UR b A i N - Festival Agrirock
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UR b A i N - Festival Agrirock
septembre 2015 | vol. 18 - no. 10 | 4,00$ Je pense, donc je nuis Le coin de... GATNO PAGE 3 Le Couac Amnésie internationale... Ils ont osé ! PAGE 4 Pourquoi je poursuis la Biennale de Montréal PAGE 7 DA DOU DRONE DRONE (La clef USB étant très abîmée, voici les segments les plus explicites que Le COUAC a pu tirer de ce document.) … M esdames et messieurs, la meilleure façon, non la façon la plus rapide et la plus économique, c’est d’avoir des révoltés locaux qu’on contrôle avec des drones. Le prochain pouvoir sur le monde c’est celui du contrôle des drones. Tout le monde ici sait très bien que pour contrôler un pays sans piloter ses dirigeants naturels ou quand les dirigeants ne sont pas «pilotables» il faut l’occuper le pays, mais pour occuper le pays ça prend des hommes, des armes, de la logistique compliquée, ça coûte cher, très cher, en argent et en hommes. Alors qu’avec des «locaux-contren’importe-quoi» à qui on fournit d’une part des armes, des explosifs, tout le tralala militaire, on épargne sur la logistique des troupes (ils sont déjà sur place et s’ils n’y sont pas, ils savent très bien comment y aller) mais aussi et surtout, on leur fournit l’information et l’intelligence, si vous voyez ce que je veux dire. Et comment on l’a eue nous, cette information sur l’endroit précis où se trouve leur ennemi, hein? Je vous le donne en… (incompréhensible) on l’a obtenue, avec nos drones qui peuvent se «tagguer», même à 20 km (demandez nos drones réseautés), sur un individu désigné, 24h tout le temps. C’est bien beau, me direz-vous, mais les locaux, comment les contrôlez-vous, les «locaux»? Avec des drones encore, des drones d’information envoyée à nos alliés, des lignes de communication, et en cas d’erreur, par exemple erreur de déplacement des troupes ou des armements, ou de redistribution des richesses naturelles à un tiers, ou quelque autre trouble – ne parlons même pas de sécurité ici… – De direction, des directives de directions, des déplacements de matériels ou d’hommes dans des directions qui ne seraient pas appropriées à notre stratégie. – En somme ce que vous semblez dire, c’est «Pas de drone pas d’avenir». – Exactement. … – Politique, quelle politique, dans le monde libre il n’y a pas de politique, seulement des «policies», et les policies sont commandées par la «national security», nous n’avons pas le choix, pour la sécurité du monde libre, nous devons asservir le monde, et quand je dis le monde, c’est le monde au complet. Le monde libre ne pourra exister qu’à partir du moment où il sera complet, planétaire, unique et unifié pour la liberté et la démocratie. … Voix irritée Contrôle humain – Les drones d’information sont effectivement équipés de mitrailleuses et peuvent l’être de roquettes. Ils peuvent donner un coup de main, à l’occasion, à des locaux qui seraient «mal pris» ou qui n’auraient pas tout à fait compris nos directives. – Comme…? Ode au Pêcheur – mais ça c’est la vision d’avenir à laquelle je ne veux pas penser: des drones connectés entre eux par internet, et qui seraient contrôlés par des «intérêts écologiques», non, quelle horreur… … - nous sommes absolument contre les robots-militaires, nos drones sont toujours sous contrôle humain. (Manifestement enregistré lors d’une session de vente-discussion-focus-group-genre…) Jan Dark U r b a i n Tsé, aussi loin qu’toé. Malgré les boules, malgré la noune, Mon ver de terre flotte proche du tien. Ô toi, pêcheur urbain, Toi qui affrontes les éléments, Le chaud, le frette, Le vent, la pluie, Dans les grosses roches, entre les touristes, Toi t’as compris. Toi t’as compris combien c’tait l’fun De voir ta canne faire touk-touk-touk, Ferrer, tirer et pis ram’ner Un p’tit, un gros ou bien une pelle. Y s’passe toujours de quoi à pêche. Des fois grisant, D’autres fois sacrant, Mais jamais, jamais emmerdant. Et pis au pire y’a le soleil, Pis les bateaux pis les oiseaux. Pis quand c’est platte y’arrive de quoi Pour t’faire écarquiller les yeux. Ces histoires-là c’est les meilleures. Comme c’te fois-là où t’as pogné Une autoroute ou ben un pont, Une bouée ou un voilier. Un pélican drette dans ta face Qui t’pique un doré qui mordait pas, Parce qu’y’était là drette en surface. Ou un héron qui s’est parqué à quarante pieds pis qui t’observe Pendant quatre heures. Le phoque qui vient scrapper ta pêche, Ou le huard ou les canards Qui viennent te compétitionner Et pis plonger en avant d’toé. Si t’es chanceux t’vas même pouvoir, Une fois par ci une fois par là, Te battre pour vrai avec une truite, Un esturgeon ou un crapet, Cent mille barbues, des p’tits gobies, Des achigans pis des muskys. Ô toi, pêcheur urbain, Lâche pas. Rosette Mariette Matapalimatou Mulcair contre le pipe-line? Voyons donc… 10 Ô toi, pêcheur urbain, Tu me fascines. Toi qui es smatte ou bien crétin, Ou bien douchebag ou bien taquin, Tu es fabuleux. Le bord de l’eau, le d’ssous du pont, la baie de ci, le quai de ça, Échantillon d’humanité. Des fois je t’aime, Des fois j’t’intriguée, Pis des fois j’aurais le goût de t’fesser. Tout comme dans file à l’épicerie, T’es comme un concentré De tout c’qu’on r’trouve quand on s’coltine À chaque humain au coin d’la rue. Des fois tu jases, Des fois tu t’tais, Des fois t’aurais mieux fait d’te taire. Des fois tu crisses ta ligne dans mienne, Parc’tu commences ou par malchance, Mais des fois rien qu’par arrogance. Des fois j’m’en fous ou j’trouve ça drôle, Ou bien j’te jambetterais dans l’fleuve, Rien que pour voir si tu mordrais Sur le vivant que tu viens d’mettre Sur ta grosse canne à cin’cent piasses. La troisième ligne qu’tu tires dans l’eau, En éventail pour prendre d’la place, Pour essayer de m’écoeurer Pour j’crisse mon camp parc’j’ai pu d’spot. Des fois tu m’traites comme une débile Parce qu’un m’ment’nné t’as remarqué Que la nature m’avait dotée D’une paire de seins pis d’un vagin. Ô toi, pêcheur machiste Ou misogyne ou juste sexiste, Va chier. Mon noeud va t’nir, y’ont toute tenu Les trois cent fois que mon ham’çon A revolé à deux cent pieds, Quand de tes yeux éberlués Tu me r’gardais swigner ma canne, Garrocher ma ligne loin. Ben loin. Ben, ben loin. L’auteure, bouche bée d’un gobie. 2 Le Couac | sept 2015 MARCHE CONTRE LES courrier VIOLENCES MASCULINES ROCK DE J usqu’à présent cette année 32 femmes et sept enfants ont été tuées en Catalogne en raison de la violence masculine. C’est intolérable. On ne peut parler de véritables droits ou d’égalité tandis que cet été, tous les trois jours, une femme est tuée par son partenaire ou son ex-conjoint. Cuenca, Marina et Laura sont les dernières victimes en liste des auteurs de cette violence coupable, mais qui a aussi trop de complices. Les complices sont les institutions qui traitent de la question comme quelque chose d’«inévitable» dans notre société. Les médias sont complices qui traitent ce terrorisme contre les femmes comme un «événement», et non pas comme une attaque. Le pouvoir judiciaire est complice dans toute sa structure patriarcale, une structure qui juge encore des femmes plus que leurs assassins. La complicité tient au fait que les femmes qui souffrent de ce processus de violence doivent y faire face sans protection policière, sans ressources publiques réelles. En Catalogne, mais ce n’est certainement pas différent du reste du pays, seulement 37 femmes sur 100 se voient accorder une ordonnance de protection quand elles la demandent. Au contraire, les tribunaux continuent à accorder la garde des enfants aux pères agresseurs, les mêmes qui utilisent ensuite ces enfants pour poursuivre leur violence envers les femmes, dont ils en viennent même parfois à tuer les enfants. Le sauvetage des banques et des banquiers par l’imposition de l’austérité politique a sérieu- sement aggravé la situation, avec la réduction de droits et de services créés pour assurer en particulier que les femmes ne soient pas soumises à ces colères de l’homme. On retire une aide essentielle, des refuges sont fermés, on prive de financement des organisations et associations oeuvrant pour les droits des femmes. Sans remonter plus avant, il y a une ressource de la Communauté de Madrid, le Conseil consultatif des femmes, qui a été éliminée pour «raisons budgétaires» par le gouvernement du Parti populaire dirigé par Esperanza Aguirre. En bref, sauf en de rares occasions, il n’y a aucune aide pour les femmes. Pas d’argent, pas de logement, pas d’assistance pour les enfants. On refuse d’appliquer la loi organique relative aux mesures de protection intégrale contre la violence de genre, pourtant adoptée en 2004 par consensus de tous les groupes. Des ressources efficaces et adéquates sont nécessaires contre la violence sexiste, en appui à sa prévention et en appui à la pleine égalité pour les femmes. Par conséquent, le mouvement féministe appelle la société espagnole dans son ensemble à descendre dans la rue le 7 novembre. Il est temps que vous fassiez un pas en avant dans le mouvement. Remplissez les rues. Pas une agression de plus contre les femmes! ACCIóN FEMINISTA 26-N Lancement de la session automne 2015 de l’UPop CULTURE !!! L e Festival Agrirock remet ça… Jamais deux sans trois! Pour une troisième année, du 24 au 27 septembre cette organisation bénévole et allumée nous convie à St-Hyacinthe pour cet évènement qui croise rock et art. La programmation musicale a quelque chose de très conséquent en sortant des quelques mêmes groupes du réseau habituel des festivals et du circuit régulier un peu trop restrictif… Si des noms de groupes tels Canailles, We Are Wolves, Chocolat sont bien connus et constitueront la charrue devant les boeufs, il n’en demeure pas moins que de nombreuses découvertes sont proposées aux mélomanes et esprit festifs : Mon doux saigneur – un folk alternatif aux textes empreints d’urbanité, Oktopult – un vivifiant duo batterie guitare chevauchant rock et punk, L’Algorythme – un hip-hop francophone à saveur expérimentale et populaire iconoclaste, Santosh Lalonde (Bad Uncle) pour un folk aussi sombre que bien crotté et ainsi de suite… Dans un coin de pays voué à l’agriculture, cela tombait sous le sens de rajouter un supplément de culture à la programmation de musique qualifiée d’émergente (une vingtaine de groupes au total) : exposition en arts visuels, après-midi littéraire, théâtre, performance et informations citoyennes, etc. Les organisateurs nous assurent que la région aurait été considérée, à une certaine époque, comme le Liverpool du Québec! Hors de Montréal et dans une ambiance pour le moins bucolique, l’invitation a son côté attractif. Il y a même l’autobus 200 qui part du métro Longueuil – Université Sherbrooke pour aller là –bas. (http://festivalagrirock.com/ ) Ramon Vitesse Pirate & Libre! sur CKUT 90,3 FM www.ckut.ca le mardi 15 septembre à La Vitrola 4602 St-Laurent, dès 19h *** INTERPRÈTES LSQ SUR PLACE! *** Placée sous le signe du thème de cette année: “Soigne ta gauche”, la soirée s’ouvrira sur des interventions de Vivian Labrie, chercheure et conteuse, et de Fred Dubé, humoriste, qui vous entretiendront avec esprit et humour d’austérité, d’hydrocarbures et autres sujets qui nous font dire, à l’UPop, qu’il est venu le temps d’entrer dans le ring. Suivront le dévoilement des cours que l’UPop vous réserve cette session ainsi qu’une soirée de danse festive. CO UR RIER Bonjour! Ça faisait des années que je n’avais plus la possibilité d’obtenir Le COUAC dans ma petite ville où les enveloppes brunes font beaucoup de brume pendant que les citoyens aux yeux fermés dorment paisiblement sur leurs lits de mort à demeurer des demeurés sclérosés dans leur cécité qui est une nécessité du quotidien qui ne rapporte rien dans le vide sidéral et intestinal de ne se contenter que de la marde. Un ami m’a laissé en ce samedi soir une copie de votre dernière parution pour éclairer ma soirée de viande sur l’os que mes dents bien aiguisées ont savourée à me remplir l’estomac cervical de nos vies si banales et nolisées à ne plus savoir voler pour rêver et se révolter contre les multiformes du genre Coderre qui me tape royalement sur les nerfs. Alors si vous voulez de ma plume pour déplumer les poulets, je serai volontiers un patient bien mal élevé à décrire notre triste réalité. Il y a quelques années j’écrivais sur le net pour un groupe Punk rock «Fed up» sous la rubrique «Le quilleur pudique» que Le Couac recrute Vous êtes un·e journaliste ambitieux·se et désirez faire valoir un point de vue objectif sur l’état du monde ? Allez vous faire voir... Pour les autres, ceux et celles qui veulent écrire afin de dénoncer la bêtise humaine, la stupidité de notre élite, les privilèges des riches et des puissants, Le Couac attend avec fébrilité votre prochaine contribution. Nous privilégions les textes courts (moins de 500 mots) et satiriques. Envoyez-nous vos textes ou illustrations avant le 18 septembre à [email protected], en indiquant bien vos nom, adresse courriel, numéro de téléphone et suggestion de titre. Tout texte peut être révisé ou écourté, au besoin. En plus de nouvelles plumes nous sommes en quête de nouveaux co-coordonnateurs bénévoles pour faire ce gratifiant boulot. Notre routine de collecte, lecture et révision de textes est aujourd’hui bien rodée et on vous aidera. Écrivez ou appelez-nous pour en savoir plus. vous trouverez sans doute par le truchement d’un moteur de recherche. Même à 61 ans je ne suis pas mort mais vivant. Jean Lozeau ... Marx et la crise du monde moderne L’autre jour en cours de socio, le prof nous a dit que la société est divisée en classes sociales. Ces classes ne se voient pas au niveau de l’individu.e, mais plutôt de la société. Même si j’ai tendance à me méfier des discours dominants, j’ai décidé d’aller enquêter par moi-même au niveau de cette question pour mon examen. Eh bien, figurez-vous que je suis tombé sur un Monsieur qu’on appelle Marx. Encore un mâle blanc hétérodominant, me direz-vous. Oui! Mais regardons un peu quand même ce qu’il avait à dire. À l’époque, la société traversait de nombreuses Fondé en 1997 par Pierre de Bellefeuille et Jean-François Nadeau. COORDINATION Any-Pier Dionne, Martin Dufresne. RÉDACTION Acción Féminista, François Cavaillès, Jan Dark, AnyPierre Dionne, Isabelle Doutreloux, Martin Dufresne, Dror, Nadim Paul Fares, Thomas Ferreuil, Jean-Martin Fortier, Isabelle Hayeur, La Juge Hot, Katia Juhasz , Jean Lozeau, Rosette Mariette Matapalimatou, Joanne Morin, Shanie Roy, Rosemarie Séguin-Lamarche,Valentin Tardi, Ramon Vitesse, Bronwyn Winter, Suzanne Zaccour. RÉVISION Any-Pier Dionne, Martin Dufresne ILLUSTRATIONS Ressources Prostitution, Katia Juhasz, Parents contre l’Austérité, Ramon Vitesse mutations en termes d’organisation sociale, et de production. Elle était alors comme un arbre qui change de feuilles en automne au terme de l’été, mais à la différence étant qu’il ne s’agissait pas de feuilles mais d’organisation de la production. Les ouvriers.ères sont apparu-e-s et ont remplacé les paysan.ne.s dans les villes, véritables champignons de misère poussant sur le terreau de l’exploitation du prolétariat. Voilà bien une image choquante de celles et ceux qui nous disent que le capitalisme est un bien pour la société! Aujourd’hui encore le monde est rempli de classes sociales, à ce qu’il semble. D’un côté nous avons les exploiteurs qui ne pensent qu’à se remplir les poches de cash comme un puits sans fond dont la soif est infinie, et d’autre part, il y a les exploité.e.s comme des pions de l’échiquier au bord de la route. Et, ça c’est une clef très utile pour lire le monde. J’ai eu C+ à mon examen. Salop de prof. Thomas Ferreuil Pour s’abonner Un an : 40 $ — Deux ans : 65 $ Abonnement institutionnel et de soutien : 70 $ Abonnement de groupe d’un an (10 copies par parution) : 300 $ Abonnement d’un an à l’étranger : 55 $ Abonnement «spécial 5 numéros » : 20 $ (une bonne façon de nous découvrir...) (taxes incluses) PAR TÉLÉPHONE PAR LA POSTE MISE EN PAGE Chester Rhoder IMPRESSION Hebdo-Litho DISTRIBUTION LMPI Abonnement et publicité : 450-563-2304 ISSN 1480–2074 • No de publication (Poste Canada) 1213369 Produit au Québec par des syndiqué.e.s Addresse 450-563-2304 Le Couac, 6940, rue Jogues Montréal (Québec) H4E 2W8 Adressez votre chèque à : Le Couac Nom Code postale Courriel Tél. L’HOMME AU MARTEAU-PIQUEUR Le Couac | sept 2015 3 D e ce gros titre on ne peut que retenir un nom, une figure populaire de la masturbation intellectuelle digne des plus moches nouvelles. Si une photo vaut mille mots, le Maire de Montréal à l’opposé dans son originalité fait mille photos pour un seul mot: GROS! – ou BIG! pour respecter le caractère francophone en régression dans sa ville. En fait le nouveau «slow gant» de ce ventre de fer dans une gaine de velour, c’est: «Qui veut bâtir un toit se doit de passer par moi». En fait le «moi» du stade, c’est lui. Bien sûr les retours d’ascenseurs sont plus nombreux avec Denis que le funiculaire du mât du stade, qui n’a rien de comparable avec cette parade sans fin de ses gestes posés pour affirmer sa souvraineté bidon, à vouloir même illuminer le pont Jacques-Cartier pour colmater les brèches des chevaux et de leurs calèches. Lui qui se fait le messager de Poste Canada dans son costume de «Denis le builder buldozer», marteau-piqueur bien emmanché, pour faire semblant de ne pas couler à pic dans la destruction inutile de blocs de ciment pour montrer sa désapprobation au fédéral comme de raison. tiroir de nos bijoux que l’on ne veut pas se voir dans le cou. Même que son ami Gilbert Rozon, dit «La risée de toute une génération», était d’accord avec cette idée de protection du territoire envahi sous de fausses représentations. Après tout, le scandale des commandites avait fait son oeuvre avec les postes stratégiques détenus par les fédéralistes qui en jouant du théâtre feraient tomber le rideau sur la dernière scène de nos idéaux. Que de protéger un Québec fort dans un Canada Lève-toi et Mars! Mais il sait se tenir debout devant l’envahisseur central pour préserver le côté patrimonial de notre caractère distinct sans que personne ne se soucie du lendemain. Tel Dollard-des-Ormeaux en barricades et pétarades dans un feu d’artifice en sacrifice pour les Québécois à ériger des toits pour le tennis, le baseball et autres sports lucratifs comme la prostitution de nos institutions. Denis était choqué de ne pas voir sa statue érigée un peu partout perpétuer le doux souvenir de son passage dans notre avenir collectif comme un simple pendentif à oublier dans le GATNO P Graffiti marseillais cessibilité aux services. La preuve que les Gatinois ne sont pas corrompus par des promesses de politiciens véreux, nous votons pour eux sans attendre quoi que ce soit, absolument rien en retour. J’en veux également pour preuves, les techniciens paramédicaux ambulanciers ottaviens7 venant en renfort nous décoller de la sfatt, pas de radio de chansons franco-acoustiques, et que le Pontiac est la région la plus pauvre du Québec8. Non, ce ne sont pas les gens les moins instruits qui votent libéral. Nos immigrants sont semblables aux vôtres, mais nous avons l’excuse que notre lieu de travail soit l’Ontario pour leur imposer l’anglais comme langue de travail. Nous sommes donc en mesure de répondre «Merci patron, merci patron quel plaisir de travailler pour vous» dans la langue de l’Anglais; Shakespeare ou un autre9, tel que recommandé par monsieur Couillard. C’est de leur voir la tête aux Africains quand on leur dit qu’en plus à avoir à refaire leurs études, parce que leur diplôme n’est pas reconnu, ils doivent également apprendre l’anglais. Selon une étude récente10, c’est à Gatineau que les femmes sont le mieux traitées au Québec. Et bien, ce n’est pas demain la veille que les Gatinoises vont brûler leur harnais à seins et ce malgré l’excellent article de Rosemary Westwood11 du Metro Ottawa paru le 25 mai dernier sur la honte d’avoir des mamelons qui transparaissent. (Article que vous devriez aller lire de ce pas, écrit par une vraie journaliste!) Si le mamelon est ignominieux, le sein ne l’est pas moins : l’allaitant, rononcé à l’anglaise, le «i» est presque inaudible. Nous n’en sommes pas entourés, nous en sommes tout imprégnés. Je fais référence à l’Anglais, les autres sujets britanniques canadiens. À Gatno la police est longtemps, souvent, énormément en moyens de pression1 mais pas les incarcérés. Le syndicat du crime ne fait pas la collecte des cotisations et les conditions de détention semblent toujours trop douces2 à certains d’entre nous qui pouvons jeter la première pierre et qui avons en permanence, l’autre joue tendue. Soyons magnanimes et agissons en pionniers pour suivre les enseignements d’Albert Jacquard3; (dont le nom n’a pas été retenu lors du dernier changement toponymique pour cause d’adresses nazies)4 et remplaçons le système actuel d’enfermement même pas digne du MoyenÂge, puisque la prison n’était qu’un sursis à la mort par torture ou par galère à cette époque par un système civilisé. Gatineau, dortoir de René, non pas Hull, mais Gatineau puisque si je dois mentionner Hull je devrai mentionner Masson-Angers, Buckingham et la rancunière Aylmer également (rancunière depuis les fusions de 2002)… Dortoir de René, écrivais-je donc, alors qu’il se faisait poignarder métaphoriquement, en notre nom, pendant la Nuit des Longs Couteaux. À Gatineau, on n’aime pas les piétons. Avec l’autorisation au virage à droite sur le feu rouge vous répondrez que les piétons ne sont aimés de personne, mais ici les autos ne font pas leur arrêt obligatoire avant de procéder. Vous persisterez en disant que ce n’est pas typiquement gatinois, eh bien, ici l’anti-piétonnisme est inscrit dans le paysage; la plupart des artères principales ne sont pas bordées de trottoirs de chaque côté. Vous vous obstinerez en vous essayant qu’à St-Jean-Baptiste-du-Lac-d’eau-à-bénir, il n’y a pas de trottoir non plus. Eh bien, Gatineau est la quatrième ville d’importance en quelque chose et il appert que ça devrait paraître dans le respect du piéton; qui constitue le quelque chose. En Outaouais, incluant cette fois-ci la franco-Ontarie, que de régionalismes savoureux5, toutes les tailles de serviettes de Les Mustangs chausseront-ils un jour les patins des Hansons? bain sont nommées essuie-main. Ici, on ne klaxonne pas, on toote de la horn. Et après avoir tooté de la le faux, le flasque et le libre. Le libre-triomphe de la horn, peut-être, je ne vous le souhaite pas, mais peut- femme vivant dans la pauvreté sans avoir à s’acheter être vous ferez-vous lutter par un char. Et si vous d’onéreux stabilisateurs de seins. S’il est plus difficile n’avez pas été emporté par le fuck you divin, il pour- d’occulter dans le regard de l’autre des seins qui s’épirait vous arriver également de composer le méchant vardent, rappelez-vous que si vous l’aimeriez tant numéro, traduisez et voyez que ça fait pas de sens en votre nœud de pendu thoracique, vous dormiriez anglais non plus et pas faire de sens n’est pas le seul avec. (phrase finite avec une préposition) bon mot radio-canadien qui ne vient pas d’ici, il y Toujours dans le domaine du soyeux, notre a l’infâme coup de barre6, jamais employé correcte- maire a une face de bébé barbu, mais il n’est point ment. Oui, j’en passe et des meilleures. grotesque, obscène ni vulgaire. Tant pis pour vous. En Gatineau, on vote libéral depuis avant Jé- Son arrivée au pouvoir coïncide avec un déluge de sus-crie parce que si on se sépare du Canada nous plaintes relativement à l’avènement du Rapibus; pane perdrons pas seulement nos jobs de fonction- rodie du très efficace Transitway ottavien. Citons naires, entre autres, puisque l’ouvrage en général est le chauffeur inconnu entendu par hasard : «Si vous de l’autre côté de la rivière, mais également notre êtes pressé monsieur, ne prenez pas le transport en système de santé ontarien. Nous, Gatinois, avons la commun!» et remplaçons Société de Transport de santé de nos familles à cœur c’est pour cela que nous l’Outaouais par Siteseeing Tours de l’Outaouais; aniprivilégions des temps d’attente raisonnables et l’ac- mateur en moins. d’États-Unis contre la guerre des étoiles annoncée à coups de circuits de la «Baseball Major League» dans le losange des Bermudes du Maire Coderre ne ferait qu’augmenter l’écart entre la richesse et la pauvreté et des spectateurs qui devraient se contenter de regarder la parade passer au lieu de se débarrasser du pain et des jeux pour enfin passer aux aveux. Le sexe, drogue et rock and dogme prenaient place sur le terrain foulé par l’argent pour plaire aux plus truands. Associé à son compagnon de route, le maire Labeaume embaumé dans ses projets aussi inutiles que des navets à faire progresser notre monde à creuser plus profond notre tombe. Tout ce qui n’a pas de mémoire finit de l’autre côté du miroir. Et c’est ce que Coderre tente de faire en noyant tous les poissons dans l’exploitation du multiculturalisme à outrance dans cette prostitution d’une foire aux larrons. Lui qui est né sous une bonne étoile dans son langage coloré «Ovni ment qui mal y pense» qui fait de lui un extra-terrestre, un lutin qui se transforme en véritable putain en laissant les trous des rues de sa ville devenir des torpilles à faire exploser les pneus et les suspensions comme belle manière d’oppression en gaspillant les fonds publics pour les mêmes poches encore plus proches. Ce sera merveilleux de fêter le 375ième anniversaire de Montréal dans des dépenses fastes à graisser des pattes pendant que des enfants affamés se battront dans la rue à trouver un peu de respect dans les gangs de rue. C’est un Jean Drapeau des temps modernes que Denis Coderre s’expose à imiter en maquillant la vérité de sa ville prise de pauvreté. C’est dans les grands évènements qu’on reconnait les petites gens. Jean Lozeau Pour conclure, mentionnons Jos Montferrand12, célèbre Gatinois d’obscure origine et casseur renommé d’Anglais (preuve qu’une pomme peut non seulement tomber à des kilomètres de l’arbre mais également se chier dessus). Le palais de justice de Gatineau qui porte son nom n’est pas sur le terrain de la Commission de la Capitale Nationale qui, comme le Vatican ou le Labrador, siège sur une terre qui n’est en apparence pas la sienne, et l’explication de ce phénomène ne sera pas abordée dans une autre chronique non plus. Il ne faut pas oublier de mentionner le vaste et très magnifique parc de la Gatineau. C’est fait. Texte et illustration de notre caricaturiste hors résidence, Katia JUHASZ 1- http://cobp.resist.ca/documentation/brutalit-polici-re-contre-un-itin-rant-gatineau 2- http://www.lemonde.fr/societe/article/2006/01/25/des-detenus-signent-une-petitionpour-le-retablissement-de-la-peine-de-mort-enfrance_734541_3224.html\ 3- Un monde sans prison?, Albert Jacquard, Hélène Amblard, Éditions Point Virgule, 1993. 4- http://www.lapresse.ca/le-droit/actualites/villede-gatineau/201505/22/01-4871888-attaches-a-leurnom-de-rue-nazi.php 5- Petit lexique outaouais, Tourisme Outaouais, http://www.tourismeoutaouais.com/ blogue/petit-lexique-outaouais/ 6- http://ici.radio-canada.ca/regions/ quebec/2015/07/06/007-carnaval-plan-relance-deficit-achalandage. shtml http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/ politique/2015/06/19/001-quebec-martin-coiteux-technologie-information-conseil-tresor.shtml http://ici.radio-canada.ca/breve/19104/ ti-un-coup-barre-encore-plus-grand http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/ Politique/2007/10/03/005-Dion-Tourmente.shtml http://www.lapresse.ca/le-soleil/ actualites/justice-et-faits-divers/201505/06/01-4867516-18-ans-deprison-pour-avoir-battu-sa-copine-acoups-de-collier.php 7- http://www.cbc.ca/news/canada/ottawa/gatineau-to-hit-limit-for-help-from-ottawa-paramedics-1.1223115 8- http://www.tvagatineau.ca/articles/20130607133725/mrc_pontiac_toujours_ plus_pauvre_quebec.html 9- http://ici.radio-canada.ca/sujet/elections-quebec-2014/2014/03/29/013-philippe-couillard-langue-francaise-enseignement-anglais.shtml 10- http://www.lapresse.ca/le-droit/actualites/ sante/201507/15/01-4885728-bien-etre-desfemmes-gatineau-loin-devant-ottawa.php 11- http://issuu.com/metro_canada/ docs/20150525_ca_ottawa 12- http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-670/Jos_Montferrand,_figure_l%C3%A9gendaire_de_l%E2%80%99Outaouais.html#.VdNZSfl_ NHw vie en ville TOUT CE QUI N’A PAS DE MÉMOIRE FINIT DE L’AUTRE CÔTÉ DU MIROIR international 4 Le Couac | sept 2015 GÂCHIS AU LIBAN... ET AILLEURS ! L e weekend end dernier, au Liban, des manifestations ont éclaté à cause d’un problème d’ordures. Pendant des semaines, les déchets et les ordures s’accumulaient dans toutes les villes, y compris Beirut, la capitale. Mais il faut savoir que ce n’est que la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le Liban, c’est un pays de 7 millions d’habitants où l’État ne fournit eau (non potable d’ailleurs) et électricité que quelques heures par jour! C’est un pays où les égouts et les usines contaminent les nappes phréatiques et la mer! C’est un pays où construire de hautes tours au bord de la plage est permis pour les riches, ruinant le paysage pour des milliers d’autres habitants moins fortunés! C’est un pays touristique qui a accueilli deux millions de réfugiés syriens! En fait, le problème d’ordures est un problème «d’ordures» politiques avant tout. Ces élus et ces familles au pouvoir depuis de décennies ressemblent plus à des dynasties d’aristocrates et pourrissent sur leurs sièges (les Jumblatt, les Gemayel, les Hariri). Le système politique est construit sur le clientélisme, ce qui ne permet aucun accord au parlement sur les grandes questions de la nation. Il va bientôt faire deux ans que le Liban n’a pas de président, faute d’entente au parlement, alors qu’il revient aux élus du peuple de ce pays de choisir le gouvernement et le président. La question des réfugiés est exploitée, tantôt par des politiciens incitant (sans scrupule) la xénophobie pour gagner des points en popularité auprès de l’opinion publique, tantôt par des commerçants qui doublent leurs prix en sachant que ces repas sont payés par les organes de l’ONU pour des réfugiés. Autant de raisons pour que la foule s’enflamme. «Sortez les poubelles!» Ne voit-on pas, aussi, une autre odeur nauséabonde se répandre au Québec et au Canada? Ces routes en rénovation éternelle… Ce système de santé inefficace où la patientèle attend d’être à deux doigts de mourir pour espérer être soignée aux urgences. Ces infirmières qui ont de plus en plus de tâches mais qui pour l’instant touchent manifestement le même salaire1. Ces coupes dans les budgets essentiels des services publics2. Ce conseiller municipal de Toronto qui a fait campagne à la place de son frère, maire sortant. Ce projet d’oléoduc venu des sables bitumineux qui reliera le Canada aux États-Unis, au risque de conséquences écologiques désastreuses et déjà avérées3. Ça commence à puer, tout ça. J’espère qu’un jour l’odeur du cèdre, emblème du Liban, remplacera l’odeur des “ordures”, et que celle de l’érable ne se gâtera jamais. Nadim Paul Fares 1- http://www.ledevoir.com/societe/sante/428518/ les-infirmieres-investies-de-nouveaux-pouvoirs 2- http://www.ledevoir.com/politique/quebec/410145/budget-leitao-regime-minceur-a-quebec 3- http://ici.radio-canada.ca/emissions/l_actuel/2014-2015/chronique.asp?idChronique=346132 AMNÉSIE INTERNATIONALE ILS ONT OSÉ ! L’été a été show. S cotchés devant nos écrans, nous avons vu fondre comme crèmaglace au soleil l’illusion rassurante que le racisme et le sexisme étaient chose du passé – même si on en avait beaucoup parlé… Pendant que les mosquées brûlaient en France et que les flics américains abattaient impunément un Noir désarmé par jour sous n’importe quel prétexte, Amnesty International, l’apôtre de la bonne conscience occidentale, revenait à la charge dans le dossier de la prostitution. Insatisfaits d’un sondage mondial qui avait rejeté ce projet par une forte majorité l’an dernier, les leaders masculins d’Amnesty ont forcé l’adoption, en août à Dublin, d’une résolution de décriminalisation des proprios de bordels, des proxénètes et des acheteurs de sexe, «pour le bien des femmes». Douglas Fox, un célèbre copropriétaire d’agences d’escorte du nord de l’Angleterre, se vante d’être l’un des auteurs du document voté par Amnesty. «Mais moi, c’est pour les travailleuses du sexe…?» Il faut savoir que «l’industrie du sexe» utilise les femmes comme boucliers humains dans sa propagande. Mais en lisant la résolution adoptée, on constate que les femmes devront passer leur tour pour ce qui est de la full-décriminalisation réclamée. Amnesty reconnaît en effet aux municipalités le droit de les arrêter. «Désolés, chérie, c’est ton acheteur et ton boss qu’on protège…» Les donateurs individuels d’Amnesty ne se doutaient certainement pas que leur argent allait financer la défense de pimps et de bordels. Il s’est publié depuis deux ans une vague énorme de textes d’opinion critiques d’Amnesty. Et, depuis le vote de Dublin, des illustrations irrévérentes détournent le logo et la pub de la vénérable organisation (http://on.fb. me/1LMSant). Alors que le 6 juillet on croyait au cocktail ouzo-champagne, le 14 juillet on se relève avec une gueule de bois qui n’est pas due au bal des pompiers de la veille... es informations de Grèce sont déprimantes et décourageantes, tristes pour la Grèce et tristes pour les peuples du monde entier qui se font battre, écraser, voler, humilier et ruiner par les banques. Le message est clair : inutile qu’ils se rebellent, ou même qu’ils en rêvent. Pourtant, le rêve européen, et l’Euro en particulier, avaient été présentés comme un engagement de solidarité entre pays européens, où les pays les plus riches aideraient les pays plus pauvres à s’en sortir. Dès le début, on pouvait questionner la moralité d’un projet destiné à n’aider que des pays de l’hémisphère nord, en exploitant le tiers-monde et en laissant mourir les migrants à ses portes fermées. Mais aujourd’hui l’Euro est utilisé pour attacher les mains et enfermer les pauvres, même européens, sous la coupe des banques. Pour certains, ils reconnaissent que l’Europe prend un mauvais chemin, trop capitaliste, trop à droite, mais ils espèrent que c’est circonstanciel, et qu’il ne tient qu’à nous de la faire changer de chemin. Autrement dit, un jour peut-être, si la majorité le décide, l’Europe sera sociale et solidaire, inch’allah. Ce rêve européen, j’y ai cru... Mais le non au référendum de 2005 sur le traité européen qui, comme celui de la Grèce, a été démocratiquement gagné, fut autoritairement refusé par les dirigeants et les banquiers européens. Cela nous a appris que, le jour où l’Europe prendrait un virage «à gauche», on casserait les élections et, au besoin, on enverrait l’armée. Comme l’écrivait Paul Krugman en juillet: «Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir de Syriza ou de la Grèce, ce ne sont pas les Grecs ou Syriza qui ont ruiné le rêve d’une Europe démocratique et unie.» Si tant est qu’il ait jamais existé, le rêve européen est mort. L’Europe a, dans son ADN, un gouvernement impérialiste, dirigé par les banques et contre les peuples. Peut-on encore croire à une quelconque utilité positive à l’Euro, à l’Europe, voire à la démocratie? J’en doute de plus en plus… L Des dizaines de milliers de signataires ont aligné leurs noms sur des pétitions aux côtés non seulement de féministes, d’Autochtones, de journalistes et de chercheur.e.s, mais de célébrités comme Meryl Streep, Margaret Atwood, l’ex-président Jimmy Carter, les FEMEN, le rédac-chef de Charlie Hebdo et la ministre suédoise des Affaires étrangères. (http:// Dror RessourcesProstitution.wordpress.com) (Aussi publié dans Le Psikopat, septembre 2015) Cette indignation internationale pèsera-t-elle plus lourd que le soutien discret au lobby pro-prostitution de multimilliardaires comme Pierre Ber- Combat d’arrière-garde gé (Yves St-Laurent), Elisabeth Badinter (Publicis) Heureusement, les soi-disant libertaires qui inet surtout George Soros, un spéculateur boursier sultent lâchement féministes et survivantes mènent pro-prostitution et pro-drogue qui aurait d’énormes un combat perdu d’avance. Le modèle suédois (disinvestissements dans ces domaines (http://sisyphe. suasion de la demande et soutien aux femmes) gagne org/spip.php?article5119)? pays après pays. Adopté au Canada il y a neuf mois Money Talks Femmes-alibis L’EUROPE EST NÉE EN GRÈCE, L’EUROPE SE MEURT EN GRÈCE On peut penser que c’est l’argent de Soros qui a permis à Thierry Schaffauser, un des leaders du lobby de l’industrie de venir tenter de saboter le Congrès international des recherches féministes tenu à Montréal à la fin août à l’UQAM, à deux pas de «La Calèche du sexe». Parce que c’est au sein même des espaces féministes que l’industrie doit semer la confusion pour arriver à présenter les femmes comme «divisées». Mal lui en a pris parce que des survivantes lui ont bellement rabattu le caquet (voir page 8). Ce qui change actuellement la donne, c’est justement la détermination de ces femmes, qui parlent de l’oppression sexuelle commerciale pour l’avoir vécue et s’être finalement dégagées du pouvoir des pimps. Les films de cinéastes comme Ève Lamont (page 5), les coups de gueules d’ex-prostituées prêtes à risquer leur vie et le patient travail de collectifs de survivantes – comme le Collectif d’aide aux femmes exploitées sexuellement (CAFES) – démontent les arguments et mensonges les mieux rodés, ceux qui ont abusé la confiance des délégué.e.s de Québec Solidaire au printemps, eux aussi acquis au camp des proxénètes. avec la loi C-36, il prévoit notamment un appui financier aux organismes qui aident les femmes à échapper au milieu de la «gaffe». On voit d’ailleurs déjà des lobbyistes pro-industrie, qui ont lutté bec et ongles contre cette loi, tenter d’en tirer des subventions à d’autres fins que la sortie du milieu! Tout comme ils tentent de détourner les budgets de recherche sur les répercussions de l’industrie et de la traite. (Lire «Le coup de force du lobby prostitutionnel contre un projet de recherche de l’UE», de la journaliste d’enquête Kajsa Ekman http://bit.ly/1IxaJ7A) Quant à Amnesty, discréditée à grandeur de la planète par sa pathétique politique, il y a gros à parier que son PDG, Salil Shetty (salaire : 300 000$ par année), va échouer dans la poubelle de cette triste histoire. Martin Dufresne A près une sortie remarcommerce du sexe dans leur région et de la résistance féquée à Montréal et à ministe. Québec ce printemps (dont nous avons parlé au Toutes les projections seCOUAC), le long-métrage Le ront en effet suivies d’une Commerce du sexe (ONF et Radiscussion, habituellement en présence d’Ève Lamont. pide-Blanc) de la camarade Ève De très nombreuses projecLamont, prend la route des régions du Québec ces jours-ci et tions bénéficieront aussi de pour tout l’automne. la participation d’interveAvec des présentations à nantes du CALACS de la région (centre d’aide et de lutte Terrebonne, La Malbaie, Baiecontre les agressions à caracSt-Paul, Val-d’Or, Rouyn-Noranda, Lac Simon, Cowansville, tère sexuel). Trois-Rivières, Ste-Anne-desCes soirées auront lieu Monts, Rimouski, Gatineau (et aux alentours de journées d’action et de sensibilisation Ottawa), Sherbrooke et d’autres villes qui s’ajouteront sous peu, à la violence – et notamment on aura partout l’occasion de la violence sexuelle – infligée par des hommes aux femmes. voir Le Commerce du sexe sur Pour obtenir dates, grand écran, de s’informer et Ève Lamont d’échanger sur la démarche de la 2015 © Roch Poirier. Tous droits réservés. adresses et horaires, voir: cinéaste et de discuter la réalité du http://on.fb.me/1JnZMXL SOPHIE DESRAPE, CINÉASTE Augustin Legrand, acteur français, parmi les Madelinots dans une scène du film Les Loups. Trois questions à la cinéaste québécoise Sophie Deraspe, qui a sorti ici deux beaux films cette année, Les Loups, trip original aux Iles-de-la-Madeleine, et Le Profil Amina, enquête sophistiquée entre Damas et Montréal, alors que son oeuvre se fait encore rare en France. Entre deux petits milieux plutôt baveux (l’industrie du cinémaaaaa...), un océan de cinéphilie. De vos années universitaires en littérature française au lancement de votre dernier film au gros festival indépendant américain Sundance, votre parcours pourrait montrer qu’il est bien difficile de s’épanouir au plan culturel dans le monde d’aujourd’hui en français? L’immixtion de l’anglais dans mon travail s’est faite au hasard des circonstances. Le documentaire Le Profil Amina m’a conduit de l’Amérique au ProcheOrient (par la force du sujet et de ses protagonistes) et, la langue anglaise étant la seule que plusieurs parlent, ou alors la seule que j’ai en commun avec une Turque, une Russe d’Israël ou un Syrien en exil, elle s’est retrouvée majoritaire dans le film… Mais il va sans dire qu’un film en anglais se vend mieux, aux États-Unis, bien entendu, mais également dans le reste du monde. That’s a fact, Jack. Nous sommes québécois francophones, et positionnés selon une perspective unique. J’ai toujours aimé être de la minorité. Ça fait voir le monde autrement et peut-être même plus créativement (cela s’applique aussi aux anglophones du Québec, euxmêmes une minorité dans l’ensemble francophone). Mais câline que c’est cool d’être compris par la multitude. Ça permet de passer nos messages de marginaux! Votre premier long-métrage, Rechercher Victor Pellerin, se passait pour partie en France, sur fond de jeunesse débordante, d’amitié très particulière entre Paris et Montréal, et avec parfois beaucoup d’humour. Puis vos films suivants, très écrits et de plus en plus sérieux, se déroulent presque exclusivement au Québec, sans grand appui de partenaire français. On dirait qu’entre deux cinémas incompatibles, deux industries froidement dos à dos, l’entente ne peut être qu’exceptionnelle, comme un heureux accident? D’abord, je dois dire que Les Loups, mon dernier film de fiction, est une coproduction avec la France. Cela peut paraître étonnant étant donné qu’à l’arrière-plan de l’histoire il y a la chasse aux phoques: Or la France fut, avec Brigitte Bardot, à l’avant-scène des manifestations anti-chasse. Les Français ont donc pu avoir une sympathie pour mon cinéma en général et pour ce scénario en particulier, avec son caractère ethnographique. Cependant, il demeure très difficile de rejoindre les salles de cinéma en France, comme dans n’importe quel autre pays. Nous demeurons des étrangers dont les films sont casés dans la section «Cinéma du monde», avec sous-titres et public potentiel restreint. Faire une coproduction avec la France, c’est aussi aller travailler là-bas. Dans mon cas, toute la postproduction s’est déroulée à Paris. Là aussi, nous paraissons exotiques dans un monde qui ne fonctionne pas du tout comme le nôtre. Rapports professionnels, hiérarchie sociale, efficacité au travail; nous demeurons de culture étrangère, au-delà d’une langue qui ANTOINE ET MARIE T raiter d’un sujet aussi délicat que le viol, sans tomber dans les clichés, n’est pas chose aisée. C’est pourtant ce qu’a réussi avec brio le réalisateur Jimmy Larouche dans son film Antoine et Marie. Il s’agit de l’histoire croisée d’une victime (Marie) et de son présumé agresseur (Antoine). Cette histoire est aussi celle d’un viol sous l’effet d’une drogue. Mais surtout celle de ses répercussions sur la victime qui nage dans le noir complet. Aucune mémoire de ces événements, ce qui rend le sujet trouble. On voit en parallèle la victime et son présumé agresseur dans un 5 à 7 et puis, plus rien. Marie se réveille le lendemain dans un taxi la ramenant chez elle. De l’autre côté, le présumé agresseur continue sa vie, avec son boulot et son goût pour les sites pornos. Quant à l’identité du ou des agresseurs, Larouche ne la précise pas, pour amener le spectateur à faire sa propre réflexion. Le fait de voir Antoine passer son temps sur ces sites porno nous donne fortement l’impression que c’est nécessairement lui et ce, par manque de sexualité. Or on sait que les agressions sexuelles sont d’abord un rapport de pouvoir. Petit bémol qui n’enlève rien au film. Marie, quant à elle, tente de reconstruire le fil des événements et surtout de se reconstruire. Incapable d’exprimer ses émotions, elle néglige son conjoint qui n’y comprend plus rien. Il voudrait l’aimer comme avant, mais Marie ne répond plus. Et ce qui est troublant, c’est de le voir s’engager dans une relation sexuelle sans son consentement, ce qui constituerait un deuxième viol (comme dans le chef-d’œuvre d’Anne-Claire Poirier, Mourir à tue-tête, tourné en 1979). Peu de critiques soulèvent ce point cependant. L’histoire se fait avec tout ce qu’il y a de plus banal comme personnages. Ce sont des gens simples, travaillant pour un concessionnaire automobile. Il s’agit d’un film d’une grande qualité dont le sujet est traité avec beaucoup de doigté. Avec peu de dialogue, tout se joue dans le silence, le non-dit, le jeu extraordinaire des acteurs, Martine Francke (Marie) et Sébastien Richard (Antoine). Elle et il ont su donner beaucoup de crédibilité à leurs personnages. Très beau film d’auteur à voir pour comprendre l’impact d’un tel événement dans la vie d’une personne. Isabelle Doutreloux permet de communiquer (et encore!). Marie-Josée Croze et Charlotte Lebon ont réussi leur intégration en se moulant complètement aux Français, alors que Xavier Dolan est quant à lui arrivé en prince, attitude rare venant d’un humble Québécois. Notons que tous les trois sont acteurs! Vous partagez votre vie avec un Français. Comment se vit l’amour à travers les deux cultures? Dites donc, vous êtes informés! Moi qui suis discrète sur ma vie personnelle! Oui, je suis mariée à un Français et laissez-moi vous dire que c’est compliqué! Ha, ha! Finalement peut-être juste aussi compliqué que n’importe quelle vie à deux. À la nôtre s’ajoutent des référents culturels différents, l’écoute des nouvelles internationales de France 24, mais vraiment, je dois faire un effort mental pour trouver en quoi notre relation Québec-France serait particulière. Souvent, je me suis fait la réflexion d’une culture américaine dans le sens de l’horizontalité, avec son vaste espace physique et mental, alors que l’Europe se positionne davantage sur la verticalité, avec des couches historiques profondes qui s’empilent les unes sur les autres. On y bouge moins facilement, mais on a la possibilité de creuser. Cependant, je ne pense pas avoir marié un Français; j’ai marié mon amoureux, tout simplement. Propos recueillis par François Cavaillès SOYEZ PRÊT.E.S POUR RICKI I l y a des films qui se glissent sous le radar, soit parce qu’ils sont un peu trop dérangeants, soit parce qu’ils surprennent des critiques masculins blasés, habitués à voir les stars rester dans leur registre classique. Ricki and the Flash est une petite merveille auquel le Toronto Star reproche de n’avoir pas fait autant d’entrées que l’on aurait pu attendre d’un «véhicule» de Meryl Streep. Le fait est que celle-ci (d)étonne en incarnation d’une rocker de 66 ans qui chante des oldies et du Lady Gaga dans un bar pourri de Californie. Elle survit dans un emploi de caissière chez Wal-Marde, sous la menace constante d’être congédiée si elle continue à mettre les clients mal à l’aise en partageant ses réflexions existentielles. Mère Courage Personnellement, j’ai adoré la performance de l’actrice et le scénario de la sulfureuse Cody Diablo (Juno, Jennifer’s Body, Young Adult, Paradise), qui a le talent de la réplique assassine. Le film est fondé sur le contraste entre la persona anti-héroïque de Streep et le foyer bourgeois qu’elle a abandonné en Idaho, quand elle a décidé de vraiment vivre sa vie. Foyer où Mère Découragée doit soudain retourner en catastrophe lorsque sa fille tombe en dépression après avoir été larguée par un fiancé BCBG. Ce personnage est joué par la fille dans-la-vie de Streep, Mamie Gummer, et elles font un duo assez délicieux à mesure que les valeurs de la rockeuse au cœur d’or contaminent la vie tranquille des WASP du Midwest et l’idéologie du joli-mariage-pour-la-vie. À voir avant que ça ne quitte l’affiche pour laisser le champ libre aux habituels films de bang bang pow pow! 5 P.S. : La version française diffusée au Québec est bien mieux que la version franchouillarde de la bande-annonce : https://www.youtube.com/ watch?v=pq6MZFh_g60 Martin Dufresne cinéma « C’EST MA TOURNÉE ! » Le Couac | sept 2015 6 Le Couac | sept 2015 DROGUER MES ENFANTS? lecture TDAH? Pour en finir avec le dopage des enfants, Jean-Claude St-Onge, Écosociété, septembre 2015. Q u’est-ce que le TDAH? Est-ce que l’explosion du nombre de diagnostics de «Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité» correspond réellement à une explosion du nombre de cas? Est-ce que nos enfants sont surdiagnostiqués et surmédicalisés? Est-ce que notre société réclame un seul et unique modèle de comportement, de personnalité? Quand un si grand pourcentage de jeunes (81% selon les sources de l’auteur) aura reçu un diagnostic de maladie mentale avant l’âge adulte, est-ce à dire que le «modèle unique» est réaliste? Dans TDAH?, Jean-Claude St-Onge remet en question le trouble lui-même et sa définition, le surdiagnostic, la surmédicalisation pour le profit et la façon tordue qu’a notre société d’aborder les comportements et émotions, plus particulièrement ceux des enfants. La plupart des parents d’enfants d’âge scolaire se sont vu brandir le spectre du trouble de comportement, bien souvent dès la maternelle. Le front soucieux, on demande plus de détails à l’enseignant.e, pour se rendre compte que les «symptômes» décrivent à peu près exactement l’enfance. «Difficultés à gérer les conflits», «exprime peu d’intérêt envers le contenu du cour s», «bouge beaucoup», «parle dans les corridors», etc. On demande à nos enfants de rester dans le moule, de se conformer en tout, de ne surtout pas sortir du lot. On effectue coupure sur coupure pour se retrouver avec des classes surchargées, coincées dans des horaires stricts qui refusent de prendre en compte le fait que ces enfants et professeur.e.s sont avant tout des humains, dotés de personnalités propres, d’émotions, de vécu. On exige des humains d’être formatés, dès la naissance, à produire, exécuter, intégrer sur commande. L’AGRICULTURE BI O L O G I Q U E SUR PETITE SURFACE On invente des maladies À force de vouloir inventer un «idéal» de citoyen, on invente des maladies, en élargissant les critères pour pouvoir y entasser tout le monde et n’importe qui. Et quand on voit la quantité de médicaments administrés, on est en droit de se demander, comme le fait l’auteur, jusqu’à quel point nous ne sommes pas victimes de cette industrie. Si nos enfants ne sont pas drogués massivement, oui pour devenir obéissants et dociles, mais surtout pour engraisser des comptes bancaires? Quand je regarde mes enfants, que je m’émerveille devant leur unicité, quand je me rappelle ma propre enfance et toute la liberté dont j’ai joui, combien on m’a encouragée à être moi-même... Je ne peux que regarder avec appréhension une société qui tente de niveler, d’égaliser, de standardiser ces enfants plein.e.s de créativité, de splendides étrangetés. Je ne peux donc que vouloir trouver d’autres solutions que de les droguer pour les forcer à entrer dans la petite boîte bien carrée qu’on leur demande d’occuper de plus en plus jeunes. Je relirai cet ouvrage avec attention. Ne serait-ce que parce que statistiquement, au moins trois de mes quatre enfants seront un jour confronté.e.s à ces attentes, à cette médicalisation. On m’a déjà proposé le fameux Ritalin pour deux d’entre eux. Parce que... «A beaucoup d’énergie et riait avec son amie pendant que je parlais en classe.» Le jardinier-maraîcher, Jean-Martin Fortier, Écosociété, 2012. « Une des choses qui m’encourage le plus est de voir le nombre de jeunes gens enthousiastes, éduqués et politisés qui souhaitent profondément apprendre l’art de produire de la nourriture de manière durable. Dans un avenir rapproché, cette communauté formera une masse critique puissante et, le jour venu, on ne pourra plus nous ignorer. (...) L’agriculture locale a le pouvoir de transformer la société, et je suis de ceux qui pensent que cette transformation est en cours. Mais pour y arriver, il nous appartient à tous de réinventer le noble métier d’agriculteur. » — Jean-Martin Fortier Rosemarie Séguin-Lamarche LA FILLE DU DESTIN Fille du destin, Isabel Allende, Grasset, 2000. P aru en 2000, chez Grasset, ce deuxième roman de la trilogie involontaire de Isabel Allende (La Maison aux esprits, Fille du destin, Portrait sépia) raconte le destin d’Eliza, enfant abandonnée en 1832 dans le port de Valparaiso et recueillie chez les Sommers, famille aisée installée au Chili. Éprise d’un jeune homme idéaliste sans le sou, Eliza quittera sa petite vie douillette pour retrouver son amoureux, parti chercher de l’or en Californie. Roman d’amour et d’aventure mais aussi féministe, car Eliza tout comme sa mère adoptive, Rose Sommers, ne subit pas son destin, elle le fait. Depuis le port chilien de Valparaiso jusqu’aux mines d’or de la Californie, avec un détour par la Chine, Isabel Allende nous conte le destin d’Eliza, sa découverte de la liberté et son émancipation, mais aussi celui de ces hommes venus trouver fortune et qui façonneront un nouveau pays. On retrouve dans ce roman tous les thèmes de prédilection d’Allende depuis La Maison aux esprits; les plus récurrents étant la condition féminine et l’histoire des Amériques. «Elle avait organisé sa vie et le stigmate de la vieille fille ne lui faisait pas peur; au contraire, elle était bien décidée à susciter la jalousie des épouses, malgré la théorie en vogue selon laquelle les femmes qui s’écartent de leur rôle de mère et d’épouse se voient pousser des moustaches, comme les suffragettes.» BULLES EXPLOSIVES UNE RESPIRATION LENTE ET PROFONDE (NSD) de Catherine Parent et Mathieu Forget Réalisé à compte d’auteur, ce livre québécois pose des questions graves auxquelles aucune réponse ne saurait être la bonne. C’est par le truchement d’une femme dont la vie bascule, alors que son mari se retrouve subitement hospitalisé et reste dans le coma, que nous nous poserons les mêmes questions qu’elle. Cette dame passe ses journées à l’hôpital et finit par se demander si elle ne devrait pas revivre… En fait, elle se demande pourquoi ils n’ont pas eu d’enfant, pourquoi elle n’est pas partie en Espagne comme une amie, sans parler des quelques connaissances qui tentent de la diriger, pour son bien, vers ce qu’elle devrait faire dans les circonstances. Quant c’est pour les autres, on sait toujours ce qui devrait être fait! En noir et blanc avec une seule couleur jaune maïs, le dessin et le découpage font écho aux multiples points d’interrogation. Alors que la femme est finalement partie rejoindre son amie en Espagne et qu’elle envisage de travailler à son auberge, son mari émerge, comme ça, du coma au Québec. LE MONDE DU DESSOUS (Casterman) de Didier Tronchet et Anne Sibran Bédéiste et romancière, ils sont aussi un couple dans la vie. Chacun œuvre indépendamment bien qu’ensemble, l’une et l’autre aient signé quatre BD hors des créneaux narratifs ordinaires. Parmi eux, Le Quartier évanoui (Vents D’Ouest) et Là-bas (Dupuis) – ce dernier récompensé par le Prix Uderzo 2005. Leur famille a vécu quelques années en Bolivie et en Amazonie; ce qui a inspiré Vertiges de Quito (Table Ronde) à Tronchet et Dans la montagne d’argent (Grasset) à Sibran. C’est ce dernier roman, sous un nouveau titre, qu’adapte Tronchet. L’Amérique du Sud est de nouveau au cœur de cette histoire dans laquelle les Indiens étaient envoyés au fond des mines d’argent pour le bénéfice de quelques-uns. Les auteurs s’attachent au fils d’un mineur tué dans un éboulement de galerie. Par delà une trame linéaire, il est question d’une vengeance à saveur surréaliste faisant appel au diable – celui-là même auquel les Indiens faisaient offrande avant de descendre dans les entrailles de la Terre. La malédiction? «Le vrai, le faux, donne-leur n’importe quoi qu’ils prendront pour de l’or.» Avec le dessin de potache unique à Tronchet, et sans oublier cette princesse Inca congelée vivante lors de rites pour apaiser le volcan, voici un livre tout simplement éblouissant. EMBARQUÉ Cailleaux (Futuropolis) de Christian Mais pourquoi, encore aujourd’hui, voit-on des jeunes filles et des jeunes garçons s’engager dans la Marine française – ou celle d’un autre pays? En passant du coq à l’âne, ce reportage favorise des perspectives inédites ou débordant du strict sujet initial. On comprend rapidement les enjeux de souveraineté maritime (et surtout sous-marine) pour les voies de transport, les hydrocarbures et les métaux et minerais. Par delà la convention de Montego Bay, on apprend l’importance majeure des porte-conteneurs géants – d’où l’énorme pression pour adapter nos ports et le fleuve – les nouvelles énergies marines renouvelables mais, également, la théorie de la dissuasion avec les armes nucléaires… Une petite portion de l’ouvrage a été pré-publiée dans la Revue Dessinée, et on appréciera à juste titre le dessin aussi expressif que précis du reporter-dessinateur. Ce dernier, pour parachever cet embarquement, ajoute son grain de sel sur l’attraction humaine exercée par l’immensité de la mer. UN AMOUR EXEMPLAIRE (Dargaud) de Florence Cestac et Daniel Pennac Exemplaire? C’est ironique et fait plutôt référence à quelque chose d’improductif et de révolutionnaire comme amour. Pennac a pioché dans son souvenir de gamin jubilatoire, à propos d’un couple improbable et délirant du voisinage de sa grand-mère, sur lequel la communauté jetait son opprobre. Hilarant, paresseux, amoureux des livres et marginal, le couple a vécu un amour iconoclaste et incendiaire, au point que Pennac l’a proposé à Cestac à cause du potentiel elliptique fabuleux spécifique à la BD. Cestac entend «amour»? Elle se hérisse (voir ses livres Démon de matin, de midi et de soir – Dargaud) et montre les dents! Justement, le dialogue entre les auteurs fait, finalement, partie intégrante du bouquin. L’humour décalé rajoute une couche de bonheur à cette bombe La Juge Hot pacifique à contre-courant des idylles conventionnelles. Le dessin «mickey punk» de la vieille Cestac fesse très fort! POINT DE FUITE (Ça et Là) de Lucia Biagi Éditrice du label Amenità Comics, libraire spécialisée BD avec son conjoint et auteure, Biagi a la BD dans la peau. Point de fuite est sa deuxième BD et la première traduite de l’italien au français. Ce projet fleure une part autobiographique – minimalement – d’une génération de jeunes souhaitant vivre l’amour sans restriction, alors que sévit une crise économique et le retour de valeurs de droite compliquant l’accessibilité au niveau de droits; notamment celui de l’avortement. C’est dans ce décor humain fait de déconvenues, et parfois de joies intenses, que la principale protagoniste va vivre une période d’incertitude et de grande remise en question. Assurément underground, le propos n’en demeure pas moins accessible grâce au trait de l’auteure. Son art s’avère être un condensé du meilleur de la ligne claire, du style manga et de réminiscences rétro avec l’usage de trames et d’une bichromie bleue et jaune. Un roman graphique exceptionnel, qui nous donne à imaginer la fin – ou la suite de ces trente jours intenses. MACANUDO Numéro 5 (La Pastèque) de Liniers Dans la foulée des meilleurs comics strips imaginatifs et à tiroirs multiples, comme ont pu l’être Snoopy ou Krazy Kat, l’auteur argentin Liniers a créé une œuvre ambitieuse dont la traduction en français est loin d’être achevée. La galerie de personnages improbables – pingouins, lutins, bonhommes et bonnes femmes aux nez rouges, un chat et une fillette, toujours sidérants ou à contre-pied – offre de nouvelles perspectives sur ce que, machinalement, nous pensons ou nous faisons quotidiennement. Un exemple magnifique? Tandis qu’une «pluie d’émotions» tombe sur la ville… «Les plus audacieux n’ouvrent pas leur parapluie»! Presque sans âge et des plus ludiques, le dessin aux mille audaces de Liniers va droit au cœur et ramène le sourire en ouvrant de nouvelles fenêtres sur le monde. Valentin Tardi Le Couac | sept 2015 POURQUOI JE POURSUIS LA BIENNALE DE MONTRÉAL 7 Quand une artiste est maltraitée par l’organisateur de son exposition, la tentation est forte d’écraser… La vidéaste Isabelle HAYEUR a fait le choix contraire. UN VOYAGE AU LIBAN L a Syrie au nord, Israël au sud. Une nouvelle amie, Nada, est libanaise. Elle et moi passons souvent des heures ensemble et ces moments sont remplis de tendresse et de respect avec toujours une touche de folie. Mon ami Martin m’a prêté le livre MOT de Julie Hétu, publié chez Triptyque l’automne dernier. Une histoire touchante: Yamm Deseo, sa femme Nat et leur fille Cybèle. Le départ du Liban de Nat et Cybèle. Yamm doit les rejoindre. Résistant, luttant pour un gouvernement laïc, il est exécuté! La vie continue : celle de Cybèle, de son mari Luiz et de ses enfants Mot et Elhimbra. La tauromachie, les rêves… ce livre a mis tellement d’images dans mon cœur. Et voilà que près de chez moi, une niche de livres est née. J’y prends un livre sachant que je me dois d’aller en porter un en échange, ce que je fais le lendemain. C’est La Route de Chlifa, de Michèle Marineau (Québec Amérik Jeunesse). Karim, Maha et Jad qui fuient Beyrouth alors que les bombes tombent. Les suivre fut pour moi un voyage que jamais je n’aurais cru vivre! Le mont Liban et le mont Anti-Liban – direction Chlifa en passant par des grottes, cours d’eau, montagnes et vallées. Karim, la jeune Maha et le bébé Jad. Karim à Montréal avec ses souvenirs et des réponses à ses questions existentielles... Pour l’instant, je voyage dans des pays lointains et le monde arabe me fascine. est un site de projection permanent: des vidéos et animations y sont programmées depuis plusieurs années déjà. L’œuvre a été élaborée sur cette place, comme un tableau ou une murale. La vidéo a été travaillée avec un gabarit, en fonction de la forme d’un mur, ayant ses particularités et ses textures, mais aussi avec des équipements vidéo spécifiques et non standard. La relocaliser aurait été impossible. La décision unilatérale et précipitée de retirer l’œuvre a été prise suite à une plainte de la propriétaire de l’édifice sur lequel la vidéo était projetée, me dit-on. Cette dame avait accepté que des vidéos soient projetées sur son mur et n’avait jamais exigé de droit de regard sur le contenu des projections. Par contre, j’étais tout à fait disposée à la rencontrer pour tenter de trouver une solution. Après le retrait de l’œuvre, il s’est écoulé une semaine avant qu’une rencontre entre la Biennale, le Quartier des spectacles et moi-même soit organisée pour envisager des solutions. En situation de crise, c’est beaucoup trop long. On me disait qu’il n’y avait rien à faire, qu’on ne pouvait pas remettre la projection, que c’était une situation imprévue et que la propriétaire refusait de nous rencontrer pour en discuter. Je suis sortie de cette rencontre un peu perplexe… Faux prétexte? Habitant à l’extérieur de la ville, j’ai dû me rendre à Montréal à de nombreuses reprises pour tenter de régler la situation, ainsi que pour rencontrer des journalistes. Le 27 novembre 2014, en sortant des bureaux de la station de radio communautaire CIBL, je suis passée devant le commerce de Madame Chow et j’y suis entrée. Je m’attendais à ce qu’elle ne veuille pas discuter avec moi, mais ce fut tout le contraire. Lorsqu’on lui avait proposé une rencontre, elle n’était tout simplement pas disponible, mais un autre jour aurait été possible pour elle. Elle m’a aussi dit qu’une U Isabelle Hayeur festival AGRI-ROCK vous attend du 24 au 27 septembre à St-Hyacinthe! Formations musicales participantes : Le Festival Agrirock se veut un outil de promotion des artistes émergents locaux et nationaux tout en favorisant les échanges entre les artistes, les artisans, le public et les commerçants. Étendant son champ d’action de la musique à l’art visuel, en passant par le théâtre, les performances et la littérature, ce Festival multidisciplinaire oeuvre au rayonnement de la région. On peut y être BÉNÉVOLE, ARTISTE, PARTENAIRE ou simplement FAIRE UN DON. Pour en savoir plus : http://festivalagrirock.com/ Joanne Morin ne pièce d’Andrea DWORKIN va être présentée en première mondiale ce mois-ci à Montréal. Ce one-woman show, mettant en vedette Helena Levitt, relate le drame intérieur d’une écrivaine qu’un homme a droguée et violée à son insu et qui tente de rapiécer son identité assaillie par toutes sortes d’émotions alors que ses proches mettent en doute ce qui lui est arrivé. Dialogue entre le désespoir et la volonté de survivre, cette nouvelle est restée sur l’ordinateur de Dworkin sans être vue, méconnue même de ses amis les plus proches, pour être enfin découverte après sa mort six ans plus tard. Aftermath est non seulement le témoignage d’un crime, mais un portrait de la lutte interne d’une révolutionnaire contre le doute de soi et l’isolement. AFTERMATH est présenté par la jeune compagnie montréalaise Waterworks du 17 au 27 septembre, au Centre culturel Georges-Vanier de la Petite-Bourgogne, au 2450 rue Workman, non loin du marché Atwater, au métro Lionel-Groulx. légère modification de l’œuvre l’aurait accommodée, ce que j’aurais accepté. À ma connaissance, je suis la seule personne à l’avoir rencontrée. Depuis ce temps, j’ai écrit une lettre aux membres du Conseil d’administration de la Biennale, j’ai rencontré certains d’entre eux, le RAAV a fait circuler une pétition pour rétablir la projection et a ensuite envoyé une mise en demeure à l’organisme; finalement une séance de médiation a été organisée par la Cour des petites créances en juillet 2015... La Biennale refuse obstinément de reconnaître ses torts – sans raison ou arguments recevables. Murs aveugles était mon quatorzième projet du genre. J’ai réalisé des œuvres publiques au Canada, mais aussi aux États-Unis et en Europe. Les œuvres les plus significatives ont été commandées par l’Olympiade culturelle de Vancouver 2010, Nuit Blanche Toronto 2011 et l’Aéroport international de Denver (2012). J’ai déjà eu des problèmes liés à la présentation d’œuvres publiques, mais les organisations ont bien réglé ce type de situation; elles ont toujours fait des vérifications au préalable et ont su gérer les situations de crise. Ce que j’ai vécu à cause de la Biennale de Montréal n’est vraiment pas habituel. Quel est le rôle et le mandat d’un organisme artistique? La Biennale devait respecter son contrat, défendre l’œuvre et l’artiste. Pour un diffuseur, il est normal de demander à un artiste de remettre ses projets à temps, de fournir des images, des textes explicatifs et de se rendre disponible pour des entrevues... En retour, pour un artiste, il est légitime de s’attendre à ce qu’un diffuseur le respecte et prenne des dispositions nécessaires pour que son œuvre soit présentée correctement. L’œuvre Murs aveugles peut être vue sur Internet à cette adresse: https://vimeo.com/104032665 Une première représentation spéciale aura lieu le jeudi 17 septembre à 20h00. Les représentations seront ensuite données au cours des deux fins de semaines suivantes, les vendredis à 20h00, les samedis à 16h00 et 20h00 et les dimanches à 16h00. Des causeries avec invitées et invités spéciaux au fait des enjeux de l’agression sexuelle auront lieu après chaque représentation au cours de la première fin de semaine. Le coût d’entrée est de 18$ / 13$ (au gré de l’acheteur ou acheteuse). Les billets sont disponibles via le portail Eventbrite, au site web www.waterworksmontreal.com, ou à l’entrée. Crédit: Katia Juhasz culture L e 22 octobre 2014, mon installation vidéo in situ Murs aveugles a été retirée de la Biennale de Montréal. L’œuvre avait été inaugurée deux semaines plus tôt et devait être présentée jusqu’au 23 novembre – en vertu du contrat que j’avais signé avec l’organisme. Comme cette projection avait été conçue spécifiquement pour le site sur lequel elle était présentée, son retrait entraînait aussi la perte totale de l’œuvre. Après plusieurs rencontres infructueuses en vue d’obtenir un dédommagement, j’ai déposé un recours à la Division des petites créances de la Chambre civile de la Cour du Québec. Dans mes démarches, j’ai été soutenue par le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (RAAV), l’association professionnelle qui représente et défend collectivement les intérêts des artistes québécois. Ce retrait, sans préavis, a été fait le soir même de l’ouverture officielle de la manifestation artistique. Je l’ai appris pendant le vernissage, par le biais de journalistes qui désiraient filmer l’œuvre et se demandaient pourquoi elle n’y était plus. Cette décision a été prise par la direction de la Biennale; ni l’artiste, ni les commissaires ne furent consultés. Cette œuvre inédite était une commande de la Biennale de Montréal: je l’ai conçue spécialement pour cette manifestation artistique. J’y ai travaillé à partir de l’hiver 2014 et je l’ai achevée vers la fin de l’été. Plusieurs tests ont été faits en présence des organisateurs et son contenu a été approuvé avant le début des projections. Murs aveugles était présentée sur l’Esplanade du métro Saint-Laurent, en partenariat avec le Quartier des spectacles de Montréal. Cette place publique luttes de femmes 8 Le Couac | sept 2015 15 SIGNES QUE TU TE TROUVES DANS UN CONGRÈS FÉMINISTE Observations d’une participante au CIRFF2015 : 1) Tu as l’impression que tout le monde se connait, alors que personne ne s’est jamais vu la face; 2) L’alternance de courtes nuits et de longues journées rend les blagues sur les inégalités salariales ou la violence conjugale étrangement drôles; 3) Finir ses phrases devient superflu quand tout le monde maitrise les mêmes théories. Les expressions «évidemment» et «avec les conséquences/problèmes que l’on connait» sont tes meilleures amies; 4) Tout le monde parle de briser la binarité militantes/ universitaires, mais les deux groupes vont souper chacun de leur bord; 5) L’heure du midi est une reproduction de Mean Girls: t’es mieux de t’asseoir à la bonne table si tu tiens à ta réputation; 6) Tout le monde est d’accord que le savoir est vécu, que le féminisme se vit hors de l’université, que l’expérience vaut autant que la théorie… Mais la plupart des présentations sont impossibles à comprendre sans une maîtrise dans le sujet abordé; 7) Après 5 jours intensifs de congrès féministe, même les plus extrémistes d’entre nous rendent les armes: «pitié, parlons d’autre chose que de féminisme pendant 5 minutes». Évidemment, ça ne marche jamais; 8) L’expression «minorités sexuelles et de genre» est à revoir; 9) Mêmes les Françaises féminisent leurs interventions; 10) Personne ne rit à «c’est une blonde qui entre dans un bar», alors tu t’essaies avec «c’est un mascu qui entre dans un bar»; 11) La journée de 24h est un concept patriarcal – à moins que ce ne soit l’interdiction du clonage –, du coup le programme de la semaine fait 60 pages; 12) Qui a dit que les règles et la masturbation étaient des sujets tabous?; 13) Aucun geste n’est anodin. 25 raisons politiques motivent ton choix d’habillement ou de lunch; 14) Tu ne sais jamais si tu peux complimenter une camarade sur son apparence; 15) Il faut tout prendre au 8e degré. Suzanne Zaccour ÉCHO D’UN HARCÈLEMENT INFLIGÉ À DES SURVINANTES DE LA PROSTITIUTION AU 7e CONGRÈS INTERNATIONAL DES RECHERCHES FÉMINISTES DANS LA FRANCOPHONIE « Ce matin, j’ai fait une belle rencontre au Congrès international des recherches féministes dans la francophonie... Le cher Thierry Schaffauser, un «travailleur du sexe» blanc et privilégié, mais surtout un militant pro-travail du sexe. Pour la deuxième partie du colloque sur la pornographie et la prostitution dans lequel Cherry Smiley, une féministe autochtone et abolitionniste et moi, survivante de l’exploitation sexuelle, présentions, des membres du STRASS et de APA QC se sont assis.e.s en première rangée afin de nous intimider et nous déstabiliser. Lors de ma conférence «Rapports de classes, idéologie néolibérale et backlash anti-abolitionniste – La place des survivantes de l’exploitation sexuelle au sein des gauches», ces personnes riaient tout le long et me perturbaient. Pour la période de questions, Schaffauser et une femme ont monopolisé la parole et fait leur autopromotion, puis tenté de me faire taire. Lorsque j’ai essayé de leur répondre, Schaffauser m’a coupé la parole. Il m’a accusé de faire de la diffamation et a refusé d’écouter les femmes lui demandant de se taire. On a essayé de le faire sortir, mais sans succès. Finalement, nous avons mis fin à la conférence avec une conclusion de Cherry. C’est assez violent se faire interrompre dans un contexte féministe en tant que survivante/présentatrice par un homme privilégié. C’est fou parce que lorsque je me préparais pour ça, je m’attendais à recevoir des attaques pour simplement dénoncer les violences que vivent les survivantes et exposer les stratégies des pro-travail du sexe. C’est terrible d’avoir à se préparer pour cela. Mais je ne m’attendais pas à autant. Je dois avouer que j’avais un peu peur et que j’ai encore peur de ce que ces personnes peuvent me faire ou faire à mes consœurs. Ces personnes souhaitent me réduire au silence et m’insécuriser. C’est de l’antiféminisme. De l’antiféminisme en plein congrès féministe. Sauf, que je ne vais pas me taire et je continue de lutter malgré tout! «Pro-tds tears»... Voici un extrait de ma présentation montrant l’ironie de la situation: «Dans la conjoncture actuelle, marquée par des efforts d’individualisation et d’expansion de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, confronter la rhétorique pro-travail/industrie du sexe en tant que survivante entrave grandement l’ordre et la paix prostitutionnels. Il faut aussi se rappeler que de nombreuses survivantes et femmes-prostituées abolitionnistes vivent quotidiennement du harcèlement et de la répression de la part des pro-travail du sexe, puis de l’exclusion sociale et politique, car elles s’affichent abolitionnistes. Nous devons dénoncer les violences prostitutionnelles sans avoir beaucoup de support et de res- VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES DANS L’ENSEIGMEMENT Conférencières et conférencier : Fatou Diop Sall (Sénégal), Yves Raybaud (Bordeaux), Veronique Perry (Toulouse III), Manon Bergeron et Sandrine Ricci (UQAM), Isabelle Côté (Ottawa) Onidouboan Doubogan (Parakou, Bénin) et le Collectif CLASCHES (Paris). D epuis le début des années 2000, les universités font face à la réalité des agressions à caractère sexuel. Il a fallu que des faits soient portés au public pour que ces institutions réagissent et amorcent des réflexions, en se penchant sur la question avec des comités ou siègent des professeur.e.s et étudiantes ayant une perspective féministe. Ce qui en ressort, c’est qu’une culture machiste règne sur les campus et dans les quartiers universitaires. Et l’immunité laissée aux agresseurs favorise le silence des victimes. Donc plusieurs universités se dotent de comités qui réclament des politiques contre le harcèlement et les agressions sexuelles. En France, il y a le CLASCHES (Collectif de lutte anti-sexiste contre le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur) LE MOUVEMENT DES FEMMES AU QUÉBEC ET LA LUTTE CONTRE LA VIOLENCE GAINS, ACQUIS ET RESSAC C onférences de Nathalie Duhamel, Louise Riendeau, Diane Matte et Manon Monastesse, issues du milieu communautaire des maisons d’hébergement, des centres anti-viols (CALACS) et de la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelles (CLES) . Dans l’après-guerre, il y a émergence du mouvement féministe malgré l’emprise du clergé et des discours sur le retour des femmes au foyer. Après l’obtention du droit de vote, en 1940, les femmes réalisent que cela est insuffisant pour améliorer leur condition. Cela va les amener à revendiquer plus d’égalité aux niveaux social, économique et juridique. Les années 1970 et 1980 seront marquées par une radicalisation du mouvement féministe. On remet en cause le système patriarcal. La question de la violence faite aux femmes apparaît. La prostitution est vue comme un système d’oppression des femmes. Dans les années 1980, il y a adoption de la Charte canadienne des droits et libertés qui reconnaît l’égalité juridique des femmes. Le viol est reconnu comme un crime contre la personne, ainsi que le viol conjugal. Les féministes questionnent cependant les pratiques policières et judiciaires et réclament de meilleures formations à ces problématiques. À la fin de la décennie 1980, trois événements majeurs sont un tournant pour les femmes. L’affaire Daigle c. Tremblay, le drame de l’école Polytechnique et l’affaire Pickton qui démontrent toute la violence faite aux femmes et surtout le peu de cas que la société en fait. Après Polytechnique, le ressac antiféministe a pris le relais. Avec son Manifeste d’un salaud, Roch Côté met la table pour l’antiféminisme. Il y a de plus en plus de résistances des hommes au discours féministe. Ils nient l’aspect systémique de la violence faite aux femmes, trouvent que ces dernières exagèrent, commencent à revendiquer en matière de droit de garde, de pension alimentaire, et d’éducation. Le discours sur la prostitution change, pour tenter de faire de celle-ci un simple travail. L’égalité des femmes est présentée comme acquise. Les politiques dites d’austérité marginalisent à nouveau les femmes et les rendent vulnérables aux différentes formes de violence. Mais les femmes ne lâchent pas prise: on l’a vu avec le mouvement «agressionnondenoncée». Isabelle Doutreloux sources tout en subissant de plein fouet les conséquences de notre militance. Certaines survivantes et femmes dans l’industrie sont réduites au silence, d’autres doivent abandonner la plupart des lieux de militantisme, car la pression est trop forte.» Shanie ROY, survivante Réponse d’une participante: Cher-e-s tou-te-s J’y suis, au congrès de Montréal, j’avais l’intention d’assister à la séance dont nous parle Shanie, mais malheureusement j’avais un empêchement de dernière minute. Encore plus malheureusement, le lobby pro-prostitution occupe une place importante à ce colloque, comme, me semble-t-il, de plus en plus dans les études dites du genre. Je trouve cela d’autant plus navrant que la culture et les pratiques de la prostitution se généralisent dans nos sociétés et s’accompagnent d’un discours légitimant. Il est donc urgent d’en discuter, même s’il y a des désaccords, parfois profonds, sur la question et/ou sur les stratégies à adopter face à la prostitution. Le discours de légitimation est souvent véhiculé par des personnes adoptant une posture de victime pour culpabiliser et faire taire toute personne qui aurait un point de vue divergent (quel qu’il soit d’ailleurs) sur la question. C’est bien ce qui est arrivé à Shanie. qui dénonce la culture du silence et veut faire réformer les procédures disciplinaires pour qu’elles soient plus axées sur la sanction. À Bordeaux, un groupe fait une analyse géographique du quartier universitaire et démontre que l’aménagement urbain n’est pas favorable aux femmes et que ces dernières restreignent leur environnement (trajet, habillement, etc.) pour leur sécurité. L’aménagement urbain devra tenir compte de ce problème. Quant à l’UQAM, une tradition de la dénonciation existe depuis les brigades roses des années 1990, qui dénonçaient les agresseurs dans les cours. Aujourd’hui, il y a une synergie entre profs, étudiant.e.s et employé.e.s de soutien pour dénoncer toutes formes d’agression. Un comité révise constamment les politiques de l’UQAM face à ces agressions. Isabelle Doutreloux VIOLENCE ENVERS LES FEMMES AUTOCHTONES A lana Boileau a rendu clairs les liens entre le passé et le présent pour expliquer la situation alarmante qui touche aujourd’hui les femmes autochtones : les pensionnats ont cédé la place à la DPJ. Auparavant, les enfants étaient arrachés à leurs familles par les pensionnats autochtones, qui avaient pour but avoué de «tuer l’Indien dans l’enfant». Aujourd’hui, en cas de «manque d’habiletés parentales» – souvent le résultat de la dure réalité des pensionnats et de leurs conséquences qui traversent les générations – les enfants sont arrachés à leurs familles pour se retrouver dans des foyers d’accueil hors de la communauté à cause de critères mésadaptés de la DPJ. Par exemple, la DPJ exige des familles d’accueil qu’elles offrent à l’enfant sa propre chambre, ce qui est bien souvent impossible dans les communautés aux prises avec des pénuries de logement. Les femmes ont ainsi une peur légitime de perdre leur enfant, ce qui amène les victimes de violence conjugale à ne pas dénoncer la situation, au risque d’issues tragiques. Carole Lévesque a apporté un regard éclairant sur les réalités autochtones. Il serait réducteur, dit-elle, de se limiter à dépeindre ces peuples comme victimes des colonisateurs, alors qu’ils ont su développer des outils et adopter de nouvelles pratiques en réponse au colonialisme, comme elle l’a expliqué avec fougue. En conclusion, elle suggère d’en finir avec «l’idéologie du rattrapage» dictée par des normes canadiennes et québécoises pour plutôt mettre l’accent sur l’autonomisation des communautés autochtones. ITINÉRANCE DES FEMMES La violence – qui touche entre 70 et 85 % des femmes itinérantes avant, pendant et après leur arrivée dans la rue –, le travail du sexe et l’invisibilité caractérisent l’itinérance des femmes. Ces effets découlent d’inégalités de genre, a souligné Véronic Lapalme. Marie-Christine Plante a indiqué que le nombre de femmes itinérantes est en augmentation, alors qu’on doit dans les organismes d’aide refuser des femmes faute de ressources. Les mesures d’austérité gouvernementales viennent empirer une situation difficile tant à la source – les femmes sont souvent les premières victimes des mesures d’austérité – qu’au niveau des ressources disponibles (budgets amputés). Les trois conférencières ont souligné l’invisibilité des femmes sans domicile fixe et l’importance de les inclure dans tout processus qui les concerne. PENSER, CRÉER ET AGIR LES FÉMINISMES DANS LE CHAMPS RELIGIEUX FÉMINISMES ISLAMIQUES Trois conférencières ont tour à tour discuté le féminisme islamique contemporain. La première, Roxanne D. Marcotte, a parlé de la réinterprétation des textes par les féministes islamiques, soit une relecture et recontextualisation du Coran. Les féministes islamiques vont donc chercher leurs arguments à l’intérieur même des traditions, dit-elle, suggérant la remise en question des pratiques religieuses actuelles pour repartir sur de nouvelles bases. Sihem Bouzgarou-Ben Ghachem a, elle, remis en question l’existence même du féminisme dans un contexte islamique; pour elle, le Coran est misogyne dans son essence – pas seulement dans son interprétation. Lors de la période de questions, les participant.e.s ont mis en doute la légitimité de sa position, attaquant la crédibilité de ses recherches. Pourrait voir dans ce débat le refus d’admettre l’existence d’inégalités au nom de l’ouverture d’esprit? Puis, Malika Benradi a souligné entre autres la «schizophrénie» – comme elle la nomme – du décalage entre les sphères publique et privée (c’est-à-dire le foyer) dans le monde musulman. Elle s’interroge à savoir si les féministes musulmanes demeureront prisonnières des lectures et relectures du Coran, et si elles arriveront à imposer leurs voix. Any-Pier Dionne Je voudrais exprimer ici mon soutien à Shanie et aux autres intervenantes de son atelier, qui ne devraient pas, comme le souligne Shanie, avoir à se sentir intimidées ou faire face à une telle violence dans un contexte féministe. Je regrette beaucoup de pas avoir pu assister à l’atelier en question et j’espère, Shanie, que nous aurons l’occasion de nous rencontrer et d’échanger plus tranquillement pendant ce colloque. Bronwyn Winter