Brian_Kate_ - e
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Prologue —Mélanie,ilfautqu’onparle. MélanieMeadeaspiraunegorgéedeCanadaDryavantderelâcherlapaillequ’elleserraitentreses lèvres.Enmêmetemps,soncœurfaillits’arrêterdebattreetellefermalesyeux.Pourquoisesparents rentraient-ilssitôtdelabasemilitaire? —C’estmonpremierverredelajournée,promis,sedéfendit-elleenfaisantpivoterlegrosfauteuilen cuirdesonpère,pourleurfaireface. Dèsqu’ellelesvit,ellesutquesarationquotidiennedesucren’étaitpaslesujetdujour.Çaavaitl’air beaucoupplussérieux. Deboutdevantelle,danslesalondeleurlogementdefonction,engoncésdansleursuniformes-malgré les 43 °C à l’ombre de l’État du Texas, sa mère devait supporter un tailleur kaki à jupe droite et des collantsnoirs;sonpèreuncolboutonnétellementhautquesoncoufrôlaitl’écarlate-,M.etMmeMeade arboraientdessouriresquisonnaientplutôtfaux. —MonDieu,soupiraMélanie. Elleposasonverredesodaruisselantdecondensationsurunsous-verreàcôtéd’elleetrassemblases forces.Filledemilitaires,ellen’avaitpastropdemalàimaginerlasuite.Elleespéraitjustesetromper. —Ilesttempsdefairetavalise,Kicker,annonçasonpèred’untonexagérémentenjoué.Nouspartons enCoréeduSud! Etvoilà.Onyétait.Mélanieeutl’impressionqu’onlapoussaitd’unavionalorsqu’ellen’avaitpasde parachute.Elles’agrippasifortauxbrasdesonfauteuilquelesarticulationsdesesdoigtsblanchirent. —Comment?s’écria-t-elle. Saproprevoixluisemblavenirdetrèsloin. — Cela faisait longtemps que nous n’avions pas été mutés, fit remarquer son père. C’est plutôt excitant... Mélanieavaitpassésavieàdéménager.ElleétaitnéeenAllemagne,àRammstein,l’unedesbasesde l’arméeaméricainelesplusimportantesd’Europe.Alorsqu’elleavaitcinqans,àpeuprèsaumomentoù elles’étaitfaitunepremièreamie,safamillefutenvoyéeenTurquie.Aprèsquelquesannéesàjouerau football avec des garçons et à apprendre le turc avec sa meilleure amie, Medha, une autre affectation tomba,envoyantMélaniedanslepremierpaysqu’elleconsidéraitcommelesien.Pendantsesannéesde collège, Mélanie avait déménagé de Fort Carson dans le Colorado à Fort Bragg en Caroline du Nord, puisàFortLeavenworth,dansleKansas.Ellen’étaitpasrestéeassezlongtempsdanscesendroitspour sefairedevraisamis. Ici,àFortHood,Mélaniesesentaitenfinchezelle.Elleyavaitpassétroisannéesentières.Ellejouait dans une équipe de football qui avait remporté plusieurs championnats et venait de passer son permis. Elle avait même une vraie amie, Tracy Dale-Franklin. En plus, cette année, le jour de la rentrée, elle comptaitparleràBenPalmer.Enfin,elleallaitluiadresserlaparole!Elleavaitdéjàprévusatenueet travaillésatactiqued’approchetroiscentcinquanteetunefoisdevantsonmiroir.Cetteannéedevaitêtre SONannée.Pourquoifallait-ilquecettetuilearrivemaintenant? —Mélanie?Vas-tutedéciderànousdirequelquechose? Unpeu,ouais,pensaMélanieenselevant.Elletournaledosàsesparentsetregardaparlafenêtre, brascroisés,poingsserrés.C’étaittropinjuste!Mélanieavaittoujoursétélafilleparfaite.Ellen’avait jamaisréponduàsesparents.Elleleuravaittoujoursépargnésesdéprimesetsescoupsdecolère.Elle n’avaitjamaisprotestéquandelleestimaitqu’unedeleurstrèsnombreusesrèglesétaitinjuste.Ellene leur avait jamais désobéi. Et elle était la seule fille de l’école qui ne se pavanait pas en minijupe, le nombrilàl’aircommeladernièrepopstaràlamode.Sesparentsserendaient-ilscomptedelachance qu’ilsavaient? Tandis qu’elle fixait, furieuse, la pelouse parfaitement tondue et les plates-bandes impeccablement entretenuesdelacaserne,elleréalisasoudainquerienn’empêcheraitcequiallaitarriver. Elleseretournaetregardasesparentsdroitdanslesyeuxenretenantsonsouffle. —Jen’iraipas. Elleavaiteubesoindetoutsoncouragepourprononcercesquelquesmots. Personnenebougea. —Tupeuxrépéter?demandasonpère. —Jen’iraipas.JenedéménageraipasenCoréeduSud,reditMélanie. Ses parents échangèrent un regard. Apparemment, ils se demandaient si c’était bien leur fille qui se tenaitdevanteux. —Jesuisdésolée,Mélanie.Noussavonsquec’estdurpourtoi,déclarasamère.Maisnouspartons seulementdeuxansettuserasderetourauxÉtats-Unispourentreràl’université. Deuxans.Deuxans?Quipouvaitemployerlemot«seulement»devant«deuxans»? —Non.Jen’iraipas,insistaMélanie. Ellesesentaitplusforteàchaquesecondequis’écoulaitsansquesonpèreexplose. — Vous ne pouvez pas me faire ça, poursuivit-elle. C’est ma vie, et je veux la passer ici. Avec mes amis!Jeveuxdire...etmonéquipedefoot,vousyavezpensé?Etlafêtedel’école?Et... ...BenPaimeretsesfossettesparfaites? —Mélanie... —J’enaitellementassez,maman!Jedétestedéménager.JE-NE-VEUX-PLUS-BOU-GER! Sonpèreinspiraprofondément.Puisiléchangeadenouveauunlongregardavecsonépouse. —Ehbien,ilyauneautreoption,ditenfincelle-ci. Mélanieosaitàpeineycroire. —C’estvrai? —Tonpèreetmoi...nousdevonspartir,c’estcertain,affirmasamèreentripotantsonalliance.Maissi tuveuxvraimentrester... —...JepeuxallervivrechezTracy?l’interrompitMélanie. —Non,réponditsonpère.LamaisondesDale-Franklinestdéjàassezpleinecommeça. Mélanienelesavaitquetrop.Joe,legrandfrèredeTracy,avaitpassésonbacetintégrél’Académie navale-augranddamdesonpèrequinejuraitqueparl’arméedeterre.Sondépartavaitlibéréunpeu d’espace, mais Tracy devait toujours partager sa chambre avec sa sœur, Brianna, et le plus âgé de ses deuxpetitsfrèrescampaitencoreàlacave. —Alorsquoi? —Ehbien,hiersoir,tonpèreadiscutéavecJohnMcGowan,commençasamère. —JohnMcGowan?répétaMélanie,ahurie. JohnMcGowanétaitunvieilamidelafacdemédecinedesonpère. —Reginaetluiseraienttrèscontentsdet’accueillirpendantnotreabsence,continuasamèrecommesi de rien n’était. Nous ne pensions pas que cela t’intéresserait. Après tout, partir en Corée du Sud est l’opportunitéd’unenouvelleexpérienceculturelle...Cependant,situressensfortement... —JohnMcGowan,répétaencoreMélanie,toujourssouslechoc. —Oui.Lui-même,ditsonpèred’untonneutre.Ilyaunproblème? Sesparentsétaient-ilsdevenusfous?D’abordilsvoulaientlatraîneraufinfonddel’Asie,etensuite ilsenvisageaientdel’expédierchezlesMcGowanàBoston,Massachusetts,oùelledevraitvivreavec... — Les garçons auront certainement besoin d’un peu de temps pour s’habituer, mais je suis sûre que vousfiniriezparvousentendre,ditsamère. Lesgarçons?Mélaniefutsoudainassaillieparlessouvenirs:édentés,levisagebarbouillédecrème glacéevisqueuse,leurspetitsyeuxbrillantsetmoqueurs,lesgarçonsl’avaientattiréederrièrelamaison sous prétexte de lui montrer leur chiot et finalement l’avaient attrapée et suspendue à un arbre avec un lasso. Cheveux gras, jambes potelées, petits et diaboliques, les garçons gardaient des vers au fond de leurspoches,mâchouillaientdeschewing-gumsramassésparterreetluitiraientlescheveux! —Combiensont-ils,déjà?demandaMélanieens’asseyant,tremblante,aubordducanapé. Sesparentsréfléchirentunmoment. —Auxdernièresnouvelles,sept,réponditsonporc.Uneprogénitureplutôtnombreuse. Oui.Plutôt,songeaMélanie. Biensûr,ilsn’auraientcertainementplusrienàvoiraveclespetitsnainstoutcrottés,auxmainssales, qu’elle avait rencontrés sept ans plus tôt ? À l’époque, la plupart avaient à peu près son âge. Ce qui voulaitdirequ’aujourd’huiilsdevaientêtre...gloups!desados. Mélanie sentit des gouttes de sueur froide glisser le long de sa colonne vertébrale. Certes, elle était capabled’envoyervalserdestrollsboueuxàcoupsdebattedebaseball.C’étaitd’ailleursainsiqu’elle avait maté Evan - le pire de tous, dodu, les cheveux filasse... -après l’incident du lasso. Mais des adolescents...ça,ellen’allaitpaspouvoirgérer.Àseizeans,ellen’avaitpasencoreétéfichuedeparler delapluieetdubeautempsavecungarçondesaclasse,commentluiserait-ilpossibledevivreavec septindividusdumêmesexe? —Jerécapitule,ditsonpère.SoittuviensavecnousenCorée,soitturestesauxÉtats-Unis,ettupars habiterchezlesMcGowan. —Ilfautquejemedécidemaintenant?demandaMélanie. —Non,monchou,maisvite,réponditsamèreensepenchantpourpasserlamaindanssescheveux blondvénitien.Nouspartonsdansquelquesjours. Elleplantaunbaisersurlefrontdesafillequilaregardadroitdanslesyeux,exactementlemêmevert quelessiens,avecjustequelquesridesenplusauxcoins. —Tuvasnousmanquersitudécidesderester,enchérit-elle. Mélaniehochamollementlatête. —Quoiquetudécides,noustesoutiendrons,ajoutasamère. Mélanieavalasasaliveavecdifficulté.Lematin,elles’étaitréveilléeavecpouruniquepréoccupation cellederépétersatiradespécialeBenPalmeretd’ajouterhuitcentsmètresàsonjoggingquotidien.Et voilàquelemondeseretrouvaitsensdessusdessous. —Merci,finit-elleparrépondre. Samèresourit,chassantquelqueslarmesd’unbattementdepaupières. —Réfléchisbien,ettiens-nousaucourantdetadécision. Quandsesparentseurentquittélapièce,Mélanies’effondradanslecanapé.Seuleavecseptgarçons ou avec mes parents... en Corée, imagina-t-elle. Tout d’un coup, l’idée de s’enfuir pour rejoindre une troupedecirqueitinérantluiparaissaituneoptiontoutàfaitenvisageable. TooDamn-Funky:tumemankDjà!!! Kicker5525:Tracy!suismêmepasàl’aéroport! TooDamn-Funky:j’arrivepasàcroireketumekit... Kicker5525:pasparchoix! TooDamn-Funky:t’as1térêtàmemailerkant’arrives!7mecs!veinarde! Kicker5525:pasveinarde,foutue,suisfoutue. TooDamn-Funky:mouais...Cvrai. Kicker5525:merciprtonsoutien,grrr.commentj’vém’ensortir???? TooDamn-Funky : hé ! pt-ê ce sera l’occaz pr toi d’apprendre enfin à... résisté ! prouve ke tu existes! Kicker5525:combiendefoisjeVdevoirentendreça? TooDamn-Funky:5345654oujuskaceketulefasses. Kicker5525:Hé!j’airésistéàmesparents! TooDamn-Funky:C1Dbu.ok.Gpenséomecs,tutesouviensl’annéedernièreqdmonfrangin afaitcetrucd’immersionauVnezuela? Kicker5525:prapprendrel’Spagnol??? TooDamn-Funky:ouais,tupars2semNsssavoir1motetqdturevienstuparlescouramment. Kicker5525:...??? TooDamn-Funky:ehben,pourtoiCunprogrammed’immersiondanslemondedesmecs! Kicker5525:etquoi?jeVapprendreàparler«mec»? TooDamn-Funky : Xactement ! tu vas voir de koi ils parlent, comment ils se comportent, comment ils pensent, et qd lu sauras tt ça, tu pourras écrire un guide pour comprendre les mecs!!! Kicker5525:Tcinglée. TooDamn-Funky:nan.suissérieuse,tupourraispercerlecodesecretdesmecs. Kicker5525:Hum.«Lesmecs:lecodesecret»... TooDamn-Funky:tatoucompris.ettum’enverrasttesTnotesprkejepuisselespubliersurle net. Kicker5525:j’MbientoniD.çamarche.J TooDamn-Funky:j’enétaissûre! Kicker5525:souhaite-moibonnechance,jeVtropenavoirbesoin! TooDamn-Funky:bonnechance!bizzzzzzzz. Kicker5525:bizzzzzzzàtoi! 1 Quand Regina McGowan arrêta son 4x4 Volvo dans l’allée qui menait à une énorme demeure ressemblantàuneferme,l’uniquevisiondeMélaniefutcelledegarçons.Partout.Lesseptfilsetlepère couraient,riaientetsebousculaientsurlapelouse,devantlamaison,lancésapparemmentdansunepartie de Frisbee Ultimate, version full contact et plaquages. Pour différencier les deux équipes, ils jouaient teeshirtscontretorsesnus.Tee-shirtscontretrèsjolistorsesnus... Mélaniesentitsonpoulss’accélérer.Oubliéslesmonstresdiaboliquesetricanants.Cesmecsavaient ététouchésparlagrâceCalvinKlein.Pendantquelquessecondes,leregarddeMélanie,perdudansun brouillarddecheveuxdorésetdepeauxhâlées,neputsefixersuraucund’entreeux...jusqu’àcequel’un destorsesnusmarqueunpoint.Ilbonditenpoussantuncridetriomphe,lesbrasenl’air,leFrisbeeàla main.Desgouttesdesueurperlaientsursesabdosentablettedechocolatparsemésdebrinsd’herbe.Des frissonsparcoururentlamoelleépinièredeMélanie.Ilavaitdescheveuxblondsébouriffés,unmenton carréetlesépaulesmuscléeslesplusparfaitesqueMélanieavaitjamaisvues.Undesesfrèresluidonna uneclaquedansledosetpointalaVolvodudoigt.IlseretournaetregardadroitversMélanie. Lerestedumondedisparut. —Bon,ehbien,nousysommes,ditReginaenarrêtantlemoteur.Mélanie? Surleslèvresmincesdujeunehommesedessinaunsourireparfait,ouvert,joyeux. —Mélanie? Ellesentitqu’onluitouchaitlebras. —Oh,euh...oui? Mélanie s’arracha à la contemplation de M. Perfection et rougit. Les yeux de Regina pétillèrent de maliceetdesympathie. —Tupeuxt’installerdanslavoituresituveux.Ilstrouverontquandmêmeunmoyend’arriverjusqu’à toi. —Euh... MonDieu!Vient-elledemesurprendreentraindebaversurundesesfils?Beeuurk! — Ne t’inquiète pas, ils m’ont promis qu’ils se tiendraient bien, poursuivit Regina en détachant sa ceinture. Unefoissortiedelavoiture,ellefitvolerseslongscheveuxnoirspar-dessussonépauleetsepencha versMélanie. —Tuveuxunconseil?Soistoi-même.Jesuissûrequetoutsepasseratrèsbien. MélanieréussitàsourireetReginaclaquasaporte.Êtremoi-même.Ouais.Biensûr.Jusqu’àprésent çam’atellementréussi... Mélanie sentit ses doigts trembler sur la poignée de la portière. Elle se mordit les lèvres consciencieusement,regrettantd’avoirrangétoussestubesdeglossdanssavalise,etresserrasaqueuede-chevalensortantdelavoiture.Sontee-shirtbleuclairremontaitunpeusursonventre.QuandRegina etelles’approchèrentdugroupedegarçons,quelquespairesd’yeuxallèrentdirectementsefixersurla bandedepeaunue.Mélanietirasurl’ourletdesonhautetcroisalesbrassursapoitrine. —Mélanie!Quelplaisirdeterevoir!s’exclamaJohnMcGowanenvenantàsarencontre. Illuiserralamainetreculad’unpaspourl’examiner.Mélanieenprofitapourfairedemême.Johnétait grand.Sescheveuxblonds,pluslongssurledessus,étaientmaintenusenplacegrâceàungelcoiffantà effet«croûte».Ilportaituntee-shirtdesRedSoxdeBoston,unshortetdesNiketoutesneuves.Sapeau étaitlégèrementtannéeetridée,stylestardecinécanonetnonpapavieillissant. —Leplaisirestpartagé,réponditMélanie. —Ehbien,onpeutdirequetuaschangé,poursuivitJohn.Ladernièrefoisquejet’aivue,tutrimbalais partout un ours en peluche, tu te rappelles ? Comment s’appelait-il déjà ? Monsieur Boo ? Monsieur Boony? Mélanierougitcommeuneécrevissetoutjusteébouillantée.Lesgarçonsricanèrent.Ilfallaitqu’ellese réveilledececauchemar.Sonoursenpeluche? —John,intervintReginasuruntondereproche. —Jenem’ensouvienspasvraiment,mentitMélanie. Toutlemondelaregardait. — Oh, mais si, forcément ! Tu ne l’aurais lâché pour rien au monde ! mugit John. Monsieur Binky ? Monsieur... —MonsieurBoogy,finitparlâcherMélanie. L’éclatderiregénéralfutassourdissant. —Maisoui!MonsieurBoogie!Tul’astoujours?demandaJohn,malicieux. —Hum...non!mentitencoreMélanie. MonsieurBoogiereposaitdouillettementaufonddesavalise. —Bien,jecroisqueçavapourlevoyagedanslessouvenirs,intervintReginaendonnantuncoupde coudeàsonmari. —Ben,quoi?J’essaiejustedelamettreàl’aise,dit-il. —Outoutlecontraire,répliquaReginaentresesdents. Mélanie regarda ses pieds, essayant d’ignorer les neuf paires d’yeux fixées sur elle. Les seules occasionsoùquelqu’unluiprêtaitattention-àpartsesparentsetTracy-,c’étaitquandelleétaitsurun terraindefoot.Maisleregarddesspectateursnelatroublaitjamais,parceque,quandellejouait,ellene pensait qu’au ballon. À cet instant, elle n’aurait pu se sentir plus voyante, même nue et couverte d’urticaire. —Jevaischerchermesaffaires,dit-elleenpivotantsursestalons. Unefoisqu’elleeutledostourné,Mélaniefronçalevisage,mortifiée.Commentpeut-ilsesouvenirde MonsieurBoogie?Elleouvritlaportièrearrièredu4x4etattrapasonsacàdosetlecasquedemoto parlamêmeoccasion.Quandelleclaqualaportièreetseretourna,elleseretrouvaquasimentnezcontre poitrineavecledieuCalvinKleinlui-même.Surprise,Mélaniereculaetseheurtaàlavoiture. Aïe! —Oups!Désolé,fit-il. —Non,c’estgrave,ditMélanie. Quelle andouille ! C’est si difficile d’aligner deux ou trois mots cohérents : “Non, c’est OK” ou “Pasgrave”! —Etdésolépourmonpère.Nousavonsessayédefairejouerlagarantie,maisilsn’ontpasvoulule reprendre,dit-ilensouriantlentement. Sesyeuxmarronétaientincroyablementchaleureux. Mélaniepouffa.C’étaitçaoupartirencourant.Ladiscussionsurpassaitdéjàenmaladressetoutesses rencontresavecBenPalmerréunies. —Enfin,bref.Jepensaist’aideràtransportertesaffaires. —Euh,merci,bafouillaMélanie. Elles’écartaenglissantlelongdelacarrosseriejusqu’aucoffre. —Sympa,tonvélo,ditl’apollonenregardantleMavericknoiretargentaccrochéauxbarresdutoit. À l’aéroport, Mélanie et Regina s’étaient débarrassées du carton cabossé dans lequel la compagnie aériennel’avaitempaqueté. —Euh...merci,dit-elleencore. Elleenfilasonsacàdos,lecasquependantsursahanche,etouvritlecoffre. —C’esttout?s’étonnalegarçon. —Ouais. —Waouh.Jecroyaisquelesfillestrimballaienttoujoursunmaxd’affaires... —Jenesuispasvraimentunefille,répliquaMélanie. Quoi???Qu’est-cequetuviensdedire??? Ill’examinadespiedsàlatêteetsourit. —Ehbien,danscecas,tuasbienfaillim’avoir... Silecorpshumainpouvaitfondrespontanément,Mélanieseseraitàl’instanttransforméeenflaque.Ce canonmégahotettorsenud’unmètrequatre-vingt-huitétaitentraindeflirteravecelle(elle:Mélanie Meade,l’handicapéedesmots,legarçonmanquéaunezcriblédetachesderousseur)! Iltiralefiletdeballonsdefootballhorsducoffreetlebalançasursonépaule.Desonautremain,il attrapa la grande valise, laissant seulement l’ordinateur portable et une valise plus petite qui contenait culottes,soutiens-gorgeetpyjamas.Mélanieseréjouitdenepasavoiràleregarderportersesdessous jusqu’àlamaison. —Aufait,moi,c’estEvan,dit-ilpendantqu’ellerefermaitlecoffre. Mélaniefaillits’étrangler. —Paspossible! Evanrit. —Euh...si. —Toi,tuesEvan? Evan le dodu, cheveux filasse et morve au nez, s’était métamorphosé en ce dieu hollywoodien aux proportionsolympiques?! — Ouais, confirma-t-il en plissant les yeux. Tu ne m’aurais pas éclaté la tête avec une batte de baseball,unjour? —Elleétaitenplastique,précisaMélanie.Etjecroisquetum’avaispendueàunarbrejusteavant. —Hum.J’aitoujourscruqu’elleétaitenbois,ditEvan. —Jesuisincroyablementbaraquée,expliqual’adolescente. D’accord...Arrêtedeparler.A-rrête-de-pa-rler! Evansouriaittoujoursquandilstraversèrentlapelousepourrejoindrelerestedelafamille. —Alorscommeçatujouesaufoot?poursuivit-il.Çatombebien.Ilvatefalloirêtrerapidesituveux survivredanscettejungle. Mélanieregardalesfrèresd’Evan,àprésentrassemblésenunpetitgroupeagité.Leplusjeuneessayait depasserentrelesjambesdesautrespoursemettreaumilieuducercle. —Çaveutdirequoi«kicker»?demandaceluidontlatêtedépassaitdutas. Ses cheveux blond décoloré étaient coupés à la Jules César et il portait un gros diamant à l’oreille gauche.Mélanieregardasonproprecasquedemotocommesielleledécouvrait.Àl’arrièreétaitécrit« Kicker»entreguillemets. —Oh,c’estmonsurnom,expliquaMélanie. —Naze...,commentaCésar. —Ellejoueaufoot,abruti,ditEvanenposantlefiletdeballonssurlesol. —Evan!grondaRegina. —D’accord,maisdis-luid’arrêterdesecomportercommeuncrétin,répliquaEvan. Mélaniesourit. —Jemepasseraidetesconseils,merci,luirenvoyaReginad’untonnarquois. PuisellemarchaversCésaretluidonnaunetapeàl’arrièreducrâne.Ilpoussauncridedouleurtrès exagéréetsefrottavigoureusementlatête,l’airrenfrogné. — Bon, les garçons, vous vous présentez ou vous continuez sur le mode bande d’orangs-outangs ? demandaleurpère. Engrognant,lesgarçonsdesserrèrentunpeulecercle.L’und’euxfitunpasenavant.Ilétaitunpeuplus petitqu’Evan,maisavaitlamêmesilhouetteathlétique,descheveuxblondsaleenbatailleetdesveux gris-bleu.Ledevantdesontee-shirtétaitbarréd’unmot:«art». —Salut.Moi,c’estFinn,dit-ild’unevoixdouce.Jecroisqu’onseradanslamêmeclasse.Turentres enpremière,c’estça? —Ouais. —Cool.Hum,tuconnaisdéjàEvan,dit-ilavantdesetournerversleresteduclan.Lui,c’estSean. Ilmontraitungarçonpluspetit,trapu,auxcheveuxbrunfoncélégèrementhirsutes.Malgrélachaleur, Seanportaitunjean.Envoyantl’insigneHarley-Davidsontatouésursonbicepsdroit,Mélanierepensaà son permis moto tout neuf et aux deux vieilles Harley qu’elle avait restaurées avec son père l’année précédente.Peut-êtrequederrièrelevisageinexpressifdeSeansecachaitl’âmesœur... —VoiciDoug,ditFinnendésignantCésarquiseprenaitvisiblementplutôtpourEminemII.Unecroix en or pendait autour de son cou. Ses bras massifs et musclés détonnaient avec son ventre bizarrement rondouillard.Mélanieluisourit,maisildétournalesyeuxenfaisantunbruitdesuccionavecsalangue. —Miller,poursuivitFinn. Cheveuxblondsenbrosse,celui-ciportaitunteeshirtdesNewYorkYankeessurledevantduquelétait dessinéeunecaricatured’A-Rod,l’undesjoueursdel’équipe.Ilfixaitlesoletsecontentadehocherla têtequandFinnprononçasonnom. —Lui,c’estIan,ditFinnenpointantdudoigtungaminpoteléqui,d’aprèslessouvenirsdeMélanie, ressemblaitassezàEvanàseptans. —Salut,Ian,ditMélanie. —Salut,Kicker,réponditIanavantdesemettreàricanerensetenantleventre. Waouh!C’estvraimentleportraitcrachéd’Evanàseptans,songeaMélanie. Àcetinstant,surgidenullepart,leplusjeunedéboulaenfaisantunbruitdemoteuremballé. — Et cet avorton, c’est Caleb, dit Evan en soulevant le petit garçon comme s’il chargeait un sac de patates. Caleb s’assit confortablement dans les bras de son frère, la tête contre sa poitrine et un bras passé derrièresondos.Ilposaleboutdesesdoigtssurseslèvres,sourittimidementetdit: —Salut,Mélanie. Mélanieinspiraprofondément. —Salut,Caleb. Troissursept,pensa-t-elle.Ç’auraitpuêtrepire. De:[email protected] À:[email protected] Objet:Installation Salut,lesparents! Je voulais juste vous dire que tout allait bien. Pour le dîner, on a fait un barbecue, mais j'ai mangé de la salade avec, promis. Les garçons s’habituent à ma présence et John et Regina sont adorables. J’ai hâte de voir ma nouvelle école demain. Vous me manquez déjà. J’espère quevotrevoyages’estbienpassé.Appelez-moi,e-mailez-moidèsquevouspouvez! Baisers Mélanie. Mélanieseblottitdanslefauteuil,prèsdelafenêtredesanouvellechambre,ordinateurportableouvert sur ses genoux. Une chose que la jeune fille pouvait dire sur ses « appartements », c’est qu’ils étaient roses.Lesmursétaientroses,lecouvre-litétaitrose,letapisenformedefleurétaitrose.Reginaavait mêmedécorél’armoireblancheavecdesdécalcomaniesdegrossesfleurs...roses. C’étaitl’opposéexactdeschambresqueMélanieavaitconnues. OnfrappauncoupbrefàlaporteetReginapassalatêtedansl’embrasure.Mélanieseredressaunpeu sursonsiège. — Je t’apporte des serviettes pour demain matin, dit Regina avec un sourire en posant des draps de bain(roses)auboutdesonlit.Sonregardbalayalapièceets’attardauninstantsurlesvalisesencore pleines.Toninstallationsepassebien? —Oui,m’dame.Merci,réponditmécaniquementMélanie. Elle finirait bien par défaire ses bagages, mais ça officialiserait sa nouvelle vie : elle avait d’abord besoindes’habitueràl’idéequecetendroitétaitchezelle...etbesoindes’habitueraurose. — Ne m’appelle pas « m’dame », dit Regina qui croisa les bras en frissonnant. Ça me donne l'impressiond’êtrevieille. —Oh!OK,m’da... Mélaniesemorditlalangue. — Je me disais qu’on pourrait aller faire un peu de shopping demain soir, proposa Regina. Il va te manquercertaineschosespourl’école.Desvêtements,dumaquillage...Peut-êtreunnouveausacàmain? Waouh.Cettefemmeestterriblementenmanquedecompagnieféminine,pensaMélanie. —Euh,d’accord,ditlajeunefille,bienqu’ellen’aitbesoinderien. Mélaniedétestaitfairedushopping-particularitéquiavaittoujourslaisséperplexeTracy,lareinedes bonnesaffaires.Maisquandellevitlesourirequeprovoquasaréponse,elleseditqueReginaméritait biencesacrifice. —Génial!Jesaisexactementoùjevaist’emmener.Lecentrecommercialaétéagrandietjemeurs d’envied’allervoircequeçadonne.Ondîneraàl’étage,aurestaurant:unevraiesoiréeentrefilles! —Excellent!approuvaMélanie. Centrecommercial?Restaurant? —Bon,ehbien,bonnenuit,ditRegina.N’hésitepasàvenirmevoirs’iltemanquequoiquecesoit. —Regina?fitMélaniealorsquecelle-cis’apprêtaitaquitterlachambre.C’esttoujours...aussicalme, ici? Reginafronçalessourcils. —Engros...jamais.Johnetmoitebénissonspourcemomentdetranquillitéetdepaix.Mesfilsne saventpastropcommentsecomporterquandilyaunefilledanslecoin. Exactement ce que je redoutais, songea Mélanie tandis qu’une boule d’angoisse se logeait dans sa gorge.AprèsundînertranquilledurantlequelJohnetReginaavaientnourrilaconversation,lesgarçons s’étaient repliés au sous-sol autour de leur Xbox. Mélanie ne les avait plus entendus depuis. Elle se passaittrèsbiendeleursregardsméfiants,maisellenetenaittoutdemêmepasàcequ’ilsladétestent. —J’espèrequemaprésencenedérangepersonne,hasarda-t-elle. —Jet’enprie,l’interrompitReginaenagitantlamain.Jevaispeut-êtrepassermapremièrebonnenuit depuisvingtans!Dorsbien,Mélanie. —Bonnenuit. Quand la porte se referma, Mélanie soupira et relut le mail qu’elle avait écrit à ses parents. « Les garçonss’habituentàmaprésence.»D’uncôtéellesesentaitcoupabledenepasleurdirelavérité-que lesgarçonsl’ignoraientetquesaprésencelescontrariait-,maisdel’autre...àquoibon?Ellecliquasur «Envoyer». Quelquepartdanslamaison,leplanchergrinçaetuneporteclaqua.Puistoutredevintsilencieux.Cet endroitn’avaitdécidémentrienàvoiravecl’asiledefousauquelelles’étaitattendue. Le lendemain matin, Mélanie ouvrit doucement sa porte et jeta un coup d’œil dans le couloir. De la musiquevenaitd’unedeschambres,maisiln’yavaitpersonneenvueetlaportedelasalledebainsen faceétaitouverte.C’étaitlemoment. Serrantsesaffairesdetoilettecontresapoitrine,ellefitunpasdanslecouloir.Aumêmeinstant,Finn sortit de sa chambre. Mélanie s’arrêta net. Il portait un short de sport de l’université de Boston, un teeshirtblanc,etsescheveuxétaienthérissésversl’arrièredesoncrâne.Voilàdoncàquoiressemblaient lesmecsauréveil... —Oh,salut...Tuvasàlasalledebains?demandaFinn. — Ouais, si c’est possible. Je veux dire, je peux ai tendre. Je ne vais pas déranger tes habitudes du matin. —Non,c’estbon,vas-y,ditFinn.Frappeàmaportequandtuasfini. —D’acc,pasdeproblème. Aprèsunedoucherapidependantlaquelleelles’efforçad’ignorerlespetitestouffesdecheveuxblonds etautrespoilsnoirsquitraînaientpartout,Mélanieenturbannasescheveuxdansuneservietteciréenfila sonpyjama.Illuisemblaentendredumouvementdanslecouloir.Elleinspiraungrandcoup. Lesimplefaitdecirculerdanscettemaisonserait-iltoujoursaussiintimidant? Mélaniepritsoncourageàdeuxmainsetsortit.Aussitôt,sonpiednufaillitêtreécraséparunevoiture télécommandée.Ellefitunbonddecôtéjusteàtempsetregardal’enginfonceràl’autreboutducouloir etfranchiruntremplinrudimentaire.Sesyeuxs’écarquillèrentd’horreurquandellevitcequiservaitde pointd’atterrissage. Oh...mon...Dieu! ...unemontagnedetampons(lessiens)contrelaquellelavoitures’écrasa.Souslechoc,ilsvolèrent dans toutes les directions. Ian passa devant elle en courant. Il brandissait victorieusement la télécommande en riant comme un psychopathe. Doug sortit de sa chambre pour voir ce qui se passait, ramassaundestamponsetsouritd’unairnarquois. —Superabsorbant?dit-iljusteaumomentoùEvanetFinnémergeaientdeleurschambres. —Çaveutdirequoi?demandaIan,lefrontplissé. —Jeneveuxmêmepaslesavoir,répliquaDougenbalançantletamponversMélanie. Ellel’attrapaauvol,lecorpstellementbrûlantdehontequ’ellecraignitquesespiedsnefassentuntrou dansletapis.Dougéclataderireetdisparutdansl’escalier,Ianàsestrousses. —Ignore-le.C’estcequenousfaisonstous,ditEvanaveclesouriredequelqu’unquidortencore. —Euh...mec...,ditFinnenlançantunregardappuyéverslecaleçond’Evan-imprimédegrenouilles et...béant. Paslemoinsdumondeembarrassé,Evansecontentaderetournerdanssachambre. —Bon,jevaist’aideràramasser...toutça,ditFinn. Ils’agenouillaparterreetcommençaàrassemblerdestampons. MélaniebonditenavantetFinnbasculasurlesfesses.Elleluipritlestamponsdesmains. —Non!Jenepréfèrevraimentpas! —Maisjepeux... —Non...paslapeine,ditMélanieenentassantmaladroitementlespetitsemballagesglissantsdansses bras.Merci. —OK. Finnseremitsursespiedsetrestaplantéquelquesinstants,hésitant.Enfin,ildisparutdanslasallede bains.Seretrouvantseule,Mélaniefaillitéclaterensanglots.Ilsétaientdoncentrésdanssachambre!Ils avaientfouillédanssesaffaires!EtEvanavaitvusestampons. Pasdedoute:c’étaitlepirematindesavie. Mélaniesereleva,serrantsarécoltecontresapoitrine,etretournadanssachambreoùellejetatoutsur sonlit. OK,reprends-toi,sesermonna-t-elle.Ç’auraitpuêtrepire...d’unecertainefaçon. Après avoir inspiré un bon coup pour se donner du courage, elle commençait à passer son haut de pyjamapar-dessussatêtequandunmouvementdanslecoindesonchampdevisionlafits’interrompre. Elle se mit à hurler. Perchés dans un chêne du jardin, Doug et Ian étaient à présent armés de jumelles qu’ilspointaientdroitsursafenêtre. —Qu’est-cequevousfaites?Vousêtesmalades?cria-t-elle. Douggrimaçaunsourireetluifitungestedelamain. —Commenttutrouvesmachambre? —Tachambre? —Hé,çanemedérangepasdesquatteravecMilll’Attardé...tantquej’ailedroitdeprofiterdelavue !réponditDougenriant. Hébétée,Mélaniebaissalesstoresd’uncoupsec. — Les enfants ! Petit déjeuner ! appela Regina du rez-de-chaussée. Si vous ne ramenez pas tous vos fessesd’icicinqminutes,vousallezêtreenretard! Respire.Mélanieattrapalachaiseenboisdevantsonbureauetlacoinçasouslapoignéedelaporte commeellel’avaitvufairetantdefoisdansdesfilms.Puis,selaissanttomberàgenoux,elleouvritsa grandevalise.Sesépauless’affaissèrentdedésespoir. —Qu’est-ceque... Ilyavaitdestracesviolettessurledevantdesontee-shirtblancpréféré.Ellelesaisitetledéplia.Pile au bon endroit, quelqu’un avait dessiné deux grands cercles agrémentés d’un point en leur centre. La simplicité du tracé suggérait qu’ils avaient été réalisés par l’un des plus jeunes des garçons. Mais ce n’étaitpastout.Mélaniedécouvritquetroisdeseshautsfavorisavaientétémassacrés.ReginaetJohn savaient-ilsqueleursenfantsétaientdesfousdangereux? Respire. Mélanie jeta les vêtements barbouillés dans la corbeille près du bureau et s’habilla rapidement. Puis elle se sécha à moitié les cheveux et les attacha en queue-de-cheval. Elle avait hâte d’êtreàl’école.Cedevaitêtreunendroitcarrémentplusagréablequecettemaison.Commentavait-elle puseplaindredelapaixetducalmedelaveilleausoir? Elle ouvrit la porte de son placard pour attraper ses tennis et fît un bond en arrière. Caleb se tenait deboutdevantelle,sonsoutien-gorgeroseenrouléautourdelatêtedetellefaçonquelesdeuxbonnetslui faisaientdesoreillesdeMickey. —Hahahaha!T’aseupeur! Calebtortillaitsapetitelangueenriant. Le cœur battant à grands coups, Mélanie sauta pour l’attraper, mais il réussit à se faufiler hors du placard. —J’aitonsou-tif!J’aitonsou-tif!chantonna-t-ilendansantautourdelachambre. —Caleb! Mélaniesejetasurlui. Le sale gosse fut trop rapide. Il l’esquiva, écarta la chaise qui tomba avec fracas et en profita pour s’enfuir.Mélaniesejetaàsestroussesdansl’escalier,maisCalebenfourchalarampeetglissajusqu’en bas. Ses pieds touchèrent le sol avant même que Mélanie ait pu atteindre la deuxième marche. Il se retourna,luifitungrandsourireetfonçaverslacuisine. —Caleb!Non!hurlaMélanie. Dans la cuisine, les garçons discutaient et riaient en petit-déjeunant. Mélanie dévala les marches et traversa le salon à toute allure. Elle passa le coin du couloir juste au moment où Caleb s’apprêtait à pousserlesportesbattantes. —Stop!cria-t-elle. Aumêmeinstant,Seanapparut,surgidenullepart.D’unbras,ilattrapalepetitgarçonparlatailleetle souleva. —Lâche-moi!Lâche-moi!hurlaitCaleb. Seanarrachalesoutien-gorgedelatêtedesonfrèreetletenditàMélaniequis’étaitarrêtéenet.Elle n’avaitaucuneidéedecequ’elledevaitdireoufaire. —Ilestintenable,ditSean. C’étaientlespremiersmotsqueMélaniel’entendaitprononcer. —Ouais,merci...,réponditMélanie.S’ilétaitrentrélà-dedans... Seanlafixaunmoment.Avecsescheveuxbrunsenpétard,unetracedegraissevert-noirsousl’oreille droite,ilétaitmagnifiquedanslegenreténébreux.Pourtant,quelquechosechezluigênaitMélanie.Peut- êtreétait-celeregardinsistantetpénétrantaveclequelill’observait.Commes’ilsedemandaitquielle était. —Ouais,bon...,marmonna-t-il. Ilfitdemi-touretempruntaunpetitcouloir.Mélanieleregardaouvrirlaportequidonnaitsurlegarage. Uneodeurâcredecigarettefrappasesnarinesetelleaperçutdeuxgarçonsetunefille,tousvêtusdenoir, vautrésdansdesvieuxfauteuils.Aumilieudugarage,unebatterietrônait,entouréedehaut-parleursetde micros.Justeavantquelaportesereferme,Mélanieentrevitl’arrièred’uneHarleydontlacarrosserie brillaitcommesionvenaitdelacirer. Mélanie s’adossa au mur et inspira un grand coup. Apparemment, Sean jouait dans un groupe. Et la motodevaitêtrelasienne.Siellearrivaitunjouràsesentiràl’aisesoussondrôlederegard,peut-être pourrait-elleluienparler. Enattendant,l’urgencepourelleétaitdesetrouveruneplanqueafind’ymettreenlieusûrdessouset tampons.IgnorantlesgrondementsdesonestomacMélanieremontal’escalierd’unpaslourd. De:[email protected] À:[email protected] Objet:Lemanueldumec GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan Noten°1 Observation n° 1 : Quand ils sont beaux, ils le savent. Exemple : Evan, le deuxième de la portée.Élèvedeterminale.C’estlaperfectionfaitehomme.Etillesait.Çasevoitàsafaçon de sourire d'un air entendu quand vous le regardez la bave aux lèvres. Ce qui n’est pas mon cas.Absolumentpas.Enfinbref.Ilestencoretroptôtpoursavoirsicelanuitàsapersonnalité (cf.MikeBlukowskietsonegogenreStadedeFrance). Observationn°2:Ilsaimentlapeau. Surtout la peau qu’ils ne sont pas censés voir. Exemple : l’espace entre le bas de votre teeshirtetvotreceinture. Observation n° 3 : Ils ne connaissent pas la honte. Exemple : Evan n’était absolument pas embarrassé en évoquant l’histoire de la batte de baseball en plastique - moi, à sa place, la premièrechosequej’auraissouhaitée,c’étaitquetoutlemondel’oublie. Observation n° 4 : Les garçons sont des pipelettes. Hallucinant, non ? J’ai entendu Finn et Doug parler d’une fille appelée Dawn pendant à peu près VINGT MINUTES. Elle aurait repoussé les avances d’un mec dénommé Simon parce qu’elle préfère un certain Rick ! Ils ressemblaient à ces petites vieilles qui piapiatent sur un banc. Tu te rappelles celles qui nous avaientsermonnéespendantuneheuresurlefaitquelesjeunesfillesnedevraientpasporter deshort?Euh...attends,jem'égare. Observationn°5:Lesaînéssontadorablesaveclesplusjeunes. Ils étaient en train de jouer au Frisbee quand je suis arrivée, Evan a laissé Caleb et Ian le plaquer.Troooooooooooopmignon.(Soupir.) Observationn°6:Ilsontl’espritdeclan. Genre clin d’œil, poignée de main secrète, et regards « pas-la-peine-de-nous-adresser-laparole-à-moins-d’avoir-un-chromosome-Y».Trèsentraînésdansl’artdelamiseàl’écart. Observationn°7:Ilsneconnaissentpaslesensdumot«intimité». Ilmefautunverrousurmaporte.Pointfinal. Observationn°8:Lesgarçonssontdesporcs. Ne me lance surtout pas sur le thème « Salle de bains ». J’envisage sérieusement de faire appelauConseilsupérieurdel’hygiènepublique.Sérieusement. Observationn°9:Ilsontvraimentdestrucsbizarresquisepassentlà,enbas(tuvoisceque jeveuxdire). Etjenecroispasêtreprêteàdéveloppercepoint-là. Observationn°10:Ilssaventsefairedesennemis.Carrément. 2 —Quelabruti!Passe-moilesChocapic! —Jerêve...Quiafinilejusd’orange? —Lecaféestprêt!Quienveut? Mélanie entra dans la cuisine. Après avoir rapidement évalué le chaos qui régnait à la table du petit déjeuner,ellepréférarejoindreReginaprèsdel’îlotcentraloùlecaféinfusait. —Bonjour,Mélanie!l'accueilligaiementRegina. Elle jeta un coup d’œil à la tenue de Mélanie - teeshirt de l’armée et jean de garçon élimé - et son souriresecrispalégèrement. —Tuasl’air...àl’aise. —Etjelesuis!répliquaMélanie.Jepeux?demanda-t-elleenmontrantlecafé. —Jet’enprie,réponditRegina.Tuescheztoi! Enfait,jecroisquecettemaisonappartientplutôtauxtarésassisautourdelatable,songeaMélanie enattrapantlacafetière.Ellen’arrivaitpasàcroireque,aprèscequelesjeunesMcGowanluiavaient faitsubirauréveil,ilspuissenttousmangertranquillementleurscéréales,sansmontrerlemoindresigne de culpabilité. Ils n’avaient même pas l’air de craindre qu’elle les dénonce. Peut-être avaient-ils tout simplementsentiqu’ellen’étaitpasdugenreàcafarder. —Regina...Ai-jevraimentrécupérélachambredeDoug?demanda-t-elleenbaissantlavoix. —Pourquoi?Tetorturerait-ilàcausedeça? —Non,mais...jenevoulaismettrepersonnedehors. —N’ypenseplus,ditReginaeneffleurantlamaindeMélanie.(Ellesepenchaverselleetchuchota:) Entrenous,Dougavaitbesoind’êtreremisàsaplace. Mélanie eut un sourire embarrassé et remplit sa tasse de café. À cet instant, Miller arriva et vint se camperàcôtédesamère.Undesesbraspendaitlelongdesoncorps,tandisquedesonautremainil agrippaitsoncoude.Ilregardaitparterre. C’était quoi, son problème à lui ? Miller n’avait toujours pas posé les yeux sur Mélanie depuis son arrivée.Ellesavaitcequec’étaitêtretimide,maiscegarçonbattaitdesrecords. —Salut,Miller,dit-elle. Ilneréponditpas.Essayantdenepassevexer,Mélanieversadusucredanssoncafé.Décidément,ce n’étaitpassajournée.Elleajoutaunpeudelaitdemi-écrémédanssatasseetremuasoncaféavecune cuillère. —Çaneserangepaslà. Mélanielevalesyeux.Millerfixaitlabriquedelaitavecinsistanceetserraitsonbrasencoreplusfort. Occupéeàfarfouillerdansleréfrigérateur,Reginaleurtournaitledos. —Quoi?demandaMélanie,lecœuràcentàl’heure. —Çaneserangepaslà,répéta-t-il. Pendantuncentièmedeseconde,ilregardaMélanie.C’étaitlapremièrefoisqu’ellevoyaitsesyeux.Ils étaientd’unbleuclairintense. —Çaneserangepaslà,répéta-t-il.Çaneserangepaslà. Mélaniesentitsonpoulss’affoler. —Jesuisdésolée.Qu’est-cequineserangepaslà? —Çaneserangepaslà,ditencoreMiller,tandisquesonfrontrougissaitsérieusement. Sontondevenaitdeplusenpluspressant.Mélaniereculad’unpas. —Jesuisdésolée,jene... —Milleraimerangerlesbouteillesetlescartonsparordredetaille,intervintenfinReginaenposant sesmainssurlesépaulesdesonfils. Cecontactsemblal’apaiserunpeu. —Çaneserangepaslà,répéta-t-ilpluscalmement,commepourluiexpliquer. —Oh...OK,ditMélanie. Elle observa le plan de travail. Effectivement, tout y était aligné par ordre de taille, de la cafetière jusqu’ausucrier,enpassantparlepichetdelaitetlaboîteàcaféenfer-blanc.Mélaniesaisitlabriquede laitdemi-écréméd’unemainquelquepeutremblanteetlaremitàsaplace,entrelecaféetlesucre. Millersourit,satisfait. — Miller, je te présente Mélanie, dit Regina en se penchant sur son épaule. Tu te souviens que nous avonsparlédufaitqu’elleallaitvenirvivreici?Est-cequetuluiasditbonjour? —Bonjour,ditMilleraucarrelage. —Salut,réponditMélanie. —TusavaisqueJoeDiMaggiodétenaitlerecorddelaLiguemajeuredebaseballenmarquantuncoup pendantcinquante-sixmatchsd’affilée?demanda-t-ilenluijetantuncoupd’œilrapide.C’étaiten1941, quandiljouaitaveclesNewYorkYankees. MélanieregardaReginaquiluifitunsignedetêteencourageant. —Ahoui?Ilfaudraquejem’ensouvienne. Millerhochalatêteetlevauninstantlesyeuxverssamère.Puis,fixantdenouveaulesol,ilrejoignitla table. Tout d’un coup, Mélanie ne sut plus où se mettre. Qu’est-ce que c’était que cette histoire ? Et pourquoisesentait-ellesidésemparée? —Tesparentsnet’ontpasprévenueausujetdeMiller,hein?chuchotaRegina. Mélanieavalasasaliveavecdifficultéetposasatassesurleplandetravail. —Qu’est-cequ’ila? —Lesyndromed’Asperger.C’estuneformed’autisme,expliquaRegina.Tuconnaisunpeu? —Pasvraiment,ditMélanieenseretournantpourobserverMillerquiparlaitavecFinn.Jeveuxdire, j’aientenduparlerdel’autisme,mais... — Il peut prendre plusieurs formes, mais, en gros, il s’agit d’un dysfonctionnement du comportement social,luiexpliquaRegina.EncequiconcerneMiller,ilfautqueleschosessoientordonnéesàsafaçon, sinon, il s’agite, comme tu as pu le voir. Ensuite, les nouvelles têtes, ça n’est pas son truc. Mais, clairement,ilt’aimebien. —C’estvrai? —Normalement,illuifautaumoinsunesemainepours’habitueràunenouvellepersonne.Avectoi,ça aprisuneseulenuit,ditRegina.Enfin,ilauneexcellentemémoireetesttrèsdouéenmaths,notamment enstatistiques.Sonobsessionprincipale,c’est... —...lesNewYorkYankees,terminaMélanieenregardantlemaillotdeDerekJeterqueportaitMiller. —Exactement.Tut’imaginesbiencequeJohn,faninconditionneldesRedSox,peutressentirfaceàce fils en adoration devant l’empire du mal, gloussa Regina. Enfin bref, si tu as une question à propos d’Aspergeroudequoiquecesoitd’autre,Mélanie,n’hésitepasàvenirnousvoir.Millerestunenfant merveilleux.Ilajustebesoind’unpeuplusd’attentionquelesautres,c’esttout. —Compris,ditMélanie. TandisqueReginaremettaitdel’ordredanslacuisine,Mélanierestaàl’écartduchampdebataille, buvantsoncaféàpetitesgorgées.Àunboutdelatable,Calebéternua.Mélanieobservaavecsurprise queDougplaçaituneservietteenpapiersouslenezdesonpetitfrèreetl’aidaitàsemoucher.Puisil ébouriffalescheveuxdeCalebetselevapourjeterlaserviettedanslapoubelle. Iln’estpeut-êtrepassimauvaisqueça,sedit-elle.Biensûr,çanechangeaitrienàsadécision:elle neremonteraitjamaissesstores. QuandDougselevapourattraperunmugsurlecomptoiretseservirducafé,Mélanieremarquaqu’une cuissedesonjeanétaitrecouverted’ungribouilliscompliquéreprésentantunefemmeaveclescheveux coiffés en piques et des seins monstrueux qui jaillissaient à moitié d’une combinaison moulante. Sur l’autrejambe,unpersonnagemasculindugenreduràcuirebrandissaituneépée.Sachantqu’ils’agissait destyloàbillesurdenim,onpouvaitpresqueparlerd’œuvresd’art. —Qu’est-cequeturegardes?fitDougenlevantlementon. —Rien,réponditautomatiquementMélanie. Dougbaissalesyeuxverssonpantalon. —Ellesteplaisent,mesjambes?demanda-t-ild’untonmoqueur. —C’est...c’esttoiquilesasdessinés?demandaMélanieenessayantd’ouvrirlaconversation. —Maisnon,abrutie,j’ailaisséquelqu’undessinersurmesjambescetété. —Doug!Langage!ditRegina. DougtoisaMélanieavecdédain. —SijamaisturetrouvesundemesvieuxPlayboydanslachambre,dis-le-moi. Etilsortit. —Doug!DouglasArnoldMcGowan!Reviensicitoutdesuite,criaRegina.Jesuisdésolée,Mélanie. —Pasdeproblème. Une fois assise à un bout de la table, elle se servit un bol de céréales et fit son possible pour se détendre.Detouslesgarçonsdecettemaison,Dougétaitceluiquil’exaspéraitleplus.Elleéviteraitde croisersoncheminetespéraitqu’ilnesemettraitpassurlesien. — C’est votre école ? demanda Mélanie en regardant par la vitre arrière de la vieille Saab rouillée d’Evan. —Ehoui,ditFinn.BakerHighlaSplendide. —Impressionnée?demandaEvan. —Assez,avouaMélanie. Le bâtiment ressemblait à ceux qui apparaissaient sur les brochures de Harvard. C’était une énorme structure de brique avec une vraie horloge sur la tour centrale de la façade. Des arbres gigantesques ombrageaient l’allée menant à l’entrée principale et entouraient les terrains de sport. Des dizaines de fenêtres donnaient sur un ruisseau, qui gargouillait au bout du terrain de football américain dont la pelouse soigneusement tondue semblait artificielle. En haut des gradins courait une énorme banderole d’encouragement. Partout, des filles aux visages frais portant des minijupes plissées poussaient des cris aigus en s’enlaçant,avantdeseraconterabondammentleursvacances.Flânantsurlesmarches,devantlagrande porteàdoublebattant,unebandedegarçonsvêtusdevestesbordeaux,uniformedulycée,observaientla scène. Mélanie fut soulagée de voir passer un groupe de filles en jean, dont l’une serrait un ballon de footballcontresapoitrine.Pendantuninstant,elleavaitcraintdes’êtreretrouvéeaulycéeParis-Hilton. EvangaralaSaabdansuncrissementdefreins.Mélanieouvritsaportièreetjetasonsacàdosquasi videsursonépaule.Ellen’avaitemportéquesonportefeuille,uncahieretseschaussuresàcramponsde foot,aucasoù...Àprésent,aupiedduhautbâtiment,elleavaitpresquelesoufflecoupé.Sonlycéeau Texas n’était qu’une construction de plain-pied en acier et ciment. Celui-ci semblait avoir participé à l’éducationdespèresfondateursdelanation. —Viens,ditFinn.Onvatemontrerlesbureauxdel’administration. —Merci,ditMélanie. —Tunepensaisquandmêmepasqu’onallaittelaissertouteseule!proclamaEvanquifitquelques pasenarrièreavantdeluidécocherundesmagnifiquessouriresdontilavaitlesecret. Mélanieremarquaquequelquesfillesladévisageaientaveccuriositéalorsqu’ellemontaitlesmarches encadréeparFinnetEvan.Cederniersaluauntypeaugabaritdedéfenseurdefootballaméricainetlui donna rendez-vous à l’heure du déjeuner. Mélanie sourit. Quelle chance de faire son entrée avec des renforts! Ilspénétrèrentdanslehallchaleureux,oùs’alignaientdesvitrineschargéesdetrophées. —Hé!Strickland!appelaEvan.Attends! MélanieetFinns’arrêtèrent. —Désolé,lesamis,j’aiquelquechoseàfaire,leurditEvan.Jevousretrouveplustard.Bonnechance, Kicker. Evanredescenditquelquesmarchespourrejoindresesamis.Ilsétaienttousdugenreathlétiqueetnela quittèrentpasdesyeuxpendantqu’Evanleurserraitlamainetleurdonnaitdestapesdansledos.Quand elleserenditcomptequ’ilslafixaient,ellesedétournaillico. —Net’occupepasdelui.Leroidoitsaluersesgens,ditFinnavecunepointedesarcasme. —Lepluspopulaire...leplusathlétique...etceluiquiréussitlemieux?demandaMélanie. —Exactement. Tandisqu’ilssillonnaientlescouloirs,Mélanieremarquaquelescasiersétaientpeintsenbordeauxet oretquedesbannièresportantladevisedel’écolecouraientsurtouslesmurs.Desaffichespressaient lesétudiantsdes’inscrireàtoutessortesd’activités,duclubdephotoàl’équipedehockeyenpassantpar l’antennelocaled’AmnestyInternational. —Bon,nousyvoilà,ditFinnens’arrêtantdevantuneporteenboismassiveoùilétaitmarquéBureau principal.NetelaissepasimpressionnerparlavieilleBetsy.C’estjusteunêtrehumainmalheureux. —Merci. —Derien,ditFinnavecundemi-sourireenreculantnonchalamment.Bonnechance! Après qu’il eut disparu, Mélanie resta un moment immobile au milieu du couloir, prenant un peu de tempspourintégrercequisepassait.Unefilleauxcheveuxrouxboucléspassatranquillementavecses copinesetlançaàMélanieunsourirecurieux,maispasdésagréable. Etc’estreparti,songeaMélanie.Nouvelleville.Nouvelleécole.Desmilliersdenouvellespersonnes. Ellepouvaitsoitselaisserécraserparlasituation,soittenterd’entirerlemeilleur. Dans un soudain élan de confiance, Mélanie se redressa. Elle était déjà passée par là plein de fois. Bon, bien sûr, jusqu’à présent ses parents avaient toujours été là pour lui remonter le moral après un premierjourmédiocre...Maiselleavaitgrandi.Ellepouvaitprendresoind’elle-même.Mélaniepivota sur ses talons et pénétra dans le bureau. Le vrai défi, c’était de vivre avec sept garçons. Une nouvelle école,c’étaitdelatarte. Leplusdur,audébut,c’étaittoujourslacafétéria.Aumoins,encours,toutlemondesemélangeait.Les meilleurs amis étaient séparés, les groupes se retrouvaient sans leurs noyaux. Mais, à la cafèt’, tout se remettaitenplace.Chacuns’installaitàunetabledéterminée,etlenouveauseretrouvaitplusexposéque jamais. Mélanie pénétra dans le réfectoire de Baker High armée de ce savoir et chargée d’un monceau de cahiers et de livres. Son casier était à l’autre bout du bâtiment par rapport à sa classe, ce qui ne lui laissait pas le temps d’aller y déposer quoi que ce soit. Elle commençait à réaliser qu’elle aurait probablementàrapportertoutcebardachezellechaquesoir. Mélanies’arrêtaprèsdelaporteetjetauncoupd’œilautourd’elle.Quelquesfillesl’avaientabordée dans la matinée, mais aucune ne lui avait suffisamment fait la conversation pour qu’elle puisse se permettredes’installeràsatable.EtMélanien’allaitcertespass’incrusteràcelledeDoug,deFinnou d’Evan.Elleseréjouitdevoirque,justederrièreleslonguestabléesagitées,setrouvaitunepetitecour calmeoùs’alignaientdevieillestablesdepique-niqueetdesbancsgrisésparletemps.Seulsquelques solitairess’asseyaientlà,dehors,loindelafoule.Desrêveursselonelle. Aprèsavoirchoisiunsandwichàl’apparenceconvenable,unsachetdechipsetunsoda,Mélaniepassa lesportesdelacouretselaissachoiràlapremièretablelibre. Épaules voûtées, cerveau fatigué, Mélanie sortit lentement le sandwich de son emballage. Il ne lui restaitplusqu’àtenirquelquescoursetelleseretrouveraitdanssonélément:surleterraindefoot.Elle espéraitjustequelasecrétairenes’étaitpastrompéelematinenluidisantqueleséquipesacceptaient encore des élèves. Betsy ne semblait pas être sûre de grand-chose, sauf du fait qu’elle était plus intelligente que Mélanie, et que toute autre personne d’ailleurs. Elle avait soupiré chaque fois que quelqu’un lui avait posé une question, comme si les réponses étaient évidentes, mais avait mis dix minutespourlesdonner. — Ah, le voilà ! annonça-t-elle en tirant une feuille d’un dossier sur son bureau. Coach Léonard est l’entraîneuse de l’équipe féminine de football. Les entraînements ont commencé le 20 août, mais de nouveaux élèves peuvent se présenter pour un essai. Pour cela ils doivent venir sur le terrain derrière l’écolelepremierjourdereprisedescours. EllebaissaseslunettesetjetaunregardsuffisantàMélanie. —J’espèrequetuasapportétestennis,machère,ajouta-t-elle. —Jenesorsjamaissans,avaitrépliquéMélanieentapotantsonsacàdos. Ses crampons pendaient hors de son sac bourré de livres, et Mélanie se demandait si les filles de l’équipel’avaientremarquéedanslescouloirs.Ellejetaunœilderrièrelesbaiesvitréesdelacafétéria, essayant d’identifier les joueuses. Étaient-elles bonnes ? Étaient-elles trop bonnes pour qu’elle puisse intégrerl’équipe? Mélanieauraittoutdonnépourundiscoursencourageantdesonpère.Dommage...ilestàdesmilliers dekilomètres,songea-t-elle,lagorgeserrée.Ilnefallaitpasqu’ellepenseàsesparents.Ilneluirestait quequelquesheuresàtenir,etellen’allaitpassemettreàs’apitoyersursonsort. LaportederrièreellegrinçaetMillerapparut,agrippéàsonplateau.Commetoujours,sesyeuxétaient rivésausol.Ilmarchaenlignedroitejusqu’àlatableaufonddelacour,ydéposasonplateauets’assit. Puisilsortitunpetitpostederadiodesonsacetglissadesécouteurssursesoreilles.Quandilfinitpar leverlesyeux,leursregardssecroisèrent.Pendantunefractiondeseconde,aucundesdeuxnebougea. —Salut,Miller,ditenfinMélanie. —LesYankeesjouentleurcenttrente-cinquièmematchdelasaison,répondit-il. PuisiltournaunboutonetMélanieentenditlavoixducommentateurgrésiller.Millerposalaradiosur latableetcommençaàsaleretpoivrersasoupe.Mélanieremarquaquesacannettedesoda,sabouteille dejusdefruitsetsonsandwichétaientalignéssursonplateauparordredetaille.Ildécalalesandwich, plaçalasalièreetlapoivrièreentreluietlejusdefruitsetsecalasursonsiège,l’airsatisfait. TooDamn-Funky:commentçades«trucsbizarreslà,enbas»????tunepxpasbalancerça ssXpliquer! Kicker5525 : ha-llu-ci-nant : ce matin Evan C réveillé et est sorti de sa chambre le calbute béant.Calbuteàgrenouillesdecartoon! TooDamn-Funky:oh!hahahahahaha!tun’auraispasaperçuunboutdechair,parhasard? Kicker5525:ohkenon!jen’aipasregarD. TooDamn-Funky:tuvisàTestostéronevillemaintenant!vafalloirtifaire! 3 L’équipe de football était rassemblée sur les gradins quand Mélanie approcha. L’entraîneuse - une grande femme musclée aux cheveux noirs coupés court - lui tournait le dos et parlait à son équipe. Traverserleterrainpourlesrejoindrepritdutempset,quandellearriva,touteslesfilleslaregardaient. Ellelaissatombersonsacsurladernièremarcheetlacoachs’interrompitenpleinephrase. —Tudoisêtrelanouvelledontj’aitantentenduparler,dit-elleenjetantuncoupd’œilauxchaussures àcramponssalesdeMélanie. —J’imagine. Apparemment, elle avait eu raison de penser que ses futures partenaires de jeu remarqueraient ses cramponsdanslescouloirs. —JesuisMélanieMeade. —CoachLéonard,réponditlafemme.Quellepositiontujoues,Mélanie? —Avant-centre. Unéclatderire,suivipard’autres,accueillitsaréponse.Leschuchotementsqu’elleavaitentendusà son arrivée s’amplifièrent, et quelques filles secouèrent la tête, visiblement de pitié. L’entraîneuse, toutefois,nesemblapasdutoutimpressionnée. — Bon, dit-elle en hochant la tête. Les filles, si on se remuait un peu pour voir ce dont Mélanie est capable?Tina,pourcettefois,turestessurlebancdetouche. Tina,laroussequiavaitsourilematinmêmeàMélanie,grimaçaenserasseyanttandisquelaplupart des autres filles dégringolaient les marches. Elle tendit un maillot rouge roulé en boule à Mélanie, qui s’empressadel’enfilerpar-dessussontee-shirt. —Merci,ditMélanie. —Bonnechance,réponditTina,sarcastique. Mélanies’éloignaencourantetrejoignitlesautresrougesducôtéouestduterrain.Ellesalualesfilles surlaligneetquelques-unesluitendirentlamain,maisaucunnomnefutdonné.Unefoisenplace,ces nanasétaienttoutaujeu.CelaplutàMélanie. Coach Léonard marcha jusqu’au milieu du terrain avec un ballon et vint se placer entre Mélanie et l’autreavant-centre.Lafilleétaitgrande,bronzéeetlarged’épaules,avecunetaillefineetdesjambesde tueuse.Sescheveuxblondsretenusenunequeue-de-chevalépaisseavaientétééclaircis.Elleportaitun peu trop de maquillage, mais Mélanie put voir à son regard féroce qu’au fond elle n’avait rien d’une Barbie.Voilàquirisquaitd’êtreintéressant. Leballontomba,lecoupdesiffletretentit,etlematchcommença.Mélaniepritvitelecontrôledela balleetcommençaàremonterl’airedejeu.Ellefitunepasseàlafillesursadroiteetpartitenavant, doublantcommeuneflèchelapremièredéfenseuse.Leballonluirevintquelquessecondesplustardet Mélaniefutbousculéedefaçonrude,néanmoinsellefitadroitementpasserlaballeentrelesjambesdela défenseuse. Elle mena la balle au bout du terrain, usant de super-techniques de pied pour tromper une autre joueuse. Elle fonça vers les buts laissés pratiquement sans défense. La gardienne, d’après l’expressiondesonvisage,étaitdépassée.Mélaniefeintaàgaucheettiraàdroite.Lafillen’avaitaucune chance. —Goal!criaCoachLéonardquandlaballefilaaufonddelacagedesbuts. Les filles de son équipe se rassemblèrent autour de Mélanie. Elles la félicitèrent avec de grandes claquesdansledos,leurpaumelevéepourqu’elletapedansleursmains.Çaavaitétéunpeutropfacile. Mélanieespéraitquelabonnegardiennesetrouvaitdeleurcôtéduterrain. — Pas mal, Mélanie, lança Coach Léonard. Les autres, l’image que vous donnez de moi n’est guère reluisante.Allez!Onsebouge! Cettefois,l’autreavant-centrelançaunregardnoiràMélaniequandellessepositionnèrentsurlaligne. —C’estlachancedesdébutants,déclara-t-elle. Mélaniel’ignora,sachanttrèsbienquelabonnerépliqueneluiviendraitàl’espritquecinqheuresplus tard-etquedetoutefaçonellen’auraitjamaislecouragedelaluibalancer.Aulieuderépondreàla fille,ellesecontenteraitdeluifairemordrelapoussière. Au coup de sifflet, Mélanie s’appropria de nouveau la balle, mais Blondie la récupéra tout de suite d’uncouprapideetprécisentrelesjambes.ToutsepassatellementvitequeMélanien’eutmêmepasle tempsdevoircequisepassait.Ilneluirestaqu’àriretoutenselançantàlapoursuitedelafille. —Joliefeinte,cria-t-elle,impressionnée. —T’asintérêtàt’yhabituer,répliqualafille. EllefitunepasseetleballonfiladevantMélaniedeuxsecondestroptôt.Lacoéquipièredelafillele réceptionna,maisleperditvite.LeballonrevintversMélanieenvolant.L’angleétaitparfaitpourune tête,etMélaniesauta.Maisavantmêmequesonfrontnetouchelecuir,ellefutprojetéeausolparun coupviolentquifittremblertoussesos.Letempsqu’ellerelèvelatête,Blondieavaitdéjàparcourula moitiéduterrainaveclaballe. —Attention,Hailey!crialacoach. —Waouh!marmonnaMélanieenregardantHaileymarquer.Ondiraitqueçanerigolepas. Ellesavaitquelecoupd’Haileyétaitunefauteflagrantequiluiauraitvaluuncartonjaunependantun match,maiselleappréciaitquelafillen’aitpaspeurdejouerdur.Toutesleséquipesavaientbesoinde joueurstéméraires.Enplus,visiblement,Haileyavaitunesacréetechnique. Peut-être même meilleure que la mienne, pensa Mélanie. Elle était habituée à être une star sur les terrainsdefoot,maiselleaccepteraitvolontiersdepartagerledevantdelascèneaveccettenana.Elle espéraitjustequelapositiond’avant-centred’Haileynel’empêcheraitpasd’intégrerl’équipe. Quelques minutes plus tard, un coup de sifflet retentit et tout le monde quitta le terrain en trottinant. MélanierejoignitHaileyencourantetluitenditlamain. —Jolijeu,luidit-elle.Jenet’aimêmepasvuearriver. Haileyregardasapaumecommesielleétaitcouvertedepustules. — Ouais, comme presque tout le monde. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai joué en national troisansdesuiteetquetun’aurasjamaismaplace. LaréponsestupéfiaMélanie.ElleralentitpourlaisserHaileyrejoindreTinaetquelquesautresfilles aveclesquelleselleéchangeadesclaquementsdemain. —Net’enfaispaspourHailey.Personnenel’apprécie,fitunevoix. Uneautrejoueuse,ailièredroiteaucôtédeMélanie,l’avaitrattrapée.Elledégageaituneimpressionde puissance. Ses cheveux blonds mi-longs, attachés en queue-de-cheval pendant le match, tombaient à présentlibrementlelongdesonvisageluisantdetranspiration.C’étaitunedesfilleslesplusrapidesde l’équipe. —Mêmepaselles?demandaMélanieendésignantlesamiesd’Hailey. —Ellelespaie,réponditlafilleenriant.Entantquesœur,j’ailedroitderefuserl’argentetdeluidire cequejepense. —Tuessasœur?répétaMélanie,surprise. —Jesais.Jesuistellementplusbellequ’elle,ditlafilleenbattantdescilsdefaçoncomique.Bref,je suisAimeeFarmer.Lapetitesœurd’Hailey«ReinedesGarces»Farmer. —Ah,ditMélanieenluiserrantlamain.Moi,c’estMélanie. —Jesais.Onétaitaumêmecoursdechimie,cetaprès-midi,non? —Tuétaislà?Jesuisdésolée,jenemesouviensderienàpartd’avoirfaillibrûlerlessourcilsde monvoisin. Aimeerit. —Dis-moi...tuasétéincroyable.Oùas-tuapprisàjouercommeça? — J’ai beaucoup joué dans des équipes de garçons, expliqua Mélanie. (Elles atteignirent la ligne de touche,oùtouteslesfillesétaiententraindetéterleurbouteilled’eau.)Etl’annéedernièremonéquipea remportélechampionnatduTexas. —Waouh!LeTexas.C’estunÉtatimportant. —Tum’étonnes... —OK,lesfilles,travaillonsunpeulesdribbles!annonçaCoachLéonard. Quelquesfillesattrapèrentlesplotsorangeempilésàcôtédesgradinsetlesemportèrentsurleterrain. —Mélanie,viensmevoiraprèsl’entraînementpourqu’ondiscutedetapositiondansl’équipe. —OK,Coach,ditMélanie. —Évincemasœur,jet’ensupplie,chuchotaAimee.Jetechériraijusqu’àlafindemesjours. Mélanie rit et elles retournèrent sur le terrain à petites foulées. Une chaleur familière et excitante parcourutMélaniedelatêteauxpieds.Ellesavouracettesensation,mêmesicelaluifaisaitaussipenser àTracyavecunpincementaucœur.Ellesentaitqu’ellevenaitdesefaireunenouvellecopine. — Eh bien, Mélanie, il est évident que tu as du talent - et je suppose que tu le sais déjà, dit Coach Léonard. Ellesétaientdeboutdanslecouloir,devantl’entréeduvestiairedesfilles.Lescheveuxencoretrempés deladouche,Mélaniecroisalesbrassursapoitrineetessayadecalmerlespapillonsdanssonventre.Il fallaitabsolumentqu’elleintègrecetteéquipe.Sansl’entraînement,lesdribblesetlesmatchs,elleserait complètementperdue. —Maisj’aidéjàunebonneavant-centre,lamêmedepuistroisans.(Mélanieserralespoings.)Donc, j’aiuneautrepropositionàtefaire. —Laquelle?demandaMélanie,pleined’espoir. —Qu’est-cequetupensesdepasserailièregauche?Surleterrain,c’estnotrepointfaible,etjesuis sûrequetuserasparfaite. Mélaniesouriaitjusqu’auxoreilles. —Biensûr,Coach.Toutcequevousvoulez. — Parfait, dit l’entraîneuse en lui donnant une tape sur l’épaule. Contente de t’avoir parmi nous, Mélanie.Avectoidansl’équipe,jesuissûrequenousironsloin,cetteannée. —Merci,Coach. —Alors,àdemain. CoachLéonardluifitunpetitsignedetêteens’éloignant. Yes!Merci,merci,merci! —Hé!Tuasréussi?demandaAimeeensortantdesvestiairesquelquesinstantsplustard. —Ouais.Ailièregauche,réponditMélanie,radieuse,enhissantlesacdelivressursonépaule. EllesuivitAimeedehors,danslalumièrebrillantedusoleil.Ellesesentaitpluslégèrequel’air.Elle avaitintégrél’équipe!Sanouvellevieavaitofficiellementcommencé. Elle avait hâte de rentrer et de l’annoncer à ses parents. Enfin... de l’annoncer par téléphone, se rappela-t-elleavecungrospincementaucœur.Çaluiavaitfaitceteffettoutelajournée.Décidément,il luifaudraitdutempspours’habitueràl’éloignement.Toutvabien.Tuleurdirascesoir, songea-t-elle. Çaserasuper. —Bon.VoilàquidonneraencoreunpeupluslagrossetêteàHailey.Jerêvaisd’unpetitcoupàson ego, dommage, dit Aimee en riant. Mais je suis bien contente pour toi. Hé... tu veux que je te raccompagneenvoiture? —Ehbien,ceserait... LaréponsedeMélanierestacoincéedanssagorge.Ellevenaitdevoirquelquechosequiimmobilisa sescordesvocales.Lavoitured’Evanétaitgaréedansleviragedel’alléedel’école,etEvanlui-mêmey étaitadossé.Ilsemblaitperdudanslacontemplationdelapelouseluxuriante.Sesjambesétaientcroisées auniveaudeschevillesetsescheveuxblondsbrillaientsouslesoleil. Il leva les yeux, repéra Mélanie et lui sourit. Il était venu la chercher à la fin de son entraînement. Mélanien’avaitjamaisvécudemomentaussiparfait. Mais...oh,monDieu.Qu’allait-ellebienpouvoirluidireunefoisqu’ilsseretrouveraientseulsdansla voiture?D’accord,ill’avaitamenéelematin,maisFinnétaitassisàcôtédeluiàl’avantetilsavaient discutéentreeux.Commentfaireletrajetavecluisansqu’elleserendeparfaitementridicule? —Salut,baby!criaEvan. Hein? Hailey passa en courant devant Mélanie et Aimee, bousculant sa sœur dans sa course qui s’acheva directement dans les bras d’Evan. Il la souleva du sol pour lui donner un long baiser quasi obscène. Mélanienepouvaitdétachersesyeuxducouple. Ilaunepetitecopine,envisagea-t-elle,etsabonnehumeurs’évanouitinstantanément.Mais bien sûr qu’ilaunepetitecopine!Regarde-le. Pourquoifallait-ilquecesoitelle? —Masœur,latraînéepubliquenuméroun,marmonnaAimee. —Trouvez-vousunechambre!criaunedescopinesd’Hailey. Lesautresfillesdel’équipeéclatèrentderire. Haileysedécolladuvisaged’Evanetleurdécochaunsouriresuffisant.Elleattrapalamaind’Evanet l’écarta de la voiture pour pouvoir y entrer. Evan lui ouvrit la portière. À peine assise, elle baissa le pare-soleilpourvérifiersonmaquillagedanslemiroir. —Hé,Mélanie!Tuviens?criaEvan. Haileyredressalatêteetregardaparlafenêtred’unairfuribond. —Euh...ouais,réponditMélanie,forçantsespiedsàbouger.Àdemain,dit-elleàAimee. Elle baissa la tête pour attacher ses cheveux humides en un chignon rudimentaire et marcha vers la voiture. Evan lui ouvrit la portière. Elle s’écrasa sur la banquette arrière sans pouvoir le regarder. Commentpouvait-ilapprécierHaileyFarmer?Ilétaitcenséêtreparfait... —Alors?Comments’estpasséetapremièrejournée?demandaEvanenmanœuvrantpoursortirdesa placedeparking. —Pasmal,réponditMélanie. —Bof,commed’hab,ditHaileyenmêmetemps. EllejetaunregardnoiràMélaniedanslerétroviseur.Evanrit. —Enfait,Hails,jeparlaisàMélanie,expliqua-t-ilenposantsamainsurcelled’Hailey.Toutlemonde saitcommenttapremièrejournées’estpassée. EvanetHaileyéchangèrentunregardentenduavantd’éclaterderire. —Ehbien,elleaétéacceptéedansl’équipedefoot,ditHailey. —Cool,Mélanie.Félicitations. —Merci,ditMélanie. —Alors,oùt’aplacéelacoach,finalement?demandaHailey.Onsaitbienquetunevaspasjouerau centre... Mélanieeutl’impressiond’êtreenferméedansunfour.Elleregardaparlafenêtre. —J’attaqueraiàgauche. Ellevitlesouriresournoisd’Haileydanslerétroviseurcôtépassager. —Oh,ehbien,c’estuneplaceimportante,ditlablonde.Tuserasmonailière. Mélanielevalesyeuxauciel.Ellefulminait.ÊtreincapabledemoucherunefillecommeHaileyétait unechose,maisqueçaarrivedevantEvanétaitdixfoispire.Pourquoin’arrivait-ellepasàsedéfendre? —Net’occupepasd’Hailey,ditEvan.Lefootball,c’estsavie. HaileylançaunregardagacéàEvanqu’ilneremarquapas. —Onneplaisantepasàl’attaque,dit-elle.J’espèrequetuvaspouvoirsuivrelerythme. —Oh,allez,Hails.Léonardnel’auraitjamaisprisesiellen’étaitpasbonne,protestaEvan. Mélanie aurait voulu l’embrasser - s’il n’y avait pas eu un million d’obstacles physiques et psychologiquesentreeux,biensûr. —Jedisçaenl’air,ditHaileyenlevantlesmains.Jeveuxjustequ’ellesoitpréparée,c’esttout. —Net’inquiètepaspourmoi,ditMélanie.MonéquipeafinichampionneduTexasl’annéedernière. Voilà!Bienenvoyé!sefélicita-t-elle,unsouriretriomphantsurleslèvres. —Vraiment?demandaEvanenluijetantuncoupd’œilpar-dessussonépaule.C’estexcellent,Kicks. LesouriredeMélanies’élargit. —Kicks?C’estquoiKicks?demandaHailey. —LesurnomdeMélanie,expliquaEvan.Enfait,sonsurnom,c’estKicker,maisjel’airaccourci.Je trouveKickspluscool,pastoi?demanda-t-ilàMélanieencherchantsonregarddanslerétroviseur. —C’estclair,réponditMélanie. Haileyseraiditsursonsiègeetregardaparlafenêtre,lamâchoireserrée. —Commec’estmignonquevousvousdonniezdéjàdespetitsnoms... —Jemetrompeouilyaunepointedesarcasmedanstaremarque,Hails?demandaEvand’unton taquin. Ilprofitad’unfeurougepourattrapersamainetl’embrasser.Haileylevalesyeuxauciel,maissourit. —Tutetrompes,dit-elle.Bon,comments’estpassétonentraînementàlacrosse?Tucroisquevous allezpasserennationalcetteannée? —Tusaisbienquejem’enfiche,ditEvanquitenaittoujourslamaind’Haileyetconduisaitdel’autre. Lacrosse,c’estpourlefun.Tantquenotreéquipedehockeycontinuedecartonner... —Jesais,jesais!Lesuniversitésviendronttefairelacour!terminaHailey. Pendantqu’EvanetHaileypapotaient,Mélanieeutladésagréableimpressiondetenirlachandelle.Elle seblottitsurlabanquettearrièreetseperditdanslacontemplationdupaysage,sedemandantsilamaison d’Hailey était très loin de l’école. Car, si l’idée de se retrouver seule avec Evan dans la voiture ne l’enchantaitpas,écouterlebabillagedesdeuxamoureuxétaitunsupplice. De:[email protected] À:[email protected] Objet:Programmed’immersion GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan Noten°2 Observation n° 1 : Quand il y a de la nourriture dans leur champ de vision, les garçons ne voientpasgrand-chosed’autre. C'est comme quand le lion rencontre la gazelle sur Animal Planet. Heidi Klum pourrait entrer dans la pièce, aucun ne la remarquerait. Bon, d’accord, peut-être que si. Impossible d’expérimenterlathéorie.Maisquandmême,c’estunmomentdeconcentrationultime. Observation n° 2 : Ils se laissent facilement distraire. Evan était censé me faire faire un petit tourdel’école,maisilarencontrédespotesetachangédeplan.Jepréfèrenepasconsidérer celacommeuneatteintepersonnelle. Observationn°3:Ilssaventprendrelapose. Evan.Savoiture.Unrayondesoleil.Unepauselangoureuse,l’airderien.(Soupir.) Observationn°4:Ilsontdedrôlesdegoûtsenmatièredefemmes. 4 —Alors?Tut’esbienamusée?demandaReginacesoir-làenouvrantlaported’entrée. — Ouais, merci encore, répondit Mélanie. Mais, vraiment, il ne fallait pas vous sentir obligée de m’achetertoutça. ElleportaitquatresacsremplisdevêtementsetdemaquillagequeReginaavaitabsolumentvoulului offrir. —Jenemesuispassentieobligée!J’enaieuenvie,corrigeaRegina.As-tuidéeduplaisirqueçame faitdepasserunpeudetempsdanslesrayonsfémininsdeGap? Mélanieéclataderire. —Ehbien...Merciencore. —Maisderien.Jevaismepréparerduthé.Tuenveux? —Non,merci.Jecroisquejevaisplutôtmonterrangertoutça. —Alorsbonnenuit,machérie,ditReginaavecunsourire. —Bonnenuit. Mélanie emprunta le couloir qui menait à l’escalier et s’immobilisa en entendant des voix monter du sous-sol.Dougcommentaitcequisemblaitêtreunjeudefootballaméricain. —EtvoilàlesPatriotsdeIanquirécupèrentleballon,scandait-ild’unevoixgravedansuneimitation parfaite d’Al Michaels. Ian, fraîchement entré en sixième et qui, encore récemment, buvait son jus de fruits dans une tasse en plastique pour bébé, pourra-t-il battre le champion complètement triso de la dernièresaison-letueurlooserMiller? Mélaniesourit.Dougétaitassezdrôle,finalement.Quil’eûtcru? —Bradychercheàfaireunepasse...ilregarde...ilregarde... Nouvellesacclamations,Mélanielesentenditselaperdanslamain. —Incroyable!hurlaDoug.Ianmarqueaprèsunema-gni-fï-quepasse!Personnenel’avaitvuarriver, etencoremoinslalamentabledéfensedeMiller-sionpeutparlerdedéfense.Aïe! Apparemment, Miller avait frappé Doug. Bien fait. Mélanie sourit. Elle serait bien descendue les rejoindre,maisellenevoulaitpass’incruster.Sesentantfatiguéeettoutd’uncouptrèsseule,ellemonta lesmarchesenécoutantexploserleursriresgraves. —Reginat’aachetédumaquillage?demandasamèreautéléphone. — Je sais, je sais. J’ai essayé de l’en dissuader, mais elle a insisté, répondit Mélanie en jetant un regardobliqueverslademi-douzainedetubesetpalettesdontelleneseserviraitjamais. Mélanie ne se considérait pas comme une fille à maquillage. La seule fois où elle avait laissé Tracy opérer sur elle un « léger relooking », l’allumeuse qu’elle avait découverte dans son miroir l’avait horrifiéeetelleavaitfoncéjusqu’aulavabo. —Netetartinepas,c’esttout,luirecommandasamère.Tuesbientropjoliepourça. —Merci,ditMélanieensouriant. Elle était fière de ses yeux verts et de ses épais cheveux blond vénitien. Mais avec son petit nez retroussé,sestachesderousseuretsespommettesinexistantes,ellenes’étaitjamaissentie«tropjolie». —JesuissûrequeçafaitdubienàReginad’avoiruneautrefemmedanslamaison,ditsamère.Mais jeluiavaisditquetun’avaisbesoinderien. LesyeuxdeMélanietombèrentsurlessacsdechezGapetAbercrombie,etelleserecroquevilla. —Nousn’avonspasachetétantdetrucsqueça. Etpuisj’ail’impressionqu’elleavraimentpasséunbonmoment.Jeveuxdirequenousavonspasséun bonmoment,rectifia-t-elle. Pourelle,çaavaitplutôtétéunmarathon-deuxheuresentièrespasséesaucentrecommercialàjouer lestopmodels-,maisdesCinnabon4avaientaidéàfairepassercetteséancedeshoppingintensif. —Ehbien,tantmieux.Jemeréjouis,alors,ditsamère. Mélaniesourit.Parleràsamèren’étaitpasaussipéniblequ’ellesel’étaitimaginé.Sapoitrines’était serréeaudébutquandelleavaitentendusavoix,maisellen’enétaitpasnonplusàvouloirsetéléporter enCorée.Peut-êtreétait-elledéjàentraindes’habitueràsasolitude. Plusloindanslecouloir,uneporteclaqua.Mélaniesursauta.Quelquepartaurez-de-chaussée,Calebet Ians’insultaientcopieusement.Danslachambremansardéeau-dessusdelasienne,MélanieentenditSean s’affalersursonlitets’yblottirdansuncouinementderessorts,surfonddesolodeguitareélectrique. —Mélanie? —Oui,m’man.Quoi? —Tonpèreveutsavoirs’ilyaunefilledanstonéquipedefootquipeutprétendresemesureràtoi. Mélanie rougit de fierté. En même temps, elle ressentit une bouffée de désespoir. Elle aurait donné beaucoup pour voir apparaître le visage de son père devant elle. Hum, finalement, peut-être que cette séparationn’étaitpassifacilequeça. —Ilyaunefillequiestvraimentbonne,dit-elle.LesautressontOK. Quelques coups rapides furent frappés à sa porte pendant que sa mère rapportait l’information à son père. —Entrez,ditMélanie. C’étaitEvan.Ils’appuyaauchambranledelaporte,lesmainsdanslespoches.Ilportaitunpantalonde toileusé,untee-shirtblancetuncabanendaimvieilliàlaperfection. —Hello,dit-il. DeuxexcataloguedeCalvinKlein,pensaMélanie. —Comment?Mélanie?Tum’entends? —M’man,ilfautquej’yaille,ditMélanie. —OK,madouce,luiréponditsamère.Onsereparlebientôt. —D’acc,m’man.Embrassepapapourmoi!dit-elleenbalançantsesjambespar-dessusl’accoudoirde sonfauteuilpourposersespiedsparterre. —Ciao,jet’aime! —Moiaussi!réponditMélanie. Elleraccrochaetlançaletéléphonesansfilsursonlit. —Salut,dit-elleenosantunregardversEvan. —JevaisavecdescopainsàLoganpourregarderlesavionsdécoller,dit-il.Tuveuxvenir? —Oh...Euh... Mélaniesentitsonestomacsetordre.Elleregardasamontre,histoiredegagnerunpeudetemps.Illui faisaitcettepropositionprobablementparcequesesparentsluiavaientdemandéd’êtresympaavecelle. Enplus,elleavaitcourslelendemain.EtsilesMcGowanluireprochaientd’êtresortietardunsoirdela semaine ? Comme l’avaient souligné ses parents un million de fois, les McGowan lui accordaient une grandefaveurenl’accueillantchezeux.Ilnefallaitpasqu’elleabusedeleurgénérosité.Ellepouvaittrès facilementjouerlacartegrossefatiguederentréeetdirequ’elleavaitbesoindedormir. —Ilestunpeutard,fit-elle,haïssantlanoteenfantinedanssavoix. —C’estunpeuçal’idée,répliqua-t-il.Allez.Tuvasvoir,c’esttropcool.Enplusj’aivraimentenvie queturencontresmespotes.Tuvaslesadorer. Mélanieseforçaàleregarder.Sonvisageétaitd’uneperfection!Etilavaitréellementl’aird’avoir enviequ’ellevienne. —Allez.Jesaisquequelquepartentoisecacheunebadgirl,insista-t-il. Sonsouriredévastateuréclairauninstantsonvisage. Tunepourraispastetromperdavantage,seditMélanie.Maiselleneputs’empêcherdesourireen entendant ces mots. Il était temps qu’elle étrangle la poule mouillée en elle et qu’elle prenne quelques risques.EllerepensaàBenPalmer-legarçonpourlequelelleavaitcraquépendanttroisansetauquel ellen’avaitjamaisétéfichuededireunephrasecohérente. —D’accord. Elle se leva et attrapa son portefeuille dans son placard. Son sang battait si fort dans ses oreilles qu’elles'entenditàpeinedire: —Jeviens,fit-elle. Mélanies’agrippaàsonsiège.Lavoitured’Evancahotaitsuruneroutepoussiéreuseettortueusequi grimpaitentrelesarbresjusqu’enhautd’unepetitecolline.Cen’étaitnilaroutedifficilenil’obscurité totale qui l’avaient mise dans cet état d’angoisse, mais les vingt dernières minutes de conversation poussive. Evan lui posant des questions auxquelles elle ne trouvait que des non-réponses affligeantes. Jamaisellenes’étaitautantentenduedire«jenesaispas»-unephrasequ’ellen’avaitcesséderépéter parcequec’étaitplussûrqued’essayerdetrouverquelquechosedecoolàdire.Elleavaithâtedesortir delavoiture. —Et...leTexastemanque?demandaEvan,essayantcourageusementderomprelesilence. —Unpeu,réponditMélanie. —Tuaslaissédesgensderrière?Meilleurspotes...Petitscopains...? Mélanieritnerveusement. —Non.Enfin,ouais...Jeveuxdire... —Meilleuramioupetitcopain? —Meilleureamie.Tracy,réponditMélanie.Pasdepetitcopain. —Oh.Parfait. Mélanieregardasonprofil.Ilsouriaitd’unairsatisfait.Jet’enprie,Mélanie.IlsortavecHailey.La magnifique,l’artistedumaquillage,l’athlétiqueHailey.Redescendssurterre. Enfin,ilsarrivèrentdansuneclairièreoùquelquesvoituresétaientdéjàgarées.Lespharesscintillèrent, révélant des visages curieux. Quelques garçons sourirent en reconnaissant le conducteur. Hailey se détachadugroupeencourant,etatteignitlaportièred’Evanavantmêmequ’ilaitéteintlemoteur. —Salut,baby,dit-elle. Ellepritsonvisagedanssesmainsparlafenêtreouverteetplantaunbaiserrapidesurseslèvres. Mélanieauraitvoulusegifler.QuandEvanavaitmentionnésesamis,elles’étaitimaginéunebandede mecs.Ilneluiétaitmêmepasvenuàl’idéequ’Haileypouvaitêtreprésente. Celle-civenaitd’apercevoirMélanie. —Oh.Salut,dit-elleplatement. —Salut,réponditMélanie.Çava? —Bien,ditHailey.Toi? —Bien. OK,respireprofondément,pensaMélanietandisqueladouzainedejeuness’agglutinaientautourdela voiture et la dévisageaient ouvertement. Mélanie reconnut Tina et une autre joueuse de l’équipe - une grande et belle fille du Moyen-Orient aux cheveux noirs et bouclés. Evan et Hailey, enlacés, contournèrentlavoiturepourvenirseplacerducôtédeMélanie. — Hé ! tout le monde, voici Mélanie, annonça Evan à la cantonade. Mélanie, je te présente tout le monde. —Salut,Mélanie!chantonnèrent-ils,telleuneclassedematernelle. Mélanieritetlevaunemain. —Salut. —Jevaisnouschercherdesbières,annonçaEvanàHailey.Tuenveuxune?demanda-t-ilàMélanie. —Non,merci. —Jerevienstoutdesuite,ditEvan. Ilpartitentrottinant,laissantHaileyetMélanieentêteàtête.Mélanieputenfinseremettreàrespirer. EllelorgnaHaileyducoindel’œil. Peut-êtrequ’Haileys’estsentiemenacéecetaprès-midi.Aprèstout,tuesunesuper-footballeuseet tu es la fille qui vit avec son petit copain. Mais nous avons plein de points communs - et donc une chancedebiennousentendre. —Alors,Hailey,raconte-moi:quelaétélerecorddel’équipel’annéedernière? —Nousavonsplusgagnéqueperdu,réponditHaileyenenfonçantsesmainsdanslespochesdeson jeanmoulant.Pourquoi?Tuaspeurqueleniveaudel’équipenesoitpasassezbonpourtoi? Mélanielaregarda. —Non,jefaisaisseulementlaconversation. — Eh bien, nous sommes arrivées jusqu’en finale du championnat du comté, mais nous avons perdu. Biensûr,lecoachpensequecetteannée,avectoidansl’équipe,nousgagnerons. —Merci. —J’aidit:«lecoachpense...» Àcetinstant,unaviondécollaetvolajusteau-dessusdelaclairière.Sestrainsd’atterrissagepassèrent siprèsqueMélanieeutl’impressionqu’ilsallaientarracherlesarbresderrièreeux.Lerugissementétait assourdissant.MélanievitEvanetsesamishurleràpleinspoumons,poingsetbièresbrandisversleciel, mais elle n’entendit rien. Elle aurait voulu crier aussi - sur Hailey. Dans sa tête, la voix de Tracy lui intimaitdesedéfendre.Sielleavaitpurésisteràsesparents,ellepouvaitcertainementtenirtêteàcette fille.Maisrienqued’ypenser,sesmainsdevinrentmoitesetsoncœursemitàbattreplusfort. Je dois faire quelque chose, se dit Mélanie en essayant de se motiver. Elle va me piétiner si je ne réagispas. Dèsquelebruitdesmoteurssefutestompé,MélaniesetournadenouveauversHailey. —Jepeuxteposerunequestion? —Quoi? —Est-cequejet’aioffensée?demandaMélanie.Tusais,toutcequejeveux,c’estfairemontroudans unenouvelleécole,peut-êtremefairequelquesamis,joueraufoot.Maistuasl’airdenepasm’aimerdu tout. Mélanie retint son souffle. Elle n’en revenait pas d’avoir réussi à exprimer ses pensées d’une façon relativement cohérente. Pendant une fraction de seconde, l’expression d’Hailey s’adoucit et Mélanie réalisa que, sans son air renfrogné, elle était vraiment jolie. Elle semblait même sur le point de dire quelquechosed’humain.C’estalorsqu’Evanapparutavecsesbières.Haileyluijetauncoupd’œil,puis àMélanie,etelletenditlesbrasverssonmec. —Viens,baby,luidit-elleens’accrochantàsonbras.Trouvons-nousunendroitunpeuplusintime. —Cool,ditEvanentendantunecanetteàMélanie.Vateprésenter,Kicks.Lesmecsmeurentd’enviede terencontrer,ajouta-t-ilavecunclind’œil. —Oh...bon. Elle regarda avec désespoir Hailey entraîner Evan. Derrière elle, la bande rit à une blague qu’elle n’avaitpasentendue.HaileyregardaderrièreelleetlançaunregardtriomphantàMélaniejusteavantde s’enfonceravecEvanentrelesarbres. —D’accord.Jerécapitule.ÀBoston,nousavonsdesarbres,del’eau,lesRedSox,l’aquarium,etle... le... Mélanie regarda Darnell Wilcox. Il avait énuméré les éléments de sa liste sur ses doigts et fixait maintenantsonauriculairecommesicelui-ciallaitluidonnerlaréponse.Desonautremain,ilagrippait le col d’une bouteille de Budweiser à moitié vide - sa cinquième ou sixième, selon les estimations de Mélanie. Darnell était un joli garçon qui, d’après sa veste, était capitaine de l’équipe de football américain. Au début de la soirée, il s’était révélé intelligent, amical et drôle. Maintenant qu’il était officiellementsoûl,ilrestaitamicaletdrôle,maisl’intelligenceétaitpartiesepromener. —L’histoire,intervintMélanie.Tuoubliesl’histoire. — Exact ! s’exclama Darnell. (Ses grands yeux bruns brillèrent quand il la regarda.) Et vous, quel genred’histoirevousavezauTexas? Mélanieselaissaallerenarrière,surlecapotdelavieilleCorvettedeDarnelletsoupira. —Oh,jenesaispas.NousavonsCoronado,Alamo...Nousavonsmêmedéclarénotreindépendance, unefois,dit-elleenluijetantuncoupd’œil. Darnelllafixauneseconde,confus,commesisabandesonoreétaitpasséeenmodecodé. —Ouais,ben,nousonalaBostonTeaParty,lemassacredeBoston,le...le... —LesRedSox!criaquelqu’un,provoquantunevagued’acclamationsdansl’obscurité. —Exactement!Merci!ditDarnellenlevantsabouteille.LesRedSoxdeBoston. —Tulesasdéjàcomptés...,fitremarquerMélanieenbâillant. —Oh,désolé,ditDarnellquicommençaitàavoirdumalàarticuler.Jet’ennuie? —Non. Mélaniesecoualatête.Ilétaitenfaitassezdrôle.Maisilétaitminuitpassé,etlasoiréecommençaità traînerenlongueur. —Ouais.Ben,moi,jecommenceàmefatiguermoi-même,ditDarnellens’allongeantàcôtéd’elle. Ensemble, ils contemplèrent le ciel tandis qu’un autre avion passait au-dessus d’eux en vrombissant. Toutlemondel’acclama,maisMélaniefermalesyeuxetsebouchalesoreilles. —Hé!Vousvousamusezbien? Mélanie rouvrit les yeux et découvrit Evan penché sur elle. Alléluia ! Elle ne l’avait pas vu depuis qu’Haileyl’avaitenlevédeuxheuresplustôt.Ilsallaientenfinpouvoirs’enaller. —Onyva?demandaMélanieenselaissantglisserjusqu’ausol. EllejetaunœilàHailey,remarqualesuçontoutfraisdanssoncouetsedétourna.Soncœurbrûlaitde jalousie. Elle ne voulait même pas savoir où les lèvres d’Evan avait pu se poser. Mais elle ne put s’empêcherdel’imaginer. —Déjà?protestaHaileyenattrapantlamaind’Evan.Jen’aiencoreparléàpersonne... Ah,ouais?Etlafauteàqui?grognaintérieurementMélanie. EvanadressaàMélanieunregardsuppliant,etl’humeurdelajeunefilles’assombrit.Toutd’uncoup, ellesesentitépuisée. —Voussavezquoi?Pasdeproblème,ditMélanieenattrapantlamaindeDarnelletenleforçantà s’asseoir. Les yeux du garçon roulaient tandis qu’il essayait de se concentrer sur ce qui se passait. Darnellvameraccompagner.Tutesenscapabledeconduire,pasvrai,Darnell?luidemanda-t-elleen luidonnantunegrandeclaquedansledosquilefitglisserdelavoiture. Il tituba un instant quand ses pieds touchèrent le sol, puis il attrapa ses clés dans la poche de son blouson. —Ca-rré-bent,dit-il.Dis-boijusteoùtuhabites... Desesclés,ilvisaitlaserrure,maisnetouchaitquelavitre. Mélanie haussa les sourcils en regardant Evan. Celui-ci soutint son regard, amusé et visiblement impressionné.Mélanieelle-mêmeavaitdumalàcroirequ’elleaitpuluitenirtête. Tous deux savaient qu’elle n’était pas assez stupide pour monter en voiture avec Darnell et qu’elle bluffait.Laquestionàprésentétait:qu’allaitfaireEvan? IlsetournaversHailey. —Ondevraitpeut-êtreyaller. LecœurdeMélanieenflacommeundrapeaudelavictoirepargrandvent. QuantàHailey,ellesedécomposa,maisserepritvite. —Trèsbien.Jevaischerchermonsac. — En fait, je me disais... Tu pourrais raccompagner Darnell ? demanda Evan avec une moue et un haussementdesourcils...adorables. Tout le monde considéra la silhouette voûtée de Darnell qui, à deux mains, essayait vainement de glisserlaclédanslaserrure... —Evan... —Hails,tuhabitesàdeuxmaisonsdelasienne,l’interrompitEvan.Etilfautbienquequelqu’unle fasse. Tandis qu’un autre avion les survolait, les coupant un instant du reste du monde, Hailey jeta un coup d’œilaurestedelabandederrièreelle. —D’accord,tuasraison,dit-elleensoupirant.(EllerejoignitDarnelletpassasonbrasautourdeses largesépaules.)Tutetrompesdeportière,D. —Hein?MaisjedoisraccompagnerMélanie... —Changementdeprogramme.C’estmoiquiteramène,ditHailey.Allez,viens. Mélanie regarda Hailey le guider gentiment du côté passager. Evan lui prit les clés des mains et lui ouvrit la portière. Ensemble, ils poussèrent son corps de footballeur dans la voiture. Ensuite, Hailey farfouilla sous le siège et l’ajusta de façon que les genoux de Darnell ne soient pas écrasés contre le tableau de bord. Surnaturel. Juste au moment où Mélanie pensait que la fille était une incarnation du diable,ellesemettaitàsecomportercommeunêtrehumain. —OK,àplustard,ditHaileyenembrassantEvanavantdes’installerderrièrelevolant. —Soisprudente,réponditEvan,récoltantainsiunsouriredesapetitecopine. —Ciao,Hailey,ditMélaniequandcelle-cidémarra. Haileypartitentrombesansrépondre,abandonnantEvanetMélanieaumilieud’unnuagedepoussière. —Charmante,grognaMélanie. Evanluijetaunregardobliqueavantdemarcherverssavoiture. —Allez,onrentre. —Bon,est-cequetesparentsvontnoustuer?demandaMélanieenconsultantsamontre.(Ilétaitune heureetquartdumatin.Parcequelesmiensnoustueraient,c’estsûr. —Net’inquiètepas,jecontrôleparfaitementlasituation. EvanéteignitlespharesaumomentoùlaSaabs’engageaitdanslaruetranquilledesMcGowan.Une foissavoituregaréetoutauboutdel’allée,ilcoupalecontact.Lecrissementdecentainesdecriquets emplitl’air.L’uniquelumièrequibrillaitvenaitd’unelampedevantlafenêtredusalon. —Alors,chuchotaEvan.Tuaspasséunbonmoment? Mélaniesetournapourluifaireface,lecœurbattantàtoutrompre.Ilétaitpenchéau-dessusdufreinà main. —Tesamissontsympas. —J’étaissûrquetulesaimerais,murmura-t-il. Illaregardaitsiintensémentqu’ellefutincapablededétournerlesyeux. —Enfait,j’étaissûrqu'ilst’aimeraient. Mélanieavalasasaliveavecdifficulté. —Ahoui? —Ben...qu’est-cequ’ilspourraientnepasaimerentoi?demanda-t-ilavecunsourire. Oh, mon Dieu ! Il allait l’embrasser. Il allait l’embrasser, là, dans l’allée. Et elle en avait tellement, tellementenvie.Ellelesentaitdanschaquemoléculedesoncorps. Maisilaunepetitecopine,Mélanie,sesermonna-t-elle.Haileyavaitbeauêtreunechienne,elleétait d’abordunefilleetunepartenairedefoot.Enplus,mêmesiellen’avaitjamaisvécuunetellesituation, Mélanien’étaitpasdugenreàvolerlesamoureuxdesautres,aussiatrocesqu’ellessoient. —OK,fermejuste...(Mélanierestasansvoix.)...taportièretrèsdoucement,murmuraEvan. Ilsedétournaetsortitdelavoiture.Mélanieredescenditsurterre. ElleseglissadehorsetsuivitEvanensilencedansl’alléejusqu’àlamaison,qu’ilscontournèrent.À part les criquets, Mélanie n’entendait que le bruit de sa propre respiration. Elle s’attendait à chaque instantqu’unefenêtres’ouvreau-dessusd’eux,qu’unelumières’allume...maistoutrestatranquille.Evan avaitvraimentl’airdesavoircequ’ilfaisait. Quandilsatteignirentlaportedederrière,Evanouvritlamoustiquaireetlabloquaavecleboutdesa tennisendaim. —Leçonnuméroun,murmura-t-il.Situnel’ouvresquejusque-là,ellenegrincepas. Mélaniesourit. —Compris. Ilsepenchaetsoulevauncoindupaillassonsouslequelétaitcachéeuneclé. —Leçonnumérodeux:utilisercettecléestbeaucoupplusdiscretquedesortirtonpropretrousseau. MélanieretintsonsoufflequandEvanouvritlaporte.Ilreplaçalaclésouslepaillassonetfitsigneà Mélaniedepasserdevantlui.Mélaniehésitaunlongmoment,considérantl’espaceétroitentreEvanetle chambranledelaporte. Elledutsemettredeprofilpourpouvoirseglisserdanslamaison.Toutsoncorpsfrottacontreceluidu garçon.Jambecontrejambe,poitrinecontrepoitrine,sajouefrôlasonnezetelleputsentirsonsouffle chaudsursonvisage.Elleavaitcruqu’ilsedécaleraitunpeupourluilaisserplusdeplace,maisilne bougeapasd’unpouce. Mélanieseretrouvaenfindanslacuisine,libre.Ellenepouvaits’empêcherdesouriretandisquel’air fraisdelapiècel’enveloppait,accentuantlasensationdechaleurquiluipicotaitlapeau.Danslamaison régnaitunsilencedemort. —Escalierdeservice,soufflaEvan. SonchuchotementfitfrissonnerMélanie.Ellelesuivitsurlapointedespieds.Quandils’arrêtaenbas desmarchespourlalaisserpasser,lecœurdel’adolescentebattaitàtoutrompre.Elleposaunpiedsur lapremièremarcheets’arrêta,réalisantqu’elleavaitbesoindedirequelquechose-qu’ellesesentait presquecapabledeformulerunephrase.Peut-êtremêmededirequelquechosedecool. Celaneluiarrivaitpassouvent.Illuifallaitsaisirl’occasion. Elle se retourna si brutalement qu’Evan lui rentra dedans. Il tituba, reposa son pied sur le sol pour retrouversonéquilibreets’appuyacontrelemur.Ilséclatèrentderireetécrasèrentleurmainsurleur bouche. Mélanie savoura ce moment privilégié avec Evan, seuls et hors la loi dans la grande maison plongéedansl’obscurité. —Quoi?Qu’est-cequ’ilya?demanda-t-il. Sessourcilsbrillaientdansladoucelumièredelalune. —Jevoulaisjuste...Jevoulaisjusteteremercier.Tusais,dem’avoiremmenéecesoir,ditMélanie. C’étaittrèssympadetapart. Evansouritetplongeasonregarddanslesienavantdesepencherverselle.Mélaniearrêtaderespirer. On y était... On y était vraiment cette fois... Tout d’un coup, elle oublia Hailey et le fait qu’une demiheureplustôtilétaitentraind’embrasseruneautrefille.Toutcequicomptaitàprésent,c’étaitqu’elle avaitvraimentenviedel’embrasser...Etqu’elledevraitessayerd’inhalerdel’oxygène.Ils’agissaitde son premier baiser, et il n’était pas question qu’elle s’évanouisse. Les yeux de Mélanie papillotèrent avant de se fermer tandis qu’Evan se penchait un peu plus sur elle. Et là, tout doucement, il toucha sa joue.Ensuiteellesentitqu’ils’écartaitetellerouvritlesyeux.Iltendaitundoigtdevantsonnez. —Uncil,chuchota-t-il.Faisunvœu. Les battements de cœur de Mélanie s’accélérèrent encore. Elle se mordit la lèvre, fit son vœu et souffla. —Maisquesepasse-t-il? Lacaged’escalierfutsoudaininondéedelumière. —P’pa! —Jerêveouilestplusd’uneheuredumatin?ditJohn,dupalier. Lesmarchesmontaientenspirale,sibienqu’ilsnepouvaientpaslevoir,maisMélaniedevinaàsonton qu’ilétaitfurieux. —Crotte,grognaEvan. —Tun’arrangespastoncas,Ev,ditsonpère. —Oh,monDieu!chuchotaMélanieensecouvrantlesyeuxd’unemain. —Touslesdeux,hop!dansvoschambres,ditJohn.Onparleradetoutçademain. —Désolée,articulaEvanensilence. —Toutdesuite!ditsonpère. Et,enunriendetemps,Evanpassadevantelleetgrimpalesmarchesencourant. De:[email protected] A:[email protected] Objet:Lemanueldumec GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan Noten°3 Observationn°1:Lesgarçonssonttrèsdiscretsquandilsleveulent. Evanconnaîtuntasdetrucspourrentrerchezluisansfairedebruitàdesheurestardives.(Je suissûrequetumeursd’enviedesavoircommentj’aidécouvertça.) Observation n° 2 : Les garçons perdent leur sang-froid quand ils se font attraper par leurs parents. Unefoisdanslamaison,Evann'estpassidiscret.Bon,biensûr,s’ilnes’étaitpasarrêtédans l’escalierpourattraperuncilsurmajoueetmefairefaireunvœu,onneseseraitjamaisfait prendre.(Ahhhhhh!!!!) Observationn°3:L’espritdesgarçonsnesuitqu'unevoieàlafois. Malheureusement, le train d’Evan n’est pas sur ma voie. (Eh oui, grosse déception.) Mais qui sait?Peut-êtrefera-t-ilunarrêtimprévuàMélanieville?J OK.Désolée.Plusjamaisdemétaphoresàuneheureaussitardive.Promis. 5 Lemercredi,rentréedesonentraînement,Mélanies’installadanssonfauteuiletconsultasurGooglela listedessitestraitantdusyndromed’Asperger.Ilyenavaitplusieurs.Ellecliquasurlepremiersite. Dans le garage, le groupe de Sean jouait de façon chaotique un morceau qui lui semblait vaguement familier.Mélanieétaittrèstendue.Elles’attendaitàchaquesecondequequelqu’unfrappeàsaporteet quelecouperetdujugementtombe. «Lesyndromed’Aspergerestuntroubledudéveloppementcaractérisépardesdéficiencesdansles interactions sociales et la mise en place de répétitions ritualisées dans les centres d’intérêt, comportements,activités...»,lutMélanie.Çaavaitl’aird’êtrecedontsouffraitMiller.Commentfaire pourqu’ilsesenteàl’aiseavecelle?Ellefitdéfilerletexte,sautantlespassagesconcernantlescauses et les comparaisons avec l’autisme, et trouva finalement la section qui l’intéressait : « Vivre avec la maladied’Asperger». La porte arrière de la maison claqua. Doucement, Mélanie écarta deux lames du store pour regarder dehors. Finn traversa la cour et entra dans l’appentis. Mélanie attendit qu’il ressorte, se demandant ce qu’ilétaitalléchercher.Fileattenditunmoment.PasdeFinn.Quepouvait-ilbienfairedanscecabanon? — M’man ! M’man ! Ian est assis sur ma casquette des Patriots et il refuse de me la rendre ! hurla Caleb. Mélaniepouffaderire. —Ian!Caleb!Venezicitoutdesuite!braillaJohn,mettantfinàladispute.Toutlemondedansle salon!Etquequelqu’unaillechercherFinn.Réunionfamiliale! LecœurdeMélaniefitunbond.Peut-êtrequesiellerestaitimmobileetsilencieuse,ilsoublieraient sonexistence...?Lesgarçonsrâlèrentenchœur,mais,d’aprèslesbruitsdanslecouloir,ceuxquiétaient dansleurchambreensortirententraînantlespiedsetdescendirentl’escalier.Lamusiquedanslegarage s’arrêta sur une explosion de cymbales tandis que Miller sortait chercher Finn. Apparemment, ces réunionsfamilialesétaientuneaffairesérieuse. —Mélanie?Peux-tudescendre?appelaJohn. Mélaniefermalesyeux.Elleposasonordinateurportable,inspiraprofondémentetsemitenroute.De l’escalier,onavaitunevueplongeantesurlesalonetellevitlesfilsMcGowaninstallésdanslegrand canapéenU.Onlesauraitcrusdanslasalled’attentedumédecin. Lajeunefilledescenditlesdernièresmarchesd’unpaslourd,sentanttouslesregardsbraquéssurelle. ReginaetJohnsetenaientdeboutdevantlacheminée,faceàleursfils.IlyavaituneplacelibreentreFinn etDoug,aucentreducanapé.Unrapideregardcirculaireluirévélaque,ensuivantunordredetaille, c’étaitlàqu’elledevaits’asseoir.Visiblement,c’étaitMillerquis’étaitoccupéduplacement. —Mélanie,tuveuxbient’asseoiràcôtédeFinn,s’ilteplaît?demandaRegina. —Biensûr,répondit-elleenessuyantsespaumesmoitessursonjean. Ellesetassaentrelesdeuxgarçons.Dougtournasesgenouxdefaçonqu’aucunepartiedesoncorpsne soitencontactaveclesien,cequinefitquelapresserunpeupluscontreFinn. —Désolée,souffla-t-elleenrougissant. Finns’éclaircitlavoix. —Pasgrave,dit-il. Illevalebrasetl’appuyaderrièreelle,surledossierducanapé,pourleurdonneràtousdeuxunpetit peuplusd’espace.Mélaniereplialesbrassursapoitrineetcroisasesjambesbienserré,sefaisantla pluspetitepossible.Elleespéraitquelaréunionneseraitpastroplongue,carelleavaitl’intentionde resterparfaitementimmobile. —Bon.Jesuissûrquevousaveztousuneidéedusujetdujour,commençaJohn.Votremèreetmoi sommessûrs,lesgarçons,quevousfaitesvotrepossiblepourqueMélaniesesentechezelle. Doug émit un grognement que seule Mélanie entendit, et Finn bougea légèrement, s’enfonçant un peu plusdanslecanapé.LecœurdeMélaniebattaitàcentàl’heure. — Nous espérions vraiment ne pas devoir avoir cette conversation. Nous comptions sur vous pour donnerlebonexemple,continuaJohn.Maislecomportementd’Evanhiersoirnenouslaissepaslechoix. —T’asgagné,pauv’tache,balançaDougàsonfrère. PuisilsortitunBicdesapoche,ledécapuchonnaaveclesdentsetentrepritdecompléterlesdessins sursonjean-lemêmequ’ilportaitlaveille. —Aucasoùl’und’entrevousauraitdedrôlesd’idéesconcernantnotreinvitée,retenezunechose:ne considérezpasMélaniecommeunefille. Douggloussa.Mélanieserecroquevillaetconcentrasonattentionsurunnœuddansleboisduplancher. — Mais alors, qu’est-ce qu’elle est ? demanda innocemment Caleb, faisant rire Doug et quelques autres. —Caleb,grondaRegina.Cequevotrepèreessaiededire,c’estquetantqueMélanievitavecnous, vousdevezlatraitercommeunesœur,compris? Mélaniemouraitd’enviedejeteruncoupd’œilàEvan.Sonregardseposad’abordsurIanquifaisait desbullesavecsonchewing-gum,puissurSeanqu’ellesurpritàlorgnersamontre,etenfinsurEvanqui fixaitlevidedroitdevantlui,sestalonsmarquantunrythmeincertainsurlesol. —Mélanie? ElletournalatêteversJohn. —Oui?demanda-t-elle. —Est-cequetucomprends? —Oh,oui,monsieur. —Etvous?demanda-t-ilàsesfils. —Ouais:pastoucheàMélanie,ditDoug.Onpeutyaller,maintenant? —Attendez!Est-cequeçainclutCaleb?demandaIan,riantdesapropreblague. —Rigole,petitmalin,lâchaReginad’untonsec.Tuviensderemporterlacorvéepoubellepourune semaine. Dougseleva. —Nousn’avonspasfini,l’arrêtasonpère. Dougretombaenarrièreavecungrandsoupir. —Jesaisquevousavezl’habituded’êtrelesmaîtresdanscettemaison,maisilfautqueçachange,dit John en haussant légèrement la voix. Les parents de Mélanie nous ont confié leur fille, et cela nous impliquetous.Àpartirdemaintenant,vousêtespriésderespectersonintimité.Cequiveutdirequevous nepouvezpasentrerdanssachambresanssonautorisation,nitoucheràsesaffaires,etquelechênedans lejardindederrièreestinterditjusqu’ànouvelordre. —C’estpasjuste!protestaCaleb. —C’estl’arbred’escalade!renchéritIan. —Ehbien,plusmaintenant,ditJohn.(Ilmarquaunepause.)Etnousallonsmettreenplaceuncouvrefeu. —Quoi?C’estn’importequoi!explosaDoug.Iln’yajamaiseudecouvre-feupourSean! —LasituationétaitdifférentequandSeanétaitaulycée,ditRegina. —Ouais.Kickerlarabat-joien’étaitpaslà,maugréaDoug. —Tuveuxunesemainedecorvéepoubelle?demandaJohndontlesyeuxlançaientdeséclairs. Oh}monDieu,jesuismorte.Ilsvontmelyncher,pensaMélanie. — L’heure limite autorisée est minuit, déclara John en considérant sévèrement ses fils chacun à leur tour.Etsachezquevotremèreetmoi,nousneferonspasdecadeau!Nenouscherchezpas!Unenouvelle èrecommence.Ilvafalloirvousyfaire,conclut-ild’untonsolennel. —P’pa!protestaEvanens’avançantsursonsiège. —Ev,tuesvraimentmalplacépourteplaindre,l’interrompitsonpère. —Mercibien,marmonnaDoug. Finn lui envoya une tape à l’arrière du crâne et Mélanie se dit que si ces mecs ne la haïssaient pas jusqu’àprésent,c’étaitcertainementchosefaite. —Parfait,ditReginaentapantdanssesmains.Etmaintenant,toutlemondeàtable! Cesoir-là,Mélaniesenettoyavigoureusementlevisageavecl’exfoliantàl’abricotqueluiavaitoffert Regina dans sa chambre. Apparemment, celle-ci allait continuer à vouloir la réconcilier avec son côté fille,qu’elleleveuilleounon.Maisc’étaitbienlecadetdesessoucis.Evanneluiavaitpasaccordéun regarddetoutledîner,Dougn’avaitpasarrêtédeluidonnerdescoupsdepiedsouslatable,et,chaque fois que quelqu’un lui avait passé un plat, Ian avait crié « Pas touche ! » avant d’exploser de rire. Un momentprofondémenthumiliant. Toutvabiensepasser,dit-elleàsonrefletdanslemiroir,lesyeuxdanslesyeux.Malheureusement, ellen’ycroyaitpasvéritablement.LesparentsMcGowanvenaientd’annihilertoutechance,sipetitesoitelle,qu’ilsepassequoiquecesoitentreEvanetMélanie.Etapparemment,Douglahaïssaitencoreplus -cequ’ellen’auraitpascrupossible.Leseulpointpositifdetoutecettehistoire,c’estqueJohn,pressé par Regina, avait posé un verrou sur la porte de sa chambre et celle de la salle de bains. Sans cette précaution,elleauraitrisquéd’êtreétoufféeparDougavecunoreiller! Mélanies’aspergealevisageavantdesesécheravecuneserviette.Hum.D’accord,çasentvraiment bon.Soudain,elleentenditdesvoixdel’autrecôtédumur.Elles’immobilisa.Çavenaitdelachambre d’Evan. —Çacraint,murmuraquelqu’un.Depuisquandsont-ilssiàchevalsurleshoraires? —Devine,répliquaunautre. Mélanie frissonna et replia ses bras sur son ventre. Elle marcha sur la pointe des pieds jusqu’à la cuvettedestoilettesets’yassitpourécouter. — Je n’avais jamais vu les parents aussi catégoriques, dit une troisième voix. Bande de singes, préparez-vousàêtremisencage... —J’ycroispas.Quandjepensequ’oncommençaitàêtrepépères,ditDoug.Cettegonzesseatoutfichu en l’air. Moi, je suggère qu’on l’ignore jusqu’à ce qu’elle craque. On lui pourrit la vie pour qu’elle supplied’êtreenvoyéeenCorée. Mélanieavalapéniblementlagrosseboulequis’étaitforméedanssagorge.Quelqu’unallait-ilprendre sadéfense?Finn?Evan? —VoussaviezquelesYankeesavaientremportévingt-sixmatchsdesWorldSeriessurlestrente-neuf qu’ilsontjoués? Mélaniesourittristement. —Ouais,onsait,abruti,réponditDougd’untonméprisant.Maisquiagagnéen2004? —LesRedSox.Mais... —Etquiont-ilsécrabouillés? —LesYankees,mais... —Alorspourquoitulafermespas? Mélanie inspira profondément. Elle glissa son drap de bain sur le porte-serviette et se jeta un long regard dans le miroir. Si quelqu’un lui lançait un défi pareil sur un terrain de foot, ça rameuterait du monde.Mais,àseptcontreune,çasentaitmauvais.Nonseulementcesmecsavaientl’avantageduterrain, maisenplusilsavaientleurproprelangage,leurhistoire,leursrègles.Mélanieallaitjouerenaveugle. Tu devrais y aller. Taper un grand coup. Tu devrais leur dire que tu as tout entendu et qu’ils n’arriverontpasàtemettredehorssanscombattre,seditMélanie.Mais,biensûr,ellen’enferaitrien. Tandisquelaconversationdanslapièceàcôtédégénéraitendébatsportif,Mélaniesedétournadeson reflet. Elle commençait sérieusement à se demander si sa décision de venir vivre chez les McGowan n’avaitpasétélapireerreurdesavie. De:[email protected] À:[email protected] Objet:Lemanueldumec GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan Note04 Observationn°1:Lesmecsnesaventpasparleràvoixbasse. 6 Mélanieattachasescheveuxhumidesenqueue-de-chevalettirasacapucherougesursatête.Lesoleil étaitencorerosedanslecieldumatinetonentendaitlesgarçonsremuerdansleurschambres.Elleglissa sonsacàdossursesépaules,enfilasestennisetmarchaversl’escaliersurlapointedespieds. La cuisine silencieuse était encore plongée dans l’obscurité, exactement comme elle l’espérait. Elle ouvritlaportedelaréserveetypénétra.L’endroitétaitaussipleinqu’unabriantiatomique.Douzeboîtes de céréales, au moins cinquante bricks de soupe, des rangées de boîtes de raviolis, des biscuits salés, sucrés,etd’énormespaquetsdebretzels.ReginaetJohndevaientallerfairedescoursestouslesjours pournourrirleurhordededémons. Mélaniepassalesétagèresenrevue.Elledécouvrituneboîteouvertedebarresdecéréalesetenprit deux.Puiselleattrapaunebouteilledejusdefruitsdansleréfrigérateuretsedirigeaverslaportede derrière.Riendetelqu’unpetitdéjeunerencavale. Sa bicyclette était rangée avec une demi-douzaine d’autres sous un porche de métal qui prolongeait l’appentis. Une barre de céréales entre les dents, Mélanie dégagea le guidon et poussa son vélo dans l’allée.Elleglissalaboissondanslepanier,sautaenselleetpédalaverslelycée,enespérantqu’ellese souviendraitduchemin. Quinzeminutesplustard,elletraversaitlapelousejusqu’auparkingàvélosdevantl’école.Desélèves arrivaient et des petits groupes s’étaient formés devant le bâtiment, pour discuter ou se montrer leurs cours.Mélaniedéchiral’emballagedesasecondebarredecéréalesetpritunelonguegorgéedejusde fruits en montant les marches. Elle se sentait bien, indépendante. Elle n’avait nul besoin des fils McGowan. Elle savait prendre soin d’elle-même. Du coin de l’œil, elle vit Hailey et ses amies la regardergravirlesdernièresmarches. — Eh bien... Kicker, dit Hailey d’un ton narquois. Tu ne te sers plus de mon petit copain comme chauffeur? Mélanien’étaitpasd’humeur.Elles’arrêtaetfixaHaileyunlongmoment,jusqu’àcequelapestese décompose.Puisellepassaenrevuetouteslesfillesquiavaientriàlablague.Ilyavaitdeuxfillesqui n’avaientniriniréagi.Mélanieleursouritenmordantdanssabarredecéréales,passadevantellesà grandesenjambéesetentradanslehall. MillerétaitdéjàassisàsatabledanslacourquandMélaniesortitavecsonplateaupourdéjeuner.Sur Internet,MélanieavaitapprisquelquechosequiluiserviraitàentrerencontactavecMiller.Pourqu’ilse senteàl’aiseavecelle,ilfallaitqu’ilcomprennequ’elleétaitlàpourrester-etdoncqu’elleétaitune personneàlaquelleildevraits’habituer.Siéviterlesautresgarçonssemblaitêtrelebonplanpourelle, passerdutempsavecMillerétaitleseulmoyendel’aider,lui.Pourquoinepascommencertoutdesuite? Afindenepasenvahirsonespacepersonnel,elles’assitleplusloinpossibledelui,del’autrecôtéde la table et à l’extrémité opposée. À travers ses écouteurs, elle entendit un commentateur annoncer un point. Miller leva la tête et posa sur elle un regard inexpressif. Comme il la fixait, Mélanie se sentit rougir et baissa les yeux vers son plateau. Elle commença à ordonner tout ce qu’il y avait dessus par ordredetaille.Canettedesoda,pomme,mini-bouteilledeketchup,saladedefruits.Leburgeretlesfrites restèrentdevantelle.Quandelleeutfini,ellelevadenouveaulesyeuxversMiller,quiluisourit. Milleravaitunsouriremerveilleuxquiluiilluminaitlevisage.Mélanieluirenditsonsourireetilse reconcentrasursondéjeuner.Mélaniemorditàbellesdentsdanssonhamburger.Uneombreapparutalors sursonplateau.EllelevalatêteetdécouvritEvandeboutauboutdelatable.Avecsesjouespleines,elle devaitressembleràunhamster.Àtâtons,elleattrapauneservietteenpapieretsecouvritlabouche,le tempsdefinirsabouchée. —Commentçava?demandaEvanenseglissantsurlachaiseenfacedelasienne. Iln’avaitnisac,nilivres,nidéjeuner. —Salut,Mills,dit-ilenadressantunsignedetêteàsonfrère. Millerlevalamainetaugmentalevolumedesonpostederadio. —C’estplutôtcooldetapartdet’asseoiravecluidehors,continuaEvan. Danslalumièredusoleil,ellepouvaitvoirétincelerleséclatsd’ordanssesyeuxbruns.Maisilétait horsdequestionqu’elleselaissehypnotiser. —Etpourquoivous,sesfrangins,vousnevousasseyezpasaveclui?demandaMélanieens’adossant àsachaiseetencroisantlesbrassursapoitrine. Evannesemblaitpasaussiénervéquelaveilleausoir. —Oh,tusaisbiencommentçasepasse,répondit-ilenhaussantlesépaules.Alors?Qu’est-cequit’est arrivécematin?Tuespartie... —Exact,coupaMélanied’untonneutre.Jesuispartie. Ilyeutunlongsilence,durantlequelonn’entendaitquelavoixducommentateur. —Tunousasentendushiersoir,hein?ditEvan,lesépaulesvoûtéesetlesmainscoincéesentreles genoux. Mélanieluijetaunregardquiconfirmaqu’ellen’avaitpasperduunemiettedeleurconversation.La têted’Evanplongeaenavant. —Tusaisquoi?Çan’aaucuneimportance,ditMélanieenattrapantunefrite.Jevaismecontenterde vivredansmoncoin,sansembêterpersonne...etvousoubliereztoutsimplementquejesuislà. —Ouais,ben,trèsmauvaiseidée,ditEvan. —Pardon? —Écoute,ignorermesfrèresn’estpasunesolution,expliquaEvan.Crois-moi,jevisaveceuxdepuis plus longtemps que toi. Et puis, tu ne peux pas nous ignorer, ajouta Evan. Au cas où tu n’aurais pas remarqué,noussommespartout. Mélanieneputs’empêcherdelâcherunpetitrire,qu’elleessayadecamouflerenprenantunegorgée bruyantedesoda. —Situleurlaissescroirequ’ilspeuventtepiétiner,ilsleferont,poursuivitEvan.L’attitude«rentrededans»estàpeuprèslaseuleàlaquelleilsréagissent. Mélaniemordillaleborddesacanettedesoda. —Mélanie?Tueslà?demandaEvanenagitantunemaindevantsonvisage. Mélaniehochalatêteetreposalacanettesursonplateau. —Jevaisessayer,dit-elleenfixantleplateau.Merci.(Ellelevalesyeuxverslui:)Jeveuxdirepour leconseil. —Ouais,pasdeproblème,ditEvanenluivolantunefrite.Jen’arrivetoujourspasàcomprendremes parents.Qu’est-cequileuraprisaveccecouvre-feu?Jepariequelestiensnet’ontjamaisimposéça. Mélanie haussa les épaules. Ses parents n’avaient jamais eu besoin de lui imposer d’horaires. Elle rentraittoujoursbienplustôtquen’importequeladolescentquiserespecte. —Enfin,bref.Jem’entape,ditEvan.Seann’ajamaisconnudecouvre-feu.Ilspensentque,maintenant que tu es là, nous avons besoin de « repères », continua-t-il sur un ton moqueur en dessinant les guillemetsavecdeuxfritesvoléesdansl’assiettedeMélanie.Jen’aipasl’intentiondemeplieràleurs règles. LepoulsdeMélaniesefitplusrapidedevantsonsouriremalicieux.Incluait-illarègle«pastoucheà Mélanie»? —Tusaisquoi?C’estunbonjourdefrites.Jevaisallerchercherquelquechoseàmanger,dit-il. —OK...àplus... Evanlaregarda,perplexe. —Jevaischercherquelquechoseàmangeretjereviens,articula-t-illentement,commes’ils’adressait àquelqu’unquineparlaitpasbienfrançais. —Oh,ditMélanie.D’acc. Il poussa les portes et Mélanie le suivit des yeux, un sourire ridicule sur son visage. Evan allait déjeuner avec elle. Par choix. Et, à moins qu’elle ne se trompe, ils venaient d’avoir une vraie conversation,avecseulementunpetitricanementàsonactif.Cettejournéeétaitentraindes’améliorer. Elle allait baisser la tête vers son déjeuner quand elle aperçut, assises à une table au centre du réfectoire,Haileyetsesamiesquiluijetaientdesregardsassassins.L’estomacdeMélaniesenouaetelle détourna immédiatement les yeux, faisant celle qui n’avait rien remarqué. Incroyable. Comment Evan pouvait-ilsortiravecunetellefurie?Ilméritaittellementmieux!Mélanieattrapasonhamburgerdans lequel elle mordit férocement. À partir de maintenant, c'est chacune pour soi, songea-t-elle. Sur ce, gloussantdesasoudainetémérité,elleattrapasonexemplaired’Hamlet dans son sac à dos et plongea sonvisagerougeentresespages. LesoleilsecouchaitdansledosdeMélaniequandelleinterceptalaballesurlalignedetouche.Elle fonctionnaitàl’adrénalinepure.Dusangcoulaitd’uneécorchureàsongenou,souillantsachaussetteetle matelassagedesonprotège-tibia.Destracesdepoussièrestriaientsonbrasetsonnezmenaçaitdecouler. Pourtant,cequiluiimportaitencemomentmême,c’étaitlavitesseàlaquelleellecouraitenremontantle terrain.Toutcequ’ellevoyait,c’étaitlacagedesbutsenfaced’elle.Toutcequ’ellesentait,c’étaitle souffled’Haileydanssoncou.Lablondeétaitsursestalons. Mélaniesepréparaàfaireunepasse,mais,àladernièreseconde,quelquechosebloquasachevilleet elledécolladusol.Lachuteenavantavaitétéfavoriséeparunepousséerapideentresesomoplates.Sa têtepartitenarrièretandisquelerestedesoncorpss’écrasaitsurlesol.Ladouleurfutinfernale,mais ellenerestapaslongtempsàterre.Ellen’allaitpaslaisserHaileyprofiterencoreunefoisdelasituation, etceendépitdetouslestaclesimpitoyablesquel’autreluiinfligeaitpourlamettreautapis. —Hailey!Non,maisçavapas?hurlaRiaWalkinsentendantlamainàMélanie. Ria était une défenseuse tout en puissance. Elle et Aimee avaient secondé Mélanie pendant l’entraînement, essayant de la protéger quand elles s’étaient rendu compte qu’Hailey essayait de tuer Mélaniechaquefoisqu’elleavaitlaballe. —Quoi?demandaHaileyens’arrêtantetenfaisantsauterleballondanssamain.Jenefaisquemon travail. —Jet’enprie!protestaAimee.Tul’ascarrémentpoussée! —Lesfilles,toutvabien,déclaraMélanieenreprenantsonsouffle.Iln’yapaseufaute. — Bien sûr que si, et tu le sais parfaitement ! répliqua Ria. Je suis désolée, mais il me semble que quand une super-joueuse intègre ton équipe, tu n’es pas censée chercher à la mettre au tapis systématiquement. —Qu’est-cequetusuggères,Ria?demandaHaileyenseplantantdevantelle.Tusous-entendsqueje mefichedecetteéquipe? —Hé!C’esttoiquil’asdit,pasmoi,répliquaRiaenregardantHaileydroitdanslesyeux. Soudain un coup de sifflet strident retentit et Coach Léonard entra dans le cercle qui grossissait. Mélanie fit un pas de côté et s’essuya le nez avec le dos de sa main. Hailey s’était montrée vraiment violenteaujourd’hui,maisMélanieavaitrendulescoups.MêmesiMélanien’avaitcommisaucunefaute, Haileyavaiteudroitàsarationdegazon.Sonépauleétaitenfléeetsonvisagestriéd’herbeetdeterre. Çafaisaitpartiedujeu. — OK, les filles. Je crois qu’on va arrêter l’entraînement un peu plus tôt que d’habitude, dit Coach Léonardenbalayantl’équiped’unregardfurieux.J’adorevoirl’énergiequevousdéployezsurleterrain, mais,HaileyetMélanie,sivousnevousmettezpasviteàunjeupropre,lesarbitresvontvousenvoyer surlebancdetoucheavantquej’aiepucompterjusqu’à10.Nousn’ironspastrèsloinsansvousdeuxsur leterrain,doncjevoussuggèredetrouverunmoyenpourtravaillerensemble. —Oui,Coach,réponditimmédiatementMélanie. —Oui,Coach,ajoutaHailey. —Parfait.Maintenant,avantquevousfonciezsousladouche,jevoudraisvousrappelerqueledernier samedi d’entraînement avant le match contre Hacketstown, nous élirons notre nouveau capitaine. Alors commencezàréfléchiràlapersonnequevousvoulezvoiràlatêtedecetteéquipe. PresquetouteslesjoueusesregardèrentHailey.Ilétaitclairquelepostedecapitaineluiétaitacquis. MélaniepensaàsonéquipeauTexas-l’équipedontelleauraitdûêtrecapitainecetteannée.Ellepritune grandeboufféed’airetexpiralentement,essayantd’ignorerlesregretsquiluipinçaientlecœur. —Allez!Àladouche!ditCoachLéonard. Le groupe s’éparpilla et Vithya Jane, la fille que Mélanie avait reconnue l’autre nuit, à Logan, s’approchad’elle. —Jolijeu!dit-elleàMélanie. —Merci,réponditMélanie,surprisequ’uneamied’Haileyluimontredurespect. VithyasouritetpartitencourantrejoindreHaileyetTina,tandisqu’AimeeetRiaencadraientMélanie. —Ondevraitallernettoyercegenou,suggéraRiaenfaisantlagrimace. —Hé!Jel’aimeassezcommeça!ditMélanie.C’estmapremièreblessuredeguerrechezlesWildcats. AimeeetRiaéclatèrentderireetellesmarchèrentjusqu’augymnaseenpapotant. Mélanie était sûre d’aller très bien jusqu’à ce qu’elle descende de sa bicyclette dans l’allée des McGowan et qu’elle sente tous ses muscles se contracter. Elle avait sans doute besoin de faire un peu plus d’étirements. Hailey lui avait vraiment mené la vie dure pendant l’entraînement. Si cette nana ne faisaitpasattention,elleallaitfinirparaiderMélanieàprogresseraulieudel’inscriresurlalistedes grandsblessésdufootball. Aumomentoùelleatteignaitl’arrièredelamaison,uneporteclaquaetellevitFinntraverserlacouret disparaître de nouveau dans l’appentis. Mélanie poussa sa bicyclette jusqu’au mur du fond et l’appuya contre les autres. Elle resta un moment immobile, l’oreille tendue. Il n’y avait pas un bruit. Qu’est-ce qu’ilpouvaitbienfairelà-dedans? J’espèrequecen’estpasunehistoiredePlayboyouuntrucdumêmegenre,pensa-t-elleenfronçant lenez. Malgré cette idée peu ragoûtante, elle ne put résister à la curiosité. Après tout, elle était censée s’immerger dans le monde des garçons. Cela ne consistait-il pas, entre autres, à découvrir ce qu’ils faisaientquandilsétaientseulsdansuneremise? Mélaniepritsoncourageàdeuxmains,marchaverslaporteetl’ouvrit.Finnseretournabrutalement.Il portait un tee-shirt qui proclamait : Les mecs bien votent, moucheté de taches de peinture violette. Ses cheveuxétaientunpeuplusébouriffésqued’habitude. —OK,maviedéfiledevantmesyeux,dit-ilensoufflantfort.Tuviensdemefaireflipperàmort. —Désolée,ditMélanie. Unepetitevoixdanssatêteluisuggéradepartir,maiselleétaittropabasourdiepourpouvoirbouger. Finnnefaisaitriend’embarrassant-merci,monDieu.Ilsetenaitdeboutdevantunchevalet,unepalette et un pinceau dans les mains. Autour de lui, derrière lui, par terre et contre les murs, il y avait des dizainesdetoilesdontaucune,àpremièrevue,n’étaitterminée. —Waouh!ditFinnenlaregardantdehautenbas.Oùes-tualléetraîner? Mélaniebaissalatêteetcontemplalablessuredesongenougaucheainsiquelevilainbleuquis’était formésursontibia. —Nullepart.C’était...l’entraînement,ditMélanie.Excuse-moi...Tupréfèresquejem’enaille? —Non,non!protestaFinnentirantuntabouret.Assieds-toietrelax!Tuasl’aird’enavoirbesoin. Mélanie sourit. Elle traversa précautionneusement l’atelier, de peur de heurter quelque chose. Elle contournalechevaletpourallers’asseoirsurletabouret,quibasculaenarrièresoussonpoids.Mélanie tenditlesbrasdevantelle,cherchantàretrouversonéquilibre,etFinnluiattrapalamain. —Désolé,c’estunpeuvieuxtoutça,dit-il. —Pasdeproblème. Elleregardalamainquiserraitlasienne.Illalâcha,s’éclaircitlagorgeetfitclaquersespaumessur sonjean. —Alors,c’estHaileyquit’afaitça?demanda-t-ilenregardantsesjambes. Ilpressauntubeau-dessusdesapaletteettrempasonpinceaudanslacouleur. —Commenttulesais? —Jelaconnais,réponditsimplementFinnensoufflantsuruneboucleblondequiluitombaitdevantles yeux.L’annéedemesseptans,pendantlafêteorganiséeàlapiscinemunicipalepourle4Juillet,ellem’a volémonesquimauetm’apoussédanslebassinducôtéprofond.Depuis,ellemefaitpeur. —Sérieusement?s’étonnaMélanieavecunairmalicieux. —Jeneplaisantejamaisquandilyadesesquimauxenjeu,répliquaFinnavecundemi-sourire. Mélanie rit et regarda autour d’elle. Une peinture, à peine commencée, montrait des mains reposant l’unesurl’autreenuneposegracieuse.Lesdoigts,cependant,n’avaientpasétédétaillésetrétrécissaient avantdedisparaître.Derrièreétaientébauchésl’épauleetlecounusd’unejeunefilledeprofil,dontles traitsetlescheveuxn’avaientjamaisétépeints.Chaquetableau,enfait,représentaitunepartiedifférente d’un corps, vue depuis un angle bizarre, mais aucun n’était achevé et aucun n’annonçait un portrait classique,deface. —Jesaiscequetupenses,ditFinneneffleurantlatoiledevantlui,duboutdesonpinceau:cemecne finitjamaisrien. Mélanierougit. —Non,c’estjuste... —C’esttoujourscequimevientàl’espritquandj’arriveici,continuaFinn.C’esttropbizarre.J’aices flashsd’inspirationetjedébouleicifinprêtpourjetermavisionsurlatoile,mais,unefoisl’élanpassé, jecoince.Jenesaispluscommentcontinuer. Finndéposasonpinceaudansunverred’eauetjetauncoupd’œilàMélaniepar-dessussonépaule. —Alors?Elletefaitlaviedure? —Quiça? —Hailey. Mélanieeutunpetitsourirenarquois. —Rienquejenepuissegérer. Finnsedétournadesapeintureetluisourit. —Bien,dit-il. Sans trop savoir pourquoi, ce simple mot soulagea Mélanie. Peut-être avait-ce été la façon dont il l’avaitdit.Commes’ilétaitfierd’elle.Ouimpressionné.Ouaucontrairepasdutoutsurpris. —Peut-êtremêmequejelaferaispayerpourtonesquimau,plaisanta-t-elle. — Ce n’est pas la peine. Je ne suis plus trop fan d’esquimaux, dit Finn. Je suis plus un mec à milkshakemaintenant. Iltirasurlaboucledesaceinture,mimantlemeccontentdelui,etilséclatèrentderire.Finnsoutintle regard de Mélanie jusqu’à ce qu’elle détourne les yeux. Elle se retrouva soudain écrasée par cette impression familière de se retrouver bientôt en panne sèche de mots. Finn avait plutôt l’air d’un gentil garçon, et pourtant il avait participé au débat sur « Comment faire fuir Mélanie ». Était-il agréable uniquementparcequ’aucundesesfrèresn’étaitlà?Jouait-illacomédie? Finnseracladenouveaulagorge.Toutenpeignant,ill’observaitducoindel’œil.Mélaniesongeaàce que lui avait dit Evan un peu plus tôt ce jour-là - ce qui marchait le mieux, avec ses frères, c’était la confrontation.Mélanieeutlachairdepoulerienqu’enpensantàl’idéedeleurrentrerdanslelard.Mais ilfallaitprofiterdufaitqueFinnétaitseul.D’ailleurs,peut-êtrequ’enprenantlesfrèresunparun,cene seraitpastropdifficile.Enplus,sansqu’ellesachepourquoi,discuteravecFinnsemblaitbeaucoupplus facilequ’avecn’importequelautreMcGowan. —Je...jevousaientendusparlerdemoihiersoir,ditMélanieenregardantsesmains. Finnlaissaretombersonbrasetluijetauncoupd’œil,visiblementembarrassé. —Oh.D’accord.Tu...cool. —Cool?répétaMélanie. Finnrougit. —Ouais,çam’arrivedetempsentemps.Jevoulaisdire:«Tunousasentendus?»Maisaussi:«Pas cool », expliqua-t-il en posant son pinceau et sa palette sur une étagère encombrée. J’ai mon propre langage,enquelquesorte... Mélaniesourit.Elleconnaissaitça. —Alors,tunousasdoncentendus,ditFinnenenfonçantsesmainsdanslespochesdesonjean. —Ouais.J’enconclusque...vousvouleztousquejeparte?demandaMélanie. —C’estjustequenousétionshabituésàunecertaineorganisation... —J’aibiencompris,ditMélanie.Maisçanevousvientpasàl’idéequec’estdifficilepourmoiaussi ?Jen’aijamaisvécuavecautantdegens,mesparentssontloinet,aucasoùtun’auraispasremarqué,les garçons,vousêtesunpeu... —Écrasants?avançaFinn. —Lemotestbienchoisi. — Écoute, tout le monde a seulement besoin d’une période d’ajustement, dit Finn en haussant les épaules.Essaiesimplementdenepasleslaisserteblesser. Mélanierelevalatêteetrencontraleregardgris-bleudeFinn.Leconseillafitsourire. —Tunetemetspasdanslelot? Finnluirenditsonsourire.ToutcommeMiller,sonvisages’éclairaetlecoindesesyeuxseplissa. —T’avoirparminous...disonsjustequec’estinhabituel,répondit-il.Maisnet’inquiètepaspourmoi, jecroisquejepeuxm’yfaire. Mélaniehaussalessourcils. —Oh,vraiment? —Ouais,dit-ild’untonneutreenlaregardantdroitdanslesyeux.Vraiment. De:[email protected] À:[email protected] Objet:Lemanueldumec GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan Note05 Observation n° 1 : Les garçons sont sans scrupule quand il s'agit de piquer de la nourriture dansvotreassiette. Jetel’avaisdit:TOUTcequicompte,c’estleurestomac. Observationn°2:Lesgarçonsnepassentpasleurtempsàcouriraprèsunballon. IlsemblequeFinn,commemoi,aimepapoter. Observation n° 3 : Les garçons PEUVENT penser tout seuls. Evan s’est assis à côté de moi pendant l’heure du déjeuner et Finn n’approuve pas non plus le plan « ignorons Mélanie ». Finalement,peut-êtrequeDougnereprésentepasledémonenchefqu’ilcroitêtre. 7 Mélaniesortitdelafileduselfavecsonplateau.UnnumérodeMotorcyclesortaitdelapochearrière desonpantalonbaggy.Sielledevaitencores’asseoirdehorsavecMillerleSilencieux,autantapporter de quoi s’occuper. Elle n’était pas folle au point de s’attendre à ce qu’Evan la rejoigne deux jours de suite. —Mélanie!Parici! Deboutaumilieuduréfectoire,Aimeeluifaisaitsigne.Mélaniejetauncoupd’œildanslacouretvit queMillerétaitdéjàcaptivéparsonmatchdebaseball.Laveille,ilneluiavaitpasdécochéunmot,pas plusqu’àEvan.MêmesielleavaittrèsenviederomprelaglaceavecMiller,Mélanieestimaqu’unpetit peud’interactionsocialeluiferaitleplusgrandbien.EllefilaversAimee,Riaetleursamies. —Salut!l’accueillitAimeeenselaissantretombersursachaise. —Salut,réponditMélanie.Salut,Ria. —Çava?ditRia.TuconnaisJennaetPearl?demanda-t-elleendésignantlesdeuxfillesassisesen faced’elle. —Non...Salut,ditMélanieenseglissantsurlesiègeàcôtédesdeuxinconnues. Enfait,elleavaitdéjàvuPearl,blonde,cheveuxcoupéscourt,dansl’équipe.Penchéesuruneboîtede perlesdecouleur,elleétaitoccupéeàconfectionnerunbracelet.Jennaavaitunelonguenattebrunequi luitombaitaumilieududosetportaitunepairedelunettesdesoleilstyleaviateur. —Salut,ditJenna.Tuesdansmaclassed’espagnol,non? —AvecMmeKrantz?demandaMélanie.J’ail’impressionqu’ellenem’aimepastrop. —C’estparcequetuparlesmieuxespagnolqu’elle,réponditJennaavecungrandsourire. — Pearl était le prénom de ma grand-mère, annonça Pearl en glissant une perle violette à côté d’un enchaînementhasardeuxdebleues,devertesetdebleu-vert. —Oh,d’accord,réponditMélanie.C’esttrèsjoli,ajouta-t-elleendésignantlebracelet. —Tuenveuxun?Jepeuxt’enfaireun.J’enfaispourtoutlemonde!dit-ellesoudainexcitée. Aimee,RiaetJennalevèrentlentementleursbras.Leurspoignetsdisparaissaientsouslesbracelets. —Elleestincapablederesterassisesansrienfaire,expliquaAimee. —Vraiment?Moinonplus,ditMélanie. —C’estvrai?Jevousl’avaisbiendit,lesfilles:jen’aipasbesoindemédicamentpourmestimuler. Mélanieetmoisommesparfaitementnormales.Alors,Mélanie,tuenveuxun?Jeviensjusted’inventer desnouveauxmodèles. —Ouais,biensûr,j’adorerais,réponditMélanie. —Super! PearlpassasonbrassouslenezdeJennaetdéposalaboîtedeperlesdevantMélanie. —Choisisdescouleurs. Mélanierit. —D’accord,maisjepeuxlefaireaprèsledéjeuner? —Biensûr! —Bon,Mélanie,j’iraidroitaubut,ditRiaenposantsescoudessurlatable.Comment,exactement,astufaitpouratterrirauparadisdesgarçons? Mélaniemorditdanssonsandwich. —Jen’appelleraispasçaunparadis. —Tuplaisantes?LesfilsMcGowan?ditAimee,c’estgenrelabrigadedescanons! Mélanieritetpritunelonguegorgéedesoda. —Labrigadedescanons? —Quoi?C’estça,non?insistaAimee.Jen’arrivetoujourspasàcroirequemasœursorteavecl’un d’entreeux. — Oh, allez ! Quand Evan et Hailey ont gagné le prix du plus beau mec et de la plus belle nana en quatrième,noussavionstousqu’ilsfiniraientparmélangerleurssalivesàunmomentouàunautre,dit Riaenpiochantdanssespâtes. —Ria!s’exclamèrentsesamies. —Beurk!ajoutaAimee. — Bon, alors... quoi ? demanda Ria à Mélanie en ignorant les autres. Tu as gagné un concours ou quelquechosedanslegenre? —Nosparentssontdevieuxamis,expliquaMélaniequirougissaitencoreenpensantàEvanetHailey « mélangeant leurs salives ». Mon père a été transféré outre-mer. Je n’ai pas voulu partir, et les McGowanontproposédem’héberger. —Waouh!Etest-cequeparhasardtuenauraisvuunàpoil?demandaRia. Jenna,AimeeetPearlétaientpenduesàseslèvres. — Non, aucun, répondit Mélanie avant de jeter un coup d’œil autour d’elle et de se pencher sur la table.Maisjelesaipresquetousvusencaleçon. Jennafaillits’évanouir. —J’ycroispas,EvanMcGowanencalbute.Commentc’était? —C’était...intéressant. —EvanMcGowanesttellementparfait,ditPearl.(Elleinterrompituninstantsonenfilagedeperleset levadesyeuxrêveurs.)Ilm’ainspirémonpremierfantasme. —C’estvrai?demandaMélanie. —Jecroisquec’estnotrecasàtoutes,ditAimee.Çan’ariend’étonnant:ildraguetouteslesfilles. Mélaniesentitunechaleurl’envahiretelleabandonnasonsandwichpourboireunegorgéedesoda. —Ahoui? — Quoi ? Tu n’as pas remarqué ? demanda Ria. Ce mec drague n’importe où, n’importe quand, n’importequi.Mêmelesfillesmoches. —Ria!protestèrentsesamies. Mélanie se força à respirer. Bien sûr que c’est un dragueur, se dit-elle. Tu croyais vraiment avoir quelquechosedespécial?Maisenmêmetempsqu’elleformulaitlaquestion,elleserenditcompteque oui.Elleavaitcruquelescommentairesdugarçonetsessouriressignifiaientquelquechose.Pourelle,il fallaitqu’ilssignifientquelquechose. —Quoi?C’estunebonnechose!sedéfenditRia,lesyeuxécarquillés.UnAdonispareilflirteavecles trolls?Çamesembletrèsbonpourl’estimedesoi. OK,jevaismegiflerici,maintenant,songeaMélanie. — Désolée. Ria ne se rend pas compte que nous n’avons pas toutes besoin de l’attention des jolis garçonspouravoirconfianceennous,ditJennaenrelevantseslunettessursonnez. Mélanieserappelalafaçondontlatêteluitournaitetcombienellesesentaitsûred’elledèsqu’Evan plaisantaitavecelleoul’appelaitKicks.Unevaguedehontelasubmergea.Saféministedemèreserait consternée.Maisjen’aipasbesoindesonattention,sedit-elle.Je...l'apprécie,c’esttout. —Enfin,bref,coupaAimee.J’adoreraisqu’ilarrêtesonpetitjeutoutdesuite.Siçacontinue,Hailey vanousfaireuneruptured’anévrisme. —Ellen’aimepastropça,hein?demandaMélanie,lagorgeserrée. —Elledéteste,tuveuxdire,corrigeaAimeeenpiquantavecsafourchettedesfeuillesdelaituedanssa salade.Ellenevitquepourcemec.Pourêtrehonnête,jenevoispastroppourquoiellefaittoutcefoin. Ilpeutvraimentsecomportercommeuncrétinetcen’estmêmepasleplusmignon. —Oh,non.C’estFinn,ajoutaRia. —Tucrois?demandaMélanie,raviedechangerdesujet. —N’importequoi!EvanestbeaucoupplusmignonqueFinn,protestaPearl. —Enfait,jepensaisàMiller,ditAimee. —Miller?répétèrentenchœursesamies,stupéfiées. Aimeejetauncoupd’œildanslacouroùMiller,renversésursachaise,écoutaitlaradio. —Jenesaispas.Ilaquelquechose...,dit-elle. —Ouais,quelquechosedebizarre,ditRia. —Ria!grondèrentlesautres. —Non,jevoiscequetuveuxdire,ditMélanie.Lui,c’estlegenrefortetsilencieux. —Ouais,approuvaAimeeavecunsouriretimide.(Elleseredressasursachaise.)Detoutefaçon,je saistrèsbienquejenepourraijamaisavoirunmeccommeça.Nin’importequelmecd’ailleurs. —Hein?litMélanie. —Jet’enprie!Regarde-moi... —Ehbien,quoi?Tuesmagnifique! — Laisse tomber, Mélanie, dit Ria en agitant sa fourchette en l’air. Nous n’arrêtons pas de lui dire qu’elleest-honnêtement!-laplusbelledesFarmer,maisellerefusedenouscroire. —Mesbrassontplusgrosquelesmolletsd’Hailey,ditAimeeenfronçantlessourcils.Alors,arrêtez avecça. RiaetJennalevèrentlesyeuxauciel.Aimeeavaitdesépauleslarges,unpaquetdemusclesetpeut-être unpetitpeudechairenrabsurlesos,maisellen’avaitriendumastodontequ’elledécrivait. — Tout ça n’a aucune importance ! Vous savez bien que j’assume parfaitement ma taille. Un jour, un mectomberaraideamoureuxdemoi.Seulement,ceneserapasaulycée.Lesgarçons,aulycée,sonttrop superficiels. — Eh bien, peut-être pas tous, dit Mélanie qui jeta un coup d’œil à Miller avant de se pencher pardessuslatable.Tul’asdéjàvusourire?demanda-t-elle. —Àvraidire,jenecroispas,réponditAimee. —Attendsdevoirça,ditMélanie.Tuvashalluciner. AimeesemorditlalèvreinférieureetregardadenouveauMiller.Toutd’uncoup,illevalespoingsen hurlant,faisantsursauterlegroupedegothiquesdel’autrecôtédelacour.Aimeeritetsereplongeadans sasalade. — Bon. Mais, moi, je persiste à dire que c’est Finn le plus mignon. Vous n’avez simplement pas les mêmesgoûtsraffinésquemoi.J’aimelesmecsprofondsquiontuneâme,ditRiaenregardantderrière Mélanie.Non,mais,regardez-moicemec.Cesyeuxbleus,cescheveuxgenreje-viens-juste-de-sortir-demon-lit.Etsesfringues!Jevotepourn’importequelmecquipeutsemettren’importequoisurledoset restermagnifique. Mélanieregardapar-dessussonépaule.Finnétaitassisàl’unedestablesquilongeaientlafenêtre,vêtu d’untee-shirtnoirdécoloré,d’unjeanbaggyetdesessempiternellesbottestachéesdepeinture.Malgré le chahut autour de lui, les yeux de Finn restaient rivés sur son carnet de croquis. Sa main glissait rapidementsurlapage.Quandundesesamisjetauneorangedevantsonnez,ilrelevaàpeinelesyeux. —Ilestclairqu’onnepeutqu’admirersonniveaudeconcentration,ditJenna. —Ouais...Àquoibon?Lejeunehommen’ad’yeuxquepouruneseulefille,ditRia. —Ahoui?Laquelle?demandaMélanie. —KaylaBird. LafourchetteenplastiquedeRiadésignaunebellefilleàlapeaumatequi,aumêmeinstant,flottait, grandeetsvelte,verslatabledeFinnenjupelongueetbottesnoires.Elles’assitfaceàluietsoulevases cheveux brun clair et ondulés pour les faire passer dans son dos. Finn leva les yeux et ferma instantanémentsoncarnet. —Quiest-ce?demandaMélanie. —KaylaBird,première.Artistique,magnifique,etperpétuellementbronzée,résumaRia. —Ellemetdesstringsàlapiscinemunicipale,ajoutaAimee.OnestdansleMassachusetts....Quipeut semesureràelle? Mélanie fixa le dos de Kayla. Elle avait une tache de naissance juste à côté de la bretelle de son débardeur blanc. À son fin poignet brillait une délicate montre en or style bijou ancien. Tout chez elle était gracieux. Rien qu’en levant sa bouteille d’eau pour en dévisser le bouchon, elle avait l’air d’une ballerine. Mélaniejetauncoupl’œilàFinn.Illaregardait.PasKayla,elle!LecœurdeMélaniedérapa:Finn venaitdelaprendreenflagrantdélitde«bouchebée»etluiadressaitunregardinterrogateur.Puisillui fitunsignedelamainetMélanielesaluaàsontouravantdeseretournerillicoverssatable.Ellese blottitdanssonsiège,rougecommeunetomate.LeseuldesfilsMcGowanquinelaprenaitpaspourune folleetmaintenant...ehbien,c’étaitfait. — Oh ! Je crois que nous savons à présent quel McGowan tu préfères, Mélanie, taquina Ria en la pointantdudoigt.TuesunefandeFinn.Jesavaisqu’onallaits’entendre! —Pasdutout,protestaMélanie.JenesuisabsolumentpasunefandeFinn. —Jet’enprie!insistaRia.Regarde-toi! —Ellearaison,confirmaJenna.Tuesécarlate. —Ehbien,ça,c’estmoi.Çam’arrivesouvent,sedéfenditMélanieenseredressantetenseraclantla gorge.Croyez-moi.JenesuispasunefandeFinn. —Commetuveux,ditRiaenagitantdenouveausafourchette. —Bon,aumoinstunecraquespaspourEvan,cequiseraitdésastreux,fitremarquerAimee. —Ouais,réponditMélanieenévitantdecroiserleursregards.Ça,aumoins,c’estclair. Unpeuplustard,dansl’après-midi,Mélaniesedirigeaitverslesvestiaires,impatientedefairepasser toutes ses frustrations de la journée sur le ballon. Personne dans son cours de chimie n’avait voulu se mettreavecelleàcausedel’incidentdupremierjour,etMmeKrantzl’avaitgrondéepouravoirprisde l’avance par rapport au niveau de sa classe. Apparemment, Mélanie troublait les autres élèves. Et qu’était-ellecenséefaire?Oublierqu’elleconnaissaitlesconjugaisonsdesverbesespagnols? En empruntant le couloir menant à l’aile d’éducation physique, Mélanie entendit deux personnes discuter de façon animée. On se disputait au prochain tournant, juste devant la boutique de l’école. Et Mélaniecrutreconnaîtrelesvoix.N’était-cepas...Evan? —...saisbienqueçaneveutriendire. —Ons’enfichequejelesache.Lesautres non, répondit Hailey. La moitié des filles de l’école me regardentcommesiellessavaientquelquechosequej’ignore.Tuasuneidéedecequeçapeutmefaire? —Jenecomprendspas.Quesavent-ellesdeplusquetoi?demandaEvan. —Ellespensentqu’ellesteplaisent,Evan!Ellespensentqu’ellesontquelquechoseenpluspuisquetu lesallumessousmonnez. Il y eut un soupir. Mélanie jeta un coup d’œil derrière elle pour vérifier que personne n’arrivait. Le couloirétaitdésert.Ellenevoulaitpasqu’onlasurprenneàespionner,maistoutçaétaittrèsintéressant... —Hailey,jesuiscommeça,sedéfenditEvan.Jesuisquelqu’und’amical. —Ouais,c’estça,ditHaileyd’untonsarcastique. —C’estlavérité!Ettul’astoujourssu!Oh,allez!Tunemefaisdoncpasconfiance? — Bien sûr que si, dit Hailey. C’est juste... enfin... Essaie d’imaginer ce que ça te ferait si tous les garçonsdel’écolemebavaientdessus. Mélanieclignadesyeux.Haileysemblaitassezvulnérable.Ellesongeaücequ’avaitditPearlàpropos desesfantasmessurEvan.Apparemment,sortiraveclemeclepluscanondel’écolen’étaitpassifacile. —Ehbien,c’estlecas,ditEvand’untonléger. Mélanielevalesyeuxauciel. —Evan!J’essaied’êtresérieuse,là!protestaHailey. —OK,OK!Qu’est-cequetuveuxquejefasse?Quej’arrêtedeparlerauxfilles? —Çamesembleunetrèsbonneidée,réponditHailey. —Tuplaisantes,ditEvan. —C’estclair,marmonnaMélaniepourelle-même. Peut-êtrequelarelationd’Haileyn’étaitpasfacile,maisellenepouvaitpasprétendrecontrôlerEvan. Au même moment, elle entendit un groupe de joueuses approcher. Elle se jeta en avant et poussa brutalementlaportedesvestiaires,faisantcommesiellevenaitjusted’arriver.Aimee,Riaetquelques autresapparurent,faisantassezdebruitpourqu’HaileyetEvaninterrompentleurdiscussion. —Hé!ditMélanie.Prêtespourlabaston,lesfilles? —Unpeu,oui,ditRia.C’esttrèsmalsijefaiscommesileballonétaitlatêtedenotreprofdemaths? Mélanierit.QueluiimportaitcequiallaitsepasserentreEvanetHailey.Ellesesentaitenfindansson élément.Etsiça,çapouvaitarriver,alorstoutétaitpossible. Après l’entraînement, Mélanie s’assit sur un banc dans les vestiaires pour laisser Ria lui faire une tresse africaine. Elle balançait les jambes et lorgnait sa grosse montre en plastique noir. Son nouveau braceletdeperlesrougesallaitetvenaitsursonbrasdèsqu’ellebougeait. —Ilyenaencorepourlongtemps?demanda-t-elle. —J’aipresquefini,réponditRia. Aimeesortitdelasallededoucheetattrapasonsacàdosetsonsacdegym. —Tudevraisleslaisserséchercommeçaetleslâcherpourlafête,cesoir,dit-elle.Jepariequeles cheveuxondulést’iraienttrèsbien. Mélaniesentitsabouchedevenirsèche. —Quellefête?demanda-t-elleensepenchantpourattrapersonjusdefruitscoincéentresespieds. —Situn’arrêtespasdebouger,onnerisquepasdeterminer,lagrondaRia. —D’accord,réponditMélanie. Peut-êtrequec’étaitpourçaqu’ellen’avaitjamaiseudevraiebandedecopines.Toutescesséancesde coiffage,maquillageetautresattifementsn’étaientpassontruc. —L’équipemasculinedefootorganiseunesoirée,expliquaAimeeenpassantlasangledesonsacpardessussatête.Jepensaist’avoirprévenue. — Tu devrais venir, lui glissa Ria en se penchant sur son épaule. C’est la première grosse fête de l’année,etengénéralçasetermineendrame. —Ouais.L’annéedernière,lesflicsontdébarquépourtoutarrêter,ditPearlquiattachaitseslacets. Tropcool. —Pearl,tun’yétaismêmepas,ditRia. —Ehbien,onm’aracontéquec’étaittropcool,répliquaPearl,imperturbable. RiaattrapaunélastiquesurlebancetattachalatressedeMélanie. —Çayest.Fini. Mélaniebonditsursespieds. —Merci,dit-elleenattrapantsesaffaires.Bon,ben,àcesoirjepense. MélaniesetournapourmarcherverslaportejusteaumomentoùHaileyetsescopinessurgissaientde laseconderangéedecasiers.HaileyfusillaMélanieduregard.Celle-cilevalesyeuxaucieletpoussala porte. Hailey bondit au même moment, si bien que leurs deux sacs de gym bourrés à craquer s’entrechoquèrentet,pendantuncentièmedeseconde,lesdeuxfillesrestèrentcoincéesdansl’embrasure. —Oh...jetefaismal?demandaHaileyd’untonnarquois. Mélanie se creusa l’esprit pour trouver une bonne repartie, mais en vain, comme d’habitude. Elle secouadonclatêteensigned’agacementetforçalepassage. Justeunefois,fulmina-t-elle.J’aimeraisjusteunefoisdansmaviepouvoirmedéfendre. —Mélanie!Attends!appelaAimee. Mélanie s’arrêta devant l’entrée du bâtiment. Encore une fois, la voiture d’Evan était garée en face. Celui-ci discutait avec Darnell et quelques amis qui venaient de terminer leur entraînement de football américain.QuandMélanieseretourna,presquetoutel’équipearrivaitderrièreelle. —Tiens,voilàl’adressedeChristianToddpourlafête,ditAimee.(Ellearrachaunefeuilled’unde sescahiersetlaluitendit.)Appelle-moisituasbesoinquequelqu’unt’amèneenvoiture. —Tusais,Aimee,jenesuispassûrequeMélaniepuissealleràlasoirée,ditHaileyquis’approchait àgrandesenjambées.Tunedevaispaspratiquertestirsdepenalty?Onaunmatchtrèsbientôt. —Mestirsdepénalsonttrèsbien,réponditfroidementMélanie. — Pardon ? Tu en marques combien ? Trois sur sept ? demanda Hailey en jetant un œil à Deena, la gardienne.J’aidumalàcroirequetuaiesremportéunchampionnatavecunejambepareille.Àmoins quetunetesoisinventéquelquesvictoirespournousimpressionner? Mélanie eut l’impression qu’on venait de lui flanquer une gifle. Quelques-unes de leurs coéquipières chuchotèrent,d’autresseregardèrent,malàl’aise. — Tu sais, si j’étais loi, je ferais un petit bilan de mes propres compétences avant de critiquer les autres,lançaMélanied’untonsec. —Mescompétencesvontbien,merci,réponditHaileydutacautac. — Tu crois ? Hum, il me semble que l’enregistrement de l’entraînement d’aujourd’hui dirait autre chose. —Ooooh,soufflèrentlesfillesdel’équipe. Mélanie sentait son cœur tambouriner dans sa poitrine. Hailey ouvrit la bouche pour répliquer, mais l’attentiongénéralefutdétournéeversquelquechosederrièreMélanie.Celle-ciseretournaetvitEvan quimarchaitversellesenfaisanttournersesclésautourdesondoigt. —Salut,Kicks.Ilfautqu’onyaille,dit-ilenjetantàpeineunregardàHailey. Mélanierougitlégèrementdecemomentdetriomphe. —Oùça?demandaHailey. —Noussommeschargésd’allerchercherledîner,réponditEvand’untonbrusque.Jepeuxteramener, maisilvafalloirquetunousattendesàBambooHouse. Haileyenrageaitvisiblement,maiselleréussitàcontrôlersavoix. —Merci,uneautrefois,dit-elle.Aimee,jeviensavectoi. —Oh.D’accord. Haileys’éloignaetAimeefourrasoncahierdanssonsac. —Àplustard,Mélanie. Confuse,ellejetauncoupd’œilrapideàEvanetseprécipitaderrièresasœur. Evanlessuivitdesyeux,impassible.Mélanieétaitdetoutcœuraveclui,mêmesiellen’avaitaucune idée de ce qu’il ressentait. Était-il déçu qu’Hailey soit aussi jalouse ? Se sentait-il triste parce qu’ils étaiententrainderompre?Ouquoid’autre? —Allons-y,dit-ilenfin.Nousnepouvonspasprendrelerisquequelesmiochess’impatientent.Croismoi. Mélanieplialepapiersurlequelétaitinscritel’adressedelafêteetleglissadanssapoche.Elleavait hâtedeseretrouverdanssachambre,devantsonordinateur.MélanieMeadeavaitenfin-enfin!-réussi àsedéfendre.Tracyallaitêtredrôlementfière. TooDamn-Funky:tuasrembarrébarbie???CGnial!!! Kicker5525:JEC!J’ASSURE! TooDamn-Funky:jen’aijamaisétéaussifière. Kicker5525:ahoui?JeVaussiàunefêtecesoir! TooDamn-Funky:lesmcgontcrééunmonstre! Kicker5525:enfin,jeCROISkejiV... TooDamn-Funky:ÉVIDEMMENT!suistaconseillèrespécialeprogrammed’immersion,etjete l’ordonne! Kicker5525:OK,OK... TooDamn-Funky:etmetsdurose! Kicker5525:nepoussepastrop. 8 —Àquiécris-tu?demandaEvan. —Àuneamie,ditMélanieenéteignantsontéléphonequ’ellejetadanssonsac.Alors,tuvasàlafête, cesoir?luidemanda-t-elle,enhardieparsaconfrontationavecHaileyetparlesidéesfollesdeTracy. Lavoiturestoppaàuneintersectionetilsoupira. —Oui,jesuppose.Ettoi? — Je pense, dit Mélanie en touchant la natte dans son dos. Ça pourrait être une occasion sympa de rencontrerdesgens. Evanlaregardaetsourit. —C’estclair,tudevraisyaller. —Tucrois? —Absolument,çavaêtrecool. IlpassalapremièreettournadansOakStreet.Mélanietripotaitungrosfilquipendaitdel’ourletde sontee-shirtblanc.Ilallaitàlasoirée.Ilvoulaitqu’elleyailleaussi.Quedubon. —Ques’est-ilpasséentretoietHailey,toutàl’heure?demandaEvan. Bonnequestion,pensaMélanie. —Rien,dit-elle.L’entraînementaétéviolent.(Ellelelorgnaducoindel'œil.)Toutvabienentrevous ? —Pourquoi?Elleaditquelquechose?demandaEvan. Sesyeuxjetèrentdeséclairs. —Non.J’aijuste...sentidesmauvaisesondes. —Jen’aipastrèsenviedeparlerd’Hailey,ditEvan. Ilsegaradansl’alléeenécrasantlefrein.Lavoitures’immobilisa,maislecœurdeMélanies’emballa. Lecielsecouvre,auparadis. —Ilfautquequelqu’unaillechercherFinndansl’appentis,ditEvanenseretournantpourattraperleur dînersurlabanquettearrière. —J’yvais!lançaMélanieensautantdelavoiture. —Génial!Etnet’inquiètepaspourmoi,jepeuxtouttrimballerseul,plaisantaEvan. Mélaniel’ignoraetfitletourdelamaisonaupasdecourse.Elleétaittellementsurvoltéequelatêtelui tournait.Ellecommençaitàsentirunecertaineexcitationàl’idéedelasoirée.Elleavaitdesamiesavec quiyaller,EvanetHaileyétaientencrise...Lavieétaitpleinedesurprises. Ellefrappauncoupàlaportedel’atelieretentra.Finnavaitcommencéunenouvellepeinture.Aubas delatoile,deuxbrasfinsétaientcroisés.Lestraitsd’unvisageanguleuxetuncoudélicatplanaientaudessus.Impossibledesetrompersurlesujet. —Salut,ditFinnenjetantuncoupd’œilpar-dessussonépaule. —KaylaBird,hein?ditMélanieenseglissantavecprécautionsurletabouret. Finnarrêtadepeindre. —Commentconnais-tuKayla? —Jenelaconnaispaspersonnellement,maisonm’aparléd’elleaudéjeuner,réponditMélanie.Elle teplaît,pasvrai? Finnluitournaledosetsepassalesdeuxmainsdanslescheveux.Quandilluifitfacedenouveau,une traînéebleuepartantdesonfrontavaitcolléunedesesboucles. —J’ignoraisquetoutlemondeétaitaucourant,dit-il. —Oh,jet’enprie,c’estsiévident!réponditMélanie.L’as-tudéjàinvitéeàsortiravectoi? —Pasvraiment. —Qu’est-cequeçaveutdire? —Çaveutdirenon,ditFinnavecunsourire. — Bon, eh bien, il y a cette grosse fête, ce soir. Tu y vas ? demanda Mélanie en jouant avec son nouveaubracelet.Moi,jepensequetudevraisluiproposerd’yaller. Finnfitunegrimace. —Maisquies-tu,enfait? Mélanieéclataderire. —Dequoituparles?demanda-t-elle,soudaingênée. Ellesemitàtripoteruneboucledanssoncoutoutenl’observantàtraverssescils. —Sérieusement,tuasl’airtoutexcitée,ditFinnenfaisantunpasverselle.Neserais-tupasentrainde faireuneréactionallergiqueàquelquechose? —Maisnon!protestaMélanie. Pourtantellecomprenaitcequ’ilvoulaitdire.Ellen’étaitpascommed’habitude.ElledisaitàFinnce qu’ellepensait,elleenavaitenvieetluidonnaitmêmedesconseils.UnpeucommeTracylefaisaitavec elle.Etc’étaitlapremièrefoisdesaviequ’elleprenaitdetellesinitiatives.Bizarre. —Écoute.Jesuissimplementdebonnehumeur,expliquaMélanieenselaissantglisserdutabouret.Et jeveux...enfaireprofiterlesautresouuntrucdecegenre.Jevaisàlafêteavecquelquescopinesde monéquipeetjetrouvequeceseraitbienquetuviennesaussi. —TupensesquejedevraisproposeràKayladem’accompagner?ditFinn. —Pourquoipas?Tantqu’onn’apasessayé,onnepeutpassavoir,n’est-cepas?ditMélanie,lesyeux brillants. ElledonnaunetapesurlebrasdeFinn,etletrouvaétrangementcontracté.Pendantunlongmoment,il gardalesyeuxfixéssurl’endroitoùsamains’étaitposée. —Tuessûrqueçava?demanda-t-il. Mélaniehaussalesépaulesetenfonçasesmainsdanssespoches. —Àvraidire,jenemesuisjamaissentieaussibien.(Ellesetournaverslaporteets’arrêta.)Allez, viens.Onmangechinoiscesoir. —J’arrivedansuneseconde,ditFinnensortantsonportabledelapochearrièredesonpantalon. Ill’agitadevantelleetsourit. —J’aiuncoupdefilàpasser. Mélanieluifitungrandsourireetsortit.Ceseraitlapremièresoiréeimportantedesavie. — Oui, p’pa, je serai prudente. Ne t’inquiète pas, dit Mélanie au téléphone en jetant un œil dans la cuisineoùtoutelafamilleMcGowancommençaitàdîner. DougetMillerétaiententraindesedisputerausujetducartondecrevettesauxépicestandisque Ian battaitsonassietteavecsesbaguettes,commes’iljouaitdutambour. —J’ensuissûre,Kicker,ditsonpère.Etnoussommesravisquetut’amusesettefassesdesamis.Tes copinesm’ontl’airdefillesbien. —Elleslesont,réponditMélanie. —Est-cequedesfilsdeJohnsortentavectoi?demandasonpère. MélanieregardaEvanserviruneportiondepouletaigre-douxàCalebetsentitsoncœurpalpiter. —Ouais,Evan.EtFinnaussi,jecrois. —Parfait.Jesuissûrqu’ilsgarderontunœilsurtoi,ditsonpère. —P’pa... —Nonpasquetuaiesbesoinqu’ontesurveille,serétracta-t-il.Tucomprends,jesuistonpère... —Jesais,jesais,dit-elleenfixantlesol.Écoute,onvadîner,alorsjeferaismieuxd’yaller. —D’accord.Amuse-toi. —J’ycomptebien.Jet’aime,luiditMélanie. —Moiaussi,répondit-il. Mélanieraccrochaetreplaçaletéléphonesursonsocleavantdeselaissertombersursachaise.Finn lui tendit le riz sauté dont elle se servit une bonne cuillerée. Au bout de la table, Caleb aspirait ses nouillesetIanarrêtadetambourineravecsesbaguettes,justeletempsdemanger.Lementoncolléàson assiette, Doug enfournait des quantités impressionnantes de nourriture ; on avait l’impression qu’il participaitàunconcoursdegoinfres.Adosséàsachaise,Seanapprochaitdesabouchedesfourchetées deriztoutenlisantlaquatrièmedecouvertured’unlivre. —Tuveuxdusoda,Mélanie?proposaJohnenapprochantlabouteilledesonverre. —Oui,merci,répondit-elleensouriant. Cettemaisonn’étaitpasavare,côtésoda. —Alors,qu’est-cequevousfaites,cesoir?demandaReginaenarrangeantlesplisdesajupeaprès s’êtreassiseàcôtédesonmari. —Fête,ditDoug. Uneboulettederiztombadesabouchequandilrelevalatête. —Sympa.Serviette,s’ilteplaît,ditRegina. Doug leva les yeux au ciel quand Sean, sans décrocher de son livre, lui tendit une serviette depuis l’autreboutdelatable. —Chezqui? —ChezChristian,réponditEvan.Tusais,ilenorganiseunetouslesans. —Ah,lafameusesoiréedeChristianTodd,ditReginaenpiquantunboutdebrocoli.Lapolicen’avaitellepastoutarrêtél’annéedernière? — Ouais, mais cette année il y aura beaucoup moins de monde, dit Evan. Il invite seulement les premièresetlesterminales. —AlorspourquoiDougyva-t-il?demandaleurmère. ToutlemonderegardaDoug,quiinterrompitsaséanced’autogavage. —J’aidescontacts,expliqua-t-il. ReginasecoualatêtepuisfixaMélanie. —Ettoi,tuyvas? — Oui. Des filles de mon équipe m’ont invitée. D’ailleurs, j’allais vous demander si vous pourriez m’accompagnerenvoiture.Jen’aiaucuneidéedel’endroitoùc’est. —Pasdeproblème.Jeteconduirai,ditRegina. —Est-cevraimentnécessaire?demandaJohnenreposantsafourchette.SiDougetEvanyvont,ilyen abienundesdeuxquipourral’accompagner. Dougéclatad’unriresarcastique.Evangigotasursachaise. —Qu’ya-t-ildedrôle?demandaJohn. DougregardaMélanie,puissonpère. —Rien,maisc’estG-Martquim’emmèneetsabagnoleestdéjàpleine,dit-il.Dommage!dit-il,riant denouveau. —Bon,ditsonpère.Finn,tuyvas? —Oh,oui.Maisj’aiunrencard,enquelquesorte,répondit-ilenadressantunclind’œilcompliceà Mélanie. —Ahoui?Avecqui?demandaRegina. —Mec,tuasenfinréussiàtedéclencherpourKaylaBird?demandaEvan. —Ouais,apparemment,réponditFinndontlesjouess’empourprèrent. —Ilétaittemps,vieux!ditEvan,malicieux. IlprésentasapaumeàFinnquiyfitclaquersamainensouriantlargement. —OK,donc,Evan,ondiraitquec’esttoiquivasameneretramenerMélanie,ditJohnenprenantune gorgéedesoda. —Enfait,p’pa... —Tuasunevoiture,tul’emmènes,ditsonpère.Ilyaunproblème? Le brouhaha s’interrompit d’un coup. Tous dévisageaient Evan en attendant sa réponse. Même Sean interrompitsalecture-maisilgardasonlivrelevédevantsonvisage.Evanessuyasespaumessurson pantalonetavalasasalive. —Non.Jesupposequenon,dit-ilenfin,évitantdecroiserlesregardspointéssurlui. DanslabouchedeMélanie,lanourrituresetransformaenuneboulettepeuappétissante.PourquoiEvan réagissait-ilsibizarrement?Neluiavait-ilpasditdanslavoiturequ’ilavaitenviequ’ellevienneàla fête? —Parfait.Bon,vousvoussouveneztousducouvre-feu?demandaJohnenfaisantuntourdetabledu regard. —Oui,marmonnèrentenchœurDoug,Finn,EvanetMélanie. —Biencontentdel’apprendre,ditJohnenmordantdansunmorceaudepoulet.Evan,tuesresponsable deMélanie.S’ilsepassequoiquecesoit,tularamènesillico. Intéressant, songea Mélanie en dissimulant son sourire. Voilà que, par décret parental, Evan allait devoirresterauprèsd’elletoutelasoirée.Malheureusement,quandellejetaunœilsurluipourvoirsa réaction,ellevitqu’ilgrimaçaitcommes’ilvenaitd’avalerunmorceaudepoissonpourri.Mélaniesentit sagorgeseserrer. —Nevousinquiétezpas,John,s’entendit-elledire.Jen’aibesoindepersonnepour... —Mélanie,jet’enprie.Lesgrandsfrèressontlàpourça,non?l’interrompitJohn. MélanieregardadenouveauEvan.Colléaudossierdesachaise,ilcontemplaitsonassietteàmoitié vide. —Ouais,dit-elle.Jesuppose. Mais si Evan devait faire cette tête pendant toute la soirée, elle n’était pas sûre d’avoir envie de la passeraveclui. Mélanie détestait le rose, mais Tracy lui disait toujours que c’était sa couleur. D’ailleurs, l’année précédente, pour son anniversaire, Tracy lui avait offert un tee-shirt rose qui, selon elle, allait merveilleusementavecsajupelongueentoilevertforêt.«Aucasoùtuvoudraisunjourressembleràune vraiefille»,luiavaitditTracy. Aussi,quandMélaniedéfitsatresseetvitsescheveuxondulersursesépaulesenvaguesmagnifiques, elledécidaqu’elleétaitdéjààmi-chemin.Alorspourquoipas?Ellevivaitdansunenouvellemaison, dansunenouvelleville,avecdenouveauxamis.Peut-êtreétait-celemomentd’essayerunnouveaulook. Oupeut-êtreaurais-jedûenresteràlaqueue-de-chevaletausweat-shirt,pensa-t-ellequandEvan garasavoitureaumilieud’unedouzained’autresdevantl’énormedemeuredepierredeChristianTodd. Ellenesesentaitpaselle-même,cequiluirendaitencoreplusdifficiled’encaisserlafroideurd’Evan. Quand elle avait descendu l’escalier pour le rejoindre, il n’avait pas fait un seul commentaire sur ses cheveuxnisursatenue.Dureste,illuiavaitàpeineditunmotdepuisqu’ilsavaientquittélamaison.Si seulement elle pouvait frotter le couvercle de la boîte à gants pour en faire sortir un génie, elle lui demanderaitcequepensaitEvanàcetinstant. Iléteignitlesphareset,unmoment,toutfutsilencieux,jusqu’àcequequelquespersonnespassentàcôté delavoitureenbavardantetenriant.Evandéfitsaceintureetsetournaverselle. —Jesaisquecequejevaisdirevatesemblerasseznul,maisjepréféreraisquenousn’arrivionspas ensemble,dit-il. —Hein? —Écoute.(Evans’éclaircitlavoix:)Hum,enfait,Haileyalégèrementpétélesplombscesderniers temps,etçateconcerneunpeu. —Quoi? Mélanieclignadesyeuxdanslenoir. —Commentça?fit-elle. Evanregardaleplafondetpritunelongueinspiration. — Je t’explique. Hailey et moi, ça fait un an qu’on est ensemble. On pourrait croire qu’il y a une confianceentrenous.Aulieudeça,depuisquetuesarrivée,ellesecomportecommesij’étaisl’ennemi publicnuméroun. —Jecroisquel’ennemi,c’estplutôtmoi,enfait,corrigeaMélanie. —Elleatoujoursétéjalouse,maisavectoivivantdansmamaison...Ç’aétélagoutted’eauquiafait déborderlevase. —Etdonc...? Mélanie eut envie de répliquer : D'accord, et en quoi est-ce mon problème et qu'est-ce que je suis censéefaire? Évidemment,ellen’enditrien. —...etdoncjepensequeceseraitmieuxpourtoutlemondesinousne...s’iln’yavaitpasdescènece soir,ditEvan,pleind’espoir.Tuvoiscequejeveuxdire? —Ouais,j’aicompris,ditMélanieenessayantd’avoirl’aircompatissante. Ellegrinçadesdentsetserralespoings.Nevoyait-ilpasqu’Haileyétaitfolle?Commentpouvait-il entrerdanssonjeu? Pleinedesurprises,lavie?Tum’étonnes...Voilàqu’elleluioffraitfinalementunenuitensolo. —Tutrouvesquejesuisunloosertotal,hein?ditEvanenregardantauloin,l’airtriste. Mélaniedutsemordrelalèvrepours’empêcherdecrier:«Exactement!»Cependant,ellefuttouchée parsaquestion,carilsepréoccupaitdecequ’ellepensait. Elleouvritsaportière. —Tusaisquoi?Çan’aaucuneimportance,dit-elle.Amuse-toibiencesoir. ElleclaqualaporteetmarchaverslamaisondeChristianaussivitequeleluipermitsajupeétroite. Devantelle,quelquespersonnesentraientjustementàl’intérieurdelamaison.Quandlaportes’ouvrit, les rires, les cris et la musique explosèrent, et Mélanie sentit son cœur s’emballer. Elle fut soudain submergéeparunevagued’angoisse,sipuissantequ’elleeneutlanausée.Maisellen’allaitpaslaisser Evanvoirça.Elleavalasasalive,seredressa,secouasescheveuxfraîchementondulésetpénétradansla maison. De:[email protected] À:[email protected] Objet:Lemanueldumec GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan Noten°6 Observationn°1:Lesmecsontleurshumeurs. Genrehumeursprémenstruelles. Observationn°2:Lesmecssontinconstants. GenrelesrevirementsdeTracyDale-Franklindevantunprésentoirdemaquillage. Observationn°3:Lesmecssontdifficilesàdéchiffrer.Commesionnelesavaitpasdéjà... 9 —Ah!monDieu!Tessa!Tuesvenue! ÀpeineMélanieeut-elleposéunpieddanslehallqu’unefillesejetaàsoncou,l’enveloppantdansune étreinte étouffante. Elle s’était aspergée d’un parfum musqué agressif et une de ses boucles blondes, croustillantes,voladirectementdanslabouchedeMélanie.Elleavaitungoûtaigre. —J’étaissûrequetuviendrais!hurlalafilledansl’oreilledeMélanie. Lamoitiédesabièresedéversahorsdugobeletetvints’écraserausol,derrièreMélanie. —Alors,tumepardonnes?luidemanda-t-elle.Parcequej’tejurequejen’avaispasl’intention de l’embrasser.Je...tusais...j’aiglissé! Mélanie tira la langue pour se libérer de la mèche de cheveux. Quelques garçons redescendant du premierétageremarquèrentsagrimaceetéclatèrentderire. —Hum...pasTessa,ditMélanieentapotantmaladroitementledosdelafille. Celle-ciserecula,étudialevisagedeMélanieetfronçalessourcils. —Maistuesqui,toi? —Euh...désolée,réponditMélanie. Ellesefaufilahorsdel’entréeetpassadanslapièce,sursagauche,oùlafêtebattaitsonplein.Des dizainesd’inconnusl’entouraient,riant,chantant,s’interpellantlesunslesautres.Ungroupedegarçons l’inspectèrentdelatêteauxpiedsavantdeseconcerteràvoixbasse.Apparemment,elleobtintunbon score,carl’und’entreeuxlitmined’allerluiparler.Mélaniepaniquaetseprécipita,latêterentréedans lesépaules,verslaportelaplusproche. Danslapiècevoisine,quatrepartiesdeJengaétaiententaméessimultanémentsurunetabledebillard tapissée de violet. Une vingtaine de personnes s’étaient rassemblées pour voir le spectacle. Mélanie s’arrêtapourregarderjouerungarçonmaigrichonàlapeaumoite.Latourvacillaunmomentavantde basculer,projetantdespiècesdeboisdanstouslessens.Lafoulepoussadesacclamationsetsifflaen pointant du doigt le perdant. Celui-ci hocha la tête et leva une main, puis il attrapa une bière et la descenditentroisgorgées. —Hé!Mélanie! Finnémergeadelafoule,latignasseenbataille.Ilportaitunmaillotdebaseballbordeauxauxmanches grischiné. —Salut.Waouh! Ilfitunepauseetlaregardacommes’ilnel’avaitjamaisvueauparavant. —Tescheveuxsont...waouh!Ondulés. Mélanieéclataderireetsentitsesjouess’empourprer. —Oui,jecroisqu’onpeutledire,dit-elle. —Sympa,dit-ilavecunhochementdetêteappréciateur. —Merci. Finnpritunegorgéedanssonverre. —Alors,oùestEvan?demanda-t-ilenjetantunregardcirculaire. —Paslamoindreidée,réponditMélanie.EtoùestKayla? —Oh,elleestpartieauxtoilettes,ditFinnenhurlantlederniermotàcausedescrisalentour.Pourêtre honnête,jenecroispasqu’elles’éclate. —Pourquoi?demandaMélanie. —J’ail’impressionquelesfêtesdecegenrenesontpassontruc,expliquaFinn. —Désolée.Sij’avaissu,jenet’auraispastordulebrasjusqu’àcequetul’appelles... Finnrit. —Net’inquiètepas,toutvabien.Aumoins,jel’auraisfait-enfin!Jenesaispassituavaisremarqué, maisjenesuispascequ’onappelleuntombeur. Mélaniesourit,amusée. —Jecroisquenousallonsnousesquivertôtettrouverunendroitoùnouspourronsdiscuter,poursuivit Finnendésignantd’unsignedetêtel’émeuteautourdelatabledebillard. Toutàcoup,Mélanieeutunflash:elleimaginaFinnemmenantKayladanssonatelierpourluimontrer sestoilesinachevées.Touslesdeux,seulsdanslanuit.QuandMélanierelevalesyeuxversleprofilde Finn,ellesentitcommeuneondedanssapoitrine.Ellepréféraignorercetteétrangesensation. —Mélanie!Tevoilàenfin! RiaetAimeesurgirentdelafoule. —Allez,viens!Onesttousentraindedanserdehors,derrièrelamaison!ditAimeeenluiattrapantle bras.Oh,monDieu!J’étaissûrequetescheveuxseraientfantastiquescoifféscommeça! Mélanierit. —Ehbien,jecroisquejevaisallerdanser,annonça-t-elleàFinn.BonnechanceavecKayla! Mélanie suivit ses amies jusqu’à la véranda où les meubles en osier avaient été poussés contre les murs.Lesbafflesauxquatrecoinsfaisaientexploserduhip-hoppourticsdizainesdejeunes luisant de transpiration. Aimee et Ria rejoignirent Jenna et Pearl au milieu de la meute. Jenna avait lâché ses cheveuxetMélanielavitpourlapremièrefoissansseslunettes.Sesbrasétaientaccrochésaucoud’un mecgrandetmincedontlesmainsreposaientsursesfesses. —Quiest-ce?demandaMélanie. — Bobby, le petit copain de Jenna, expliqua Ria. Dans moins d’une heure, tu peux être sûre qu’ils serontquelqueparidanslesboisàseroulerdespelles. —Pardon? —C’esttouslesanslamêmechose,ditAimee.D’icilafindelanuit,ceseraunevéritableorgiesous lesarbres. —C’estunpeu...spécial,ditMélanieenjetantuncoupd’œilverslefonddujardin. Vaguementdégoûtée,maisaussicurieuse,ellesedemandacombiendepersonnesilyavaitdéjàlà-bas, etsi-pincementaucœur-EvanetHaileysetrouvaientparmielles. Çan’aplusaucuneimportance,detoutefaçon,sedit-elle.Iln’ariendansleventre.Ilt’ajetéede sa voiture. Mais, malgré cela, elle savait que s’il venait l’enlacer là, maintenant, tout de suite, elle passeraitlerestedelanuitàdanseraveclui. Les premières notes du dernier tube d’Usher retentirent, et Aimee lâcha un tel cri d’excitation que Mélanieneputs’empêcherdesourire. Finieslesmauvaisespensées!C’étaitsapremièresoiréedanslanouvellevilleoùellehabitaitavec ses nouvelles copines. D’ailleurs, c’était sa première soirée tout court. Pour une fois dans sa vie, elle avait envie de se laisser aller. Faire une fixette sur Evan ne pouvait que l’empêcher d’avancer. Elle n’allaitpasgâcherunesecondedeplus. Ria,AimeeetPearlacclamèrentMélaniequandellelevalesbrasetcommençaàdanser.Ellefermales yeuxets’imaginadanssachambre,auTexas,entraindedélireravecTracysurn’importequellechanson passantàlaradio.Elleonduladeshanches,secouasescheveux,etlaissalamusiqueguidersoncorps. Quandellerouvritlesyeux,ellecroisaleregarddePearletellessesourirent.C’étaitbon.Vraimentbon. Ellen’avaitpasbesoind’Evan.Nid’aucunmec,dureste.Elleétaitarrivéejusqu’icitouteseule,non? Finalement,aveclesgarçons,onnefaisaitquesetorturerlesméninges.Était-cebiennécessaire? Bobbymurmuraquelquechoseàl’oreilledeJennaquiréponditparunsourirecomplice.Illuipritla mainavecdouceuretlaguidahorsdelapistededanse.Jennatrébucha,retrouvasonéquilibreenriant bruyamment.Mélanielesregardapousserlaportebattantedelavérandaettraverserlapelouse. —Etvoilà,ditRia. Mélaniesentitunepointed’envieluititillerlecœur,maisl’ignora. —Jenecomprendspas.Jepensaisqu’elleétait...jenesaispas... —Unratdebibliothèquerefoulé?suggéraAimee.Ouais.Maisc’estcommeçaqu’elle...disons... se défoule. Mélanie s’apprêtait à repartir sur la musique quand elle repéra Hailey debout près de la porte. Elle portaitunhauttubenoiretunejupeenjeantellementminiqu’onauraitpulaconfondreavecuneceinture. Quatre garçons l’entouraient, bavant presque dans leurs bières. Hailey but une longue gorgée dans son verrequ’elleposasurlerebordd’unefenêtreetjetasesbrasautourducoudel’undestypes.Leverre basculaets’écrasasurlesol,éclaboussantdebièreleurschaussures.Haileyéclataderire,pliéeendeux, accrochéeàson«cavalier».Elleétaitcomplètementpaf. C’estàcetinstantqu’Evanfitsonentrée.IlmarchadroitsurHailey,l’attrapaparlebrasetlatirahors desoncercled’admirateurs. Mélanies’arrêtadedanserenpleinmilieuduchaos.EvanavaitbaissélatêteversHaileyetmurmurait quelquechoseàsonoreille.Ellegardaitlesyeuxobstinémentfixéssurunpointauloin.Finalement,elle tournasonvisageversEvanetluihurlaquelquechose.Puisellesortitdanslejardincommeunetornade. Evanposalesmainssurseshanchesetpritquelquesinspirationsprofondes.Puisilsecoualentementla têteetrepartitverslasalledubillard. Mélaniepouvaitàpeinerespirer. —Hé!Qu’est-cequit’arrive?luidemandaAimee. —Rien!criaMélanie. Unpoidsluiécrasaitlapoitrine.Quevenait-ildesepasser?Evanallait-ilbien?Voulait-ilpartir? Mélanie faillit courir après lui. Mais non, il avait été clair sur le fait qu’il ne voulait pas qu’elle l’approche.Detoutefaçon,çanelaregardaitpas.Elleseretournaverssesamiesetseremitàdanser. Mélaniearrivaenhautdesmarches.Devantelles’étendaitunlongcouloiroùs’alignaientdesportes closes.Quelquespersonness’yétaientrassemblées,lesunespourdiscuter,d'autrespours’embrasser.Un garçoncoifféd’unecasquettedebaseballàl’enversarrivaderrièreelle,collasontorsecontresondoset posaunemainsursonépaule. —Alors,joliedemoiselle!Onestperdue? Mélaniefitunécartetcroisalesbrassursapoitrine. —Jecherchelestoilettes. —Ehbien,alors,jesuisl’hommequ’iltefaut,dit-il.Jemeprésente,ChristianTodd. —Oh,salut...,ditMélanie.Etdonc...lestoilettes? —Ettues...? —MélanieMeade,répondit-elleenfaisantunpasenarrièrequandils’inclinaverselle. —Paspossible!C’esttoilananaquiadébarquéchezlesMcG!Sympathique!s’exclama-t-iltouten l’inspectantdelatêteauxpieds.Tuescanon! Mélaniedevintécarlate. —Euh...merci.Toilettes? —Waouh!Envievraimentpressante,hein?ditChristian.C’estjustelà. Ilpointad’ungestemalassurélapremièreporteàgauche.Mélanies’éloignasansplusattendre.Elle ouvrit la porte de la salle de bains et s’immobilisa. Mauvaise porte... et coïncidence intéressante. Au milieudelapiècesetrouvaitunlitdoublesurlequelétaitallongéEvanMcGowan.Lespiedsparterre,il avaitramenésespoingsfermésprèsdesestempes,etétaitapparemmentperdudanslacontemplationdu plafond.Ilseredressad’uncoupquandlaportes’ouvrit. —Salut,dit-il. —Salut,réponditMélanie.Désolée,jetelaisse. —Attends,l’arrêta-t-il.Entre. LecœurdeMélanietambourinaitdanssapoitrine,commes’ilvoulaitensortir.Sanssavoircomment, elleparvintàrefermerlaportederrièreelle,cequileslaissadanslapénombre.Leseuléclairagedansla piècevenaitd’unlampadairequiilluminaitunpatio. —Depuiscombiendetempses-tuenfermélà?demandaMélanie. —Àpeuprèsunedemi-heure,jecrois,réponditEvan. —Je...euh...t’aivuavecHailey,hésitaMélanie.Çava? Evanexpirabruyamment. —Non,pasvraiment.Elleessaiedesevenger.Jel’aitrouvéeentraindeflirteraveccecrétindeMike Bagleyetsesgrosnazesdepotes,alorsquejen’airienfait. —Bon...maiselleétaitunpeupétée,plaidaMélanie. Evanlaissaéchapperunriresarcastique. —Jet’enprie.Ellesavaittrèsbiencequ’ellefaisaitquandelleestarrivéeicicesoir.Letrucquime tue,c’estqu’ellelefaitexprès.Quandjeflirte...sijeflirte...cen’estpascommesic’étaitprémédité.Je suiscommeça,c’esttout.Jeveuxdire,jesuisunmecsympaetjesuissympaaveclesfilles.Cen’estpas mafautesiellesm’apprécient.Maisjenel’aijamaistrompée.Pasuneseulefois.Çadevraitcompter, quandmême. Il se laissa retomber en arrière, croisant les bras sur son front. Il semblait si vulnérable. Il était si... sexy. Mélaniefitquelquespashésitantsets’assitauborddulit.Illaregardapar-dessoussonbrasetsoupira denouveau. —Tuvois,là,jenedevraispasêtreavectoi,pourtoutuntasticraisons,dit-il. Mélaniesemorditlalèvre.C’étaitbizarredeluiparlerenluitournantledos.Elleenfonçasesmains danslematelasetpivotapourluifairefaceenramenantsesjambessouselle.Lajupenefacilitaitpasla manœuvre, si bien qu’elle se retrouva assise sur ses mollets. Evan écarta les bras de son visage et la regardad’unairsurpris,commes’ilvenaitjustederemarquersaprésence. —Tuveuxsavoircequej’enpense?demandaMélanieenbaissantlesyeuxverslui. Evans’assitetsetournapourluifaireface.Undesesgenouxtouchaitlessiens. —Vas-y,répondit-il. —Jepensequetuesunmecchouetteetunsuperpetitcopain,luiditMélanie.Jeveuxdire,peut-être qu’Hailey se sent un peu menacée, mais finalement tu tiens toujours compte de ses sentiments. Tu ne voulaismêmepasqu’onnousvoieensemblecesoirparcequetupensaisqueçalablesserait.Tul’aimes. Ellet’aime.Leschosesseremettrontenplaced’elles-mêmes. Evan la regarda droit dans les yeux. Mélanie entendait son sang battre à ses oreilles. Ses paumes devinrent moites, sa nuque la brûlait. Son visage n’était qu’à quelques centimètres de celui d’Evan McGowan. Ses yeux plongeaient dans les siens. Elle ne pouvait plus respirer. Rêvait-elle ou était-il réellemententraindesepencherverselle?Était-celemomentdesonpremier...? —Oh!Tutefichesdemoi! LaportecognacontrelemuretMélaniebondit.Haileysetenaitdansl'embrasure,lesjambesécartées pourconserversonéquilibre,sonhautglissantsursapoitrine. Lesyeuxd’Evan,écarquillés,allaientdeMélanieàHailey. —Hailey,jesaiscequetupenses... —Jemontepourdiscuter,etjetetrouvetoutseuldanslenoiravecelle,cria-t-elle.Avecelle? —Nousétionsjuste... —Mélanie,arrête,l’interrompitEvan. Mélanieeutl’impressionquesoncorpsseconsumaitsouslecoupdel’humiliation. — Waouh ! Vous êtes hallucinants, tous les deux, dit Hailey qui tira sur son bustier si brusquement qu’ellefaillittomberàlarenverse.Amuse-toibienavectapetiteKickeroujenesaistropquoi. —Hailey,attends! Evan bondit à sa poursuite. Mélanie fonça derrière eux, traversant une foule de curieux, bouche bée. Haileydévalalesmarchesd’unpasmalassuréetdisparutdanslesalon,justeaumomentoùungroupede fêtards s’engouffraient dans la cage d’escalier. Evan se fraya un chemin en jouant des coudes, mais il arrivatroptardenbas.Haileyavaitdisparu.QuandMélanielerejoignit,ilétaitdeboutdansl’entrée,le soufflecourt. —Evan... —C’estbon.J’enairaslebol,rugit-il.Jemetire. —Evan!Attends!criaMélanie. Maisilseprécipitahorsdelamaisonsansunregardenarrière. — Alors ? demanda Aimee en tirant sur ses genoux un coussin à franges pour que Mélanie puisse s’asseoiràcôtéd’elle. —Rien,réponditMélanieenselaissanttomberavecungrandsoupirdanslecanapéenvelours. Elle leva les yeux vers le gros poisson bleu turquoise qui tournait dans l’aquarium à côté d’elle. Il flottaitjusteauniveaudesonvisage,sabouches’ouvrantetserefermantsurdesbulles. — Finn est introuvable, ajouta-t-elle. (Mélanie fronça les sourcils et regarda son amie.) Tu n’es pas fâchée? — Pourquoi serais-je fâchée ? demanda Aimee en appuyant sa joue contre le dossier du canapé. Ce n’est pas ta faute si Hailey a flippé. En plus, cette nana a passé la plus grande partie de sa vie à me torturer.Unepetitenuitdedéprimenevapaslatuer. —Merci,ditMélanie. Elle pouvait supporter que le reste des gens de la fête cassent du sucre dans son dos, mais elle ne voulaitpasperdresesnouvellesamies. Lanouvelledecequis’étaitpasséàl’étages’étaitrépanduecommeunetrainéedepoudre,etMélanie étaitpasséedustatutdenouvelleinconnueàceluide«filledonttoutlemondeparle».Elleavaitcherché Finnpartoutpourvoirs’ilpouvaitlaraccompagnerenvoiture.Apparemment,luietKaylas’étaientdéjà esquivéspouruneconversationintime.Mélanien’avaitqu’uneenvie:rentrer.Maisellenepouvaitpas appelerlesMcGowanpourqu’ilsviennentlachercher,vuqu’Evanavaitétéofficiellementchargédele faire. Aimee avait bu et Pearl et Ria étaient parties avec des garçons acheter quelque chose à manger. Mélanieétaitcoincée. —Oh,monDieu!Lesfilles! Revenant de la véranda, Jenna zigzagua dans la pièce et tomba agenouillée devant le canapé. Ses cheveux étaient en bataille et son cardigan boutonné n’importe comment. Bobby arriva derrière elle et s’adossaaumur,leregardrêveur,l’airtrèsenpaix. —Jenna?Qu’est-cequisepasse?demandaAimee. — Vous n’allez jamais me croire... Devinez qui je viens de voir à moitié à poil dans les bois ! dit Jenna.Uneseconde!Jedoisfairecetterévélationdebout,ajouta-t-elleenserelevant. —Quiça?demandaAimee. —Tasœur!ditJennaendésignantAimee.Aveclefrèredesonpetitcopain! Auborddelapanique,Mélanies’avançasursonsiège. —Quoi?s’exclamaAimee,l’airplussobrequ’ellenel’avaitétédetoutelasoirée. —Lequel?demandaMélanie. —Le«gangster»,ditJennaquiéclatad’unrireincontrôlabletoutendessinantd’énormesguillemets dansl’air.Hallucinant,non? —Doug?ditMélanie,lagorgesèche.HaileyestentraindefairedesgalipettesdehorsavecDoug? —Scandale!annonçaJennaenagitantlesmains.MélanieregardaAimee,bouchebée.CommentDoug pouvait-ilfaireçaàEvan?CommentHaileypouvait-ellefaireçaàEvan? —Cettesoiréetournetrèsmal,commentaAimee. —Oh!fitJennaensetenantleventre.Hohoho!...Elleseretournaetvomitsansplusattendredans l’aquariumhightechdeChristianTodd. —Crade!s’exclamaMélanie. —Jenna?Çava?demandaAimeeenselevant. —Oh,monDieu!gémitJenna,unemainsurlabouche.J’aitellementhonte! Elletournalestalons,bousculasonpetitcopain,etpartitentitubantverslasalledebains. —Bon,çanevapas,là,décrétaMélanieensedétournantdel’eautrouble. EntrelarévélationdeJennaetsarégurgitation,Mélaniesesentaitelle-mêmeunpeumalade. —Tum’étonnes,enchéritAimeequisuivaitJennaduregard.Elleétaitcenséemeramenerenvoiture. —JeparledeDougetHailey,ditMélanie.(Elleposasamainsursonestomac.)Commentont-ilspu faireça? —Non!Nemedispasquetoiaussituvasêtremalade!gémitAimeeenserasseyant. Mélanielaissaallersatêtecontrelecanapéetrespiraprofondément. — Je crois que ça va aller, dit-elle. Si j’arrive à oublier l’image de Doug en train de déshabiller Hailey... Aimeepâlit. —Génial.Maintenantc’estmoiquiaienviedevomir. —Tusemblesàpeinesurprise...,fitremarquerMélanie. — Crois-moi : après seize ans de vie commune avec ma sœur, il n’y a plus grand-chose qui me surprend,réponditAimee. Bobbytraversalapièceetvintseplanterdevantelles,lesmainsenfoncéesdanslespochesarrièrede sonpantalon. —Euh...L’uned’entrevousserait-elleassezsobrepourconduire?demanda-t-il.Jennan’estpastrès enforme. Mélaniesoupiraetjetaunœilàsamontre.Ellelaissaretombersatête,défaite.Ilétaitminuitmoinsle quart.C’étaitsapremièresoiréeetelleéchouaitdéjàautestducouvre-feu.Lanuitétaitdéfinitivement terminée,etilétaitplusquetempsdetournerlapage. — Moi, c’est bon, dit-elle. (Elle se mit debout et tendit les mains à Aimee pour l’aider à se lever.) Tirons-nousd’ici. —C’estlà,indiquaJennaendésignantunemaisonquiressemblaitàs’yméprendreàtoutescellesdela rue. MélaniearrêtalapetiteFocusetlamitaupointmortensoupirant.Ilétaitminuitpile. —Tuessûre?demandaMélanie. —Biensûrquejesuissûre.C’estmamaison,non?réponditJennaavantdeplisserlesyeuxetdese pencherenavant.Celadit,ellessonttoutesexactementpareilles,non? —Onestaunuméro22,précisaMélanieaprèsuncoupd’œilàlaboîteauxlettres. —Bingo!s’exclamaJennaenlevantlesbras. Mélanielevalesyeuxaucieletsortitdelavoiture. Jennacontournalevéhiculepourrejoindrelecôtéconducteur. —Mercimillefois,Mélanie,ditJennaenserrantsonamiecontreelle.(Ellesentaitencoreunpeule vomi.)Jetejurequejeneboiraiplusjamais. —Pasdeproblème,ditMélanie. ElleretintsarespirationetrepoussadoucementJennaquioscillalégèrement. —Commentvas-tufairepourrentrer? —Jevaistrouverunesolution,réponditMélanieenjetantunregarddanslaruesombre.Rentrechez toi.Çairapourmoi. —D’accord.Bon,merciencore.Ons’appelleplustard,ditJenna. Mélanie la regarda tituber jusqu’à la porte d’entrée de chez elle et attendit qu’elle soit bien à l’intérieur.Ensuite,elleinspiraungrandcoup,s’assitsurlepare-chocsarrièredelavoitureetsortitson téléphoneportabledesonsac.Lejeudi,Finnl’avaitaidéeàentrertouslesnumérosdesMcGowanencas d’urgence.Quiauraitpenséqu’ilsluiseraientutilessivite? Ellefitdéfilerlesnomsdurépertoirejusqu’àEvanetpressaleboutonappel.Pendantqu’ellefaisaitle tourdelavillepourdéposerAimee,BobbyetJenna,elleavaitessayédelejoindreàtroisreprises,mais étaittombéechaquefoissursonrépondeur.Etd’ailleurs...«Salut,c'estEvan.Laissezunmessageetje vousrappellerai...peut-être.»Ricanement.Bip. Mélanie grogna et raccrocha. Elle était obligée d’appeler Finn. Il était probablement déjà rentré, observantsagementlecouvre-feu,etdevaitêtreentrainderevivrementalementsonrencardavecKayla. Àmoinsquesesparentsnesoiententraindeleharcelerdequestions... Finnréponditàlapremièresonnerie. —Mélanie? —Salut.J’aiunpetitproblème,ditMélanieenplissantlesyeuxpouressayerdedéchiffrerlepanneau delarue.JesuiscoincéesurStonyBrookRoad.J’airamenéquelquespersonnes,maismaintenantjeme retrouvesansvoiture. —EtEvan?demandaFinn. —Oh!la!la!...Jeneteracontepas... Mélanieentenditunevoixdefilledanslefond. —C’estKayla?Tuestoujoursavecelle?s’enquit-elle. —Ouais,enquelquesorte,réponditFinn. —Jesuisdésolée! —Net’inquiètepas.J’arrivetoutdesuite. —Jeneveuxpasgâchertasoirée... —Dixminutes,coupaFinn.Nebougepas. Huitminutesplustard,ilétaitlà. Mélanie se laissa tomber sur le siège passager de la Volvo de Regina et cala ses genoux contre le tableaudebord. —Lanuitaétérude? —Tun’imaginespas. —Ben...cen’estpasfini,ditFinnenlorgnantl’horlogedelavoiture. —Tucroisqu’ilsnousouiattendus?demandaMélanie. —C’étaitnotrepremièresortiedepuisledécretducouvre-feu,ditFinnenenclenchantlapremière.Ils sontprobablemententraind’enregistrernosheuresd’arrivéesurlePalmPilotdemonpère. Mélaniesoupiraetregardaparlafenêtre.EllesedemandaitsiDougétaitdéjàrentré.Lasimpleidéede levoirluidonnaenviedevomir. —Alors?Commentas-tutrouvétapremièresoiréeBaker?demandaFinnalorsqu’ilsapprochaientde lamaisonMcGowan. Lavoitured’Evanétaitdéjàgaréedansl’allée. —Trèsintéressante,réponditMélanie.Etcomments’estpassétonrendez-vousgalant? Lalumièreduporches’allumaaumomentoùFinndétachaitsaceinture.L’estomacdeMélaniesetordit. —Peut-êtredevrions-nousgardercettehistoirepourplustard,ditFinnenvoyantlevisagedesonpère apparaîtreàlafenêtre. —Ouais,approuvaMélanie,serrantlesdentsenprévisiondelasuite.Çamesembleunebonneidée. De:[email protected] À:[email protected] Objet:Lemanueldumec GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan Noten°7 Observationn°1:Lesgarçonspeuventressentirdelasouffrance. Même ceux qui semblent parfaitement heureux, sûrs d’eux et qui ont l'air de croire qu’ils dominentlemonde. Observationn°2:Quandlepénisprendlecontrôledelasituation,ilPRENDLECONTRÔLE. DougacouchéavecHailey.IlaCOUCHÉavecHAILEY .Jen’arrivemêmepasàfairelalistede touteslescontre-indicationsqu’ilsontdûignorerpourenarriverlà. Observationn°3:Onpeutcomptersurlesgarçons. Finn m'a vraiment tirée d’affaire ce soir, allant même jusqu'à écourter son rencard avec Kayla pour venir me sauver. Bon, évidemment, quand tu lis l’observation n° 2, tu vois bien qu’on ne peutpastoujours compter sur les garçons. Hum... peut-être qu'il faudrait une note de bas de page : On peut avoir confiance en eux, sauf quand ils réfléchissent avec leur pénis. Bien sûr, Finn se trouvant en charmante compagnie, on peut supposer qu’il fonctionnait en mode pénis. Euh...jem'embrouille.Hé!Tunetrouvespasquepénisestunmottrèsrigolo?Surtoutsitule répètesplusieursfois... 10 Samedi malin. Assise à la table jonchée de bols de corn-flakes sales ci de verres de jus d’orange à moitié vides, seule et a cran, Mélanie terminait sa première ration de céréales. Elle s’en servit une seconde fournée, puis, saisissant son bol, se prépara à monter dans sa chambre. Aujourd’hui, il valait sûrementmieuxresterplanquée. —Bonjour,Mélanie!chantonnaReginaenentrantdanslacuisine.Tuvasquelquepart? Mélanies’immobilisa,lesfessesdéjààmoitiédécolléesdesachaise. —Enfait,jem’apprêtaisàmonterdansmachambre. Reginaattrapalepotdecafé. —J’espèrequetunem’évitespasàcaused’hiersoir. Mélanie sentit ses joues s’empourprer en revoyant la scène. Elle et Finn assis à cette même table. L’expression déçue de John et Regina. Et ces mots : vous êtes punis - des mots qu’on n’avait encore jamais adressés à Mélanie et qu’elle n’aurait jamais pensé entendre un jour. Les McGowan avaient compris l’excuse de Mélanie : elle n’avait pas pu faire autrement que de reconduire les autres. Mais, seloneux,ilsnepouvaientcommenceràfairedesexceptions.Ducoup,FinnetMélanieseretrouvaient privésdetélé,dejeuxvidéoetdesortiespendantunesemaine.Parchance,Mélanien’étaitpasvraiment branchéetéléoujeuxvidéo.Quantauxsorties,elles’étaitdetoutefaçonjurédeleséviterdansunfutur immédiat. —Jenevousévitepas,finit-ellepasrépondre.Cesontlesautresquejefuis.J’aidesdevoirsàfaire. —D’accord,bon.Maisavantquetuyailles,jevoudraisqu’onparle. Reginas’approchadelatable,unetassedecaféfumantàlamain. Mélaniejetaunregardverslaporte-laliberté.Ellel’avaitratéedepeu. —Oui?demanda-t-elleàReginaquilafixait,pensive. —Tusais,tuétaistrèsjolie,hiersoir.Tudevraisporterduroseplussouvent. —Euh...Merci. —Voilà.Jemedisaisqueceseraitbiendepasserplusdetempsensemble,ditReginaensouriant.Rien quetouteslesdeux. —Oh,fitMélanie.D’accord,oui,biensûr,unjour... — Samedi prochain. (Mélanie cligna des yeux.) Je nous ai pris rendez-vous dans un petit spa super, danslecentre.(Reginabutunegorgéedecafé.)Ilsvontnousfairelatotale:masque,massage,manucure etpédicure.Jen’ysuisalléequ’unefois,maisjemerappellequeçam’avaitfaitunbienfou. Mélaniesentitlesmusclesdesesépaulessemettreenboule.Masques?Massages?Manucure?Illui faudraitresterassisependantdesheuresetlaisserd’illustresinconnuslatoucher.Ellestressaitdéjà. Enplus,lesamedisuivant,elleavaitentraînementtoutelajournée-c’étaitledernieravantleurmatch. L’équipeétaitcenséeéliresoncapitaine.C’étaitarchi-important. —Qu’est-cequetuendis?luidemandaRegina,pleined’appréhension. —Oh...euh... Mélaniebaissalatêteverssesonglesrongés. —Enfait,jepense... Ellejetauncoupd’œilàReginaquisouriait,débordanted’espoir.Cettefemmesejetaitpresqueàses pieds,lasuppliantdeluiaccorderunejournéeentrefilles. MélanieserappelasoudaintoutcequelesMcGowanfaisaientpourelle-toutcequ’elleleurdevait.Et ellelesavaitdéjàdéçusdeuxfois. —Jecroisqueceseraitsuper,finit-ellepardireenseforçantàsourire. LevisagedeReginas’illumina. —Fantastique!Nousallonsbiennousamuser! —Oui,renchéritMélanie.J’aihâte. —Tusais,j’aiquelquespullsrosesdansmonplacard,ditRegina.Tupeuxmelesemprunterquandtu veux. —Merci,maisçava. — Non ! Tu devrais, je t’assure ! s’exclama Regina. Et si tu les essayais ? Comme ça tu pourrais te faireuneidée. —Vraiment,je... —Oh,nesoispassipolie!J’insiste!ditReginaenselevant.Allez,viens. Résignée,MélanieselevalentementetsuivitReginadansl’escalier.Et encore un peu plus de rose, songea-t-elleensoupirant.Youpi... —Redresselatête,mec.N’aiepaspeurdelaballe.Tueslaballe. Mélanieposasonlivreetsepenchapourespionneràtraverslesstoresdesafenêtre.Danslacouren contrebas, Ian agrippait une batte de baseball, les lèvres serrées dans un effort de concentration. Quelquesmètresplusloin,Dougtenaituneballedanssongrosgantdecuir. —OK.Tuesprêt?demandacedernier. IanhochalatêteetDouglançalaballequidécrivitunarcdecercleparfaitjusqu’àlazonedefrappede Ian.Celui-cireculaetlafrappasibienqu’ellefiladroitsurlatêtedeDoug.Mélanies’étrangla. —Tuvois?ditDougquisefrottaitlecrâned’unemain.TuesunOrtizminiature. Iansourit,sanscomplexe.Mélaniesereculasursonsiège.Legarçon,entraind’apprendreàsonpetit frère comment se servir d’une batte, ne semblait pas être le genre à coucher avec la nana de son aîné. Dougdétestaitpeut-êtreMélanie,maisiladoraitsesfrères.Était-ilpossiblequeJennasesoittrompée, qu’elleaitmalvu? Mélaniefermasonordinateurets’extirpadesonfauteuil.Elleavaitbesoindebouger.Elledécidade rejoindreFinndansl’appentis,oùilétaitenfermédepuisaumoinsuneheure.Peut-êtreapprécierait-ilune petitepause. IanetDougs’immobilisèrentenlavoyantsortirdelamaison. —Salut,dit-elleenpassantdevanteux.Jolicoup. —Merci,ditIan. —Quoi?Riensurlelancer?demandaDoug. Mélanie haussa les épaules et ouvrit la porte de l’atelier en prenant son temps. Finn fixait d’un air perplexeunportraitàmoitiéachevédeKaylaBird.Ilavaitpeintunegrandepartiedescheveuxetavait commencélecou,maissamuserestaitsansvisage. —Salut,dit-elledoucement. —Salut,réponditFinnenluijetantuncoupd’œil,unpinceaucoincéentrelesdents.Tuarrivespileau bonmoment. —Pourquoi?demanda-t-elleenseglissantàl’intérieur. —Pourmacrisedenerfs,expliquaFinnavecunsourirecrispéenlaissanttombersonpinceausurle chevalet. Ilpressasespaumessursesyeuxets’assitsurunbancdejardin,contrelemur. —Jesuisnul.Est-cequetusavaisquetutetrouvaisenprésencedumecleplusnuldelaplanète? —Aïe,ditMélanie.Çan’avraimentpasl’aird’aller. Elle jeta un œil à Kayla-sans-tête. Elle était assez effrayante à regarder - quelques traits du visage dessinésaucrayon,entouréspartouscesdétails,toutescescouleurs... — Je pensais qu’après la soirée d’hier je serais inspiré et pourrais enfin terminer cette toile, mais... (Finnbalançaunemainversletableauetsoupira.)Ilnesepasserien. Ils’essuyalesmainssursonjean. —Raconte.Commentc’était?demandaMélanieengrimpantsursontabourethabituel. Finnsepenchaetappuyasescoudessursescuisses. — Je ne sais pas, j’ai eu l’impression... Je l’ai sentie un peu condescendante. Elle s’ennuyait à la soirée,d’accord.OnestdoncallésauStarbuckpourdiscuter.Apparemment,elleavoyagédanslemonde entier,etellen’apasarrêtédemedemandersij’avaisétéàtelendroit,àtelautre... —Ettun’aspasétéàtelendroit,niàtelautre... —Niailleurs,complétaFinnavecunfaiblesourire.Pasfaciledevoyagerquandonestseptgamins.Tu nepeuxpasallerbeaucoupplusloinqu’aucapCodouenFloride. —Forcément,approuvaMélanie.Bon,ettuleluiasdit? — Ouais. J’ai sorti une blague là-dessus, mais j’ai bien vu qu’elle était déçue. J’ai eu la vague impressiond’êtreunlépreuxparcequejen’avaisniskiéàVailnivulatourEiffel. —Oh,crois-moi,çanevautpastantlecoupqueça. —Tul’asvisitée?demandaFinn. —Quandj’étaispetite. —Évidemment-toiaussituesalléepartout,ditFinn.Peut-êtrequec’esttoiquidevraissortiravec elle,ajouta-t-ilensouriant. —Àvraidire,cen’estpasmontypedefille. Finnéclataderire. —Ça,c’estclairquecen’estpaslegenredenanaàjoueraufootball.Voilàbienlaseulechosedontje soissûr. Ilbaissalesyeuxetsemitàgratterunetachedepeinturesèchesurlajambedesonjean. Mélanieinspiraungrandcoup. —Écoute,Finn.J’aivécudanspleind’endroitsetj’airencontrépleindegens,ets’ilyaunechoseque j’ai apprise, c’est qu’il y a des gens qui se croiront toujours mieux que les autres, dit-elle. J’ai l’impression que Kayla en fait partie. Elle ne comprend pas que ce n’est pas parce que vous avez des expériencesdifférentesquetuaimesunechoseetelleuneautre...qu’elleestmieuxquetoi.Çafaitjuste devousdeuxpersonnesdistinctes.(Mélaniesemorditlalèvre.)Tuascomprisquelquechoseàcequeje viensdedire? —Biensûr. — Et si elle pense qu’elle vaut plus que toi, eh bien, elle se trompe, dit Mélanie. Et elle n’est pas intéressante. Mélanie fut soudain terriblement embarrassée. Elle pensait chaque mot qu’elle avait prononcé, elle savait qu’elle avait raison, mais quelque chose dans la façon dont Finn la regardait lui donna l’impressionqu’ilpouvaitlireauplusprofondd’elle-même. —Est-cequejepeuxtepeindre?luidemanda-t-ilàbrûle-pourpoint. Mélanieclignadesyeux. —Euh,jenem’attendaispasàcequetumeproposesça... Mais Finn était déjà debout et il descendait la toile de Kayla du chevalet. Soudain il se mit à tourbillonner,nettoyantsespinceaux,pressantuntubedepeinturesursapalette,chiffonnantdesserviettes enpapierqu’iljetaitversunecorbeilleplusquepleine. —Alors?Jepeux?demanda-t-il. —Euh...ben...oui,ditMélanie,troublée. Aussivraiqu’ellen’aimaitpaslerose,Mélanienevoyaitpascommentellepourraitservirdemodèle. Ellen’avaitjamaisvudefilleauvisagemangédetachesderousseur,auxépauleslargesetauxmollets musclésdanslespagesdesmagazinesdemodedeTracy.Jamais. Àprésent,Finnpréparaitlanouvelletoilesursonchevalet.Mélaniefitminedeselever. —Jepeux...? —Non!Non.Restelà,l’arrêtaFinn. Iltournalechevaletdefaçonàseretrouverfaceàelle. —C’estparfait.J’aimel’éclairageàcetendroit.Mélaniesoupira. —Ilvafalloirquejeresteassisesansbouger?demanda-t-elle.Jenesuispastrèsfortepourça! Finnfitungrandsourireetluijetauncoupd’œilrapide. —Net’inquiètepas.Onsedébrouillera. Perchéesursontabouret,MélanieobservaFinnpendantqu’ilesquissaitsestraits.Soncrayoncrissait légèrement sur la toile. Il était absorbé par sa tâche, concentré, mais c’était comme si ses bras et ses mains bougeaient selon leur propre volonté. Mélanie était complètement hypnotisée. Mlle gardait ses yeux plongés dans les siens. Sous l’intensité de ces échanges, il lui sembla que sa peau se réchauffait. Elle souleva sa queue-de-cheval pour rafraîchir sa nuque humide et la caresse île ses cheveux la fit frissonner. —Toutvabien?luidemandaFinn. Mélanierougitetdétournaimmédiatementlesyeux. —Ouais. —Parcequ’onpeutarrêtersiçaneteplaîtpas,insista-t-il. —Non,je...Toutvabien,réponditMélanie. Enfait,elleauraitpuresterassiselàtoutelajournée. —Parfait,ditFinn. UneondedechaleurparcourutlecorpsdeMélanie.Pendantuneseconde,aucundesdeuxnebougea. Descrisrompirentlesilence.Mélaniesetournaverslaporte.Leshurlementsvenaientdel’intérieurde la maison et semblaient se rapprocher. La porte de derrière finit par s’ouvrir en grinçant, puis claqua bruyamment.Ladisputeéclata,versiondolbystéréo. —Dis-moilavérité!Dis-moilavérité!hurlaitEvanenboucle. Finnlaissatombersonpinceauetseprécipitadehors,Mélaniesursestalons.DougetEvansetenaient faceàfaceaumilieudelacour.Apparemment,Ianavaitdéguerpi.Evanfixaitsonfrèreavecdesyeuxde dément.LevisagedeDougétaitcouvertdeplaquesrouges. —Raconte,mec.Raconte-moicequis’estpassé,ditEvanenpoussantDougdesdeuxmains. —Evan!criaFinn. —Tulesaisdéjà,man.Alorspourquoitut’excites?criaDougenrefaisantunpasverslui. —Parcequejeveuxt’entendreledire,répliquaEvan.Jeveuxentendremonfrèremedireenfacequ’il s’esttapémapetitecopine,voilàpourquoi. —Quoi?soufflaFinn. Laportedugarages’ouvritsurSeanquiessuyaitsesmainsgrassessurunchiffonencoreplusgras.Il adressaunregardinterrogateuràFinnquisecontentadehausserlesépaules.Mélaniesentitsonestomac seretourner.Apparemment,elleétaitlaseuleiciàsavoirdequoiils’agissait. —Allez,mec!Allez,crache! Evanpoussasonfrèrejusqu’àcequeDougtitubeenarrière. —OK!hurlaDoug. Ilpoussaàsontourletorsedesonfrèredesdeuxmains,sibienqu’Evandutfairequelquespaspour retrouversonéquilibre. —OK!C’estvrai!Jesuissortiavectanana!C’estçaquetuvoulaisentendre? EvanrugitetsejetasurDoug,leprojetantenarrièreetleplaquantausol.Mélaniepoussaunhurlement. Finn et Sean foncèrent vers la mêlée. Le temps qu’ils l’atteignent, Evan avait déjà écrasé son poing plusieurs fois sur le visage de Doug. Ses phalanges étaient ensanglantées. Le nez de Doug était sanguinolent. —Lâche-le,mec!Lâche-le!criaitSeanenessayantderetenirlesbrasd’Evan. —Jetehais,salepunk!hurlaEvanenmartelantDougcommeunpossédé.Tumerendsmalade! Enfin,SeanréussitàenserrerEvandesesdeuxbrasetàleséparerdeDoug.Evancontinuaitdedonner descoupsdepiedetdecrier.Finnaidasonpetitfrèreàserelever.Ilétaitcouvertdesang.Finnôtason tee-shirt,leroulaenbouleetlemaintintsouslenezdeDoug. —Maispourquituteprends!?continuaEvan. Dougseremitmaladroitementsursespieds,pressantletee-shirtsursonvisage. —Tun’esvraimentqu’unsalaudetunhypocrite,cracha-t-ilàEvan. —Moi,jesuisunsalaud?criaEvan.Tuascouchéavecmacopineetc’estmoilesalaud? — Tu étais dans la chambre en train d’emballer la nouvelle, petit malin ! cria Doug en désignant Mélanie.Haileys’estjetéesurmoienpleurant.Qu’est-cequetuvoulaisquejefasse? —Quoi??s’exclamèrentenchœurEvanetMélanie. —Tuavaistournélapage,frérot,ditDougenpointantsonfrèredudoigt.Alorsn’essaiepasdeme faireporterlechapeau. —Quit’aditça?demandaEvanensedégageantdel’emprisedeSeanetenmarchantdenouveauvers sonfrère.Quit’aditquejemetapaisMélanie? Dougsemblaperdreunpeudesonassurance. —Hailey.Ellem’aditquetul’avaistrompée.Quec’étaitfinientrevous. Evanfixalesol. —J’ycroispas,souffla-t-il.J'ycroispas!cria-t-il. Ilfitdemi-tour,passacommeuneflèchedevantMélanieetFinnetmontadanssavoituregaréeaubout del’allée.Lesautresrestèrentplantéslà,perplexes.Commeildémarraitentrombe,ilsentendirentles crépitementsd’unerafaledegraviersetdescoupsdeklaxonfurieux,etrestèrentimmobilesjusqu’àce quelebruitdumoteurs’évanouisse. — C’est faux, dit enfin Mélanie, submergée par le chagrin. Il ne s’est rien passé entre Evan et moi. (ElleregardaDougdroitdanslesyeux.)Haileyt’amenti. Dougrestasilencieuxunmoment,lesoufflecourt,l’airsiconfusqueMélanieleplaignitpresque. —Jene...jenesavaispas,balbutiaDoug. Pendant une fraction de seconde, Mélanie lut du regret dans son regard. Il savait qu’il avait fait une erreur.Uneerreurmonumentale.Dougfermalesyeux. —Etpuismerde,dit-il,lesmotsétouffésparletee-shirtsanguinolent. Illeurtournaledosetpartitencourantverslamaison. Finnlâchaunsoupirets’assitsurunedeschaiseslonguesdupatio,latêteballante. —Çava?luidemandaMélanie. —Jenelesavaisjamaisvuscommeça,répondit-il,décomposé. —Allez!Vousdevezbienvousdisputerdetempsentemps. —Pascommeça,insistaFinn. Mélanieavalasasaliveavecdifficulté. —C’estvrai? —IlyalesbastonsoccasionnellespourunskateboardcasséouunCDperdu,maisrienàvoiravecce quis’estpassé,expliquaFinn. —Donc,cequivientd’arriverestvraimentgrave,ditMélanie. Finnsoupira. —Exactement. Cesoir-là,Mélaniecontemplaitsesballonsdefootalignéssuruneétagèreprèsdesonlit.Ellelesavait rangés par ordre chronologique, du premier ballon que son père lui avait offert en Allemagne jusqu’à celui de la demi-finale de l’année précédente contre le lycée William Clements. Pour faire venir le sommeil,Mélanies’étaitrepassémentalementl’histoiredechaqueballonetlenomdetouteslesjoueuses deseséquipes.Ellel’avaitfaittroisfoisdesuite:clairement,celanemarchaitpas. Ellesoupiraetselaissaroulersurledos.Ellepouvaittoujoursessayerdesechangerlesidées,lefilm de la dispute continuait de passer en boucle dans son esprit. Mélanie avait déjà assisté à bien des bagarres,maisjamaisentredeuxpersonnesqu’elleconnaissait.Etjamaisentredeuxfrères. Johnétaitrestésansvoixquandilavaitapprisl’incident.IlavaitemmenéDougàl’hôpitalpourfaire vérifierl’étatdesonnez.Finalement,Dougn’avaitrien,maisilrestasombreetsilencieuxduranttoutle dîner.Evannereparutqu’unefoislanuittombée,etmontadirectementdanssachambre,sansunmotpour personne. UnbruitdanslejardinfitseredresserMélanied’uncoup.Ellemarchasurlapointedespiedsjusqu’à la fenêtre et regarda discrètement dehors. Quelqu’un marchait juste sous sa fenêtre. Elle se cacha vite derrière le rideau et tenta de distinguer quelque chose dans le mince espace laissé entre l’ourlet de dentelleetleborddelafenêtre.Unegrandepiècedetissusedéroulad’uncoupetfutdéployéesurlesol. C’étaitEvan.Ilvenaitd’étalerunsacdecouchagedansl’herbe. Mélaniesereculaets’assit,lesoufflecoupé.Ellejetaunœilverssonpropresacdecouchage,roulé dansuncoindesachambre.Sansréfléchir,elleleramassa,attrapasonoreiller,glissasespiedsdansses tongsetdescenditl’escaliersurlapointedespieds. Evanlevalesyeuxenentendantlaportes’ouvrir.Ilétaitentraindeglissersesjambesdanssonduvet. —Salut,dit-il. —Salut. Ellemarchaversluid’unpashésitant,serrantsonsacdecouchagecontresapoitrine. —J’aivu...quetuétaisdehors... — Avant on dormait en famille sous les étoiles au moins une fois, pendant l’été, expliqua Evan en attirantsonattentionverslemagnifiquecielnocturne.Jemesuisditquecedevaitêtreunedesdernières nuitschaudes. Mélanieapprouvadelatête.Ellerestaitdebout,unpeugênée,pastropsûredecequ’elledevaitfaire. —Alors,tuinstallestonduvetouquoi?demandaEvanavecunpetitsourire. Mélanie s’exécuta, déroulant son sac à un mètre du sien. Elle laissa tomber l’oreiller au niveau de l’ouvertureetseglissaàl’intérieurensetortillant,savourantlasensationducotonfraissursesjambes. Evanpliasonoreillerendeuxpoursuréleverunpeusatête,etMélaniel’imita. —JesuisalléchezHailey,cetaprès-midi,ditEvan. —Paspossible!Etqu’est-cequ’elleadit? —Rien.Jenesuisjamaisarrivéjusqu’àsaporte. —Oh. — Je ne comprends pas. Pourquoi lui a-t-elle dit que je t’avais emballée ? dit Evan. Tu penses que c’estpossiblequ’ellecroievraimentnousavoirvusfairequelquechose? Mélanierestamuetteunmoment.Evanétait-ilentraindechercherunalibiàHailey? —Je...jenesaispas,dit-elle.Elleétaitassezbourrée,mais... —Jesais,jesais,ditEvanenregardantdenouveauversleciel.Jeveuxdire...elleaditàDougque c’était fini entre nous, et je sais bien que nous n’avons jamais eu cette conversation. Elle invente des trucs,c’esttout. —Ouais.C’estunpeul’impressionqueçadonne. Dis-luiquec'estunegarce.Dis-luiqu'ilméritebienmieux,gémissaitunepetitevoixdanssatête. —Jenecomprendspas,continuaEvan.Commentpeut-onsecomporterdecettefaçonavecquelqu’un qu’onaime?Jeveuxdire:ilestclairqu’ellen’enarienàfairedemoi,non? Mélanienel’auraitpasmieuxexprimé,aussiresta-t-ellesilencieuse. —Tusaisquoi?Jeneveuxmêmeplusypenser,ditEvan.Parlonsd'autrechose. —Commequoi?demandaMélanie. —Comme...jenesaispas...Qu’est-cequetuveuxfaireaprèslelycée? —Ehbien,heu...Alleràlafac... —Tusaisoù? —Non,réponditMélanie.L’idéederesterquatreansaumêmeendroitestsibizarrepourmoiqueje n’yaimêmepasencoreréfléchi. —Çanedoitpasêtreévidentdedéménagertoutletemps. —Ons’habitue,ditMélaniesansréfléchir. — Moi, ce dont je suis sûr, c’est que je veux me tirer d’ici, déclara Evan. BC et New Hampshire essaientdemerecruterpourlehockey,maisjepenseplusàMichiganouNorthwester.Unendroitquisoit aumoinsàunejournéedevoitured’ici. —Tuneveuxpasdevisiteurs? —Là,tuvois,çanemedérangeraitpasdeneplusrevoiraucunmembredemafamille,réponditEvan. —Tunelepensespas.C’étaitjuste...unesalejournée. —Tunepeuxpascomprendre,ditEvanensetournantdenouveauverslesétoiles.Est-cequetusais combiendefoislesprofsm’ontappeléSean,ouFinn,oumêmeMiller?M.Robertsonafinipardécider de nous appeler tous McGowan, parce qu’il est trop gâteux pour se rappeler nos prénoms. C’est tout simplement impossible pour moi d’avoir une identité dans cette ville ou de sentir que je suis une personneàpartentière.Tantquejerestelà,jenesuisquel’undesfilsMcGowan. Mélanieleregarda,choquée. —Tulepensesvraiment?dit-elle. —Parfois,oui,répondit-ilenfronçantlégèrementlessourcils.Nelerépèteàpersonne. —Pasdesouci. — Je n’arrive pas à croire que je t’aie raconté ça, dit-il en se couvrant les yeux d’une main. Je ne l’avaisjamaisditàpersonne. Mélaniesentaitsoncœurprèsdedéborder.Ilnel’avaitjamaisditàpersonne,maisilleluiavaitdità elle. —Net’inquiètepas,lerassura-t-elle.Mais,pourinfo,jesuissûrequetutetrompes.Toutlemondesait parfaitementquitues. — Ouais, eh bien, pourtant, il me semble qu’Hailey vient de donner la preuve que j’ai raison, fit remarquerEvand’untonmoroseenbasculantpourluifaireface. Ilarrachaunepoignéed’herbedontillaissalesbrinss’échapperdesamainouverte. —ElleacouchéavecDoug,ajouta-t-il.Elleestcenséeêtreamoureusedemoi,etellecoucheavecmon petitfrère. Ilselaissaretombersurledosetseperditdanslacontemplationduciel. Mélanieobservasonvisagequ’éclairaitàmoitiélalumièrepâledelalune.Ilavaitl’airsiblessé,si dégoûté,sitriste...Ellemouraitd’enviedeletoucher-depressersapaumecontresajoueetdeluidire qu’Hailey était une idiote de ne pas voir qu’il était merveilleux. Il était Evan McGowan. Personne ne pouvaitleconfondreavecDougouquiquecesoitd’autre. Mélanieglissasamaindansl’herbeetretintsonsouffle.Ellemouraitd’enviedeletoucher,maisenfut incapable.Sapoitrineétaitauborddel’explosion. —Toutvabiensepasser,finit-ellepardire. Evanplongeasesyeuxdanslessiens,puislesbaissaverssamainàmoitiétendue.Ilenapprochala sienneetenroulasonindexautourdusien. —Merci.Jesuiscontentquetusoisdescendue. —Moiaussi,ditMélanie. Elles’attendaitàcequ’ilretiresamain,maisiln’enfitrien.Ils’allongeasurledosetfermalesyeux. Tout doucement, Mélanie s’étendit sur le ventre et enfonça sa joue dans son oreiller. En un instant, la respiration d’Evan se fit profonde et régulière. Il dormait à quelques pas d’elle. Il dormait et ils se touchaientencore.Mélaniesemorditlalèvreetsourit,contemplantleursdoigtsentrelacés. C’était,sansaucundoute,lameilleurenuitdesavie. De:[email protected] À:[email protected] Objet:Lemanueldumec GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan Noten°8 Observationn°1:Si!Lesgarçonssontcapablesd'exprimercequ’ilsressentent. Je crois qu’il suffit juste d’être au bon endroit au bon moment. Ou peut-être d'être la bonne personne. 11 Dimanche après-midi, Mélanie se sentait tellement légère qu’elle se balançait sur la chaise de son bureautoutensurfantsurleNet.Aprèsuneheurederecherchessurlesyndromed’Asperger,elledécida qu’ilétaittempsd’essayerdemettreenpratiquecequ’elleavaitappris.Detoutefaçon,ellen’arrivait plusàseconcentrersursesdevoirs. Mélanierefermasonportableetdescenditl’escalierensautillant.LeclanMcGowan,àl’exceptionde DougetMiller,étaitrassemblédevantunmatchYankee-RedSoxàlatélé.Tousportaientdescasquettes des Red Sox, des tee-shirts ou des maillots de l’équipe, et la table basse croulait sous des tonnes de sachetsdechipsetautrescanettesdesoda.MélanieattenditquelemanagerdesYankeesapparaisseafin deremplacersonfrappeur,pourparler. —Quelqu’unsaitoùestMiller?demanda-t-elle. Evantournalatêteetsouritenlavoyant. —Sous-sol,réponditJohndontlesyeuxrestèrentrivéssurl’écran. —Iln’apasledroitderegarderlesmatchsYankee-RedSoxavecnous,expliquaEvan.Parceque,tu comprends,paparisqueraitdeletuer. Mélaniejetauncoupd’oeilàFinn,assisàcôtéd’Evan,puisàJohn. —Hum...tun’espascenséêtrepuni?chuchota-t-elle. — Chutttt ! dit Finn en se penchant pour attraper un sachet de mini-bretzels. Mon père est tellement hypnotiséqu’ilnem’apasencoreremarqué. —Cool. —Hé,onseretrouveàl’ateliertoutàl’heure?demandaFinnenlançantunbretzeldanssabouche. —Oh,d’accord,réponditMélanieenrougissantlégèrement. —Qu’est-cequevousfaitesdansl’appentis,touslesdeux?demandaEvanenhaussantlessourcils. Mélaniedevintécarlate. —Unartisteneparlejamaisdesontravail,réponditFinn. —Ahoui?Tuesunartistemaintenant?demandaEvan.Engénéral,tupassesplutôttontempsàradoter surtanullité. Finndonnauncoupdepoingdanslebrasdesonfrère,quilefrappaàsontour.Mélanielevalesyeux auciel. —Àplustard,lesmecs. ElledescenditàlacaveoùelletrouvaMillerassissurunpouf,toutseul.Ilavaitmissontee-shirtd’A- Rod et une casquette des Yankees pour assister au match. Mélanie fut frappée par l’impression de solitudequisedégageaitdelascène. —Salut,Miller,dit-elleensautantlesdernièresmarches. Unepublicitépassait,maisilnedécollapaspourautantlesyeuxdel’écran. —LesYankeessontentraindejouer. —Oui,jesais,ditMélanie.Çat’ennuiesijeregardelematchavectoi? Unangepassa. —D’accord,ditenfinMiller. Mélanietiraunautrepoufets’assitprèsdeMiller.Uneautrepublicitéapparut.C’étaitlemoment. —Tusais,j’espéraisqu’onpourraitdiscuterunpeu,ditMélanie.J’aimeraisbienteconnaîtremieux. Milleravala. —Qu’est-cequetuveuxdire? Ilnel’avaittoujourspasregardée. —Ehbien,jevoudraissavoirplusdetrucssurtoi,ditMélanie.JesaisquetuaimeslesYankees,mais c’estàpeuprèstout.Toi,tunevoudraispasensavoirplussurmoi? —Peut-être,réponditMiller. —OK,alors,qu’est-cequit'intéresserait?demandaMélanieens’enfonçantunpeuplusdanslepouf. Millerfrottasesmainssursoucoussinenregardantverslesol.Ilfrottaitdeplusenplusvite,etson visagecommençaitàs’empourprer.L’estomacdeMélaniesenoua,maiselleseforçaàrestercalme.Les articlesqu’elleavaitlusexpliquaientquecegenrederéactionpouvaitseproduire. —Bien,jecroisquejesaiscommentfairepourquetupuissesmeposerdesquestions.Miller? Ilrestasilencieuxunmomentetsedétournatrèslégèrement. —Ouais? — Et si tu me racontais quelque chose sur les Yankees ? Ce que tu veux. Tu aimes bien parler des Yankees,non?fitMélanie. —Ouais... — Alors, dis-moi quelque chose sur eux, et tout de suite après demande-moi quelque chose sur moi, proposaMélanie.Tuveuxvoirsitupeuxyarriver? —Jepeuxyarriver. Mélaniesourit. —Parfait,alorsvas-y. Millerlaregardaunefractiondeseconde,puisseconcentradenouveausurlesol. —LesYankeesontétélespremiersàremportertroisWorldSeriesd’affilée.Pourquoitusenscomme ça? Mélanieéclataderire.Millerluijetaunregardconfuspuissemitàrireàsontour. —Jesenscomment?demandaMélanie. —Laplage,expliquaMiller.Tusenscommemamèreàlaplage. —Noixdecoco,répondit-elle.J’utiliseunshampoingàlanoixdecoco.Jen’arrivepasàcroirequetu l’aiessenti. Millersouritethochalatête. —C’esttrèsbien.Allez,onessaieencore,ditMélanie. —DerekJeteraétélepremiercapitainedesYankeesdepuisThurmanMunson,ditMiller.Est-cequetu vasrestervivreavecnouspourtoujours? Cettefois-ci,Millerlaregarda,droitdanslesyeux,pendantquelquesbonnessecondes. —Ehbien,non,ditMélanie.Maisj’espèrecetteannée,etpeut-êtrel’annéeprochaine.Pourquoi?Ça t’ennuiequejeviveici? Millerhaussalesépaulesetsetournadenouveauverslatélévisionoùlapausepubs’achevait. —Çava,dit-ilensouriant.Lematchreprend. Mélanienes’étaitjamaissentieparticulièrementparanoïaque,maisquandellearrivaaulycéelelundi matin,elleauraitjuréquetouslesregardsdetouteslesfillesétaientbraquéssursanuque.Quandellese retournait,ellelesdécouvrait,têtespenchées,entraindechuchoter. En approchant de son casier, Mélanie vérifia en vitesse qu’elle n’avait pas mis son pantalon devant derrière.Maisnon,toutétaitnormal.Peut-êtrequ’envivantaveclesgarçonsMcGowanelleavaitattrapé unesortedesyndromed’anxiété.EllesedétenditunpeuenapercevantPearletRiadevantlecasierde Pearlàquelquespasdusien. —Salut,lesfilles,ditMélanie.Comments’estpassévotreweek-end? LevisagedePearls’empourpraetelles’accroupitpourfourrerquelqueslivresdanssonsac. —Bien,dit-elle.Ils’est...bienpassé. —Àmonavis,labonnequestionest:comments’estpasséletien?demandaRia. QuelquechosedanssamanièredeparlerdonnaàMélanielachairdepoule.Àmoinsquecenesoitles regardsfurieuxqueluiadressèrentquelquesélèvesenpassantàcôtéd’elles. —OK...Qu’est-cequisepasse?demandaMélanie.J’aifaitquelquechose? —C’estàtoidenousledire,réponditRiaquilafixaitd’unairaccusateur. —Ilfautqu’onyaille,intervintPearlentirantsurlamanchedupulldeRia.Nousavonsundevoirà terminer,pasvrai? —Ouais.Àplus,ditRia. Ellesfilèrentsansdemanderleurreste.Levisagebrûlantsanstropsavoirpourquoi,Mélaniesetourna verssoncasieretcommençaàfairesoncode. —Salut,ditAimeeens’approchant. Elles’adossaaumuràcôtédesonamie,l’airfatigué.Puisellelaissaéchapperunlongsoupiretbaissa lesyeuxverslesol. —Salut,réponditMélanieenattrapantsonlivred’histoire.Jepeuxteposerunequestion? —Biensûr. —C’estmoiquidérailleoulesgenssecomportentbizarrement,aujourd’hui? — Ouais, à propos de ça..., commença Aimee. Je crois que le bruit court que toi et Evan êtes sortis ensemblevendredisoir,etquec’esttafautesiEvanetHaileyontrompu. —Quoi!?s’exclamaMélanie.Quiaracontéça? —Jen’enaiaucuneidée,réponditAimee,maisc’estcequetoutlemonderaconte. —Ehbien,etalors?Çaregardequelqu’un?demandaMélanie. —Écoute.EvanetHaileyreprésentaientunpeulecoupleidéal,ici,chuchotaAimee.Toutel’écoleles admire.Sioncroitqu’ill’atrompéeavectoi... —Maisilnel’apasfait,protestaMélaniedontlecœurbattaitlachamade.C’estellequil’atrompé. Evanetmoinesommespaslesméchants,danscettehistoire. Aimeehaussalesépaules. —Ouais,ben... —Nousnesommespassortisensemble,Aimee,insistaMélanie,unpeudésespérée. —Hé,jet’aicruevendredietjetecroistoujoursmaintenant.C’estîlel’écolequetudoist’inquiéter. —Jemefichedesautres,ditMélanieenfermantsonsacàdos.Tantquetuconnaislavérité,toutva bienpourmoi. Aimeesourit,touchée.ElleadressaàMélanieunregardcompatissant. —Ehbien,c’estlecas. —Parfait,ditMélanieenfaisantclaquerlaportedesoncasier. —C’estjusteque...Haileyn’estvraimentpaslegenredepersonnequ’ilfautavoircommeennemie, conclutAimee.Crois-moi. —Salut,Miller,ditMélanieensedécollantdumur. Devant elle défilait un fleuve d’étudiants en route vers la cafétéria. Le flot de corps s’ouvrit pour contournerMillerquiavaitpilédansl’embrasuredelaporte. —IlmesemblequelesYankeesnejouentpasaujourd’hui,hein? —Non,c’estunjourdetransit,réponditMiller. — Nous poumons peut-être déjeuner à l’intérieur, suggéra Mélanie en se mettant en route vers le réfectoire.Enplus,ondiraitqu’ilvapleuvoir. Mélanieétaitsûrequ’ilallaitrefuser.Ilétaitloind’êtreprêt.MaisMillerserralesdentsethochala tête. —Enplus,ondiraitqu’ilvapleuvoir,répéta-t-il. Etilluiemboîtalepas,lementonhaut,presqueavecunairdedéfi.Ilallajusqu’àlapremièretable, tiraunechaiseets’assit,serrantsonsacsursesgenoux.Mélanielesuivit,osantàpeineycroire.Waouh! Quelprogrès!songea-t-elleavecfierté. —Tuveuxquej’ailletecherchertondéjeuner?demanda-t-elleaprèsavoirposésonsacàdossurle siègeenfacedelui. Ildonnaitl’impressiondemalmaîtrisercequiétaitentraindesepasser. —Oui,s’ilteplaît,dit-ilenluijetantuncoupd’œil.Unhamburger,unCocasansglaçonsetuncookie auchocolat. —Parfait.Jerevienstoutdesuite.Nebougepas. Miller jeta un regard rapide à droite et à gauche, comme pour s’assurer que personne n’était assis à côté de lui. Mélanie sentait qu’il ne bougerait plus, à moins que quelqu’un n’attrape sa chaise et ne le traîneloindelà.Ellefonçadanslaqueue,vérifiantrégulièrementqueMillerallaitbien.Lesquelques nouvellesquis’asseyaientd’habitudeàlatableréquisitionnéeparMillerl’aperçurentetpunirenttrouver d’autresplaces. De retour à la table, Mélanie posa le plateau devant Miller. Il arrangea le plateau à sa façon, puis considérasonrepasetpoussaunlongsoupir. —C’estsympaàl'intérieur,non?ditMélanie. —C’estbruyant. —Pasaussibruyantquetaradioàpleinvolume. Miller sourit. D’un geste lent, il prit son sac sur ses genoux et le posa sur la chaise à sa droite, exactementcommel’avaitfaitMelanie.Puisilsaisitsonhamburgeretymordittimidement.Sonsourire s’élargit. Mélanie était en train de mâchouiller une frite, légèrement grisée par son succès, quand Evan fit son entréedanslacafétéria.Mâchoiresserrées,yeuxplissés,onauraitditunagentsecretenmission. Latabled’Haileysetrouvaitdanslarangéedumilieu,ducôtédel’entrée.Sesamiesseturentenle voyantapprocher.Danslacafétéria,ilyavaitceuxquiregardaientEvanpourvoircequiallaitsepasser etceuxquifixaientobstinémentleurdéjeunerenprétendantquecelanelesintéressaitpas.Evans’arrêta prèsdelachaised’Haileyquinelevapaslesyeux. —Jepeuxteparler?demandalejeunehomme. —Biensûr,ditHaileyenreposantsonbagelsursonassiette.Vas-y. —Dehors,ditEvan. Haileylançaunregardappuyéàsesamies,puiselleposasesmainssurlatableetrepoussasachaise. Evanfitunpasdecôtédefaçonqu’elleouvrelaroutejusqu’àlacour.Quandilspassèrentprèsdesa table,Mélaniesentitsesépaulessecontracter,maisilsn’échangèrentpasunseulregard. Tout d’un coup consciente des regards curieux braqués sur elle, Melanie fit semblant d’être captivée parsonrepas.Elleétaitcependantpersuadéequesonémotionétaitperceptibleàdeuxtablesàlaronde. Dèsquelaportesefutreferméesurlecouple,lapiècesemitàbruisserdeconversationspassionnées. ÀlatablevoisinedecelledeMélanie,desgarçonsfirentdesparissurEvanetHailey:lequelgiflerait l’autre?Millernebronchapas,occupéqu’ilétaitàengloutirsondéjeuner. Mélanies’efforçadenepasleverlesyeux,maiselleneputs’empêcherdelorgnerdiscrètementparla fenêtre. Evan gesticulait tandis qu’Hailey, plantée devant lui, gardait les bras croisés sur sa poitrine. Mélaniedutfaireuneffortphénoménalpournepassourire.Ellesavaitqu’Evanétaitentraind’expliquer àHaileyqu’ilétaitaucourantdesonmensonge.Ellesavaitque,aussitôtcetteconversationterminée,il pourraitenfinmettreleschosesauclairavecsesamisetlerestedel’école.Ellesavaitque,danspeude temps,ceseraitvraimentfinientreHaileyetEvan. Laportes’ouvritd’uncoupetHaileyseprécipitaàl’intérieur,l’airdévastée,lesyeuxhumides.Quand elleseprécipitaverslestoilettes,quelquesfillesàsatableselevèrentpourlasuivre.Lecœurbattantla chamade,MélanielevalesyeuxversEvan;elles’attendaitàcequ’illuiadresseunsignedetêteouun sourire indiquant qu’il avait lavé son nom de toutes les fausses accusations. Au lieu de ça, le jeune hommelaregardacommes’ilnelaconnaissaitpas.Mélaniefitminedeselever.Instantanément,Evanse détournaetregardadel’autrecôtédelacour. Cesoir-là,quandelleentradanssachambre,MélaniedécouvritCalebentraindesauteràquatrepattes sursonlitenmiaulant.Parterregisaituntubedemascaraneufdontils’étaitapparemmentservipourse dessiner des moustaches. Quand il la vit, Caleb se contenta de rire, mais continua de sauter. Mélanie n’étaitpasd’humeur.Haileyavaitséchél’entraînementdurantlequelpersonne,àpartAimeeetJenna,ne lui avait adressé la parole. Pour couronner le tout, elle avait joué n’importe comment. Maintenant, il fallaitqu’elleessayedeseconcentrersurtroisheuresdedevoirtoutensedemandantoùEvanpouvait bienêtreetpourquoiill’avaitrembarréeaudéjeuneretévitéetoutelajournée. —Caleb!Dehors!dit-elleenluidésignantlaporteouverte. —Miaou?fit-ilalorsquelelitrebondissaitunedernièrefoissouslui. —Dehors!hurla-t-elle. Caleb sauta du lit, s’agenouilla et frotta sa tête contre le tibia de Mélanie avant de ramper dans le couloiretdefermerlaportederrièreluiavecsa«patte».Mélanieattrapasaservietteetsonpeignoiret s’apprêtaitàallerprendreunedouchequandonfrappaàsaporte. —Ouais?demanda-t-elle. —C’estmoi,ditEvan. Mélanievérifiarapidementsonrefletdanslemiroir,lissasescheveuxenarrièreetlaissaretomberses affairesdetoilettesurlelit.Sesmainstremblaientquandelletenditlebrasverslapoignéedelaporte. —Salut,ditEvanenlafrôlantpourrentrerdanslachambre. —Salut,répondit-elle.Qu’est-cequise...? —J’aimeraissavoirpourquoitum’asmenti,dit-ilenseplantantdevantelle. —Quoi?fit-elle,interloquée. —Arrêtedefairecommesitunecomprenaispas.Jesaiscequetuasfait,Mélanie. —Euh...peut-être.Maispasmoi. —Neprendspascepetitairinnocent,continuaEvan.Jenemeferaipasavoir,cettefois. —Quelairinnocent? —Allez...JesaisquetuasditàHaileyquenousétionssortisensemble. Mélanie eut l’impression de recevoir un grand coup de batte de baseball dans le ventre. Se sentant vaciller,elles’assitaubonidesonlit. —Quoi?réussit-elleàarticuler. —Haileym’aracontécommenttuesalléelavoirpourluidirequelupensaisqu’ilvalaitmieuxqu’elle sachelavérité,expliquaEvan.As-tulamoindreidéedecequeveutdirecemot? Mélanielevalesyeuxverslui,estomaquée.Ildevaitêtreentraindeparleruneautrelangue,parceque riendecequ’ildisaitn’avaitdesens. —Evan,jenesaispasdutoutdequoituparles,articula-t-ellelentement. —C’estça,oui!cracha-t-ilenretour.Tuluiasracontéquejet’avaisembrassée,prétendantvouloir jouerl’honnêtetéetêtreréglo.Lavache!Etmoiquitetrouvaissichouette!Enfait,tuescomplètement mytho.Pourquoias-tu...? —Attends!l’interrompitMélanied’unevoixtremblante.Arrêteuneseconde,tuveux?Jen’aijamais rienfaitdetel. —Tun’asjamaisrienfaitdetel,répétaEvan,sarcastique. —Non. —Alorsquoi?Tuesentraindemedirequ’Haileymepipote,maintenant?demandaEvandontles yeuxlançaientdeséclairs. Mélaniesesentitmal:ilnelacroyaitpas. —Çayressemble,dit-elle. —Tutemoquesdemoi?criaEvan.Etcommentexpliques-tualorsqu’Haileyaitfoncécoucheravec Doug? —Jen’ensaisrien!hurlaMélanieàsontour.Maisjen’airienfait! Evanlaregarda,lesyeuxremplisdedégoûtetdeconfusion. —Jemedemandeàquoipensaientmesparentsquandilsontdécidédet’accueillir,dit-ilenfin.Entout cas,àpartird’aujourd’hui,net’aviseplusdem’approcher. LecœurdeMélaniesedéchira. —Evan...Attends... Maiscedernierfitvolte-faceetsortitdelachambreenluiclaquantlaporteaunez. De:[email protected] À:[email protected] Objet:Lemanueldumec GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan Noten°9 Observationn°1:Lesmecssontnuls. 12 Mélanielissaledevantdesontee-shirtbleumarineetpritunelongueinspirationpoursedétendre.Elle étaitrestéeéveilléelamoitiédelanuit,maisnesesentaitpasfatiguée.Apparemment,l’adrénalinefaisait sontravail.Chaquefoisqu’ellerepensaitàlafaçondontEvanl’avaitregardéelaveilleausoir,elleavait enviedevomir. Jen’aiqu’àluidirequenousavonsbesoindeparler,seditMélanie.Qu’est-cequejerisque? Maisellen’osaitmêmepasypenser:unmilliondescénarioscatastrophesétaientpossibles.Elleferma lesyeux,effondrée. Mélanieattrapasonsacàdosetsortitdanslecouloir,latêtehaute.Quandellearrivadanslacuisine, ellen’ytrouvaqueIanetCaleb,devantl’évier. —Oùsontlesautres?demanda-t-elle. —Partis. —Commentçapartis?demandaMélanie. —Partis.Àl’école,réponditplatementIan.Allez,viens,Caleb.Onvaraterlebus. CalebattrapasonsacàclosSpidermanetsortitderrièresonfrère.Mélanielessuivitjusqu’àl’entréeet passalatêtedehors.Quandellevitquel’alléeétaitdéserte,ellesesentitsoudainvideetépuisée. —OK,cen’estpasgrave,dit-elletouthautenfermantlaporte.Jeseraijusteunpetitpeuenretard. Elle se rendit dans l’appentis et tira sa bicyclette hors de la mêlée. Les roues émirent un bruit métallique:lespneusétaientàplat. Lesgarçonsluidéclaraientlaguerre. Mélaniesoupiraetlongealegaraged’unpaslourd,sedirigeantverslarue. —Finalement,jeneseraiquetrèsenretard. —Hé! Mélanies’arrêtaauboutdel’allée.Seansetenaitdeboutsousleporche,unetassefumanteàlamain.Il portaituntee-shirtnoiretunjean,etsescheveuxbrunsétaienthérisséscommeàleurhabitude.Unebarbe dequelquesjoursrecouvraitsonmentonetsesjoues. —Salut,dit-elled’untonhésitant. —Tuparsàpied? —Ondiraitbien,répondit-elle. —Tuvasêtreenretard,répliqua-t-il. —Ondiraitbien,répéta-t-elle. —Jet’emmène. —C’estvrai? Seann’était-ilpasaucourantdesamiseenquarantaine? —Vacherchertoncasque,dit-il. MélanieenfourchalamotoderrièreSean.Audébut,cefutunpeubizarrepourelled’attraperparla tailleungarçonauquelellen’avaitpresquejamaisparlé.Mais,petitàpetit,Mélaniesedétenditetprofita pleinement de la balade. Sean avait fait un boulot de pro sur sa Harley. Sans qu’il ait besoin de la pousser, Mélanie pouvait sentir et entendre la puissance du moteur. Il prit un virage à toute vitesse et Mélanies’agrippaunpeuplusfortàsaveste. —Désolé!criaSean.Pasl’habitudedespassagers. —Pasdeproblème!réponditMélanie.Qu’est-cequetuascommesuspensions? —Deuxàl’arrièreetunedevant,réponditSean. —Çasesent,ditMélanie.Tupensesquetupourrasmelamontrermieuxplustard? —Biensûr.D’accord,réponditSean. —Lemoteurestdequelleannée?97?98? —98,réponditSean.Maisilyadespiècesplusrécentes. Ilsemblaitétonné,cequinesurpritpasMélanie.Lesfillesquis’yconnaissaientenmotonecouraient paslesrues. SeangarasaHarleydevantBakerHigh.Quelquesélèvestraînaientencoredevant,ignorantcrânement l’heure,tandisqued’autrestraversaientleparkingencourantpourarriveravantlasonnerie. —Mercimillefois,ditMélanieenôtantsoncasqueetenbalançantsajambepar-dessuslamoto. —Tut’yconnaisenHarley...,ditSean. —Ouais...J’aiaidémonpèreàenrestaurerdeuxl’annéedernière,expliqualajeunefille.Iladûles vendreavantdepartirenCorée.C’estdommagecarellesétaientarchitop. —Tuconduis? —J’ailepermis,réponditMélanieenlissantsescheveux.Maisiln’estvalablequ’auTexas. Seanhochalatêteet,pourlapremièrefois,illaregardavraiment. —Jet’emmèneraifaireuneautrebalade,undecesquatre,dit-il. —Ouais?Tun’espasobligéde... —Jet’emmèneraifaireuneautrebalade,undecesquatre,répéta-t-ilavecunsourireamusé.Allez,tu feraismieuxd’yaller. Mélaniesourit. —Bon,ben,merciencore. Ellemontaquatreàquatrelesmarchesdel’école,justeaumomentoùlesélèvesquitraînaientprèsdes portesdécidaientqu’ilétaittempsderentrer. —Hé!appelaSeanendémarrantsabécane. Mélanieseretourna,soncasquependantauboutdesesdoigts. —Nelelaissepasimpressionnerparmesfrères!ditSean.Cesontdescrétins. MélaniesouritdenouveauetSeanpartitentrombe. Quand Mêla nie arriva devant les portes de la cafétéria, elle vit Miller s’écarter du mur pour la rejoindre.Surprise. —Salut,Miller,dit-elle. —Salut,répondit-ilenlasuivantdansleréfectoire.Onretournes’asseoiràl’intérieur? Mélanies’arrêtaetbalayalasalleduregard.Ria,PearletJennaétaientdéjàassisesàleurtable.Les troisfillesavaientprisbiensoind’ignorerMélanietoutelamatinée.Finnsetrouvaitàl’autreboutdela cantine,carnetdecroquisouvertdevantlui,dosàlaporte.Quelquescopinesd’Haileylaregardaientde traversdepuisleurtable.QuantàEvan,ilétaitinvisible. —CommentEvanMcGowana-t-ilpufricoteravecelle?ditunefilleàsonamieenpassantàcôtéde Mélanie. —Jepariequ’ellenes’estjamaisregardéedansunmiroir,répliqual’autre. —Allonsdehors,ditenfinMélanie.C’estunejournéemagnifique. —Ouais.C’estunejournéemagnifique,répétaMillerenhochantlatête. Ilsposèrentleursaffairesàunetableetretournèrentàl’intérieurfairelaqueue.Lesdeuxfillesdevant Mélaniediscutaientàvoixbasseetriaientbruyamment,avecostentation.Mélaniepayasondéjeuneret ressortitavecMiller. —Pourquoitutebaladesavecça?demandaMillerenapercevantsoncasque. —Oh,ilnerentraitpasdansmoncasier,expliquaMélanieensecouantsabouteilledethéglacé.(Elle s’immobilisaetregardaMiller,lesyeuxécarquillés.)Hé!Tuviensdemeposerunequestion? Millerrougitethaussalesépaulesenfixantsonplateau. —Jemesuisentraîné. —C’estvrai?demandaMélaniequirositdefierté.Miller!C’estgénial! —Qu’est-cequiestgénial? Mélanie et Miller levèrent les yeux en même temps vers Aimee qui se tenait, hésitante, près de leur tableavecsonplateau.C’étaitlapremièrefoisdelajournéequeMélanielavoyait.Sescheveuxétaient retenusenarrièrepardesbarrettesetelleportaituntee-shirtbleupâlequiaccentuaitl’éclatdesesyeux. —Oh...rien.Justeunprojetsurlequelnousavonstravaillé,réponditMélanie,quelquepeutroublée. Vuquepersonneneluiavaitparlédelajournée,elleosaitàpeinecroireenlaprésencedesonamie. —Qu’est-cequetufaislà? —C’esttellementensoleillé,ici...J’aieuenviedevoircommentc’étaitdehors,ditAimeeenregardant autourd’ellecommesielledécouvraitlacour.C’estsympa. Mélaniesentitunevaguedechaleurenvahirsapoitrine. — Alors, je peux... ? demanda Aimee en jetant un coup d’œil à Miller, extrêmement concentré sur l’arrangementdesonplateau. —Miller?ÇatedérangesiAimees’assoitavecnous?demandaMélanie. —Aimee?répétaMiller. —Ouais,c’estmonamie,expliquaMélanie. —Salut,ditAimee. —Bonjour,réponditMillersansleverlesyeux. —C’estbon,articulasilencieusementMélanieàl’intentiondesonamie. Dèsqu’Aimeesefutassise,Mélanietenditlesbraspar-dessuslatableetordonnatoutcequ’ilyavait sursonplateauparordredetaille.Aimeeconsidérauninstantlerésultat,haussalesépaulesetattrapa sonsandwich. —Alors,qu’est-cequetupensesdetanouvelleécole?demandaAimeeàMélanieavecunepointede sarcasme. —Oh,j’adore!réponditMélaniesurlemêmeton.Toutlemondeesttrèssympa! —Ehbien,entoutcas,certainsd’entrenouslesommes,ditAimee.Pasvrai,Miller? Millerneréponditpas.Iljoignitlesmainssouslatableetfixasondéjeunerqu'iln’avaitpasencore touché.AimeejetaàMélanieunregardincertain.Mélanieposasafourchetteets’éclaircitlagorge. — Hé, Miller, et si tu demandais quelque chose à Aimee? suggéra Mélanie. Tu peux utiliser le truc qu’onamisaupointl’autrejour.Tusais,aveclebaseball? Miller jeta un coup d’oeil à Mélanie. Il semblait un peu affolé, comme un lapin dans une cage dont Mélaniecogneraitlesbarreaux.MaisMélaniediscernadel’espoirderrièresonangoisse.Millervoulait tellementenêtrecapable! — Vas-y, interroge-là sur ce que tu veux, l’encouragea-t-elle. Elle est vraiment gentille, je te le promets. LedosdeMillers’étaitcourbéenunCparfait,maisilétaitarchitendu.Ilpritunelongueinspiration. — Thurman Munson, le capitaine des New York Yankees, est mort dans un crash aérien en 1979, débita-t-ilàtoutevitesse.Es-tudanslaclassedeMélanie? Aimeeeutl’airinterloquéemaisrepritrapidementcontenance. —Euh,oui,dit-elle.Noussommestouteslesdeuxenpremière. Mélaniefitungrandsourire. —LecapitainedesNewYorkYankees,Derek Jeter,agagnésonpremierGantd’oren2004.Tuaimeslebaseball?demandaMiller. AimeeritetlançaunregardinterrogateurversMélanie.Celle-cihaussauneépaule.Aimeeallaitdevoir apprendreàconnaîtreMillercommetoutlemonde.Doucement,maissûrement. —Ehbien,oui,figure-toi,réponditAimee.JesuisunefandesOaklandA’s.Jesais,c’estbizarre,mais monpèreagrandienCalifornieduNord,et... — Tu savais que Reggie Jackson, du Hall of Fame, a joué pour les Oakland A’s pendant neuf ans ? demandaMilleràAimeeenlaregardantpourlapremièrefois. —Non,jenesavaispas,ditlajeunefilleavecunsourire.Jecroisqu’onenapprendtouslesjours. Mélaniesouritàsontour. —Ouais,dit-elle.Jecroisaussi. Cesoir-là,MélaniesortitdesachambrejusteaumomentoùEvanarrivaitenhautdel’escalier.Tous deuxs’arrêtèrentnet.Pendantunefractiondeseconde,Mélaniefutpersuadéequ’Evanallaitdirequelque chose.Finalement,ilpassadevantellesansunregardetentradanssachambredontilclaquasifortla portequ’elleentrembla. Elle fit volte-face, les poings serrés, et fixa, furieuse, la porte qu’il venait de refermer. Elle mourait d’envied’ytambourineretdelafairevolerenmorceaux.Evan.Tuparlesdumecidéal... Aumêmemoment,elleentenditunbruitdehors,derrièrelamaison.Elleallajusqu’aufondducouloiret regardaparlafenêtre:laportedel’appentisserefermait. Finn. Il ne valait pas mieux que son frère. Lui aussi l’avait laissée en plan le matin. En plus, il ne l’avait mêmepasremerciéeaprèsleurcoursd’espagnolalorsqu’iln’auraitjamaisréussil’interrosurprisesans son aide. Mélanie fit demi-tour et retraversa le couloir comme un ouragan. Elle avait peut-être peur d’affronterEvan,maisFinn...Elleallaitluidirelefonddesapensée. —Vous,lesmecs,vousêtesvraimentnuls!cria-t-elleenouvrantd’unseulcouplaportedel’atelier. Finn lâcha son pinceau qui tomba sur la jambe de son jean, où il laissa une traînée orange, avant de roulersurlesol. —Pardon?dit-il. —Toi!Tuesnul!fulminaMélanie. —Onenadéjàparlé.Jesaisquejesuisnul. —Pastonart.Toi!Lesmecs!hurlaMélanie. Finnclignadesyeux. —Ben,enfait,jecroisquejesuisplutôtungarçonsympa. —Oh,allez!protestaMélanieenseplantantdevantlui.C’estquoivotreproblème?Vousêtestousnés commeça? — Mélanie, je crois que tu devrais t’asseoir, conseilla Finn en la saisissant prudemment par les épaules. Gardant les bras tendus pour la maintenir à distance, il la poussa vers le vieux banc et la força à s’asseoir. —Etmaintenant,dis-moi:cequetudisàquelquechoseàvoiravecHaileyetEvan? —Non!Avectoi!Tum’asplantéecematin!ditMélanie.Etaprès,j’aivouluprendremabicyclette, maisvousaviezcrevémespneus!C’estquoi,cettebaraque?LeFoyerMcGowanpourdélinquantstarés ? —Holà!protestaFinn.D’abord,jenet’aipas«plantée»cematin.Evanm’aditquetuvoulaisaller encoursàvélo. —Ouais,c’estça! —Jetejure! —Ehbien,jen’aijamaisditça.J’ail’impressionquetoutlemondementici. Finns’essuyalesmainssurunvieuxchiffonetcroisalesbras. —Est-cequejet’aidéjàracontédessalades? Mélanieleregarda. —Non,pasquejesache,marmonna-t-elleendétournantlesyeux. — Bon, on progresse, dit Finn en rapprochant son tabouret. Maintenant, tu voudrais bien avoir la gentillessedemeracontercequis’estvéritablementpasséàlafête,vendredisoir? —Tuplaisantes?Quelqu’uns’intéresserait-ilvraimentàmaversiondel’histoire? —Ouais,ditFinn,amusé.Moi. Mélanieinspiraungrandcoupetseredressa. — D’accord. J’ai vu Hailey et Evan se disputer et Evan partir dans la salle île billard. Un peu plus tard,encherchantlestoilettes,jel’aitrouvédanslachambred’amis,allongésurlelit.Toutcequej’ai fait,c’estm’asseoiràcôtédeluietluidemandercequisepassait.Nousétionsentraindeparlerquand Haileyadébarqué.Ennousvoyant,elleapétéunplomb.Nousluiavonscouruaprès,maiselleafiléhors delamaisonetdisparu.Ensuite,Evanestpartidesoncôtéetvoilà. —C’esttout?ditFinn. — Ouais, c’est tout, répéta Mélanie. Une heure plus tard environ, Aimee et moi étions en train de papoterquandJennaestarrivéeetnousaracontéqu’ellevenaitdevoirHaileyetDougbatifolerdansles bois.C’esttoutcequejesais. —OK.Jerécapitule.TuétaissurlelitavecEvan?demandaFinn. —Tuparlesd’unehistoire!s’exclamaMélanieenroulantdesyeux.Oui,pendantcinqsecondes,jeme suisassiseàcôtédelui. —DoncHaileyn’arienvu,continuaFinn. —Iln’yavaitrienàvoir! —Ettuneluiaspasditqu’Evanettoiétiezsortisensemble... —Biensûrquenon! —Jetecrois,conclutFinnenselevant. —Vraiment?ditMélanie,abasourdie.Tuneveuxmêmepasyréfléchir? —Réfléchiràquoi?demandaFinnenramassantsonpinceau.Tuesquelqu’undebienetd’honnête,et, apparemment, cette histoire te rend folle de rage. Evan et Hailey adorent les drames, et ce n’est pas nouveau.Voicidoncmonavisd’expert:connaissanttouteslespartiesimpliquées,j’estimequetun’es qu’unespectatriceinnocentequis’estfaithapperparl’ouraganEvan-Hailey.(Iltrempalepinceaudans l’eauetlefittourner,puisiljetauncoupd’œilmalicieuxàMélanie:)Tutrouvestoujoursquejesuisnul ? Mélaniesourit. —Plustantqueça. —Écoute,ditFinn.Evanfiniraparrevenirsurcequ’iladit. —Tucrois? —Ouais. Mélanie faisait confiance à Finn. Après tout, il connaissait Evan beaucoup mieux qu’elle. Mais elle n’arrivait toujours pas à oublier l’expression dégoûtée d’Evan quand il lui avait dit de ne plus l’approcher.Iln’avaitpaseul’aird’êtreprèsderevenirlà-dessus. —EncequiconcerneEvanetDoug,j’avouequejenesaispas,ditFinn. Mélanieinspiraprofondément. —Tusaiscequiestdingue?JecomprendspresqueDoug. —Hein? — Imagine... La fille la plus canon de l’école - une terminale - se jette sur toi en te disant qu’elle a casséavecsonpetitcopain...Etpuis,mêmesijesaisquecen’estpasunebonneexcuse,ilsétaienttous lesdeuxbourrés... Finnfronçalessourcilsenposantsonpinceaupourlefairesécher. —Tuesquoi?Ungarçon?demanda-t-il. —Non.Jerapportesimplementl’évidence,répondit-elle. — En tout cas, je veux que tu saches que je ne serais jamais parti sans toi ce matin si j’avais su la vérité,ditFinn. Toutd’uncoup,Mélanies’envoulutterriblementd’avoircruFinncapabled’unechosepareille. —Donc,demain,ont’emmèneaulycéeenvoiture,poursuivitl’adolescent. —Non,merci.Jecroisqu’ilvautmieuxquej’yailleàvélopendantunmoment. —Maistum’asditquequelqu’unt’avaitcrevélespneus... —Exact.D’ailleursilfautquejem’occupedelesréparer,ditMélanieenseremettantsursespieds. Vousavezunepompeàvéloquelquepart? —Quelquepart...,réponditFinn.Probablementdanslegarage.Jevaist’aideràlachercher. Ilsquittèrentl’atelier. —Merci,ditMélanie.Alors,unepetiteidéedel’identitédemonsaboteur? — Trop immature pour Evan, réfléchit Finn pendant que Mélanie récupérait sa bicyclette. J’aimerais pouvoirdirelamêmechosepourDoug,maissoyonsréalistes:luietIansontlesparfaitscandidats. Mélaniesoupira. —Ehbien,aumoinsjesaisquisontmesennemis. —Etquisonttesamisaussi,j’espère,ditFinn. Sonsourirelatoucha.Ellebaissalesyeux. —Merci. MélanieetFinnvenaientd’atteindrelaportedugaragequandilsentendirentunevoitures’arrêterdans un hurlement de freins, devant la maison. Mélanie appuya sa bicyclette contre le mur et ils se précipitèrentauboutdel’allée,arrivantjusteàtempspourvoirDougplongerlatêtelapremièresurla banquette arrière d’une Honda Civic customisée. Les feux de position violet fluorescent et les jantes chromées avaient probablement coûté plus cher que le véhicule lui-même. Mélanie fronça le nez. Des nuagesdefuméedecigarettes’échappaientparlesfenêtres.Lespassagershurlèrentquandlemoteurrugit et que la voiture décolla. Le conducteur prit le tournant au bout de la rue à toute vitesse, sans se préoccuperlemoinsdumondedupanneaustop,etlaHondadisparutdansuncrissementdepneus. —Voilàquin’annonceriendebon,soupiraFinn. Mélaniepensaexactementlamêmechose. —Tuessûrequetuneveuxpasquejet’accompagne,Mélanie?demandaReginalematinsuivanten rangeantsonportefeuilleetseslunettesdesoleildanssonsacàmain. MélanieétaitassiseenfacedeIanetCalebdanslacuisine.Àsadroite,Seansirotaitsoncafé,plongé dansunnouveaulivreintituléLaCitédeverre,dePaulAuster. —Non,merci,répondit-elle.J’aimebienfaireduvélo. —OK.Bon,sijamaistuchangesd’avis...(Elleconsultasamontreetajustalabridedesonsacàmain, l’airexcédée.)...Doug!Onyva!Jevaisêtreenretardautravail! —Çaimprime!Pèteuncoupetcalme-toi!hurlaDougdel’autreboutdelamaison. ReginaregardaMélanie. —J’aibienentendu«pèteuncoup»? —Ilmesemble,réponditMélanieavecunpetitsourire. — Ce garçon a de la chance de ne pas avoir grandi avec ma mère, dit Regina. À l'heure qu'il est, il n’auraitplusîledents. —Quefait-il?demandaMélanie. —Ilvérifiel’orthographedesadissertationsurLaLettreécarlatedeNathanielHawthornesurl’ordinateur de son père. Je devrais me réjouir qu’il fasse ses devoirs cette année, non ? L’an passé, j’ai été convoquéeaumoinscinqfoisparsesprofesseurspourparlerdelafaçondontildilapidaitsonpotentiel. —Vraiment?s’étonnaMélanie. —Dougestlecerveaudelafamille,intervintSeanavecuntond’unegrandeplatitude. —Iln’estpasleseul,répliquaReginaenjetantunregardappuyéàSean,toutenattrapantsesclés. Seanl’ignoraetprituneénormecuilleréedeChocapic. —Doug!hurlaRegina. —Unpeudepatience,femme,ditDougendéboulantdanslacuisine. LesrestesdesescoquardsdusàsabagarreavecEvanbrillaientdanslalumièredumatin.Ilfourrason devoirdanssonsac,passadevantsamèreetsortitsousleporcheoùMillerlesattendaitdéjà. Reginainspiraprofondément. —Seigneur,donnez-moilapatience...,marmonna-t-elleensuivantsonfils.Sean!Assure-toiqueles garçonsprennentbienleurbus! —Àplus,ditMélanieenselevantpourdéposersonboldansl’évier. —Ouais,réponditSean. Mélanie enfourcha sa bicyclette et pédala jusqu’au lycée en repensant à l’échange entre Sean et sa mère. Si Doug et Sean étaient vraiment les « cerveaux de la famille », Mélanie pouvait imaginer la frustrationdeleursparents.Dougsecontentaitd’êtreodieuxetdegribouillersursesvêtementstandisque Seanpassaittoutsontempsàjouerdelaguitareetàréparersamoto. Comme elle passait le coin du parking de l’école, Mélanie remarqua un attroupement devant le mur ouestdeBakerHigh.Ellefreinanet:quelqu’unavaittaguélebâtimentenbleuetargent.Àcettedistance, ellen’arrivaitpasàdistinguerledessinquirecouvraitpourtantpresquetoutlemur. —Qu’est-cequisepasse?demanda-t-elleàungarçonquiattachaitsonvéloàcôtéd’elle. —Vavoir,secontenta-t-ilderépondre.C’estunebombeatomique. Sceptique,Mélanieleregardafilerverslerassemblement.Elleétaitentraind’attachersonvéloquand uneombresedessinasurlesoldevantelle.C’étaitFinn.Iln’avaitpasl’airdanssonassiette. —Qu’est-ccqu’ilya?demanda-t-elleenseredressant. —Jet’avaisbienditqueçan’annonçaitriendebon. Mélaniesentitsoncœurs’arrêter.Alerterouge. —Oh,non,dit-elle. —Oh,si,répliqua-t-il. Ils grimpèrent ensemble la colline qui faisait face au mur ouest et rejoignirent la foule. Professeurs, élèves, personnel de l’administration, concierges - bouche bée, hilares ou consternés -, tout le monde s’étaitrassemblédevantlesénormeslettresbleuesetargentéesquiproclamaient:BAKER,L’HORREUR ! En dessous, on avait dessiné, avec un certain talent, un personnage de dessin animé célèbre en train d’urinersurunblazerdeBakerHigh. — Ç’aurait pu être pire, dit une fille devant Finn. Ceux qui ont commis ce truc auraient pu passer à l’actionplutôtquededessiner. QuelquespersonnesgloussèrenttandisqueMélanieetFinnéchangeaientunregardsombre.Àprésent, Mélanie savait ce qu’était parti faire Doug, la nuit précédente. Et, à moins que les étudiants et les enseignants n’aient jamais remarqué les tenues archi-déco-rées de Doug, ce qui était quasiment impossible,ilnefaudraitpasbienlongtempspourquelarumeurfasseletourdulycée. De:[email protected] À:[email protected] Objet:Lemanueldumec GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan Noten°10 Observationn°1:Lesgarçonsontdesfaçonstrèsimmaturesd’exprimerleursopinions. Genrevouslaisserenplanquandilsdevraientvousemmenerencours.Oucrevervospneus. Oufaireunénormegraffitiincluantunpersonnageentraindefairepipi. Observationn°2:Lesondeleurvoixsuffitparfoisàvousapaiser. EntoutcascelledeFinn. 13 Il y avait au moins une chose que Mélanie devait reconnaître à Doug et à ses copains : leur petite interventionartistiqueavaitdéfinitivementdétournél’attentiondesesprétenduesfrasques.Cejour-là,le graffiti fut l’unique sujet de conversation. Qui était le responsable ? Un élève d’une école rivale ? Comment avait-on pu dessiner si haut sur le mur ?... Tout le monde avait oublié jusqu’à l’existence de Mélanie. LecouloirbourdonnaitdudernierragotquandFinnetMélaniesortirentdeleurcoursd’espagnolcet après-midi-là.Aimeelesattendaitdanslecouloir. —BetsyestvenuechercherChadLinuspendantmoncoursdetrigo,enpleinmilieud’uneinterro. —Oh,non,gémitFinn. Ilsvenaientdetournerlecoinquidébouchaitdanslehallprincipal.Unpeuplusloin,unhommegrand etlarged’épaules,mâchoirecarréeetlunettessacrémentépaisses,poussaitDougversunbureau.Letype ressemblaitàFrankenstein,sanslesclous. —Quiest-ce?demandaMelanie. —DrFrank,expliquaAimee.Lesous-directeur. —Tuplaisantes,ditMélanie. —Mêmepas,confirmaFinn. Dougentradanslebureaulesyeuxcollésauplancher.Onauraitditunpetitgarçon.Unpetitgarçonqui faisaitsonpossiblepouravoirl’aird’undur,maissansyparvenir.Mélaniehésitaitentrelacompassion et une grande envie d’aller lui flanquer une gifle. Avait-il vraiment cru qu’on ne découvrirait pas les coupables? —J’yvais,ditFinnenmarchantd’unpasdécidéverslebureau. —Quoi?Pourquoi?demandaMélanie.Quepenses-tupouvoirfaire? —Jen’ensaisrien,maisc’estmonfrère,réponditFinnenhaussantlesépaules. —Jecomprends,ditMélanie.Entoutcas,çaneluiferaitsansdoutepasdemald’êtrepuni...Peut-être queçaluiremettraitunpeulesidéesenplace. Finnlaissaéchapperunprofondsoupir. —Mélanie,neleprendspasmal,maistuneconnaispastoutel’histoire,OK? —Quellehistoire?demandaMélanie. —Doug.Pourquoiilestcommeça?ditFinn.Cen’estpasaussisimplequetulepenses.Imaginece quec’estd’êtrequasimentlefrèrejumeaud’ungarçoncommeMiller,aveccinqautresgossesautour.Ce n’estpasquelqu’undemauvais,tuvois?C’estjuste... Mélanieavalasasaliveavecdifficulté. —Tonfrère. —Ouais,approuvaFinn.Jenedispasquec’estunebonneexcuse.Simplement,j’aivucequeçaaété pourlui.Cen’estpasdrôlequandleplusprochedetesfrèresreçoittoutel’attentiondesautres.Eten plus,tunepeuxpastepermettredediregrand-chose,vuqu’ilestmalade,tucomprends? MélanieetAimeeéchangèrentunregard. —D’accord,maisqu’est-cequetuvasdire?finitparluidemanderMélanie. Finnsoupiraetregardaleplafond. —Jenesaispas.Peut-êtrequeDougétaitavecmoilanuitdernière,répondit-il. —Ilsnevontjamaisgoberçavenantdetoi,luiditAimee. —Ellearaison,approuvaMélanie,lecœurbattant. Elle repensa à l’expression de Doug après la terrible bagarre avec Evan. Elle l’avait vu avec Ian et Caleb.Quelquepart,soussesairsdegangster,ilyavaitungarçonbien. —Etpeut-êtreque,moi,ilsmecroiront,ajouta-t-elle. Elletenditlamainverslapoignéedelaporte,maisFinnattrapasonbras. —Mélanie... —Réfléchis,Finn.Jen’aiaucuneraisondeleprotéger,n’est-cepas?fit-elle. Finnméditasurcetteidée. —Effectivement,tunepeuxpasleblairer.Alorspourquoifais-tuça? — Je déteste voir mes amis souffrir, dit-elle d’un ton léger. (Finn sourit et Mélanie sentit son cœur gonflercommeunsouillé.)Tuascomprisquejeparlaisdetoi,pasdelui,hein? Finnrit. —Allez,vas-y. Mélanieentradanslebureauetlaissalaporteserefermerderrièreelle.Dougétaitassissurunvieux canapé en cuir contre le mur de gauche, face à une porte fermée. Sur ses genoux, il tenait une pile de cahiersdontlescouverturesétaientrecouvertesdesesfameuxdessins.Mélaniefitclaquersalangueet attrapalapileenselaissanttomberàcôtédelui. — Tu sais, pour un soi-disant génie, tu n’es vraiment pas très malin, dit-elle en ouvrant la fermeture Éclairdesonsacàdos. —Qu’est-cequetufais?demandaDoug. —Jesauvetapeau. Ellesortitquelques-unsdesescahiersetlesposasurlesgenouxdugarçon,puisellefourralessiens danssonsac. —OùesttondevoirsurLaLettreécarlate?demanda-t-elleensuite. —Quoi?Tuplanescomplètement... —Oùest-il?insista-t-elle. Douglitunegrimace,sepenchaenavantettiralacopied’undesescahiers.Mélanieplaçalespages fraîchementimpriméessurledessusetrefermasonsac. Laportes’ouvrit.LeDrFrankfitundemi-pashorsdesonbureau. —Quiest-ce?s’enquit-ilenvoyantMélanie. —Jesuisvenueentantquetémoin,expliqualajeunefilleenselevant. —J’aipasbesoindetonaide,ditDougenselevantàsontour. Mélaniefutsoulagéedevoirqu’ilneportaitpaslejeancompromettant,maisunepairepropre,quoique déchirée. Mélaniel’ignora.ElletenditsamaindroiteauDrFrankqui,perplexe,laserra. —MélanieMeade.Jesuisarrivéedansvotreétablissementilyaunesemaine.J’aidesinformations surDougàproposdelanuitdernière. —Oh?ditleDrFrankencroisantseslongsbrassursapoitrine.Alorsentrez. Mélanie sourit au sous-directeur en passant devant lui, suivie par Doug qui, exceptionnellement, ne mouftapas.Lebureau,tristeetsombre,ressemblaitàundonjon.Lesmursavaientétépeintsengrisetle seuléclairagedelapiècevenaitdelapetitelampedebureau.Lesstoresverticauxavaientététirésau maximumetladécorationselimitaitàdeuxcadres:undiplômeduDrFranketuneaffichereprésentant descoureursdecross-countryintitulée:Discipline. —Asseyez-vous,ditleDrFrankenindiquantlesdeuxchaisesquifaisaientfaceàsatabledemétal. Doug s’effondra sur son siège. Mélanie s’assit au bord du sien, le dos droit. S’il y avait une chose qu’elle savait faire, c’était parler à des adultes stricts qui croyaient tout savoir. Après avoir grandi entouréed’officiersdel’arméedeterre,unsous-directeurd’école,c’étaitdelagnognotte. —Avantquel’und’entrevousintervienne,jetiensàvousinformerquequandnousavonsdécouvertle graffiticematin,nousavonsnaturellementsupposéquelesresponsablesdevaientêtredesétudiantsd’un établissement rival. Mais, bien sûr, avant de confier l’enquête aux autorités, nous avons tenu à nous assurerquelesresponsablesn’étaientpasdansnosmurs. MélaniehochalatêtetandisqueDougsetortillaitsursonsiège. —MonsieurMcGowan,jesaisdesourcesûrequele...personnagequiornenotremurestl’undevos favoris,ditleDrFrank.(Ils’adossaetcroisalesmainssursonestomac.)Laplupartdevosamisontdéjà admisleurimplicationdanscetactedevandalisme.Jenevoispastrèsbiencequevouspourriezdire pourledisculper,mademoiselleMeade. —Allez,mec.J’airien... — Doug et moi avons travaillé ensemble, hier soir, le coupa Mélanie, avant qu’il ne prononce une parole désastreuse. Je l’ai aidé pour sa dissertation sur La Lettre écarlate. J’ai étudié cette œuvre pendant un trimestre, l’année dernière, et je la connais sur le bout des doigts. Enfin, bref. Nous avons travailléaumoinsjusqu’àminuit,etDougétaitdéjàendormiquandj’aiquittésachambre,donc... —Ellevousaaidéàfairevotredevoir?demandaleDrFrankàDoug. —C’estcequ’elledit,réponditcedernier,provocant. Mélaniesoupira.Iln’ymettaitvraimentpasdusien. —Puis-jevoircedevoir?demandaleDrFrank. — Je l’ai là, dit Mélanie d’une voix douce. J’avais dit à Doug que je le relirais pendant mon heure d’étude. EllesortitlacopiedesonsacetlatenditauDrFrank. —Çaal’airplutôtbien,d’ailleurs,dit-elleàDoug. LeDrFranktournalentementlespages.Mélaniesavaitqu’ilnefaisaitquegagnerdutemps,avantde décidercequ’ilallaitfaire. —Commentpuis-jesavoirsivousn’essayezpasseulementdeprotégerM.McGowan?l’interrogea-til. —Moi?Leprotéger,lui?protestaMélanie.Toutd’abord,sachezquemesparentstravaillenttousles deux dans l’armée et qu’ils m’ont inculqué de ne jamais mentir aux représentants de l’autorité, dit Mélaniesérieusement.Ilsm'ontégalementtransmisdetoujoursêtreloyaleavecnuisection,maisçane leregardepas.Ensuite,jen’aiaucuneraisondeprotégerDoug.Onsedéteste. —Ça,c’estclair,ditDoug. — Si vous vous détestez tant que ça, pourquoi l’avez-vous aidé à faire son devoir ? demanda le Dr Frank,visiblementfierdesaremarque. — Eh bien, ce n’est pas facile de résister à quelqu’un qui vient vers vous avec un air suppliant et pathétique...,réponditMélanieavecunsourireindulgent. Dougrouladesyeuxavantderegarderailleurs.LeDrFranklesexaminaunlongmoment.Pourfinir,il soupiraettenditsondevoiraugarçon. — Bon, Douglas. Aucun de vos amis n’a mentionné votre implication dans l’incident. J’ai suivi mon instinct...etvotrepenchantpourledessin,dit-il.Sanspreuve,jenepeuxpasvraimentvoustenirpour responsable. —Àplus. Dansunmouvementdramatique,Dougs’extirpabruyammentdesachaiseetfitunpasverslaporte. — Mais..., l’arrêta le Dr Frank... mais je peux vous charger, vous et Mlle Meade ici présente, de l’équipedenettoyage. —Quoi?Maisellevientdevousdirequej’airienfait,protestaDoug. —Quevousn’avezrienfait,monsieurMcGowan.Croyez-moi,sivousnesouhaitezpasquej’examine d’unpeuplusprèscetteaffaire,vousferiezmieuxdeprofiterdemonélandegénérosité,déclaraleDr Frankenselevant.Composezuneéquipe.Nousnousoccuponsderéunirlematériel. —C’esttrop... —Nousseronslà,ditMélaniequiselevaetouvritlaporte.Raviedevousavoirrencontré,docteur Frank. Lesous-directeursouritpourlapremièrefois,révélantunerangéededentstrèsgrandesettrèsjaunes. —Toutleplaisirfutpourmoi,mademoiselleMeade. —Hé!Alors!Qu’est-cequis’estpassé? FinnsetenaitjustederrièrelesportesdelacafétériaquandMélanieyentraaprèsl’entretienavecleDr Frank.Dougluiavaitjetésescahiersetreprislessiens.Ensuiteilétaitparticommeunouragandansla directionopposée,sansrienluiaccorderdeplusqu’ungrognementderemerciement. —Ils’enestsorti...àpeuprès,ditMélanie. —Commentça?demandaFinn. —Ehbien,iln’apasétérenvoyé. LevisagedeFinns’éclaira. —Mélanie,c’estgénial!Mercimillefois. —Ouais,enfin,jenecroispasqueleDrFrankaitgobénotrehistoire.Ilnousanommésresponsables du nettoyage des graffitis, expliqua Mélanie. Il faut que nous formions une équipe et que nous nous retrouvionsàlafindescoursdevantlemur. —Aïe!Enfin,tevoilààl’endroitidéalpouruneséancederecrutement. Ilscontemplèrentautourd’euxlescentainesd’élèvesqui,assisdevantleurdéjeuner,n’attendaientque d’êtrecueillispourunecorvéedenettoyage. —Jesupposequejeferaisbiendem’ymettretoutdesuite. —EtDoug?demandaFinn. — Je crains qu’il ne me soit pas d’une grande utilité, répondit Mélanie en s’éloignant à reculons. Souhaite-moibonnechance. —Bonnechance,ditFinnavecunsourire. Mélaniesavaitbienquelaplupartdesgensn’avaientpasspécialementenviedeluiparler,maiselle n’avaitpaslechoix.LeDrFranknesemblaitpasdugenreàplaisanter.Elledécidadecommenceravec ses soi-disant amies, estimant que les gens qui lui avaient adressé la parole un jour étaient les plus susceptiblesdeluireparleraujourd’hui. —Salut,lesfilles,dit-elleens’approchantdelatabledeRia,lesmainsenfoncéesdanslespochesde sonjean. Silence.Jennalevauninstantlesyeuxdesasaladedefruitsetrépondit: —Salut. — Donc... ça va être comme ça, maintenant ? demanda Mélanie. Quelques rumeurs naissent et je me transformeenlépreuse? Riasoupiraetcontinuaàmanger.Pearlsemblaittrèsmalàl’aise. —Enfin,bref.Detoutefaçon,jenesuispasvenuevousparlerdeça...J’essaiederassemblerquelques personnes pour aider à nettoyer le tag cet après-midi, et j’ai pensé que vous auriez peut-être envie de venir. — Je croyais que ceux qui commettaient les délits en payaient le prix, dit Ria. À moins que tu n’en fassespartie? —Jenesuispasunevandale,réponditMélanie. —Quisaitcequetues?demandaRia. —Ria...,protestaJennad’unevoixdouce. —C’estbon,Jenna,intervintMélaniequisentitsatempératuregrimperd’uncoup.Tusaisquoi,Ria? Jen’aifaitaucunedeschosesqu’onmemetsurledos,maiscen’estmêmepasleproblème.Ilnes’agit pasdemoi.Ils’agitdeladégradationdenotreécoleetdesavoirsitoioun’importequid’autresesent suffisammentconcernéparcetteaffaire.Çanefaitqu’unesemainequejesuislà,etjenesupportedéjà pluscetag.C’estquoitonexcuse? Riabaissalesyeuxverslatableetsetassasursachaise. — Croyez ce que vous voulez à mon sujet, ajouta Mélanie. J’espère simplement vous voir tout à l’heure,lesfilles. Mélanie fit volte-face et marcha vers la table suivante. Pas question d’être affectée par l’attitude de Ria.D’unautrecôté,illuifallaitunminimumd’indignationpouraffronterlerestedesélèves. —Salut,jesuisMélanieMeade.Jerassembleuneéquipepouraiderànettoyerlegraffiti... Tandis qu’elle se lançait dans son discours, Mélanie repéra Finn qui, à l’autre bout de la salle, s’adressaitàunetabléed’élèvesauxlooksd’artistes.Quandleursregardssecroisèrent,ilséchangèrent unclind’œilcomplice. Derrière lui, elle vit que Miller et Aimee déjeunaient ensemble dehors. Ils ne se parlaient pas, mais n’avaientpasl’airmalàl’aisenonplus.Mélaniereportasonattentionsurlatabléedevantelle.Siellene sedépêchaitpas,lesbonnesondesdesesamisallaientcalmersacolèreavantqu’elleaitletempsd’en fairebonusage. Plus tard dans l’après-midi, après avoir présenté ses excuses à une Coach Léonard très contrariée, Mélaniesedirigeaversl’aileouestdel’école.Elleespéraitquequelqu’un,n’importequi,sejoindraità elle.QuelquechoseluidisaitquemêmeDougneviendraitpeut-êtrepas.Etsachantquepersonnenelui avaitvraimentprêtéattentionaudéjeuner... C’est alors que Mélanie s’arrêta, abasourdie. Finn se tenait au milieu d’une foule d’élèves, dont faisaientpartieRia,Jenna,Pearl,AimeeetDoug,ainsiqued’autresfillesdel’équipedefoot. —Salut,ditMélanieenrejoignantlegroupe. —Salut,réponditFinnavecunsourire.J’étaisjustemententraindemontreràtoutlemondecomment seservirdecetruc. Ildésignaitàsespiedsunbidonouvertremplid’unliquidevisqueux.Ilyavaitégalementdesboîtes pleinesdelunettesprotectrices,degantsenplastiqueetdespatules.Cinqéchellesavaientétéalignées contrelemur. —Quit’anomméresponsable?demandaMélanie. —Ehbien,Steve,lechefduserviced’entretien,réponditFinnensefrottantlesmains.Ilnevoulaitpas t’attendre,alorsilm’atoutexpliqué.J’aicrucomprendrequ’ilétaitpresséparcequ’ilavaitunesoirée bowling... —D’accord.Bon,raconte,ditMélanie. —Ilfautétalercetteespècedecataplasmecensédissoudrelapeinture,expliquaFinnens’agenouillant pourenfilerdesgantsenplastique.Leproblème,c’estqueçapueetqu’onnedoitsurtoutpass’enmettre surnous. —Génial.Çan’apasdutoutl’aircraignos,fitremarquerMélanied’unionironique.Alors,autravail. Tout le monde se rassembla autour du matériel de protection et commença à s’équiper. Mélanie se retrouvaàcôtédeRiaetluitenditunepairedegants. —Merci,ditRia. —Derien,réponditMélanie. — Écoute, je voulais te dire que je trouve ça assez cool de ta part de t’être occupée de rassembler l’équipe,continuaRiaenattrapantquelquesmasquesenplastique.Jeveuxdire,vuquetuesnouvelle, toutça... —Ouais,bof!fitMélanie.Enfait,jen’étaispasspécialementvolontaire,maisilmesemblequec’est importantd’ôtercetruc. —Çal’est,approuvaRia. Elle gardait les yeux baissés et tripotait la lanière de ses lunettes de protection. Mélanie sourit. Cet accèsd’humilitédétonnaitcomplètementchezRia,cequilarendaittouchante. — Et... hum... je suis désolée pour ces derniers jours. J’ai été vache. En plus, je ne sais même pas commentj’aipucroireHailey. —Jecomprends,ditMélanieenriant.Cettefilleestflippante. Riaritàsontour. —Ouais,niaispasaussiflippantequemoi. —C’estpasfaux,répliquaMélanie.Allez,auboulot!Onaintérêtàterminerfissasionveutéviterde sefairetuerparCoachLéonard. Mélaniesemitàl’ouvrageetellesentitrapidementqu’ellecommençaitàsedétendre.Toutlemonde bavardait-sansqu’ilsoitjamaisquestiond’elle,d’Evanoud’Hailey.Aveclesoleildansleurdosetles crisparvenantdesdiversterrainsdesportalentour,Mélaniesesentitenpaix. Ellevenaitjusted’effacerleblazerquandelleaperçutAimeequimélangeaitleproduit. —Alors...?Jet’aivuetoutàl’heureavecMiller,dehors,luidit-elle.Vousavezdiscuté? Aimeerougit. —Pastoutàfait.J’aimebienêtreaveclui,c’esttout. —Ouais,c’estjustementparcequ’ilparlepas,intervintDougenprojetantunpeuduliquidevisqueux surlemur.Tucrèveraisd’ennuis’ill’ouvrait. — Oublie-le, conseilla Mélanie à Aimee en essayant d’ignorer sa propre rage. Il en veut au monde entier. —Oh,parcequemaintenanttucroisquetumeconnais?ditDoug. —Ouais,parfaitement,luirenvoyaMélanie.Tuesintelligent,drôle,doué,ettuasunefamillegéniale, maistoutcequetufaisc’estjouerlavictime.C’estfranchementsoûlant. Waouh.D’oùçasort,ça?sedemandaMélanie.Elleavaitcommencéàextériorisersapensée,etrien nepouvaitplusl’arrêter. LeteintdeDougviraitauviolet. —Tuferaismieuxdelafermer,salepétasse,parcequet’asaucuneidéedecequetuviensdedire. —Hé!criaFinn.Commenttuviensdel’appeler? —Tum’astrèsbienentendu,ditDoug,levisagedéforméparlacolère. —Excuse-toi,Doug,ditFinn. —Ouais,comptelà-dessus,répondit-ild’untonmoqueur. — C’est quoi ton problème, mec ? demanda Finn. Tu sais, Mélanie t’a sauvé la vie, aujourd’hui. Tu auraispuêtresuspendu...encoreunefois.Tuauraismêmeputefairevirer.Tudevraislaremercier! Mélanie croisa les bras sur sa poitrine et attendit en regardant Doug. Une envie de sourire lui chatouillaitleslèvres,maiselleessayadelaréprimer.FinnetDougs’affrontaientduregardtandisque toutlemondeautourd’euxattendaitlasuite.Enfin,Dougfutlepremieràdétournerlesyeux,qu’ilplanta surMélanie. —Mercibeaucoup,dit-il,sarcastique. Puisilretirad’uncoupsecsesgantsenplastique,lesbalançaauxpiedsdelajeunefilleetpartit,hors delui. Finnsuivitsonfrèreduregardetsoupira. —Voussavezquoi?Mesparentsauraientdûs’arrêterdeprocréeraprèsmoi. Toutlemondeéclataderireetseremitautravail.MélanieadressaàFinnunsouriredegratitude. —C’étaitvraimentchouettedetapartdel’aider,ditlejeunehomme.Surtoutaprèslafaçondontilt’a traitée. — Eh bien, quelqu’un m’a dit deux-trois choses qui m’ont fait reconsidérer ma position, expliqua Mélanie.Cependant,jepensetoujoursqu’ilauraitbesoind’unboncoupdepiedauxfesses. —Jecroisquetuviensjustedeleluidonner,commentaFinn.Àmonavis,ilnes’attendaitpasàceque tuluidisesqu’ilestintelligent,drôleetdoué. —Jen’aifaitqu’exprimercequejepensais. De:[email protected] À:[email protected] Objet:Lemanueldumec GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan Noten°11 Observationn°1:Lesgarçonssontvulnérables. Mêmelescrétinsirrécupérables. Observationn°2:Lesgarçonsnevoientpasquandilesttempsdefaireunetrêve. Surtoutlescrétinsirrécupérables. 14 Vendredi, à l’heure du déjeuner, Mélanie et Miller s’approchèrent de la table d’Aimee qu’ils occupaient officiellement depuis la séance de nettoyage. Ils avaient fait l’essai le mercredi. Mélanie n’avait aucune idée de la façon dont réagirait Miller au fait de s’asseoir avec plus de deux nouvelles personnes pour la première fois de sa vie. Finalement, il s’était contenté de manger en silence, et tout s’étaittrèsbienpassé.Àprésent,Aimee,Ria,PearletJennaattendaientMélanieetMiller,leursrepas déjàdevantelles.Mélanievoyaitbienqu’ellesmijotaientquelquechoseàlafaçondontellesrestaient assisesbiendroites,ensilence,mainsjointes,etenseforçantànepassourire. —Qu’est-cequ’ilya?demandaMélanie. LevisagedeMillers’illuminaetMélaniecompritenfin.Lesplateauxdesesamiesavaientétérangés« àlaMiller»,parordredetaille,degaucheàdroite. Salut,Miller,ditgaimentAimeequandils’installaàcôtéd’elle,enfacedeMélanie. —Bonjour,Aimee,ditMillerquirougitencommençantàorganisersonplateau. —Cetteplaceestlibre? MélanielevalesyeuxetdécouvritFinnquiseglissaitprèsdeMiller.Ilportaituntee-shirtbleuclair quidonnaitàsesyeuxunecouleursurnaturelle.Ilsétaientmagnifiques. —Salut,ditMélanie. —Salut. Son sourire lui fit penser à l’autre soir, derrière la maison, quand il l’avait accompagnée jusqu’au garage.Mélanienesavaitpastrèsbienpourquoicemomentprécisluirevenaitàl’esprit,maisellesentit soncœurfaireunbond.Hum...intéressant. —Ladies,ditFinnenhochantlatêteàl’intentiondurestedelatablée. —Gentleman,taquinaRia. —Qu’est-cequit’arrive,Miller?demandaFinn. —Çanevapas,ditMillerenlouchantsurleplateaudeFinn. —Oh,désolé,s’excusaFinnquiarrangearapidementsondéjeuner.C’estmieux? —Ouais.C’estAimee,réponditMillerendésignantAimeedupouce.C’estmanouvelleamie. Aimeefutsisurprisequesabouchepritlaformed’unCheerios. —Jenesavaispasquetuavaisunenouvelleamie,Miller.C’estgénial,lefélicitasonfrère. —Mélanieestmanouvelleamieaussi,ditMiller. FinnregardaMélanie,lesyeuxpétillantsdemalice. —Ouais,jesais.C’estassezclair. Mélanieplongealenezdanssasalade.Elleavaitsoudainl’impressionquetoussesamislafixaientet elle ne releva les yeux qu’une fois qu’ils eurent commencé à manger. Ria lui lança un regard impressionné. —Quoi?articulasilencieusementMélanieenfronçantlessourcils. Ria grimaça. Après moult coups d’œil insistants, elle fit comprendre à Mélanie que, selon elle, Finn étaitvenus’asseoiravecellesparcequeMélanieluiplaisait. Celle-cisecoualatêteavecforceetseplongeadenouveaudanslacontemplationdesonplateaupour empêcherRiadepoursuivresesgrimacesetsesinsinuations.Retenantsonsouffle,ellejetaunœilvers Finnquisedétournaentoutehâte.Ilétaitentraindelaregarder. Mélaniesentitsoncœurs’emballer.Ellepritunelonguegorgéedesodapourfairediversion.Riaétait complètement folle. Elle ne pouvait pas plaire à Finn, puisqu’il aimait les filles comme Kayla Bird. Mêmesiçan’avaitpasmarchéavecelle,Kaylaétaitlegenredefillequ’ilaimait,etellen’avaitrienà voiravecMélanie.Non.Décidément,Riasetrompait. Cetaprès-midi-là,aprèssadouche,Mélaniedécidad’alleràl’appentis.Passerunpeudetempsavec Finnseraitlameilleurefaçonderedescendresurterreaprèsavoirpenséàluiloinl’après-midi.Depuis les insinuations de Ria - qu’elle avait ensuite clairement formulées pendant l’entraînement -, Mélanie étaitobsédée.Est-cequ’elleluiplaisait?Est-cequ’illuiplaisait?Ets’illuiplaisait?Oùétaitlavérité ? Austadedubrossagedecheveux,ellesetrouvaitàdeuxdoigtsdelafolie.Toutçaàcaused’unepetite grainequeRiaavaitdéposéedanssatête.Laveille,ellen’avaitpasdutoutpenséàFinn.Enfin...pas vraiment.Ilsétaientamis.EtFinnnevoyaitriendeplusenelle. Résolueàtuerdansl’œufcetteobsessionavantqu’ellenedevienneincontrôlable,Mélanietressases cheveux mouillés et sortit derrière la maison. D’un coup, toute sa détermination s’envola. Debout au milieu de la cour, en pleine conversation, se trouvaient les deux derniers individus que Mélanie avait enviedevoiràcetinstant:EvanetHailey. Commentcesdeux-làpouvaient-ilsêtreentraindediscuter?CommentEvanavait-ilpupardonnerà Hailey d’avoir couché avec Doug, mais pas le prétendu mensonge de Mélanie ? Le couple l’accueillit aveclamêmeexpressionglaciale. —Jerentre,ditHaileyens’écartantd’Evan. Mélanie la suivit des yeux tandis qu’elle passait devant elle en l’ignorant. Evan emboîta le pas à sa merveilleuseamoureuse,fusillantMélanieduregard.IlyavaittantdedégoûtdanssesyeuxqueMélanie sentitsesintestinssetordre.C’enétaittrop.Ellenesupporteraitpasçapluslongtemps. — Impossible de me regarder en face, hein, Hailey ? dit Mélanie en se retournant. Cela dit, ça ne m’étonnepas,avectoustesmensonges... Haileys’arrêtaàlaporte,maisEvanfitvolte-face,horsdelui. —Pourquoituneluifichespaslapaix?dit-il. —Toi,tuesdixfoispirequ’elle,tusaisça?ditMélanie.Aumoins,elle,elleavaitunebonneraison d’agircommeellel’afait.Maistoi,jenet’aijamaismenti,etpourtanttuasdécidédenepasmecroire. C’esttellementplussimpled’êtreaveugle... —Oh,n’importequoi!s’exclamaHailey. — C’est ça, ton argument ? « Oh, n’importe quoi » ? dit Mélanie en se tournant vers Hailey. Tu vas resterlàetfairecommesinousnesavionspas,toietmoi,cequis’estvraimentpassé? Haileylafixaavecfureuravantdebaisserlesyeux. —Demande-lui,ditMélanieàEvan.Demande-luimaintenantsijesuisjamaisalléelatrouverpendant lafêtepourluidirequetoietmoiétionssortisensemble.Vas-y.Jeveuxvoirquelgenredesalementeuse elleest. EvanregardaMélanieunlongmoment,serrantetdesserrantlesmâchoires. —Jen’arrivepasàcroirequej’aiepugâcherneserait-cequ’unesecondedemavieàpenseràtoi. Mélanie poussa Hailey pour rentrer dans la maison et remonta dans sa chambre. Sa frustration la dévorait.Plutôtquedesetaperlatêtecontrelesmurs,elleattrapasontéléphoneetcomposalenuméro deTracy-laseulepersonnesurTerreàquiellepouvaitparlerdecettehistoire. —Mélanie?réponditTracyendécrochant,surprise. —Tracy,devinequoi!Ceprogrammed’immersionchezlesmecsestvraimentefficace,ditMélanieen faisantlescentpasdanssachambre. Elles’arrêtaetregardaparlafenêtre.Evanétaitàprésentassisdanslehamac,latêteentrelesmains. —Ettusaiscequej’aiappris?ajouta-t-elle. —Oh-oh.Non,quoi?demandaTracy. —Quelesgarçonsnevalentvraimentpaslecoup. Détends-toi,Mélanie.Détends-toi. Lemon, la « technicienne de peau » personnelle de Mélanie, lui étala une nouvelle couche de crème visqueuseetpuantesurlevisage,puiselles’appliquaàlafairepénétrerenmassant.Lamixturesemblait pleine de petits éclats de verre. Ou de gravillons. Quoi que ce soit, cela ne stimulait pas seulement l’épidermedeMélanie:sesnerfsaussiétaientmisàrudeépreuve. Commentcetraitementétait-ilsupposévousdétendre?DepuissaconfrontationdelaveilleavecEvan etHailey,Mélanienerêvaitqued’unechose:deuxheuresd’exercicephysiqueintensepourchassertoute la tension de son corps. Et voilà que non seulement on la forçait à rester tranquille, mais en plus quelqu’uns’appliquaitàluiarracherlapeau. —Relax,Mélanie.Tueslàpourtelaisseraller,ditLemond’unevoixflûtéeenfaisantremonterses mainsverssestempes. LescheveuxhirsutesdeLemonétaientàpeuprèsdelamêmecouleurquelefruitdontelleportaitle nom,etelleavaitunbrillantrougedanslenezquiscintillaitchaquefoisqu’ellebougeaitlatête. —Qu’est-cequivousfaitcroirequejenemelaissepasaller? —Ehbien,pourcommencer,tespiedsn’ontpasarrêtédegigoterdepuisquetut’esassise,répondit Lemon avec un sourire éblouissant. Ensuite, tu n’as pas réussi à garder les yeux fermés plus de trois secondesd’affilée. —Etalors?Peut-êtrequec’estmafaçond’êtredétendue. —Oh,monchou.J’espèrequenon,commentaLemonavecunfroncementdesourcilscompatissant. EllebaissalesyeuxversunepartieducorpsdeMélanie,maiscelle-ci,latêterenverséeenarrière,ne putsuivresonregard. —Quoi?demandasèchementMélanie. —Détendstesmains,monchou,ditLemon. Mélanie relâcha ses poings qu’elle avait serrés sans même s’en rendre compte. Au moment où elle desserralesdoigts,elleressentitunedouleurfulgurantedanssespaumes.Enlesobservant,Mélanievit quesesonglesyavaientlaissédeprofondesmarquesrougesendemi-lunes. Unesymphoniedeclochesdevachepassaitenboucle.Mélanieessayadeseconcentrersurlamélodie. Peut-êtrequ’ainsiletempspasseraitplusvite. — Maintenant, inspire par le nez et expire par la bouche, dit Lemon en élevant et en abaissant ses mains.Inspireparlenez,expireparlabouche. Mélanieobéit.Inspiration,expiration.Inspiration,expiration. —Doucement,monchou.Doucement,intervintLemon.Tun’espasentraindecourirunmarathon. Ooooh...Courirunmarathon.Voilàquimedétendrait,seditMélanie. Elleimaginasespiedsrebondissantsurlapistedeterrebattue,sescheveuxrejetésenarrièreparla vitesse, la brûlure dans ses poumons augmentant au fur et à mesure qu’elle accélérait toujours plus. Mélanie imagina Hailey et Evan courant devant elle. Elle se vit les doubler. L’air choqué d’Hailey. L’admiration d’Evan comprenant enfin que Mélanie était bien meilleure qu’Hailey... Evan abandonnait HaileypouressayerderattraperMélanie,maiscelle-cifilaitcommelevent,lelaissantloinderrièredans unnuagedepoussière. —Tuvois?Tusouris,ditLemon. —Ouais.Onafini?demandaMélanie. Cen’étaitpasenrestantvautréedansunfauteuillevisagetartinédecrèmegluantequ’elleallaitréussir àselibérerdesesdémons-EvanetHailey.Ilfallaitqu’elleailleàsonentraînementdefootetqu’elle utiliseunpeudecetteénergie.Enfait,ilfallaitqu’ellesorted’ici,point. —Ehbien,jesuiscenséetelaissercemasqueencoretroisminutes,maissitutesensrégénérée,mon boulotestfait,ditLemon.Tutesensrégénérée? —Vousn’avezpasidée,réponditMélanie. —Alors,rinçons,déclaraLemonjoyeusement. Enfin,songeaMélanie.Enfincetteabominableséanceestterminée. LemonrinçalevisagedeMélanieàl’eautièdeetluitendituneserviettedouceetmoelleuse.Mélanie n’avaitjamaisriensentid’aussiagréablecontresapeau.Peut-êtreétait-elleunpeurégénérée,aprèstout. Àmoinsquecenesoitlaperspectivedequittercetendroitquiluidonnaitdesfrissons. — Merci, dit Mélanie ù la jeune femme en sortant du box « Soins du visage ». En rejoignant les vestiaires où Regina et elle avaient troqué leurs vêtements contre des peignoirs de l’institut, elle put presquediscernerlescramponssoussespiedsfraîchementpédicurés.L'entraînementdureraitencoreune heureetdemie,cequiluidonneraitlargementletempsdedéchargersonagressivité. Reginal’accueillitavecunsourireradieux. —Coucou!Tuesprêtepourlemassage? L’enthousiasmedeMélanieretombad’uncoup. —Lequoi? —Lemassage!répétaReginaenselevant.Latouchefinaledenotrejournéedespa.Jenousairéservé unecabinepourtouteslesdeux. Mélaniesentitdeslarmesluipicoterlesyeux.Elleavaitétésiprèsdelaliberté. —MélanieetRegina? Un homme grand et musclé venait d’apparaître dans l’embrasure de la porte. Avec sa coiffure, il semblaitsortird’unesériedesannées1970etsonvisagefinementdessinéfaisaitpenserauxcouvertures desromansàl’eauderose. — Ici ! dit Regina. Ça va être délicieux, chuchota-t-elle à Mélanie tandis qu’elles suivaient le géant dans le couloir. Je parie que, après tous ces entraînements de foot, ça ne te fera pas de mal d’être frictionnée. Mélanieavalasasaliveavecdifficultétandisquel’hommelesfaisaitentrerdansunepetitepièce.Un autre type les rejoignit bientôt, même gabarit, mais afro-américain et carrément canon. Mélanie était debout,tétanisée,etfixaitlesdeuxtablesrecouvertesdedrapsblancs. Dites-moi que ce ne sont pas ces mecs qui vont nous... frictionner, pria Mélanie au bord de la panique. Lepremierfitlesprésentations. —JesuisCorey,etvoiciBen.C’estnousquivousmasseronsaujourd’hui. Lachaleurdanslapiècesefitétouffante.Pourtant,Mélaniesesurpritàserrerlecoldesonpeignoir tandisquesavuesebrouillait. —Est-cequevousavezdespointsdouloureuxànoussignaler?demandaBen. EllerêvaitouBenluifaisaitvaguementdel’œil? —Despointsdouloureux?couina-t-elle. —Voussavez,desnœudsoudesélancements.N’importequelendroitducorpsquiauraitbesoind’une attentionparticulière,expliquaBen. —Oh...non,réponditMélanie. —Toutvabien,ditRegina. —OK.Nousallonsvouslaisservousdéshabilleret... —Dé...quoi?lâchaMélanie. —...Déshabiller,complétaCorey. — Vous voulez dire enlever mes vêtements ? Devant vous ? s’exclama Mélanie en se cramponnant encoreplusfortaucoldesonpeignoiretenreculantdequelquespas. —Non:noussortironsdelapiècequelquesinstants,expliqualentementlemasseur. —Etquandvousreviendrez,jeserainue... —Vouspouvezgardervotreculotteetvotresoutien-gorge,siçavousmetplusàl’aise.Commevous voulez. —Maculotteetmonsoutien-gorge?Vousvousmoquezdemoi!gémitMélanie. —Mélanie,relax,intervintRegina. —Jesuisrelax!réponditMélanie. Dosaumur,elleglissajusqu’àlaporte,serranttoujourslespansdesonpeignoir. — Enfin, je le serais si j’étais à mon entraînement de foot ! C’est comme ça que je me détends : en courant,entranspirant,endonnantdescoupsdepieddansunballon.Pasenmedéshabillantpourquedes inconnusmefrictionnent! —Mélanie,je... —Non,Regina,jesuisdésolée,maisjenepeuxpasrester,poursuivitMélanie.Jesaisquec’estainsi que vous concevez un bon moment, et que vous avez très envie que je sois... la fille que vous n’avez jamaiseueouuntrucdanslegenre,maisjenememaquillepas,jedétesteleroseetlessoinsduvisage... euh... en fait, si, j’aime bien les soins du visage, mais pour vous dire la vérité, cette séance est un cauchemar.Ilfautquej’yaille. Puis elle rentra la tête dans ses épaules et s’enfuit aussi vite que ses orteils brillants et polis le lui permirent. Kicker5525:SOS! TooDamn-Funky:oùes-tu? Kicker5525:dslebus.pasttàfaitsûrekecesoitlebon.GfuiCancemassageavecR. TooDamn-Funky:Lt’aemmenéetefRmaC?mstuDtesteskedeslconnustetouchent! Kicker5525:JEC! TooDamn-Funky:pqtuneluiasPASDIT? Kicker5525:jecroiskejeviensdelefR.jecroiskettlespaestocourant. TooDamn-Funky:wouah.kantuXploses,tuXploses... Kicker5525:jecommenceàm’enrendrecompte. TooDamn-Funky:etmaintenant? Kicker5525:entraînementdefoot.ensuitesûrementpunie,encore. TooDamn-Funky:t’envoiebonnesondes. Kicker5525:merci,(smileytriste.)jet’M! TooDamn-Funky:moiOssi,mazarbiechérie. 15 Ellevametuer.Ellevam’assassiner... Biensûr,Reginan’avaitpasl’aird’unetueuse.Etpuis,sielleavaitdestendancesàlaviolence,elle auraitindubitablementdéjàblesséquelqu’undepuisletempsqu’ellecohabitaitavechuitreprésentantsde la gent masculine. Pourtant, Mélanie ne pouvait empêcher ce refrain de tourner dans sa tête, ni oublier l’expressiondeReginaquandelleluiavaitannoncéqu’ellepartait.Cemélangededéception,dechocet d’inquiétude-commesiellecommençaitàsedemandersielleetsonmarin’avaientpasaccueilliune psychopathe. —Meade!Qu’est-cequetufaislà?demandaCoachLéonardquandMélanielaissatombersonsacde gymaupieddesgradins.Jecroyaisquetuavaisuntrucdefamille. —Ças’estfinitôt,expliquaMélanie,légèrementessouffléed’avoirsprintédepuisleparkingàvélos. — Eh bien, c’est super, dit la coach. (Elle leva son sifflet et souffla.) Vargas ! Tu laisses ta place à Meade! Tina Vargas quitta le terrain en trottinant et fit un signe de tête à Mélanie quand elles se croisèrent. Celle-cifutlégèrementsurprisedecegestedelapartd’unemembreducampd’Hailey,maisellel’oublia vite.Toutcequil’intéressaitàcetinstant,c’étaitleballon.Illuifallaitleballon. —Tuaspuvenir,finalement!s’exclamaAimeetandisqu’ellessemenaientenlignepourlaremiseen jeu.Ettuesresplendissante! —Ouais...vivelesprotéinesdeconcombre,grognaMélanie. La balle vola. Mélanie bondit devant Vithya, arrêtant le ballon sur sa poitrine. Elle commença à remonter du terrain, évitant Jessica Peraita qui trébucha en essayant de changer de direction. Ensuite, commedeuxdéfenseuseslachargeaient,ellefitunepasseàRia,contournalesdeuxfillesetsprinta.Elle étaitseuledevantlacagedesbutsquandRialuifitunepasse.Mélanieregardaverslagauche,feintant Deena,lagardienne,puisenvoyalaballedanslecoindedroite.Deenamorditlapoussièretandisquele ballons’enfonçaitdanslefilet.L’équipedeMélaniefonçapourlarejoindre. —C’étaitdément!s’exclamaAimee. —Qu’est-cequetufaisais,cematin?Tumangeaisdulion?demandaRia. Mélaniesouritsansrépondre.EllerejoignitlalignemédianeencourantetfitfaceàHailey,plusque prêteàrecommencer.CommeMélanies’yattendait,elleavaitbeaufixerHailey,celle-cirefusaitdela regarderdanslesyeux. —OK,mesdemoiselles.J’aimeraisbienvoirunpeudedéfense!hurlaCoachLéonard. Pearl arriva en courant pour déposer le ballon entre les deux joueuses. Au moment où elle leva le ballon, elle adressa à Mélanie un sourire discret. Mélanie s’éclaircit la gorge et essaya de garder un visageimpassible.Maiscommec’étaitbond’avoirretrouvésesamies! LaballetombaetHaileyl’intercepta.Elleremontaleterrainendribblant,Mélaniesursestalons.Son sangbattaitaussifortquesielleavaitbudouzelitresdecafé.Ellen’allaitpaslaisserHaileyarriveraux buts.C’étaithorsdequestion. Hailey se prépara à faire une passe et Mélanie glissa sur le sol, lançant sa jambe droite au moment précisoùHaileyreculaitsonpiedpourfrapper.LescramponsdeMélaniearrivèrentlespremierssurle ballonquipartitdansl’autresens,directementsurLisaBronson,ladéfenseusedeMélanie.Lisaeutl’air presque aussi surprise qu’Hailey, mais elle se reprit en vitesse et ramena la balle. Mélanie bondit et retraversaleterrainencourant,savourantlabrûluredanssespoumonsetsagorge.Pourlapremièrefois depuissaconfrontationavecHaileyetEvan,ellesesentaitmerveilleusementbien. LisafitunepasseàAimeequifutdansl’instantassaillieparKathyCash. —Centre!hurlaMelanie.Centre! Aimeedégagealaballepar-dessuslatêtedeKathy,exécutantunepasseparfaitequienvoyaleballon pileaupieddeMélanie.Ducoindel’œil,elleputvoirHaileyfoncersurelle.Mélaniedribblaversles buts,sepréparantpourl’impact.Haileylapercutaviolemment,essayantdelafairetomberpourluivoler leballon.Mélaniegrogna,poussaetlutta.Lamaind’Haileyétaitcolléeàsonvisage,soncoudeenfoncé danssonventre.Mélaniefermalesyeuxunefractiondesecondepourseprotégerdesdoigtsdelablonde, shootadansleballon,sedégagead’uncoupdehancheetrouvritlesyeux.Leballonavaitfiléquelques mètresplusloin. Ria et Jessica couraient vers lui, mais Mélanie était encore le plus près. Elle fonça sur le ballon et l’envoyaaussifortqu’elleputàAimee,del’autrecôtéduterrain.Sonamiearrêtalaballependantque Mélaniecouraitets’arrêtaitjustedevantlesbuts.L’attentiondeDeenaétaitsurAimee.Mélaniecroisale regarddelagardienneaumomentoùAimeeluifaisaitunepasse.Deenaréagit,maistroptard.Mélanie bonditetfitunetêtequienvoyaleballonenpleinmilieudufilet. — C’est pas vrai ! hurla Hailey en se plantant juste devant la gardienne. Deena ! Qu’est-ce que tu fabriques?Sers-toidetatête! DeenaépoussetasonépauleettournalentementledosàHailey. —Onnegagnerajamaisdematchsansdéfense,lesminettes!criaHailey.Etellen’estpassibonneque ça! Mélanierit.Elleignoraitsiquelqu’unavaitprêtéattentionàHailey.Detoutefaçon,elles’enfichait. Deuxbutsenmoinsdedeuxminutesétaitunrecordpourelle.Dupurbonheur. UncoupdesiffletretentitetCoachLéonardfrappadanssesmainspourattirerl’attentiondel’équipe. — OK, les filles, on y retourne ! cria-t-elle. Bien joué, Meade. Quand tu te pointes, tu ne fais pas semblant. —Merci,Coach,réponditMélanie. —Allez,mesdemoiselles!Voyonssiquelqu’unpeutl’arrêter!lança le coach qui siffla de nouveau. Montrez-moidequoivousêtescapables! Mélanie trottinait vers le milieu du terrain quand Aimee la rejoignit et passa un bras autour de ses épaules. —Ellesn’ontencorerienvu!dit-elle. —Tul’asdit,répliquaMélanie. Elle prit sa place face à Hailey qui, pour la première fois depuis des lustres, la regardait méchamment.Mélaniesouritdevantsonairméprisantetdéterminé.Elleallaitbiens’amuser... Mélanieetsescoéquipièress’assirentencercledanslegrandgymnase.Autourd’ellespendaientles drapeauxbordeauxetordesdiverschampionnatsdisputésparl’écolelesannéesprécédentes.Mélanie leva les yeux vers la bannière de l’équipe féminine de football accrochée au-dessus de la pendule encagée.Ledernierchampionnatducomtéavaitétéremportéen1996. Tout ça va changer cette année, pensa Mélanie en s’appuyant sur ses coudes. Elle se sentait pleine d’assurance. —Trèsbien,mesdemoiselles,voussavezcommentçamarche,ditCoachLéonardenfaisantpasserdes feuillesdepapieretdesstylos.D’abord,vousnommezvoscandidates,etensuitevousprocédezàunvote anonyme.J’aichargéPearldecompterlesvoix.Sivousavezdesquestions,jesuisdansmonbureau.J’ai desvidéosdematchsdel’annéedernièreàregarder.Quelenouveaucapitainepassemevoiravantde partir.Bonnechance. L’entraîneusefitdemi-tourets’éloigna.Quandlaporteàl’autreboutdugymnasesereferma,Mélanie jetaunregardcirculaireàl’équipe.Touteslesfilless’observaientaveccirconspection. —Bon,ehbien,ilmesemblequenousdevrionsproposerlescandidatures,ditenfinPearl. Jessicalevaunemain. —JeproposeHaileyFarmer. Quellesurprise!seditMélanie. —OK.Hailey,acceptes-tudeteprésenter?demandaPearl. —Oui,réponditgravementHailey. —Quelqu’und’autre?demandaPearl. Riaseredressaetlevalamain.Touteslesfilleslaregardèrent,ébahies. —Ria?demandaPearl. —JeproposeMélanieMeade. LecœurdeMélaniecognadanssapoitrine. —Quoi?lâchaHailey.Tuasfuméouquoi? Dansunbrouhahagénéral,Mélaniereplialesgenouxsoussonmentonetserrasesjambescontreelle. Capitaine. Pourquoi Ria la proposait-elle au poste de capitaine d’une équipe qu’elle venait juste de rejoindre?Enétait-ellecapable?D’ailleurs,enavait-ellemêmeenvie? Finalement,unsouriresedessinasursonvisage. —Bien!fitRiaenlevantlesbras.Votons,d’accord?Cequidoitarriverarrivera. Haileylafusilladuregard.D’uncoup,toutdevintsicalmequeMélanieputentendresonproprecœur battre. —Bon,ya-t-ild’autrespropositions?demandaPearld’untonhésitant. Silence. —Alorsàvosstylos,ditPearl. Haileygribouillaquelquechosesursonboutdepapier,selevaetletenditàPearl.Elleretournad’un pas assuré à sa place dans le cercle et se rassit. Puis, avec un air détaché, elle croisa les jambes au niveaudeschevillesets’appuyaenarrièresursesmains.Uneparune,lesfillesrendirentleurbulletinde vote.Mélanieécrivaitsonnomsursaproprefeuille. Unefoistouslesbulletinsenmain,Pearls’écartadugroupeetfitsonpointagesurunbloc-notes. —Hum...ex-aequo... —Tutemoquesdemoi,ditHailey. —Non.Septcontresept,confirmaPearlenregardantsonbloc. — Qui a voté pour elle ? demanda Hailey en repliant ses jambes et en se penchant en avant. Je ne plaisantepas.Quiavotépourelle? —Euh...j’aiunprénom,ditMélanieinterloquée. —Toi,jeneteparlepas,ditHaileyd’untonsec.Jeveuxsavoirquiavotépourellealorsquevous saveztoutescequ’elleafait.Jesuisavecvousdanscetteéquipedepuistroisans,etseptd’entrevous votentpourelle? —Moij’aivotépourelle!annonçajoyeusementRia. —Ons’endoute,ditHailey.Mais...etlesautres?Vousaveztroplatrouilled’admettrequevousavez votépourunesaletraîtresseplutôtquepourvotrecapitaine? Mélanien’enpouvaitplus.Pourquicettefilleseprenait-elle? —OK!Çasuffit! MélanielevadesyeuxinterrogateursversAimeequiavaitbondisursespieds. —Qu’est-cequit’arrive?luidemandasasœur. — Je ne supporte plus ça, dit Aimee, les mains tremblantes. Je ne peux pas rester assise à t’écouter mentir.Mélanien’arienfait,d’accord?Ellen’estpassortieavecEvan.Etellenet’apasditnonplus qu’elleétaitsortieaveclui.Quellequesoitlaversionquevousayezentendue,lesfilles,toutestfaux. Haileydevinttouteverte. —Aimee,assieds-toi. —Non,pasquestion,protestacelle-cienfermantlesyeux. Mélanievoyaitbienquesonamiedevaitfaireungroseffortpourtenirtêteàsagrandesœur. —Jet’aientendue,tusais?enchaîna-t-elle.Jet’aientendueraconteràJessicacequetuavaisfait. Aimeeregardalerestedel’équipe. —Haileyatoutinventé.Elleétaitivreetjalouse;elleaditàDougqueMélanieetEvanétaientsortis ensemble alors qu’ils n’avaient rien fait. Et après avoir couché avec Doug et réalise qu’elle avait tout faux, elle a raconté à Evan que Mélanie lui avait dit qu’ils étaient sortis ensemble afin d’avoir une excuse.Maiscen’étaitqu’unmensonge.ElleétaitjalousedeMélanie,alorselleluialoinmissurledos. Lavérité,c’estqueMélanien'arienfaitdutout. Toutes les filles regardaient Hailey et Aimee, bouche bée. Quant à Mélanie, elle pouvait à peine respirer. —Ellement,ditHaileyenhaussantlesépaulesetenéclatantd’unrirequ’onsentaitforcé.Jevousjure, parfoisjen’arrivepasàcroirequenoussommessortiesdumêmeventre. Quelquesfillespouffèrent. —Elleatoutinventé!s’exclamaHailey.Lesfilles,vousn’allezquandmêmepaslacroire!Jessica, dis-leur! Jessicapâlitetregardasescompagnes. —Je...euh... Quelquesjoueuseséchangèrentunregardentendu. — Personne ne pourrait inventer une histoire pareille, Hailey, intervint Ria. À part toi, peut-être, ajouta-t-elledanssabarbe. —Jesuisdésoléedenerienavoirditavant,Mélanie,s’excusaAimeeensetournantverssonamie.Je nesavaispasquoifaire. —Pasdeproblème,ditMélanieavecunpetitsourire. Ellecomprenaitbienquelechoixn’avaitpasétéévidentàfaire. —Jecroisquenousdevrionsvoterdenouveau. Deenavenaitdebriserunsilencepesant. —Quoi?s’exclamaHaileyensetournantverselle.Deena! MaisDeenasecontentadelafixer,impassible.Haileylâchaunsoupirindignéetconsultalesautresdu regard.Touteslesfillesdétournèrentlatête.MélanieobservaHaileyqui,paniquée,réalisaitqu’ellese retrouvaitseule.Touts’écroulaitautourd’elle.Mélanieavaitvéculamêmechoseilyavaittrèspeude temps. —Lesfilles,jenecroispasquetoutcecidoiveinfluersurl’électionducapitaine,intervintMélanie. —Hein?s’étonnaRia. —Onvotepourchoisirquimèneranotreéquipe,expliquaMélanie.Paspoursavoirquiamenti. Toutlemondelaregardaensilence. —OK.Onrevote,ditRia. —Ilfallaitqu’onlefasse,detoutefaçon,expliquaPearl,pragmatique.Ilyadeuxnomsex-aequo. —Ouais,parcequelamoitiéd’entrevoussontdingues,sifflaHailey. Maisl’expressionsursonvisagetrahissaitsonmanqued’assurance. Pearlfitletourducerclepourredistribuerdesfeuilles.Lentement,lesjoueusesécrivirentleurchoix. Mélaniesentaitsoncœurfairedesbondsdanssapoitrine. Une fois encore, Hailey fut la première à rendre son bulletin, mais, ce coup-ci, elle resta debout pendant que Pearl procédait au dépouillement. Le comptage prit deux fois moins de temps que la premièrefois.Mélanieretintsonsouffle. — Le résultat est de trois voix pour Hailey et onze pour Mélanie, annonça Pearl solennellement. MélanieMeadeestnotrenouvellecapitaine. Mélanie fit un beau dérapage en s’arrêtant devant l’appentis. Elle poussa la porte du petit studio de Finn,surexcitée. —Hé!Qu’est-cequisepasse?demandaFinnensouriant. —Jesuiscapitaine!J’aiéténomméecapitaine!annonçaMélanie,àboutdesouffle. —Quoi?Tuplaisantes!s’exclamaFinndontlevisages’illumina.C’estgénial! —Oh!la!la!C’étaittropcool!commençaMélanieenmarchantversluietenletirantparlamanche pourqu’ils’assoiesurlebanc.D’abord,onavoté,maisilyaeuégalité.Ducoup,Haileyaflippéetm’a traitée de traîtresse et de sale menteuse, et Aimee s’est levée pour dire à tout le monde que la sale menteuse,c’étaitHailey! —Waouh.Sérieux? —Ouais!Çaafaittoutunfoin!Maisensuite,onarevotéetj’aigagné!Jen’arrivetoujourspasày croire! —Ehbien,félicitations,ditFinn. —Merci.J’avaistrophâtedetel’annoncer,ditMélanieavecungrandsourire.Tuauraisdûvoirsa tête.Onauraitdit... Mélanies’interrompitd’uncoup-c’étaitFinnquifaisaitunedrôledetête,àprésent.Ilnesouriaitplus. Ilsemblaitavoirarrêtéderespirer. —Qu’est-cequ’ilya?demandaMélanie. Il l’observait. Scrutait son visage, de sa mâchoire à ses pommettes en passant par ses mèches indisciplinées. Finntenditlebrasetpassarapidementunemaindanslescheveuxdelajeunefille,lesrepoussanten arrière. —Ça,dit-il. Etlà,ilsepenchaverselleetl’embrassa.Pendantunbrefmoment,Mélanierestapétrifiée.Ellen’avait aucune idée de ce qu’elle devait faire. Elle ignorait s’il fallait qu’elle bouge les lèvres, les mains, et mêmecommentrespirer. Embrasse-le,pourl'amourduciel!sedit-elle. Elleétouffaalorsunrirepleind’embarrasetdejoie,etselaissaaller.Elletenditlebraspourattraper maladroitement sa manche. Une main de Finn se plaça en coupe derrière sa tête et l’autre se posa légèrementsursongenou.LapeaudeMélanies’enflamma.Finnétaitentraindel’embrasser.Finn était entraindel’embrasser! Ilsereculatoutd’uncoupetlaregardadanslesyeux. —Çava?demanda-t-il. Muette et à bout de souffle, Mélanie hocha la tête. Tout ce qu’elle voulait, c’était ses lèvres sur les siennes.Ilsouritetl’embrassadenouveau.Cettefois-ci,Mélanieglissasurlebancetpenchasoncorps un peu plus vers le sien. Elle n’arrivait pas à croire à la perfection de cet instant : excitant, joyeux, palpitantetdouxàlafois. Et,toutàcoup,ellecomprit:çaavaittoujoursétéFinn. Celuiavecquiellevoulaitpartagertouteslesbonnesnouvelles.Celuiàquiellepouvaitparler.Celui auquel elle pensait quand quelque chose de drôle, de bizarre ou d’intéressant lui arrivait. Finn était intelligent,comiquegentiletattentionné. Pourquoi ai-je perdu tant de temps à penser à Evan ? se demanda-t-elle tandis que Finn faisait doucementglissersondoigtlelongdesajoue. Derrière Mélanie, la porte laissa échapper un petit couinement familier et Finn s’écarta d’elle si brusquement qu’elle faillit tomber. Pas assez vite, cependant : Regina se tenait dans l’embrasure, bras croisés. Mélanie avala une gorgée d’air et regarda Finn. Ouais, Finn McGowan était un garçon merveilleux. Mais,maintenant,c’étaitaussiunhommemort. De:[email protected] À:[email protected] Objet:Oh!la!la! J’AI EMBRASSÉ FINN ! J'AI EMBRASSÉ FINN ! OH ! LA ! LA ! J’AI EMBRASSÉ FINN ! OÙ ES-TU??? 16 Assisebiendroitesurunechaisedelacuisine,Mélanieflottaitquelquepartentrel’extaseetlaterreur. Dans la pièce voisine, Regina et John discutaient à voix basse, sans doute au sujet d’une décision à prendre qui la concernait. Mélanie savait qu’elle ferait bien de se préparer à la discussion qui allait suivre,maisellenepouvaits’empêcherdepenseràFinn.Et,chaquefois,elletremblaitdebonheur. Ellesentaitencorelacaressedesondoigtsursajoue,samaincourantdanssescheveux.Seslèvres frissonnaientencoredeleurbaiser.Lafaçondontill’avaitregardéel’avaitfaitsesentirsibelle... Regina et John entrèrent dans la pièce, l’air épuisés et préoccupés. Ils la considérèrent un instant en silence. —Ehbien,pourêtrehonnête,Mélanie,nousnesavonspasquoifaire,ditenfinJohnensefrottantla nuque.Tuconnaissaislesrèglesetnousespérionsquelapunitiondelasemainedernièreauraitremisles chosesauclair,maisapparemmentpas.Alors,qu’est-cequ’onfait? Mélanieluijetaunregardperplexe. C’estalorsqueFinnentradanslapièce,etlesyeuxdeMélanies’illuminèrent. —Salut.Jesaisquevousm’avezditd’attendredansmachambre,maisj’aiquelquechoseàdire,dit-il enfrottantsespaumessursonjean. —Trèsbien,ditRegina. Ellesemblaitespérerquel’interventiondeFinnrégleraitlasituation. Legarçons’éclaircitlagorge. —Cen’étaitpaslafautedeMélanie.C’estmoiquil’aiembrassée.Moiseulmérited’êtrepuni. —Bienessayé,gamin,maisilfautêtredeuxpourdanserletango,ditJohn. —Oui,jesais,techniquement...,insistaFinn.MaisMélanienem’apasrendumonbaiser...n’est-cepas ? Aufuretàmesurequ’ilparlait,Finndevenaitdeplusenplusrouge.IlregardaMélanie,lessourcils haussés, attendant qu’elle confirme sa version de l’histoire. Mélanie n’arrivait pas à croire ce qu’elle entendait.Avait-elleétéassezmaladroitepourqu’ilcroiequ’ellenel’avaitpasembrassé?Ouétait-ilen traindeseconduirecommelemeclepluscooldelaTerrepourlasauver? —C’estvrai,dit-ellepourfinir.C’estarrivécommeça... Ellenesavaitpasquoidired’autre.ReginaetJohns’interrogèrentduregard.Finalement,Johnlâchaun soupir.Leursoulagementn’échappapasàMélanie. —Bon,trèsbien.Finn,tuconnaissaislesrèglesettulesasignorées,donctuespuni...encoreunefois, ditsonpère.Tuirasencours,tuferastesdevoirs,etc’esttout.Pendantdeuxsemaines. —Etlestudio?demandal’adolescent. —Pasdepeinturenonplus,ditsonpère.Compris? Pendant un bref instant, Finn sembla vouloir discuter, mais, après un bref coup d’œil à Mélanie, il baissalatête. —Ouais,compris. —Parfait.Montedanstachambre. Finnfitdemi-touretgrimpalesmarchesd’unpaslourd.Mélaniemouraitd’enviedecourirlerejoindre pourleremercier,maiselleseretint,estimantqueçaneferaitpastrèsbonneimpression. —John,j’aimeraisparleràMélanieseuleàseule,siçanet’ennuiepas,ditRegina. Mélanieseraidit.Ellen’avaitpasvuReginadepuissonesclandreauspalematin,etlesévénementsde l’après-midileluiavaientpresquefaitoublier. —Biensûr,ditJohn. Ilhésitaunmoment,faisantuneffortpourregarderMélaniedanslesyeux. — Je ne sais pas très bien comment formuler ça, alors je vais juste le dire. Je suis désolé du comportementdemesfils.Sil’und’entreeuxt’amise-temetmalàl’aise... —Oh,non!Toutvabien,lerassuraMélanie,mortifiéeàl’idéequeReginaetJohnpuissentcroireque Finnavaitabuséd’elle. —Tuessûre?insistaJohn.Parcequeçanemeposeaucunproblèmed’allerbroyerquelquescrânessi besoin. —John,iln’yapasdeproblème,intervintReginaenriant. Elleposaunemainrassurantesurl’épauledesonmari. —Vavoirtonmatch. —Bien.D’accord,ditJohn. Puisilsouritd’unairpenaudetsortit. —Net’occupepasdelui.Cesontlestestostéronesquiparlent...,ditRegina.Maisjesupposequetu commencesàavoirl’habitudedecegenrederéactions! —Ouais,jesuppose,ditMélanie.Regina...jesuisvraimentdésolée.Jen’auraisjamaisdûpartirdu spacommeça.J’aiétébrutale,irrespectueuseetjem’enveux. —Tun’aspasàt’excuser,Mélanie,ditReginaens’installantsurunechaiseenfaced’elle.Jenet’ai jamaisdemandésicetteséanceteferaitplaisiravantdefairelaréservation,etj’auraisdû.Doncc’est moiquisuisdésolée. — Vous vouliez juste être gentille, dit Mélanie, pleine de culpabilité... (Ses parents seraient profondémentdéçuss’ilsapprenaientlamanièredontelleavaittraitéRegina.)Mepomponner,merelaxer ettouscestrucs-là,cen’estpasmatassedethé,ajouta-t-ellepouressayerdes’expliquer. —...Etj’auraisdûm’enrendrecompte,ditReginaquilaregardaitd’unairdoux.Jecroisquej’étaissi excitéeàl’idéequ’ilyaituneautrefilledanslamaison... —Aulieudeça,vousvousretrouvezavecunautregarçon,conclutMélanieenbaissantlesyeux. —Non!Pasdutout!protestaRegina. ElleattrapalamaindeMélaniepar-dessuslatable,laforçantàlaregarder. —Jemeretrouveavecunefillequisaitquielleestetquiesttrèsdouéepourl’affirmer. Mélaniesourit,stupéfaite. —Bon,finitpardireReginaenlibérantlamaindeMélanie,danscettemaison,quandquelqu’unestélu capitainedesonéquipedefoot,ilchoisitledessert. —Commentêtes-vousaucourant?demandaMélanie. — Je suis tombée sur Pearl Porcoro et sa mère au supermarché, après votre entraînement, expliqua Reginadansunsourire.Alors?Dequoias-tuenvie? Mélanie songea à sa mère. Elle n’avait rien d’une grande cuisinière, mais il y avait quelques plats qu’ellepréparaittrèsbien,dontunqueMélanieadorait. —Jetueraispourmangerunapplepie. —C’estcommesic’étaitfait! — Je crois que je vais appeler mes parents pour leur annoncer la nouvelle, si ça ne pose pas de problème,ditMélanieenselevant. —Vas-y,ditRegina.Ilsvontêtreravis. Mélaniemontal’escalieràtoutevitesse,brûlantd’unenouvelleénergie.Entrelerésultatduvote,Finn, lanon-punitionetle«momentRegina»,elleétaitplusqueprêteàpartagersonexcitation.Biensûr,ses parentsn’entendraientparlerquedesonpostedecapitaine,maisainsielleseraitdixfoisplusexcitéeen enparlant. DèsqueMélanieeutterminélaconversationavecsesparents,onfrappaàlaportedesachambre. —C’estFinn.Jepeuxentrer? LecœurdeMélaniesemitàbattrelachamade. —Ouais,entre. Ellelissasescheveuxenarrière,regrettantdenepasavoirprisunedouche. Finnouvritgrandlaporte. —Salut. —Salut. Ilétaittellement,tellementbeau.Cesyeuxbleu-gris,sescheveuxblondsmi-longs.Ellepouvaitencore sentirsonodeur-cemélangedecotonfraîchementlavéetdepeinturequiluipicotaitlesnarines.Lapeau deMélanieétaittoujourstièdeàl’endroitoùlesbrasetlesmainsdeFinnl’avaienttouchée.Ellen’avait qu’uneenvie:l’embrasser.Ressentait-illamêmechose? —Jevoulaisjustevérifierquetoutallaitbien,dit-il,deboutsurlepasdelaporte. —Ouais,çava,ditMélanie.Mercipour...cequetuasditdanslacuisine.Tun’étaispasobligé. —Ouais,bon.Detoutefaçon,j’avaisdelalectureenretard,dit-ilavecunpetitsourire. Mélaniebaissalesyeux.Lesorteilsdugarçonnedépassaientpaslaligneentreleplancherfoncédu couloiretcelui,plusclair,desachambre. —Tuveuxentrer?demanda-t-elle. Finnregardasursadroitedanslecouloir. —Hum...Jenecroispasquecesoitunetrèsbonneidée. Mélanie comprenait qu’il n’ait pas envie de s’attirer plus d’ennuis. C’était la dernière chose qu’elle souhaitait. Quoique... À cet instant, elle aurait été capable de risquer d’être punie jusqu’à la fin de l’année rien que pour se blottir contre lui. Il était clair que Finn ne souffrait pas autant. Autrement, ça n’auraitpasétéaussifacilepourluideresterplantésurleseuildesachambre. —Bon,enfin,voilà.Jesupposequejeferaismieuxderetournerdansmacellule. Mélanieseleva.Peut-êtrequesielleserapprochaitunpeudelui,ilnepourraits’empêcherdetendre lebraspourlatoucher. —OK,dit-elle. Finn la regardait dans les yeux. Embrasse-moi, pensa-t-elle en s’essayant à la télépathie. Embrassemoi,embrasse-moi,embrasse-moi! —Hé!Finn!J’espèrequetuesdanstachambre,criaJohndurez-de-chaussée. —Bon,àplus,soufflaFinn. Etildisparut. Lelundimatin,enentrantdanslestoilettesdel’école,Mélanietombasurladernièrepersonnequ’elle avaitenviedevoir:Hailey.Ilétaitclair,àvoirsonvisageboursouflé,qu’elleavaitpleuré.Penchéeaudessusdulavabofaceaumiroir,elleessayaitderectifiersoneye-liner.Mélanierestafigéeunpetitpeu trop longtemps, tiraillée entre l’urgence de s’enfuir et sa volonté nouvelle de se montrer forte. Mais, avantqu’ellenepuissedéciderquoiquecesoit,Haileylevalesyeux,s’éclaircitlagorgeetsouffla: —Salut. Mélaniefitquelquespashésitants. —Toutvabien?luidemanda-t-elle,plusparréflexequ’autrechose. —Tun’aspasbesoindefairesemblantdet’inquiéter,ditHaileyenlaissanttombersoneye-linerdans unpetitsacdetoile. Sontonn’étaitnisarcastiqueniagressif,simplementfatiguéettriste. —Jenefaispassemblant...dumoins,jenecroispas,ditMélanieens’appuyantcontrelelavabo. —Ehbien.Toutlemondemedéteste,c’estofficiel,annonçaHaileyavecunhaussementd’épaules. Elleremitfébrilementsesaffairesdanssonsacàdos,faisanttomberunebrosseetunsprayposéssurle comptoir. —MêmeJessicam’ignore.Quellehypocrite! LeursyeuxserencontrèrentdanslemiroirquandHaileychargeasonsacsursesépaules.Celle-ciprit unegrandeinspirationetseretourna. —Écoute,jenevaismêmepasessayerdet’expliquer,dit-elle,toutefragile.C’estjustequejel’aime vraimentet... —C’estbon,jecomprends,ditMélanie. Sauf qu’elle n’en était pas tout à fait sûre. Après tout, elle n’avait jamais été amoureuse elle-même. Mais elle ne pouvait pas rester là à regarder Hailey s’effondrer sans faire preuve d’un peu de compassion. —Non,tunecomprendspas,ditHailey.Jenesuispasaussiprisedetête,normalement.C’estjuste... Çaavaitunsensàcemoment-là,tuvois?Çatenaitdebout.Enfait,j’aitoutgâché. —Ehbien,jesupposequetoutlemondepeutsetromper,ditMélanie. ElletirauneservietteenpapierdudistributeuretlatenditàHailey. Haileylapritetsetamponnalecoindel’œil. —Pourquoies-tusisympa?demanda-t-elle. Mélaniebattitdespaupières. —Honnêtement,jen’enaiaucuneidée. Etlà,soudain,ilseproduisitquelquechosedetrèsétrange:elleséclatèrentderire.PourMélanie,le faitderireavecsonennemiejuréependantquecelle-cifaisaitsonpossiblepournepaspleurerfutune libération. Elle voulait seulement que les choses redeviennent simples. Il n’y avait aucune raison pour que tout le monde soit aussi malheureux. En plus, après ce qui venait de se passer avec Finn, Hailey pouvaitparfaitementrécupérerEvan.Mélanien’enavaitplusrienàfaire. —Jesuisdésolée,ditHaileyenfaisantunebouleaveclaservietteenpapier.Tun’aspasidéecomme jem’enveux,ajouta-t-elled’untonamer,etMélaniesavaitqu’ellepensaitàEvan. EnregardantHaileyfairetantd’efforts,ellesesurpritàlaplaindreprofondément.Ellesentaitqueles semaines qui allaient suivre seraient pires pour Hailey que les quelques jours qu’elle-même venait de traverser. —C’estbon,ditMélanieenhochantlatête. Haileylaissaéchapperunsoupiretjetalaserviette enpapierdirectementdanslacorbeille. —Nemedispasquetujouesaussiaubasket,ditMélanied’untonléger. Haileylaregardaetsoupira. —Cetteannéevaêtretrèslongue. Mélanie déposa son plateau à leur table habituelle et regarda vers la cour. Miller était assis dehors, écouteurssurlesoreilles,concentrésurunmatch.Elleavaitétésurprisedenepasletrouveràl’entréede lacafétériaoùill’avaitattenduetoutelasemaine,maismaintenantelleétaitencoreplusconfuse. —Qu’est-cequisepasseavecMiller?demandaRiaens’asseyant. —C’estexactementcequejemedemandais,réponditMélanie. — Il a dit qu’il n’avait pas le droit de s’asseoir avec toi, intervint Aimee qui secouait son jus de pommeenregardantMélanie. —Pasledroitdes’asseoiravecmoi?répétacelle-ci,perplexe.C’estbizarre.Jevaisluiparler. —Dis-luiqu’ilnousmanque!ditPearlenouvrantuneboîtedeperles. Mélanieallaits’éloignerquandHaileyapparutavecsonplateau. —Salut,dit-elleavecunsourireforcé. —Euh...salut,réponditMélanie. —Qu’est-cequisepasse?demandaAimeed’untonsoupçonneux. —Jessicaetlesautressecomportentcommesiellesavaienttoutesleursrègles,alorsjemedemandais sijepourraism’asseoiravecvouspendantquelquesjours,ditHailey. Mélaniesentitlesregardsdesesamiesbraquéssurelle.Ellehésita.Ellepouvaitencaisserdesexcuses larmoyantes dans les toilettes, mais déjeuner avec Hailey la semaine entière, c’était un peu trop lui demander.L’expressionsupplianted’Haileyfitpourtantfondresesrésistances.Lahonted’êtrevueassise seuleàlacafétériaétaitsansdoutesonpirecauchemar. —Biensûr,réponditfinalementMélanie. Aimee suffoqua. Pendant quelques instants, personne ne parla. Mélanie s’était assise et enroulait des spaghettis autour de sa fourchette. Il fallait que quelqu’un dise vite quelque chose, sinon elles allaient toutess’étoufferenmangeant. —Alors,vousêtesprêtespournotrepremiermatch?demandaenfinAimee. —Unpeu,oui!s’exclamaRia. —Nosadversairesontunnouveaugardiendebut,ditHailey.Ilparaîtqu’elleestdouée. —Coachditqu’elleestgauchère,etdoncqu’elleestvulnérablesursonflancdroit,ditMélanie.Ilfaut qu’onexploitecettefailleaumaximum. —Hum,lesfilles,jeréfléchiraiavantdevousconfiermespointsfaibles,plaisantaJenna,dontlesyeux brillaientderrièreseslunettes. —Hé,Hailey,tuveuxunbracelet?offritPearl. Toutlemondesetournaverselle.Fairelaconversationétaitunechose.Offrirdescadeauxuneautre. —Euh...biensûr,ditHailey. Profitantdecequ’Haileys’étaitretournéepourchercherquelquechosedanslapetitepocheextérieure desonsacàdos,RiafonditsurPearl. —Tuvasluifairedesbijoux?chuchota-t-elle. —Qu’est-cequeçapeutbienfaire?murmuraPearlenretour. —Cettenananeméritepasqu’onluifassedescadeaux!répliquaRia. —Ben...jepeuxplusrevenirenarrière,ditPearl,l’airmisérable. Mélanie observa Hailey dont les fouilles s’intensifiaient. Il était évident qu’elle ne perdait pas une miettedelamessebasseencours. —Voussavezquoi,lesfilles?Pasdeproblème,jen’aipasbesoindebijoux,déclaraHaileyensortant untubedegloss. Quelquechosejaillitdusacenmêmetempsetatterritpileaucentredelatable,devantMélanie.C’était unpetitécussonbordéd’or.Dessus,onlisaitCAPITAINEenlettresbordeaux. Toutessefigèrent.Mélanien’auraitpuendétacherlesyeuxmêmeaveclameilleurevolontédumonde. —Qu’est-cequec’est?demanda-t-elleenfin. —Oh,c’estjuste...Mamèremel’avaitfaitfaire...tusais,balbutiaHaileyenleramassant.C’étaitpour lavestedemonuniforme. Elles’interrompit.Aimeegigotasursonsiège,l’airmalàl’aise.Mélanieeutenviededisparaître. —Enfin,bref.Jesupposequemaintenanttupeuxl’avoir,finitpardireHaileyenlelaissanttombersur leplateaudeMélanie. Cettedernièrenevoulutmêmepasytoucher.Ellesongeaàsonéquipe,auTexas,etàlapertequ’elle avaitressentieenréalisantqu’ellen’enseraitjamaiscapitaine.Devoirpasserlebadgedecapitaineàune inconnueluiauraitbrisélecœur. —Hé,lesfilles,voussaviezqueM.McKennasortavecMarcySherman?lançaRia. —Beurk!Dégueu!s’exclamaPearl. —C’estqui,MarcySherman?demandaMélanie,raviedecettediversion. —Elleétaitélèveici,ditHaileyenattrapantsabouteilled’eau.Ellen’aquedeuxansdeplusquemoi. —Ouf!C’estn’importequoi,ditJenna.M.McKennaestvieux. La conversation continua de battre son plein. L’écusson était toujours sur la table. Mélanie attendait qu’Haileyleramasse,maisellesavaitque,silesrôlesétaientinversés,ellenevoudraitcertainementpas quecetructraînedanssonsacetluirappellelaplacedecapitainequiluiétaitpasséesouslenez.Même siellen’avaitpaspardonnéàHaileycequ’elleluiavaitfait,ellesesentaitdésoléepourelle. Commentpouvait-onàlafoisdétesteretplaindrequelqu’un? Pourquoilavieétait-ellesicompliquée? De:[email protected] A:[email protected] Re:Oh!la!la! Tu as embrassé FINN ??? Pas EVAN... FINN ??? QUAND? POURQUOI? COMBIEN DE TEMPS? COMMENT PEUX-TU ME DONNER CETTE INFO SANS COMMENTAIRE ? Et, excuse-moi,maisoùes-TUpassée!???? -------Messaged'origine------De:[email protected] À:[email protected] Objet:Oh!la!la! J’AIEMBRASSÉFINN!J’AIEMBRASSÉFINN!OH!LA!LA!J’AIEMBRASSÉFINN!OÙES-TU??? 17 —Tuessûredetoi,Meade?demandaCoachLéonard. —Ouais,Coach.Jesaisqueçaal’airdingue,maisjesuissûrequec’estlabonnedécision. Onfrappauncouprapideàlaportedubureau.MélanieseretournaaumomentoùHaileypassaitlatête dansl’embrasure. —Salut,Coach.Vithyam’aditquevousvouliezmevoir?ditHailey. Elles’immobilisaenvoyantMélanie. —Ouais,Farmer.Assieds-toi,ditl’entraîneuse. Haileyselaissatombersurlachaiseàcôtéde Mélanieetdisposasoigneusementsavestesursesdeuxsacsparterre.Toutd’uncoup,ellesemblait petiteetfragile,commeunenfantquiattendraitd’êtrevaccinécontreletétanos. —Bien,Farmer,jet’explique.Meadevientdemedirequelevotepourlanominationducapitaine n’avait probablement pas été juste, dit Coach Léonard en s’avançant sur son siège pour appuyer ses épaisavant-brassurlebureau. —Commentça?demandaprudemmentHailey. —Sij’aibiencompris,vousétiezex-aequoaupremiertour,puisungenrederagotauraitinfluencéle secondvote,dit-elleenregardantHaileydroitdanslesyeux.Çatesemblecorrect,commeinterprétation ? MélanieetHaileyéchangèrentunregard.Haileysemblaittoujoursconfuse. —Ouais,dit-elle. CoachLéonardtapotaitleborddesonbureauavecunfeutre. —Ehbien,jedoismalheureusementreconnaîtrequecegenred’incidents’estdéjàproduit-c’est-àdirequedesélémentssansrapportavecl’équipeaffectentlevote,expliqual’entraîneuseenserenfonçant danssonsiège.Parcontre,c’estlapremièrefoisendouzeansqu’uncapitainevientmedemandersielle peutrepassersontitreàuneautrejoueuse. —Quoi?s’exclamaHaileyensetournantversMélanie.Tuplaisantes? — Pour moi, ça n’a aucun sens d’être capitaine, expliqua Mélanie en se redressant. Tu es là depuis beaucouppluslongtempsettuastoujoursétélameneusedecetteéquipe...Sijen’avaispasététransférée danscetteécole,ilestclairquetuauraisgagné. —Non,mais...est-cequetut’entends?Turéalisescequetuesentraindefaire?demandaHailey. —Ouais,trèsbien,réponditMélanie. —Jenecomprendspas,ditHailey.J’aiététellement... Elle s’interrompit et elles regardèrent leur entraîneuse qui ne perdait pas une miette de leur conversation. —Quoi?Tuasététellementquoi?demandaLéonard. — Rien, répondit Mélanie. Écoute, Hailey, je ne suis pas en train de te dire que je veux que nous soyonslesmeilleuresamiesdumonde.Jeconsidèresimplementquec’esttoiquidevraisêtrecapitaine. Enplus,tuesenterminaleetmoienpremière.C’esttadernièreannée. Hailey se radossa, abasourdie. Mélanie jeta un coup d’œil à Coach Léonard. Il était temps que l’autoritésuprêmeintervienne. —Bon,mêmesij’adorelespetitsdramesdel’après-midi,ilyaunmatchquinousattend.Jevaisdonc devoirtrancher,annonçacelle-cienarrangeantunepiledepapierspoursedonnerunpeudetempspour réfléchir.Meade,touthonorablequesoittonidée,onnepeutpasignorerlerésultatduvotedel’équipe, alorsjeproposeuncompromis.Àpartirdemaintenant,vousêtestoutesdeuxcocapitaines.Vouspensez pouvoiryarriver? MélanieregardaHailey.Travailleravecelletoutelasaisonpourmenerl’équipe?Ellen’étaitpassûre qu’ellesenseraientcapablessanss’entretuer. —Çam’al’airjuste,ditHaileyd’untonhésitant. —Nousétionsex-aequoaupremiertour,ajoutaMélanie. —OK,tranchalacoach.Etmaintenant,allezenfilervostenuesetbrisonsduBlackBear! Mélanierassemblasesaffairesetsortit.Haileyaccéléraunpeulepaspourlarattraper. —J’espèrequetuesprêtepourcematch,lanouvelle!ditHaileyquisouritàMélanieenluiouvrantla portedesvestiaires. —Contente-toideregarderetd’apprendre,larembarraMélanied’untonenjoué. Mélanie se précipita dans la maison. Elle avait tant de nouvelles à annoncer qu’elle se sentait près d’exploser.Nonseulementelleavaitmarquélebutfinal,maisenpluslematchs’étaitdéroulésansune faute.EllesavaientdominélesBears,etlebruitcouraitquecepourraitbienêtre2eannéedel’équipe. Haileyetelleallaientlamenerjusqu’auchampionnatfinal.C’étaitpeut-êtreunpeuprématuré,maisça n’empêchapasMélanied’êtresurexcitée. UnrugissementmontadelacaveetMélaniedévalalesmarches,horsd’haleine.CalebetIantenaient lesmanettesdelaconsoledejeux,Calebassissurlesgenouxd’Evan.Surlecanapé,contrelemurdu fond, Doug était avachi à côté de Miller qui lisait Sporting News. Mélanie fut déçue de l’absence de Finn,maiscelanel’arrêtaqu’uneseconde. —Lesmecs!Vousn’allezpaslecroire!MonéquipevientdebattreHacketstown4-0!s’exclama-telle.Vousauriezdûvoirça!Onétaitàfond!Ilfautabsolumentquevousveniezassisteràundemes matchs! Pasunmot.Pasunregard. —Allô?Vousm’avezentendue?ditMélanieenagitantlamain. La tête de Miller plongea un peu plus dans son magazine. Evan fixa l’écran de la télé en serrant les dents.Calebcommençaàsetortillerenregardantsesfrèresl’unaprèsl’autre. Mélaniesentitsonestomacsenouer.Nonseulementilsfaisaientexprèsdel’ignorer,maisenplusils avaient réussi à faire entrer Miller dans leur jeu. Voilà pourquoi il n’avait pas eu le droit de déjeuner avecellecejour-là.Apparemment,ilyavaiteuuneautreréunionetlamiseenquarantainedeMélanie avaitdenouveauétévotée. Mélaniesecoualatête. —Jenevouscomprendspas,lesmecs,dit-elle.Qu’est-cequej’aifait,cettefois? —Finnaétépuniàcausedetoi,ditenfinIan. —Ouais,etilallaitmemontrercommentpasserledeuxièmeniveaudeHalo2,ronchonnaCaleb. Mélanieéclataderire. —Cen’estpaspossible...Vousvousmoquezdemoi. Maisilsnelaregardaienttoujourspas,etaucunnerit.D’uncoup,toutelabonnehumeurdeMélanie disparut,faisantplaceàunecolèresourde. —Comptez-vousmemettresurledostoutcequisepassedanscettemaison?demanda-t-elle. —Finnn’auraitpascroquédanstescookiessitunelesluiavaispasagitéssouslenez...,semoqua Doug. —C’estçaquis’estpassé,d’aprèsvous?s’exclamaMélanie.Jel’aiallumé,ouuntrucdanslegenre? Ehbien,legangster,unflashinfospécialpourtoi:ilm’aembrassée,d’accord?Non,maisc’estpasvrai !Iln’yenapasunquipourraitassumerlaresponsabilitédesesactes?J’enairaslebol! —Oh,oh,attention!Lafillettevanousfaireuncacanerveux,ditDougenlevantlesmains. CalebetIanéclatèrentderire.MélaniefusillaDougduregard,etilfinitpardétournerlesyeux. —Vousdeux,depuisquandêtes-vousenpositiondevousmoquerdemoi?demandalajeunefilleen marchantsurIanetCaleb.Voussavezcombiendefoisj’auraispuvousdénonceravectouslestrucsque vousm’avezfaits?Vousêtesrentrésdansmachambre,vousavezbousillémesvêtements,vousm’avez volémonmaquillage,vousavezcrevémespneus.Etquisaitquoid’autre?Maisjen’airiendit.Jevous aicarrémentcouverts. LesgarçonsregardèrentleurspiedsetMélaniepoursuivit. —Ettoi,Miller.Tun’auraisjamaisparléàAimeesijen’avaispasétélà. —Tuparlesauxfilles,maintenant,l’Attardé?demandaDoug. —Ettoi!s’exclamaMélanieensetournantversDoug.Quelquepartaufonddetoncerveauobtus,tu saisquetuasuneénormedetteenversmoi. —Dequoituparles?intervintEvand’untoncoupant. —Alorstoi,nemecherchepas!ditMélanie,lesyeuxétincelantsdecolère.Cen’estpasmoiquiai couchéavectacopine,alorsarrêtedemetenirpourresponsable.Çat’arrangetrop! Evanlafixaunlongmomentavantdesetournerdenouveauverslatélé. — Vous êtes tellement inconsistants, les gars ! Vous ne vous préoccupez que de vous. Vous vous en fichezqueFinnsoitpuni«àcausedemoi».Vouscherchiezjusteunenouvelleoccasionpourmemettreà l’écart, parce qu’ainsi vous vous sentez super virils. Eh bien, laissez-moi vous dire une chose, les garçons:pourmoi,vousêtesloind’êtredeshommes.Vousn’êtesqu’unebandedebébéschouineurs. LesyeuxdeDougbrillèrent,maisquandilvitqueMélanies’étaitrenducomptequ’elleavaittouché juste,ilsemitàricaner. —Quellefinesse,Doug.Quellerepartie!semoquaMélanieenposantsamainsursapoitrine.Tum’as touchéeenpleincœur. Ellelesplantalà,grimpalesmarchesd’unpaslourdetclaqualaportedesachambre. Jen'arrivepasàcroirequej’aievidémonsac,sedit-elle,lecerveauàcentàl’heure. Lesjambestremblantes,Mélaniemarchajusqu’àsonlitsurlequelelleselaissatomberàplatventre. Danssonesprit,ellerevoyaitleprofilfurieuxd’Evan,lesourirerailleurdeDougetl’airmenaçantde Caleb tandis que Miller s’efforçait de ne pas la regarder et que Ian gardait les yeux braqués sur la télévision.Àsonsoulagementsemêlauneinfinietristesse.Ilsluiavaientmontrécequ’ilsressentaient vraiment. Et malgré tous les efforts qu’elle avait faits, ils la détestaient toujours. Ils la détestaient réellement,profondément,tous. —Çan’aaucuneimportance,ditMélanieàhautevoix.Cesontdescrétins. Etqu’est-cequeçapouvaitluifairequ’unebandedecrétinsladéteste?Rien.Absolumentrien. Doucement,Mélanietiraunoreillerverselleetyenfouitsonvisage.Ellepassalademi-heuresuivante àessayerdenepaspleurer. Mélaniefitclaquersonmanueldechimieetregardalapendule.Pendantladernièreheure,ellen’avait rienassimilédesoncours.EntrelaprésenceobsédantedeFinnderrièrelaporteàcôtéetladisputede l’après-midiquirepassaitenboucledanssatête,iln’yavaitplusaucuneplacedanssoncerveaupourle tableaupériodiquedesélémentsdeMendeleïev. Ledîneravaitétésilencieuxettendu.Mélanies’étaitcontentéedepoussersonpouletetseslégumessur lesbordsdesonassietteetdeboiredespetitesgorgéesd’eau.Bizarrement,mangerenprésenced’une demi-douzainedepersonnesquilahaïssaientluiétaitimpossible.Etbiensûr,maintenant,ellemouraitde faim. Mélanieattrapasonsacàdosetyfarfouillajusqu’àtrouverleSnickersqu’elles’étaitachetéaprèsle déjeuner.Ellel’expédiaenquatrebouchées,maissonestomacrestanoué:ilétaittempsqu’elleaillevoir Finn. Il avait forcément entendu parler de ce qui s’était passé l’après-midi. Ces garçons étaient plus pipelettesquetouteslesfillesdeBakerHighréunies.Mélanieétaitd’ailleursassezsurprisequ’ilnesoit pasdéjàvenulavoir. Ellesortitdanslecouloiretfrappadoucementàsaporte. —Oui? Mélanieinspiraungrandcoupetentra. —Salut! Finnlevalesyeuxdesonbureauetsursauta. —Salut,répondit-ilenpressantsesmainssurlescuissesdesonjean. Il jeta un coup d’œil derrière elle dans le couloir comme s’il y avait quelqu’un derrière elle, mais, quandMélanieseretourna,ellevitqu’ilsétaientseuls. —Quoideneuf?demandalajeunefille. —Tunedevraispasêtrelà,ditFinn. Mélaniesepétrifia. —Jesaisquetesparentssontfâchés,maistucroisqu’ilsvontjusqu’àexigerquenousnenousparlions pas? — Oui... non... je ne sais pas, répondit Finn en pivotant sur sa chaise. C’est juste... Tu ne crois pas qu’onferaitmieuxdelaisserleschosessecalmerunpeu? —Ouais,commesiçarisquaitd’arriverunjourdanscettemaison,plaisantaMélanie. Finn ne rit pas. Mélanie sentit sa gorge se serrer ; elle regarda autour d’elle, mal à l’aise. Elle était venuerendrevisiteàFinnpourqu’illarassure,pourqu’illuiremontelemoralcommeilenavaitledon, maissoncomportementfuyantnefaisaitqu’empirerleschoses. —Écoute...Êtreavectoiest...Cen’estpasfacile,ditFinnenregardantpartoutsaufverselle. Ilauraitputoutaussibienluijeterunverred’eaufroideàlafigure. — Bon. Je suis désolée, répondit Mélanie en reculant. Je te laisse, comme ça tu n’auras plus ce problème. —Mélanie.Attends... Ilétaithorsdequestionqu’ellecraquedevantlui. —Non,sérieusement,jem’envais,fit-elleauborddeslarmes. Finnavalasasalive,l’airdevouloirdirequelquechose.Pendantunefractiondeseconde,Mélaniese pritàespérer,maisilsedétournaetregardadenouveausoncahier. —Ouais...d’accord,marmonna-t-il. Jesuisunebelleidiote,songeaMélanie.Aumoinsréussit-elleàregagnersachambresansverserune seule larme. Elle ferma sa porte et s’agrippa à la poignée, juste pour avoir quelque chose à quoi se retenir.Elleavaitl’impressionquetouts’écroulait.Toutcequicomptaitpourelle.Finnétaitcenséêtre sonami.Plusqueça:ill’avaitembrassée.Ill’avaittenuedanssesbras.Elles’étaitsentieensécurité aveclui.Ilétaitlaseulepersonneànel’avoirjamaislaisséetomber.Àprésent,elleavaitl’impression d’avoirétéabandonnée-d’êtrecomplètementseule. Mélanie attrapa le téléphone sur son bureau et composa à la hâte un numéro. Le tremblement de ses doigtsrendaitlamanœuvredifficile.Ellepressalebouton«appel»etportalecombinéàsonoreille, serrantlespaupièresleplusfortpossible.Ilfallaitqu’ellelefasseavantdechangerd’avis. —MajorMeadeàl’appareil. Dèsqu’elleentenditsavoix,ellesutqu’ellefaisaitlebonchoix. —Papa?dit-ellerapidement.JeveuxallerenCorée.Jeveuxrentreràlamaison. De:[email protected] À:[email protected] Objet:Lemanueldumec GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan Noten°12 Observationn°1:Lesmecssontincompréhensibles. Jepensaisqu’ilm’aimaitbien,Trace.Jepensaisvraimentqu'ilm’aimaitbien. 18 —Tut’envas?! Onétaitmardisoir.LamèredeMélanievenaitdel’appeler:sesparentsluiavaientréservéunbillet sur le vol de jeudi soir. Mélanie était à présent assise dans la cuisine avec Regina et John qui la regardaientcommesiellevenaitdeleurannoncerqu’ellevoulaitchangerdesexe. — J’ai discuté avec mes parents. Ils approuvent ma décision, expliqua Mélanie, le cœur battant la chamade. Ellevoulaitendirelemoinspossible.Iln’étaitpasquestionqu’elleexpliqueàcesgensquiavaientété sigentilsavecellequec’étaientleursfilsquilamettaientdehors. — Nous savons que cela n’a pas été facile, Mélanie, mais tu ne t’es même pas donné le temps de t’adapter,commentaRegina. —Etnousnonplus,ajoutaJohn.Sinouspouvonsfairequoiquecesoitpourquetutesentesplusà l’aise,jet’enprie,dis-le-nous. — Ce n’est pas ça, répondit Mélanie. Vous avez été fantastiques, vraiment adorables. Mais... mes parentsmemanquent. C’était un argument honnête. Et il se trouvait au milieu de la liste de ceux qu’elle n’allait pas mentionner. —Biensûrqu’ilstemanquent,machérie,ditRegina.Maises-tusûredevouloirt’expatrierenCorée? Quand ton père nous a appelés la première fois, tu semblais ferme sur ta décision de rester aux ÉtatsUnis. Mélanieavalasasaliveavecdifficulté,essayantdenepaspenseràtoutesleschosesquiallaientlui manquer. Les matchs avec sa nouvelle équipe, les déjeuners avec Aimee et les autres, les fêtes, les soiréesdefind’année.Sonpèreluiavaitparlédel’écoleoùelleiraitenCorée.C’étaitunétablissement defillesoùl’onportaitununiformeetdontlerèglementstrictinterdisait,entreautres,desemaquiller. Mélaniesupposaitaussiquelessortiestardivesétaientplutôtmalvues. Biensûr,aprèstoutcequis’étaitpassélesdernièressemaines,ununiverspluspolicéetsansgarçons feraitpeut-êtredubienàMélanie... —Jecroisquej’aifaituneerreur,ditMélanie.C’esténorme,voussavez?Aumoins,sijesuisavec mesparents,jeserai...jenesaispas... Ellenesavaitpascommentprésenterlachosesanslesoffenser.Cedontelleavaitbesoin,c’étaitdese sentiràl’aise,ensécurité,dansununiversfamilier. ReginaetJohnéchangèrentunlongregard. —Ya-t-ilquelquechosequenouspuissionsfairepourquetuchangesd’avis?demandaJohn. —Pasvraiment,réponditMélanie.Maisc’estadorabledevouloiressayer. Reginalaissaéchapperunsoupir. —Ehbien,tunousmanqueras,dit-elle.Etsachequetueslabienvenueiciquandtuveux. Mélanielaremerciad’unsourire.JohnetReginasemblaienttouslesdeuxémus,maisMélaniesavait que, au fond, ils devaient être soulagés. L’arrivée de Mélanie avait rompu un équilibre, bouleversé le fonctionnement bien rodé de la maisonnée. Elle était persuadée que, au fond, les parents McGowan avaienthâtederetrouverlesemblantd’ordrequ’ilsavaientréussiàétablir-mêmes’ils’agissaitplutôt dedésordreorganisé. —Écoutez...Pensez-vousqu’ilseraitpossibledenepasledireà...toutlemonde?demandaMélanie. J’aipeurquecelanerendeleschosesplusdifficiles. ...Pourmoi.Jelesvoisdéjàorganiserunefêtequidéchirepourfêtermondépart,songea-t-elle. —Tutrouvesçacorrect?demandaJohn. —Çanelesdérangerapas,réponditMélanie.Croyez-moi.Jeleurécriraiune-mailouquelquechose. Promis. —Bon,d’accord,ditJohn.Jesupposequenouspouvonsrespecterça. —Merci,ditMélanieenselevant.Jevaiscommenceràrangermesaffaires. Mélanie monta l’escalier, le corps lourd. Elle pensait qu’annoncer la nouvelle à John et à Regina la soulagerait,maisenfaitellesesentaitasseztriste. Tuasprislabonnedécision,sedit-elle. Elle referma doucement la porte de sa chambre et jeta un regard autour d’elle. Circulez, y a rien à voir...Ilétaittempsdepasseràautrechose. Lejeudisoir,Mélanies’assitauborddesonlit,sesvalisesboucléesetsoigneusementempiléessurle matelas. Son pied tapotait le sol dans un mouvement spasmodique. Cela faisait une heure qu’elle était prêteàpartir,etilmanquaitencorequarante-cinqminutesavantquelavoitureviennelachercher.John avaitproposédel’emmeneràl’aéroport,maisMélanieavaitdéclinésonoffre.Ellevoulaitrompreau plusviteaveclamaisonMcGowan.Faireunecoupurenette. Biensûr,maintenantquelemomentapprochait,Mélanieserendaitcomptequ’ellen’arriveraitjamaisà partir sans que tout le monde le sache. En sortant de sa chambre avec ses bagages, elle allait probablementattirerl’attention. Quoi qu’il se passe, je gérerai, s’encouragea-t-elle. Elle commença à arpenter sa chambre, faisant machinalementclaquersonpoingdanssapaume.Elleavaitl’impressiond’êtrecoincéedanscemoment d’angoissequiprécèdelaprésentationd’unexposéenclasse-multipliéparcent.Ellemouraitd’envie d’allertrouverFinn,Evan,DougoumêmeMilleretdeleurdireleursquatrevérités.Maisàquoibon? Ellejetauncoupd’œilparlafenêtre.Evansebalançaitdanslehamacencontemplantleciel,unbras replié derrière sa tête. Vu son expression mélancolique, il était sûrement en train de penser à Hailey. Mélanieeutsoudainenviedelegifler.Deuxsemainesauparavant,chaquefoisqu’ellecroisaitEvan,elle voyaitunmecgentil,profond,canon...parfait.Àprésent,elleleconsidéraitcommeungrosbébé. Evan connaissait la vérité. Tout le monde en parlait à l’école. Il savait que c’était Hailey qui avait menti.Maiss’était-ilexcuséauprèsdeMélanie?Non.Avait-ilrattrapélecoupavecDoug?Non.C’était commes’ilvoulaitresterunepauvrevictime. Toutd’uncoup,MélanieréalisaquecelavalaitlapeinedeparleràEvan.Peut-êtreparviendrait-elleà lefaireredevenirlegarçonqu’ellecroyaitavoirconnu.Peut-êtrearriverait-elleàlesecouer. Soudain déterminée, Mélanie sortit de sa chambre et se précipita dehors. Le soleil commençait à se coucher,voilantlejardind’ombres. —Ilfautquejeteparle,dit-elleàEvanquiseredressait.(Ellesetournaverslamaison.)Hé,Doug! J’aitrouvéundetesvieuxPlayboy!Siçat’intéresse,jesuisdehors! Evans’extirpaduhamacetpartitverslamaison. —Jeneluiparleraipas. —Ohquesi,ditMélanieencroisantlesbrassursapoitrine.Detoutefaçon,tunecroispasquetume doisuneconversation? Evanpouvaitàpeinelaregarder. —Ouais,àtoipeut-être,admit-ilenfin.Maispasàlui. Dougjaillitdelamaison.Dèsqu’ilvitMélanieetEvan-sansPlayboy-,ilfitmachinearrière. —JevoulaisvousdireàtouslesdeuxquejeparsenCorée,annonçaMélanie.Dansunedemi-heureà peuprès. Evan resta bouche bée. Doug s’immobilisa. Il se retourna lentement, un grand sourire étalé sur son visage. —Enfin!soupira-t-il. —Ouais,tul’asdit.Avantdepartir,ilyaquelquechosequejevoulaisvousdire,lesmecs,déclara Mélanie. —Lesfameusesdernièresparoles?demandaDoug,sarcastique. Mais il s’assit sur le bord d’une chaise de jardin, les jambes écartées, et la regarda, l’air d’attendre qu’elle parle. Evan ne bougea pas. Mélanie prit une grande inspiration. Ce serait la seule occasion qu’elleauraitd’exprimercorrectementleschoses. —Depuisquejesuistoutepetite,j’aitoujoursrêvéd’avoirunfrèreouunesœur,commençaMélanie, ses yeux allant de l’un à l’autre. J’ai toujours cru que ce serait génial. Avoir quelqu’un avec qui tout partager, quelqu’un qui serait toujours là, quelqu’un qui compterait pour moi et dont je prendrais soin, pourquijecompteraisetquiprendraitsoindemoi.Maisaprèsavoirvucommentvousvoustraitiezles unslesautres,j’aicommeundoute. EvanregardasespiedsetDouglevalesyeuxauciel,maisMélaniecontinua. —Lefaitdelaisserquelqu’uncommeHaileyFarmer...undérapagequinevoulaitriendire...semettre entrevous...c’estn’importequoi.Lafillevousamentiàtouslesdeux.Ellevousamanipulés.Vousêtes frèrespourlavie,etcequimetue,c’estquevousnevousrendezmêmepascomptedelachanceque vousavez. L’expression de Doug avait changé. Lui et Evan fixaient Mélanie d’un regard dur, comme s’ils s’efforçaientdenepasexprimercequ’ilsressentaient.Pourlapremièrefois,Mélaniefutfrappéeparla ressemblance entre ces deux garçons si différents. Le même entêtement, la même ignorance et, apparemment,lemêmegoûtenmatièredefemmes. —Lavérité,c’estquejevousplains,lesgarçons,ditMélanie.Vousêtestellementoccupésàessayer d’êtrenumérounquevousnevousrendezmêmepascomptequevousblessezlesgensautourdevous. Des gens qui vous aiment vraiment. On pourraient vous aimer, si vous leur en laissiez la possibilité, conclut-elleenregardantEvan. Ellesoutintsonregardjusqu’àcequ’ilclignedesyeux. MélaniesetournaversDoug. —Alors,necroispasquec’esttamiseenquarantainequimefaitpartir,carçan’arienàvoir,ajouta-telle.C’estjustequejenesupporteplusd’êtreentouréedepetitsgarçonsgâtésquipensentquetoutleur estdû. Misàpartlesoiseauxdanslesarbresquimurmuraientleurschantsdusoir,lejardinétaitsilencieux. Mélanie avait fini sa tirade. Elle se sentait capable de tout. Soudain, elle fut submergée par le désir pressantdeparleràFinn.Ellesedétournaet,parhabitude,marchaversl’appentis,oubliantlapunition encours.Laportes’ouvritd’unesimplepousséeetlemondeautourdeMélanies’arrêtadetourner. Surlechevaletjusteenfaced’ellereposaitsapropreimage.Achevéejusqu’auderniercil.Elleeneut lesoufflecoupé. Mélanies’approchalentementdelatoile.CelaneressemblaitàriendecequeFinnavaitpeintjusqu’à présent. Il ne s’agissait pas de morceaux d’elle-même. C’était un portrait entier, de face - et incroyablementressemblant.Mélanietrouvaqu’elleyétaitpeut-êtreplusdoucequedanslaréalité.Plus jolie.Plusouverte.Seslèvresremontaientd’uncôtéenunesortedesourirecomplice.Sapeaurayonnait, et les taches de rousseur sur son nez lui parurent plaisantes. Mais ce furent les yeux qui l’impressionnèrent.Aumoinscinqnuancesdevertytourbillonnaient,parseméesdedélicatespaillettes dorées.Était-ceainsiqueFinnlavoyait?Pensait-ilvraimentqu’elleétaitaussi...belle? Mélanietenditlamaineteffleuralatoile.Lapeintureétaitsèche. Quandl’avait-ilterminée?Elleserappelasoudainquecelafaisaitplusieursjoursqu’ilétaitpuni.Il avaitdûvenirencachettetoutelasemainepourytravailler.Etill’avaitfinie.Ilavaitachevéunetoile. D’elle. Uncoupdeklaxonretentitdansl’allée.LavoituredeMélanieétaitarrivée.Tôt.Prêteàl’emmenerloin d’ici. Va-t'en!sedit-ellepoursesecouer.Tire-toid'icitoutdesuite. Mélanie tourna le dos à son double et courut chercher ses affaires dans sa chambre. Cet endroit la dépassait.Elles’ysentaittropmalàl’aise,tropsubmergéeparlesémotions,troptout.Ilétaittempspour ellederetrouverunmondesansgarçons. — Votre attention, s’il vous plaît. Pour le vol 233 à destination de Los Angeles, annonça l’hôtesse debout devant les portes vitrées. Les passagers des rangées 15 à 25 sont priés de se présenter pour l’embarquement.15à25,s’ilvousplaît,préparezvoscartesd’embarquement. Mélanieinspiraungrandcoupetregardalesgensrassemblersacsetenfants.Derrièrelasalled’attente où elle se trouvait, un grand couloir menait au hall principal du terminal. Cela faisait une heure que Mélanie regardait dans cette direction en espérant voir un visage familier apparaître. N’importe qui, quelqu’un, qui viendrait pour d’ultimes adieux. Mais, apparemment, la vie n’avait rien à voir avec les films. Dans moins d’une demi-heure, elle serait dans les airs. Dans moins d’un quart d’heure, elle ne pourraitplusfairemarchearrière. Enfilant les bretelles de son sac à dos, Mélanie se leva et alla se placer dans la longue file qui serpentaitdepuislaported’embarquement. Tuneveuxpasfairemarchearrière,sedit-elleenredressantsesépaules.Maiscommentavait-ellepu partirsansdireaurevoiràFinn?IlavaitétésonmeilleuramichezlesMcGowan.Sonconfident.Son premierbaiser.Ellen’arrivaitpasàcroirequ’elleallaitmonteràbordd’unavionpourlaCoréesanslui avoirparléunedernièrefois. —Hé!Mélanie!Attends! Mélanie sentit son cœur bondir dans sa poitrine quand elle fit volte-face. Il était là, courant à sa rencontreàtraverslafoule.Jamaisellen’auraitcruqu’elleseraitunjouraussiheureusedevoir... Doug. —Oùtucroisquetuvas,commeça?fit-il. Pliéendeux,lasueurdégoulinantdesestempes,ilreprenaitsonsouffle.Mélaniejetauncoupd’œil derrièreluipourvoirs’ilyavaitquelqu’undanssonsillage. —Tuestoutseul?demanda-t-elle. —Ilfautquejem’assoie,ditDoug,quirespiraitavecdifficulté. Ilreculaetselaissatomberlourdementsurlepremiersiègelibre.Mélaniesortitdelaqueueetlesuivit d’unpashésitant.Ellejetaunregardcirculaire,s’attendantpresqueàdécouvrirunecaméraquelquepart. Çanepouvaitêtrequ’uneblague. —Qu’est-cequetufaislà?demandaMélanieenplissantlesyeux,méfiante.Etcommentas-tupassé lescontrôles? — J’ai dû acheter un billet, incroyable, non ? souffla-t-il en tirant de sa poche un coupon American Airlines.Sij’veux,j’peuxalleràChicago,là. Mélanies’assitauborddusiègevoisindusien. —Doug,sérieusement.Jedoisembarquer. —Hé,situveuxtebarrer,c’esttonproblème,dit-ilenfourrantsonbilletfroissédanslapochearrière desonjean.Maisécoute-moid’abord. Mélaniesoupiraets’adossa. —D’accord.Tuascinqminutes. — OK. Tu sais, après ton départ, moi et Evan, on a discuté pour la première fois depuis la fameuse dispute.J’airéaliséquejem’étaiscomportécommeuncrétincesdernierstemps. —Oh,tuasréaliséça,hein? —Laisse-moifinir,femme!ditDoug. Soudain,Mélanieserenditcomptedel’effortqu’ilavaitdûfairepourvenirlachercheretluiparler. Elleserradoncleslèvresetattendit. — Je me suis super bloqué contre toi dès le départ, parce que tu squattais ma chambre. Mais j’ai réfléchi,etj’aicomprispourquoitum’énervaisautant,ditDoug. Mélaniehaussalessourcils. —Etpourquoidonc? —Ehbien,parcequetuasdébarquéetquetuasfaittouscestrucs...Destrucsquepersonnen’arriveà faire,ditDoug. Pourlapremièrefoisdepuisqu’elleétaitarrivéechezeux,Douglaregardaitsansanimosité.Iln’était nisarcastiqueniprovocant-ilsecontentaitdediscuteravecelle. —DugenrefaireparlerMillerd’autrechosequedebaseball,poursuivit-il.RemettreIanetCalebun peu à leur place. Faire sortir Sean du garage de temps en temps. Et ma mère ? Elle a complètement changédepuisquetueslà.Elleest,j’saispas,pluscalme... —C’estvrai? —Sérieux.Commesiuneprésencefémininel’avaitdétendue.Ellenem’aflanquéqu’uneseulerouste depuisquetueslà,ajouta-t-il. Mélanieneputs’empêcherdesourire. — Et puis ce que tu as fait pour moi..., dit Doug. C’était assez cool. Je ne comprends toujours pas pourquoituesintervenue,d’ailleurs. —Petitpenchantpourlescausesperdues?hasardaMélanieenhaussantlesépaules. —Ouais,enfin...Merci. Cen’étaitqu’unmot,maisMélanieavaitl’impressionqu’ilétaitsincère. —Derien,dit-elle. —Donc...Écoute,tunepeuxpaspartir,ditDougenseredressantetensetournantverselle.Situpars, Miller va se refermer comme une huître, Caleb et Ian vont redevenir insupportables, Sean se retransformeraenfantômeetFinn... LecœurdeMélaniebondit. —Finn,quoi? —Finnseradémoli,ditDougenlaregardantdanslesyeux.Cemect’adanslapeau,tuesaucourant? —Qu’est-cequetuveuxdire? —Toutcequej’sais,c’estquequandilasuquetuétaispartie,ilestallés’enfermerdansl’appentiset abarricadélaporte.Quandjemesuisbarré,SeanetEvanessayaientdefairegrimperCalebsurletoit pourvérifierparlaverrièrequ’ilétaitpasmort. Mélanieavalasasaliveavecdifficulté. —Waouh! Pendantquelquesinstants,DougetMélaniecontemplèrentsilencieusementlafiledespassagersquise réduisaitpetitàpetit.Mélanieremâchaitlentementtoutescesinformations.Avait-ellevraimentchangéla viedesMcGowancommeleprétendaitDoug?Ellequipensaitquesaprésencen’avaitprovoquéquedes problèmes,était-ilpossiblequ’elleaitenfaitaméliorécertaineschoses? — On avait toujours pensé que c’était cool que notre mère n’ait eu que des garçons, reprit Doug. Commentsavoirqu’onavaitplutôtbesoind’unesœur? Mélaniemitsesmainssursonvisage. —Oh,non!Tuvaspastemettreàchialer?demandaDoug. Mélanierit. —Non. —Alorsturentresavecmoioupas? Mélanierelevalatêteetsoupira. —J’aidesconditions. —J’auraisdûm’endouter,ditDougenlevantlesyeuxauciel. — D’abord, la salle de bains. Chez vous, on se croirait dans les toilettes d’une aire d’autoroute, dit Mélanie.Ilvafalloirquevousvousmettiezànettoyerderrièrevous,lesmecs.Plusdecheveux,plusde poils,plusdetachesbizarresquejeneveuxmêmepasessayerd’identifier. —OK,OK,fitDoug.T’asfini? —Non,jecommence,ditMélanie.Jeveuxunerègle«pastouche»pourtoutesmesaffaires.Ycompris mabicyclette. —D’accord... —Etpersonnenem’appelleplusMélaniebonnetCderrièremondos. Dougouvritlabouche,écarlate. —Commenttusaisça? Mélaniehaussaunsourcil,l’airdedire«tumeprendspourunedébile?». —OK,çamarche.C’esttout?demandaDoug. —Tucroispouvoirplaidermacause?demandaMélanie. — Eh bien, je vais sûrement devoir en cogner quelques-uns d’abord, mais ouais, pas de problème, affirmaDougd’unairdétaché. —Necognepersonne,luiconseillaMélanie. —Nem’expliquepascommentjedoisfairemontravail,ditDougenfaisantcraquersesphalanges. — Bien, fit Mélanie en se levant. (Pour la première fois de la journée, elle se sentait calme - sûre d’elle.)Jerentre. —Alléluia!s’exclamaDoug.Tirons-nousd’ici! —Oh,attends!Unedernièrechose,ajoutaMélanie,freinantDougdanssonélan. Lesépaulesdugarçons’affaissèrent.Ilseretourna. —Quoi?Tuveuxundemesreins? —JeveuxparticiperàlaprochainepartiedeFrisbeeUltimate. Dougluifitungrandsourire. —D’accord.Tujouesdansl’équipedestorsesnus. Mélanieluirenditsonsourire. —C’estcequ’onverra. Mélanie fut projetée contre Sean quand elle accéléra pour remonter Oak Street à toute vitesse sur la Harley.Leventfitjaillirquelqueslarmesdesesyeuxetellehurladejoie.Enquelquessemaines,elle avaitpresqueoubliécombienelleaimaitconduireunemoto. —Super!Allez,onrentre!criaSeandanssonoreille. Mélanie ralentit et engagea la moto dans l’allée des McGowan. Evan, Finn, Caleb, Ian et Doug interrompirentleurpartiedeFrisbeepourassisteràlamanœuvre.Mélaniedescenditdel’engin,ôtason casqueets’essuyalevisageenriant. —Tuasçadanslesang,ditSeanenluiadressantundesesraressourires. —Merci,répondit-elle. —Leweek-endprochain,oniracherchertonpermisduMassachusetts,dit-il.Jeparleraiàmonpote Dekequitravaillechezunferrailleurpourvoirs’ilpeuttetrouverunebécane. —Vraiment? Mélanienesavaitpascequilasidéraitleplus-lagénérositédesapropositionoulaquantitédemots qu’ilvenaitd’enchaîner. —Attention! MélanieinterceptaleFrisbeejusteavantqu’ilneluiarrachel’œil. —Désolé! Evanlevalamainenungested’excuseavantdesedirigerversleporcheoùilbutdirectementàun pichet d’eau. C’était la première fois qu’il s’adressait à elle depuis ses très étranges excuses du jeudi soir.Ilétaitvenulavoirdanssachambreaprèsqu’elleetDougfurentrentrésdel’aéroportpourluidire qu’ilétaitdésolé.Depuis,ill’avaitfuiecommelapeste. Miller et Aimee assistaient au match assis sur les marches, à côté des rafraîchissements. Mélanie relançaleFrisbeeauxgarçonsetsaluaAimeedelamain.Celle-ciluisouritetluirenditsonsalut. —MilleretAimeeenweek-end...,soufflaMélanie,impressionnée. —Ouais,çafaitbizarre,commentaSeanenvenantseplanteràcôtéd’elle. —Hé!Lesnullos!Vousjouezouquoi?hurlaDougdepuislecentreduterrain. —Onarrive!répliquaMélanieentrottinantverseux. —Parfait.Toi,moietFinncontreEvan,Seanetlesdeuxandouilles,annonçaDougquandMélaniefutà sahauteur. —Nousnesommespasdesandouilles!protestaIanquelquesmètresplusloin. Mélanierejoignitsescoéquipiers. —Lesmecs,voussavezquevousnerespectezmêmepaslesrèglesdel’Ultimate?demandaMélanie. J’aivérifiésurInternetetjevousgarantisquevousfaitesn’importequoi. —NousjouonsfaçonMcGowan,expliquaDougavecunhochementdetêteentendu. —Etçaveutdire? —C’estdufootballavecunFrisbee,luiditFinn.Enplus,àlafindelapartie,nousadoronsnoustaper danslamainetaboyer.Personnenesaitpourquoiniquandnousavonscommencé.C’estcommeça. —Ah!lâchaMélanieavecunpetitsourire. C’étaitbienagréabledepouvoirdenouveauapprocherFinnetqu’illuiparlecommeàunêtrehumain normal.Biensûr,çan’empêchaitpasMélaniedesedemandercequ’ilpensait. —Alors,quelletactique?demanda-t-elle,essayantdeseconcentrersurlejeu. Ils se rapprochèrent un peu plus l’un de l’autre et son bras frôla celui de Finn, ce qui fit passer son pouls à mille battements par minute. Tous deux regardèrent l’endroit où leurs peaux s’étaient touchées puiss’écartèrentunpeul’undel’autre.Mélanieretintsonsouffle. —OK,jefeinteversFinnetjepasseàMélanie,ditDoug.Voyonsdequoituescapable,Kicker. —Bien,bien,ditMélanie,sarcastique. Ils se tapèrent dans la main et allèrent prendre position sur la ligne. Dès que Doug eut le Frisbee, Mélanie fila sur la droite en esquivant Sean et courut vers l’allée, Ian et Caleb sur ses talons. Elle se retourna pour voir Doug feinter sa passe à Finn. Evan bondit pour intercepter le Frisbee, qui en fait fonçaitcommeunefuséeversMélanie. Ellesautapourl’attraper,maisdèsquesespiedsretouchèrentlesol,IanetCalebs’agrippèrentàses jambes. —Aidez-moi!hurlaMélanie. Luttantpouravancer,ellefutprised’unfourireincontrôlable. —Meurs,Kicker!Meurs!criaIanentenantbon. Finnseprécipita.MélanieessayadeluienvoyerleFrisbee,maisillelaissafiler,attrapaCalebetle chatouillajusqu’àcequ’illâcheMélanie. —C’estdelatriche!criaIan. Calebroulasurlesolengloussant,Mélanietrébuchasurluiettombaenavant,entraînantFinndanssa chute,créantàeuxtousungrostasdebrasetdejambesemmêlés.MélanieseretrouvaallongéesurFinn, torsecontretorse,sajambeentresescuisses,sonpoignetcoincésoussoncou.Ianavaitgrimpésurson dos,l’empêchantdesedégager. Nonpasqu’elleytîntparticulièrement... — Eh bien, voilà qui est un peu embarrassant, dit Finn qui riait en essayant de se rasseoir. Ian ! Descendsdelà! —Bon,d’accord!ditIanenroulantsurlui-même. Ils’emparaduFrisbeesurlesoletpartitcommeuneflècheenletenantbienhaut,Calebsursestalons. Mélanie put enfin se dégager et s’assit par terre à côté de Finn. Tous deux reprirent un instant leur souffle-quoiquelemanqued’oxygènedeMélanien’eûtrienàvoiraveclejeu. —Çava?luidemandaFinn. —Ouais.Toi? Elleauraitadorépouvoirrestercontrelui. —Ouais,répondit-il,lesourirejusqu’auxoreilles.(Ilsemitàquatrepattesetrapprochauninstantson visagedusien.)Jesuiscontentquetusoisrestée,chuchota-t-il,etsonsoufflechaudcaressalajouede Mélanie. —Moiaussi,réussit-elleàrépondre. PuisFinnserelevaetrepartitverslecentreduterrain.Pendantunmoment,Mélaniefutincapablede bouger.PuisDougs’approchad’elleetluioffritsamain.Mélanies’yaccrochaavecreconnaissanceetil laremitdeboutsursesjambestremblantes. —Hé,mec!Jet’échangeFinncontreSean!criaDoug.J’aiunproblèmeavecmesjoueurs... —Pasdeproblème,réponditEvan. —Concentre-toisurlejeu,ditDougàMélanie. Mélanielebousculaenriantetseplaçasurlaligne.ElleseretrouvapileenfacedeFinnetd’Evan. Mélanie sentait son pouls accélérer en voyant Finn lui sourire ouvertement. Mais quand elle se tourna versEvan,soncœurs’arrêta.Legarçonlaregardaitdroitdanslesyeux,exactementcommeill’avaitfait lesdeuxoutroisfoisoùelleavaitcru,pendantuncentièmedeseconde,qu’ilallaitl’embrasser. Ehbien,voilàquiest...intéressant,songea-t-elle. DougattrapaleFrisbee.MélanieinspiraungrandcoupetsefaufilaentreFinnetEvan.Elleremontale terrainàtoutevitesse,lesdeuxgarçonsàsestrousses.LeFrisbees’envola,décrivantunarcdecercle parfaitau-dessusdelatêtedesgarçons.Toustroissautèrentlesbrastenduspourl’attraper,maiscefut Mélaniequilecueillitauvol,latêtedanslesnuages. De:[email protected] À:[email protected] Objet:Lemanueldumec GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan Noten°13 Observationn°1:Lesgarçonssontimprévisibles. Cen’estpasunscoop,maisjecommenceàcroirequec'estl’undestrucslespluschouettes chezeux.