicité tient au fait que
les femmes qui souffrent de ce processus de violence doivent y faire face sans protection policière, sans ressources publiques réelles.
En Catalogne, mais ce n’est certainement
pas différent du reste du pays, seulement 37
femmes sur 100 se voient accorder une ordonnance de protection quand elles la demandent.
Au contraire, les tribunaux continuent à accorder la garde des enfants aux pères agresseurs,
les mêmes qui utilisent ensuite ces enfants pour
poursuivre leur violence envers les femmes, dont
ils en viennent même parfois à tuer les enfants.
Le sauvetage des banques et des banquiers
par l’imposition de l’austérité politique a sérieu-
sement aggravé la situation, avec la réduction de
droits et de services créés pour assurer en particulier que les femmes ne soient pas soumises
à ces colères de l’homme. On retire une aide
essentielle, des refuges sont fermés, on prive
de financement des organisations et associations oeuvrant pour les droits des femmes. Sans
remonter plus avant, il y a une ressource de la
Communauté de Madrid, le Conseil consultatif
des femmes, qui a été éliminée pour «raisons
budgétaires» par le gouvernement du Parti populaire dirigé par Esperanza Aguirre.
En bref, sauf en de rares occasions, il n’y a
aucune aide pour les femmes. Pas d’argent, pas
de logement, pas d’assistance pour les enfants.
On refuse d’appliquer la loi organique relative
aux mesures de protection intégrale contre la
violence de genre, pourtant adoptée en 2004 par
consensus de tous les groupes. Des ressources
efficaces et adéquates sont nécessaires contre la
violence sexiste, en appui à sa prévention et en
appui à la pleine égalité pour les femmes.
Par conséquent, le mouvement féministe appelle la société espagnole dans son ensemble à
descendre dans la rue le 7 novembre. Il est temps
que vous fassiez un pas en avant dans le mouvement. Remplissez les rues.
Pas une agression de plus contre les femmes!
ACCIóN FEMINISTA 26-N
Lancement de la session
automne 2015 de l’UPop
CULTURE !!!
L
e Festival Agrirock remet ça… Jamais deux
sans trois! Pour une troisième année, du 24 au
27 septembre cette organisation bénévole et
allumée nous convie à St-Hyacinthe pour cet évènement qui croise rock et art. La programmation musicale a quelque chose de très conséquent en sortant
des quelques mêmes groupes du réseau habituel des
festivals et du circuit régulier un peu trop restrictif…
Si des noms de groupes tels Canailles, We Are Wolves, Chocolat sont bien connus et constitueront la
charrue devant les boeufs, il n’en demeure pas moins
que de nombreuses découvertes sont proposées aux
mélomanes et esprit festifs : Mon doux saigneur –
un folk alternatif aux textes empreints d’urbanité,
Oktopult – un vivifiant duo batterie guitare chevauchant rock et punk, L’Algorythme – un hip-hop
francophone à saveur expérimentale et populaire
iconoclaste, Santosh Lalonde (Bad Uncle) pour un
folk aussi sombre que bien crotté et ainsi de suite…
Dans un coin de pays voué à l’agriculture, cela
tombait sous le sens de rajouter un supplément de
culture à la programmation de musique qualifiée
d’émergente (une vingtaine de groupes au total) : exposition en arts visuels, après-midi littéraire, théâtre,
performance et informations citoyennes, etc. Les
organisateurs nous assurent que la région aurait été
considérée, à une certaine époque, comme le Liverpool du Québec! Hors de Montréal et dans une
ambiance pour le moins bucolique, l’invitation a son
côté attractif. Il y a même l’autobus 200 qui part du
métro Longueuil – Université Sherbrooke pour aller
là –bas. (http://festivalagrirock.com/ )
Ramon Vitesse
Pirate & Libre! sur CKUT 90,3 FM
www.ckut.ca
le mardi 15 septembre à
La Vitrola
4602 St-Laurent, dès 19h
*** INTERPRÈTES LSQ SUR PLACE! ***
Placée sous le signe du thème de cette année: “Soigne ta gauche”, la soirée s’ouvrira sur des
interventions de Vivian Labrie, chercheure et conteuse, et de Fred Dubé, humoriste, qui vous
entretiendront avec esprit et humour d’austérité, d’hydrocarbures et autres sujets qui nous font
dire, à l’UPop, qu’il est venu le temps d’entrer dans le ring.
Suivront le dévoilement des cours que l’UPop vous réserve cette session ainsi qu’une soirée de
danse festive.
CO UR RIER
Bonjour!
Ça faisait des années que je n’avais plus la possibilité d’obtenir Le COUAC dans ma petite ville où les
enveloppes brunes font beaucoup de brume pendant
que les citoyens aux yeux fermés dorment paisiblement sur leurs lits de mort à demeurer des demeurés sclérosés dans leur cécité qui est une nécessité du
quotidien qui ne rapporte rien dans le vide sidéral et
intestinal de ne se contenter que de la marde.
Un ami m’a laissé en ce samedi soir une copie de
votre dernière parution pour éclairer ma soirée de
viande sur l’os que mes dents bien aiguisées ont savourée à me remplir l’estomac cervical de nos vies si
banales et nolisées à ne plus savoir voler pour rêver
et se révolter contre les multiformes du genre Coderre qui me tape royalement sur les nerfs.
Alors si vous voulez de ma plume pour déplumer
les poulets, je serai volontiers un patient bien mal
élevé à décrire notre triste réalité. Il y a quelques années j’écrivais sur le net pour un groupe Punk rock
«Fed up» sous la rubrique «Le quilleur pudique» que
Le Couac recrute
Vous êtes un·e journaliste ambitieux·se et
désirez faire valoir un point de vue objectif sur
l’état du monde ? Allez vous faire voir... Pour
les autres, ceux et celles qui veulent écrire afin
de dénoncer la bêtise humaine, la stupidité
de notre élite, les privilèges des riches et des
puissants, Le Couac attend avec fébrilité votre
prochaine contribution.
Nous privilégions les textes courts (moins de
500 mots) et satiriques. Envoyez-nous vos
textes ou illustrations avant le 18 septembre
à [email protected], en indiquant bien vos
nom, adresse courriel, numéro de téléphone
et suggestion de titre. Tout texte peut être
révisé ou écourté, au besoin.
En plus de nouvelles plumes nous sommes
en quête de nouveaux co-coordonnateurs
bénévoles pour faire ce gratifiant boulot.
Notre routine de collecte, lecture et révision
de textes est aujourd’hui bien rodée et on
vous aidera. Écrivez ou appelez-nous pour en
savoir plus.
vous trouverez sans doute par le truchement d’un
moteur de recherche.
Même à 61 ans je ne suis pas mort mais vivant.
Jean Lozeau
...
Marx et la crise du monde moderne
L’autre jour en cours de socio, le prof nous a dit
que la société est divisée en classes sociales. Ces
classes ne se voient pas au niveau de l’individu.e,
mais plutôt de la société.
Même si j’ai tendance à me méfier des discours
dominants, j’ai décidé d’aller enquêter par moi-même
au niveau de cette question pour mon examen. Eh
bien, figurez-vous que je suis tombé sur un Monsieur
qu’on appelle Marx. Encore un mâle blanc hétérodominant, me direz-vous. Oui! Mais regardons un peu
quand même ce qu’il avait à dire.
À l’époque, la société traversait de nombreuses
Fondé en 1997 par Pierre de Bellefeuille et Jean-François Nadeau.
COORDINATION Any-Pier Dionne, Martin Dufresne.
RÉDACTION Acción Féminista, François Cavaillès, Jan Dark, AnyPierre Dionne, Isabelle Doutreloux, Martin Dufresne, Dror, Nadim Paul
Fares, Thomas Ferreuil, Jean-Martin Fortier, Isabelle Hayeur, La Juge Hot,
Katia Juhasz , Jean Lozeau, Rosette Mariette Matapalimatou, Joanne
Morin, Shanie Roy, Rosemarie Séguin-Lamarche,Valentin Tardi, Ramon
Vitesse, Bronwyn Winter, Suzanne Zaccour.
RÉVISION Any-Pier Dionne, Martin Dufresne
ILLUSTRATIONS Ressources Prostitution, Katia Juhasz, Parents
contre l’Austérité, Ramon Vitesse
mutations en termes d’organisation sociale, et de production. Elle était alors comme un arbre qui change
de feuilles en automne au terme de l’été, mais à la
différence étant qu’il ne s’agissait pas de feuilles mais
d’organisation de la production. Les ouvriers.ères
sont apparu-e-s et ont remplacé les paysan.ne.s dans
les villes, véritables champignons de misère poussant
sur le terreau de l’exploitation du prolétariat. Voilà
bien une image choquante de celles et ceux qui nous
disent que le capitalisme est un bien pour la société!
Aujourd’hui encore le monde est rempli de classes
sociales, à ce qu’il semble. D’un côté nous avons les
exploiteurs qui ne pensent qu’à se remplir les poches
de cash comme un puits sans fond dont la soif est
infinie, et d’autre part, il y a les exploité.e.s comme
des pions de l’échiquier au bord de la route.
Et, ça c’est une clef très utile pour lire le monde.
J’ai eu C+ à mon examen.
Salop de prof.
Thomas Ferreuil
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ISSN 1480–2074 • No de publication (Poste Canada) 1213369
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L’HOMME AU MARTEAU-PIQUEUR
Le Couac | sept 2015
3
D
e ce gros titre on ne peut que retenir un nom,
une figure populaire de la masturbation intellectuelle digne des plus moches nouvelles.
Si une photo vaut mille mots, le Maire de Montréal
à l’opposé dans son originalité fait mille photos pour
un seul mot: GROS! – ou BIG! pour respecter le caractère francophone en régression dans sa ville. En
fait le nouveau «slow gant» de ce ventre de fer dans
une gaine de velour, c’est: «Qui veut bâtir un toit se
doit de passer par moi». En fait le «moi» du stade,
c’est lui.
Bien sûr les retours d’ascenseurs sont plus nombreux avec Denis que le funiculaire du mât du stade,
qui n’a rien de comparable avec cette parade sans fin
de ses gestes posés pour affirmer sa souvraineté bidon, à vouloir même illuminer le pont Jacques-Cartier pour colmater les brèches des chevaux et de
leurs calèches. Lui qui se fait le messager de Poste
Canada dans son costume de «Denis le builder buldozer», marteau-piqueur bien emmanché, pour faire
semblant de ne pas couler à pic dans la destruction
inutile de blocs de ciment pour montrer sa désapprobation au fédéral comme de raison.
tiroir de nos bijoux que l’on ne veut pas se voir dans
le cou. Même que son ami Gilbert Rozon, dit «La
risée de toute une génération», était d’accord avec
cette idée de protection du territoire envahi sous de
fausses représentations.
Après tout, le scandale des commandites avait
fait son oeuvre avec les postes stratégiques détenus
par les fédéralistes qui en jouant du théâtre feraient
tomber le rideau sur la dernière scène de nos idéaux.
Que de protéger un Québec fort dans un Canada
Lève-toi et Mars!
Mais il sait se tenir debout devant l’envahisseur
central pour préserver le côté patrimonial de notre
caractère distinct sans que personne ne se soucie du
lendemain. Tel Dollard-des-Ormeaux en barricades
et pétarades dans un feu d’artifice en sacrifice pour
les Québécois à ériger des toits pour le tennis, le
baseball et autres sports lucratifs comme la prostitution de nos institutions. Denis était choqué de ne
pas voir sa statue érigée un peu partout perpétuer le
doux souvenir de son passage dans notre avenir collectif comme un simple pendentif à oublier dans le
GATNO
P
Graffiti marseillais
cessibilité aux services. La preuve que les Gatinois
ne sont pas corrompus par des promesses de politiciens véreux, nous votons pour eux sans attendre
quoi que ce soit, absolument rien en retour. J’en veux
également pour preuves, les techniciens paramédicaux ambulanciers ottaviens7 venant en renfort nous
décoller de la sfatt, pas de radio de chansons franco-acoustiques, et que le Pontiac est la région la plus
pauvre du Québec8. Non, ce ne sont pas les gens les
moins instruits qui votent libéral.
Nos immigrants sont semblables aux vôtres, mais
nous avons l’excuse que notre lieu de travail soit l’Ontario pour leur imposer l’anglais comme langue de
travail. Nous sommes donc en mesure de répondre
«Merci patron, merci patron quel plaisir de travailler
pour vous» dans la langue de l’Anglais; Shakespeare
ou un autre9, tel que recommandé par monsieur
Couillard. C’est de leur voir la tête aux Africains
quand on leur dit qu’en plus à avoir à refaire leurs
études, parce que leur diplôme n’est pas reconnu, ils
doivent également apprendre l’anglais.
Selon une étude récente10, c’est à Gatineau que les
femmes sont le mieux traitées au Québec. Et bien, ce
n’est pas demain la veille que les Gatinoises vont brûler leur harnais à seins et ce malgré l’excellent article
de Rosemary Westwood11 du Metro Ottawa paru le
25 mai dernier sur la honte d’avoir des mamelons qui
transparaissent. (Article que vous devriez aller lire de
ce pas, écrit par une vraie journaliste!) Si le mamelon
est ignominieux, le sein ne l’est pas moins : l’allaitant,
rononcé à l’anglaise, le «i» est presque inaudible. Nous n’en sommes pas entourés, nous
en sommes tout imprégnés. Je fais référence
à l’Anglais, les autres sujets britanniques canadiens.
À Gatno la police est longtemps, souvent, énormément en moyens de pression1 mais pas les incarcérés. Le syndicat du crime ne fait pas la collecte des
cotisations et les conditions de détention semblent
toujours trop douces2 à certains d’entre nous qui
pouvons jeter la première pierre et qui avons en permanence, l’autre joue tendue. Soyons magnanimes et
agissons en pionniers pour suivre les enseignements
d’Albert Jacquard3; (dont le nom n’a pas été retenu lors du dernier changement toponymique pour
cause d’adresses nazies)4 et remplaçons le système
actuel d’enfermement même pas digne du MoyenÂge, puisque la prison n’était qu’un sursis à la mort
par torture ou par galère à cette époque par un système civilisé.
Gatineau, dortoir de René, non pas Hull, mais
Gatineau puisque si je dois mentionner Hull je devrai mentionner Masson-Angers, Buckingham et la
rancunière Aylmer également (rancunière depuis les
fusions de 2002)… Dortoir de René, écrivais-je donc,
alors qu’il se faisait poignarder métaphoriquement,
en notre nom, pendant la Nuit des Longs Couteaux.
À Gatineau, on n’aime pas les piétons.
Avec l’autorisation au virage à droite sur le
feu rouge vous répondrez que les piétons ne
sont aimés de personne, mais ici les autos
ne font pas leur arrêt obligatoire avant de
procéder. Vous persisterez en disant que
ce n’est pas typiquement gatinois, eh bien,
ici l’anti-piétonnisme est inscrit dans le
paysage; la plupart des artères principales
ne sont pas bordées de trottoirs de chaque
côté. Vous vous obstinerez en vous essayant
qu’à St-Jean-Baptiste-du-Lac-d’eau-à-bénir,
il n’y a pas de trottoir non plus. Eh bien,
Gatineau est la quatrième ville d’importance en quelque chose et il appert que ça
devrait paraître dans le respect du piéton;
qui constitue le quelque chose.
En Outaouais, incluant cette fois-ci la
franco-Ontarie, que de régionalismes savoureux5, toutes les tailles de serviettes de
Les Mustangs chausseront-ils un jour les patins des Hansons?
bain sont nommées essuie-main. Ici, on ne klaxonne
pas, on toote de la horn. Et après avoir tooté de la le faux, le flasque et le libre. Le libre-triomphe de la
horn, peut-être, je ne vous le souhaite pas, mais peut- femme vivant dans la pauvreté sans avoir à s’acheter
être vous ferez-vous lutter par un char. Et si vous d’onéreux stabilisateurs de seins. S’il est plus difficile
n’avez pas été emporté par le fuck you divin, il pour- d’occulter dans le regard de l’autre des seins qui s’épirait vous arriver également de composer le méchant vardent, rappelez-vous que si vous l’aimeriez tant
numéro, traduisez et voyez que ça fait pas de sens en votre nœud de pendu thoracique, vous dormiriez
anglais non plus et pas faire de sens n’est pas le seul avec. (phrase finite avec une préposition)
bon mot radio-canadien qui ne vient pas d’ici, il y
Toujours dans le domaine du soyeux, notre
a l’infâme coup de barre6, jamais employé correcte- maire a une face de bébé barbu, mais il n’est point
ment. Oui, j’en passe et des meilleures.
grotesque, obscène ni vulgaire. Tant pis pour vous.
En Gatineau, on vote libéral depuis avant Jé- Son arrivée au pouvoir coïncide avec un déluge de
sus-crie parce que si on se sépare du Canada nous plaintes relativement à l’avènement du Rapibus; pane perdrons pas seulement nos jobs de fonction- rodie du très efficace Transitway ottavien. Citons
naires, entre autres, puisque l’ouvrage en général est le chauffeur inconnu entendu par hasard : «Si vous
de l’autre côté de la rivière, mais également notre êtes pressé monsieur, ne prenez pas le transport en
système de santé ontarien. Nous, Gatinois, avons la commun!» et remplaçons Société de Transport de
santé de nos familles à cœur c’est pour cela que nous l’Outaouais par Siteseeing Tours de l’Outaouais; aniprivilégions des temps d’attente raisonnables et l’ac- mateur en moins.
d’États-Unis contre la guerre des étoiles annoncée à
coups de circuits de la «Baseball Major League» dans
le losange des Bermudes du Maire Coderre ne ferait
qu’augmenter l’écart entre la richesse et la pauvreté et
des spectateurs qui devraient se contenter de regarder la parade passer au lieu de se débarrasser du pain
et des jeux pour enfin passer aux aveux.
Le sexe, drogue et rock and dogme prenaient place
sur le terrain foulé par l’argent pour plaire aux plus
truands. Associé à son compagnon de route, le maire
Labeaume embaumé dans ses projets aussi inutiles
que des navets à faire progresser notre monde à creuser plus profond notre tombe. Tout ce qui n’a pas de
mémoire finit de l’autre côté du miroir. Et c’est ce que
Coderre tente de faire en noyant tous les poissons
dans l’exploitation du multiculturalisme à outrance
dans cette prostitution d’une foire aux larrons. Lui
qui est né sous une bonne étoile dans son langage
coloré «Ovni ment qui mal y pense» qui fait de lui
un extra-terrestre, un lutin qui se transforme en véritable putain en laissant les trous des rues de sa ville
devenir des torpilles à faire exploser les pneus et les
suspensions comme belle manière d’oppression en
gaspillant les fonds publics pour les mêmes poches
encore plus proches.
Ce sera merveilleux de fêter le 375ième anniversaire de Montréal dans des dépenses fastes à graisser
des pattes pendant que des enfants affamés se battront dans la rue à trouver un peu de respect dans
les gangs de rue. C’est un Jean Drapeau des temps
modernes que Denis Coderre s’expose à imiter en
maquillant la vérité de sa ville prise de pauvreté.
C’est dans les grands évènements qu’on reconnait
les petites gens.
Jean Lozeau
Pour conclure, mentionnons Jos Montferrand12,
célèbre Gatinois d’obscure origine et casseur renommé d’Anglais (preuve qu’une pomme peut non
seulement tomber à des kilomètres de l’arbre mais
également se chier dessus). Le palais de justice de
Gatineau qui porte son nom n’est pas sur le terrain de
la Commission de la Capitale Nationale qui, comme
le Vatican ou le Labrador, siège sur une terre qui n’est
en apparence pas la sienne, et l’explication de ce phénomène ne sera pas abordée dans une autre chronique non plus.
Il ne faut pas oublier de mentionner le vaste et
très magnifique parc de la Gatineau. C’est fait.
Texte et illustration de notre caricaturiste
hors résidence, Katia JUHASZ
1- http://cobp.resist.ca/documentation/brutalit-polici-re-contre-un-itin-rant-gatineau
2- http://www.lemonde.fr/societe/article/2006/01/25/des-detenus-signent-une-petitionpour-le-retablissement-de-la-peine-de-mort-enfrance_734541_3224.html\
3- Un monde sans prison?, Albert Jacquard, Hélène
Amblard, Éditions Point Virgule, 1993.
4- http://www.lapresse.ca/le-droit/actualites/villede-gatineau/201505/22/01-4871888-attaches-a-leurnom-de-rue-nazi.php
5- Petit lexique outaouais, Tourisme Outaouais,
http://www.tourismeoutaouais.com/
blogue/petit-lexique-outaouais/
6- http://ici.radio-canada.ca/regions/
quebec/2015/07/06/007-carnaval-plan-relance-deficit-achalandage.
shtml
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/
politique/2015/06/19/001-quebec-martin-coiteux-technologie-information-conseil-tresor.shtml
http://ici.radio-canada.ca/breve/19104/
ti-un-coup-barre-encore-plus-grand
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/
Politique/2007/10/03/005-Dion-Tourmente.shtml
http://www.lapresse.ca/le-soleil/
actualites/justice-et-faits-divers/201505/06/01-4867516-18-ans-deprison-pour-avoir-battu-sa-copine-acoups-de-collier.php
7- http://www.cbc.ca/news/canada/ottawa/gatineau-to-hit-limit-for-help-from-ottawa-paramedics-1.1223115
8- http://www.tvagatineau.ca/articles/20130607133725/mrc_pontiac_toujours_
plus_pauvre_quebec.html
9- http://ici.radio-canada.ca/sujet/elections-quebec-2014/2014/03/29/013-philippe-couillard-langue-francaise-enseignement-anglais.shtml
10- http://www.lapresse.ca/le-droit/actualites/
sante/201507/15/01-4885728-bien-etre-desfemmes-gatineau-loin-devant-ottawa.php
11- http://issuu.com/metro_canada/
docs/20150525_ca_ottawa
12- http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-670/Jos_Montferrand,_figure_l%C3%A9gendaire_de_l%E2%80%99Outaouais.html#.VdNZSfl_
NHw
vie en ville
TOUT CE QUI N’A PAS DE MÉMOIRE
FINIT DE L’AUTRE CÔTÉ DU MIROIR
international
4
Le Couac | sept 2015
GÂCHIS AU LIBAN...
ET AILLEURS !
L
e weekend end dernier, au Liban, des manifestations ont éclaté à cause d’un problème d’ordures. Pendant des semaines, les déchets et les
ordures s’accumulaient dans toutes les villes, y compris Beirut, la capitale. Mais il faut savoir que ce n’est
que la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le Liban,
c’est un pays de 7 millions d’habitants où l’État ne
fournit eau (non potable d’ailleurs) et électricité que
quelques heures par jour! C’est un pays où les égouts
et les usines contaminent les nappes phréatiques et la
mer! C’est un pays où construire de hautes tours au
bord de la plage est permis pour les riches, ruinant
le paysage pour des milliers d’autres habitants moins
fortunés! C’est un pays touristique qui a accueilli
deux millions de réfugiés syriens!
En fait, le problème d’ordures est un problème
«d’ordures» politiques avant tout. Ces élus et ces familles au pouvoir depuis de décennies ressemblent
plus à des dynasties d’aristocrates et pourrissent sur
leurs sièges (les Jumblatt, les Gemayel, les Hariri).
Le système politique est construit sur le clientélisme, ce qui ne permet aucun accord au parlement
sur les grandes questions de la nation. Il va bientôt
faire deux ans que le Liban n’a pas de président, faute
d’entente au parlement, alors qu’il revient aux élus
du peuple de ce pays de choisir le gouvernement et
le président. La question des réfugiés est exploitée,
tantôt par des politiciens incitant (sans scrupule) la
xénophobie pour gagner des points en popularité
auprès de l’opinion publique, tantôt par des commerçants qui doublent leurs prix en sachant que ces
repas sont payés par les organes de l’ONU pour des
réfugiés. Autant de raisons pour que la foule s’enflamme.
«Sortez les poubelles!»
Ne voit-on pas, aussi, une autre odeur nauséabonde se répandre au Québec et au Canada? Ces
routes en rénovation éternelle… Ce système de santé
inefficace où la patientèle attend d’être à deux doigts
de mourir pour espérer être soignée aux urgences.
Ces infirmières qui ont de plus en plus de tâches
mais qui pour l’instant touchent manifestement le
même salaire1. Ces coupes dans les budgets essentiels des services publics2. Ce conseiller municipal de
Toronto qui a fait campagne à la place de son frère,
maire sortant. Ce projet d’oléoduc venu des sables
bitumineux qui reliera le Canada aux États-Unis, au
risque de conséquences écologiques désastreuses et
déjà avérées3. Ça commence à puer, tout ça.
J’espère qu’un jour l’odeur du cèdre, emblème du
Liban, remplacera l’odeur des “ordures”, et que celle
de l’érable ne se gâtera jamais.
Nadim Paul Fares
1- http://www.ledevoir.com/societe/sante/428518/
les-infirmieres-investies-de-nouveaux-pouvoirs
2- http://www.ledevoir.com/politique/quebec/410145/budget-leitao-regime-minceur-a-quebec
3- http://ici.radio-canada.ca/emissions/l_actuel/2014-2015/chronique.asp?idChronique=346132
AMNÉSIE INTERNATIONALE
ILS ONT OSÉ !
L’été a été show.
S
cotchés devant nos écrans, nous avons vu
fondre comme crèmaglace au soleil l’illusion
rassurante que le racisme et le sexisme étaient
chose du passé – même si on en avait beaucoup parlé…
Pendant que les mosquées brûlaient en France
et que les flics américains abattaient impunément
un Noir désarmé par jour sous n’importe quel prétexte, Amnesty International, l’apôtre de la bonne
conscience occidentale, revenait à la charge dans le
dossier de la prostitution.
Insatisfaits d’un sondage mondial qui avait rejeté
ce projet par une forte majorité l’an dernier, les leaders masculins d’Amnesty ont forcé l’adoption, en
août à Dublin, d’une résolution de décriminalisation
des proprios de bordels, des proxénètes et des acheteurs de sexe, «pour le bien des femmes». Douglas
Fox, un célèbre copropriétaire d’agences d’escorte du
nord de l’Angleterre, se vante d’être l’un des auteurs
du document voté par Amnesty.
«Mais moi, c’est pour les travailleuses du sexe…?»
Il faut savoir que «l’industrie du sexe» utilise les
femmes comme boucliers humains dans sa propagande. Mais en lisant la résolution adoptée, on
constate que les femmes devront passer leur tour
pour ce qui est de la full-décriminalisation réclamée.
Amnesty reconnaît en effet aux municipalités le droit
de les arrêter. «Désolés, chérie, c’est ton acheteur et
ton boss qu’on protège…»
Les donateurs individuels d’Amnesty ne se doutaient certainement pas que leur argent allait financer la défense de pimps et de bordels. Il s’est publié
depuis deux ans une vague énorme de textes d’opinion critiques d’Amnesty. Et, depuis le vote de Dublin, des illustrations irrévérentes détournent le logo
et la pub de la vénérable organisation (http://on.fb.
me/1LMSant).
Alors que le 6 juillet on croyait au cocktail ouzo-champagne, le 14 juillet on se relève avec une
gueule de bois qui n’est pas due au bal des pompiers
de la veille...
es informations de Grèce sont déprimantes
et décourageantes, tristes pour la Grèce et
tristes pour les peuples du monde entier qui
se font battre, écraser, voler, humilier et ruiner par
les banques. Le message est clair : inutile qu’ils se rebellent, ou même qu’ils en rêvent.
Pourtant, le rêve européen, et l’Euro en particulier, avaient été présentés comme un engagement de
solidarité entre pays européens, où les pays les plus
riches aideraient les pays plus pauvres à s’en sortir.
Dès le début, on pouvait questionner la moralité
d’un projet destiné à n’aider que des pays de l’hémisphère nord, en exploitant le tiers-monde et en laissant mourir les migrants à ses portes fermées. Mais
aujourd’hui l’Euro est utilisé pour attacher les mains
et enfermer les pauvres, même européens, sous la
coupe des banques.
Pour certains, ils reconnaissent que l’Europe
prend un mauvais chemin, trop capitaliste, trop à
droite, mais ils espèrent que c’est circonstanciel, et
qu’il ne tient qu’à nous de la faire changer de chemin.
Autrement dit, un jour peut-être, si la majorité le décide, l’Europe sera sociale et solidaire, inch’allah.
Ce rêve européen, j’y ai cru... Mais le non au référendum de 2005 sur le traité européen qui, comme
celui de la Grèce, a été démocratiquement gagné, fut
autoritairement refusé par les dirigeants et les banquiers européens. Cela nous a appris que, le jour où
l’Europe prendrait un virage «à gauche», on casserait
les élections et, au besoin, on enverrait l’armée.
Comme l’écrivait Paul Krugman en juillet: «Quelle
que soit l’opinion que l’on peut avoir de Syriza ou de
la Grèce, ce ne sont pas les Grecs ou Syriza qui ont
ruiné le rêve d’une Europe démocratique et unie.»
Si tant est qu’il ait jamais existé, le rêve européen
est mort. L’Europe a, dans son ADN, un gouvernement impérialiste, dirigé par les banques et contre les
peuples.
Peut-on encore croire à une quelconque utilité
positive à l’Euro, à l’Europe, voire à la démocratie?
J’en doute de plus en plus…
L
Des dizaines de milliers de signataires ont aligné
leurs noms sur des pétitions aux côtés non seulement de féministes, d’Autochtones, de journalistes
et de chercheur.e.s, mais de célébrités comme Meryl
Streep, Margaret Atwood, l’ex-président Jimmy Carter, les FEMEN, le rédac-chef de Charlie Hebdo et
la ministre suédoise des Affaires étrangères. (http:// Dror
RessourcesProstitution.wordpress.com)
(Aussi publié dans Le Psikopat, septembre 2015)
Cette indignation internationale pèsera-t-elle
plus lourd que le soutien discret au lobby pro-prostitution de multimilliardaires comme Pierre Ber- Combat d’arrière-garde
gé (Yves St-Laurent), Elisabeth Badinter (Publicis)
Heureusement, les soi-disant libertaires qui inet surtout George Soros, un spéculateur boursier sultent lâchement féministes et survivantes mènent
pro-prostitution et pro-drogue qui aurait d’énormes un combat perdu d’avance. Le modèle suédois (disinvestissements dans ces domaines (http://sisyphe. suasion de la demande et soutien aux femmes) gagne
org/spip.php?article5119)?
pays après pays. Adopté au Canada il y a neuf mois
Money Talks
Femmes-alibis
L’EUROPE EST
NÉE EN GRÈCE,
L’EUROPE SE
MEURT EN GRÈCE
On peut penser que c’est l’argent de Soros qui a
permis à Thierry Schaffauser, un des leaders du lobby de l’industrie de venir tenter de saboter le Congrès
international des recherches féministes tenu à Montréal à la fin août à l’UQAM, à deux pas de «La Calèche du sexe».
Parce que c’est au sein même des espaces féministes que l’industrie doit semer la confusion pour
arriver à présenter les femmes comme «divisées».
Mal lui en a pris parce que des survivantes lui
ont bellement rabattu le caquet (voir page 8). Ce qui
change actuellement la donne, c’est justement la détermination de ces femmes, qui parlent de l’oppression sexuelle commerciale pour l’avoir vécue et s’être
finalement dégagées du pouvoir des pimps.
Les films de cinéastes comme Ève Lamont (page
5), les coups de gueules d’ex-prostituées prêtes à
risquer leur vie et le patient travail de collectifs de
survivantes – comme le Collectif d’aide aux femmes
exploitées sexuellement (CAFES) – démontent les
arguments et mensonges les mieux rodés, ceux qui
ont abusé la confiance des délégué.e.s de Québec Solidaire au printemps, eux aussi acquis au camp des
proxénètes.
avec la loi C-36, il prévoit notamment un appui financier aux organismes qui aident les femmes à
échapper au milieu de la «gaffe».
On voit d’ailleurs déjà des lobbyistes pro-industrie, qui ont lutté bec et ongles contre cette loi, tenter
d’en tirer des subventions à d’autres fins que la sortie du milieu! Tout comme ils tentent de détourner
les budgets de recherche sur les répercussions de
l’industrie et de la traite. (Lire «Le coup de force du
lobby prostitutionnel contre un projet de recherche
de l’UE», de la journaliste d’enquête Kajsa Ekman http://bit.ly/1IxaJ7A)
Quant à Amnesty, discréditée à grandeur de la
planète par sa pathétique politique, il y a gros à parier que son PDG, Salil Shetty (salaire : 300 000$ par
année), va échouer dans la poubelle de cette triste
histoire.
Martin Dufresne
A
près une sortie remarcommerce du sexe dans leur
région et de la résistance féquée à Montréal et à
ministe.
Québec ce printemps
(dont nous avons parlé au
Toutes les projections seCOUAC), le long-métrage Le
ront en effet suivies d’une
Commerce du sexe (ONF et Radiscussion, habituellement
en présence d’Ève Lamont.
pide-Blanc) de la camarade Ève
De très nombreuses projecLamont, prend la route des régions du Québec ces jours-ci et
tions bénéficieront aussi de
pour tout l’automne.
la participation d’interveAvec des présentations à
nantes du CALACS de la région (centre d’aide et de lutte
Terrebonne, La Malbaie, Baiecontre les agressions à caracSt-Paul, Val-d’Or, Rouyn-Noranda, Lac Simon, Cowansville,
tère sexuel).
Trois-Rivières, Ste-Anne-desCes soirées auront lieu
Monts, Rimouski, Gatineau (et
aux alentours de journées
d’action et de sensibilisation
Ottawa), Sherbrooke et d’autres
villes qui s’ajouteront sous peu,
à la violence – et notamment
on aura partout l’occasion de
la violence sexuelle – infligée
par des hommes aux femmes.
voir Le Commerce du sexe sur
Pour
obtenir
dates,
grand écran, de s’informer et
Ève Lamont
d’échanger sur la démarche de la 2015 © Roch Poirier. Tous droits réservés. adresses et horaires, voir:
cinéaste et de discuter la réalité du
http://on.fb.me/1JnZMXL
SOPHIE DESRAPE, CINÉASTE
Augustin Legrand, acteur français, parmi les Madelinots dans une scène du film Les Loups.
Trois questions à la cinéaste québécoise Sophie
Deraspe, qui a sorti ici deux beaux films cette année,
Les Loups, trip original aux Iles-de-la-Madeleine, et
Le Profil Amina, enquête sophistiquée entre Damas
et Montréal, alors que son oeuvre se fait encore rare
en France. Entre deux petits milieux plutôt baveux
(l’industrie du cinémaaaaa...), un océan de cinéphilie.
De vos années universitaires en littérature
française au lancement de votre dernier
film au gros festival indépendant américain Sundance, votre parcours pourrait
montrer qu’il est bien difficile de s’épanouir au plan culturel dans le monde d’aujourd’hui en français?
L’immixtion de l’anglais dans mon travail s’est faite
au hasard des circonstances. Le documentaire Le
Profil Amina m’a conduit de l’Amérique au ProcheOrient (par la force du sujet et de ses protagonistes)
et, la langue anglaise étant la seule que plusieurs
parlent, ou alors la seule que j’ai en commun avec
une Turque, une Russe d’Israël ou un Syrien en exil,
elle s’est retrouvée majoritaire dans le film… Mais il
va sans dire qu’un film en anglais se vend mieux, aux
États-Unis, bien entendu, mais également dans le
reste du monde. That’s a fact, Jack.
Nous sommes québécois francophones, et positionnés selon une perspective unique. J’ai toujours
aimé être de la minorité. Ça fait voir le monde autrement et peut-être même plus créativement (cela
s’applique aussi aux anglophones du Québec, euxmêmes une minorité dans l’ensemble francophone).
Mais câline que c’est cool d’être compris par la multitude. Ça permet de passer nos messages de marginaux!
Votre premier long-métrage, Rechercher Victor Pellerin, se passait pour partie en France,
sur fond de jeunesse débordante, d’amitié
très particulière entre Paris et Montréal,
et avec parfois beaucoup d’humour.
Puis vos films suivants, très écrits et de plus en
plus sérieux, se déroulent presque exclusivement au
Québec, sans grand appui de partenaire français.
On dirait qu’entre deux cinémas incompatibles, deux industries froidement dos à
dos, l’entente ne peut être qu’exceptionnelle, comme un heureux accident?
D’abord, je dois dire que Les Loups, mon dernier
film de fiction, est une coproduction avec la France.
Cela peut paraître étonnant étant donné qu’à l’arrière-plan de l’histoire il y a la chasse aux phoques:
Or la France fut, avec Brigitte Bardot, à l’avant-scène
des manifestations anti-chasse. Les Français ont donc
pu avoir une sympathie pour mon cinéma en général
et pour ce scénario en particulier, avec son caractère
ethnographique. Cependant, il demeure très difficile
de rejoindre les salles de cinéma en France, comme
dans n’importe quel autre pays. Nous demeurons des
étrangers dont les films sont casés dans la section
«Cinéma du monde», avec sous-titres et public potentiel restreint.
Faire une coproduction avec la France, c’est aussi
aller travailler là-bas. Dans mon cas, toute la postproduction s’est déroulée à Paris. Là aussi, nous paraissons exotiques dans un monde qui ne fonctionne
pas du tout comme le nôtre. Rapports professionnels,
hiérarchie sociale, efficacité au travail; nous demeurons de culture étrangère, au-delà d’une langue qui
ANTOINE ET
MARIE
T
raiter d’un sujet aussi délicat que le viol, sans
tomber dans les clichés, n’est pas chose aisée.
C’est pourtant ce qu’a réussi avec brio le réalisateur Jimmy Larouche dans son film Antoine et
Marie.
Il s’agit de l’histoire croisée d’une victime (Marie)
et de son présumé agresseur (Antoine). Cette histoire est aussi celle d’un viol sous l’effet d’une drogue.
Mais surtout celle de ses répercussions sur la victime
qui nage dans le noir complet. Aucune mémoire de
ces événements, ce qui rend le sujet trouble.
On voit en parallèle la victime et son présumé
agresseur dans un 5 à 7 et puis, plus rien. Marie se réveille le lendemain dans un taxi la ramenant chez elle.
De l’autre côté, le présumé agresseur continue sa
vie, avec son boulot et son goût pour les sites pornos.
Quant à l’identité du ou des agresseurs, Larouche ne
la précise pas, pour amener le spectateur à faire sa
propre réflexion. Le fait de voir Antoine passer son
temps sur ces sites porno nous donne fortement
l’impression que c’est nécessairement lui et ce, par
manque de sexualité. Or on sait que les agressions
sexuelles sont d’abord un rapport de pouvoir. Petit
bémol qui n’enlève rien au film.
Marie, quant à elle, tente de reconstruire le fil des
événements et surtout de se reconstruire. Incapable
d’exprimer ses émotions, elle néglige son conjoint qui
n’y comprend plus rien. Il voudrait l’aimer comme
avant, mais Marie ne répond plus. Et ce qui est troublant, c’est de le voir s’engager dans une relation
sexuelle sans son consentement, ce qui constituerait
un deuxième viol (comme dans le chef-d’œuvre d’Anne-Claire Poirier, Mourir à tue-tête, tourné en 1979).
Peu de critiques soulèvent ce point cependant.
L’histoire se fait avec tout ce qu’il y a de plus banal comme personnages. Ce sont des gens simples,
travaillant pour un concessionnaire automobile.
Il s’agit d’un film d’une grande qualité dont le sujet
est traité avec beaucoup de doigté. Avec peu de dialogue, tout se joue dans le silence, le non-dit, le jeu
extraordinaire des acteurs, Martine Francke (Marie)
et Sébastien Richard (Antoine). Elle et il ont su donner beaucoup de crédibilité à leurs personnages. Très
beau film d’auteur à voir pour comprendre l’impact
d’un tel événement dans la vie d’une personne.
Isabelle Doutreloux
permet de communiquer (et encore!). Marie-Josée
Croze et Charlotte Lebon ont réussi leur intégration
en se moulant complètement aux Français, alors que
Xavier Dolan est quant à lui arrivé en prince, attitude
rare venant d’un humble Québécois. Notons que
tous les trois sont acteurs! Vous partagez votre vie avec un Français.
Comment se vit l’amour à travers les deux
cultures?
Dites donc, vous êtes informés! Moi qui suis discrète sur ma vie personnelle! Oui, je suis mariée à un
Français et laissez-moi vous dire que c’est compliqué!
Ha, ha! Finalement peut-être juste aussi compliqué
que n’importe quelle vie à deux. À la nôtre s’ajoutent
des référents culturels différents, l’écoute des nouvelles internationales de France 24, mais vraiment, je
dois faire un effort mental pour trouver en quoi notre
relation Québec-France serait particulière. Souvent,
je me suis fait la réflexion d’une culture américaine
dans le sens de l’horizontalité, avec son vaste espace
physique et mental, alors que l’Europe se positionne
davantage sur la verticalité, avec des couches historiques profondes qui s’empilent les unes sur les
autres. On y bouge moins facilement, mais on a la
possibilité de creuser. Cependant, je ne pense pas
avoir marié un Français; j’ai marié mon amoureux,
tout simplement.
Propos recueillis par François Cavaillès
SOYEZ PRÊT.E.S POUR RICKI
I
l y a des films qui se glissent sous le radar, soit
parce qu’ils sont un peu trop dérangeants, soit
parce qu’ils surprennent des critiques masculins
blasés, habitués à voir les stars rester dans leur registre classique.
Ricki and the Flash est une petite merveille auquel
le Toronto Star reproche de n’avoir pas fait autant
d’entrées que l’on aurait pu attendre d’un «véhicule»
de Meryl Streep.
Le fait est que celle-ci (d)étonne en incarnation
d’une rocker de 66 ans qui chante des oldies et du
Lady Gaga dans un bar pourri de Californie. Elle survit dans un emploi de caissière chez Wal-Marde, sous
la menace constante d’être congédiée si elle continue
à mettre les clients mal à l’aise en partageant ses réflexions existentielles.
Mère Courage
Personnellement, j’ai adoré la performance de
l’actrice et le scénario de la sulfureuse Cody Diablo
(Juno, Jennifer’s Body, Young Adult, Paradise), qui a
le talent de la réplique assassine.
Le film est fondé sur le contraste entre la persona
anti-héroïque de Streep et
le foyer bourgeois qu’elle a
abandonné en Idaho, quand
elle a décidé de vraiment
vivre sa vie. Foyer où Mère
Découragée doit soudain
retourner en catastrophe
lorsque sa fille tombe en dépression après avoir été larguée par un fiancé BCBG.
Ce personnage est joué
par la fille dans-la-vie de
Streep, Mamie Gummer, et
elles font un duo assez délicieux à mesure que les valeurs de la rockeuse au cœur
d’or contaminent la vie tranquille des WASP du Midwest
et l’idéologie du joli-mariage-pour-la-vie.
À voir avant que ça ne quitte l’affiche pour laisser
le champ libre aux habituels films de bang bang pow
pow!
5
P.S. : La version française diffusée au Québec
est bien mieux que la version franchouillarde de
la bande-annonce 
: https://www.youtube.com/
watch?v=pq6MZFh_g60
Martin Dufresne
cinéma
« C’EST MA TOURNÉE ! »
Le Couac | sept 2015
6
Le Couac | sept 2015
DROGUER MES
ENFANTS?
lecture
TDAH? Pour en finir
avec le dopage des enfants,
Jean-Claude St-Onge,
Écosociété, septembre 2015.
Q
u’est-ce que le TDAH?
Est-ce que l’explosion du nombre de
diagnostics de «Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou
sans Hyperactivité» correspond réellement à une explosion du nombre de cas?
Est-ce que nos enfants sont surdiagnostiqués et surmédicalisés? Est-ce que notre société réclame un seul
et unique modèle de comportement, de personnalité? Quand un si grand pourcentage de jeunes (81%
selon les sources de l’auteur) aura reçu un diagnostic
de maladie mentale avant l’âge adulte, est-ce à dire
que le «modèle unique» est réaliste? Dans TDAH?,
Jean-Claude St-Onge remet en question le trouble
lui-même et sa définition, le surdiagnostic, la surmédicalisation pour le profit et la façon tordue qu’a
notre société d’aborder les comportements et émotions, plus particulièrement ceux des enfants.
La plupart des parents d’enfants d’âge scolaire se
sont vu brandir le spectre du trouble de comportement, bien souvent dès la maternelle. Le front soucieux, on demande plus de détails à l’enseignant.e,
pour se rendre compte que les «symptômes» décrivent à peu près exactement l’enfance. «Difficultés
à gérer les conflits», «exprime peu d’intérêt envers le
contenu du cour s», «bouge beaucoup», «parle dans
les corridors», etc.
On demande à nos enfants de rester dans le moule,
de se conformer en tout, de ne surtout pas sortir du
lot. On effectue coupure sur coupure pour se retrouver
avec des classes surchargées, coincées dans des horaires
stricts qui refusent de prendre en compte le fait que ces
enfants et professeur.e.s sont avant tout des humains,
dotés de personnalités propres, d’émotions, de vécu. On
exige des humains d’être formatés, dès la naissance, à
produire, exécuter, intégrer sur commande.
L’AGRICULTURE
BI O L O G I Q U E
SUR PETITE SURFACE
On invente des maladies
À force de vouloir inventer un «idéal» de citoyen,
on invente des maladies, en élargissant les critères
pour pouvoir y entasser tout le monde et n’importe
qui. Et quand on voit la quantité de médicaments
administrés, on est en droit de se demander, comme
le fait l’auteur, jusqu’à quel point nous ne sommes
pas victimes de cette industrie. Si nos enfants ne
sont pas drogués massivement, oui pour devenir
obéissants et dociles, mais surtout pour engraisser
des comptes bancaires?
Quand je regarde mes enfants, que je m’émerveille devant leur unicité, quand je me rappelle ma
propre enfance et toute la liberté dont j’ai joui, combien on m’a encouragée à être moi-même... Je ne
peux que regarder avec appréhension une société qui
tente de niveler, d’égaliser, de standardiser ces enfants
plein.e.s de créativité, de splendides étrangetés. Je ne
peux donc que vouloir trouver d’autres solutions que
de les droguer pour les forcer à entrer dans la petite
boîte bien carrée qu’on leur demande d’occuper de
plus en plus jeunes.
Je relirai cet ouvrage avec attention. Ne serait-ce
que parce que statistiquement, au moins trois de mes
quatre enfants seront un jour confronté.e.s à ces attentes, à cette médicalisation. On m’a déjà proposé le
fameux Ritalin pour deux d’entre eux.
Parce que... «A beaucoup d’énergie et riait avec
son amie pendant que je parlais en classe.»
Le jardinier-maraîcher,
Jean-Martin Fortier,
Écosociété, 2012.
« Une des choses qui m’encourage le plus est de voir
le nombre de jeunes gens enthousiastes, éduqués et politisés qui souhaitent profondément apprendre l’art de
produire de la nourriture de manière durable. Dans
un avenir rapproché, cette communauté formera une
masse critique puissante et, le jour venu, on ne pourra
plus nous ignorer. (...) L’agriculture locale a le pouvoir
de transformer la société, et je suis de ceux qui pensent
que cette transformation est en cours. Mais pour y arriver, il nous appartient à tous de réinventer le noble
métier d’agriculteur. »
— Jean-Martin Fortier
Rosemarie Séguin-Lamarche
LA FILLE
DU DESTIN
Fille du destin,
Isabel Allende,
Grasset, 2000.
P
aru en 2000, chez Grasset, ce deuxième roman
de la trilogie involontaire de Isabel Allende (La Maison aux esprits, Fille du destin,
Portrait sépia) raconte le destin
d’Eliza, enfant abandonnée en
1832 dans le port de Valparaiso
et recueillie chez les Sommers, famille aisée installée
au Chili.
Éprise d’un jeune homme idéaliste sans le sou,
Eliza quittera sa petite vie douillette pour retrouver
son amoureux, parti chercher de l’or en Californie.
Roman d’amour et d’aventure mais aussi féministe, car Eliza tout comme sa mère adoptive, Rose
Sommers, ne subit pas son destin, elle le fait.
Depuis le port chilien de Valparaiso jusqu’aux
mines d’or de la Californie, avec un détour par la
Chine, Isabel Allende nous conte le destin d’Eliza, sa
découverte de la liberté et son émancipation, mais
aussi celui de ces hommes venus trouver fortune et
qui façonneront un nouveau pays.
On retrouve dans ce roman tous les thèmes de
prédilection d’Allende depuis La Maison aux esprits;
les plus récurrents étant la condition féminine et
l’histoire des Amériques.
«Elle avait organisé sa vie et le stigmate de la
vieille fille ne lui faisait pas peur; au contraire, elle
était bien décidée à susciter la jalousie des épouses,
malgré la théorie en vogue selon laquelle les femmes
qui s’écartent de leur rôle de mère et d’épouse se
voient pousser des moustaches, comme les suffragettes.»
BULLES EXPLOSIVES
UNE RESPIRATION LENTE ET PROFONDE
(NSD) de Catherine Parent et Mathieu Forget
Réalisé à compte d’auteur, ce livre québécois pose
des questions graves auxquelles aucune réponse ne
saurait être la bonne. C’est par le truchement d’une
femme dont la vie bascule, alors que son mari se retrouve subitement hospitalisé et reste dans le coma,
que nous nous poserons les mêmes questions qu’elle.
Cette dame passe ses journées à l’hôpital et finit par
se demander si elle ne devrait pas revivre… En fait,
elle se demande pourquoi ils n’ont pas eu d’enfant,
pourquoi elle n’est pas partie en Espagne comme une
amie, sans parler des quelques connaissances qui
tentent de la diriger, pour son bien, vers ce qu’elle
devrait faire dans les circonstances. Quant c’est pour
les autres, on sait toujours ce qui devrait être fait! En
noir et blanc avec une seule couleur jaune maïs, le
dessin et le découpage font écho aux multiples points
d’interrogation. Alors que la femme est finalement
partie rejoindre son amie en Espagne et qu’elle envisage de travailler à son auberge, son mari émerge,
comme ça, du coma au Québec.
LE MONDE DU DESSOUS (Casterman) de
Didier Tronchet et Anne Sibran
Bédéiste et romancière, ils sont aussi un couple
dans la vie. Chacun œuvre indépendamment bien
qu’ensemble, l’une et l’autre aient signé quatre BD
hors des créneaux narratifs ordinaires. Parmi eux,
Le Quartier évanoui (Vents D’Ouest) et Là-bas (Dupuis) – ce dernier récompensé par le Prix Uderzo
2005. Leur famille a vécu quelques années en Bolivie et en Amazonie; ce qui a inspiré Vertiges de Quito (Table Ronde) à Tronchet et Dans la montagne
d’argent (Grasset) à Sibran. C’est ce dernier roman,
sous un nouveau titre, qu’adapte Tronchet. L’Amérique du Sud est de nouveau au cœur de cette histoire
dans laquelle les Indiens étaient envoyés au fond des
mines d’argent pour le bénéfice de quelques-uns. Les
auteurs s’attachent au fils d’un mineur tué dans un
éboulement de galerie. Par delà une trame linéaire,
il est question d’une vengeance à saveur surréaliste
faisant appel au diable – celui-là même auquel les
Indiens faisaient offrande avant de descendre dans
les entrailles de la Terre. La malédiction? «Le vrai,
le faux, donne-leur n’importe quoi qu’ils prendront
pour de l’or.» Avec le dessin de potache unique à
Tronchet, et sans oublier cette princesse Inca congelée vivante lors de rites pour apaiser le volcan, voici
un livre tout simplement éblouissant.
EMBARQUÉ
Cailleaux
(Futuropolis)
de
Christian
Mais pourquoi, encore aujourd’hui, voit-on des
jeunes filles et des jeunes garçons s’engager dans la
Marine française – ou celle d’un autre pays? En passant du coq à l’âne, ce reportage favorise des perspectives inédites ou débordant du strict sujet initial.
On comprend rapidement les enjeux de souveraineté maritime (et surtout sous-marine) pour les voies
de transport, les hydrocarbures et les métaux et minerais. Par delà la convention de Montego Bay, on
apprend l’importance majeure des porte-conteneurs
géants – d’où l’énorme pression pour adapter nos
ports et le fleuve – les nouvelles énergies marines renouvelables mais, également, la théorie de la dissuasion avec les armes nucléaires… Une petite portion
de l’ouvrage a été pré-publiée dans la Revue Dessinée,
et on appréciera à juste titre le dessin aussi expressif
que précis du reporter-dessinateur. Ce dernier, pour
parachever cet embarquement, ajoute son grain de
sel sur l’attraction humaine exercée par l’immensité
de la mer.
UN AMOUR EXEMPLAIRE (Dargaud) de Florence Cestac et Daniel Pennac
Exemplaire? C’est ironique et fait plutôt référence
à quelque chose d’improductif et de révolutionnaire
comme amour. Pennac a pioché dans son souvenir
de gamin jubilatoire, à propos d’un couple improbable et délirant du voisinage de sa grand-mère, sur
lequel la communauté jetait son opprobre. Hilarant,
paresseux, amoureux des livres et marginal, le couple
a vécu un amour iconoclaste et incendiaire, au point
que Pennac l’a proposé à Cestac à cause du potentiel
elliptique fabuleux spécifique à la BD. Cestac entend
«amour»? Elle se hérisse (voir ses livres Démon de
matin, de midi et de soir – Dargaud) et montre les
dents! Justement, le dialogue entre les auteurs fait,
finalement, partie intégrante du bouquin. L’humour
décalé rajoute une couche de bonheur à cette bombe
La Juge Hot
pacifique à contre-courant des idylles conventionnelles. Le dessin «mickey punk» de la vieille Cestac
fesse très fort!
POINT DE FUITE (Ça et Là) de Lucia Biagi
Éditrice du label Amenità Comics, libraire spécialisée BD avec son conjoint et auteure, Biagi a la
BD dans la peau. Point de fuite est sa deuxième BD
et la première traduite de l’italien au français. Ce
projet fleure une part autobiographique – minimalement – d’une génération de jeunes souhaitant vivre
l’amour sans restriction, alors que sévit une crise
économique et le retour de valeurs de droite compliquant l’accessibilité au niveau de droits; notamment
celui de l’avortement. C’est dans ce décor humain fait
de déconvenues, et parfois de joies intenses, que la
principale protagoniste va vivre une période d’incertitude et de grande remise en question. Assurément
underground, le propos n’en demeure pas moins
accessible grâce au trait de l’auteure. Son art s’avère
être un condensé du meilleur de la ligne claire, du
style manga et de réminiscences rétro avec l’usage de
trames et d’une bichromie bleue et jaune. Un roman
graphique exceptionnel, qui nous donne à imaginer
la fin – ou la suite de ces trente jours intenses.
MACANUDO Numéro 5 (La Pastèque) de Liniers
Dans la foulée des meilleurs comics strips imaginatifs et à tiroirs multiples, comme ont pu l’être
Snoopy ou Krazy Kat, l’auteur argentin Liniers a créé
une œuvre ambitieuse dont la traduction en français
est loin d’être achevée. La galerie de personnages improbables – pingouins, lutins, bonhommes et bonnes
femmes aux nez rouges, un chat et une fillette, toujours sidérants ou à contre-pied – offre de nouvelles
perspectives sur ce que, machinalement, nous pensons ou nous faisons quotidiennement. Un exemple
magnifique? Tandis qu’une «pluie d’émotions» tombe
sur la ville… «Les plus audacieux n’ouvrent pas leur
parapluie»! Presque sans âge et des plus ludiques, le
dessin aux mille audaces de Liniers va droit au cœur
et ramène le sourire en ouvrant de nouvelles fenêtres
sur le monde.
Valentin Tardi
Le Couac | sept 2015
POURQUOI JE POURSUIS LA
BIENNALE DE MONTRÉAL
7
Quand une artiste est maltraitée par l’organisateur de
son exposition, la tentation est forte d’écraser… La vidéaste Isabelle HAYEUR a fait le choix contraire.
UN VOYAGE
AU LIBAN
L
a Syrie au nord, Israël au sud.
Une nouvelle amie, Nada, est libanaise.
Elle et moi passons souvent des heures ensemble et ces moments sont remplis de tendresse et
de respect avec toujours une touche de folie.
Mon ami Martin m’a prêté le livre MOT de Julie
Hétu, publié chez Triptyque l’automne dernier.
Une histoire touchante: Yamm Deseo, sa femme
Nat et leur fille Cybèle. Le départ du Liban de Nat
et Cybèle. Yamm doit les rejoindre. Résistant, luttant
pour un gouvernement laïc, il est exécuté!
La vie continue : celle de Cybèle, de son mari Luiz
et de ses enfants Mot et Elhimbra.
La tauromachie, les rêves… ce livre a mis tellement d’images dans mon cœur.
Et voilà que près de chez moi, une niche de livres
est née.
J’y prends un livre sachant que je me dois d’aller
en porter un en échange, ce que je fais le lendemain.
C’est La Route de Chlifa, de Michèle Marineau
(Québec Amérik Jeunesse).
Karim, Maha et Jad qui fuient Beyrouth alors que
les bombes tombent.
Les suivre fut pour moi un voyage que jamais je
n’aurais cru vivre!
Le mont Liban et le mont Anti-Liban – direction
Chlifa en passant par des grottes, cours d’eau, montagnes et vallées.
Karim, la jeune Maha et le bébé Jad.
Karim à Montréal avec ses souvenirs et des réponses à ses questions existentielles...
Pour l’instant, je voyage dans des pays lointains et
le monde arabe me fascine.
est un site de projection permanent: des vidéos et
animations y sont programmées depuis plusieurs
années déjà. L’œuvre a été élaborée sur cette place,
comme un tableau ou une murale. La vidéo a été travaillée avec un gabarit, en fonction de la forme d’un
mur, ayant ses particularités et ses textures, mais
aussi avec des équipements vidéo spécifiques et non
standard. La relocaliser aurait été impossible.
La décision unilatérale et précipitée de retirer
l’œuvre a été prise suite à une plainte de la propriétaire de l’édifice sur lequel la vidéo était projetée,
me dit-on. Cette dame avait accepté que des vidéos
soient projetées sur son mur et n’avait jamais exigé
de droit de regard sur le contenu des projections. Par
contre, j’étais tout à fait disposée à la rencontrer pour
tenter de trouver une solution.
Après le retrait de l’œuvre, il s’est écoulé une semaine avant qu’une rencontre entre la Biennale, le
Quartier des spectacles et moi-même soit organisée
pour envisager des solutions. En situation de crise,
c’est beaucoup trop long. On me disait qu’il n’y avait
rien à faire, qu’on ne pouvait pas remettre la projection, que c’était une situation imprévue et que la
propriétaire refusait de nous rencontrer pour en discuter. Je suis sortie de cette rencontre un peu perplexe…
Faux prétexte?
Habitant à l’extérieur de la ville, j’ai dû me rendre
à Montréal à de nombreuses reprises pour tenter
de régler la situation, ainsi que pour rencontrer des
journalistes. Le 27 novembre 2014, en sortant des
bureaux de la station de radio communautaire CIBL,
je suis passée devant le commerce de Madame Chow
et j’y suis entrée. Je m’attendais à ce qu’elle ne veuille
pas discuter avec moi, mais ce fut tout le contraire.
Lorsqu’on lui avait proposé une rencontre, elle n’était
tout simplement pas disponible, mais un autre jour
aurait été possible pour elle. Elle m’a aussi dit qu’une
U
Isabelle Hayeur
festival AGRI-ROCK
vous attend
du 24 au 27 septembre
à St-Hyacinthe!
Formations musicales participantes :
Le Festival Agrirock se veut un outil de promotion des artistes émergents locaux et nationaux
tout en favorisant les échanges entre les artistes,
les artisans, le public et les commerçants. Étendant
son champ d’action de la musique à l’art visuel, en
passant par le théâtre, les performances et la littérature, ce Festival multidisciplinaire oeuvre au
rayonnement de la région.
On peut y être BÉNÉVOLE, ARTISTE, PARTENAIRE ou simplement FAIRE UN DON.
Pour en savoir plus :
http://festivalagrirock.com/
Joanne Morin
ne pièce d’Andrea DWORKIN va être présentée en première mondiale ce mois-ci à
Montréal. Ce one-woman show, mettant
en vedette Helena Levitt, relate le drame intérieur
d’une écrivaine qu’un homme a droguée et violée à
son insu et qui tente de rapiécer son identité assaillie par toutes sortes d’émotions alors que ses proches
mettent en doute ce qui lui est arrivé.
Dialogue entre le désespoir et la volonté de survivre, cette nouvelle est restée sur l’ordinateur de
Dworkin sans être vue, méconnue même de ses amis
les plus proches, pour être enfin découverte après sa
mort six ans plus tard. Aftermath est non seulement
le témoignage d’un crime, mais un portrait de la lutte
interne d’une révolutionnaire contre le doute de soi
et l’isolement.
AFTERMATH est présenté par la jeune compagnie montréalaise Waterworks du 17 au 27 septembre, au Centre culturel Georges-Vanier de la Petite-Bourgogne, au 2450 rue Workman, non loin du
marché Atwater, au métro Lionel-Groulx.
légère modification de l’œuvre l’aurait accommodée,
ce que j’aurais accepté. À ma connaissance, je suis la
seule personne à l’avoir rencontrée.
Depuis ce temps, j’ai écrit une lettre aux membres
du Conseil d’administration de la Biennale, j’ai rencontré certains d’entre eux, le RAAV a fait circuler
une pétition pour rétablir la projection et a ensuite
envoyé une mise en demeure à l’organisme; finalement une séance de médiation a été organisée par la
Cour des petites créances en juillet 2015... La Biennale refuse obstinément de reconnaître ses torts –
sans raison ou arguments recevables.
Murs aveugles était mon quatorzième projet
du genre. J’ai réalisé des œuvres publiques au Canada, mais aussi aux États-Unis et en Europe. Les
œuvres les plus significatives ont été commandées
par l’Olympiade culturelle de Vancouver 2010, Nuit
Blanche Toronto 2011 et l’Aéroport international
de Denver (2012). J’ai déjà eu des problèmes liés à
la présentation d’œuvres publiques, mais les organisations ont bien réglé ce type de situation; elles ont
toujours fait des vérifications au préalable et ont su
gérer les situations de crise. Ce que j’ai vécu à cause
de la Biennale de Montréal n’est vraiment pas habituel. Quel est le rôle et le mandat d’un organisme
artistique? La Biennale devait respecter son contrat,
défendre l’œuvre et l’artiste.
Pour un diffuseur, il est normal de demander à un
artiste de remettre ses projets à temps, de fournir des
images, des textes explicatifs et de se rendre disponible pour des entrevues... En retour, pour un artiste,
il est légitime de s’attendre à ce qu’un diffuseur le
respecte et prenne des dispositions nécessaires pour
que son œuvre soit présentée correctement. L’œuvre Murs aveugles peut être vue sur Internet à
cette adresse: https://vimeo.com/104032665
Une première représentation spéciale aura lieu
le jeudi 17 septembre à 20h00. Les représentations
seront ensuite données au cours des deux fins de
semaines suivantes, les vendredis
à 20h00, les samedis à 16h00 et
20h00 et les dimanches à 16h00.
Des causeries avec invitées et
invités spéciaux au fait des enjeux de l’agression sexuelle auront
lieu après chaque représentation
au cours de la première fin de semaine.
Le coût d’entrée est de 18$ / 13$
(au gré de l’acheteur ou acheteuse).
Les billets sont disponibles via
le portail Eventbrite, au site web
www.waterworksmontreal.com,
ou à l’entrée.
Crédit: Katia Juhasz
culture
L
e 22 octobre 2014, mon installation vidéo in
situ Murs aveugles a été retirée de la Biennale
de Montréal. L’œuvre avait été inaugurée deux
semaines plus tôt et devait être présentée jusqu’au
23 novembre – en vertu du contrat que j’avais signé
avec l’organisme. Comme cette projection avait été
conçue spécifiquement pour le site sur lequel elle
était présentée, son retrait entraînait aussi la perte
totale de l’œuvre.
Après plusieurs rencontres infructueuses en vue
d’obtenir un dédommagement, j’ai déposé un recours
à la Division des petites créances de la Chambre civile de la Cour du Québec. Dans mes démarches, j’ai
été soutenue par le Regroupement des artistes en arts
visuels du Québec (RAAV), l’association professionnelle qui représente et défend collectivement les intérêts des artistes québécois.
Ce retrait, sans préavis, a été fait le soir même de
l’ouverture officielle de la manifestation artistique. Je
l’ai appris pendant le vernissage, par le biais de journalistes qui désiraient filmer l’œuvre et se demandaient pourquoi elle n’y était plus. Cette décision a
été prise par la direction de la Biennale; ni l’artiste, ni
les commissaires ne furent consultés.
Cette œuvre inédite était une commande de la
Biennale de Montréal: je l’ai conçue spécialement
pour cette manifestation artistique. J’y ai travaillé à
partir de l’hiver 2014 et je l’ai achevée vers la fin de
l’été. Plusieurs tests ont été faits en présence des organisateurs et son contenu a été approuvé avant le
début des projections.
Murs aveugles était présentée sur l’Esplanade du
métro Saint-Laurent, en partenariat avec le Quartier des spectacles de Montréal. Cette place publique
luttes de femmes
8
Le Couac | sept 2015
15 SIGNES QUE TU TE
TROUVES DANS UN
CONGRÈS FÉMINISTE
Observations d’une participante au
CIRFF2015 :
1) Tu as l’impression que tout le monde se connait,
alors que personne ne s’est jamais vu la face;
2) L’alternance de courtes nuits et de longues journées
rend les blagues sur les inégalités salariales ou la violence conjugale étrangement drôles;
3) Finir ses phrases devient superflu quand tout le
monde maitrise les mêmes théories. Les expressions
«évidemment» et «avec les conséquences/problèmes
que l’on connait» sont tes meilleures amies;
4) Tout le monde parle de briser la binarité militantes/
universitaires, mais les deux groupes vont souper chacun de leur bord;
5) L’heure du midi est une reproduction de Mean Girls: t’es mieux de t’asseoir à la bonne table si tu tiens à
ta réputation;
6) Tout le monde est d’accord que le savoir est vécu,
que le féminisme se vit hors de l’université, que l’expérience vaut autant que la théorie… Mais la plupart des
présentations sont impossibles à comprendre sans une
maîtrise dans le sujet abordé;
7) Après 5 jours intensifs de congrès féministe, même
les plus extrémistes d’entre nous rendent les armes:
«pitié, parlons d’autre chose que de féminisme pendant
5 minutes». Évidemment, ça ne marche jamais;
8) L’expression «minorités sexuelles et de genre» est à
revoir;
9) Mêmes les Françaises féminisent leurs interventions;
10) Personne ne rit à «c’est une blonde qui entre dans
un bar», alors tu t’essaies avec «c’est un mascu qui entre
dans un bar»;
11) La journée de 24h est un concept patriarcal – à
moins que ce ne soit l’interdiction du clonage –, du
coup le programme de la semaine fait 60 pages;
12) Qui a dit que les règles et la masturbation étaient
des sujets tabous?;
13) Aucun geste n’est anodin. 25 raisons politiques
motivent ton choix d’habillement ou de lunch;
14) Tu ne sais jamais si tu peux complimenter une camarade sur son apparence;
15) Il faut tout prendre au 8e degré.
Suzanne Zaccour
ÉCHO D’UN HARCÈLEMENT
INFLIGÉ À DES
SURVINANTES
DE LA PROSTITIUTION
AU 7e CONGRÈS
INTERNATIONAL DES
RECHERCHES FÉMINISTES DANS
LA FRANCOPHONIE
«
Ce matin, j’ai fait une belle rencontre au Congrès
international des recherches féministes dans la
francophonie... Le cher Thierry Schaffauser, un
«travailleur du sexe» blanc et privilégié, mais surtout
un militant pro-travail du sexe.
Pour la deuxième partie du colloque sur la pornographie et la prostitution dans lequel Cherry Smiley,
une féministe autochtone et abolitionniste et moi,
survivante de l’exploitation sexuelle, présentions, des
membres du STRASS et de APA QC se sont assis.e.s
en première rangée afin de nous intimider et nous
déstabiliser. Lors de ma conférence «Rapports de
classes, idéologie néolibérale et backlash anti-abolitionniste – La place des survivantes de l’exploitation
sexuelle au sein des gauches», ces personnes riaient
tout le long et me perturbaient. Pour la période de
questions, Schaffauser et une femme ont monopolisé la parole et fait leur autopromotion, puis tenté de
me faire taire. Lorsque j’ai essayé de leur répondre,
Schaffauser m’a coupé la parole. Il m’a accusé de faire
de la diffamation et a refusé d’écouter les femmes lui
demandant de se taire. On a essayé de le faire sortir,
mais sans succès. Finalement, nous avons mis fin à la
conférence avec une conclusion de Cherry.
C’est assez violent se faire interrompre dans un
contexte féministe en tant que survivante/présentatrice par un homme privilégié.
C’est fou parce que lorsque je me préparais pour
ça, je m’attendais à recevoir des attaques pour simplement dénoncer les violences que vivent les survivantes et exposer les stratégies des pro-travail du
sexe. C’est terrible d’avoir à se préparer pour cela.
Mais je ne m’attendais pas à autant. Je dois avouer
que j’avais un peu peur et que j’ai encore peur de ce
que ces personnes peuvent me faire ou faire à mes
consœurs. Ces personnes souhaitent me réduire au
silence et m’insécuriser. C’est de l’antiféminisme. De
l’antiféminisme en plein congrès féministe.
Sauf, que je ne vais pas me taire et je continue de
lutter malgré tout!
«Pro-tds tears»...
Voici un extrait de ma présentation montrant
l’ironie de la situation:
«Dans la conjoncture actuelle, marquée par des
efforts d’individualisation et d’expansion de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, confronter
la rhétorique pro-travail/industrie du sexe en tant
que survivante entrave grandement l’ordre et la paix
prostitutionnels.
Il faut aussi se rappeler que de nombreuses survivantes et femmes-prostituées abolitionnistes vivent
quotidiennement du harcèlement et de la répression
de la part des pro-travail du sexe, puis de l’exclusion
sociale et politique, car elles s’affichent abolitionnistes.
Nous devons dénoncer les violences prostitutionnelles sans avoir beaucoup de support et de res-
VIOLENCES SEXISTES
ET SEXUELLES DANS
L’ENSEIGMEMENT
Conférencières et conférencier : Fatou Diop Sall
(Sénégal), Yves Raybaud (Bordeaux), Veronique Perry
(Toulouse III), Manon Bergeron et Sandrine Ricci
(UQAM), Isabelle Côté (Ottawa) Onidouboan Doubogan (Parakou, Bénin) et le Collectif CLASCHES
(Paris).
D
epuis le début des années 2000, les universités font face à la réalité des agressions à caractère sexuel. Il a fallu que des faits soient portés au public pour que ces institutions réagissent et
amorcent des réflexions, en se penchant sur la question avec des comités ou siègent des professeur.e.s et
étudiantes ayant une perspective féministe. Ce qui
en ressort, c’est qu’une culture machiste règne sur les
campus et dans les quartiers universitaires. Et l’immunité laissée aux agresseurs favorise le silence des
victimes.
Donc plusieurs universités se dotent de comités qui réclament des politiques contre le harcèlement et les agressions sexuelles. En France, il y a le
CLASCHES (Collectif de lutte anti-sexiste contre le
harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur)
LE MOUVEMENT DES
FEMMES AU QUÉBEC
ET LA LUTTE CONTRE
LA VIOLENCE
GAINS, ACQUIS ET RESSAC
C
onférences de Nathalie Duhamel, Louise
Riendeau, Diane Matte et Manon Monastesse,
issues du milieu communautaire des maisons
d’hébergement, des centres anti-viols (CALACS) et
de la Concertation des luttes contre l’exploitation
sexuelles (CLES) .
Dans l’après-guerre, il y a émergence du mouvement féministe malgré l’emprise du clergé et des
discours sur le retour des femmes au foyer. Après
l’obtention du droit de vote, en 1940, les femmes réalisent que cela est insuffisant pour améliorer leur
condition. Cela va les amener à revendiquer plus
d’égalité aux niveaux social, économique et juridique. Les années 1970 et 1980 seront marquées par
une radicalisation du mouvement féministe. On remet en cause le système patriarcal. La question de la
violence faite aux femmes apparaît. La prostitution
est vue comme un système d’oppression des femmes.
Dans les années 1980, il y a adoption de la Charte canadienne des droits et libertés qui reconnaît l’égalité
juridique des femmes. Le viol est reconnu comme un
crime contre la personne, ainsi que le viol conjugal.
Les féministes questionnent cependant les pratiques
policières et judiciaires et réclament de meilleures
formations à ces problématiques.
À la fin de la décennie 1980, trois événements
majeurs sont un tournant pour les femmes. L’affaire
Daigle c. Tremblay, le drame de l’école Polytechnique
et l’affaire Pickton qui démontrent toute la violence
faite aux femmes et surtout le peu de cas que la société
en fait. Après Polytechnique, le ressac antiféministe
a pris le relais. Avec son Manifeste d’un salaud, Roch
Côté met la table pour l’antiféminisme. Il y a de plus
en plus de résistances des hommes au discours féministe. Ils nient l’aspect systémique de la violence faite
aux femmes, trouvent que ces dernières exagèrent,
commencent à revendiquer en matière de droit de
garde, de pension alimentaire, et d’éducation. Le discours sur la prostitution change, pour tenter de faire
de celle-ci un simple travail. L’égalité des femmes est
présentée comme acquise.
Les politiques dites d’austérité marginalisent à
nouveau les femmes et les rendent vulnérables aux
différentes formes de violence. Mais les femmes
ne lâchent pas prise: on l’a vu avec le mouvement
«agressionnondenoncée».
Isabelle Doutreloux
sources tout en subissant de plein fouet les conséquences de notre militance.
Certaines survivantes et femmes dans l’industrie
sont réduites au silence, d’autres doivent abandonner la plupart des lieux de militantisme, car la pression est trop forte.»
Shanie ROY, survivante
Réponse d’une participante:
Cher-e-s tou-te-s
J’y suis, au congrès de Montréal, j’avais l’intention
d’assister à la séance dont nous parle Shanie, mais
malheureusement j’avais un empêchement de dernière minute. Encore plus malheureusement, le lobby pro-prostitution occupe une place importante à
ce colloque, comme, me semble-t-il, de plus en plus
dans les études dites du genre. Je trouve cela d’autant plus navrant que la culture et les pratiques de
la prostitution se généralisent dans nos sociétés et
s’accompagnent d’un discours légitimant. Il est donc
urgent d’en discuter, même s’il y a des désaccords,
parfois profonds, sur la question et/ou sur les stratégies à adopter face à la prostitution. Le discours de
légitimation est souvent véhiculé par des personnes
adoptant une posture de victime pour culpabiliser et
faire taire toute personne qui aurait un point de vue
divergent (quel qu’il soit d’ailleurs) sur la question.
C’est bien ce qui est arrivé à Shanie.
qui dénonce la culture du silence et veut faire réformer les procédures disciplinaires pour qu’elles soient
plus axées sur la sanction. À Bordeaux, un groupe
fait une analyse géographique du quartier universitaire et démontre que l’aménagement urbain n’est
pas favorable aux femmes et que ces dernières restreignent leur environnement (trajet, habillement,
etc.) pour leur sécurité. L’aménagement urbain devra tenir compte de ce problème. Quant à l’UQAM,
une tradition de la dénonciation existe depuis les
brigades roses des années 1990, qui dénonçaient les
agresseurs dans les cours. Aujourd’hui, il y a une synergie entre profs, étudiant.e.s et employé.e.s de soutien pour dénoncer toutes formes d’agression. Un comité révise constamment les politiques de l’UQAM
face à ces agressions.
Isabelle Doutreloux
VIOLENCE ENVERS LES
FEMMES AUTOCHTONES
A
lana Boileau a rendu clairs les liens entre le
passé et le présent pour expliquer la situation
alarmante qui touche aujourd’hui les femmes
autochtones : les pensionnats ont cédé la place à la
DPJ. Auparavant, les enfants étaient arrachés à leurs
familles par les pensionnats autochtones, qui avaient
pour but avoué de «tuer l’Indien dans l’enfant». Aujourd’hui, en cas de «manque d’habiletés parentales»
– souvent le résultat de la dure réalité des pensionnats et de leurs conséquences qui traversent les générations – les enfants sont arrachés à leurs familles
pour se retrouver dans des foyers d’accueil hors de
la communauté à cause de critères mésadaptés de la
DPJ. Par exemple, la DPJ exige des familles d’accueil
qu’elles offrent à l’enfant sa propre chambre, ce qui est
bien souvent impossible dans les communautés aux
prises avec des pénuries de logement. Les femmes
ont ainsi une peur légitime de perdre leur enfant, ce
qui amène les victimes de violence conjugale à ne pas
dénoncer la situation, au risque d’issues tragiques.
Carole Lévesque a apporté un regard éclairant sur
les réalités autochtones. Il serait réducteur, dit-elle,
de se limiter à dépeindre ces peuples comme victimes
des colonisateurs, alors qu’ils ont su développer des
outils et adopter de nouvelles pratiques en réponse
au colonialisme, comme elle l’a expliqué avec fougue.
En conclusion, elle suggère d’en finir avec «l’idéologie
du rattrapage» dictée par des normes canadiennes et
québécoises pour plutôt mettre l’accent sur l’autonomisation des communautés autochtones.
ITINÉRANCE DES FEMMES
La violence – qui touche entre 70 et 85 % des
femmes itinérantes avant, pendant et après leur arrivée dans la rue –, le travail du sexe et l’invisibilité caractérisent l’itinérance des femmes. Ces effets
découlent d’inégalités de genre, a souligné Véronic
Lapalme. Marie-Christine Plante a indiqué que le
nombre de femmes itinérantes est en augmentation,
alors qu’on doit dans les organismes d’aide refuser des
femmes faute de ressources. Les mesures d’austérité
gouvernementales viennent empirer une situation
difficile tant à la source – les femmes sont souvent les
premières victimes des mesures d’austérité – qu’au
niveau des ressources disponibles (budgets amputés). Les trois conférencières ont souligné l’invisibilité des femmes sans domicile fixe et l’importance de
les inclure dans tout processus qui les concerne.
PENSER, CRÉER ET AGIR
LES FÉMINISMES DANS LE
CHAMPS RELIGIEUX
FÉMINISMES ISLAMIQUES
Trois conférencières ont tour à tour discuté le
féminisme islamique contemporain. La première,
Roxanne D. Marcotte, a parlé de la réinterprétation
des textes par les féministes islamiques, soit une
relecture et recontextualisation du Coran. Les féministes islamiques vont donc chercher leurs arguments à l’intérieur même des traditions, dit-elle, suggérant la remise en question des pratiques religieuses
actuelles pour repartir sur de nouvelles bases.
Sihem Bouzgarou-Ben Ghachem a, elle, remis
en question l’existence même du féminisme dans un
contexte islamique; pour elle, le Coran est misogyne
dans son essence – pas seulement dans son interprétation.
Lors de la période de questions, les participant.e.s
ont mis en doute la légitimité de sa position, attaquant la crédibilité de ses recherches. Pourrait voir
dans ce débat le refus d’admettre l’existence d’inégalités au nom de l’ouverture d’esprit?
Puis, Malika Benradi a souligné entre autres la
«schizophrénie» – comme elle la nomme – du décalage entre les sphères publique et privée (c’est-à-dire
le foyer) dans le monde musulman. Elle s’interroge
à savoir si les féministes musulmanes demeureront
prisonnières des lectures et relectures du Coran, et si
elles arriveront à imposer leurs voix.
Any-Pier Dionne
Je voudrais exprimer ici mon soutien à Shanie et
aux autres intervenantes de son atelier, qui ne devraient pas, comme le souligne Shanie, avoir à se
sentir intimidées ou faire face à une telle violence
dans un contexte féministe.
Je regrette beaucoup de pas avoir pu assister à
l’atelier en question et j’espère, Shanie, que nous aurons l’occasion de nous rencontrer et d’échanger plus
tranquillement pendant ce colloque. Bronwyn Winter