Brian_Kate_ - e

Transcription

Brian_Kate_ - e
Prologue
—Mélanie,ilfautqu’onparle.
MélanieMeadeaspiraunegorgéedeCanadaDryavantderelâcherlapaillequ’elleserraitentreses
lèvres.Enmêmetemps,soncœurfaillits’arrêterdebattreetellefermalesyeux.Pourquoisesparents
rentraient-ilssitôtdelabasemilitaire?
—C’estmonpremierverredelajournée,promis,sedéfendit-elleenfaisantpivoterlegrosfauteuilen
cuirdesonpère,pourleurfaireface.
Dèsqu’ellelesvit,ellesutquesarationquotidiennedesucren’étaitpaslesujetdujour.Çaavaitl’air
beaucoupplussérieux.
Deboutdevantelle,danslesalondeleurlogementdefonction,engoncésdansleursuniformes-malgré
les 43 °C à l’ombre de l’État du Texas, sa mère devait supporter un tailleur kaki à jupe droite et des
collantsnoirs;sonpèreuncolboutonnétellementhautquesoncoufrôlaitl’écarlate-,M.etMmeMeade
arboraientdessouriresquisonnaientplutôtfaux.
—MonDieu,soupiraMélanie.
Elleposasonverredesodaruisselantdecondensationsurunsous-verreàcôtéd’elleetrassemblases
forces.Filledemilitaires,ellen’avaitpastropdemalàimaginerlasuite.Elleespéraitjustesetromper.
—Ilesttempsdefairetavalise,Kicker,annonçasonpèred’untonexagérémentenjoué.Nouspartons
enCoréeduSud!
Etvoilà.Onyétait.Mélanieeutl’impressionqu’onlapoussaitd’unavionalorsqu’ellen’avaitpasde
parachute.Elles’agrippasifortauxbrasdesonfauteuilquelesarticulationsdesesdoigtsblanchirent.
—Comment?s’écria-t-elle.
Saproprevoixluisemblavenirdetrèsloin.
— Cela faisait longtemps que nous n’avions pas été mutés, fit remarquer son père. C’est plutôt
excitant...
Mélanieavaitpassésavieàdéménager.ElleétaitnéeenAllemagne,àRammstein,l’unedesbasesde
l’arméeaméricainelesplusimportantesd’Europe.Alorsqu’elleavaitcinqans,àpeuprèsaumomentoù
elles’étaitfaitunepremièreamie,safamillefutenvoyéeenTurquie.Aprèsquelquesannéesàjouerau
football avec des garçons et à apprendre le turc avec sa meilleure amie, Medha, une autre affectation
tomba,envoyantMélaniedanslepremierpaysqu’elleconsidéraitcommelesien.Pendantsesannéesde
collège, Mélanie avait déménagé de Fort Carson dans le Colorado à Fort Bragg en Caroline du Nord,
puisàFortLeavenworth,dansleKansas.Ellen’étaitpasrestéeassezlongtempsdanscesendroitspour
sefairedevraisamis.
Ici,àFortHood,Mélaniesesentaitenfinchezelle.Elleyavaitpassétroisannéesentières.Ellejouait
dans une équipe de football qui avait remporté plusieurs championnats et venait de passer son permis.
Elle avait même une vraie amie, Tracy Dale-Franklin. En plus, cette année, le jour de la rentrée, elle
comptaitparleràBenPalmer.Enfin,elleallaitluiadresserlaparole!Elleavaitdéjàprévusatenueet
travaillésatactiqued’approchetroiscentcinquanteetunefoisdevantsonmiroir.Cetteannéedevaitêtre
SONannée.Pourquoifallait-ilquecettetuilearrivemaintenant?
—Mélanie?Vas-tutedéciderànousdirequelquechose?
Unpeu,ouais,pensaMélanieenselevant.Elletournaledosàsesparentsetregardaparlafenêtre,
brascroisés,poingsserrés.C’étaittropinjuste!Mélanieavaittoujoursétélafilleparfaite.Ellen’avait
jamaisréponduàsesparents.Elleleuravaittoujoursépargnésesdéprimesetsescoupsdecolère.Elle
n’avaitjamaisprotestéquandelleestimaitqu’unedeleurstrèsnombreusesrèglesétaitinjuste.Ellene
leur avait jamais désobéi. Et elle était la seule fille de l’école qui ne se pavanait pas en minijupe, le
nombrilàl’aircommeladernièrepopstaràlamode.Sesparentsserendaient-ilscomptedelachance
qu’ilsavaient?
Tandis qu’elle fixait, furieuse, la pelouse parfaitement tondue et les plates-bandes impeccablement
entretenuesdelacaserne,elleréalisasoudainquerienn’empêcheraitcequiallaitarriver.
Elleseretournaetregardasesparentsdroitdanslesyeuxenretenantsonsouffle.
—Jen’iraipas.
Elleavaiteubesoindetoutsoncouragepourprononcercesquelquesmots.
Personnenebougea.
—Tupeuxrépéter?demandasonpère.
—Jen’iraipas.JenedéménageraipasenCoréeduSud,reditMélanie.
Ses parents échangèrent un regard. Apparemment, ils se demandaient si c’était bien leur fille qui se
tenaitdevanteux.
—Jesuisdésolée,Mélanie.Noussavonsquec’estdurpourtoi,déclarasamère.Maisnouspartons
seulementdeuxansettuserasderetourauxÉtats-Unispourentreràl’université.
Deuxans.Deuxans?Quipouvaitemployerlemot«seulement»devant«deuxans»?
—Non.Jen’iraipas,insistaMélanie.
Ellesesentaitplusforteàchaquesecondequis’écoulaitsansquesonpèreexplose.
— Vous ne pouvez pas me faire ça, poursuivit-elle. C’est ma vie, et je veux la passer ici. Avec mes
amis!Jeveuxdire...etmonéquipedefoot,vousyavezpensé?Etlafêtedel’école?Et...
...BenPaimeretsesfossettesparfaites?
—Mélanie...
—J’enaitellementassez,maman!Jedétestedéménager.JE-NE-VEUX-PLUS-BOU-GER!
Sonpèreinspiraprofondément.Puisiléchangeadenouveauunlongregardavecsonépouse.
—Ehbien,ilyauneautreoption,ditenfincelle-ci.
Mélanieosaitàpeineycroire.
—C’estvrai?
—Tonpèreetmoi...nousdevonspartir,c’estcertain,affirmasamèreentripotantsonalliance.Maissi
tuveuxvraimentrester...
—...JepeuxallervivrechezTracy?l’interrompitMélanie.
—Non,réponditsonpère.LamaisondesDale-Franklinestdéjàassezpleinecommeça.
Mélanienelesavaitquetrop.Joe,legrandfrèredeTracy,avaitpassésonbacetintégrél’Académie
navale-augranddamdesonpèrequinejuraitqueparl’arméedeterre.Sondépartavaitlibéréunpeu
d’espace, mais Tracy devait toujours partager sa chambre avec sa sœur, Brianna, et le plus âgé de ses
deuxpetitsfrèrescampaitencoreàlacave.
—Alorsquoi?
—Ehbien,hiersoir,tonpèreadiscutéavecJohnMcGowan,commençasamère.
—JohnMcGowan?répétaMélanie,ahurie.
JohnMcGowanétaitunvieilamidelafacdemédecinedesonpère.
—Reginaetluiseraienttrèscontentsdet’accueillirpendantnotreabsence,continuasamèrecommesi
de rien n’était. Nous ne pensions pas que cela t’intéresserait. Après tout, partir en Corée du Sud est
l’opportunitéd’unenouvelleexpérienceculturelle...Cependant,situressensfortement...
—JohnMcGowan,répétaencoreMélanie,toujourssouslechoc.
—Oui.Lui-même,ditsonpèred’untonneutre.Ilyaunproblème?
Sesparentsétaient-ilsdevenusfous?D’abordilsvoulaientlatraîneraufinfonddel’Asie,etensuite
ilsenvisageaientdel’expédierchezlesMcGowanàBoston,Massachusetts,oùelledevraitvivreavec...
— Les garçons auront certainement besoin d’un peu de temps pour s’habituer, mais je suis sûre que
vousfiniriezparvousentendre,ditsamère.
Lesgarçons?Mélaniefutsoudainassaillieparlessouvenirs:édentés,levisagebarbouillédecrème
glacéevisqueuse,leurspetitsyeuxbrillantsetmoqueurs,lesgarçonsl’avaientattiréederrièrelamaison
sous prétexte de lui montrer leur chiot et finalement l’avaient attrapée et suspendue à un arbre avec un
lasso. Cheveux gras, jambes potelées, petits et diaboliques, les garçons gardaient des vers au fond de
leurspoches,mâchouillaientdeschewing-gumsramassésparterreetluitiraientlescheveux!
—Combiensont-ils,déjà?demandaMélanieens’asseyant,tremblante,aubordducanapé.
Sesparentsréfléchirentunmoment.
—Auxdernièresnouvelles,sept,réponditsonporc.Uneprogénitureplutôtnombreuse.
Oui.Plutôt,songeaMélanie.
Biensûr,ilsn’auraientcertainementplusrienàvoiraveclespetitsnainstoutcrottés,auxmainssales,
qu’elle avait rencontrés sept ans plus tôt ? À l’époque, la plupart avaient à peu près son âge. Ce qui
voulaitdirequ’aujourd’huiilsdevaientêtre...gloups!desados.
Mélanie sentit des gouttes de sueur froide glisser le long de sa colonne vertébrale. Certes, elle était
capabled’envoyervalserdestrollsboueuxàcoupsdebattedebaseball.C’étaitd’ailleursainsiqu’elle
avait maté Evan - le pire de tous, dodu, les cheveux filasse... -après l’incident du lasso. Mais des
adolescents...ça,ellen’allaitpaspouvoirgérer.Àseizeans,ellen’avaitpasencoreétéfichuedeparler
delapluieetdubeautempsavecungarçondesaclasse,commentluiserait-ilpossibledevivreavec
septindividusdumêmesexe?
—Jerécapitule,ditsonpère.SoittuviensavecnousenCorée,soitturestesauxÉtats-Unis,ettupars
habiterchezlesMcGowan.
—Ilfautquejemedécidemaintenant?demandaMélanie.
—Non,monchou,maisvite,réponditsamèreensepenchantpourpasserlamaindanssescheveux
blondvénitien.Nouspartonsdansquelquesjours.
Elleplantaunbaisersurlefrontdesafillequilaregardadroitdanslesyeux,exactementlemêmevert
quelessiens,avecjustequelquesridesenplusauxcoins.
—Tuvasnousmanquersitudécidesderester,enchérit-elle.
Mélaniehochamollementlatête.
—Quoiquetudécides,noustesoutiendrons,ajoutasamère.
Mélanieavalasasaliveavecdifficulté.Lematin,elles’étaitréveilléeavecpouruniquepréoccupation
cellederépétersatiradespécialeBenPalmeretd’ajouterhuitcentsmètresàsonjoggingquotidien.Et
voilàquelemondeseretrouvaitsensdessusdessous.
—Merci,finit-elleparrépondre.
Samèresourit,chassantquelqueslarmesd’unbattementdepaupières.
—Réfléchisbien,ettiens-nousaucourantdetadécision.
Quandsesparentseurentquittélapièce,Mélanies’effondradanslecanapé.Seuleavecseptgarçons
ou avec mes parents... en Corée, imagina-t-elle. Tout d’un coup, l’idée de s’enfuir pour rejoindre une
troupedecirqueitinérantluiparaissaituneoptiontoutàfaitenvisageable.
TooDamn-Funky:tumemankDjà!!!
Kicker5525:Tracy!suismêmepasàl’aéroport!
TooDamn-Funky:j’arrivepasàcroireketumekit...
Kicker5525:pasparchoix!
TooDamn-Funky:t’as1térêtàmemailerkant’arrives!7mecs!veinarde!
Kicker5525:pasveinarde,foutue,suisfoutue.
TooDamn-Funky:mouais...Cvrai.
Kicker5525:merciprtonsoutien,grrr.commentj’vém’ensortir????
TooDamn-Funky : hé ! pt-ê ce sera l’occaz pr toi d’apprendre enfin à... résisté ! prouve ke tu
existes!
Kicker5525:combiendefoisjeVdevoirentendreça?
TooDamn-Funky:5345654oujuskaceketulefasses.
Kicker5525:Hé!j’airésistéàmesparents!
TooDamn-Funky:C1Dbu.ok.Gpenséomecs,tutesouviensl’annéedernièreqdmonfrangin
afaitcetrucd’immersionauVnezuela?
Kicker5525:prapprendrel’Spagnol???
TooDamn-Funky:ouais,tupars2semNsssavoir1motetqdturevienstuparlescouramment.
Kicker5525:...???
TooDamn-Funky:ehben,pourtoiCunprogrammed’immersiondanslemondedesmecs!
Kicker5525:etquoi?jeVapprendreàparler«mec»?
TooDamn-Funky : Xactement ! tu vas voir de koi ils parlent, comment ils se comportent,
comment ils pensent, et qd lu sauras tt ça, tu pourras écrire un guide pour comprendre les
mecs!!!
Kicker5525:Tcinglée.
TooDamn-Funky:nan.suissérieuse,tupourraispercerlecodesecretdesmecs.
Kicker5525:Hum.«Lesmecs:lecodesecret»...
TooDamn-Funky:tatoucompris.ettum’enverrasttesTnotesprkejepuisselespubliersurle
net.
Kicker5525:j’MbientoniD.çamarche.J
TooDamn-Funky:j’enétaissûre!
Kicker5525:souhaite-moibonnechance,jeVtropenavoirbesoin!
TooDamn-Funky:bonnechance!bizzzzzzzz.
Kicker5525:bizzzzzzzàtoi!
1
Quand Regina McGowan arrêta son 4x4 Volvo dans l’allée qui menait à une énorme demeure
ressemblantàuneferme,l’uniquevisiondeMélaniefutcelledegarçons.Partout.Lesseptfilsetlepère
couraient,riaientetsebousculaientsurlapelouse,devantlamaison,lancésapparemmentdansunepartie
de Frisbee Ultimate, version full contact et plaquages. Pour différencier les deux équipes, ils jouaient
teeshirtscontretorsesnus.Tee-shirtscontretrèsjolistorsesnus...
Mélaniesentitsonpoulss’accélérer.Oubliéslesmonstresdiaboliquesetricanants.Cesmecsavaient
ététouchésparlagrâceCalvinKlein.Pendantquelquessecondes,leregarddeMélanie,perdudansun
brouillarddecheveuxdorésetdepeauxhâlées,neputsefixersuraucund’entreeux...jusqu’àcequel’un
destorsesnusmarqueunpoint.Ilbonditenpoussantuncridetriomphe,lesbrasenl’air,leFrisbeeàla
main.Desgouttesdesueurperlaientsursesabdosentablettedechocolatparsemésdebrinsd’herbe.Des
frissonsparcoururentlamoelleépinièredeMélanie.Ilavaitdescheveuxblondsébouriffés,unmenton
carréetlesépaulesmuscléeslesplusparfaitesqueMélanieavaitjamaisvues.Undesesfrèresluidonna
uneclaquedansledosetpointalaVolvodudoigt.IlseretournaetregardadroitversMélanie.
Lerestedumondedisparut.
—Bon,ehbien,nousysommes,ditReginaenarrêtantlemoteur.Mélanie?
Surleslèvresmincesdujeunehommesedessinaunsourireparfait,ouvert,joyeux.
—Mélanie?
Ellesentitqu’onluitouchaitlebras.
—Oh,euh...oui?
Mélanie s’arracha à la contemplation de M. Perfection et rougit. Les yeux de Regina pétillèrent de
maliceetdesympathie.
—Tupeuxt’installerdanslavoituresituveux.Ilstrouverontquandmêmeunmoyend’arriverjusqu’à
toi.
—Euh...
MonDieu!Vient-elledemesurprendreentraindebaversurundesesfils?Beeuurk!
— Ne t’inquiète pas, ils m’ont promis qu’ils se tiendraient bien, poursuivit Regina en détachant sa
ceinture.
Unefoissortiedelavoiture,ellefitvolerseslongscheveuxnoirspar-dessussonépauleetsepencha
versMélanie.
—Tuveuxunconseil?Soistoi-même.Jesuissûrequetoutsepasseratrèsbien.
MélanieréussitàsourireetReginaclaquasaporte.Êtremoi-même.Ouais.Biensûr.Jusqu’àprésent
çam’atellementréussi...
Mélanie sentit ses doigts trembler sur la poignée de la portière. Elle se mordit les lèvres
consciencieusement,regrettantd’avoirrangétoussestubesdeglossdanssavalise,etresserrasaqueuede-chevalensortantdelavoiture.Sontee-shirtbleuclairremontaitunpeusursonventre.QuandRegina
etelles’approchèrentdugroupedegarçons,quelquespairesd’yeuxallèrentdirectementsefixersurla
bandedepeaunue.Mélanietirasurl’ourletdesonhautetcroisalesbrassursapoitrine.
—Mélanie!Quelplaisirdeterevoir!s’exclamaJohnMcGowanenvenantàsarencontre.
Illuiserralamainetreculad’unpaspourl’examiner.Mélanieenprofitapourfairedemême.Johnétait
grand.Sescheveuxblonds,pluslongssurledessus,étaientmaintenusenplacegrâceàungelcoiffantà
effet«croûte».Ilportaituntee-shirtdesRedSoxdeBoston,unshortetdesNiketoutesneuves.Sapeau
étaitlégèrementtannéeetridée,stylestardecinécanonetnonpapavieillissant.
—Leplaisirestpartagé,réponditMélanie.
—Ehbien,onpeutdirequetuaschangé,poursuivitJohn.Ladernièrefoisquejet’aivue,tutrimbalais
partout un ours en peluche, tu te rappelles ? Comment s’appelait-il déjà ? Monsieur Boo ? Monsieur
Boony?
Mélanierougitcommeuneécrevissetoutjusteébouillantée.Lesgarçonsricanèrent.Ilfallaitqu’ellese
réveilledececauchemar.Sonoursenpeluche?
—John,intervintReginasuruntondereproche.
—Jenem’ensouvienspasvraiment,mentitMélanie.
Toutlemondelaregardait.
— Oh, mais si, forcément ! Tu ne l’aurais lâché pour rien au monde ! mugit John. Monsieur Binky ?
Monsieur...
—MonsieurBoogy,finitparlâcherMélanie.
L’éclatderiregénéralfutassourdissant.
—Maisoui!MonsieurBoogie!Tul’astoujours?demandaJohn,malicieux.
—Hum...non!mentitencoreMélanie.
MonsieurBoogiereposaitdouillettementaufonddesavalise.
—Bien,jecroisqueçavapourlevoyagedanslessouvenirs,intervintReginaendonnantuncoupde
coudeàsonmari.
—Ben,quoi?J’essaiejustedelamettreàl’aise,dit-il.
—Outoutlecontraire,répliquaReginaentresesdents.
Mélanie regarda ses pieds, essayant d’ignorer les neuf paires d’yeux fixées sur elle. Les seules
occasionsoùquelqu’unluiprêtaitattention-àpartsesparentsetTracy-,c’étaitquandelleétaitsurun
terraindefoot.Maisleregarddesspectateursnelatroublaitjamais,parceque,quandellejouait,ellene
pensait qu’au ballon. À cet instant, elle n’aurait pu se sentir plus voyante, même nue et couverte
d’urticaire.
—Jevaischerchermesaffaires,dit-elleenpivotantsursestalons.
Unefoisqu’elleeutledostourné,Mélaniefronçalevisage,mortifiée.Commentpeut-ilsesouvenirde
MonsieurBoogie?Elleouvritlaportièrearrièredu4x4etattrapasonsacàdosetlecasquedemoto
parlamêmeoccasion.Quandelleclaqualaportièreetseretourna,elleseretrouvaquasimentnezcontre
poitrineavecledieuCalvinKleinlui-même.Surprise,Mélaniereculaetseheurtaàlavoiture.
Aïe!
—Oups!Désolé,fit-il.
—Non,c’estgrave,ditMélanie.
Quelle andouille ! C’est si difficile d’aligner deux ou trois mots cohérents : “Non, c’est OK” ou
“Pasgrave”!
—Etdésolépourmonpère.Nousavonsessayédefairejouerlagarantie,maisilsn’ontpasvoulule
reprendre,dit-ilensouriantlentement.
Sesyeuxmarronétaientincroyablementchaleureux.
Mélaniepouffa.C’étaitçaoupartirencourant.Ladiscussionsurpassaitdéjàenmaladressetoutesses
rencontresavecBenPalmerréunies.
—Enfin,bref.Jepensaist’aideràtransportertesaffaires.
—Euh,merci,bafouillaMélanie.
Elles’écartaenglissantlelongdelacarrosseriejusqu’aucoffre.
—Sympa,tonvélo,ditl’apollonenregardantleMavericknoiretargentaccrochéauxbarresdutoit.
À l’aéroport, Mélanie et Regina s’étaient débarrassées du carton cabossé dans lequel la compagnie
aériennel’avaitempaqueté.
—Euh...merci,dit-elleencore.
Elleenfilasonsacàdos,lecasquependantsursahanche,etouvritlecoffre.
—C’esttout?s’étonnalegarçon.
—Ouais.
—Waouh.Jecroyaisquelesfillestrimballaienttoujoursunmaxd’affaires...
—Jenesuispasvraimentunefille,répliquaMélanie.
Quoi???Qu’est-cequetuviensdedire???
Ill’examinadespiedsàlatêteetsourit.
—Ehbien,danscecas,tuasbienfaillim’avoir...
Silecorpshumainpouvaitfondrespontanément,Mélanieseseraitàl’instanttransforméeenflaque.Ce
canonmégahotettorsenud’unmètrequatre-vingt-huitétaitentraindeflirteravecelle(elle:Mélanie
Meade,l’handicapéedesmots,legarçonmanquéaunezcriblédetachesderousseur)!
Iltiralefiletdeballonsdefootballhorsducoffreetlebalançasursonépaule.Desonautremain,il
attrapa la grande valise, laissant seulement l’ordinateur portable et une valise plus petite qui contenait
culottes,soutiens-gorgeetpyjamas.Mélanieseréjouitdenepasavoiràleregarderportersesdessous
jusqu’àlamaison.
—Aufait,moi,c’estEvan,dit-ilpendantqu’ellerefermaitlecoffre.
Mélaniefaillits’étrangler.
—Paspossible!
Evanrit.
—Euh...si.
—Toi,tuesEvan?
Evan le dodu, cheveux filasse et morve au nez, s’était métamorphosé en ce dieu hollywoodien aux
proportionsolympiques?!
— Ouais, confirma-t-il en plissant les yeux. Tu ne m’aurais pas éclaté la tête avec une batte de
baseball,unjour?
—Elleétaitenplastique,précisaMélanie.Etjecroisquetum’avaispendueàunarbrejusteavant.
—Hum.J’aitoujourscruqu’elleétaitenbois,ditEvan.
—Jesuisincroyablementbaraquée,expliqual’adolescente.
D’accord...Arrêtedeparler.A-rrête-de-pa-rler!
Evansouriaittoujoursquandilstraversèrentlapelousepourrejoindrelerestedelafamille.
—Alorscommeçatujouesaufoot?poursuivit-il.Çatombebien.Ilvatefalloirêtrerapidesituveux
survivredanscettejungle.
Mélanieregardalesfrèresd’Evan,àprésentrassemblésenunpetitgroupeagité.Leplusjeuneessayait
depasserentrelesjambesdesautrespoursemettreaumilieuducercle.
—Çaveutdirequoi«kicker»?demandaceluidontlatêtedépassaitdutas.
Ses cheveux blond décoloré étaient coupés à la Jules César et il portait un gros diamant à l’oreille
gauche.Mélanieregardasonproprecasquedemotocommesielleledécouvrait.Àl’arrièreétaitécrit«
Kicker»entreguillemets.
—Oh,c’estmonsurnom,expliquaMélanie.
—Naze...,commentaCésar.
—Ellejoueaufoot,abruti,ditEvanenposantlefiletdeballonssurlesol.
—Evan!grondaRegina.
—D’accord,maisdis-luid’arrêterdesecomportercommeuncrétin,répliquaEvan.
Mélaniesourit.
—Jemepasseraidetesconseils,merci,luirenvoyaReginad’untonnarquois.
PuisellemarchaversCésaretluidonnaunetapeàl’arrièreducrâne.Ilpoussauncridedouleurtrès
exagéréetsefrottavigoureusementlatête,l’airrenfrogné.
— Bon, les garçons, vous vous présentez ou vous continuez sur le mode bande d’orangs-outangs ?
demandaleurpère.
Engrognant,lesgarçonsdesserrèrentunpeulecercle.L’und’euxfitunpasenavant.Ilétaitunpeuplus
petitqu’Evan,maisavaitlamêmesilhouetteathlétique,descheveuxblondsaleenbatailleetdesveux
gris-bleu.Ledevantdesontee-shirtétaitbarréd’unmot:«art».
—Salut.Moi,c’estFinn,dit-ild’unevoixdouce.Jecroisqu’onseradanslamêmeclasse.Turentres
enpremière,c’estça?
—Ouais.
—Cool.Hum,tuconnaisdéjàEvan,dit-ilavantdesetournerversleresteduclan.Lui,c’estSean.
Ilmontraitungarçonpluspetit,trapu,auxcheveuxbrunfoncélégèrementhirsutes.Malgrélachaleur,
Seanportaitunjean.Envoyantl’insigneHarley-Davidsontatouésursonbicepsdroit,Mélanierepensaà
son permis moto tout neuf et aux deux vieilles Harley qu’elle avait restaurées avec son père l’année
précédente.Peut-êtrequederrièrelevisageinexpressifdeSeansecachaitl’âmesœur...
—VoiciDoug,ditFinnendésignantCésarquiseprenaitvisiblementplutôtpourEminemII.Unecroix
en or pendait autour de son cou. Ses bras massifs et musclés détonnaient avec son ventre bizarrement
rondouillard.Mélanieluisourit,maisildétournalesyeuxenfaisantunbruitdesuccionavecsalangue.
—Miller,poursuivitFinn.
Cheveuxblondsenbrosse,celui-ciportaitunteeshirtdesNewYorkYankeessurledevantduquelétait
dessinéeunecaricatured’A-Rod,l’undesjoueursdel’équipe.Ilfixaitlesoletsecontentadehocherla
têtequandFinnprononçasonnom.
—Lui,c’estIan,ditFinnenpointantdudoigtungaminpoteléqui,d’aprèslessouvenirsdeMélanie,
ressemblaitassezàEvanàseptans.
—Salut,Ian,ditMélanie.
—Salut,Kicker,réponditIanavantdesemettreàricanerensetenantleventre.
Waouh!C’estvraimentleportraitcrachéd’Evanàseptans,songeaMélanie.
Àcetinstant,surgidenullepart,leplusjeunedéboulaenfaisantunbruitdemoteuremballé.
— Et cet avorton, c’est Caleb, dit Evan en soulevant le petit garçon comme s’il chargeait un sac de
patates.
Caleb s’assit confortablement dans les bras de son frère, la tête contre sa poitrine et un bras passé
derrièresondos.Ilposaleboutdesesdoigtssurseslèvres,sourittimidementetdit:
—Salut,Mélanie.
Mélanieinspiraprofondément.
—Salut,Caleb.
Troissursept,pensa-t-elle.Ç’auraitpuêtrepire.
De:[email protected]
À:[email protected]
Objet:Installation
Salut,lesparents!
Je voulais juste vous dire que tout allait bien. Pour le dîner, on a fait un barbecue, mais j'ai
mangé de la salade avec, promis. Les garçons s’habituent à ma présence et John et Regina
sont adorables. J’ai hâte de voir ma nouvelle école demain. Vous me manquez déjà. J’espère
quevotrevoyages’estbienpassé.Appelez-moi,e-mailez-moidèsquevouspouvez!
Baisers
Mélanie.
Mélanieseblottitdanslefauteuil,prèsdelafenêtredesanouvellechambre,ordinateurportableouvert
sur ses genoux. Une chose que la jeune fille pouvait dire sur ses « appartements », c’est qu’ils étaient
roses.Lesmursétaientroses,lecouvre-litétaitrose,letapisenformedefleurétaitrose.Reginaavait
mêmedécorél’armoireblancheavecdesdécalcomaniesdegrossesfleurs...roses.
C’étaitl’opposéexactdeschambresqueMélanieavaitconnues.
OnfrappauncoupbrefàlaporteetReginapassalatêtedansl’embrasure.Mélanieseredressaunpeu
sursonsiège.
— Je t’apporte des serviettes pour demain matin, dit Regina avec un sourire en posant des draps de
bain(roses)auboutdesonlit.Sonregardbalayalapièceets’attardauninstantsurlesvalisesencore
pleines.Toninstallationsepassebien?
—Oui,m’dame.Merci,réponditmécaniquementMélanie.
Elle finirait bien par défaire ses bagages, mais ça officialiserait sa nouvelle vie : elle avait d’abord
besoindes’habitueràl’idéequecetendroitétaitchezelle...etbesoindes’habitueraurose.
— Ne m’appelle pas « m’dame », dit Regina qui croisa les bras en frissonnant. Ça me donne
l'impressiond’êtrevieille.
—Oh!OK,m’da...
Mélaniesemorditlalangue.
— Je me disais qu’on pourrait aller faire un peu de shopping demain soir, proposa Regina. Il va te
manquercertaineschosespourl’école.Desvêtements,dumaquillage...Peut-êtreunnouveausacàmain?
Waouh.Cettefemmeestterriblementenmanquedecompagnieféminine,pensaMélanie.
—Euh,d’accord,ditlajeunefille,bienqu’ellen’aitbesoinderien.
Mélaniedétestaitfairedushopping-particularitéquiavaittoujourslaisséperplexeTracy,lareinedes
bonnesaffaires.Maisquandellevitlesourirequeprovoquasaréponse,elleseditqueReginaméritait
biencesacrifice.
—Génial!Jesaisexactementoùjevaist’emmener.Lecentrecommercialaétéagrandietjemeurs
d’envied’allervoircequeçadonne.Ondîneraàl’étage,aurestaurant:unevraiesoiréeentrefilles!
—Excellent!approuvaMélanie.
Centrecommercial?Restaurant?
—Bon,ehbien,bonnenuit,ditRegina.N’hésitepasàvenirmevoirs’iltemanquequoiquecesoit.
—Regina?fitMélaniealorsquecelle-cis’apprêtaitaquitterlachambre.C’esttoujours...aussicalme,
ici?
Reginafronçalessourcils.
—Engros...jamais.Johnetmoitebénissonspourcemomentdetranquillitéetdepaix.Mesfilsne
saventpastropcommentsecomporterquandilyaunefilledanslecoin.
Exactement ce que je redoutais, songea Mélanie tandis qu’une boule d’angoisse se logeait dans sa
gorge.AprèsundînertranquilledurantlequelJohnetReginaavaientnourrilaconversation,lesgarçons
s’étaient repliés au sous-sol autour de leur Xbox. Mélanie ne les avait plus entendus depuis. Elle se
passaittrèsbiendeleursregardsméfiants,maisellenetenaittoutdemêmepasàcequ’ilsladétestent.
—J’espèrequemaprésencenedérangepersonne,hasarda-t-elle.
—Jet’enprie,l’interrompitReginaenagitantlamain.Jevaispeut-êtrepassermapremièrebonnenuit
depuisvingtans!Dorsbien,Mélanie.
—Bonnenuit.
Quand la porte se referma, Mélanie soupira et relut le mail qu’elle avait écrit à ses parents. « Les
garçonss’habituentàmaprésence.»D’uncôtéellesesentaitcoupabledenepasleurdirelavérité-que
lesgarçonsl’ignoraientetquesaprésencelescontrariait-,maisdel’autre...àquoibon?Ellecliquasur
«Envoyer».
Quelquepartdanslamaison,leplanchergrinçaetuneporteclaqua.Puistoutredevintsilencieux.Cet
endroitn’avaitdécidémentrienàvoiravecl’asiledefousauquelelles’étaitattendue.
Le lendemain matin, Mélanie ouvrit doucement sa porte et jeta un coup d’œil dans le couloir. De la
musiquevenaitd’unedeschambres,maisiln’yavaitpersonneenvueetlaportedelasalledebainsen
faceétaitouverte.C’étaitlemoment.
Serrantsesaffairesdetoilettecontresapoitrine,ellefitunpasdanslecouloir.Aumêmeinstant,Finn
sortit de sa chambre. Mélanie s’arrêta net. Il portait un short de sport de l’université de Boston, un
teeshirtblanc,etsescheveuxétaienthérissésversl’arrièredesoncrâne.Voilàdoncàquoiressemblaient
lesmecsauréveil...
—Oh,salut...Tuvasàlasalledebains?demandaFinn.
— Ouais, si c’est possible. Je veux dire, je peux ai tendre. Je ne vais pas déranger tes habitudes du
matin.
—Non,c’estbon,vas-y,ditFinn.Frappeàmaportequandtuasfini.
—D’acc,pasdeproblème.
Aprèsunedoucherapidependantlaquelleelles’efforçad’ignorerlespetitestouffesdecheveuxblonds
etautrespoilsnoirsquitraînaientpartout,Mélanieenturbannasescheveuxdansuneservietteciréenfila
sonpyjama.Illuisemblaentendredumouvementdanslecouloir.Elleinspiraungrandcoup.
Lesimplefaitdecirculerdanscettemaisonserait-iltoujoursaussiintimidant?
Mélaniepritsoncourageàdeuxmainsetsortit.Aussitôt,sonpiednufaillitêtreécraséparunevoiture
télécommandée.Ellefitunbonddecôtéjusteàtempsetregardal’enginfonceràl’autreboutducouloir
etfranchiruntremplinrudimentaire.Sesyeuxs’écarquillèrentd’horreurquandellevitcequiservaitde
pointd’atterrissage.
Oh...mon...Dieu!
...unemontagnedetampons(lessiens)contrelaquellelavoitures’écrasa.Souslechoc,ilsvolèrent
dans toutes les directions. Ian passa devant elle en courant. Il brandissait victorieusement la
télécommande en riant comme un psychopathe. Doug sortit de sa chambre pour voir ce qui se passait,
ramassaundestamponsetsouritd’unairnarquois.
—Superabsorbant?dit-iljusteaumomentoùEvanetFinnémergeaientdeleurschambres.
—Çaveutdirequoi?demandaIan,lefrontplissé.
—Jeneveuxmêmepaslesavoir,répliquaDougenbalançantletamponversMélanie.
Ellel’attrapaauvol,lecorpstellementbrûlantdehontequ’ellecraignitquesespiedsnefassentuntrou
dansletapis.Dougéclataderireetdisparutdansl’escalier,Ianàsestrousses.
—Ignore-le.C’estcequenousfaisonstous,ditEvanaveclesouriredequelqu’unquidortencore.
—Euh...mec...,ditFinnenlançantunregardappuyéverslecaleçond’Evan-imprimédegrenouilles
et...béant.
Paslemoinsdumondeembarrassé,Evansecontentaderetournerdanssachambre.
—Bon,jevaist’aideràramasser...toutça,ditFinn.
Ils’agenouillaparterreetcommençaàrassemblerdestampons.
MélaniebonditenavantetFinnbasculasurlesfesses.Elleluipritlestamponsdesmains.
—Non!Jenepréfèrevraimentpas!
—Maisjepeux...
—Non...paslapeine,ditMélanieenentassantmaladroitementlespetitsemballagesglissantsdansses
bras.Merci.
—OK.
Finnseremitsursespiedsetrestaplantéquelquesinstants,hésitant.Enfin,ildisparutdanslasallede
bains.Seretrouvantseule,Mélaniefaillitéclaterensanglots.Ilsétaientdoncentrésdanssachambre!Ils
avaientfouillédanssesaffaires!EtEvanavaitvusestampons.
Pasdedoute:c’étaitlepirematindesavie.
Mélaniesereleva,serrantsarécoltecontresapoitrine,etretournadanssachambreoùellejetatoutsur
sonlit.
OK,reprends-toi,sesermonna-t-elle.Ç’auraitpuêtrepire...d’unecertainefaçon.
Après avoir inspiré un bon coup pour se donner du courage, elle commençait à passer son haut de
pyjamapar-dessussatêtequandunmouvementdanslecoindesonchampdevisionlafits’interrompre.
Elle se mit à hurler. Perchés dans un chêne du jardin, Doug et Ian étaient à présent armés de jumelles
qu’ilspointaientdroitsursafenêtre.
—Qu’est-cequevousfaites?Vousêtesmalades?cria-t-elle.
Douggrimaçaunsourireetluifitungestedelamain.
—Commenttutrouvesmachambre?
—Tachambre?
—Hé,çanemedérangepasdesquatteravecMilll’Attardé...tantquej’ailedroitdeprofiterdelavue
!réponditDougenriant.
Hébétée,Mélaniebaissalesstoresd’uncoupsec.
— Les enfants ! Petit déjeuner ! appela Regina du rez-de-chaussée. Si vous ne ramenez pas tous vos
fessesd’icicinqminutes,vousallezêtreenretard!
Respire.Mélanieattrapalachaiseenboisdevantsonbureauetlacoinçasouslapoignéedelaporte
commeellel’avaitvufairetantdefoisdansdesfilms.Puis,selaissanttomberàgenoux,elleouvritsa
grandevalise.Sesépauless’affaissèrentdedésespoir.
—Qu’est-ceque...
Ilyavaitdestracesviolettessurledevantdesontee-shirtblancpréféré.Ellelesaisitetledéplia.Pile
au bon endroit, quelqu’un avait dessiné deux grands cercles agrémentés d’un point en leur centre. La
simplicité du tracé suggérait qu’ils avaient été réalisés par l’un des plus jeunes des garçons. Mais ce
n’étaitpastout.Mélaniedécouvritquetroisdeseshautsfavorisavaientétémassacrés.ReginaetJohn
savaient-ilsqueleursenfantsétaientdesfousdangereux?
Respire. Mélanie jeta les vêtements barbouillés dans la corbeille près du bureau et s’habilla
rapidement. Puis elle se sécha à moitié les cheveux et les attacha en queue-de-cheval. Elle avait hâte
d’êtreàl’école.Cedevaitêtreunendroitcarrémentplusagréablequecettemaison.Commentavait-elle
puseplaindredelapaixetducalmedelaveilleausoir?
Elle ouvrit la porte de son placard pour attraper ses tennis et fît un bond en arrière. Caleb se tenait
deboutdevantelle,sonsoutien-gorgeroseenrouléautourdelatêtedetellefaçonquelesdeuxbonnetslui
faisaientdesoreillesdeMickey.
—Hahahaha!T’aseupeur!
Calebtortillaitsapetitelangueenriant.
Le cœur battant à grands coups, Mélanie sauta pour l’attraper, mais il réussit à se faufiler hors du
placard.
—J’aitonsou-tif!J’aitonsou-tif!chantonna-t-ilendansantautourdelachambre.
—Caleb!
Mélaniesejetasurlui.
Le sale gosse fut trop rapide. Il l’esquiva, écarta la chaise qui tomba avec fracas et en profita pour
s’enfuir.Mélaniesejetaàsestroussesdansl’escalier,maisCalebenfourchalarampeetglissajusqu’en
bas. Ses pieds touchèrent le sol avant même que Mélanie ait pu atteindre la deuxième marche. Il se
retourna,luifitungrandsourireetfonçaverslacuisine.
—Caleb!Non!hurlaMélanie.
Dans la cuisine, les garçons discutaient et riaient en petit-déjeunant. Mélanie dévala les marches et
traversa le salon à toute allure. Elle passa le coin du couloir juste au moment où Caleb s’apprêtait à
pousserlesportesbattantes.
—Stop!cria-t-elle.
Aumêmeinstant,Seanapparut,surgidenullepart.D’unbras,ilattrapalepetitgarçonparlatailleetle
souleva.
—Lâche-moi!Lâche-moi!hurlaitCaleb.
Seanarrachalesoutien-gorgedelatêtedesonfrèreetletenditàMélaniequis’étaitarrêtéenet.Elle
n’avaitaucuneidéedecequ’elledevaitdireoufaire.
—Ilestintenable,ditSean.
C’étaientlespremiersmotsqueMélaniel’entendaitprononcer.
—Ouais,merci...,réponditMélanie.S’ilétaitrentrélà-dedans...
Seanlafixaunmoment.Avecsescheveuxbrunsenpétard,unetracedegraissevert-noirsousl’oreille
droite,ilétaitmagnifiquedanslegenreténébreux.Pourtant,quelquechosechezluigênaitMélanie.Peut-
êtreétait-celeregardinsistantetpénétrantaveclequelill’observait.Commes’ilsedemandaitquielle
était.
—Ouais,bon...,marmonna-t-il.
Ilfitdemi-touretempruntaunpetitcouloir.Mélanieleregardaouvrirlaportequidonnaitsurlegarage.
Uneodeurâcredecigarettefrappasesnarinesetelleaperçutdeuxgarçonsetunefille,tousvêtusdenoir,
vautrésdansdesvieuxfauteuils.Aumilieudugarage,unebatterietrônait,entouréedehaut-parleursetde
micros.Justeavantquelaportesereferme,Mélanieentrevitl’arrièred’uneHarleydontlacarrosserie
brillaitcommesionvenaitdelacirer.
Mélanie s’adossa au mur et inspira un grand coup. Apparemment, Sean jouait dans un groupe. Et la
motodevaitêtrelasienne.Siellearrivaitunjouràsesentiràl’aisesoussondrôlederegard,peut-être
pourrait-elleluienparler.
Enattendant,l’urgencepourelleétaitdesetrouveruneplanqueafind’ymettreenlieusûrdessouset
tampons.IgnorantlesgrondementsdesonestomacMélanieremontal’escalierd’unpaslourd.
De:[email protected]
À:[email protected]
Objet:Lemanueldumec
GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan
Noten°1
Observation n° 1 : Quand ils sont beaux, ils le savent. Exemple : Evan, le deuxième de la
portée.Élèvedeterminale.C’estlaperfectionfaitehomme.Etillesait.Çasevoitàsafaçon
de sourire d'un air entendu quand vous le regardez la bave aux lèvres. Ce qui n’est pas mon
cas.Absolumentpas.Enfinbref.Ilestencoretroptôtpoursavoirsicelanuitàsapersonnalité
(cf.MikeBlukowskietsonegogenreStadedeFrance).
Observationn°2:Ilsaimentlapeau.
Surtout la peau qu’ils ne sont pas censés voir. Exemple : l’espace entre le bas de votre teeshirtetvotreceinture.
Observation n° 3 : Ils ne connaissent pas la honte. Exemple : Evan n’était absolument pas
embarrassé en évoquant l’histoire de la batte de baseball en plastique - moi, à sa place, la
premièrechosequej’auraissouhaitée,c’étaitquetoutlemondel’oublie.
Observation n° 4 : Les garçons sont des pipelettes. Hallucinant, non ? J’ai entendu Finn et
Doug parler d’une fille appelée Dawn pendant à peu près VINGT MINUTES. Elle aurait
repoussé les avances d’un mec dénommé Simon parce qu’elle préfère un certain Rick ! Ils
ressemblaient à ces petites vieilles qui piapiatent sur un banc. Tu te rappelles celles qui nous
avaientsermonnéespendantuneheuresurlefaitquelesjeunesfillesnedevraientpasporter
deshort?Euh...attends,jem'égare.
Observationn°5:Lesaînéssontadorablesaveclesplusjeunes.
Ils étaient en train de jouer au Frisbee quand je suis arrivée, Evan a laissé Caleb et Ian le
plaquer.Troooooooooooopmignon.(Soupir.)
Observationn°6:Ilsontl’espritdeclan.
Genre clin d’œil, poignée de main secrète, et regards « pas-la-peine-de-nous-adresser-laparole-à-moins-d’avoir-un-chromosome-Y».Trèsentraînésdansl’artdelamiseàl’écart.
Observationn°7:Ilsneconnaissentpaslesensdumot«intimité».
Ilmefautunverrousurmaporte.Pointfinal.
Observationn°8:Lesgarçonssontdesporcs.
Ne me lance surtout pas sur le thème « Salle de bains ». J’envisage sérieusement de faire
appelauConseilsupérieurdel’hygiènepublique.Sérieusement.
Observationn°9:Ilsontvraimentdestrucsbizarresquisepassentlà,enbas(tuvoisceque
jeveuxdire).
Etjenecroispasêtreprêteàdéveloppercepoint-là.
Observationn°10:Ilssaventsefairedesennemis.Carrément.
2
—Quelabruti!Passe-moilesChocapic!
—Jerêve...Quiafinilejusd’orange?
—Lecaféestprêt!Quienveut?
Mélanie entra dans la cuisine. Après avoir rapidement évalué le chaos qui régnait à la table du petit
déjeuner,ellepréférarejoindreReginaprèsdel’îlotcentraloùlecaféinfusait.
—Bonjour,Mélanie!l'accueilligaiementRegina.
Elle jeta un coup d’œil à la tenue de Mélanie - teeshirt de l’armée et jean de garçon élimé - et son
souriresecrispalégèrement.
—Tuasl’air...àl’aise.
—Etjelesuis!répliquaMélanie.Jepeux?demanda-t-elleenmontrantlecafé.
—Jet’enprie,réponditRegina.Tuescheztoi!
Enfait,jecroisquecettemaisonappartientplutôtauxtarésassisautourdelatable,songeaMélanie
enattrapantlacafetière.Ellen’arrivaitpasàcroireque,aprèscequelesjeunesMcGowanluiavaient
faitsubirauréveil,ilspuissenttousmangertranquillementleurscéréales,sansmontrerlemoindresigne
de culpabilité. Ils n’avaient même pas l’air de craindre qu’elle les dénonce. Peut-être avaient-ils tout
simplementsentiqu’ellen’étaitpasdugenreàcafarder.
—Regina...Ai-jevraimentrécupérélachambredeDoug?demanda-t-elleenbaissantlavoix.
—Pourquoi?Tetorturerait-ilàcausedeça?
—Non,mais...jenevoulaismettrepersonnedehors.
—N’ypenseplus,ditReginaeneffleurantlamaindeMélanie.(Ellesepenchaverselleetchuchota:)
Entrenous,Dougavaitbesoind’êtreremisàsaplace.
Mélanie eut un sourire embarrassé et remplit sa tasse de café. À cet instant, Miller arriva et vint se
camperàcôtédesamère.Undesesbraspendaitlelongdesoncorps,tandisquedesonautremainil
agrippaitsoncoude.Ilregardaitparterre.
C’était quoi, son problème à lui ? Miller n’avait toujours pas posé les yeux sur Mélanie depuis son
arrivée.Ellesavaitcequec’étaitêtretimide,maiscegarçonbattaitdesrecords.
—Salut,Miller,dit-elle.
Ilneréponditpas.Essayantdenepassevexer,Mélanieversadusucredanssoncafé.Décidément,ce
n’étaitpassajournée.Elleajoutaunpeudelaitdemi-écrémédanssatasseetremuasoncaféavecune
cuillère.
—Çaneserangepaslà.
Mélanielevalesyeux.Millerfixaitlabriquedelaitavecinsistanceetserraitsonbrasencoreplusfort.
Occupéeàfarfouillerdansleréfrigérateur,Reginaleurtournaitledos.
—Quoi?demandaMélanie,lecœuràcentàl’heure.
—Çaneserangepaslà,répéta-t-il.
Pendantuncentièmedeseconde,ilregardaMélanie.C’étaitlapremièrefoisqu’ellevoyaitsesyeux.Ils
étaientd’unbleuclairintense.
—Çaneserangepaslà,répéta-t-il.Çaneserangepaslà.
Mélaniesentitsonpoulss’affoler.
—Jesuisdésolée.Qu’est-cequineserangepaslà?
—Çaneserangepaslà,ditencoreMiller,tandisquesonfrontrougissaitsérieusement.
Sontondevenaitdeplusenpluspressant.Mélaniereculad’unpas.
—Jesuisdésolée,jene...
—Milleraimerangerlesbouteillesetlescartonsparordredetaille,intervintenfinReginaenposant
sesmainssurlesépaulesdesonfils.
Cecontactsemblal’apaiserunpeu.
—Çaneserangepaslà,répéta-t-ilpluscalmement,commepourluiexpliquer.
—Oh...OK,ditMélanie.
Elle observa le plan de travail. Effectivement, tout y était aligné par ordre de taille, de la cafetière
jusqu’ausucrier,enpassantparlepichetdelaitetlaboîteàcaféenfer-blanc.Mélaniesaisitlabriquede
laitdemi-écréméd’unemainquelquepeutremblanteetlaremitàsaplace,entrelecaféetlesucre.
Millersourit,satisfait.
— Miller, je te présente Mélanie, dit Regina en se penchant sur son épaule. Tu te souviens que nous
avonsparlédufaitqu’elleallaitvenirvivreici?Est-cequetuluiasditbonjour?
—Bonjour,ditMilleraucarrelage.
—Salut,réponditMélanie.
—TusavaisqueJoeDiMaggiodétenaitlerecorddelaLiguemajeuredebaseballenmarquantuncoup
pendantcinquante-sixmatchsd’affilée?demanda-t-ilenluijetantuncoupd’œilrapide.C’étaiten1941,
quandiljouaitaveclesNewYorkYankees.
MélanieregardaReginaquiluifitunsignedetêteencourageant.
—Ahoui?Ilfaudraquejem’ensouvienne.
Millerhochalatêteetlevauninstantlesyeuxverssamère.Puis,fixantdenouveaulesol,ilrejoignitla
table. Tout d’un coup, Mélanie ne sut plus où se mettre. Qu’est-ce que c’était que cette histoire ? Et
pourquoisesentait-ellesidésemparée?
—Tesparentsnet’ontpasprévenueausujetdeMiller,hein?chuchotaRegina.
Mélanieavalasasaliveavecdifficultéetposasatassesurleplandetravail.
—Qu’est-cequ’ila?
—Lesyndromed’Asperger.C’estuneformed’autisme,expliquaRegina.Tuconnaisunpeu?
—Pasvraiment,ditMélanieenseretournantpourobserverMillerquiparlaitavecFinn.Jeveuxdire,
j’aientenduparlerdel’autisme,mais...
— Il peut prendre plusieurs formes, mais, en gros, il s’agit d’un dysfonctionnement du comportement
social,luiexpliquaRegina.EncequiconcerneMiller,ilfautqueleschosessoientordonnéesàsafaçon,
sinon, il s’agite, comme tu as pu le voir. Ensuite, les nouvelles têtes, ça n’est pas son truc. Mais,
clairement,ilt’aimebien.
—C’estvrai?
—Normalement,illuifautaumoinsunesemainepours’habitueràunenouvellepersonne.Avectoi,ça
aprisuneseulenuit,ditRegina.Enfin,ilauneexcellentemémoireetesttrèsdouéenmaths,notamment
enstatistiques.Sonobsessionprincipale,c’est...
—...lesNewYorkYankees,terminaMélanieenregardantlemaillotdeDerekJeterqueportaitMiller.
—Exactement.Tut’imaginesbiencequeJohn,faninconditionneldesRedSox,peutressentirfaceàce
fils en adoration devant l’empire du mal, gloussa Regina. Enfin bref, si tu as une question à propos
d’Aspergeroudequoiquecesoitd’autre,Mélanie,n’hésitepasàvenirnousvoir.Millerestunenfant
merveilleux.Ilajustebesoind’unpeuplusd’attentionquelesautres,c’esttout.
—Compris,ditMélanie.
TandisqueReginaremettaitdel’ordredanslacuisine,Mélanierestaàl’écartduchampdebataille,
buvantsoncaféàpetitesgorgées.Àunboutdelatable,Calebéternua.Mélanieobservaavecsurprise
queDougplaçaituneservietteenpapiersouslenezdesonpetitfrèreetl’aidaitàsemoucher.Puisil
ébouriffalescheveuxdeCalebetselevapourjeterlaserviettedanslapoubelle.
Iln’estpeut-êtrepassimauvaisqueça,sedit-elle.Biensûr,çanechangeaitrienàsadécision:elle
neremonteraitjamaissesstores.
QuandDougselevapourattraperunmugsurlecomptoiretseservirducafé,Mélanieremarquaqu’une
cuissedesonjeanétaitrecouverted’ungribouilliscompliquéreprésentantunefemmeaveclescheveux
coiffés en piques et des seins monstrueux qui jaillissaient à moitié d’une combinaison moulante. Sur
l’autrejambe,unpersonnagemasculindugenreduràcuirebrandissaituneépée.Sachantqu’ils’agissait
destyloàbillesurdenim,onpouvaitpresqueparlerd’œuvresd’art.
—Qu’est-cequeturegardes?fitDougenlevantlementon.
—Rien,réponditautomatiquementMélanie.
Dougbaissalesyeuxverssonpantalon.
—Ellesteplaisent,mesjambes?demanda-t-ild’untonmoqueur.
—C’est...c’esttoiquilesasdessinés?demandaMélanieenessayantd’ouvrirlaconversation.
—Maisnon,abrutie,j’ailaisséquelqu’undessinersurmesjambescetété.
—Doug!Langage!ditRegina.
DougtoisaMélanieavecdédain.
—SijamaisturetrouvesundemesvieuxPlayboydanslachambre,dis-le-moi.
Etilsortit.
—Doug!DouglasArnoldMcGowan!Reviensicitoutdesuite,criaRegina.Jesuisdésolée,Mélanie.
—Pasdeproblème.
Une fois assise à un bout de la table, elle se servit un bol de céréales et fit son possible pour se
détendre.Detouslesgarçonsdecettemaison,Dougétaitceluiquil’exaspéraitleplus.Elleéviteraitde
croisersoncheminetespéraitqu’ilnesemettraitpassurlesien.
— C’est votre école ? demanda Mélanie en regardant par la vitre arrière de la vieille Saab rouillée
d’Evan.
—Ehoui,ditFinn.BakerHighlaSplendide.
—Impressionnée?demandaEvan.
—Assez,avouaMélanie.
Le bâtiment ressemblait à ceux qui apparaissaient sur les brochures de Harvard. C’était une énorme
structure de brique avec une vraie horloge sur la tour centrale de la façade. Des arbres gigantesques
ombrageaient l’allée menant à l’entrée principale et entouraient les terrains de sport. Des dizaines de
fenêtres donnaient sur un ruisseau, qui gargouillait au bout du terrain de football américain dont la
pelouse soigneusement tondue semblait artificielle. En haut des gradins courait une énorme banderole
d’encouragement.
Partout, des filles aux visages frais portant des minijupes plissées poussaient des cris aigus en
s’enlaçant,avantdeseraconterabondammentleursvacances.Flânantsurlesmarches,devantlagrande
porteàdoublebattant,unebandedegarçonsvêtusdevestesbordeaux,uniformedulycée,observaientla
scène. Mélanie fut soulagée de voir passer un groupe de filles en jean, dont l’une serrait un ballon de
footballcontresapoitrine.Pendantuninstant,elleavaitcraintdes’êtreretrouvéeaulycéeParis-Hilton.
EvangaralaSaabdansuncrissementdefreins.Mélanieouvritsaportièreetjetasonsacàdosquasi
videsursonépaule.Ellen’avaitemportéquesonportefeuille,uncahieretseschaussuresàcramponsde
foot,aucasoù...Àprésent,aupiedduhautbâtiment,elleavaitpresquelesoufflecoupé.Sonlycéeau
Texas n’était qu’une construction de plain-pied en acier et ciment. Celui-ci semblait avoir participé à
l’éducationdespèresfondateursdelanation.
—Viens,ditFinn.Onvatemontrerlesbureauxdel’administration.
—Merci,ditMélanie.
—Tunepensaisquandmêmepasqu’onallaittelaissertouteseule!proclamaEvanquifitquelques
pasenarrièreavantdeluidécocherundesmagnifiquessouriresdontilavaitlesecret.
Mélanieremarquaquequelquesfillesladévisageaientaveccuriositéalorsqu’ellemontaitlesmarches
encadréeparFinnetEvan.Cederniersaluauntypeaugabaritdedéfenseurdefootballaméricainetlui
donna rendez-vous à l’heure du déjeuner. Mélanie sourit. Quelle chance de faire son entrée avec des
renforts!
Ilspénétrèrentdanslehallchaleureux,oùs’alignaientdesvitrineschargéesdetrophées.
—Hé!Strickland!appelaEvan.Attends!
MélanieetFinns’arrêtèrent.
—Désolé,lesamis,j’aiquelquechoseàfaire,leurditEvan.Jevousretrouveplustard.Bonnechance,
Kicker.
Evanredescenditquelquesmarchespourrejoindresesamis.Ilsétaienttousdugenreathlétiqueetnela
quittèrentpasdesyeuxpendantqu’Evanleurserraitlamainetleurdonnaitdestapesdansledos.Quand
elleserenditcomptequ’ilslafixaient,ellesedétournaillico.
—Net’occupepasdelui.Leroidoitsaluersesgens,ditFinnavecunepointedesarcasme.
—Lepluspopulaire...leplusathlétique...etceluiquiréussitlemieux?demandaMélanie.
—Exactement.
Tandisqu’ilssillonnaientlescouloirs,Mélanieremarquaquelescasiersétaientpeintsenbordeauxet
oretquedesbannièresportantladevisedel’écolecouraientsurtouslesmurs.Desaffichespressaient
lesétudiantsdes’inscrireàtoutessortesd’activités,duclubdephotoàl’équipedehockeyenpassantpar
l’antennelocaled’AmnestyInternational.
—Bon,nousyvoilà,ditFinnens’arrêtantdevantuneporteenboismassiveoùilétaitmarquéBureau
principal.NetelaissepasimpressionnerparlavieilleBetsy.C’estjusteunêtrehumainmalheureux.
—Merci.
—Derien,ditFinnavecundemi-sourireenreculantnonchalamment.Bonnechance!
Après qu’il eut disparu, Mélanie resta un moment immobile au milieu du couloir, prenant un peu de
tempspourintégrercequisepassait.Unefilleauxcheveuxrouxboucléspassatranquillementavecses
copinesetlançaàMélanieunsourirecurieux,maispasdésagréable.
Etc’estreparti,songeaMélanie.Nouvelleville.Nouvelleécole.Desmilliersdenouvellespersonnes.
Ellepouvaitsoitselaisserécraserparlasituation,soittenterd’entirerlemeilleur.
Dans un soudain élan de confiance, Mélanie se redressa. Elle était déjà passée par là plein de fois.
Bon, bien sûr, jusqu’à présent ses parents avaient toujours été là pour lui remonter le moral après un
premierjourmédiocre...Maiselleavaitgrandi.Ellepouvaitprendresoind’elle-même.Mélaniepivota
sur ses talons et pénétra dans le bureau. Le vrai défi, c’était de vivre avec sept garçons. Une nouvelle
école,c’étaitdelatarte.
Leplusdur,audébut,c’étaittoujourslacafétéria.Aumoins,encours,toutlemondesemélangeait.Les
meilleurs amis étaient séparés, les groupes se retrouvaient sans leurs noyaux. Mais, à la cafèt’, tout se
remettaitenplace.Chacuns’installaitàunetabledéterminée,etlenouveauseretrouvaitplusexposéque
jamais.
Mélanie pénétra dans le réfectoire de Baker High armée de ce savoir et chargée d’un monceau de
cahiers et de livres. Son casier était à l’autre bout du bâtiment par rapport à sa classe, ce qui ne lui
laissait pas le temps d’aller y déposer quoi que ce soit. Elle commençait à réaliser qu’elle aurait
probablementàrapportertoutcebardachezellechaquesoir.
Mélanies’arrêtaprèsdelaporteetjetauncoupd’œilautourd’elle.Quelquesfillesl’avaientabordée
dans la matinée, mais aucune ne lui avait suffisamment fait la conversation pour qu’elle puisse se
permettredes’installeràsatable.EtMélanien’allaitcertespass’incrusteràcelledeDoug,deFinnou
d’Evan.Elleseréjouitdevoirque,justederrièreleslonguestabléesagitées,setrouvaitunepetitecour
calmeoùs’alignaientdevieillestablesdepique-niqueetdesbancsgrisésparletemps.Seulsquelques
solitairess’asseyaientlà,dehors,loindelafoule.Desrêveursselonelle.
Aprèsavoirchoisiunsandwichàl’apparenceconvenable,unsachetdechipsetunsoda,Mélaniepassa
lesportesdelacouretselaissachoiràlapremièretablelibre.
Épaules voûtées, cerveau fatigué, Mélanie sortit lentement le sandwich de son emballage. Il ne lui
restaitplusqu’àtenirquelquescoursetelleseretrouveraitdanssonélément:surleterraindefoot.Elle
espéraitjustequelasecrétairenes’étaitpastrompéelematinenluidisantqueleséquipesacceptaient
encore des élèves. Betsy ne semblait pas être sûre de grand-chose, sauf du fait qu’elle était plus
intelligente que Mélanie, et que toute autre personne d’ailleurs. Elle avait soupiré chaque fois que
quelqu’un lui avait posé une question, comme si les réponses étaient évidentes, mais avait mis dix
minutespourlesdonner.
— Ah, le voilà ! annonça-t-elle en tirant une feuille d’un dossier sur son bureau. Coach Léonard est
l’entraîneuse de l’équipe féminine de football. Les entraînements ont commencé le 20 août, mais de
nouveaux élèves peuvent se présenter pour un essai. Pour cela ils doivent venir sur le terrain derrière
l’écolelepremierjourdereprisedescours.
EllebaissaseslunettesetjetaunregardsuffisantàMélanie.
—J’espèrequetuasapportétestennis,machère,ajouta-t-elle.
—Jenesorsjamaissans,avaitrépliquéMélanieentapotantsonsacàdos.
Ses crampons pendaient hors de son sac bourré de livres, et Mélanie se demandait si les filles de
l’équipel’avaientremarquéedanslescouloirs.Ellejetaunœilderrièrelesbaiesvitréesdelacafétéria,
essayant d’identifier les joueuses. Étaient-elles bonnes ? Étaient-elles trop bonnes pour qu’elle puisse
intégrerl’équipe?
Mélanieauraittoutdonnépourundiscoursencourageantdesonpère.Dommage...ilestàdesmilliers
dekilomètres,songea-t-elle,lagorgeserrée.Ilnefallaitpasqu’ellepenseàsesparents.Ilneluirestait
quequelquesheuresàtenir,etellen’allaitpassemettreàs’apitoyersursonsort.
LaportederrièreellegrinçaetMillerapparut,agrippéàsonplateau.Commetoujours,sesyeuxétaient
rivésausol.Ilmarchaenlignedroitejusqu’àlatableaufonddelacour,ydéposasonplateauets’assit.
Puisilsortitunpetitpostederadiodesonsacetglissadesécouteurssursesoreilles.Quandilfinitpar
leverlesyeux,leursregardssecroisèrent.Pendantunefractiondeseconde,aucundesdeuxnebougea.
—Salut,Miller,ditenfinMélanie.
—LesYankeesjouentleurcenttrente-cinquièmematchdelasaison,répondit-il.
PuisiltournaunboutonetMélanieentenditlavoixducommentateurgrésiller.Millerposalaradiosur
latableetcommençaàsaleretpoivrersasoupe.Mélanieremarquaquesacannettedesoda,sabouteille
dejusdefruitsetsonsandwichétaientalignéssursonplateauparordredetaille.Ildécalalesandwich,
plaçalasalièreetlapoivrièreentreluietlejusdefruitsetsecalasursonsiège,l’airsatisfait.
TooDamn-Funky:commentçades«trucsbizarreslà,enbas»????tunepxpasbalancerça
ssXpliquer!
Kicker5525 : ha-llu-ci-nant : ce matin Evan C réveillé et est sorti de sa chambre le calbute
béant.Calbuteàgrenouillesdecartoon!
TooDamn-Funky:oh!hahahahahaha!tun’auraispasaperçuunboutdechair,parhasard?
Kicker5525:ohkenon!jen’aipasregarD.
TooDamn-Funky:tuvisàTestostéronevillemaintenant!vafalloirtifaire!
3
L’équipe de football était rassemblée sur les gradins quand Mélanie approcha. L’entraîneuse - une
grande femme musclée aux cheveux noirs coupés court - lui tournait le dos et parlait à son équipe.
Traverserleterrainpourlesrejoindrepritdutempset,quandellearriva,touteslesfilleslaregardaient.
Ellelaissatombersonsacsurladernièremarcheetlacoachs’interrompitenpleinephrase.
—Tudoisêtrelanouvelledontj’aitantentenduparler,dit-elleenjetantuncoupd’œilauxchaussures
àcramponssalesdeMélanie.
—J’imagine.
Apparemment, elle avait eu raison de penser que ses futures partenaires de jeu remarqueraient ses
cramponsdanslescouloirs.
—JesuisMélanieMeade.
—CoachLéonard,réponditlafemme.Quellepositiontujoues,Mélanie?
—Avant-centre.
Unéclatderire,suivipard’autres,accueillitsaréponse.Leschuchotementsqu’elleavaitentendusà
son arrivée s’amplifièrent, et quelques filles secouèrent la tête, visiblement de pitié. L’entraîneuse,
toutefois,nesemblapasdutoutimpressionnée.
— Bon, dit-elle en hochant la tête. Les filles, si on se remuait un peu pour voir ce dont Mélanie est
capable?Tina,pourcettefois,turestessurlebancdetouche.
Tina,laroussequiavaitsourilematinmêmeàMélanie,grimaçaenserasseyanttandisquelaplupart
des autres filles dégringolaient les marches. Elle tendit un maillot rouge roulé en boule à Mélanie, qui
s’empressadel’enfilerpar-dessussontee-shirt.
—Merci,ditMélanie.
—Bonnechance,réponditTina,sarcastique.
Mélanies’éloignaencourantetrejoignitlesautresrougesducôtéouestduterrain.Ellesalualesfilles
surlaligneetquelques-unesluitendirentlamain,maisaucunnomnefutdonné.Unefoisenplace,ces
nanasétaienttoutaujeu.CelaplutàMélanie.
Coach Léonard marcha jusqu’au milieu du terrain avec un ballon et vint se placer entre Mélanie et
l’autreavant-centre.Lafilleétaitgrande,bronzéeetlarged’épaules,avecunetaillefineetdesjambesde
tueuse.Sescheveuxblondsretenusenunequeue-de-chevalépaisseavaientétééclaircis.Elleportaitun
peu trop de maquillage, mais Mélanie put voir à son regard féroce qu’au fond elle n’avait rien d’une
Barbie.Voilàquirisquaitd’êtreintéressant.
Leballontomba,lecoupdesiffletretentit,etlematchcommença.Mélaniepritvitelecontrôledela
balleetcommençaàremonterl’airedejeu.Ellefitunepasseàlafillesursadroiteetpartitenavant,
doublantcommeuneflèchelapremièredéfenseuse.Leballonluirevintquelquessecondesplustardet
Mélaniefutbousculéedefaçonrude,néanmoinsellefitadroitementpasserlaballeentrelesjambesdela
défenseuse. Elle mena la balle au bout du terrain, usant de super-techniques de pied pour tromper une
autre joueuse. Elle fonça vers les buts laissés pratiquement sans défense. La gardienne, d’après
l’expressiondesonvisage,étaitdépassée.Mélaniefeintaàgaucheettiraàdroite.Lafillen’avaitaucune
chance.
—Goal!criaCoachLéonardquandlaballefilaaufonddelacagedesbuts.
Les filles de son équipe se rassemblèrent autour de Mélanie. Elles la félicitèrent avec de grandes
claquesdansledos,leurpaumelevéepourqu’elletapedansleursmains.Çaavaitétéunpeutropfacile.
Mélanieespéraitquelabonnegardiennesetrouvaitdeleurcôtéduterrain.
— Pas mal, Mélanie, lança Coach Léonard. Les autres, l’image que vous donnez de moi n’est guère
reluisante.Allez!Onsebouge!
Cettefois,l’autreavant-centrelançaunregardnoiràMélaniequandellessepositionnèrentsurlaligne.
—C’estlachancedesdébutants,déclara-t-elle.
Mélaniel’ignora,sachanttrèsbienquelabonnerépliqueneluiviendraitàl’espritquecinqheuresplus
tard-etquedetoutefaçonellen’auraitjamaislecouragedelaluibalancer.Aulieuderépondreàla
fille,ellesecontenteraitdeluifairemordrelapoussière.
Au coup de sifflet, Mélanie s’appropria de nouveau la balle, mais Blondie la récupéra tout de suite
d’uncouprapideetprécisentrelesjambes.ToutsepassatellementvitequeMélanien’eutmêmepasle
tempsdevoircequisepassait.Ilneluirestaqu’àriretoutenselançantàlapoursuitedelafille.
—Joliefeinte,cria-t-elle,impressionnée.
—T’asintérêtàt’yhabituer,répliqualafille.
EllefitunepasseetleballonfiladevantMélaniedeuxsecondestroptôt.Lacoéquipièredelafillele
réceptionna,maisleperditvite.LeballonrevintversMélanieenvolant.L’angleétaitparfaitpourune
tête,etMélaniesauta.Maisavantmêmequesonfrontnetouchelecuir,ellefutprojetéeausolparun
coupviolentquifittremblertoussesos.Letempsqu’ellerelèvelatête,Blondieavaitdéjàparcourula
moitiéduterrainaveclaballe.
—Attention,Hailey!crialacoach.
—Waouh!marmonnaMélanieenregardantHaileymarquer.Ondiraitqueçanerigolepas.
Ellesavaitquelecoupd’Haileyétaitunefauteflagrantequiluiauraitvaluuncartonjaunependantun
match,maiselleappréciaitquelafillen’aitpaspeurdejouerdur.Toutesleséquipesavaientbesoinde
joueurstéméraires.Enplus,visiblement,Haileyavaitunesacréetechnique.
Peut-être même meilleure que la mienne, pensa Mélanie. Elle était habituée à être une star sur les
terrainsdefoot,maiselleaccepteraitvolontiersdepartagerledevantdelascèneaveccettenana.Elle
espéraitjustequelapositiond’avant-centred’Haileynel’empêcheraitpasd’intégrerl’équipe.
Quelques minutes plus tard, un coup de sifflet retentit et tout le monde quitta le terrain en trottinant.
MélanierejoignitHaileyencourantetluitenditlamain.
—Jolijeu,luidit-elle.Jenet’aimêmepasvuearriver.
Haileyregardasapaumecommesielleétaitcouvertedepustules.
— Ouais, comme presque tout le monde. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai joué en national
troisansdesuiteetquetun’aurasjamaismaplace.
LaréponsestupéfiaMélanie.ElleralentitpourlaisserHaileyrejoindreTinaetquelquesautresfilles
aveclesquelleselleéchangeadesclaquementsdemain.
—Net’enfaispaspourHailey.Personnenel’apprécie,fitunevoix.
Uneautrejoueuse,ailièredroiteaucôtédeMélanie,l’avaitrattrapée.Elledégageaituneimpressionde
puissance. Ses cheveux blonds mi-longs, attachés en queue-de-cheval pendant le match, tombaient à
présentlibrementlelongdesonvisageluisantdetranspiration.C’étaitunedesfilleslesplusrapidesde
l’équipe.
—Mêmepaselles?demandaMélanieendésignantlesamiesd’Hailey.
—Ellelespaie,réponditlafilleenriant.Entantquesœur,j’ailedroitderefuserl’argentetdeluidire
cequejepense.
—Tuessasœur?répétaMélanie,surprise.
—Jesais.Jesuistellementplusbellequ’elle,ditlafilleenbattantdescilsdefaçoncomique.Bref,je
suisAimeeFarmer.Lapetitesœurd’Hailey«ReinedesGarces»Farmer.
—Ah,ditMélanieenluiserrantlamain.Moi,c’estMélanie.
—Jesais.Onétaitaumêmecoursdechimie,cetaprès-midi,non?
—Tuétaislà?Jesuisdésolée,jenemesouviensderienàpartd’avoirfaillibrûlerlessourcilsde
monvoisin.
Aimeerit.
—Dis-moi...tuasétéincroyable.Oùas-tuapprisàjouercommeça?
— J’ai beaucoup joué dans des équipes de garçons, expliqua Mélanie. (Elles atteignirent la ligne de
touche,oùtouteslesfillesétaiententraindetéterleurbouteilled’eau.)Etl’annéedernièremonéquipea
remportélechampionnatduTexas.
—Waouh!LeTexas.C’estunÉtatimportant.
—Tum’étonnes...
—OK,lesfilles,travaillonsunpeulesdribbles!annonçaCoachLéonard.
Quelquesfillesattrapèrentlesplotsorangeempilésàcôtédesgradinsetlesemportèrentsurleterrain.
—Mélanie,viensmevoiraprèsl’entraînementpourqu’ondiscutedetapositiondansl’équipe.
—OK,Coach,ditMélanie.
—Évincemasœur,jet’ensupplie,chuchotaAimee.Jetechériraijusqu’àlafindemesjours.
Mélanie rit et elles retournèrent sur le terrain à petites foulées. Une chaleur familière et excitante
parcourutMélaniedelatêteauxpieds.Ellesavouracettesensation,mêmesicelaluifaisaitaussipenser
àTracyavecunpincementaucœur.Ellesentaitqu’ellevenaitdesefaireunenouvellecopine.
— Eh bien, Mélanie, il est évident que tu as du talent - et je suppose que tu le sais déjà, dit Coach
Léonard.
Ellesétaientdeboutdanslecouloir,devantl’entréeduvestiairedesfilles.Lescheveuxencoretrempés
deladouche,Mélaniecroisalesbrassursapoitrineetessayadecalmerlespapillonsdanssonventre.Il
fallaitabsolumentqu’elleintègrecetteéquipe.Sansl’entraînement,lesdribblesetlesmatchs,elleserait
complètementperdue.
—Maisj’aidéjàunebonneavant-centre,lamêmedepuistroisans.(Mélanieserralespoings.)Donc,
j’aiuneautrepropositionàtefaire.
—Laquelle?demandaMélanie,pleined’espoir.
—Qu’est-cequetupensesdepasserailièregauche?Surleterrain,c’estnotrepointfaible,etjesuis
sûrequetuserasparfaite.
Mélaniesouriaitjusqu’auxoreilles.
—Biensûr,Coach.Toutcequevousvoulez.
— Parfait, dit l’entraîneuse en lui donnant une tape sur l’épaule. Contente de t’avoir parmi nous,
Mélanie.Avectoidansl’équipe,jesuissûrequenousironsloin,cetteannée.
—Merci,Coach.
—Alors,àdemain.
CoachLéonardluifitunpetitsignedetêteens’éloignant.
Yes!Merci,merci,merci!
—Hé!Tuasréussi?demandaAimeeensortantdesvestiairesquelquesinstantsplustard.
—Ouais.Ailièregauche,réponditMélanie,radieuse,enhissantlesacdelivressursonépaule.
EllesuivitAimeedehors,danslalumièrebrillantedusoleil.Ellesesentaitpluslégèrequel’air.Elle
avaitintégrél’équipe!Sanouvellevieavaitofficiellementcommencé.
Elle avait hâte de rentrer et de l’annoncer à ses parents. Enfin... de l’annoncer par téléphone, se
rappela-t-elleavecungrospincementaucœur.Çaluiavaitfaitceteffettoutelajournée.Décidément,il
luifaudraitdutempspours’habitueràl’éloignement.Toutvabien.Tuleurdirascesoir, songea-t-elle.
Çaserasuper.
—Bon.VoilàquidonneraencoreunpeupluslagrossetêteàHailey.Jerêvaisd’unpetitcoupàson
ego, dommage, dit Aimee en riant. Mais je suis bien contente pour toi. Hé... tu veux que je te
raccompagneenvoiture?
—Ehbien,ceserait...
LaréponsedeMélanierestacoincéedanssagorge.Ellevenaitdevoirquelquechosequiimmobilisa
sescordesvocales.Lavoitured’Evanétaitgaréedansleviragedel’alléedel’école,etEvanlui-mêmey
étaitadossé.Ilsemblaitperdudanslacontemplationdelapelouseluxuriante.Sesjambesétaientcroisées
auniveaudeschevillesetsescheveuxblondsbrillaientsouslesoleil.
Il leva les yeux, repéra Mélanie et lui sourit. Il était venu la chercher à la fin de son entraînement.
Mélanien’avaitjamaisvécudemomentaussiparfait.
Mais...oh,monDieu.Qu’allait-ellebienpouvoirluidireunefoisqu’ilsseretrouveraientseulsdansla
voiture?D’accord,ill’avaitamenéelematin,maisFinnétaitassisàcôtédeluiàl’avantetilsavaient
discutéentreeux.Commentfaireletrajetavecluisansqu’elleserendeparfaitementridicule?
—Salut,baby!criaEvan.
Hein?
Hailey passa en courant devant Mélanie et Aimee, bousculant sa sœur dans sa course qui s’acheva
directement dans les bras d’Evan. Il la souleva du sol pour lui donner un long baiser quasi obscène.
Mélanienepouvaitdétachersesyeuxducouple.
Ilaunepetitecopine,envisagea-t-elle,etsabonnehumeurs’évanouitinstantanément.Mais bien sûr
qu’ilaunepetitecopine!Regarde-le.
Pourquoifallait-ilquecesoitelle?
—Masœur,latraînéepubliquenuméroun,marmonnaAimee.
—Trouvez-vousunechambre!criaunedescopinesd’Hailey.
Lesautresfillesdel’équipeéclatèrentderire.
Haileysedécolladuvisaged’Evanetleurdécochaunsouriresuffisant.Elleattrapalamaind’Evanet
l’écarta de la voiture pour pouvoir y entrer. Evan lui ouvrit la portière. À peine assise, elle baissa le
pare-soleilpourvérifiersonmaquillagedanslemiroir.
—Hé,Mélanie!Tuviens?criaEvan.
Haileyredressalatêteetregardaparlafenêtred’unairfuribond.
—Euh...ouais,réponditMélanie,forçantsespiedsàbouger.Àdemain,dit-elleàAimee.
Elle baissa la tête pour attacher ses cheveux humides en un chignon rudimentaire et marcha vers la
voiture. Evan lui ouvrit la portière. Elle s’écrasa sur la banquette arrière sans pouvoir le regarder.
Commentpouvait-ilapprécierHaileyFarmer?Ilétaitcenséêtreparfait...
—Alors?Comments’estpasséetapremièrejournée?demandaEvanenmanœuvrantpoursortirdesa
placedeparking.
—Pasmal,réponditMélanie.
—Bof,commed’hab,ditHaileyenmêmetemps.
EllejetaunregardnoiràMélaniedanslerétroviseur.Evanrit.
—Enfait,Hails,jeparlaisàMélanie,expliqua-t-ilenposantsamainsurcelled’Hailey.Toutlemonde
saitcommenttapremièrejournées’estpassée.
EvanetHaileyéchangèrentunregardentenduavantd’éclaterderire.
—Ehbien,elleaétéacceptéedansl’équipedefoot,ditHailey.
—Cool,Mélanie.Félicitations.
—Merci,ditMélanie.
—Alors,oùt’aplacéelacoach,finalement?demandaHailey.Onsaitbienquetunevaspasjouerau
centre...
Mélanieeutl’impressiond’êtreenferméedansunfour.Elleregardaparlafenêtre.
—J’attaqueraiàgauche.
Ellevitlesouriresournoisd’Haileydanslerétroviseurcôtépassager.
—Oh,ehbien,c’estuneplaceimportante,ditlablonde.Tuserasmonailière.
Mélanielevalesyeuxauciel.Ellefulminait.ÊtreincapabledemoucherunefillecommeHaileyétait
unechose,maisqueçaarrivedevantEvanétaitdixfoispire.Pourquoin’arrivait-ellepasàsedéfendre?
—Net’occupepasd’Hailey,ditEvan.Lefootball,c’estsavie.
HaileylançaunregardagacéàEvanqu’ilneremarquapas.
—Onneplaisantepasàl’attaque,dit-elle.J’espèrequetuvaspouvoirsuivrelerythme.
—Oh,allez,Hails.Léonardnel’auraitjamaisprisesiellen’étaitpasbonne,protestaEvan.
Mélanie aurait voulu l’embrasser - s’il n’y avait pas eu un million d’obstacles physiques et
psychologiquesentreeux,biensûr.
—Jedisçaenl’air,ditHaileyenlevantlesmains.Jeveuxjustequ’ellesoitpréparée,c’esttout.
—Net’inquiètepaspourmoi,ditMélanie.MonéquipeafinichampionneduTexasl’annéedernière.
Voilà!Bienenvoyé!sefélicita-t-elle,unsouriretriomphantsurleslèvres.
—Vraiment?demandaEvanenluijetantuncoupd’œilpar-dessussonépaule.C’estexcellent,Kicks.
LesouriredeMélanies’élargit.
—Kicks?C’estquoiKicks?demandaHailey.
—LesurnomdeMélanie,expliquaEvan.Enfait,sonsurnom,c’estKicker,maisjel’airaccourci.Je
trouveKickspluscool,pastoi?demanda-t-ilàMélanieencherchantsonregarddanslerétroviseur.
—C’estclair,réponditMélanie.
Haileyseraiditsursonsiègeetregardaparlafenêtre,lamâchoireserrée.
—Commec’estmignonquevousvousdonniezdéjàdespetitsnoms...
—Jemetrompeouilyaunepointedesarcasmedanstaremarque,Hails?demandaEvand’unton
taquin.
Ilprofitad’unfeurougepourattrapersamainetl’embrasser.Haileylevalesyeuxauciel,maissourit.
—Tutetrompes,dit-elle.Bon,comments’estpassétonentraînementàlacrosse?Tucroisquevous
allezpasserennationalcetteannée?
—Tusaisbienquejem’enfiche,ditEvanquitenaittoujourslamaind’Haileyetconduisaitdel’autre.
Lacrosse,c’estpourlefun.Tantquenotreéquipedehockeycontinuedecartonner...
—Jesais,jesais!Lesuniversitésviendronttefairelacour!terminaHailey.
Pendantqu’EvanetHaileypapotaient,Mélanieeutladésagréableimpressiondetenirlachandelle.Elle
seblottitsurlabanquettearrièreetseperditdanslacontemplationdupaysage,sedemandantsilamaison
d’Hailey était très loin de l’école. Car, si l’idée de se retrouver seule avec Evan dans la voiture ne
l’enchantaitpas,écouterlebabillagedesdeuxamoureuxétaitunsupplice.
De:[email protected]
À:[email protected]
Objet:Programmed’immersion
GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan
Noten°2
Observation n° 1 : Quand il y a de la nourriture dans leur champ de vision, les garçons ne
voientpasgrand-chosed’autre.
C'est comme quand le lion rencontre la gazelle sur Animal Planet. Heidi Klum pourrait entrer
dans la pièce, aucun ne la remarquerait. Bon, d’accord, peut-être que si. Impossible
d’expérimenterlathéorie.Maisquandmême,c’estunmomentdeconcentrationultime.
Observation n° 2 : Ils se laissent facilement distraire. Evan était censé me faire faire un petit
tourdel’école,maisilarencontrédespotesetachangédeplan.Jepréfèrenepasconsidérer
celacommeuneatteintepersonnelle.
Observationn°3:Ilssaventprendrelapose.
Evan.Savoiture.Unrayondesoleil.Unepauselangoureuse,l’airderien.(Soupir.)
Observationn°4:Ilsontdedrôlesdegoûtsenmatièredefemmes.
4
—Alors?Tut’esbienamusée?demandaReginacesoir-làenouvrantlaported’entrée.
— Ouais, merci encore, répondit Mélanie. Mais, vraiment, il ne fallait pas vous sentir obligée de
m’achetertoutça.
ElleportaitquatresacsremplisdevêtementsetdemaquillagequeReginaavaitabsolumentvoulului
offrir.
—Jenemesuispassentieobligée!J’enaieuenvie,corrigeaRegina.As-tuidéeduplaisirqueçame
faitdepasserunpeudetempsdanslesrayonsfémininsdeGap?
Mélanieéclataderire.
—Ehbien...Merciencore.
—Maisderien.Jevaismepréparerduthé.Tuenveux?
—Non,merci.Jecroisquejevaisplutôtmonterrangertoutça.
—Alorsbonnenuit,machérie,ditReginaavecunsourire.
—Bonnenuit.
Mélanie emprunta le couloir qui menait à l’escalier et s’immobilisa en entendant des voix monter du
sous-sol.Dougcommentaitcequisemblaitêtreunjeudefootballaméricain.
—EtvoilàlesPatriotsdeIanquirécupèrentleballon,scandait-ild’unevoixgravedansuneimitation
parfaite d’Al Michaels. Ian, fraîchement entré en sixième et qui, encore récemment, buvait son jus de
fruits dans une tasse en plastique pour bébé, pourra-t-il battre le champion complètement triso de la
dernièresaison-letueurlooserMiller?
Mélaniesourit.Dougétaitassezdrôle,finalement.Quil’eûtcru?
—Bradychercheàfaireunepasse...ilregarde...ilregarde...
Nouvellesacclamations,Mélanielesentenditselaperdanslamain.
—Incroyable!hurlaDoug.Ianmarqueaprèsunema-gni-fï-quepasse!Personnenel’avaitvuarriver,
etencoremoinslalamentabledéfensedeMiller-sionpeutparlerdedéfense.Aïe!
Apparemment, Miller avait frappé Doug. Bien fait. Mélanie sourit. Elle serait bien descendue les
rejoindre,maisellenevoulaitpass’incruster.Sesentantfatiguéeettoutd’uncouptrèsseule,ellemonta
lesmarchesenécoutantexploserleursriresgraves.
—Reginat’aachetédumaquillage?demandasamèreautéléphone.
— Je sais, je sais. J’ai essayé de l’en dissuader, mais elle a insisté, répondit Mélanie en jetant un
regardobliqueverslademi-douzainedetubesetpalettesdontelleneseserviraitjamais.
Mélanie ne se considérait pas comme une fille à maquillage. La seule fois où elle avait laissé Tracy
opérer sur elle un « léger relooking », l’allumeuse qu’elle avait découverte dans son miroir l’avait
horrifiéeetelleavaitfoncéjusqu’aulavabo.
—Netetartinepas,c’esttout,luirecommandasamère.Tuesbientropjoliepourça.
—Merci,ditMélanieensouriant.
Elle était fière de ses yeux verts et de ses épais cheveux blond vénitien. Mais avec son petit nez
retroussé,sestachesderousseuretsespommettesinexistantes,ellenes’étaitjamaissentie«tropjolie».
—JesuissûrequeçafaitdubienàReginad’avoiruneautrefemmedanslamaison,ditsamère.Mais
jeluiavaisditquetun’avaisbesoinderien.
LesyeuxdeMélanietombèrentsurlessacsdechezGapetAbercrombie,etelleserecroquevilla.
—Nousn’avonspasachetétantdetrucsqueça.
Etpuisj’ail’impressionqu’elleavraimentpasséunbonmoment.Jeveuxdirequenousavonspasséun
bonmoment,rectifia-t-elle.
Pourelle,çaavaitplutôtétéunmarathon-deuxheuresentièrespasséesaucentrecommercialàjouer
lestopmodels-,maisdesCinnabon4avaientaidéàfairepassercetteséancedeshoppingintensif.
—Ehbien,tantmieux.Jemeréjouis,alors,ditsamère.
Mélaniesourit.Parleràsamèren’étaitpasaussipéniblequ’ellesel’étaitimaginé.Sapoitrines’était
serréeaudébutquandelleavaitentendusavoix,maisellen’enétaitpasnonplusàvouloirsetéléporter
enCorée.Peut-êtreétait-elledéjàentraindes’habitueràsasolitude.
Plusloindanslecouloir,uneporteclaqua.Mélaniesursauta.Quelquepartaurez-de-chaussée,Calebet
Ians’insultaientcopieusement.Danslachambremansardéeau-dessusdelasienne,MélanieentenditSean
s’affalersursonlitets’yblottirdansuncouinementderessorts,surfonddesolodeguitareélectrique.
—Mélanie?
—Oui,m’man.Quoi?
—Tonpèreveutsavoirs’ilyaunefilledanstonéquipedefootquipeutprétendresemesureràtoi.
Mélanie rougit de fierté. En même temps, elle ressentit une bouffée de désespoir. Elle aurait donné
beaucoup pour voir apparaître le visage de son père devant elle. Hum, finalement, peut-être que cette
séparationn’étaitpassifacilequeça.
—Ilyaunefillequiestvraimentbonne,dit-elle.LesautressontOK.
Quelques coups rapides furent frappés à sa porte pendant que sa mère rapportait l’information à son
père.
—Entrez,ditMélanie.
C’étaitEvan.Ils’appuyaauchambranledelaporte,lesmainsdanslespoches.Ilportaitunpantalonde
toileusé,untee-shirtblancetuncabanendaimvieilliàlaperfection.
—Hello,dit-il.
DeuxexcataloguedeCalvinKlein,pensaMélanie.
—Comment?Mélanie?Tum’entends?
—M’man,ilfautquej’yaille,ditMélanie.
—OK,madouce,luiréponditsamère.Onsereparlebientôt.
—D’acc,m’man.Embrassepapapourmoi!dit-elleenbalançantsesjambespar-dessusl’accoudoirde
sonfauteuilpourposersespiedsparterre.
—Ciao,jet’aime!
—Moiaussi!réponditMélanie.
Elleraccrochaetlançaletéléphonesansfilsursonlit.
—Salut,dit-elleenosantunregardversEvan.
—JevaisavecdescopainsàLoganpourregarderlesavionsdécoller,dit-il.Tuveuxvenir?
—Oh...Euh...
Mélaniesentitsonestomacsetordre.Elleregardasamontre,histoiredegagnerunpeudetemps.Illui
faisaitcettepropositionprobablementparcequesesparentsluiavaientdemandéd’êtresympaavecelle.
Enplus,elleavaitcourslelendemain.EtsilesMcGowanluireprochaientd’êtresortietardunsoirdela
semaine ? Comme l’avaient souligné ses parents un million de fois, les McGowan lui accordaient une
grandefaveurenl’accueillantchezeux.Ilnefallaitpasqu’elleabusedeleurgénérosité.Ellepouvaittrès
facilementjouerlacartegrossefatiguederentréeetdirequ’elleavaitbesoindedormir.
—Ilestunpeutard,fit-elle,haïssantlanoteenfantinedanssavoix.
—C’estunpeuçal’idée,répliqua-t-il.Allez.Tuvasvoir,c’esttropcool.Enplusj’aivraimentenvie
queturencontresmespotes.Tuvaslesadorer.
Mélanieseforçaàleregarder.Sonvisageétaitd’uneperfection!Etilavaitréellementl’aird’avoir
enviequ’ellevienne.
—Allez.Jesaisquequelquepartentoisecacheunebadgirl,insista-t-il.
Sonsouriredévastateuréclairauninstantsonvisage.
Tunepourraispastetromperdavantage,seditMélanie.Maiselleneputs’empêcherdesourireen
entendant ces mots. Il était temps qu’elle étrangle la poule mouillée en elle et qu’elle prenne quelques
risques.EllerepensaàBenPalmer-legarçonpourlequelelleavaitcraquépendanttroisansetauquel
ellen’avaitjamaisétéfichuededireunephrasecohérente.
—D’accord.
Elle se leva et attrapa son portefeuille dans son placard. Son sang battait si fort dans ses oreilles
qu’elles'entenditàpeinedire:
—Jeviens,fit-elle.
Mélanies’agrippaàsonsiège.Lavoitured’Evancahotaitsuruneroutepoussiéreuseettortueusequi
grimpaitentrelesarbresjusqu’enhautd’unepetitecolline.Cen’étaitnilaroutedifficilenil’obscurité
totale qui l’avaient mise dans cet état d’angoisse, mais les vingt dernières minutes de conversation
poussive. Evan lui posant des questions auxquelles elle ne trouvait que des non-réponses affligeantes.
Jamaisellenes’étaitautantentenduedire«jenesaispas»-unephrasequ’ellen’avaitcesséderépéter
parcequec’étaitplussûrqued’essayerdetrouverquelquechosedecoolàdire.Elleavaithâtedesortir
delavoiture.
—Et...leTexastemanque?demandaEvan,essayantcourageusementderomprelesilence.
—Unpeu,réponditMélanie.
—Tuaslaissédesgensderrière?Meilleurspotes...Petitscopains...?
Mélanieritnerveusement.
—Non.Enfin,ouais...Jeveuxdire...
—Meilleuramioupetitcopain?
—Meilleureamie.Tracy,réponditMélanie.Pasdepetitcopain.
—Oh.Parfait.
Mélanieregardasonprofil.Ilsouriaitd’unairsatisfait.Jet’enprie,Mélanie.IlsortavecHailey.La
magnifique,l’artistedumaquillage,l’athlétiqueHailey.Redescendssurterre.
Enfin,ilsarrivèrentdansuneclairièreoùquelquesvoituresétaientdéjàgarées.Lespharesscintillèrent,
révélant des visages curieux. Quelques garçons sourirent en reconnaissant le conducteur. Hailey se
détachadugroupeencourant,etatteignitlaportièred’Evanavantmêmequ’ilaitéteintlemoteur.
—Salut,baby,dit-elle.
Ellepritsonvisagedanssesmainsparlafenêtreouverteetplantaunbaiserrapidesurseslèvres.
Mélanieauraitvoulusegifler.QuandEvanavaitmentionnésesamis,elles’étaitimaginéunebandede
mecs.Ilneluiétaitmêmepasvenuàl’idéequ’Haileypouvaitêtreprésente.
Celle-civenaitd’apercevoirMélanie.
—Oh.Salut,dit-elleplatement.
—Salut,réponditMélanie.Çava?
—Bien,ditHailey.Toi?
—Bien.
OK,respireprofondément,pensaMélanietandisqueladouzainedejeuness’agglutinaientautourdela
voiture et la dévisageaient ouvertement. Mélanie reconnut Tina et une autre joueuse de l’équipe - une
grande et belle fille du Moyen-Orient aux cheveux noirs et bouclés. Evan et Hailey, enlacés,
contournèrentlavoiturepourvenirseplacerducôtédeMélanie.
— Hé ! tout le monde, voici Mélanie, annonça Evan à la cantonade. Mélanie, je te présente tout le
monde.
—Salut,Mélanie!chantonnèrent-ils,telleuneclassedematernelle.
Mélanieritetlevaunemain.
—Salut.
—Jevaisnouschercherdesbières,annonçaEvanàHailey.Tuenveuxune?demanda-t-ilàMélanie.
—Non,merci.
—Jerevienstoutdesuite,ditEvan.
Ilpartitentrottinant,laissantHaileyetMélanieentêteàtête.Mélanieputenfinseremettreàrespirer.
EllelorgnaHaileyducoindel’œil.
Peut-êtrequ’Haileys’estsentiemenacéecetaprès-midi.Aprèstout,tuesunesuper-footballeuseet
tu es la fille qui vit avec son petit copain. Mais nous avons plein de points communs - et donc une
chancedebiennousentendre.
—Alors,Hailey,raconte-moi:quelaétélerecorddel’équipel’annéedernière?
—Nousavonsplusgagnéqueperdu,réponditHaileyenenfonçantsesmainsdanslespochesdeson
jeanmoulant.Pourquoi?Tuaspeurqueleniveaudel’équipenesoitpasassezbonpourtoi?
Mélanielaregarda.
—Non,jefaisaisseulementlaconversation.
— Eh bien, nous sommes arrivées jusqu’en finale du championnat du comté, mais nous avons perdu.
Biensûr,lecoachpensequecetteannée,avectoidansl’équipe,nousgagnerons.
—Merci.
—J’aidit:«lecoachpense...»
Àcetinstant,unaviondécollaetvolajusteau-dessusdelaclairière.Sestrainsd’atterrissagepassèrent
siprèsqueMélanieeutl’impressionqu’ilsallaientarracherlesarbresderrièreeux.Lerugissementétait
assourdissant.MélanievitEvanetsesamishurleràpleinspoumons,poingsetbièresbrandisversleciel,
mais elle n’entendit rien. Elle aurait voulu crier aussi - sur Hailey. Dans sa tête, la voix de Tracy lui
intimaitdesedéfendre.Sielleavaitpurésisteràsesparents,ellepouvaitcertainementtenirtêteàcette
fille.Maisrienqued’ypenser,sesmainsdevinrentmoitesetsoncœursemitàbattreplusfort.
Je dois faire quelque chose, se dit Mélanie en essayant de se motiver. Elle va me piétiner si je ne
réagispas.
Dèsquelebruitdesmoteurssefutestompé,MélaniesetournadenouveauversHailey.
—Jepeuxteposerunequestion?
—Quoi?
—Est-cequejet’aioffensée?demandaMélanie.Tusais,toutcequejeveux,c’estfairemontroudans
unenouvelleécole,peut-êtremefairequelquesamis,joueraufoot.Maistuasl’airdenepasm’aimerdu
tout.
Mélanie retint son souffle. Elle n’en revenait pas d’avoir réussi à exprimer ses pensées d’une façon
relativement cohérente. Pendant une fraction de seconde, l’expression d’Hailey s’adoucit et Mélanie
réalisa que, sans son air renfrogné, elle était vraiment jolie. Elle semblait même sur le point de dire
quelquechosed’humain.C’estalorsqu’Evanapparutavecsesbières.Haileyluijetauncoupd’œil,puis
àMélanie,etelletenditlesbrasverssonmec.
—Viens,baby,luidit-elleens’accrochantàsonbras.Trouvons-nousunendroitunpeuplusintime.
—Cool,ditEvanentendantunecanetteàMélanie.Vateprésenter,Kicks.Lesmecsmeurentd’enviede
terencontrer,ajouta-t-ilavecunclind’œil.
—Oh...bon.
Elle regarda avec désespoir Hailey entraîner Evan. Derrière elle, la bande rit à une blague qu’elle
n’avaitpasentendue.HaileyregardaderrièreelleetlançaunregardtriomphantàMélaniejusteavantde
s’enfonceravecEvanentrelesarbres.
—D’accord.Jerécapitule.ÀBoston,nousavonsdesarbres,del’eau,lesRedSox,l’aquarium,etle...
le...
Mélanie regarda Darnell Wilcox. Il avait énuméré les éléments de sa liste sur ses doigts et fixait
maintenantsonauriculairecommesicelui-ciallaitluidonnerlaréponse.Desonautremain,ilagrippait
le col d’une bouteille de Budweiser à moitié vide - sa cinquième ou sixième, selon les estimations de
Mélanie. Darnell était un joli garçon qui, d’après sa veste, était capitaine de l’équipe de football
américain. Au début de la soirée, il s’était révélé intelligent, amical et drôle. Maintenant qu’il était
officiellementsoûl,ilrestaitamicaletdrôle,maisl’intelligenceétaitpartiesepromener.
—L’histoire,intervintMélanie.Tuoubliesl’histoire.
— Exact ! s’exclama Darnell. (Ses grands yeux bruns brillèrent quand il la regarda.) Et vous, quel
genred’histoirevousavezauTexas?
Mélanieselaissaallerenarrière,surlecapotdelavieilleCorvettedeDarnelletsoupira.
—Oh,jenesaispas.NousavonsCoronado,Alamo...Nousavonsmêmedéclarénotreindépendance,
unefois,dit-elleenluijetantuncoupd’œil.
Darnelllafixauneseconde,confus,commesisabandesonoreétaitpasséeenmodecodé.
—Ouais,ben,nousonalaBostonTeaParty,lemassacredeBoston,le...le...
—LesRedSox!criaquelqu’un,provoquantunevagued’acclamationsdansl’obscurité.
—Exactement!Merci!ditDarnellenlevantsabouteille.LesRedSoxdeBoston.
—Tulesasdéjàcomptés...,fitremarquerMélanieenbâillant.
—Oh,désolé,ditDarnellquicommençaitàavoirdumalàarticuler.Jet’ennuie?
—Non.
Mélaniesecoualatête.Ilétaitenfaitassezdrôle.Maisilétaitminuitpassé,etlasoiréecommençaità
traînerenlongueur.
—Ouais.Ben,moi,jecommenceàmefatiguermoi-même,ditDarnellens’allongeantàcôtéd’elle.
Ensemble, ils contemplèrent le ciel tandis qu’un autre avion passait au-dessus d’eux en vrombissant.
Toutlemondel’acclama,maisMélaniefermalesyeuxetsebouchalesoreilles.
—Hé!Vousvousamusezbien?
Mélanie rouvrit les yeux et découvrit Evan penché sur elle. Alléluia ! Elle ne l’avait pas vu depuis
qu’Haileyl’avaitenlevédeuxheuresplustôt.Ilsallaientenfinpouvoirs’enaller.
—Onyva?demandaMélanieenselaissantglisserjusqu’ausol.
EllejetaunœilàHailey,remarqualesuçontoutfraisdanssoncouetsedétourna.Soncœurbrûlaitde
jalousie. Elle ne voulait même pas savoir où les lèvres d’Evan avait pu se poser. Mais elle ne put
s’empêcherdel’imaginer.
—Déjà?protestaHaileyenattrapantlamaind’Evan.Jen’aiencoreparléàpersonne...
Ah,ouais?Etlafauteàqui?grognaintérieurementMélanie.
EvanadressaàMélanieunregardsuppliant,etl’humeurdelajeunefilles’assombrit.Toutd’uncoup,
ellesesentitépuisée.
—Voussavezquoi?Pasdeproblème,ditMélanieenattrapantlamaindeDarnelletenleforçantà
s’asseoir. Les yeux du garçon roulaient tandis qu’il essayait de se concentrer sur ce qui se passait.
Darnellvameraccompagner.Tutesenscapabledeconduire,pasvrai,Darnell?luidemanda-t-elleen
luidonnantunegrandeclaquedansledosquilefitglisserdelavoiture.
Il tituba un instant quand ses pieds touchèrent le sol, puis il attrapa ses clés dans la poche de son
blouson.
—Ca-rré-bent,dit-il.Dis-boijusteoùtuhabites...
Desesclés,ilvisaitlaserrure,maisnetouchaitquelavitre.
Mélanie haussa les sourcils en regardant Evan. Celui-ci soutint son regard, amusé et visiblement
impressionné.Mélanieelle-mêmeavaitdumalàcroirequ’elleaitpuluitenirtête.
Tous deux savaient qu’elle n’était pas assez stupide pour monter en voiture avec Darnell et qu’elle
bluffait.Laquestionàprésentétait:qu’allaitfaireEvan?
IlsetournaversHailey.
—Ondevraitpeut-êtreyaller.
LecœurdeMélanieenflacommeundrapeaudelavictoirepargrandvent.
QuantàHailey,ellesedécomposa,maisserepritvite.
—Trèsbien.Jevaischerchermonsac.
— En fait, je me disais... Tu pourrais raccompagner Darnell ? demanda Evan avec une moue et un
haussementdesourcils...adorables.
Tout le monde considéra la silhouette voûtée de Darnell qui, à deux mains, essayait vainement de
glisserlaclédanslaserrure...
—Evan...
—Hails,tuhabitesàdeuxmaisonsdelasienne,l’interrompitEvan.Etilfautbienquequelqu’unle
fasse.
Tandis qu’un autre avion les survolait, les coupant un instant du reste du monde, Hailey jeta un coup
d’œilaurestedelabandederrièreelle.
—D’accord,tuasraison,dit-elleensoupirant.(EllerejoignitDarnelletpassasonbrasautourdeses
largesépaules.)Tutetrompesdeportière,D.
—Hein?MaisjedoisraccompagnerMélanie...
—Changementdeprogramme.C’estmoiquiteramène,ditHailey.Allez,viens.
Mélanie regarda Hailey le guider gentiment du côté passager. Evan lui prit les clés des mains et lui
ouvrit la portière. Ensemble, ils poussèrent son corps de footballeur dans la voiture. Ensuite, Hailey
farfouilla sous le siège et l’ajusta de façon que les genoux de Darnell ne soient pas écrasés contre le
tableau de bord. Surnaturel. Juste au moment où Mélanie pensait que la fille était une incarnation du
diable,ellesemettaitàsecomportercommeunêtrehumain.
—OK,àplustard,ditHaileyenembrassantEvanavantdes’installerderrièrelevolant.
—Soisprudente,réponditEvan,récoltantainsiunsouriredesapetitecopine.
—Ciao,Hailey,ditMélaniequandcelle-cidémarra.
Haileypartitentrombesansrépondre,abandonnantEvanetMélanieaumilieud’unnuagedepoussière.
—Charmante,grognaMélanie.
Evanluijetaunregardobliqueavantdemarcherverssavoiture.
—Allez,onrentre.
—Bon,est-cequetesparentsvontnoustuer?demandaMélanieenconsultantsamontre.(Ilétaitune
heureetquartdumatin.Parcequelesmiensnoustueraient,c’estsûr.
—Net’inquiètepas,jecontrôleparfaitementlasituation.
EvanéteignitlespharesaumomentoùlaSaabs’engageaitdanslaruetranquilledesMcGowan.Une
foissavoituregaréetoutauboutdel’allée,ilcoupalecontact.Lecrissementdecentainesdecriquets
emplitl’air.L’uniquelumièrequibrillaitvenaitd’unelampedevantlafenêtredusalon.
—Alors,chuchotaEvan.Tuaspasséunbonmoment?
Mélaniesetournapourluifaireface,lecœurbattantàtoutrompre.Ilétaitpenchéau-dessusdufreinà
main.
—Tesamissontsympas.
—J’étaissûrquetulesaimerais,murmura-t-il.
Illaregardaitsiintensémentqu’ellefutincapablededétournerlesyeux.
—Enfait,j’étaissûrqu'ilst’aimeraient.
Mélanieavalasasaliveavecdifficulté.
—Ahoui?
—Ben...qu’est-cequ’ilspourraientnepasaimerentoi?demanda-t-ilavecunsourire.
Oh, mon Dieu ! Il allait l’embrasser. Il allait l’embrasser, là, dans l’allée. Et elle en avait tellement,
tellementenvie.Ellelesentaitdanschaquemoléculedesoncorps.
Maisilaunepetitecopine,Mélanie,sesermonna-t-elle.Haileyavaitbeauêtreunechienne,elleétait
d’abordunefilleetunepartenairedefoot.Enplus,mêmesiellen’avaitjamaisvécuunetellesituation,
Mélanien’étaitpasdugenreàvolerlesamoureuxdesautres,aussiatrocesqu’ellessoient.
—OK,fermejuste...(Mélanierestasansvoix.)...taportièretrèsdoucement,murmuraEvan.
Ilsedétournaetsortitdelavoiture.Mélanieredescenditsurterre.
ElleseglissadehorsetsuivitEvanensilencedansl’alléejusqu’àlamaison,qu’ilscontournèrent.À
part les criquets, Mélanie n’entendait que le bruit de sa propre respiration. Elle s’attendait à chaque
instantqu’unefenêtres’ouvreau-dessusd’eux,qu’unelumières’allume...maistoutrestatranquille.Evan
avaitvraimentl’airdesavoircequ’ilfaisait.
Quandilsatteignirentlaportedederrière,Evanouvritlamoustiquaireetlabloquaavecleboutdesa
tennisendaim.
—Leçonnuméroun,murmura-t-il.Situnel’ouvresquejusque-là,ellenegrincepas.
Mélaniesourit.
—Compris.
Ilsepenchaetsoulevauncoindupaillassonsouslequelétaitcachéeuneclé.
—Leçonnumérodeux:utilisercettecléestbeaucoupplusdiscretquedesortirtonpropretrousseau.
MélanieretintsonsoufflequandEvanouvritlaporte.Ilreplaçalaclésouslepaillassonetfitsigneà
Mélaniedepasserdevantlui.Mélaniehésitaunlongmoment,considérantl’espaceétroitentreEvanetle
chambranledelaporte.
Elledutsemettredeprofilpourpouvoirseglisserdanslamaison.Toutsoncorpsfrottacontreceluidu
garçon.Jambecontrejambe,poitrinecontrepoitrine,sajouefrôlasonnezetelleputsentirsonsouffle
chaudsursonvisage.Elleavaitcruqu’ilsedécaleraitunpeupourluilaisserplusdeplace,maisilne
bougeapasd’unpouce.
Mélanieseretrouvaenfindanslacuisine,libre.Ellenepouvaits’empêcherdesouriretandisquel’air
fraisdelapiècel’enveloppait,accentuantlasensationdechaleurquiluipicotaitlapeau.Danslamaison
régnaitunsilencedemort.
—Escalierdeservice,soufflaEvan.
SonchuchotementfitfrissonnerMélanie.Ellelesuivitsurlapointedespieds.Quandils’arrêtaenbas
desmarchespourlalaisserpasser,lecœurdel’adolescentebattaitàtoutrompre.Elleposaunpiedsur
lapremièremarcheets’arrêta,réalisantqu’elleavaitbesoindedirequelquechose-qu’ellesesentait
presquecapabledeformulerunephrase.Peut-êtremêmededirequelquechosedecool.
Celaneluiarrivaitpassouvent.Illuifallaitsaisirl’occasion.
Elle se retourna si brutalement qu’Evan lui rentra dedans. Il tituba, reposa son pied sur le sol pour
retrouversonéquilibreets’appuyacontrelemur.Ilséclatèrentderireetécrasèrentleurmainsurleur
bouche. Mélanie savoura ce moment privilégié avec Evan, seuls et hors la loi dans la grande maison
plongéedansl’obscurité.
—Quoi?Qu’est-cequ’ilya?demanda-t-il.
Sessourcilsbrillaientdansladoucelumièredelalune.
—Jevoulaisjuste...Jevoulaisjusteteremercier.Tusais,dem’avoiremmenéecesoir,ditMélanie.
C’étaittrèssympadetapart.
Evansouritetplongeasonregarddanslesienavantdesepencherverselle.Mélaniearrêtaderespirer.
On y était... On y était vraiment cette fois... Tout d’un coup, elle oublia Hailey et le fait qu’une demiheureplustôtilétaitentraind’embrasseruneautrefille.Toutcequicomptaitàprésent,c’étaitqu’elle
avaitvraimentenviedel’embrasser...Etqu’elledevraitessayerd’inhalerdel’oxygène.Ils’agissaitde
son premier baiser, et il n’était pas question qu’elle s’évanouisse. Les yeux de Mélanie papillotèrent
avant de se fermer tandis qu’Evan se penchait un peu plus sur elle. Et là, tout doucement, il toucha sa
joue.Ensuiteellesentitqu’ils’écartaitetellerouvritlesyeux.Iltendaitundoigtdevantsonnez.
—Uncil,chuchota-t-il.Faisunvœu.
Les battements de cœur de Mélanie s’accélérèrent encore. Elle se mordit la lèvre, fit son vœu et
souffla.
—Maisquesepasse-t-il?
Lacaged’escalierfutsoudaininondéedelumière.
—P’pa!
—Jerêveouilestplusd’uneheuredumatin?ditJohn,dupalier.
Lesmarchesmontaientenspirale,sibienqu’ilsnepouvaientpaslevoir,maisMélaniedevinaàsonton
qu’ilétaitfurieux.
—Crotte,grognaEvan.
—Tun’arrangespastoncas,Ev,ditsonpère.
—Oh,monDieu!chuchotaMélanieensecouvrantlesyeuxd’unemain.
—Touslesdeux,hop!dansvoschambres,ditJohn.Onparleradetoutçademain.
—Désolée,articulaEvanensilence.
—Toutdesuite!ditsonpère.
Et,enunriendetemps,Evanpassadevantelleetgrimpalesmarchesencourant.
De:[email protected]
A:[email protected]
Objet:Lemanueldumec
GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan
Noten°3
Observationn°1:Lesgarçonssonttrèsdiscretsquandilsleveulent.
Evanconnaîtuntasdetrucspourrentrerchezluisansfairedebruitàdesheurestardives.(Je
suissûrequetumeursd’enviedesavoircommentj’aidécouvertça.)
Observation n° 2 : Les garçons perdent leur sang-froid quand ils se font attraper par leurs
parents.
Unefoisdanslamaison,Evann'estpassidiscret.Bon,biensûr,s’ilnes’étaitpasarrêtédans
l’escalierpourattraperuncilsurmajoueetmefairefaireunvœu,onneseseraitjamaisfait
prendre.(Ahhhhhh!!!!)
Observationn°3:L’espritdesgarçonsnesuitqu'unevoieàlafois.
Malheureusement, le train d’Evan n’est pas sur ma voie. (Eh oui, grosse déception.) Mais qui
sait?Peut-êtrefera-t-ilunarrêtimprévuàMélanieville?J
OK.Désolée.Plusjamaisdemétaphoresàuneheureaussitardive.Promis.
5
Lemercredi,rentréedesonentraînement,Mélanies’installadanssonfauteuiletconsultasurGooglela
listedessitestraitantdusyndromed’Asperger.Ilyenavaitplusieurs.Ellecliquasurlepremiersite.
Dans le garage, le groupe de Sean jouait de façon chaotique un morceau qui lui semblait vaguement
familier.Mélanieétaittrèstendue.Elles’attendaitàchaquesecondequequelqu’unfrappeàsaporteet
quelecouperetdujugementtombe.
«Lesyndromed’Aspergerestuntroubledudéveloppementcaractérisépardesdéficiencesdansles
interactions sociales et la mise en place de répétitions ritualisées dans les centres d’intérêt,
comportements,activités...»,lutMélanie.Çaavaitl’aird’êtrecedontsouffraitMiller.Commentfaire
pourqu’ilsesenteàl’aiseavecelle?Ellefitdéfilerletexte,sautantlespassagesconcernantlescauses
et les comparaisons avec l’autisme, et trouva finalement la section qui l’intéressait : « Vivre avec la
maladied’Asperger».
La porte arrière de la maison claqua. Doucement, Mélanie écarta deux lames du store pour regarder
dehors. Finn traversa la cour et entra dans l’appentis. Mélanie attendit qu’il ressorte, se demandant ce
qu’ilétaitalléchercher.Fileattenditunmoment.PasdeFinn.Quepouvait-ilbienfairedanscecabanon?
— M’man ! M’man ! Ian est assis sur ma casquette des Patriots et il refuse de me la rendre ! hurla
Caleb.
Mélaniepouffaderire.
—Ian!Caleb!Venezicitoutdesuite!braillaJohn,mettantfinàladispute.Toutlemondedansle
salon!Etquequelqu’unaillechercherFinn.Réunionfamiliale!
LecœurdeMélaniefitunbond.Peut-êtrequesiellerestaitimmobileetsilencieuse,ilsoublieraient
sonexistence...?Lesgarçonsrâlèrentenchœur,mais,d’aprèslesbruitsdanslecouloir,ceuxquiétaient
dansleurchambreensortirententraînantlespiedsetdescendirentl’escalier.Lamusiquedanslegarage
s’arrêta sur une explosion de cymbales tandis que Miller sortait chercher Finn. Apparemment, ces
réunionsfamilialesétaientuneaffairesérieuse.
—Mélanie?Peux-tudescendre?appelaJohn.
Mélaniefermalesyeux.Elleposasonordinateurportable,inspiraprofondémentetsemitenroute.De
l’escalier,onavaitunevueplongeantesurlesalonetellevitlesfilsMcGowaninstallésdanslegrand
canapéenU.Onlesauraitcrusdanslasalled’attentedumédecin.
Lajeunefilledescenditlesdernièresmarchesd’unpaslourd,sentanttouslesregardsbraquéssurelle.
ReginaetJohnsetenaientdeboutdevantlacheminée,faceàleursfils.IlyavaituneplacelibreentreFinn
etDoug,aucentreducanapé.Unrapideregardcirculaireluirévélaque,ensuivantunordredetaille,
c’étaitlàqu’elledevaits’asseoir.Visiblement,c’étaitMillerquis’étaitoccupéduplacement.
—Mélanie,tuveuxbient’asseoiràcôtédeFinn,s’ilteplaît?demandaRegina.
—Biensûr,répondit-elleenessuyantsespaumesmoitessursonjean.
Ellesetassaentrelesdeuxgarçons.Dougtournasesgenouxdefaçonqu’aucunepartiedesoncorpsne
soitencontactaveclesien,cequinefitquelapresserunpeupluscontreFinn.
—Désolée,souffla-t-elleenrougissant.
Finns’éclaircitlavoix.
—Pasgrave,dit-il.
Illevalebrasetl’appuyaderrièreelle,surledossierducanapé,pourleurdonneràtousdeuxunpetit
peuplusd’espace.Mélaniereplialesbrassursapoitrineetcroisasesjambesbienserré,sefaisantla
pluspetitepossible.Elleespéraitquelaréunionneseraitpastroplongue,carelleavaitl’intentionde
resterparfaitementimmobile.
—Bon.Jesuissûrquevousaveztousuneidéedusujetdujour,commençaJohn.Votremèreetmoi
sommessûrs,lesgarçons,quevousfaitesvotrepossiblepourqueMélaniesesentechezelle.
Doug émit un grognement que seule Mélanie entendit, et Finn bougea légèrement, s’enfonçant un peu
plusdanslecanapé.LecœurdeMélaniebattaitàcentàl’heure.
— Nous espérions vraiment ne pas devoir avoir cette conversation. Nous comptions sur vous pour
donnerlebonexemple,continuaJohn.Maislecomportementd’Evanhiersoirnenouslaissepaslechoix.
—T’asgagné,pauv’tache,balançaDougàsonfrère.
PuisilsortitunBicdesapoche,ledécapuchonnaaveclesdentsetentrepritdecompléterlesdessins
sursonjean-lemêmequ’ilportaitlaveille.
—Aucasoùl’und’entrevousauraitdedrôlesd’idéesconcernantnotreinvitée,retenezunechose:ne
considérezpasMélaniecommeunefille.
Douggloussa.Mélanieserecroquevillaetconcentrasonattentionsurunnœuddansleboisduplancher.
— Mais alors, qu’est-ce qu’elle est ? demanda innocemment Caleb, faisant rire Doug et quelques
autres.
—Caleb,grondaRegina.Cequevotrepèreessaiededire,c’estquetantqueMélanievitavecnous,
vousdevezlatraitercommeunesœur,compris?
Mélaniemouraitd’enviedejeteruncoupd’œilàEvan.Sonregardseposad’abordsurIanquifaisait
desbullesavecsonchewing-gum,puissurSeanqu’ellesurpritàlorgnersamontre,etenfinsurEvanqui
fixaitlevidedroitdevantlui,sestalonsmarquantunrythmeincertainsurlesol.
—Mélanie?
ElletournalatêteversJohn.
—Oui?demanda-t-elle.
—Est-cequetucomprends?
—Oh,oui,monsieur.
—Etvous?demanda-t-ilàsesfils.
—Ouais:pastoucheàMélanie,ditDoug.Onpeutyaller,maintenant?
—Attendez!Est-cequeçainclutCaleb?demandaIan,riantdesapropreblague.
—Rigole,petitmalin,lâchaReginad’untonsec.Tuviensderemporterlacorvéepoubellepourune
semaine.
Dougseleva.
—Nousn’avonspasfini,l’arrêtasonpère.
Dougretombaenarrièreavecungrandsoupir.
—Jesaisquevousavezl’habituded’êtrelesmaîtresdanscettemaison,maisilfautqueçachange,dit
John en haussant légèrement la voix. Les parents de Mélanie nous ont confié leur fille, et cela nous
impliquetous.Àpartirdemaintenant,vousêtespriésderespectersonintimité.Cequiveutdirequevous
nepouvezpasentrerdanssachambresanssonautorisation,nitoucheràsesaffaires,etquelechênedans
lejardindederrièreestinterditjusqu’ànouvelordre.
—C’estpasjuste!protestaCaleb.
—C’estl’arbred’escalade!renchéritIan.
—Ehbien,plusmaintenant,ditJohn.(Ilmarquaunepause.)Etnousallonsmettreenplaceuncouvrefeu.
—Quoi?C’estn’importequoi!explosaDoug.Iln’yajamaiseudecouvre-feupourSean!
—LasituationétaitdifférentequandSeanétaitaulycée,ditRegina.
—Ouais.Kickerlarabat-joien’étaitpaslà,maugréaDoug.
—Tuveuxunesemainedecorvéepoubelle?demandaJohndontlesyeuxlançaientdeséclairs.
Oh}monDieu,jesuismorte.Ilsvontmelyncher,pensaMélanie.
— L’heure limite autorisée est minuit, déclara John en considérant sévèrement ses fils chacun à leur
tour.Etsachezquevotremèreetmoi,nousneferonspasdecadeau!Nenouscherchezpas!Unenouvelle
èrecommence.Ilvafalloirvousyfaire,conclut-ild’untonsolennel.
—P’pa!protestaEvanens’avançantsursonsiège.
—Ev,tuesvraimentmalplacépourteplaindre,l’interrompitsonpère.
—Mercibien,marmonnaDoug.
Finn lui envoya une tape à l’arrière du crâne et Mélanie se dit que si ces mecs ne la haïssaient pas
jusqu’àprésent,c’étaitcertainementchosefaite.
—Parfait,ditReginaentapantdanssesmains.Etmaintenant,toutlemondeàtable!
Cesoir-là,Mélaniesenettoyavigoureusementlevisageavecl’exfoliantàl’abricotqueluiavaitoffert
Regina dans sa chambre. Apparemment, celle-ci allait continuer à vouloir la réconcilier avec son côté
fille,qu’elleleveuilleounon.Maisc’étaitbienlecadetdesessoucis.Evanneluiavaitpasaccordéun
regarddetoutledîner,Dougn’avaitpasarrêtédeluidonnerdescoupsdepiedsouslatable,et,chaque
fois que quelqu’un lui avait passé un plat, Ian avait crié « Pas touche ! » avant d’exploser de rire. Un
momentprofondémenthumiliant.
Toutvabiensepasser,dit-elleàsonrefletdanslemiroir,lesyeuxdanslesyeux.Malheureusement,
ellen’ycroyaitpasvéritablement.LesparentsMcGowanvenaientd’annihilertoutechance,sipetitesoitelle,qu’ilsepassequoiquecesoitentreEvanetMélanie.Etapparemment,Douglahaïssaitencoreplus
-cequ’ellen’auraitpascrupossible.Leseulpointpositifdetoutecettehistoire,c’estqueJohn,pressé
par Regina, avait posé un verrou sur la porte de sa chambre et celle de la salle de bains. Sans cette
précaution,elleauraitrisquéd’êtreétoufféeparDougavecunoreiller!
Mélanies’aspergealevisageavantdesesécheravecuneserviette.Hum.D’accord,çasentvraiment
bon.Soudain,elleentenditdesvoixdel’autrecôtédumur.Elles’immobilisa.Çavenaitdelachambre
d’Evan.
—Çacraint,murmuraquelqu’un.Depuisquandsont-ilssiàchevalsurleshoraires?
—Devine,répliquaunautre.
Mélanie frissonna et replia ses bras sur son ventre. Elle marcha sur la pointe des pieds jusqu’à la
cuvettedestoilettesets’yassitpourécouter.
— Je n’avais jamais vu les parents aussi catégoriques, dit une troisième voix. Bande de singes,
préparez-vousàêtremisencage...
—J’ycroispas.Quandjepensequ’oncommençaitàêtrepépères,ditDoug.Cettegonzesseatoutfichu
en l’air. Moi, je suggère qu’on l’ignore jusqu’à ce qu’elle craque. On lui pourrit la vie pour qu’elle
supplied’êtreenvoyéeenCorée.
Mélanieavalapéniblementlagrosseboulequis’étaitforméedanssagorge.Quelqu’unallait-ilprendre
sadéfense?Finn?Evan?
—VoussaviezquelesYankeesavaientremportévingt-sixmatchsdesWorldSeriessurlestrente-neuf
qu’ilsontjoués?
Mélaniesourittristement.
—Ouais,onsait,abruti,réponditDougd’untonméprisant.Maisquiagagnéen2004?
—LesRedSox.Mais...
—Etquiont-ilsécrabouillés?
—LesYankees,mais...
—Alorspourquoitulafermespas?
Mélanie inspira profondément. Elle glissa son drap de bain sur le porte-serviette et se jeta un long
regard dans le miroir. Si quelqu’un lui lançait un défi pareil sur un terrain de foot, ça rameuterait du
monde.Mais,àseptcontreune,çasentaitmauvais.Nonseulementcesmecsavaientl’avantageduterrain,
maisenplusilsavaientleurproprelangage,leurhistoire,leursrègles.Mélanieallaitjouerenaveugle.
Tu devrais y aller. Taper un grand coup. Tu devrais leur dire que tu as tout entendu et qu’ils
n’arriverontpasàtemettredehorssanscombattre,seditMélanie.Mais,biensûr,ellen’enferaitrien.
Tandisquelaconversationdanslapièceàcôtédégénéraitendébatsportif,Mélaniesedétournadeson
reflet. Elle commençait sérieusement à se demander si sa décision de venir vivre chez les McGowan
n’avaitpasétélapireerreurdesavie.
De:[email protected]
À:[email protected]
Objet:Lemanueldumec
GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan
Note04
Observationn°1:Lesmecsnesaventpasparleràvoixbasse.
6
Mélanieattachasescheveuxhumidesenqueue-de-chevalettirasacapucherougesursatête.Lesoleil
étaitencorerosedanslecieldumatinetonentendaitlesgarçonsremuerdansleurschambres.Elleglissa
sonsacàdossursesépaules,enfilasestennisetmarchaversl’escaliersurlapointedespieds.
La cuisine silencieuse était encore plongée dans l’obscurité, exactement comme elle l’espérait. Elle
ouvritlaportedelaréserveetypénétra.L’endroitétaitaussipleinqu’unabriantiatomique.Douzeboîtes
de céréales, au moins cinquante bricks de soupe, des rangées de boîtes de raviolis, des biscuits salés,
sucrés,etd’énormespaquetsdebretzels.ReginaetJohndevaientallerfairedescoursestouslesjours
pournourrirleurhordededémons.
Mélaniepassalesétagèresenrevue.Elledécouvrituneboîteouvertedebarresdecéréalesetenprit
deux.Puiselleattrapaunebouteilledejusdefruitsdansleréfrigérateuretsedirigeaverslaportede
derrière.Riendetelqu’unpetitdéjeunerencavale.
Sa bicyclette était rangée avec une demi-douzaine d’autres sous un porche de métal qui prolongeait
l’appentis. Une barre de céréales entre les dents, Mélanie dégagea le guidon et poussa son vélo dans
l’allée.Elleglissalaboissondanslepanier,sautaenselleetpédalaverslelycée,enespérantqu’ellese
souviendraitduchemin.
Quinzeminutesplustard,elletraversaitlapelousejusqu’auparkingàvélosdevantl’école.Desélèves
arrivaient et des petits groupes s’étaient formés devant le bâtiment, pour discuter ou se montrer leurs
cours.Mélaniedéchiral’emballagedesasecondebarredecéréalesetpritunelonguegorgéedejusde
fruits en montant les marches. Elle se sentait bien, indépendante. Elle n’avait nul besoin des fils
McGowan. Elle savait prendre soin d’elle-même. Du coin de l’œil, elle vit Hailey et ses amies la
regardergravirlesdernièresmarches.
— Eh bien... Kicker, dit Hailey d’un ton narquois. Tu ne te sers plus de mon petit copain comme
chauffeur?
Mélanien’étaitpasd’humeur.Elles’arrêtaetfixaHaileyunlongmoment,jusqu’àcequelapestese
décompose.Puisellepassaenrevuetouteslesfillesquiavaientriàlablague.Ilyavaitdeuxfillesqui
n’avaientniriniréagi.Mélanieleursouritenmordantdanssabarredecéréales,passadevantellesà
grandesenjambéesetentradanslehall.
MillerétaitdéjàassisàsatabledanslacourquandMélaniesortitavecsonplateaupourdéjeuner.Sur
Internet,MélanieavaitapprisquelquechosequiluiserviraitàentrerencontactavecMiller.Pourqu’ilse
senteàl’aiseavecelle,ilfallaitqu’ilcomprennequ’elleétaitlàpourrester-etdoncqu’elleétaitune
personneàlaquelleildevraits’habituer.Siéviterlesautresgarçonssemblaitêtrelebonplanpourelle,
passerdutempsavecMillerétaitleseulmoyendel’aider,lui.Pourquoinepascommencertoutdesuite?
Afindenepasenvahirsonespacepersonnel,elles’assitleplusloinpossibledelui,del’autrecôtéde
la table et à l’extrémité opposée. À travers ses écouteurs, elle entendit un commentateur annoncer un
point. Miller leva la tête et posa sur elle un regard inexpressif. Comme il la fixait, Mélanie se sentit
rougir et baissa les yeux vers son plateau. Elle commença à ordonner tout ce qu’il y avait dessus par
ordredetaille.Canettedesoda,pomme,mini-bouteilledeketchup,saladedefruits.Leburgeretlesfrites
restèrentdevantelle.Quandelleeutfini,ellelevadenouveaulesyeuxversMiller,quiluisourit.
Milleravaitunsouriremerveilleuxquiluiilluminaitlevisage.Mélanieluirenditsonsourireetilse
reconcentrasursondéjeuner.Mélaniemorditàbellesdentsdanssonhamburger.Uneombreapparutalors
sursonplateau.EllelevalatêteetdécouvritEvandeboutauboutdelatable.Avecsesjouespleines,elle
devaitressembleràunhamster.Àtâtons,elleattrapauneservietteenpapieretsecouvritlabouche,le
tempsdefinirsabouchée.
—Commentçava?demandaEvanenseglissantsurlachaiseenfacedelasienne.
Iln’avaitnisac,nilivres,nidéjeuner.
—Salut,Mills,dit-ilenadressantunsignedetêteàsonfrère.
Millerlevalamainetaugmentalevolumedesonpostederadio.
—C’estplutôtcooldetapartdet’asseoiravecluidehors,continuaEvan.
Danslalumièredusoleil,ellepouvaitvoirétincelerleséclatsd’ordanssesyeuxbruns.Maisilétait
horsdequestionqu’elleselaissehypnotiser.
—Etpourquoivous,sesfrangins,vousnevousasseyezpasaveclui?demandaMélanieens’adossant
àsachaiseetencroisantlesbrassursapoitrine.
Evannesemblaitpasaussiénervéquelaveilleausoir.
—Oh,tusaisbiencommentçasepasse,répondit-ilenhaussantlesépaules.Alors?Qu’est-cequit’est
arrivécematin?Tuespartie...
—Exact,coupaMélanied’untonneutre.Jesuispartie.
Ilyeutunlongsilence,durantlequelonn’entendaitquelavoixducommentateur.
—Tunousasentendushiersoir,hein?ditEvan,lesépaulesvoûtéesetlesmainscoincéesentreles
genoux.
Mélanieluijetaunregardquiconfirmaqu’ellen’avaitpasperduunemiettedeleurconversation.La
têted’Evanplongeaenavant.
—Tusaisquoi?Çan’aaucuneimportance,ditMélanieenattrapantunefrite.Jevaismecontenterde
vivredansmoncoin,sansembêterpersonne...etvousoubliereztoutsimplementquejesuislà.
—Ouais,ben,trèsmauvaiseidée,ditEvan.
—Pardon?
—Écoute,ignorermesfrèresn’estpasunesolution,expliquaEvan.Crois-moi,jevisaveceuxdepuis
plus longtemps que toi. Et puis, tu ne peux pas nous ignorer, ajouta Evan. Au cas où tu n’aurais pas
remarqué,noussommespartout.
Mélanieneputs’empêcherdelâcherunpetitrire,qu’elleessayadecamouflerenprenantunegorgée
bruyantedesoda.
—Situleurlaissescroirequ’ilspeuventtepiétiner,ilsleferont,poursuivitEvan.L’attitude«rentrededans»estàpeuprèslaseuleàlaquelleilsréagissent.
Mélaniemordillaleborddesacanettedesoda.
—Mélanie?Tueslà?demandaEvanenagitantunemaindevantsonvisage.
Mélaniehochalatêteetreposalacanettesursonplateau.
—Jevaisessayer,dit-elleenfixantleplateau.Merci.(Ellelevalesyeuxverslui:)Jeveuxdirepour
leconseil.
—Ouais,pasdeproblème,ditEvanenluivolantunefrite.Jen’arrivetoujourspasàcomprendremes
parents.Qu’est-cequileuraprisaveccecouvre-feu?Jepariequelestiensnet’ontjamaisimposéça.
Mélanie haussa les épaules. Ses parents n’avaient jamais eu besoin de lui imposer d’horaires. Elle
rentraittoujoursbienplustôtquen’importequeladolescentquiserespecte.
—Enfin,bref.Jem’entape,ditEvan.Seann’ajamaisconnudecouvre-feu.Ilspensentque,maintenant
que tu es là, nous avons besoin de « repères », continua-t-il sur un ton moqueur en dessinant les
guillemetsavecdeuxfritesvoléesdansl’assiettedeMélanie.Jen’aipasl’intentiondemeplieràleurs
règles.
LepoulsdeMélaniesefitplusrapidedevantsonsouriremalicieux.Incluait-illarègle«pastoucheà
Mélanie»?
—Tusaisquoi?C’estunbonjourdefrites.Jevaisallerchercherquelquechoseàmanger,dit-il.
—OK...àplus...
Evanlaregarda,perplexe.
—Jevaischercherquelquechoseàmangeretjereviens,articula-t-illentement,commes’ils’adressait
àquelqu’unquineparlaitpasbienfrançais.
—Oh,ditMélanie.D’acc.
Il poussa les portes et Mélanie le suivit des yeux, un sourire ridicule sur son visage. Evan allait
déjeuner avec elle. Par choix. Et, à moins qu’elle ne se trompe, ils venaient d’avoir une vraie
conversation,avecseulementunpetitricanementàsonactif.Cettejournéeétaitentraindes’améliorer.
Elle allait baisser la tête vers son déjeuner quand elle aperçut, assises à une table au centre du
réfectoire,Haileyetsesamiesquiluijetaientdesregardsassassins.L’estomacdeMélaniesenouaetelle
détourna immédiatement les yeux, faisant celle qui n’avait rien remarqué. Incroyable. Comment Evan
pouvait-ilsortiravecunetellefurie?Ilméritaittellementmieux!Mélanieattrapasonhamburgerdans
lequel elle mordit férocement. À partir de maintenant, c'est chacune pour soi, songea-t-elle. Sur ce,
gloussantdesasoudainetémérité,elleattrapasonexemplaired’Hamlet dans son sac à dos et plongea
sonvisagerougeentresespages.
LesoleilsecouchaitdansledosdeMélaniequandelleinterceptalaballesurlalignedetouche.Elle
fonctionnaitàl’adrénalinepure.Dusangcoulaitd’uneécorchureàsongenou,souillantsachaussetteetle
matelassagedesonprotège-tibia.Destracesdepoussièrestriaientsonbrasetsonnezmenaçaitdecouler.
Pourtant,cequiluiimportaitencemomentmême,c’étaitlavitesseàlaquelleellecouraitenremontantle
terrain.Toutcequ’ellevoyait,c’étaitlacagedesbutsenfaced’elle.Toutcequ’ellesentait,c’étaitle
souffled’Haileydanssoncou.Lablondeétaitsursestalons.
Mélaniesepréparaàfaireunepasse,mais,àladernièreseconde,quelquechosebloquasachevilleet
elledécolladusol.Lachuteenavantavaitétéfavoriséeparunepousséerapideentresesomoplates.Sa
têtepartitenarrièretandisquelerestedesoncorpss’écrasaitsurlesol.Ladouleurfutinfernale,mais
ellenerestapaslongtempsàterre.Ellen’allaitpaslaisserHaileyprofiterencoreunefoisdelasituation,
etceendépitdetouslestaclesimpitoyablesquel’autreluiinfligeaitpourlamettreautapis.
—Hailey!Non,maisçavapas?hurlaRiaWalkinsentendantlamainàMélanie.
Ria était une défenseuse tout en puissance. Elle et Aimee avaient secondé Mélanie pendant
l’entraînement, essayant de la protéger quand elles s’étaient rendu compte qu’Hailey essayait de tuer
Mélaniechaquefoisqu’elleavaitlaballe.
—Quoi?demandaHaileyens’arrêtantetenfaisantsauterleballondanssamain.Jenefaisquemon
travail.
—Jet’enprie!protestaAimee.Tul’ascarrémentpoussée!
—Lesfilles,toutvabien,déclaraMélanieenreprenantsonsouffle.Iln’yapaseufaute.
— Bien sûr que si, et tu le sais parfaitement ! répliqua Ria. Je suis désolée, mais il me semble que
quand une super-joueuse intègre ton équipe, tu n’es pas censée chercher à la mettre au tapis
systématiquement.
—Qu’est-cequetusuggères,Ria?demandaHaileyenseplantantdevantelle.Tusous-entendsqueje
mefichedecetteéquipe?
—Hé!C’esttoiquil’asdit,pasmoi,répliquaRiaenregardantHaileydroitdanslesyeux.
Soudain un coup de sifflet strident retentit et Coach Léonard entra dans le cercle qui grossissait.
Mélanie fit un pas de côté et s’essuya le nez avec le dos de sa main. Hailey s’était montrée vraiment
violenteaujourd’hui,maisMélanieavaitrendulescoups.MêmesiMélanien’avaitcommisaucunefaute,
Haileyavaiteudroitàsarationdegazon.Sonépauleétaitenfléeetsonvisagestriéd’herbeetdeterre.
Çafaisaitpartiedujeu.
— OK, les filles. Je crois qu’on va arrêter l’entraînement un peu plus tôt que d’habitude, dit Coach
Léonardenbalayantl’équiped’unregardfurieux.J’adorevoirl’énergiequevousdéployezsurleterrain,
mais,HaileyetMélanie,sivousnevousmettezpasviteàunjeupropre,lesarbitresvontvousenvoyer
surlebancdetoucheavantquej’aiepucompterjusqu’à10.Nousn’ironspastrèsloinsansvousdeuxsur
leterrain,doncjevoussuggèredetrouverunmoyenpourtravaillerensemble.
—Oui,Coach,réponditimmédiatementMélanie.
—Oui,Coach,ajoutaHailey.
—Parfait.Maintenant,avantquevousfonciezsousladouche,jevoudraisvousrappelerqueledernier
samedi d’entraînement avant le match contre Hacketstown, nous élirons notre nouveau capitaine. Alors
commencezàréfléchiràlapersonnequevousvoulezvoiràlatêtedecetteéquipe.
PresquetouteslesjoueusesregardèrentHailey.Ilétaitclairquelepostedecapitaineluiétaitacquis.
MélaniepensaàsonéquipeauTexas-l’équipedontelleauraitdûêtrecapitainecetteannée.Ellepritune
grandeboufféed’airetexpiralentement,essayantd’ignorerlesregretsquiluipinçaientlecœur.
—Allez!Àladouche!ditCoachLéonard.
Le groupe s’éparpilla et Vithya Jane, la fille que Mélanie avait reconnue l’autre nuit, à Logan,
s’approchad’elle.
—Jolijeu!dit-elleàMélanie.
—Merci,réponditMélanie,surprisequ’uneamied’Haileyluimontredurespect.
VithyasouritetpartitencourantrejoindreHaileyetTina,tandisqu’AimeeetRiaencadraientMélanie.
—Ondevraitallernettoyercegenou,suggéraRiaenfaisantlagrimace.
—Hé!Jel’aimeassezcommeça!ditMélanie.C’estmapremièreblessuredeguerrechezlesWildcats.
AimeeetRiaéclatèrentderireetellesmarchèrentjusqu’augymnaseenpapotant.
Mélanie était sûre d’aller très bien jusqu’à ce qu’elle descende de sa bicyclette dans l’allée des
McGowan et qu’elle sente tous ses muscles se contracter. Elle avait sans doute besoin de faire un peu
plus d’étirements. Hailey lui avait vraiment mené la vie dure pendant l’entraînement. Si cette nana ne
faisaitpasattention,elleallaitfinirparaiderMélanieàprogresseraulieudel’inscriresurlalistedes
grandsblessésdufootball.
Aumomentoùelleatteignaitl’arrièredelamaison,uneporteclaquaetellevitFinntraverserlacouret
disparaître de nouveau dans l’appentis. Mélanie poussa sa bicyclette jusqu’au mur du fond et l’appuya
contre les autres. Elle resta un moment immobile, l’oreille tendue. Il n’y avait pas un bruit. Qu’est-ce
qu’ilpouvaitbienfairelà-dedans?
J’espèrequecen’estpasunehistoiredePlayboyouuntrucdumêmegenre,pensa-t-elleenfronçant
lenez.
Malgré cette idée peu ragoûtante, elle ne put résister à la curiosité. Après tout, elle était censée
s’immerger dans le monde des garçons. Cela ne consistait-il pas, entre autres, à découvrir ce qu’ils
faisaientquandilsétaientseulsdansuneremise?
Mélaniepritsoncourageàdeuxmains,marchaverslaporteetl’ouvrit.Finnseretournabrutalement.Il
portait un tee-shirt qui proclamait : Les mecs bien votent, moucheté de taches de peinture violette. Ses
cheveuxétaientunpeuplusébouriffésqued’habitude.
—OK,maviedéfiledevantmesyeux,dit-ilensoufflantfort.Tuviensdemefaireflipperàmort.
—Désolée,ditMélanie.
Unepetitevoixdanssatêteluisuggéradepartir,maiselleétaittropabasourdiepourpouvoirbouger.
Finnnefaisaitriend’embarrassant-merci,monDieu.Ilsetenaitdeboutdevantunchevalet,unepalette
et un pinceau dans les mains. Autour de lui, derrière lui, par terre et contre les murs, il y avait des
dizainesdetoilesdontaucune,àpremièrevue,n’étaitterminée.
—Waouh!ditFinnenlaregardantdehautenbas.Oùes-tualléetraîner?
Mélaniebaissalatêteetcontemplalablessuredesongenougaucheainsiquelevilainbleuquis’était
formésursontibia.
—Nullepart.C’était...l’entraînement,ditMélanie.Excuse-moi...Tupréfèresquejem’enaille?
—Non,non!protestaFinnentirantuntabouret.Assieds-toietrelax!Tuasl’aird’enavoirbesoin.
Mélanie sourit. Elle traversa précautionneusement l’atelier, de peur de heurter quelque chose. Elle
contournalechevaletpourallers’asseoirsurletabouret,quibasculaenarrièresoussonpoids.Mélanie
tenditlesbrasdevantelle,cherchantàretrouversonéquilibre,etFinnluiattrapalamain.
—Désolé,c’estunpeuvieuxtoutça,dit-il.
—Pasdeproblème.
Elleregardalamainquiserraitlasienne.Illalâcha,s’éclaircitlagorgeetfitclaquersespaumessur
sonjean.
—Alors,c’estHaileyquit’afaitça?demanda-t-ilenregardantsesjambes.
Ilpressauntubeau-dessusdesapaletteettrempasonpinceaudanslacouleur.
—Commenttulesais?
—Jelaconnais,réponditsimplementFinnensoufflantsuruneboucleblondequiluitombaitdevantles
yeux.L’annéedemesseptans,pendantlafêteorganiséeàlapiscinemunicipalepourle4Juillet,ellem’a
volémonesquimauetm’apoussédanslebassinducôtéprofond.Depuis,ellemefaitpeur.
—Sérieusement?s’étonnaMélanieavecunairmalicieux.
—Jeneplaisantejamaisquandilyadesesquimauxenjeu,répliquaFinnavecundemi-sourire.
Mélanie rit et regarda autour d’elle. Une peinture, à peine commencée, montrait des mains reposant
l’unesurl’autreenuneposegracieuse.Lesdoigts,cependant,n’avaientpasétédétaillésetrétrécissaient
avantdedisparaître.Derrièreétaientébauchésl’épauleetlecounusd’unejeunefilledeprofil,dontles
traitsetlescheveuxn’avaientjamaisétépeints.Chaquetableau,enfait,représentaitunepartiedifférente
d’un corps, vue depuis un angle bizarre, mais aucun n’était achevé et aucun n’annonçait un portrait
classique,deface.
—Jesaiscequetupenses,ditFinneneffleurantlatoiledevantlui,duboutdesonpinceau:cemecne
finitjamaisrien.
Mélanierougit.
—Non,c’estjuste...
—C’esttoujourscequimevientàl’espritquandj’arriveici,continuaFinn.C’esttropbizarre.J’aices
flashsd’inspirationetjedébouleicifinprêtpourjetermavisionsurlatoile,mais,unefoisl’élanpassé,
jecoince.Jenesaispluscommentcontinuer.
Finndéposasonpinceaudansunverred’eauetjetauncoupd’œilàMélaniepar-dessussonépaule.
—Alors?Elletefaitlaviedure?
—Quiça?
—Hailey.
Mélanieeutunpetitsourirenarquois.
—Rienquejenepuissegérer.
Finnsedétournadesapeintureetluisourit.
—Bien,dit-il.
Sans trop savoir pourquoi, ce simple mot soulagea Mélanie. Peut-être avait-ce été la façon dont il
l’avaitdit.Commes’ilétaitfierd’elle.Ouimpressionné.Ouaucontrairepasdutoutsurpris.
—Peut-êtremêmequejelaferaispayerpourtonesquimau,plaisanta-t-elle.
— Ce n’est pas la peine. Je ne suis plus trop fan d’esquimaux, dit Finn. Je suis plus un mec à milkshakemaintenant.
Iltirasurlaboucledesaceinture,mimantlemeccontentdelui,etilséclatèrentderire.Finnsoutintle
regard de Mélanie jusqu’à ce qu’elle détourne les yeux. Elle se retrouva soudain écrasée par cette
impression familière de se retrouver bientôt en panne sèche de mots. Finn avait plutôt l’air d’un gentil
garçon, et pourtant il avait participé au débat sur « Comment faire fuir Mélanie ». Était-il agréable
uniquementparcequ’aucundesesfrèresn’étaitlà?Jouait-illacomédie?
Finnseracladenouveaulagorge.Toutenpeignant,ill’observaitducoindel’œil.Mélaniesongeaàce
que lui avait dit Evan un peu plus tôt ce jour-là - ce qui marchait le mieux, avec ses frères, c’était la
confrontation.Mélanieeutlachairdepoulerienqu’enpensantàl’idéedeleurrentrerdanslelard.Mais
ilfallaitprofiterdufaitqueFinnétaitseul.D’ailleurs,peut-êtrequ’enprenantlesfrèresunparun,cene
seraitpastropdifficile.Enplus,sansqu’ellesachepourquoi,discuteravecFinnsemblaitbeaucoupplus
facilequ’avecn’importequelautreMcGowan.
—Je...jevousaientendusparlerdemoihiersoir,ditMélanieenregardantsesmains.
Finnlaissaretombersonbrasetluijetauncoupd’œil,visiblementembarrassé.
—Oh.D’accord.Tu...cool.
—Cool?répétaMélanie.
Finnrougit.
—Ouais,çam’arrivedetempsentemps.Jevoulaisdire:«Tunousasentendus?»Maisaussi:«Pas
cool », expliqua-t-il en posant son pinceau et sa palette sur une étagère encombrée. J’ai mon propre
langage,enquelquesorte...
Mélaniesourit.Elleconnaissaitça.
—Alors,tunousasdoncentendus,ditFinnenenfonçantsesmainsdanslespochesdesonjean.
—Ouais.J’enconclusque...vousvouleztousquejeparte?demandaMélanie.
—C’estjustequenousétionshabituésàunecertaineorganisation...
—J’aibiencompris,ditMélanie.Maisçanevousvientpasàl’idéequec’estdifficilepourmoiaussi
?Jen’aijamaisvécuavecautantdegens,mesparentssontloinet,aucasoùtun’auraispasremarqué,les
garçons,vousêtesunpeu...
—Écrasants?avançaFinn.
—Lemotestbienchoisi.
— Écoute, tout le monde a seulement besoin d’une période d’ajustement, dit Finn en haussant les
épaules.Essaiesimplementdenepasleslaisserteblesser.
Mélanierelevalatêteetrencontraleregardgris-bleudeFinn.Leconseillafitsourire.
—Tunetemetspasdanslelot?
Finnluirenditsonsourire.ToutcommeMiller,sonvisages’éclairaetlecoindesesyeuxseplissa.
—T’avoirparminous...disonsjustequec’estinhabituel,répondit-il.Maisnet’inquiètepaspourmoi,
jecroisquejepeuxm’yfaire.
Mélaniehaussalessourcils.
—Oh,vraiment?
—Ouais,dit-ild’untonneutreenlaregardantdroitdanslesyeux.Vraiment.
De:[email protected]
À:[email protected]
Objet:Lemanueldumec
GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan
Note05
Observation n° 1 : Les garçons sont sans scrupule quand il s'agit de piquer de la nourriture
dansvotreassiette.
Jetel’avaisdit:TOUTcequicompte,c’estleurestomac.
Observationn°2:Lesgarçonsnepassentpasleurtempsàcouriraprèsunballon.
IlsemblequeFinn,commemoi,aimepapoter.
Observation n° 3 : Les garçons PEUVENT penser tout seuls. Evan s’est assis à côté de moi
pendant l’heure du déjeuner et Finn n’approuve pas non plus le plan « ignorons Mélanie ».
Finalement,peut-êtrequeDougnereprésentepasledémonenchefqu’ilcroitêtre.
7
Mélaniesortitdelafileduselfavecsonplateau.UnnumérodeMotorcyclesortaitdelapochearrière
desonpantalonbaggy.Sielledevaitencores’asseoirdehorsavecMillerleSilencieux,autantapporter
de quoi s’occuper. Elle n’était pas folle au point de s’attendre à ce qu’Evan la rejoigne deux jours de
suite.
—Mélanie!Parici!
Deboutaumilieuduréfectoire,Aimeeluifaisaitsigne.Mélaniejetauncoupd’œildanslacouretvit
queMillerétaitdéjàcaptivéparsonmatchdebaseball.Laveille,ilneluiavaitpasdécochéunmot,pas
plusqu’àEvan.MêmesielleavaittrèsenviederomprelaglaceavecMiller,Mélanieestimaqu’unpetit
peud’interactionsocialeluiferaitleplusgrandbien.EllefilaversAimee,Riaetleursamies.
—Salut!l’accueillitAimeeenselaissantretombersursachaise.
—Salut,réponditMélanie.Salut,Ria.
—Çava?ditRia.TuconnaisJennaetPearl?demanda-t-elleendésignantlesdeuxfillesassisesen
faced’elle.
—Non...Salut,ditMélanieenseglissantsurlesiègeàcôtédesdeuxinconnues.
Enfait,elleavaitdéjàvuPearl,blonde,cheveuxcoupéscourt,dansl’équipe.Penchéesuruneboîtede
perlesdecouleur,elleétaitoccupéeàconfectionnerunbracelet.Jennaavaitunelonguenattebrunequi
luitombaitaumilieududosetportaitunepairedelunettesdesoleilstyleaviateur.
—Salut,ditJenna.Tuesdansmaclassed’espagnol,non?
—AvecMmeKrantz?demandaMélanie.J’ail’impressionqu’ellenem’aimepastrop.
—C’estparcequetuparlesmieuxespagnolqu’elle,réponditJennaavecungrandsourire.
— Pearl était le prénom de ma grand-mère, annonça Pearl en glissant une perle violette à côté d’un
enchaînementhasardeuxdebleues,devertesetdebleu-vert.
—Oh,d’accord,réponditMélanie.C’esttrèsjoli,ajouta-t-elleendésignantlebracelet.
—Tuenveuxun?Jepeuxt’enfaireun.J’enfaispourtoutlemonde!dit-ellesoudainexcitée.
Aimee,RiaetJennalevèrentlentementleursbras.Leurspoignetsdisparaissaientsouslesbracelets.
—Elleestincapablederesterassisesansrienfaire,expliquaAimee.
—Vraiment?Moinonplus,ditMélanie.
—C’estvrai?Jevousl’avaisbiendit,lesfilles:jen’aipasbesoindemédicamentpourmestimuler.
Mélanieetmoisommesparfaitementnormales.Alors,Mélanie,tuenveuxun?Jeviensjusted’inventer
desnouveauxmodèles.
—Ouais,biensûr,j’adorerais,réponditMélanie.
—Super!
PearlpassasonbrassouslenezdeJennaetdéposalaboîtedeperlesdevantMélanie.
—Choisisdescouleurs.
Mélanierit.
—D’accord,maisjepeuxlefaireaprèsledéjeuner?
—Biensûr!
—Bon,Mélanie,j’iraidroitaubut,ditRiaenposantsescoudessurlatable.Comment,exactement,astufaitpouratterrirauparadisdesgarçons?
Mélaniemorditdanssonsandwich.
—Jen’appelleraispasçaunparadis.
—Tuplaisantes?LesfilsMcGowan?ditAimee,c’estgenrelabrigadedescanons!
Mélanieritetpritunelonguegorgéedesoda.
—Labrigadedescanons?
—Quoi?C’estça,non?insistaAimee.Jen’arrivetoujourspasàcroirequemasœursorteavecl’un
d’entreeux.
— Oh, allez ! Quand Evan et Hailey ont gagné le prix du plus beau mec et de la plus belle nana en
quatrième,noussavionstousqu’ilsfiniraientparmélangerleurssalivesàunmomentouàunautre,dit
Riaenpiochantdanssespâtes.
—Ria!s’exclamèrentsesamies.
—Beurk!ajoutaAimee.
— Bon, alors... quoi ? demanda Ria à Mélanie en ignorant les autres. Tu as gagné un concours ou
quelquechosedanslegenre?
—Nosparentssontdevieuxamis,expliquaMélaniequirougissaitencoreenpensantàEvanetHailey
« mélangeant leurs salives ». Mon père a été transféré outre-mer. Je n’ai pas voulu partir, et les
McGowanontproposédem’héberger.
—Waouh!Etest-cequeparhasardtuenauraisvuunàpoil?demandaRia.
Jenna,AimeeetPearlétaientpenduesàseslèvres.
— Non, aucun, répondit Mélanie avant de jeter un coup d’œil autour d’elle et de se pencher sur la
table.Maisjelesaipresquetousvusencaleçon.
Jennafaillits’évanouir.
—J’ycroispas,EvanMcGowanencalbute.Commentc’était?
—C’était...intéressant.
—EvanMcGowanesttellementparfait,ditPearl.(Elleinterrompituninstantsonenfilagedeperleset
levadesyeuxrêveurs.)Ilm’ainspirémonpremierfantasme.
—C’estvrai?demandaMélanie.
—Jecroisquec’estnotrecasàtoutes,ditAimee.Çan’ariend’étonnant:ildraguetouteslesfilles.
Mélaniesentitunechaleurl’envahiretelleabandonnasonsandwichpourboireunegorgéedesoda.
—Ahoui?
— Quoi ? Tu n’as pas remarqué ? demanda Ria. Ce mec drague n’importe où, n’importe quand,
n’importequi.Mêmelesfillesmoches.
—Ria!protestèrentsesamies.
Mélanie se força à respirer. Bien sûr que c’est un dragueur, se dit-elle. Tu croyais vraiment avoir
quelquechosedespécial?Maisenmêmetempsqu’elleformulaitlaquestion,elleserenditcompteque
oui.Elleavaitcruquelescommentairesdugarçonetsessouriressignifiaientquelquechose.Pourelle,il
fallaitqu’ilssignifientquelquechose.
—Quoi?C’estunebonnechose!sedéfenditRia,lesyeuxécarquillés.UnAdonispareilflirteavecles
trolls?Çamesembletrèsbonpourl’estimedesoi.
OK,jevaismegiflerici,maintenant,songeaMélanie.
— Désolée. Ria ne se rend pas compte que nous n’avons pas toutes besoin de l’attention des jolis
garçonspouravoirconfianceennous,ditJennaenrelevantseslunettessursonnez.
Mélanieserappelalafaçondontlatêteluitournaitetcombienellesesentaitsûred’elledèsqu’Evan
plaisantaitavecelleoul’appelaitKicks.Unevaguedehontelasubmergea.Saféministedemèreserait
consternée.Maisjen’aipasbesoindesonattention,sedit-elle.Je...l'apprécie,c’esttout.
—Enfin,bref,coupaAimee.J’adoreraisqu’ilarrêtesonpetitjeutoutdesuite.Siçacontinue,Hailey
vanousfaireuneruptured’anévrisme.
—Ellen’aimepastropça,hein?demandaMélanie,lagorgeserrée.
—Elledéteste,tuveuxdire,corrigeaAimeeenpiquantavecsafourchettedesfeuillesdelaituedanssa
salade.Ellenevitquepourcemec.Pourêtrehonnête,jenevoispastroppourquoiellefaittoutcefoin.
Ilpeutvraimentsecomportercommeuncrétinetcen’estmêmepasleplusmignon.
—Oh,non.C’estFinn,ajoutaRia.
—Tucrois?demandaMélanie,raviedechangerdesujet.
—N’importequoi!EvanestbeaucoupplusmignonqueFinn,protestaPearl.
—Enfait,jepensaisàMiller,ditAimee.
—Miller?répétèrentenchœursesamies,stupéfiées.
Aimeejetauncoupd’œildanslacouroùMiller,renversésursachaise,écoutaitlaradio.
—Jenesaispas.Ilaquelquechose...,dit-elle.
—Ouais,quelquechosedebizarre,ditRia.
—Ria!grondèrentlesautres.
—Non,jevoiscequetuveuxdire,ditMélanie.Lui,c’estlegenrefortetsilencieux.
—Ouais,approuvaAimeeavecunsouriretimide.(Elleseredressasursachaise.)Detoutefaçon,je
saistrèsbienquejenepourraijamaisavoirunmeccommeça.Nin’importequelmecd’ailleurs.
—Hein?litMélanie.
—Jet’enprie!Regarde-moi...
—Ehbien,quoi?Tuesmagnifique!
— Laisse tomber, Mélanie, dit Ria en agitant sa fourchette en l’air. Nous n’arrêtons pas de lui dire
qu’elleest-honnêtement!-laplusbelledesFarmer,maisellerefusedenouscroire.
—Mesbrassontplusgrosquelesmolletsd’Hailey,ditAimeeenfronçantlessourcils.Alors,arrêtez
avecça.
RiaetJennalevèrentlesyeuxauciel.Aimeeavaitdesépauleslarges,unpaquetdemusclesetpeut-être
unpetitpeudechairenrabsurlesos,maisellen’avaitriendumastodontequ’elledécrivait.
— Tout ça n’a aucune importance ! Vous savez bien que j’assume parfaitement ma taille. Un jour, un
mectomberaraideamoureuxdemoi.Seulement,ceneserapasaulycée.Lesgarçons,aulycée,sonttrop
superficiels.
— Eh bien, peut-être pas tous, dit Mélanie qui jeta un coup d’œil à Miller avant de se pencher pardessuslatable.Tul’asdéjàvusourire?demanda-t-elle.
—Àvraidire,jenecroispas,réponditAimee.
—Attendsdevoirça,ditMélanie.Tuvashalluciner.
AimeesemorditlalèvreinférieureetregardadenouveauMiller.Toutd’uncoup,illevalespoingsen
hurlant,faisantsursauterlegroupedegothiquesdel’autrecôtédelacour.Aimeeritetsereplongeadans
sasalade.
— Bon. Mais, moi, je persiste à dire que c’est Finn le plus mignon. Vous n’avez simplement pas les
mêmesgoûtsraffinésquemoi.J’aimelesmecsprofondsquiontuneâme,ditRiaenregardantderrière
Mélanie.Non,mais,regardez-moicemec.Cesyeuxbleus,cescheveuxgenreje-viens-juste-de-sortir-demon-lit.Etsesfringues!Jevotepourn’importequelmecquipeutsemettren’importequoisurledoset
restermagnifique.
Mélanieregardapar-dessussonépaule.Finnétaitassisàl’unedestablesquilongeaientlafenêtre,vêtu
d’untee-shirtnoirdécoloré,d’unjeanbaggyetdesessempiternellesbottestachéesdepeinture.Malgré
le chahut autour de lui, les yeux de Finn restaient rivés sur son carnet de croquis. Sa main glissait
rapidementsurlapage.Quandundesesamisjetauneorangedevantsonnez,ilrelevaàpeinelesyeux.
—Ilestclairqu’onnepeutqu’admirersonniveaudeconcentration,ditJenna.
—Ouais...Àquoibon?Lejeunehommen’ad’yeuxquepouruneseulefille,ditRia.
—Ahoui?Laquelle?demandaMélanie.
—KaylaBird.
LafourchetteenplastiquedeRiadésignaunebellefilleàlapeaumatequi,aumêmeinstant,flottait,
grandeetsvelte,verslatabledeFinnenjupelongueetbottesnoires.Elles’assitfaceàluietsoulevases
cheveux brun clair et ondulés pour les faire passer dans son dos. Finn leva les yeux et ferma
instantanémentsoncarnet.
—Quiest-ce?demandaMélanie.
—KaylaBird,première.Artistique,magnifique,etperpétuellementbronzée,résumaRia.
—Ellemetdesstringsàlapiscinemunicipale,ajoutaAimee.OnestdansleMassachusetts....Quipeut
semesureràelle?
Mélanie fixa le dos de Kayla. Elle avait une tache de naissance juste à côté de la bretelle de son
débardeur blanc. À son fin poignet brillait une délicate montre en or style bijou ancien. Tout chez elle
était gracieux. Rien qu’en levant sa bouteille d’eau pour en dévisser le bouchon, elle avait l’air d’une
ballerine.
Mélaniejetauncoupl’œilàFinn.Illaregardait.PasKayla,elle!LecœurdeMélaniedérapa:Finn
venaitdelaprendreenflagrantdélitde«bouchebée»etluiadressaitunregardinterrogateur.Puisillui
fitunsignedelamainetMélanielesaluaàsontouravantdeseretournerillicoverssatable.Ellese
blottitdanssonsiège,rougecommeunetomate.LeseuldesfilsMcGowanquinelaprenaitpaspourune
folleetmaintenant...ehbien,c’étaitfait.
— Oh ! Je crois que nous savons à présent quel McGowan tu préfères, Mélanie, taquina Ria en la
pointantdudoigt.TuesunefandeFinn.Jesavaisqu’onallaits’entendre!
—Pasdutout,protestaMélanie.JenesuisabsolumentpasunefandeFinn.
—Jet’enprie!insistaRia.Regarde-toi!
—Ellearaison,confirmaJenna.Tuesécarlate.
—Ehbien,ça,c’estmoi.Çam’arrivesouvent,sedéfenditMélanieenseredressantetenseraclantla
gorge.Croyez-moi.JenesuispasunefandeFinn.
—Commetuveux,ditRiaenagitantdenouveausafourchette.
—Bon,aumoinstunecraquespaspourEvan,cequiseraitdésastreux,fitremarquerAimee.
—Ouais,réponditMélanieenévitantdecroiserleursregards.Ça,aumoins,c’estclair.
Unpeuplustard,dansl’après-midi,Mélaniesedirigeaitverslesvestiaires,impatientedefairepasser
toutes ses frustrations de la journée sur le ballon. Personne dans son cours de chimie n’avait voulu se
mettreavecelleàcausedel’incidentdupremierjour,etMmeKrantzl’avaitgrondéepouravoirprisde
l’avance par rapport au niveau de sa classe. Apparemment, Mélanie troublait les autres élèves. Et
qu’était-ellecenséefaire?Oublierqu’elleconnaissaitlesconjugaisonsdesverbesespagnols?
En empruntant le couloir menant à l’aile d’éducation physique, Mélanie entendit deux personnes
discuter de façon animée. On se disputait au prochain tournant, juste devant la boutique de l’école. Et
Mélaniecrutreconnaîtrelesvoix.N’était-cepas...Evan?
—...saisbienqueçaneveutriendire.
—Ons’enfichequejelesache.Lesautres non, répondit Hailey. La moitié des filles de l’école me
regardentcommesiellessavaientquelquechosequej’ignore.Tuasuneidéedecequeçapeutmefaire?
—Jenecomprendspas.Quesavent-ellesdeplusquetoi?demandaEvan.
—Ellespensentqu’ellesteplaisent,Evan!Ellespensentqu’ellesontquelquechoseenpluspuisquetu
lesallumessousmonnez.
Il y eut un soupir. Mélanie jeta un coup d’œil derrière elle pour vérifier que personne n’arrivait. Le
couloirétaitdésert.Ellenevoulaitpasqu’onlasurprenneàespionner,maistoutçaétaittrèsintéressant...
—Hailey,jesuiscommeça,sedéfenditEvan.Jesuisquelqu’und’amical.
—Ouais,c’estça,ditHaileyd’untonsarcastique.
—C’estlavérité!Ettul’astoujourssu!Oh,allez!Tunemefaisdoncpasconfiance?
— Bien sûr que si, dit Hailey. C’est juste... enfin... Essaie d’imaginer ce que ça te ferait si tous les
garçonsdel’écolemebavaientdessus.
Mélanieclignadesyeux.Haileysemblaitassezvulnérable.Ellesongeaücequ’avaitditPearlàpropos
desesfantasmessurEvan.Apparemment,sortiraveclemeclepluscanondel’écolen’étaitpassifacile.
—Ehbien,c’estlecas,ditEvand’untonléger.
Mélanielevalesyeuxauciel.
—Evan!J’essaied’êtresérieuse,là!protestaHailey.
—OK,OK!Qu’est-cequetuveuxquejefasse?Quej’arrêtedeparlerauxfilles?
—Çamesembleunetrèsbonneidée,réponditHailey.
—Tuplaisantes,ditEvan.
—C’estclair,marmonnaMélaniepourelle-même.
Peut-êtrequelarelationd’Haileyn’étaitpasfacile,maisellenepouvaitpasprétendrecontrôlerEvan.
Au même moment, elle entendit un groupe de joueuses approcher. Elle se jeta en avant et poussa
brutalementlaportedesvestiaires,faisantcommesiellevenaitjusted’arriver.Aimee,Riaetquelques
autresapparurent,faisantassezdebruitpourqu’HaileyetEvaninterrompentleurdiscussion.
—Hé!ditMélanie.Prêtespourlabaston,lesfilles?
—Unpeu,oui,ditRia.C’esttrèsmalsijefaiscommesileballonétaitlatêtedenotreprofdemaths?
Mélanierit.QueluiimportaitcequiallaitsepasserentreEvanetHailey.Ellesesentaitenfindansson
élément.Etsiça,çapouvaitarriver,alorstoutétaitpossible.
Après l’entraînement, Mélanie s’assit sur un banc dans les vestiaires pour laisser Ria lui faire une
tresse africaine. Elle balançait les jambes et lorgnait sa grosse montre en plastique noir. Son nouveau
braceletdeperlesrougesallaitetvenaitsursonbrasdèsqu’ellebougeait.
—Ilyenaencorepourlongtemps?demanda-t-elle.
—J’aipresquefini,réponditRia.
Aimeesortitdelasallededoucheetattrapasonsacàdosetsonsacdegym.
—Tudevraisleslaisserséchercommeçaetleslâcherpourlafête,cesoir,dit-elle.Jepariequeles
cheveuxondulést’iraienttrèsbien.
Mélaniesentitsabouchedevenirsèche.
—Quellefête?demanda-t-elleensepenchantpourattrapersonjusdefruitscoincéentresespieds.
—Situn’arrêtespasdebouger,onnerisquepasdeterminer,lagrondaRia.
—D’accord,réponditMélanie.
Peut-êtrequec’étaitpourçaqu’ellen’avaitjamaiseudevraiebandedecopines.Toutescesséancesde
coiffage,maquillageetautresattifementsn’étaientpassontruc.
—L’équipemasculinedefootorganiseunesoirée,expliquaAimeeenpassantlasangledesonsacpardessussatête.Jepensaist’avoirprévenue.
— Tu devrais venir, lui glissa Ria en se penchant sur son épaule. C’est la première grosse fête de
l’année,etengénéralçasetermineendrame.
—Ouais.L’annéedernière,lesflicsontdébarquépourtoutarrêter,ditPearlquiattachaitseslacets.
Tropcool.
—Pearl,tun’yétaismêmepas,ditRia.
—Ehbien,onm’aracontéquec’étaittropcool,répliquaPearl,imperturbable.
RiaattrapaunélastiquesurlebancetattachalatressedeMélanie.
—Çayest.Fini.
Mélaniebonditsursespieds.
—Merci,dit-elleenattrapantsesaffaires.Bon,ben,àcesoirjepense.
MélaniesetournapourmarcherverslaportejusteaumomentoùHaileyetsescopinessurgissaientde
laseconderangéedecasiers.HaileyfusillaMélanieduregard.Celle-cilevalesyeuxaucieletpoussala
porte. Hailey bondit au même moment, si bien que leurs deux sacs de gym bourrés à craquer
s’entrechoquèrentet,pendantuncentièmedeseconde,lesdeuxfillesrestèrentcoincéesdansl’embrasure.
—Oh...jetefaismal?demandaHaileyd’untonnarquois.
Mélanie se creusa l’esprit pour trouver une bonne repartie, mais en vain, comme d’habitude. Elle
secouadonclatêteensigned’agacementetforçalepassage.
Justeunefois,fulmina-t-elle.J’aimeraisjusteunefoisdansmaviepouvoirmedéfendre.
—Mélanie!Attends!appelaAimee.
Mélanie s’arrêta devant l’entrée du bâtiment. Encore une fois, la voiture d’Evan était garée en face.
Celui-ci discutait avec Darnell et quelques amis qui venaient de terminer leur entraînement de football
américain.QuandMélanieseretourna,presquetoutel’équipearrivaitderrièreelle.
—Tiens,voilàl’adressedeChristianToddpourlafête,ditAimee.(Ellearrachaunefeuilled’unde
sescahiersetlaluitendit.)Appelle-moisituasbesoinquequelqu’unt’amèneenvoiture.
—Tusais,Aimee,jenesuispassûrequeMélaniepuissealleràlasoirée,ditHaileyquis’approchait
àgrandesenjambées.Tunedevaispaspratiquertestirsdepenalty?Onaunmatchtrèsbientôt.
—Mestirsdepénalsonttrèsbien,réponditfroidementMélanie.
— Pardon ? Tu en marques combien ? Trois sur sept ? demanda Hailey en jetant un œil à Deena, la
gardienne.J’aidumalàcroirequetuaiesremportéunchampionnatavecunejambepareille.Àmoins
quetunetesoisinventéquelquesvictoirespournousimpressionner?
Mélanie eut l’impression qu’on venait de lui flanquer une gifle. Quelques-unes de leurs coéquipières
chuchotèrent,d’autresseregardèrent,malàl’aise.
— Tu sais, si j’étais loi, je ferais un petit bilan de mes propres compétences avant de critiquer les
autres,lançaMélanied’untonsec.
—Mescompétencesvontbien,merci,réponditHaileydutacautac.
— Tu crois ? Hum, il me semble que l’enregistrement de l’entraînement d’aujourd’hui dirait autre
chose.
—Ooooh,soufflèrentlesfillesdel’équipe.
Mélanie sentait son cœur tambouriner dans sa poitrine. Hailey ouvrit la bouche pour répliquer, mais
l’attentiongénéralefutdétournéeversquelquechosederrièreMélanie.Celle-ciseretournaetvitEvan
quimarchaitversellesenfaisanttournersesclésautourdesondoigt.
—Salut,Kicks.Ilfautqu’onyaille,dit-ilenjetantàpeineunregardàHailey.
Mélanierougitlégèrementdecemomentdetriomphe.
—Oùça?demandaHailey.
—Noussommeschargésd’allerchercherledîner,réponditEvand’untonbrusque.Jepeuxteramener,
maisilvafalloirquetunousattendesàBambooHouse.
Haileyenrageaitvisiblement,maiselleréussitàcontrôlersavoix.
—Merci,uneautrefois,dit-elle.Aimee,jeviensavectoi.
—Oh.D’accord.
Haileys’éloignaetAimeefourrasoncahierdanssonsac.
—Àplustard,Mélanie.
Confuse,ellejetauncoupd’œilrapideàEvanetseprécipitaderrièresasœur.
Evanlessuivitdesyeux,impassible.Mélanieétaitdetoutcœuraveclui,mêmesiellen’avaitaucune
idée de ce qu’il ressentait. Était-il déçu qu’Hailey soit aussi jalouse ? Se sentait-il triste parce qu’ils
étaiententrainderompre?Ouquoid’autre?
—Allons-y,dit-ilenfin.Nousnepouvonspasprendrelerisquequelesmiochess’impatientent.Croismoi.
Mélanieplialepapiersurlequelétaitinscritel’adressedelafêteetleglissadanssapoche.Elleavait
hâtedeseretrouverdanssachambre,devantsonordinateur.MélanieMeadeavaitenfin-enfin!-réussi
àsedéfendre.Tracyallaitêtredrôlementfière.
TooDamn-Funky:tuasrembarrébarbie???CGnial!!!
Kicker5525:JEC!J’ASSURE!
TooDamn-Funky:jen’aijamaisétéaussifière.
Kicker5525:ahoui?JeVaussiàunefêtecesoir!
TooDamn-Funky:lesmcgontcrééunmonstre!
Kicker5525:enfin,jeCROISkejiV...
TooDamn-Funky:ÉVIDEMMENT!suistaconseillèrespécialeprogrammed’immersion,etjete
l’ordonne!
Kicker5525:OK,OK...
TooDamn-Funky:etmetsdurose!
Kicker5525:nepoussepastrop.
8
—Àquiécris-tu?demandaEvan.
—Àuneamie,ditMélanieenéteignantsontéléphonequ’ellejetadanssonsac.Alors,tuvasàlafête,
cesoir?luidemanda-t-elle,enhardieparsaconfrontationavecHaileyetparlesidéesfollesdeTracy.
Lavoiturestoppaàuneintersectionetilsoupira.
—Oui,jesuppose.Ettoi?
— Je pense, dit Mélanie en touchant la natte dans son dos. Ça pourrait être une occasion sympa de
rencontrerdesgens.
Evanlaregardaetsourit.
—C’estclair,tudevraisyaller.
—Tucrois?
—Absolument,çavaêtrecool.
IlpassalapremièreettournadansOakStreet.Mélanietripotaitungrosfilquipendaitdel’ourletde
sontee-shirtblanc.Ilallaitàlasoirée.Ilvoulaitqu’elleyailleaussi.Quedubon.
—Ques’est-ilpasséentretoietHailey,toutàl’heure?demandaEvan.
Bonnequestion,pensaMélanie.
—Rien,dit-elle.L’entraînementaétéviolent.(Ellelelorgnaducoindel'œil.)Toutvabienentrevous
?
—Pourquoi?Elleaditquelquechose?demandaEvan.
Sesyeuxjetèrentdeséclairs.
—Non.J’aijuste...sentidesmauvaisesondes.
—Jen’aipastrèsenviedeparlerd’Hailey,ditEvan.
Ilsegaradansl’alléeenécrasantlefrein.Lavoitures’immobilisa,maislecœurdeMélanies’emballa.
Lecielsecouvre,auparadis.
—Ilfautquequelqu’unaillechercherFinndansl’appentis,ditEvanenseretournantpourattraperleur
dînersurlabanquettearrière.
—J’yvais!lançaMélanieensautantdelavoiture.
—Génial!Etnet’inquiètepaspourmoi,jepeuxtouttrimballerseul,plaisantaEvan.
Mélaniel’ignoraetfitletourdelamaisonaupasdecourse.Elleétaittellementsurvoltéequelatêtelui
tournait.Ellecommençaitàsentirunecertaineexcitationàl’idéedelasoirée.Elleavaitdesamiesavec
quiyaller,EvanetHaileyétaientencrise...Lavieétaitpleinedesurprises.
Ellefrappauncoupàlaportedel’atelieretentra.Finnavaitcommencéunenouvellepeinture.Aubas
delatoile,deuxbrasfinsétaientcroisés.Lestraitsd’unvisageanguleuxetuncoudélicatplanaientaudessus.Impossibledesetrompersurlesujet.
—Salut,ditFinnenjetantuncoupd’œilpar-dessussonépaule.
—KaylaBird,hein?ditMélanieenseglissantavecprécautionsurletabouret.
Finnarrêtadepeindre.
—Commentconnais-tuKayla?
—Jenelaconnaispaspersonnellement,maisonm’aparléd’elleaudéjeuner,réponditMélanie.Elle
teplaît,pasvrai?
Finnluitournaledosetsepassalesdeuxmainsdanslescheveux.Quandilluifitfacedenouveau,une
traînéebleuepartantdesonfrontavaitcolléunedesesboucles.
—J’ignoraisquetoutlemondeétaitaucourant,dit-il.
—Oh,jet’enprie,c’estsiévident!réponditMélanie.L’as-tudéjàinvitéeàsortiravectoi?
—Pasvraiment.
—Qu’est-cequeçaveutdire?
—Çaveutdirenon,ditFinnavecunsourire.
— Bon, eh bien, il y a cette grosse fête, ce soir. Tu y vas ? demanda Mélanie en jouant avec son
nouveaubracelet.Moi,jepensequetudevraisluiproposerd’yaller.
Finnfitunegrimace.
—Maisquies-tu,enfait?
Mélanieéclataderire.
—Dequoituparles?demanda-t-elle,soudaingênée.
Ellesemitàtripoteruneboucledanssoncoutoutenl’observantàtraverssescils.
—Sérieusement,tuasl’airtoutexcitée,ditFinnenfaisantunpasverselle.Neserais-tupasentrainde
faireuneréactionallergiqueàquelquechose?
—Maisnon!protestaMélanie.
Pourtantellecomprenaitcequ’ilvoulaitdire.Ellen’étaitpascommed’habitude.ElledisaitàFinnce
qu’ellepensait,elleenavaitenvieetluidonnaitmêmedesconseils.UnpeucommeTracylefaisaitavec
elle.Etc’étaitlapremièrefoisdesaviequ’elleprenaitdetellesinitiatives.Bizarre.
—Écoute.Jesuissimplementdebonnehumeur,expliquaMélanieenselaissantglisserdutabouret.Et
jeveux...enfaireprofiterlesautresouuntrucdecegenre.Jevaisàlafêteavecquelquescopinesde
monéquipeetjetrouvequeceseraitbienquetuviennesaussi.
—TupensesquejedevraisproposeràKayladem’accompagner?ditFinn.
—Pourquoipas?Tantqu’onn’apasessayé,onnepeutpassavoir,n’est-cepas?ditMélanie,lesyeux
brillants.
ElledonnaunetapesurlebrasdeFinn,etletrouvaétrangementcontracté.Pendantunlongmoment,il
gardalesyeuxfixéssurl’endroitoùsamains’étaitposée.
—Tuessûrqueçava?demanda-t-il.
Mélaniehaussalesépaulesetenfonçasesmainsdanssespoches.
—Àvraidire,jenemesuisjamaissentieaussibien.(Ellesetournaverslaporteets’arrêta.)Allez,
viens.Onmangechinoiscesoir.
—J’arrivedansuneseconde,ditFinnensortantsonportabledelapochearrièredesonpantalon.
Ill’agitadevantelleetsourit.
—J’aiuncoupdefilàpasser.
Mélanieluifitungrandsourireetsortit.Ceseraitlapremièresoiréeimportantedesavie.
— Oui, p’pa, je serai prudente. Ne t’inquiète pas, dit Mélanie au téléphone en jetant un œil dans la
cuisineoùtoutelafamilleMcGowancommençaitàdîner.
DougetMillerétaiententraindesedisputerausujetducartondecrevettesauxépicestandisque Ian
battaitsonassietteavecsesbaguettes,commes’iljouaitdutambour.
—J’ensuissûre,Kicker,ditsonpère.Etnoussommesravisquetut’amusesettefassesdesamis.Tes
copinesm’ontl’airdefillesbien.
—Elleslesont,réponditMélanie.
—Est-cequedesfilsdeJohnsortentavectoi?demandasonpère.
MélanieregardaEvanserviruneportiondepouletaigre-douxàCalebetsentitsoncœurpalpiter.
—Ouais,Evan.EtFinnaussi,jecrois.
—Parfait.Jesuissûrqu’ilsgarderontunœilsurtoi,ditsonpère.
—P’pa...
—Nonpasquetuaiesbesoinqu’ontesurveille,serétracta-t-il.Tucomprends,jesuistonpère...
—Jesais,jesais,dit-elleenfixantlesol.Écoute,onvadîner,alorsjeferaismieuxd’yaller.
—D’accord.Amuse-toi.
—J’ycomptebien.Jet’aime,luiditMélanie.
—Moiaussi,répondit-il.
Mélanieraccrochaetreplaçaletéléphonesursonsocleavantdeselaissertombersursachaise.Finn
lui tendit le riz sauté dont elle se servit une bonne cuillerée. Au bout de la table, Caleb aspirait ses
nouillesetIanarrêtadetambourineravecsesbaguettes,justeletempsdemanger.Lementoncolléàson
assiette, Doug enfournait des quantités impressionnantes de nourriture ; on avait l’impression qu’il
participaitàunconcoursdegoinfres.Adosséàsachaise,Seanapprochaitdesabouchedesfourchetées
deriztoutenlisantlaquatrièmedecouvertured’unlivre.
—Tuveuxdusoda,Mélanie?proposaJohnenapprochantlabouteilledesonverre.
—Oui,merci,répondit-elleensouriant.
Cettemaisonn’étaitpasavare,côtésoda.
—Alors,qu’est-cequevousfaites,cesoir?demandaReginaenarrangeantlesplisdesajupeaprès
s’êtreassiseàcôtédesonmari.
—Fête,ditDoug.
Uneboulettederiztombadesabouchequandilrelevalatête.
—Sympa.Serviette,s’ilteplaît,ditRegina.
Doug leva les yeux au ciel quand Sean, sans décrocher de son livre, lui tendit une serviette depuis
l’autreboutdelatable.
—Chezqui?
—ChezChristian,réponditEvan.Tusais,ilenorganiseunetouslesans.
—Ah,lafameusesoiréedeChristianTodd,ditReginaenpiquantunboutdebrocoli.Lapolicen’avaitellepastoutarrêtél’annéedernière?
— Ouais, mais cette année il y aura beaucoup moins de monde, dit Evan. Il invite seulement les
premièresetlesterminales.
—AlorspourquoiDougyva-t-il?demandaleurmère.
ToutlemonderegardaDoug,quiinterrompitsaséanced’autogavage.
—J’aidescontacts,expliqua-t-il.
ReginasecoualatêtepuisfixaMélanie.
—Ettoi,tuyvas?
— Oui. Des filles de mon équipe m’ont invitée. D’ailleurs, j’allais vous demander si vous pourriez
m’accompagnerenvoiture.Jen’aiaucuneidéedel’endroitoùc’est.
—Pasdeproblème.Jeteconduirai,ditRegina.
—Est-cevraimentnécessaire?demandaJohnenreposantsafourchette.SiDougetEvanyvont,ilyen
abienundesdeuxquipourral’accompagner.
Dougéclatad’unriresarcastique.Evangigotasursachaise.
—Qu’ya-t-ildedrôle?demandaJohn.
DougregardaMélanie,puissonpère.
—Rien,maisc’estG-Martquim’emmèneetsabagnoleestdéjàpleine,dit-il.Dommage!dit-il,riant
denouveau.
—Bon,ditsonpère.Finn,tuyvas?
—Oh,oui.Maisj’aiunrencard,enquelquesorte,répondit-ilenadressantunclind’œilcompliceà
Mélanie.
—Ahoui?Avecqui?demandaRegina.
—Mec,tuasenfinréussiàtedéclencherpourKaylaBird?demandaEvan.
—Ouais,apparemment,réponditFinndontlesjouess’empourprèrent.
—Ilétaittemps,vieux!ditEvan,malicieux.
IlprésentasapaumeàFinnquiyfitclaquersamainensouriantlargement.
—OK,donc,Evan,ondiraitquec’esttoiquivasameneretramenerMélanie,ditJohnenprenantune
gorgéedesoda.
—Enfait,p’pa...
—Tuasunevoiture,tul’emmènes,ditsonpère.Ilyaunproblème?
Le brouhaha s’interrompit d’un coup. Tous dévisageaient Evan en attendant sa réponse. Même Sean
interrompitsalecture-maisilgardasonlivrelevédevantsonvisage.Evanessuyasespaumessurson
pantalonetavalasasalive.
—Non.Jesupposequenon,dit-ilenfin,évitantdecroiserlesregardspointéssurlui.
DanslabouchedeMélanie,lanourrituresetransformaenuneboulettepeuappétissante.PourquoiEvan
réagissait-ilsibizarrement?Neluiavait-ilpasditdanslavoiturequ’ilavaitenviequ’ellevienneàla
fête?
—Parfait.Bon,vousvoussouveneztousducouvre-feu?demandaJohnenfaisantuntourdetabledu
regard.
—Oui,marmonnèrentenchœurDoug,Finn,EvanetMélanie.
—Biencontentdel’apprendre,ditJohnenmordantdansunmorceaudepoulet.Evan,tuesresponsable
deMélanie.S’ilsepassequoiquecesoit,tularamènesillico.
Intéressant, songea Mélanie en dissimulant son sourire. Voilà que, par décret parental, Evan allait
devoirresterauprèsd’elletoutelasoirée.Malheureusement,quandellejetaunœilsurluipourvoirsa
réaction,ellevitqu’ilgrimaçaitcommes’ilvenaitd’avalerunmorceaudepoissonpourri.Mélaniesentit
sagorgeseserrer.
—Nevousinquiétezpas,John,s’entendit-elledire.Jen’aibesoindepersonnepour...
—Mélanie,jet’enprie.Lesgrandsfrèressontlàpourça,non?l’interrompitJohn.
MélanieregardadenouveauEvan.Colléaudossierdesachaise,ilcontemplaitsonassietteàmoitié
vide.
—Ouais,dit-elle.Jesuppose.
Mais si Evan devait faire cette tête pendant toute la soirée, elle n’était pas sûre d’avoir envie de la
passeraveclui.
Mélanie détestait le rose, mais Tracy lui disait toujours que c’était sa couleur. D’ailleurs, l’année
précédente, pour son anniversaire, Tracy lui avait offert un tee-shirt rose qui, selon elle, allait
merveilleusementavecsajupelongueentoilevertforêt.«Aucasoùtuvoudraisunjourressembleràune
vraiefille»,luiavaitditTracy.
Aussi,quandMélaniedéfitsatresseetvitsescheveuxondulersursesépaulesenvaguesmagnifiques,
elledécidaqu’elleétaitdéjààmi-chemin.Alorspourquoipas?Ellevivaitdansunenouvellemaison,
dansunenouvelleville,avecdenouveauxamis.Peut-êtreétait-celemomentd’essayerunnouveaulook.
Oupeut-êtreaurais-jedûenresteràlaqueue-de-chevaletausweat-shirt,pensa-t-ellequandEvan
garasavoitureaumilieud’unedouzained’autresdevantl’énormedemeuredepierredeChristianTodd.
Ellenesesentaitpaselle-même,cequiluirendaitencoreplusdifficiled’encaisserlafroideurd’Evan.
Quand elle avait descendu l’escalier pour le rejoindre, il n’avait pas fait un seul commentaire sur ses
cheveuxnisursatenue.Dureste,illuiavaitàpeineditunmotdepuisqu’ilsavaientquittélamaison.Si
seulement elle pouvait frotter le couvercle de la boîte à gants pour en faire sortir un génie, elle lui
demanderaitcequepensaitEvanàcetinstant.
Iléteignitlesphareset,unmoment,toutfutsilencieux,jusqu’àcequequelquespersonnespassentàcôté
delavoitureenbavardantetenriant.Evandéfitsaceintureetsetournaverselle.
—Jesaisquecequejevaisdirevatesemblerasseznul,maisjepréféreraisquenousn’arrivionspas
ensemble,dit-il.
—Hein?
—Écoute.(Evans’éclaircitlavoix:)Hum,enfait,Haileyalégèrementpétélesplombscesderniers
temps,etçateconcerneunpeu.
—Quoi?
Mélanieclignadesyeuxdanslenoir.
—Commentça?fit-elle.
Evanregardaleplafondetpritunelongueinspiration.
— Je t’explique. Hailey et moi, ça fait un an qu’on est ensemble. On pourrait croire qu’il y a une
confianceentrenous.Aulieudeça,depuisquetuesarrivée,ellesecomportecommesij’étaisl’ennemi
publicnuméroun.
—Jecroisquel’ennemi,c’estplutôtmoi,enfait,corrigeaMélanie.
—Elleatoujoursétéjalouse,maisavectoivivantdansmamaison...Ç’aétélagoutted’eauquiafait
déborderlevase.
—Etdonc...?
Mélanie eut envie de répliquer : D'accord, et en quoi est-ce mon problème et qu'est-ce que je suis
censéefaire?
Évidemment,ellen’enditrien.
—...etdoncjepensequeceseraitmieuxpourtoutlemondesinousne...s’iln’yavaitpasdescènece
soir,ditEvan,pleind’espoir.Tuvoiscequejeveuxdire?
—Ouais,j’aicompris,ditMélanieenessayantd’avoirl’aircompatissante.
Ellegrinçadesdentsetserralespoings.Nevoyait-ilpasqu’Haileyétaitfolle?Commentpouvait-il
entrerdanssonjeu?
Pleinedesurprises,lavie?Tum’étonnes...Voilàqu’elleluioffraitfinalementunenuitensolo.
—Tutrouvesquejesuisunloosertotal,hein?ditEvanenregardantauloin,l’airtriste.
Mélaniedutsemordrelalèvrepours’empêcherdecrier:«Exactement!»Cependant,ellefuttouchée
parsaquestion,carilsepréoccupaitdecequ’ellepensait.
Elleouvritsaportière.
—Tusaisquoi?Çan’aaucuneimportance,dit-elle.Amuse-toibiencesoir.
ElleclaqualaporteetmarchaverslamaisondeChristianaussivitequeleluipermitsajupeétroite.
Devantelle,quelquespersonnesentraientjustementàl’intérieurdelamaison.Quandlaportes’ouvrit,
les rires, les cris et la musique explosèrent, et Mélanie sentit son cœur s’emballer. Elle fut soudain
submergéeparunevagued’angoisse,sipuissantequ’elleeneutlanausée.Maisellen’allaitpaslaisser
Evanvoirça.Elleavalasasalive,seredressa,secouasescheveuxfraîchementondulésetpénétradansla
maison.
De:[email protected]
À:[email protected]
Objet:Lemanueldumec
GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan
Noten°6
Observationn°1:Lesmecsontleurshumeurs.
Genrehumeursprémenstruelles.
Observationn°2:Lesmecssontinconstants.
GenrelesrevirementsdeTracyDale-Franklindevantunprésentoirdemaquillage.
Observationn°3:Lesmecssontdifficilesàdéchiffrer.Commesionnelesavaitpasdéjà...
9
—Ah!monDieu!Tessa!Tuesvenue!
ÀpeineMélanieeut-elleposéunpieddanslehallqu’unefillesejetaàsoncou,l’enveloppantdansune
étreinte étouffante. Elle s’était aspergée d’un parfum musqué agressif et une de ses boucles blondes,
croustillantes,voladirectementdanslabouchedeMélanie.Elleavaitungoûtaigre.
—J’étaissûrequetuviendrais!hurlalafilledansl’oreilledeMélanie.
Lamoitiédesabièresedéversahorsdugobeletetvints’écraserausol,derrièreMélanie.
—Alors,tumepardonnes?luidemanda-t-elle.Parcequej’tejurequejen’avaispasl’intention de
l’embrasser.Je...tusais...j’aiglissé!
Mélanie tira la langue pour se libérer de la mèche de cheveux. Quelques garçons redescendant du
premierétageremarquèrentsagrimaceetéclatèrentderire.
—Hum...pasTessa,ditMélanieentapotantmaladroitementledosdelafille.
Celle-ciserecula,étudialevisagedeMélanieetfronçalessourcils.
—Maistuesqui,toi?
—Euh...désolée,réponditMélanie.
Ellesefaufilahorsdel’entréeetpassadanslapièce,sursagauche,oùlafêtebattaitsonplein.Des
dizainesd’inconnusl’entouraient,riant,chantant,s’interpellantlesunslesautres.Ungroupedegarçons
l’inspectèrentdelatêteauxpiedsavantdeseconcerteràvoixbasse.Apparemment,elleobtintunbon
score,carl’und’entreeuxlitmined’allerluiparler.Mélaniepaniquaetseprécipita,latêterentréedans
lesépaules,verslaportelaplusproche.
Danslapiècevoisine,quatrepartiesdeJengaétaiententaméessimultanémentsurunetabledebillard
tapissée de violet. Une vingtaine de personnes s’étaient rassemblées pour voir le spectacle. Mélanie
s’arrêtapourregarderjouerungarçonmaigrichonàlapeaumoite.Latourvacillaunmomentavantde
basculer,projetantdespiècesdeboisdanstouslessens.Lafoulepoussadesacclamationsetsifflaen
pointant du doigt le perdant. Celui-ci hocha la tête et leva une main, puis il attrapa une bière et la
descenditentroisgorgées.
—Hé!Mélanie!
Finnémergeadelafoule,latignasseenbataille.Ilportaitunmaillotdebaseballbordeauxauxmanches
grischiné.
—Salut.Waouh!
Ilfitunepauseetlaregardacommes’ilnel’avaitjamaisvueauparavant.
—Tescheveuxsont...waouh!Ondulés.
Mélanieéclataderireetsentitsesjouess’empourprer.
—Oui,jecroisqu’onpeutledire,dit-elle.
—Sympa,dit-ilavecunhochementdetêteappréciateur.
—Merci.
Finnpritunegorgéedanssonverre.
—Alors,oùestEvan?demanda-t-ilenjetantunregardcirculaire.
—Paslamoindreidée,réponditMélanie.EtoùestKayla?
—Oh,elleestpartieauxtoilettes,ditFinnenhurlantlederniermotàcausedescrisalentour.Pourêtre
honnête,jenecroispasqu’elles’éclate.
—Pourquoi?demandaMélanie.
—J’ail’impressionquelesfêtesdecegenrenesontpassontruc,expliquaFinn.
—Désolée.Sij’avaissu,jenet’auraispastordulebrasjusqu’àcequetul’appelles...
Finnrit.
—Net’inquiètepas,toutvabien.Aumoins,jel’auraisfait-enfin!Jenesaispassituavaisremarqué,
maisjenesuispascequ’onappelleuntombeur.
Mélaniesourit,amusée.
—Jecroisquenousallonsnousesquivertôtettrouverunendroitoùnouspourronsdiscuter,poursuivit
Finnendésignantd’unsignedetêtel’émeuteautourdelatabledebillard.
Toutàcoup,Mélanieeutunflash:elleimaginaFinnemmenantKayladanssonatelierpourluimontrer
sestoilesinachevées.Touslesdeux,seulsdanslanuit.QuandMélanierelevalesyeuxversleprofilde
Finn,ellesentitcommeuneondedanssapoitrine.Ellepréféraignorercetteétrangesensation.
—Mélanie!Tevoilàenfin!
RiaetAimeesurgirentdelafoule.
—Allez,viens!Onesttousentraindedanserdehors,derrièrelamaison!ditAimeeenluiattrapantle
bras.Oh,monDieu!J’étaissûrequetescheveuxseraientfantastiquescoifféscommeça!
Mélanierit.
—Ehbien,jecroisquejevaisallerdanser,annonça-t-elleàFinn.BonnechanceavecKayla!
Mélanie suivit ses amies jusqu’à la véranda où les meubles en osier avaient été poussés contre les
murs.Lesbafflesauxquatrecoinsfaisaientexploserduhip-hoppourticsdizainesdejeunes luisant de
transpiration. Aimee et Ria rejoignirent Jenna et Pearl au milieu de la meute. Jenna avait lâché ses
cheveuxetMélanielavitpourlapremièrefoissansseslunettes.Sesbrasétaientaccrochésaucoud’un
mecgrandetmincedontlesmainsreposaientsursesfesses.
—Quiest-ce?demandaMélanie.
— Bobby, le petit copain de Jenna, expliqua Ria. Dans moins d’une heure, tu peux être sûre qu’ils
serontquelqueparidanslesboisàseroulerdespelles.
—Pardon?
—C’esttouslesanslamêmechose,ditAimee.D’icilafindelanuit,ceseraunevéritableorgiesous
lesarbres.
—C’estunpeu...spécial,ditMélanieenjetantuncoupd’œilverslefonddujardin.
Vaguementdégoûtée,maisaussicurieuse,ellesedemandacombiendepersonnesilyavaitdéjàlà-bas,
etsi-pincementaucœur-EvanetHaileysetrouvaientparmielles.
Çan’aplusaucuneimportance,detoutefaçon,sedit-elle.Iln’ariendansleventre.Ilt’ajetéede
sa voiture. Mais, malgré cela, elle savait que s’il venait l’enlacer là, maintenant, tout de suite, elle
passeraitlerestedelanuitàdanseraveclui.
Les premières notes du dernier tube d’Usher retentirent, et Aimee lâcha un tel cri d’excitation que
Mélanieneputs’empêcherdesourire.
Finieslesmauvaisespensées!C’étaitsapremièresoiréedanslanouvellevilleoùellehabitaitavec
ses nouvelles copines. D’ailleurs, c’était sa première soirée tout court. Pour une fois dans sa vie, elle
avait envie de se laisser aller. Faire une fixette sur Evan ne pouvait que l’empêcher d’avancer. Elle
n’allaitpasgâcherunesecondedeplus.
Ria,AimeeetPearlacclamèrentMélaniequandellelevalesbrasetcommençaàdanser.Ellefermales
yeuxets’imaginadanssachambre,auTexas,entraindedélireravecTracysurn’importequellechanson
passantàlaradio.Elleonduladeshanches,secouasescheveux,etlaissalamusiqueguidersoncorps.
Quandellerouvritlesyeux,ellecroisaleregarddePearletellessesourirent.C’étaitbon.Vraimentbon.
Ellen’avaitpasbesoind’Evan.Nid’aucunmec,dureste.Elleétaitarrivéejusqu’icitouteseule,non?
Finalement,aveclesgarçons,onnefaisaitquesetorturerlesméninges.Était-cebiennécessaire?
Bobbymurmuraquelquechoseàl’oreilledeJennaquiréponditparunsourirecomplice.Illuipritla
mainavecdouceuretlaguidahorsdelapistededanse.Jennatrébucha,retrouvasonéquilibreenriant
bruyamment.Mélanielesregardapousserlaportebattantedelavérandaettraverserlapelouse.
—Etvoilà,ditRia.
Mélaniesentitunepointed’envieluititillerlecœur,maisl’ignora.
—Jenecomprendspas.Jepensaisqu’elleétait...jenesaispas...
—Unratdebibliothèquerefoulé?suggéraAimee.Ouais.Maisc’estcommeçaqu’elle...disons... se
défoule.
Mélanie s’apprêtait à repartir sur la musique quand elle repéra Hailey debout près de la porte. Elle
portaitunhauttubenoiretunejupeenjeantellementminiqu’onauraitpulaconfondreavecuneceinture.
Quatre garçons l’entouraient, bavant presque dans leurs bières. Hailey but une longue gorgée dans son
verrequ’elleposasurlerebordd’unefenêtreetjetasesbrasautourducoudel’undestypes.Leverre
basculaets’écrasasurlesol,éclaboussantdebièreleurschaussures.Haileyéclataderire,pliéeendeux,
accrochéeàson«cavalier».Elleétaitcomplètementpaf.
C’estàcetinstantqu’Evanfitsonentrée.IlmarchadroitsurHailey,l’attrapaparlebrasetlatirahors
desoncercled’admirateurs.
Mélanies’arrêtadedanserenpleinmilieuduchaos.EvanavaitbaissélatêteversHaileyetmurmurait
quelquechoseàsonoreille.Ellegardaitlesyeuxobstinémentfixéssurunpointauloin.Finalement,elle
tournasonvisageversEvanetluihurlaquelquechose.Puisellesortitdanslejardincommeunetornade.
Evanposalesmainssurseshanchesetpritquelquesinspirationsprofondes.Puisilsecoualentementla
têteetrepartitverslasalledubillard.
Mélaniepouvaitàpeinerespirer.
—Hé!Qu’est-cequit’arrive?luidemandaAimee.
—Rien!criaMélanie.
Unpoidsluiécrasaitlapoitrine.Quevenait-ildesepasser?Evanallait-ilbien?Voulait-ilpartir?
Mélanie faillit courir après lui. Mais non, il avait été clair sur le fait qu’il ne voulait pas qu’elle
l’approche.Detoutefaçon,çanelaregardaitpas.Elleseretournaverssesamiesetseremitàdanser.
Mélaniearrivaenhautdesmarches.Devantelles’étendaitunlongcouloiroùs’alignaientdesportes
closes.Quelquespersonness’yétaientrassemblées,lesunespourdiscuter,d'autrespours’embrasser.Un
garçoncoifféd’unecasquettedebaseballàl’enversarrivaderrièreelle,collasontorsecontresondoset
posaunemainsursonépaule.
—Alors,joliedemoiselle!Onestperdue?
Mélaniefitunécartetcroisalesbrassursapoitrine.
—Jecherchelestoilettes.
—Ehbien,alors,jesuisl’hommequ’iltefaut,dit-il.Jemeprésente,ChristianTodd.
—Oh,salut...,ditMélanie.Etdonc...lestoilettes?
—Ettues...?
—MélanieMeade,répondit-elleenfaisantunpasenarrièrequandils’inclinaverselle.
—Paspossible!C’esttoilananaquiadébarquéchezlesMcG!Sympathique!s’exclama-t-iltouten
l’inspectantdelatêteauxpieds.Tuescanon!
Mélaniedevintécarlate.
—Euh...merci.Toilettes?
—Waouh!Envievraimentpressante,hein?ditChristian.C’estjustelà.
Ilpointad’ungestemalassurélapremièreporteàgauche.Mélanies’éloignasansplusattendre.Elle
ouvrit la porte de la salle de bains et s’immobilisa. Mauvaise porte... et coïncidence intéressante. Au
milieudelapiècesetrouvaitunlitdoublesurlequelétaitallongéEvanMcGowan.Lespiedsparterre,il
avaitramenésespoingsfermésprèsdesestempes,etétaitapparemmentperdudanslacontemplationdu
plafond.Ilseredressad’uncoupquandlaportes’ouvrit.
—Salut,dit-il.
—Salut,réponditMélanie.Désolée,jetelaisse.
—Attends,l’arrêta-t-il.Entre.
LecœurdeMélanietambourinaitdanssapoitrine,commes’ilvoulaitensortir.Sanssavoircomment,
elleparvintàrefermerlaportederrièreelle,cequileslaissadanslapénombre.Leseuléclairagedansla
piècevenaitd’unlampadairequiilluminaitunpatio.
—Depuiscombiendetempses-tuenfermélà?demandaMélanie.
—Àpeuprèsunedemi-heure,jecrois,réponditEvan.
—Je...euh...t’aivuavecHailey,hésitaMélanie.Çava?
Evanexpirabruyamment.
—Non,pasvraiment.Elleessaiedesevenger.Jel’aitrouvéeentraindeflirteraveccecrétindeMike
Bagleyetsesgrosnazesdepotes,alorsquejen’airienfait.
—Bon...maiselleétaitunpeupétée,plaidaMélanie.
Evanlaissaéchapperunriresarcastique.
—Jet’enprie.Ellesavaittrèsbiencequ’ellefaisaitquandelleestarrivéeicicesoir.Letrucquime
tue,c’estqu’ellelefaitexprès.Quandjeflirte...sijeflirte...cen’estpascommesic’étaitprémédité.Je
suiscommeça,c’esttout.Jeveuxdire,jesuisunmecsympaetjesuissympaaveclesfilles.Cen’estpas
mafautesiellesm’apprécient.Maisjenel’aijamaistrompée.Pasuneseulefois.Çadevraitcompter,
quandmême.
Il se laissa retomber en arrière, croisant les bras sur son front. Il semblait si vulnérable. Il était si...
sexy.
Mélaniefitquelquespashésitantsets’assitauborddulit.Illaregardapar-dessoussonbrasetsoupira
denouveau.
—Tuvois,là,jenedevraispasêtreavectoi,pourtoutuntasticraisons,dit-il.
Mélaniesemorditlalèvre.C’étaitbizarredeluiparlerenluitournantledos.Elleenfonçasesmains
danslematelasetpivotapourluifairefaceenramenantsesjambessouselle.Lajupenefacilitaitpasla
manœuvre, si bien qu’elle se retrouva assise sur ses mollets. Evan écarta les bras de son visage et la
regardad’unairsurpris,commes’ilvenaitjustederemarquersaprésence.
—Tuveuxsavoircequej’enpense?demandaMélanieenbaissantlesyeuxverslui.
Evans’assitetsetournapourluifaireface.Undesesgenouxtouchaitlessiens.
—Vas-y,répondit-il.
—Jepensequetuesunmecchouetteetunsuperpetitcopain,luiditMélanie.Jeveuxdire,peut-être
qu’Hailey se sent un peu menacée, mais finalement tu tiens toujours compte de ses sentiments. Tu ne
voulaismêmepasqu’onnousvoieensemblecesoirparcequetupensaisqueçalablesserait.Tul’aimes.
Ellet’aime.Leschosesseremettrontenplaced’elles-mêmes.
Evan la regarda droit dans les yeux. Mélanie entendait son sang battre à ses oreilles. Ses paumes
devinrent moites, sa nuque la brûlait. Son visage n’était qu’à quelques centimètres de celui d’Evan
McGowan. Ses yeux plongeaient dans les siens. Elle ne pouvait plus respirer. Rêvait-elle ou était-il
réellemententraindesepencherverselle?Était-celemomentdesonpremier...?
—Oh!Tutefichesdemoi!
LaportecognacontrelemuretMélaniebondit.Haileysetenaitdansl'embrasure,lesjambesécartées
pourconserversonéquilibre,sonhautglissantsursapoitrine.
Lesyeuxd’Evan,écarquillés,allaientdeMélanieàHailey.
—Hailey,jesaiscequetupenses...
—Jemontepourdiscuter,etjetetrouvetoutseuldanslenoiravecelle,cria-t-elle.Avecelle?
—Nousétionsjuste...
—Mélanie,arrête,l’interrompitEvan.
Mélanieeutl’impressionquesoncorpsseconsumaitsouslecoupdel’humiliation.
— Waouh ! Vous êtes hallucinants, tous les deux, dit Hailey qui tira sur son bustier si brusquement
qu’ellefaillittomberàlarenverse.Amuse-toibienavectapetiteKickeroujenesaistropquoi.
—Hailey,attends!
Evan bondit à sa poursuite. Mélanie fonça derrière eux, traversant une foule de curieux, bouche bée.
Haileydévalalesmarchesd’unpasmalassuréetdisparutdanslesalon,justeaumomentoùungroupede
fêtards s’engouffraient dans la cage d’escalier. Evan se fraya un chemin en jouant des coudes, mais il
arrivatroptardenbas.Haileyavaitdisparu.QuandMélanielerejoignit,ilétaitdeboutdansl’entrée,le
soufflecourt.
—Evan...
—C’estbon.J’enairaslebol,rugit-il.Jemetire.
—Evan!Attends!criaMélanie.
Maisilseprécipitahorsdelamaisonsansunregardenarrière.
— Alors ? demanda Aimee en tirant sur ses genoux un coussin à franges pour que Mélanie puisse
s’asseoiràcôtéd’elle.
—Rien,réponditMélanieenselaissanttomberavecungrandsoupirdanslecanapéenvelours.
Elle leva les yeux vers le gros poisson bleu turquoise qui tournait dans l’aquarium à côté d’elle. Il
flottaitjusteauniveaudesonvisage,sabouches’ouvrantetserefermantsurdesbulles.
— Finn est introuvable, ajouta-t-elle. (Mélanie fronça les sourcils et regarda son amie.) Tu n’es pas
fâchée?
— Pourquoi serais-je fâchée ? demanda Aimee en appuyant sa joue contre le dossier du canapé. Ce
n’est pas ta faute si Hailey a flippé. En plus, cette nana a passé la plus grande partie de sa vie à me
torturer.Unepetitenuitdedéprimenevapaslatuer.
—Merci,ditMélanie.
Elle pouvait supporter que le reste des gens de la fête cassent du sucre dans son dos, mais elle ne
voulaitpasperdresesnouvellesamies.
Lanouvelledecequis’étaitpasséàl’étages’étaitrépanduecommeunetrainéedepoudre,etMélanie
étaitpasséedustatutdenouvelleinconnueàceluide«filledonttoutlemondeparle».Elleavaitcherché
Finnpartoutpourvoirs’ilpouvaitlaraccompagnerenvoiture.Apparemment,luietKaylas’étaientdéjà
esquivéspouruneconversationintime.Mélanien’avaitqu’uneenvie:rentrer.Maisellenepouvaitpas
appelerlesMcGowanpourqu’ilsviennentlachercher,vuqu’Evanavaitétéofficiellementchargédele
faire. Aimee avait bu et Pearl et Ria étaient parties avec des garçons acheter quelque chose à manger.
Mélanieétaitcoincée.
—Oh,monDieu!Lesfilles!
Revenant de la véranda, Jenna zigzagua dans la pièce et tomba agenouillée devant le canapé. Ses
cheveux étaient en bataille et son cardigan boutonné n’importe comment. Bobby arriva derrière elle et
s’adossaaumur,leregardrêveur,l’airtrèsenpaix.
—Jenna?Qu’est-cequisepasse?demandaAimee.
— Vous n’allez jamais me croire... Devinez qui je viens de voir à moitié à poil dans les bois ! dit
Jenna.Uneseconde!Jedoisfairecetterévélationdebout,ajouta-t-elleenserelevant.
—Quiça?demandaAimee.
—Tasœur!ditJennaendésignantAimee.Aveclefrèredesonpetitcopain!
Auborddelapanique,Mélanies’avançasursonsiège.
—Quoi?s’exclamaAimee,l’airplussobrequ’ellenel’avaitétédetoutelasoirée.
—Lequel?demandaMélanie.
—Le«gangster»,ditJennaquiéclatad’unrireincontrôlabletoutendessinantd’énormesguillemets
dansl’air.Hallucinant,non?
—Doug?ditMélanie,lagorgesèche.HaileyestentraindefairedesgalipettesdehorsavecDoug?
—Scandale!annonçaJennaenagitantlesmains.MélanieregardaAimee,bouchebée.CommentDoug
pouvait-ilfaireçaàEvan?CommentHaileypouvait-ellefaireçaàEvan?
—Cettesoiréetournetrèsmal,commentaAimee.
—Oh!fitJennaensetenantleventre.Hohoho!...Elleseretournaetvomitsansplusattendredans
l’aquariumhightechdeChristianTodd.
—Crade!s’exclamaMélanie.
—Jenna?Çava?demandaAimeeenselevant.
—Oh,monDieu!gémitJenna,unemainsurlabouche.J’aitellementhonte!
Elletournalestalons,bousculasonpetitcopain,etpartitentitubantverslasalledebains.
—Bon,çanevapas,là,décrétaMélanieensedétournantdel’eautrouble.
EntrelarévélationdeJennaetsarégurgitation,Mélaniesesentaitelle-mêmeunpeumalade.
—Tum’étonnes,enchéritAimeequisuivaitJennaduregard.Elleétaitcenséemeramenerenvoiture.
—JeparledeDougetHailey,ditMélanie.(Elleposasamainsursonestomac.)Commentont-ilspu
faireça?
—Non!Nemedispasquetoiaussituvasêtremalade!gémitAimeeenserasseyant.
Mélanielaissaallersatêtecontrelecanapéetrespiraprofondément.
— Je crois que ça va aller, dit-elle. Si j’arrive à oublier l’image de Doug en train de déshabiller
Hailey...
Aimeepâlit.
—Génial.Maintenantc’estmoiquiaienviedevomir.
—Tusemblesàpeinesurprise...,fitremarquerMélanie.
— Crois-moi : après seize ans de vie commune avec ma sœur, il n’y a plus grand-chose qui me
surprend,réponditAimee.
Bobbytraversalapièceetvintseplanterdevantelles,lesmainsenfoncéesdanslespochesarrièrede
sonpantalon.
—Euh...L’uned’entrevousserait-elleassezsobrepourconduire?demanda-t-il.Jennan’estpastrès
enforme.
Mélaniesoupiraetjetaunœilàsamontre.Ellelaissaretombersatête,défaite.Ilétaitminuitmoinsle
quart.C’étaitsapremièresoiréeetelleéchouaitdéjàautestducouvre-feu.Lanuitétaitdéfinitivement
terminée,etilétaitplusquetempsdetournerlapage.
— Moi, c’est bon, dit-elle. (Elle se mit debout et tendit les mains à Aimee pour l’aider à se lever.)
Tirons-nousd’ici.
—C’estlà,indiquaJennaendésignantunemaisonquiressemblaitàs’yméprendreàtoutescellesdela
rue.
MélaniearrêtalapetiteFocusetlamitaupointmortensoupirant.Ilétaitminuitpile.
—Tuessûre?demandaMélanie.
—Biensûrquejesuissûre.C’estmamaison,non?réponditJennaavantdeplisserlesyeuxetdese
pencherenavant.Celadit,ellessonttoutesexactementpareilles,non?
—Onestaunuméro22,précisaMélanieaprèsuncoupd’œilàlaboîteauxlettres.
—Bingo!s’exclamaJennaenlevantlesbras.
Mélanielevalesyeuxaucieletsortitdelavoiture.
Jennacontournalevéhiculepourrejoindrelecôtéconducteur.
—Mercimillefois,Mélanie,ditJennaenserrantsonamiecontreelle.(Ellesentaitencoreunpeule
vomi.)Jetejurequejeneboiraiplusjamais.
—Pasdeproblème,ditMélanie.
ElleretintsarespirationetrepoussadoucementJennaquioscillalégèrement.
—Commentvas-tufairepourrentrer?
—Jevaistrouverunesolution,réponditMélanieenjetantunregarddanslaruesombre.Rentrechez
toi.Çairapourmoi.
—D’accord.Bon,merciencore.Ons’appelleplustard,ditJenna.
Mélanie la regarda tituber jusqu’à la porte d’entrée de chez elle et attendit qu’elle soit bien à
l’intérieur.Ensuite,elleinspiraungrandcoup,s’assitsurlepare-chocsarrièredelavoitureetsortitson
téléphoneportabledesonsac.Lejeudi,Finnl’avaitaidéeàentrertouslesnumérosdesMcGowanencas
d’urgence.Quiauraitpenséqu’ilsluiseraientutilessivite?
Ellefitdéfilerlesnomsdurépertoirejusqu’àEvanetpressaleboutonappel.Pendantqu’ellefaisaitle
tourdelavillepourdéposerAimee,BobbyetJenna,elleavaitessayédelejoindreàtroisreprises,mais
étaittombéechaquefoissursonrépondeur.Etd’ailleurs...«Salut,c'estEvan.Laissezunmessageetje
vousrappellerai...peut-être.»Ricanement.Bip.
Mélanie grogna et raccrocha. Elle était obligée d’appeler Finn. Il était probablement déjà rentré,
observantsagementlecouvre-feu,etdevaitêtreentrainderevivrementalementsonrencardavecKayla.
Àmoinsquesesparentsnesoiententraindeleharcelerdequestions...
Finnréponditàlapremièresonnerie.
—Mélanie?
—Salut.J’aiunpetitproblème,ditMélanieenplissantlesyeuxpouressayerdedéchiffrerlepanneau
delarue.JesuiscoincéesurStonyBrookRoad.J’airamenéquelquespersonnes,maismaintenantjeme
retrouvesansvoiture.
—EtEvan?demandaFinn.
—Oh!la!la!...Jeneteracontepas...
Mélanieentenditunevoixdefilledanslefond.
—C’estKayla?Tuestoujoursavecelle?s’enquit-elle.
—Ouais,enquelquesorte,réponditFinn.
—Jesuisdésolée!
—Net’inquiètepas.J’arrivetoutdesuite.
—Jeneveuxpasgâchertasoirée...
—Dixminutes,coupaFinn.Nebougepas.
Huitminutesplustard,ilétaitlà.
Mélanie se laissa tomber sur le siège passager de la Volvo de Regina et cala ses genoux contre le
tableaudebord.
—Lanuitaétérude?
—Tun’imaginespas.
—Ben...cen’estpasfini,ditFinnenlorgnantl’horlogedelavoiture.
—Tucroisqu’ilsnousouiattendus?demandaMélanie.
—C’étaitnotrepremièresortiedepuisledécretducouvre-feu,ditFinnenenclenchantlapremière.Ils
sontprobablemententraind’enregistrernosheuresd’arrivéesurlePalmPilotdemonpère.
Mélaniesoupiraetregardaparlafenêtre.EllesedemandaitsiDougétaitdéjàrentré.Lasimpleidéede
levoirluidonnaenviedevomir.
—Alors?Commentas-tutrouvétapremièresoiréeBaker?demandaFinnalorsqu’ilsapprochaientde
lamaisonMcGowan.
Lavoitured’Evanétaitdéjàgaréedansl’allée.
—Trèsintéressante,réponditMélanie.Etcomments’estpassétonrendez-vousgalant?
Lalumièreduporches’allumaaumomentoùFinndétachaitsaceinture.L’estomacdeMélaniesetordit.
—Peut-êtredevrions-nousgardercettehistoirepourplustard,ditFinnenvoyantlevisagedesonpère
apparaîtreàlafenêtre.
—Ouais,approuvaMélanie,serrantlesdentsenprévisiondelasuite.Çamesembleunebonneidée.
De:[email protected]
À:[email protected]
Objet:Lemanueldumec
GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan
Noten°7
Observationn°1:Lesgarçonspeuventressentirdelasouffrance.
Même ceux qui semblent parfaitement heureux, sûrs d’eux et qui ont l'air de croire qu’ils
dominentlemonde.
Observationn°2:Quandlepénisprendlecontrôledelasituation,ilPRENDLECONTRÔLE.
DougacouchéavecHailey.IlaCOUCHÉavecHAILEY .Jen’arrivemêmepasàfairelalistede
touteslescontre-indicationsqu’ilsontdûignorerpourenarriverlà.
Observationn°3:Onpeutcomptersurlesgarçons.
Finn m'a vraiment tirée d’affaire ce soir, allant même jusqu'à écourter son rencard avec Kayla
pour venir me sauver. Bon, évidemment, quand tu lis l’observation n° 2, tu vois bien qu’on ne
peutpastoujours compter sur les garçons. Hum... peut-être qu'il faudrait une note de bas de
page : On peut avoir confiance en eux, sauf quand ils réfléchissent avec leur pénis. Bien sûr,
Finn se trouvant en charmante compagnie, on peut supposer qu’il fonctionnait en mode pénis.
Euh...jem'embrouille.Hé!Tunetrouvespasquepénisestunmottrèsrigolo?Surtoutsitule
répètesplusieursfois...
10
Samedi malin. Assise à la table jonchée de bols de corn-flakes sales ci de verres de jus d’orange à
moitié vides, seule et a cran, Mélanie terminait sa première ration de céréales. Elle s’en servit une
seconde fournée, puis, saisissant son bol, se prépara à monter dans sa chambre. Aujourd’hui, il valait
sûrementmieuxresterplanquée.
—Bonjour,Mélanie!chantonnaReginaenentrantdanslacuisine.Tuvasquelquepart?
Mélanies’immobilisa,lesfessesdéjààmoitiédécolléesdesachaise.
—Enfait,jem’apprêtaisàmonterdansmachambre.
Reginaattrapalepotdecafé.
—J’espèrequetunem’évitespasàcaused’hiersoir.
Mélanie sentit ses joues s’empourprer en revoyant la scène. Elle et Finn assis à cette même table.
L’expression déçue de John et Regina. Et ces mots : vous êtes punis - des mots qu’on n’avait encore
jamais adressés à Mélanie et qu’elle n’aurait jamais pensé entendre un jour. Les McGowan avaient
compris l’excuse de Mélanie : elle n’avait pas pu faire autrement que de reconduire les autres. Mais,
seloneux,ilsnepouvaientcommenceràfairedesexceptions.Ducoup,FinnetMélanieseretrouvaient
privésdetélé,dejeuxvidéoetdesortiespendantunesemaine.Parchance,Mélanien’étaitpasvraiment
branchéetéléoujeuxvidéo.Quantauxsorties,elles’étaitdetoutefaçonjurédeleséviterdansunfutur
immédiat.
—Jenevousévitepas,finit-ellepasrépondre.Cesontlesautresquejefuis.J’aidesdevoirsàfaire.
—D’accord,bon.Maisavantquetuyailles,jevoudraisqu’onparle.
Reginas’approchadelatable,unetassedecaféfumantàlamain.
Mélaniejetaunregardverslaporte-laliberté.Ellel’avaitratéedepeu.
—Oui?demanda-t-elleàReginaquilafixait,pensive.
—Tusais,tuétaistrèsjolie,hiersoir.Tudevraisporterduroseplussouvent.
—Euh...Merci.
—Voilà.Jemedisaisqueceseraitbiendepasserplusdetempsensemble,ditReginaensouriant.Rien
quetouteslesdeux.
—Oh,fitMélanie.D’accord,oui,biensûr,unjour...
— Samedi prochain. (Mélanie cligna des yeux.) Je nous ai pris rendez-vous dans un petit spa super,
danslecentre.(Reginabutunegorgéedecafé.)Ilsvontnousfairelatotale:masque,massage,manucure
etpédicure.Jen’ysuisalléequ’unefois,maisjemerappellequeçam’avaitfaitunbienfou.
Mélaniesentitlesmusclesdesesépaulessemettreenboule.Masques?Massages?Manucure?Illui
faudraitresterassisependantdesheuresetlaisserd’illustresinconnuslatoucher.Ellestressaitdéjà.
Enplus,lesamedisuivant,elleavaitentraînementtoutelajournée-c’étaitledernieravantleurmatch.
L’équipeétaitcenséeéliresoncapitaine.C’étaitarchi-important.
—Qu’est-cequetuendis?luidemandaRegina,pleined’appréhension.
—Oh...euh...
Mélaniebaissalatêteverssesonglesrongés.
—Enfait,jepense...
Ellejetauncoupd’œilàReginaquisouriait,débordanted’espoir.Cettefemmesejetaitpresqueàses
pieds,lasuppliantdeluiaccorderunejournéeentrefilles.
MélanieserappelasoudaintoutcequelesMcGowanfaisaientpourelle-toutcequ’elleleurdevait.Et
ellelesavaitdéjàdéçusdeuxfois.
—Jecroisqueceseraitsuper,finit-ellepardireenseforçantàsourire.
LevisagedeReginas’illumina.
—Fantastique!Nousallonsbiennousamuser!
—Oui,renchéritMélanie.J’aihâte.
—Tusais,j’aiquelquespullsrosesdansmonplacard,ditRegina.Tupeuxmelesemprunterquandtu
veux.
—Merci,maisçava.
— Non ! Tu devrais, je t’assure ! s’exclama Regina. Et si tu les essayais ? Comme ça tu pourrais te
faireuneidée.
—Vraiment,je...
—Oh,nesoispassipolie!J’insiste!ditReginaenselevant.Allez,viens.
Résignée,MélanieselevalentementetsuivitReginadansl’escalier.Et encore un peu plus de rose,
songea-t-elleensoupirant.Youpi...
—Redresselatête,mec.N’aiepaspeurdelaballe.Tueslaballe.
Mélanieposasonlivreetsepenchapourespionneràtraverslesstoresdesafenêtre.Danslacouren
contrebas, Ian agrippait une batte de baseball, les lèvres serrées dans un effort de concentration.
Quelquesmètresplusloin,Dougtenaituneballedanssongrosgantdecuir.
—OK.Tuesprêt?demandacedernier.
IanhochalatêteetDouglançalaballequidécrivitunarcdecercleparfaitjusqu’àlazonedefrappede
Ian.Celui-cireculaetlafrappasibienqu’ellefiladroitsurlatêtedeDoug.Mélanies’étrangla.
—Tuvois?ditDougquisefrottaitlecrâned’unemain.TuesunOrtizminiature.
Iansourit,sanscomplexe.Mélaniesereculasursonsiège.Legarçon,entraind’apprendreàsonpetit
frère comment se servir d’une batte, ne semblait pas être le genre à coucher avec la nana de son aîné.
Dougdétestaitpeut-êtreMélanie,maisiladoraitsesfrères.Était-ilpossiblequeJennasesoittrompée,
qu’elleaitmalvu?
Mélaniefermasonordinateurets’extirpadesonfauteuil.Elleavaitbesoindebouger.Elledécidade
rejoindreFinndansl’appentis,oùilétaitenfermédepuisaumoinsuneheure.Peut-êtreapprécierait-ilune
petitepause.
IanetDougs’immobilisèrentenlavoyantsortirdelamaison.
—Salut,dit-elleenpassantdevanteux.Jolicoup.
—Merci,ditIan.
—Quoi?Riensurlelancer?demandaDoug.
Mélanie haussa les épaules et ouvrit la porte de l’atelier en prenant son temps. Finn fixait d’un air
perplexeunportraitàmoitiéachevédeKaylaBird.Ilavaitpeintunegrandepartiedescheveuxetavait
commencélecou,maissamuserestaitsansvisage.
—Salut,dit-elledoucement.
—Salut,réponditFinnenluijetantuncoupd’œil,unpinceaucoincéentrelesdents.Tuarrivespileau
bonmoment.
—Pourquoi?demanda-t-elleenseglissantàl’intérieur.
—Pourmacrisedenerfs,expliquaFinnavecunsourirecrispéenlaissanttombersonpinceausurle
chevalet.
Ilpressasespaumessursesyeuxets’assitsurunbancdejardin,contrelemur.
—Jesuisnul.Est-cequetusavaisquetutetrouvaisenprésencedumecleplusnuldelaplanète?
—Aïe,ditMélanie.Çan’avraimentpasl’aird’aller.
Elle jeta un œil à Kayla-sans-tête. Elle était assez effrayante à regarder - quelques traits du visage
dessinésaucrayon,entouréspartouscesdétails,toutescescouleurs...
— Je pensais qu’après la soirée d’hier je serais inspiré et pourrais enfin terminer cette toile, mais...
(Finnbalançaunemainversletableauetsoupira.)Ilnesepasserien.
Ils’essuyalesmainssursonjean.
—Raconte.Commentc’était?demandaMélanieengrimpantsursontabourethabituel.
Finnsepenchaetappuyasescoudessursescuisses.
— Je ne sais pas, j’ai eu l’impression... Je l’ai sentie un peu condescendante. Elle s’ennuyait à la
soirée,d’accord.OnestdoncallésauStarbuckpourdiscuter.Apparemment,elleavoyagédanslemonde
entier,etellen’apasarrêtédemedemandersij’avaisétéàtelendroit,àtelautre...
—Ettun’aspasétéàtelendroit,niàtelautre...
—Niailleurs,complétaFinnavecunfaiblesourire.Pasfaciledevoyagerquandonestseptgamins.Tu
nepeuxpasallerbeaucoupplusloinqu’aucapCodouenFloride.
—Forcément,approuvaMélanie.Bon,ettuleluiasdit?
— Ouais. J’ai sorti une blague là-dessus, mais j’ai bien vu qu’elle était déçue. J’ai eu la vague
impressiond’êtreunlépreuxparcequejen’avaisniskiéàVailnivulatourEiffel.
—Oh,crois-moi,çanevautpastantlecoupqueça.
—Tul’asvisitée?demandaFinn.
—Quandj’étaispetite.
—Évidemment-toiaussituesalléepartout,ditFinn.Peut-êtrequec’esttoiquidevraissortiravec
elle,ajouta-t-ilensouriant.
—Àvraidire,cen’estpasmontypedefille.
Finnéclataderire.
—Ça,c’estclairquecen’estpaslegenredenanaàjoueraufootball.Voilàbienlaseulechosedontje
soissûr.
Ilbaissalesyeuxetsemitàgratterunetachedepeinturesèchesurlajambedesonjean.
Mélanieinspiraungrandcoup.
—Écoute,Finn.J’aivécudanspleind’endroitsetj’airencontrépleindegens,ets’ilyaunechoseque
j’ai apprise, c’est qu’il y a des gens qui se croiront toujours mieux que les autres, dit-elle. J’ai
l’impression que Kayla en fait partie. Elle ne comprend pas que ce n’est pas parce que vous avez des
expériencesdifférentesquetuaimesunechoseetelleuneautre...qu’elleestmieuxquetoi.Çafaitjuste
devousdeuxpersonnesdistinctes.(Mélaniesemorditlalèvre.)Tuascomprisquelquechoseàcequeje
viensdedire?
—Biensûr.
— Et si elle pense qu’elle vaut plus que toi, eh bien, elle se trompe, dit Mélanie. Et elle n’est pas
intéressante.
Mélanie fut soudain terriblement embarrassée. Elle pensait chaque mot qu’elle avait prononcé, elle
savait qu’elle avait raison, mais quelque chose dans la façon dont Finn la regardait lui donna
l’impressionqu’ilpouvaitlireauplusprofondd’elle-même.
—Est-cequejepeuxtepeindre?luidemanda-t-ilàbrûle-pourpoint.
Mélanieclignadesyeux.
—Euh,jenem’attendaispasàcequetumeproposesça...
Mais Finn était déjà debout et il descendait la toile de Kayla du chevalet. Soudain il se mit à
tourbillonner,nettoyantsespinceaux,pressantuntubedepeinturesursapalette,chiffonnantdesserviettes
enpapierqu’iljetaitversunecorbeilleplusquepleine.
—Alors?Jepeux?demanda-t-il.
—Euh...ben...oui,ditMélanie,troublée.
Aussivraiqu’ellen’aimaitpaslerose,Mélanienevoyaitpascommentellepourraitservirdemodèle.
Ellen’avaitjamaisvudefilleauvisagemangédetachesderousseur,auxépauleslargesetauxmollets
musclésdanslespagesdesmagazinesdemodedeTracy.Jamais.
Àprésent,Finnpréparaitlanouvelletoilesursonchevalet.Mélaniefitminedeselever.
—Jepeux...?
—Non!Non.Restelà,l’arrêtaFinn.
Iltournalechevaletdefaçonàseretrouverfaceàelle.
—C’estparfait.J’aimel’éclairageàcetendroit.Mélaniesoupira.
—Ilvafalloirquejeresteassisesansbouger?demanda-t-elle.Jenesuispastrèsfortepourça!
Finnfitungrandsourireetluijetauncoupd’œilrapide.
—Net’inquiètepas.Onsedébrouillera.
Perchéesursontabouret,MélanieobservaFinnpendantqu’ilesquissaitsestraits.Soncrayoncrissait
légèrement sur la toile. Il était absorbé par sa tâche, concentré, mais c’était comme si ses bras et ses
mains bougeaient selon leur propre volonté. Mélanie était complètement hypnotisée. Mlle gardait ses
yeux plongés dans les siens. Sous l’intensité de ces échanges, il lui sembla que sa peau se réchauffait.
Elle souleva sa queue-de-cheval pour rafraîchir sa nuque humide et la caresse île ses cheveux la fit
frissonner.
—Toutvabien?luidemandaFinn.
Mélanierougitetdétournaimmédiatementlesyeux.
—Ouais.
—Parcequ’onpeutarrêtersiçaneteplaîtpas,insista-t-il.
—Non,je...Toutvabien,réponditMélanie.
Enfait,elleauraitpuresterassiselàtoutelajournée.
—Parfait,ditFinn.
UneondedechaleurparcourutlecorpsdeMélanie.Pendantuneseconde,aucundesdeuxnebougea.
Descrisrompirentlesilence.Mélaniesetournaverslaporte.Leshurlementsvenaientdel’intérieurde
la maison et semblaient se rapprocher. La porte de derrière finit par s’ouvrir en grinçant, puis claqua
bruyamment.Ladisputeéclata,versiondolbystéréo.
—Dis-moilavérité!Dis-moilavérité!hurlaitEvanenboucle.
Finnlaissatombersonpinceauetseprécipitadehors,Mélaniesursestalons.DougetEvansetenaient
faceàfaceaumilieudelacour.Apparemment,Ianavaitdéguerpi.Evanfixaitsonfrèreavecdesyeuxde
dément.LevisagedeDougétaitcouvertdeplaquesrouges.
—Raconte,mec.Raconte-moicequis’estpassé,ditEvanenpoussantDougdesdeuxmains.
—Evan!criaFinn.
—Tulesaisdéjà,man.Alorspourquoitut’excites?criaDougenrefaisantunpasverslui.
—Parcequejeveuxt’entendreledire,répliquaEvan.Jeveuxentendremonfrèremedireenfacequ’il
s’esttapémapetitecopine,voilàpourquoi.
—Quoi?soufflaFinn.
Laportedugarages’ouvritsurSeanquiessuyaitsesmainsgrassessurunchiffonencoreplusgras.Il
adressaunregardinterrogateuràFinnquisecontentadehausserlesépaules.Mélaniesentitsonestomac
seretourner.Apparemment,elleétaitlaseuleiciàsavoirdequoiils’agissait.
—Allez,mec!Allez,crache!
Evanpoussasonfrèrejusqu’àcequeDougtitubeenarrière.
—OK!hurlaDoug.
Ilpoussaàsontourletorsedesonfrèredesdeuxmains,sibienqu’Evandutfairequelquespaspour
retrouversonéquilibre.
—OK!C’estvrai!Jesuissortiavectanana!C’estçaquetuvoulaisentendre?
EvanrugitetsejetasurDoug,leprojetantenarrièreetleplaquantausol.Mélaniepoussaunhurlement.
Finn et Sean foncèrent vers la mêlée. Le temps qu’ils l’atteignent, Evan avait déjà écrasé son poing
plusieurs fois sur le visage de Doug. Ses phalanges étaient ensanglantées. Le nez de Doug était
sanguinolent.
—Lâche-le,mec!Lâche-le!criaitSeanenessayantderetenirlesbrasd’Evan.
—Jetehais,salepunk!hurlaEvanenmartelantDougcommeunpossédé.Tumerendsmalade!
Enfin,SeanréussitàenserrerEvandesesdeuxbrasetàleséparerdeDoug.Evancontinuaitdedonner
descoupsdepiedetdecrier.Finnaidasonpetitfrèreàserelever.Ilétaitcouvertdesang.Finnôtason
tee-shirt,leroulaenbouleetlemaintintsouslenezdeDoug.
—Maispourquituteprends!?continuaEvan.
Dougseremitmaladroitementsursespieds,pressantletee-shirtsursonvisage.
—Tun’esvraimentqu’unsalaudetunhypocrite,cracha-t-ilàEvan.
—Moi,jesuisunsalaud?criaEvan.Tuascouchéavecmacopineetc’estmoilesalaud?
— Tu étais dans la chambre en train d’emballer la nouvelle, petit malin ! cria Doug en désignant
Mélanie.Haileys’estjetéesurmoienpleurant.Qu’est-cequetuvoulaisquejefasse?
—Quoi??s’exclamèrentenchœurEvanetMélanie.
—Tuavaistournélapage,frérot,ditDougenpointantsonfrèredudoigt.Alorsn’essaiepasdeme
faireporterlechapeau.
—Quit’aditça?demandaEvanensedégageantdel’emprisedeSeanetenmarchantdenouveauvers
sonfrère.Quit’aditquejemetapaisMélanie?
Dougsemblaperdreunpeudesonassurance.
—Hailey.Ellem’aditquetul’avaistrompée.Quec’étaitfinientrevous.
Evanfixalesol.
—J’ycroispas,souffla-t-il.J'ycroispas!cria-t-il.
Ilfitdemi-tour,passacommeuneflèchedevantMélanieetFinnetmontadanssavoituregaréeaubout
del’allée.Lesautresrestèrentplantéslà,perplexes.Commeildémarraitentrombe,ilsentendirentles
crépitementsd’unerafaledegraviersetdescoupsdeklaxonfurieux,etrestèrentimmobilesjusqu’àce
quelebruitdumoteurs’évanouisse.
— C’est faux, dit enfin Mélanie, submergée par le chagrin. Il ne s’est rien passé entre Evan et moi.
(ElleregardaDougdroitdanslesyeux.)Haileyt’amenti.
Dougrestasilencieuxunmoment,lesoufflecourt,l’airsiconfusqueMélanieleplaignitpresque.
—Jene...jenesavaispas,balbutiaDoug.
Pendant une fraction de seconde, Mélanie lut du regret dans son regard. Il savait qu’il avait fait une
erreur.Uneerreurmonumentale.Dougfermalesyeux.
—Etpuismerde,dit-il,lesmotsétouffésparletee-shirtsanguinolent.
Illeurtournaledosetpartitencourantverslamaison.
Finnlâchaunsoupirets’assitsurunedeschaiseslonguesdupatio,latêteballante.
—Çava?luidemandaMélanie.
—Jenelesavaisjamaisvuscommeça,répondit-il,décomposé.
—Allez!Vousdevezbienvousdisputerdetempsentemps.
—Pascommeça,insistaFinn.
Mélanieavalasasaliveavecdifficulté.
—C’estvrai?
—IlyalesbastonsoccasionnellespourunskateboardcasséouunCDperdu,maisrienàvoiravecce
quis’estpassé,expliquaFinn.
—Donc,cequivientd’arriverestvraimentgrave,ditMélanie.
Finnsoupira.
—Exactement.
Cesoir-là,Mélaniecontemplaitsesballonsdefootalignéssuruneétagèreprèsdesonlit.Ellelesavait
rangés par ordre chronologique, du premier ballon que son père lui avait offert en Allemagne jusqu’à
celui de la demi-finale de l’année précédente contre le lycée William Clements. Pour faire venir le
sommeil,Mélanies’étaitrepassémentalementl’histoiredechaqueballonetlenomdetouteslesjoueuses
deseséquipes.Ellel’avaitfaittroisfoisdesuite:clairement,celanemarchaitpas.
Ellesoupiraetselaissaroulersurledos.Ellepouvaittoujoursessayerdesechangerlesidées,lefilm
de la dispute continuait de passer en boucle dans son esprit. Mélanie avait déjà assisté à bien des
bagarres,maisjamaisentredeuxpersonnesqu’elleconnaissait.Etjamaisentredeuxfrères.
Johnétaitrestésansvoixquandilavaitapprisl’incident.IlavaitemmenéDougàl’hôpitalpourfaire
vérifierl’étatdesonnez.Finalement,Dougn’avaitrien,maisilrestasombreetsilencieuxduranttoutle
dîner.Evannereparutqu’unefoislanuittombée,etmontadirectementdanssachambre,sansunmotpour
personne.
UnbruitdanslejardinfitseredresserMélanied’uncoup.Ellemarchasurlapointedespiedsjusqu’à
la fenêtre et regarda discrètement dehors. Quelqu’un marchait juste sous sa fenêtre. Elle se cacha vite
derrière le rideau et tenta de distinguer quelque chose dans le mince espace laissé entre l’ourlet de
dentelleetleborddelafenêtre.Unegrandepiècedetissusedéroulad’uncoupetfutdéployéesurlesol.
C’étaitEvan.Ilvenaitd’étalerunsacdecouchagedansl’herbe.
Mélaniesereculaets’assit,lesoufflecoupé.Ellejetaunœilverssonpropresacdecouchage,roulé
dansuncoindesachambre.Sansréfléchir,elleleramassa,attrapasonoreiller,glissasespiedsdansses
tongsetdescenditl’escaliersurlapointedespieds.
Evanlevalesyeuxenentendantlaportes’ouvrir.Ilétaitentraindeglissersesjambesdanssonduvet.
—Salut,dit-il.
—Salut.
Ellemarchaversluid’unpashésitant,serrantsonsacdecouchagecontresapoitrine.
—J’aivu...quetuétaisdehors...
— Avant on dormait en famille sous les étoiles au moins une fois, pendant l’été, expliqua Evan en
attirantsonattentionverslemagnifiquecielnocturne.Jemesuisditquecedevaitêtreunedesdernières
nuitschaudes.
Mélanieapprouvadelatête.Ellerestaitdebout,unpeugênée,pastropsûredecequ’elledevaitfaire.
—Alors,tuinstallestonduvetouquoi?demandaEvanavecunpetitsourire.
Mélanie s’exécuta, déroulant son sac à un mètre du sien. Elle laissa tomber l’oreiller au niveau de
l’ouvertureetseglissaàl’intérieurensetortillant,savourantlasensationducotonfraissursesjambes.
Evanpliasonoreillerendeuxpoursuréleverunpeusatête,etMélaniel’imita.
—JesuisalléchezHailey,cetaprès-midi,ditEvan.
—Paspossible!Etqu’est-cequ’elleadit?
—Rien.Jenesuisjamaisarrivéjusqu’àsaporte.
—Oh.
— Je ne comprends pas. Pourquoi lui a-t-elle dit que je t’avais emballée ? dit Evan. Tu penses que
c’estpossiblequ’ellecroievraimentnousavoirvusfairequelquechose?
Mélanierestamuetteunmoment.Evanétait-ilentraindechercherunalibiàHailey?
—Je...jenesaispas,dit-elle.Elleétaitassezbourrée,mais...
—Jesais,jesais,ditEvanenregardantdenouveauversleciel.Jeveuxdire...elleaditàDougque
c’était fini entre nous, et je sais bien que nous n’avons jamais eu cette conversation. Elle invente des
trucs,c’esttout.
—Ouais.C’estunpeul’impressionqueçadonne.
Dis-luiquec'estunegarce.Dis-luiqu'ilméritebienmieux,gémissaitunepetitevoixdanssatête.
—Jenecomprendspas,continuaEvan.Commentpeut-onsecomporterdecettefaçonavecquelqu’un
qu’onaime?Jeveuxdire:ilestclairqu’ellen’enarienàfairedemoi,non?
Mélanienel’auraitpasmieuxexprimé,aussiresta-t-ellesilencieuse.
—Tusaisquoi?Jeneveuxmêmeplusypenser,ditEvan.Parlonsd'autrechose.
—Commequoi?demandaMélanie.
—Comme...jenesaispas...Qu’est-cequetuveuxfaireaprèslelycée?
—Ehbien,heu...Alleràlafac...
—Tusaisoù?
—Non,réponditMélanie.L’idéederesterquatreansaumêmeendroitestsibizarrepourmoiqueje
n’yaimêmepasencoreréfléchi.
—Çanedoitpasêtreévidentdedéménagertoutletemps.
—Ons’habitue,ditMélaniesansréfléchir.
— Moi, ce dont je suis sûr, c’est que je veux me tirer d’ici, déclara Evan. BC et New Hampshire
essaientdemerecruterpourlehockey,maisjepenseplusàMichiganouNorthwester.Unendroitquisoit
aumoinsàunejournéedevoitured’ici.
—Tuneveuxpasdevisiteurs?
—Là,tuvois,çanemedérangeraitpasdeneplusrevoiraucunmembredemafamille,réponditEvan.
—Tunelepensespas.C’étaitjuste...unesalejournée.
—Tunepeuxpascomprendre,ditEvanensetournantdenouveauverslesétoiles.Est-cequetusais
combiendefoislesprofsm’ontappeléSean,ouFinn,oumêmeMiller?M.Robertsonafinipardécider
de nous appeler tous McGowan, parce qu’il est trop gâteux pour se rappeler nos prénoms. C’est tout
simplement impossible pour moi d’avoir une identité dans cette ville ou de sentir que je suis une
personneàpartentière.Tantquejerestelà,jenesuisquel’undesfilsMcGowan.
Mélanieleregarda,choquée.
—Tulepensesvraiment?dit-elle.
—Parfois,oui,répondit-ilenfronçantlégèrementlessourcils.Nelerépèteàpersonne.
—Pasdesouci.
— Je n’arrive pas à croire que je t’aie raconté ça, dit-il en se couvrant les yeux d’une main. Je ne
l’avaisjamaisditàpersonne.
Mélaniesentaitsoncœurprèsdedéborder.Ilnel’avaitjamaisditàpersonne,maisilleluiavaitdità
elle.
—Net’inquiètepas,lerassura-t-elle.Mais,pourinfo,jesuissûrequetutetrompes.Toutlemondesait
parfaitementquitues.
— Ouais, eh bien, pourtant, il me semble qu’Hailey vient de donner la preuve que j’ai raison, fit
remarquerEvand’untonmoroseenbasculantpourluifaireface.
Ilarrachaunepoignéed’herbedontillaissalesbrinss’échapperdesamainouverte.
—ElleacouchéavecDoug,ajouta-t-il.Elleestcenséeêtreamoureusedemoi,etellecoucheavecmon
petitfrère.
Ilselaissaretombersurledosetseperditdanslacontemplationduciel.
Mélanieobservasonvisagequ’éclairaitàmoitiélalumièrepâledelalune.Ilavaitl’airsiblessé,si
dégoûté,sitriste...Ellemouraitd’enviedeletoucher-depressersapaumecontresajoueetdeluidire
qu’Hailey était une idiote de ne pas voir qu’il était merveilleux. Il était Evan McGowan. Personne ne
pouvaitleconfondreavecDougouquiquecesoitd’autre.
Mélanieglissasamaindansl’herbeetretintsonsouffle.Ellemouraitd’enviedeletoucher,maisenfut
incapable.Sapoitrineétaitauborddel’explosion.
—Toutvabiensepasser,finit-ellepardire.
Evanplongeasesyeuxdanslessiens,puislesbaissaverssamainàmoitiétendue.Ilenapprochala
sienneetenroulasonindexautourdusien.
—Merci.Jesuiscontentquetusoisdescendue.
—Moiaussi,ditMélanie.
Elles’attendaitàcequ’ilretiresamain,maisiln’enfitrien.Ils’allongeasurledosetfermalesyeux.
Tout doucement, Mélanie s’étendit sur le ventre et enfonça sa joue dans son oreiller. En un instant, la
respiration d’Evan se fit profonde et régulière. Il dormait à quelques pas d’elle. Il dormait et ils se
touchaientencore.Mélaniesemorditlalèvreetsourit,contemplantleursdoigtsentrelacés.
C’était,sansaucundoute,lameilleurenuitdesavie.
De:[email protected]
À:[email protected]
Objet:Lemanueldumec
GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan
Noten°8
Observationn°1:Si!Lesgarçonssontcapablesd'exprimercequ’ilsressentent.
Je crois qu’il suffit juste d’être au bon endroit au bon moment. Ou peut-être d'être la bonne
personne.
11
Dimanche après-midi, Mélanie se sentait tellement légère qu’elle se balançait sur la chaise de son
bureautoutensurfantsurleNet.Aprèsuneheurederecherchessurlesyndromed’Asperger,elledécida
qu’ilétaittempsd’essayerdemettreenpratiquecequ’elleavaitappris.Detoutefaçon,ellen’arrivait
plusàseconcentrersursesdevoirs.
Mélanierefermasonportableetdescenditl’escalierensautillant.LeclanMcGowan,àl’exceptionde
DougetMiller,étaitrassemblédevantunmatchYankee-RedSoxàlatélé.Tousportaientdescasquettes
des Red Sox, des tee-shirts ou des maillots de l’équipe, et la table basse croulait sous des tonnes de
sachetsdechipsetautrescanettesdesoda.MélanieattenditquelemanagerdesYankeesapparaisseafin
deremplacersonfrappeur,pourparler.
—Quelqu’unsaitoùestMiller?demanda-t-elle.
Evantournalatêteetsouritenlavoyant.
—Sous-sol,réponditJohndontlesyeuxrestèrentrivéssurl’écran.
—Iln’apasledroitderegarderlesmatchsYankee-RedSoxavecnous,expliquaEvan.Parceque,tu
comprends,paparisqueraitdeletuer.
Mélaniejetauncoupd’oeilàFinn,assisàcôtéd’Evan,puisàJohn.
—Hum...tun’espascenséêtrepuni?chuchota-t-elle.
— Chutttt ! dit Finn en se penchant pour attraper un sachet de mini-bretzels. Mon père est tellement
hypnotiséqu’ilnem’apasencoreremarqué.
—Cool.
—Hé,onseretrouveàl’ateliertoutàl’heure?demandaFinnenlançantunbretzeldanssabouche.
—Oh,d’accord,réponditMélanieenrougissantlégèrement.
—Qu’est-cequevousfaitesdansl’appentis,touslesdeux?demandaEvanenhaussantlessourcils.
Mélaniedevintécarlate.
—Unartisteneparlejamaisdesontravail,réponditFinn.
—Ahoui?Tuesunartistemaintenant?demandaEvan.Engénéral,tupassesplutôttontempsàradoter
surtanullité.
Finndonnauncoupdepoingdanslebrasdesonfrère,quilefrappaàsontour.Mélanielevalesyeux
auciel.
—Àplustard,lesmecs.
ElledescenditàlacaveoùelletrouvaMillerassissurunpouf,toutseul.Ilavaitmissontee-shirtd’A-
Rod et une casquette des Yankees pour assister au match. Mélanie fut frappée par l’impression de
solitudequisedégageaitdelascène.
—Salut,Miller,dit-elleensautantlesdernièresmarches.
Unepublicitépassait,maisilnedécollapaspourautantlesyeuxdel’écran.
—LesYankeessontentraindejouer.
—Oui,jesais,ditMélanie.Çat’ennuiesijeregardelematchavectoi?
Unangepassa.
—D’accord,ditenfinMiller.
Mélanietiraunautrepoufets’assitprèsdeMiller.Uneautrepublicitéapparut.C’étaitlemoment.
—Tusais,j’espéraisqu’onpourraitdiscuterunpeu,ditMélanie.J’aimeraisbienteconnaîtremieux.
Milleravala.
—Qu’est-cequetuveuxdire?
Ilnel’avaittoujourspasregardée.
—Ehbien,jevoudraissavoirplusdetrucssurtoi,ditMélanie.JesaisquetuaimeslesYankees,mais
c’estàpeuprèstout.Toi,tunevoudraispasensavoirplussurmoi?
—Peut-être,réponditMiller.
—OK,alors,qu’est-cequit'intéresserait?demandaMélanieens’enfonçantunpeuplusdanslepouf.
Millerfrottasesmainssursoucoussinenregardantverslesol.Ilfrottaitdeplusenplusvite,etson
visagecommençaitàs’empourprer.L’estomacdeMélaniesenoua,maiselleseforçaàrestercalme.Les
articlesqu’elleavaitlusexpliquaientquecegenrederéactionpouvaitseproduire.
—Bien,jecroisquejesaiscommentfairepourquetupuissesmeposerdesquestions.Miller?
Ilrestasilencieuxunmomentetsedétournatrèslégèrement.
—Ouais?
— Et si tu me racontais quelque chose sur les Yankees ? Ce que tu veux. Tu aimes bien parler des
Yankees,non?fitMélanie.
—Ouais...
— Alors, dis-moi quelque chose sur eux, et tout de suite après demande-moi quelque chose sur moi,
proposaMélanie.Tuveuxvoirsitupeuxyarriver?
—Jepeuxyarriver.
Mélaniesourit.
—Parfait,alorsvas-y.
Millerlaregardaunefractiondeseconde,puisseconcentradenouveausurlesol.
—LesYankeesontétélespremiersàremportertroisWorldSeriesd’affilée.Pourquoitusenscomme
ça?
Mélanieéclataderire.Millerluijetaunregardconfuspuissemitàrireàsontour.
—Jesenscomment?demandaMélanie.
—Laplage,expliquaMiller.Tusenscommemamèreàlaplage.
—Noixdecoco,répondit-elle.J’utiliseunshampoingàlanoixdecoco.Jen’arrivepasàcroirequetu
l’aiessenti.
Millersouritethochalatête.
—C’esttrèsbien.Allez,onessaieencore,ditMélanie.
—DerekJeteraétélepremiercapitainedesYankeesdepuisThurmanMunson,ditMiller.Est-cequetu
vasrestervivreavecnouspourtoujours?
Cettefois-ci,Millerlaregarda,droitdanslesyeux,pendantquelquesbonnessecondes.
—Ehbien,non,ditMélanie.Maisj’espèrecetteannée,etpeut-êtrel’annéeprochaine.Pourquoi?Ça
t’ennuiequejeviveici?
Millerhaussalesépaulesetsetournadenouveauverslatélévisionoùlapausepubs’achevait.
—Çava,dit-ilensouriant.Lematchreprend.
Mélanienes’étaitjamaissentieparticulièrementparanoïaque,maisquandellearrivaaulycéelelundi
matin,elleauraitjuréquetouslesregardsdetouteslesfillesétaientbraquéssursanuque.Quandellese
retournait,ellelesdécouvrait,têtespenchées,entraindechuchoter.
En approchant de son casier, Mélanie vérifia en vitesse qu’elle n’avait pas mis son pantalon devant
derrière.Maisnon,toutétaitnormal.Peut-êtrequ’envivantaveclesgarçonsMcGowanelleavaitattrapé
unesortedesyndromed’anxiété.EllesedétenditunpeuenapercevantPearletRiadevantlecasierde
Pearlàquelquespasdusien.
—Salut,lesfilles,ditMélanie.Comments’estpassévotreweek-end?
LevisagedePearls’empourpraetelles’accroupitpourfourrerquelqueslivresdanssonsac.
—Bien,dit-elle.Ils’est...bienpassé.
—Àmonavis,labonnequestionest:comments’estpasséletien?demandaRia.
QuelquechosedanssamanièredeparlerdonnaàMélanielachairdepoule.Àmoinsquecenesoitles
regardsfurieuxqueluiadressèrentquelquesélèvesenpassantàcôtéd’elles.
—OK...Qu’est-cequisepasse?demandaMélanie.J’aifaitquelquechose?
—C’estàtoidenousledire,réponditRiaquilafixaitd’unairaccusateur.
—Ilfautqu’onyaille,intervintPearlentirantsurlamanchedupulldeRia.Nousavonsundevoirà
terminer,pasvrai?
—Ouais.Àplus,ditRia.
Ellesfilèrentsansdemanderleurreste.Levisagebrûlantsanstropsavoirpourquoi,Mélaniesetourna
verssoncasieretcommençaàfairesoncode.
—Salut,ditAimeeens’approchant.
Elles’adossaaumuràcôtédesonamie,l’airfatigué.Puisellelaissaéchapperunlongsoupiretbaissa
lesyeuxverslesol.
—Salut,réponditMélanieenattrapantsonlivred’histoire.Jepeuxteposerunequestion?
—Biensûr.
—C’estmoiquidérailleoulesgenssecomportentbizarrement,aujourd’hui?
— Ouais, à propos de ça..., commença Aimee. Je crois que le bruit court que toi et Evan êtes sortis
ensemblevendredisoir,etquec’esttafautesiEvanetHaileyontrompu.
—Quoi!?s’exclamaMélanie.Quiaracontéça?
—Jen’enaiaucuneidée,réponditAimee,maisc’estcequetoutlemonderaconte.
—Ehbien,etalors?Çaregardequelqu’un?demandaMélanie.
—Écoute.EvanetHaileyreprésentaientunpeulecoupleidéal,ici,chuchotaAimee.Toutel’écoleles
admire.Sioncroitqu’ill’atrompéeavectoi...
—Maisilnel’apasfait,protestaMélaniedontlecœurbattaitlachamade.C’estellequil’atrompé.
Evanetmoinesommespaslesméchants,danscettehistoire.
Aimeehaussalesépaules.
—Ouais,ben...
—Nousnesommespassortisensemble,Aimee,insistaMélanie,unpeudésespérée.
—Hé,jet’aicruevendredietjetecroistoujoursmaintenant.C’estîlel’écolequetudoist’inquiéter.
—Jemefichedesautres,ditMélanieenfermantsonsacàdos.Tantquetuconnaislavérité,toutva
bienpourmoi.
Aimeesourit,touchée.ElleadressaàMélanieunregardcompatissant.
—Ehbien,c’estlecas.
—Parfait,ditMélanieenfaisantclaquerlaportedesoncasier.
—C’estjusteque...Haileyn’estvraimentpaslegenredepersonnequ’ilfautavoircommeennemie,
conclutAimee.Crois-moi.
—Salut,Miller,ditMélanieensedécollantdumur.
Devant elle défilait un fleuve d’étudiants en route vers la cafétéria. Le flot de corps s’ouvrit pour
contournerMillerquiavaitpilédansl’embrasuredelaporte.
—IlmesemblequelesYankeesnejouentpasaujourd’hui,hein?
—Non,c’estunjourdetransit,réponditMiller.
— Nous poumons peut-être déjeuner à l’intérieur, suggéra Mélanie en se mettant en route vers le
réfectoire.Enplus,ondiraitqu’ilvapleuvoir.
Mélanieétaitsûrequ’ilallaitrefuser.Ilétaitloind’êtreprêt.MaisMillerserralesdentsethochala
tête.
—Enplus,ondiraitqu’ilvapleuvoir,répéta-t-il.
Etilluiemboîtalepas,lementonhaut,presqueavecunairdedéfi.Ilallajusqu’àlapremièretable,
tiraunechaiseets’assit,serrantsonsacsursesgenoux.Mélanielesuivit,osantàpeineycroire.Waouh!
Quelprogrès!songea-t-elleavecfierté.
—Tuveuxquej’ailletecherchertondéjeuner?demanda-t-elleaprèsavoirposésonsacàdossurle
siègeenfacedelui.
Ildonnaitl’impressiondemalmaîtrisercequiétaitentraindesepasser.
—Oui,s’ilteplaît,dit-ilenluijetantuncoupd’œil.Unhamburger,unCocasansglaçonsetuncookie
auchocolat.
—Parfait.Jerevienstoutdesuite.Nebougepas.
Miller jeta un regard rapide à droite et à gauche, comme pour s’assurer que personne n’était assis à
côté de lui. Mélanie sentait qu’il ne bougerait plus, à moins que quelqu’un n’attrape sa chaise et ne le
traîneloindelà.Ellefonçadanslaqueue,vérifiantrégulièrementqueMillerallaitbien.Lesquelques
nouvellesquis’asseyaientd’habitudeàlatableréquisitionnéeparMillerl’aperçurentetpunirenttrouver
d’autresplaces.
De retour à la table, Mélanie posa le plateau devant Miller. Il arrangea le plateau à sa façon, puis
considérasonrepasetpoussaunlongsoupir.
—C’estsympaàl'intérieur,non?ditMélanie.
—C’estbruyant.
—Pasaussibruyantquetaradioàpleinvolume.
Miller sourit. D’un geste lent, il prit son sac sur ses genoux et le posa sur la chaise à sa droite,
exactementcommel’avaitfaitMelanie.Puisilsaisitsonhamburgeretymordittimidement.Sonsourire
s’élargit.
Mélanie était en train de mâchouiller une frite, légèrement grisée par son succès, quand Evan fit son
entréedanslacafétéria.Mâchoiresserrées,yeuxplissés,onauraitditunagentsecretenmission.
Latabled’Haileysetrouvaitdanslarangéedumilieu,ducôtédel’entrée.Sesamiesseturentenle
voyantapprocher.Danslacafétéria,ilyavaitceuxquiregardaientEvanpourvoircequiallaitsepasser
etceuxquifixaientobstinémentleurdéjeunerenprétendantquecelanelesintéressaitpas.Evans’arrêta
prèsdelachaised’Haileyquinelevapaslesyeux.
—Jepeuxteparler?demandalejeunehomme.
—Biensûr,ditHaileyenreposantsonbagelsursonassiette.Vas-y.
—Dehors,ditEvan.
Haileylançaunregardappuyéàsesamies,puiselleposasesmainssurlatableetrepoussasachaise.
Evanfitunpasdecôtédefaçonqu’elleouvrelaroutejusqu’àlacour.Quandilspassèrentprèsdesa
table,Mélaniesentitsesépaulessecontracter,maisilsn’échangèrentpasunseulregard.
Tout d’un coup consciente des regards curieux braqués sur elle, Melanie fit semblant d’être captivée
parsonrepas.Elleétaitcependantpersuadéequesonémotionétaitperceptibleàdeuxtablesàlaronde.
Dèsquelaportesefutreferméesurlecouple,lapiècesemitàbruisserdeconversationspassionnées.
ÀlatablevoisinedecelledeMélanie,desgarçonsfirentdesparissurEvanetHailey:lequelgiflerait
l’autre?Millernebronchapas,occupéqu’ilétaitàengloutirsondéjeuner.
Mélanies’efforçadenepasleverlesyeux,maiselleneputs’empêcherdelorgnerdiscrètementparla
fenêtre. Evan gesticulait tandis qu’Hailey, plantée devant lui, gardait les bras croisés sur sa poitrine.
Mélaniedutfaireuneffortphénoménalpournepassourire.Ellesavaitqu’Evanétaitentraind’expliquer
àHaileyqu’ilétaitaucourantdesonmensonge.Ellesavaitque,aussitôtcetteconversationterminée,il
pourraitenfinmettreleschosesauclairavecsesamisetlerestedel’école.Ellesavaitque,danspeude
temps,ceseraitvraimentfinientreHaileyetEvan.
Laportes’ouvritd’uncoupetHaileyseprécipitaàl’intérieur,l’airdévastée,lesyeuxhumides.Quand
elleseprécipitaverslestoilettes,quelquesfillesàsatableselevèrentpourlasuivre.Lecœurbattantla
chamade,MélanielevalesyeuxversEvan;elles’attendaitàcequ’illuiadresseunsignedetêteouun
sourire indiquant qu’il avait lavé son nom de toutes les fausses accusations. Au lieu de ça, le jeune
hommelaregardacommes’ilnelaconnaissaitpas.Mélaniefitminedeselever.Instantanément,Evanse
détournaetregardadel’autrecôtédelacour.
Cesoir-là,quandelleentradanssachambre,MélaniedécouvritCalebentraindesauteràquatrepattes
sursonlitenmiaulant.Parterregisaituntubedemascaraneufdontils’étaitapparemmentservipourse
dessiner des moustaches. Quand il la vit, Caleb se contenta de rire, mais continua de sauter. Mélanie
n’étaitpasd’humeur.Haileyavaitséchél’entraînementdurantlequelpersonne,àpartAimeeetJenna,ne
lui avait adressé la parole. Pour couronner le tout, elle avait joué n’importe comment. Maintenant, il
fallaitqu’elleessayedeseconcentrersurtroisheuresdedevoirtoutensedemandantoùEvanpouvait
bienêtreetpourquoiill’avaitrembarréeaudéjeuneretévitéetoutelajournée.
—Caleb!Dehors!dit-elleenluidésignantlaporteouverte.
—Miaou?fit-ilalorsquelelitrebondissaitunedernièrefoissouslui.
—Dehors!hurla-t-elle.
Caleb sauta du lit, s’agenouilla et frotta sa tête contre le tibia de Mélanie avant de ramper dans le
couloiretdefermerlaportederrièreluiavecsa«patte».Mélanieattrapasaservietteetsonpeignoiret
s’apprêtaitàallerprendreunedouchequandonfrappaàsaporte.
—Ouais?demanda-t-elle.
—C’estmoi,ditEvan.
Mélanievérifiarapidementsonrefletdanslemiroir,lissasescheveuxenarrièreetlaissaretomberses
affairesdetoilettesurlelit.Sesmainstremblaientquandelletenditlebrasverslapoignéedelaporte.
—Salut,ditEvanenlafrôlantpourrentrerdanslachambre.
—Salut,répondit-elle.Qu’est-cequise...?
—J’aimeraissavoirpourquoitum’asmenti,dit-ilenseplantantdevantelle.
—Quoi?fit-elle,interloquée.
—Arrêtedefairecommesitunecomprenaispas.Jesaiscequetuasfait,Mélanie.
—Euh...peut-être.Maispasmoi.
—Neprendspascepetitairinnocent,continuaEvan.Jenemeferaipasavoir,cettefois.
—Quelairinnocent?
—Allez...JesaisquetuasditàHaileyquenousétionssortisensemble.
Mélanie eut l’impression de recevoir un grand coup de batte de baseball dans le ventre. Se sentant
vaciller,elles’assitaubonidesonlit.
—Quoi?réussit-elleàarticuler.
—Haileym’aracontécommenttuesalléelavoirpourluidirequelupensaisqu’ilvalaitmieuxqu’elle
sachelavérité,expliquaEvan.As-tulamoindreidéedecequeveutdirecemot?
Mélanielevalesyeuxverslui,estomaquée.Ildevaitêtreentraindeparleruneautrelangue,parceque
riendecequ’ildisaitn’avaitdesens.
—Evan,jenesaispasdutoutdequoituparles,articula-t-ellelentement.
—C’estça,oui!cracha-t-ilenretour.Tuluiasracontéquejet’avaisembrassée,prétendantvouloir
jouerl’honnêtetéetêtreréglo.Lavache!Etmoiquitetrouvaissichouette!Enfait,tuescomplètement
mytho.Pourquoias-tu...?
—Attends!l’interrompitMélanied’unevoixtremblante.Arrêteuneseconde,tuveux?Jen’aijamais
rienfaitdetel.
—Tun’asjamaisrienfaitdetel,répétaEvan,sarcastique.
—Non.
—Alorsquoi?Tuesentraindemedirequ’Haileymepipote,maintenant?demandaEvandontles
yeuxlançaientdeséclairs.
Mélaniesesentitmal:ilnelacroyaitpas.
—Çayressemble,dit-elle.
—Tutemoquesdemoi?criaEvan.Etcommentexpliques-tualorsqu’Haileyaitfoncécoucheravec
Doug?
—Jen’ensaisrien!hurlaMélanieàsontour.Maisjen’airienfait!
Evanlaregarda,lesyeuxremplisdedégoûtetdeconfusion.
—Jemedemandeàquoipensaientmesparentsquandilsontdécidédet’accueillir,dit-ilenfin.Entout
cas,àpartird’aujourd’hui,net’aviseplusdem’approcher.
LecœurdeMélaniesedéchira.
—Evan...Attends...
Maiscedernierfitvolte-faceetsortitdelachambreenluiclaquantlaporteaunez.
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À:[email protected]
Objet:Lemanueldumec
GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan
Noten°9
Observationn°1:Lesmecssontnuls.
12
Mélanielissaledevantdesontee-shirtbleumarineetpritunelongueinspirationpoursedétendre.Elle
étaitrestéeéveilléelamoitiédelanuit,maisnesesentaitpasfatiguée.Apparemment,l’adrénalinefaisait
sontravail.Chaquefoisqu’ellerepensaitàlafaçondontEvanl’avaitregardéelaveilleausoir,elleavait
enviedevomir.
Jen’aiqu’àluidirequenousavonsbesoindeparler,seditMélanie.Qu’est-cequejerisque?
Maisellen’osaitmêmepasypenser:unmilliondescénarioscatastrophesétaientpossibles.Elleferma
lesyeux,effondrée.
Mélanieattrapasonsacàdosetsortitdanslecouloir,latêtehaute.Quandellearrivadanslacuisine,
ellen’ytrouvaqueIanetCaleb,devantl’évier.
—Oùsontlesautres?demanda-t-elle.
—Partis.
—Commentçapartis?demandaMélanie.
—Partis.Àl’école,réponditplatementIan.Allez,viens,Caleb.Onvaraterlebus.
CalebattrapasonsacàclosSpidermanetsortitderrièresonfrère.Mélanielessuivitjusqu’àl’entréeet
passalatêtedehors.Quandellevitquel’alléeétaitdéserte,ellesesentitsoudainvideetépuisée.
—OK,cen’estpasgrave,dit-elletouthautenfermantlaporte.Jeseraijusteunpetitpeuenretard.
Elle se rendit dans l’appentis et tira sa bicyclette hors de la mêlée. Les roues émirent un bruit
métallique:lespneusétaientàplat.
Lesgarçonsluidéclaraientlaguerre.
Mélaniesoupiraetlongealegaraged’unpaslourd,sedirigeantverslarue.
—Finalement,jeneseraiquetrèsenretard.
—Hé!
Mélanies’arrêtaauboutdel’allée.Seansetenaitdeboutsousleporche,unetassefumanteàlamain.Il
portaituntee-shirtnoiretunjean,etsescheveuxbrunsétaienthérisséscommeàleurhabitude.Unebarbe
dequelquesjoursrecouvraitsonmentonetsesjoues.
—Salut,dit-elled’untonhésitant.
—Tuparsàpied?
—Ondiraitbien,répondit-elle.
—Tuvasêtreenretard,répliqua-t-il.
—Ondiraitbien,répéta-t-elle.
—Jet’emmène.
—C’estvrai?
Seann’était-ilpasaucourantdesamiseenquarantaine?
—Vacherchertoncasque,dit-il.
MélanieenfourchalamotoderrièreSean.Audébut,cefutunpeubizarrepourelled’attraperparla
tailleungarçonauquelellen’avaitpresquejamaisparlé.Mais,petitàpetit,Mélaniesedétenditetprofita
pleinement de la balade. Sean avait fait un boulot de pro sur sa Harley. Sans qu’il ait besoin de la
pousser, Mélanie pouvait sentir et entendre la puissance du moteur. Il prit un virage à toute vitesse et
Mélanies’agrippaunpeuplusfortàsaveste.
—Désolé!criaSean.Pasl’habitudedespassagers.
—Pasdeproblème!réponditMélanie.Qu’est-cequetuascommesuspensions?
—Deuxàl’arrièreetunedevant,réponditSean.
—Çasesent,ditMélanie.Tupensesquetupourrasmelamontrermieuxplustard?
—Biensûr.D’accord,réponditSean.
—Lemoteurestdequelleannée?97?98?
—98,réponditSean.Maisilyadespiècesplusrécentes.
Ilsemblaitétonné,cequinesurpritpasMélanie.Lesfillesquis’yconnaissaientenmotonecouraient
paslesrues.
SeangarasaHarleydevantBakerHigh.Quelquesélèvestraînaientencoredevant,ignorantcrânement
l’heure,tandisqued’autrestraversaientleparkingencourantpourarriveravantlasonnerie.
—Mercimillefois,ditMélanieenôtantsoncasqueetenbalançantsajambepar-dessuslamoto.
—Tut’yconnaisenHarley...,ditSean.
—Ouais...J’aiaidémonpèreàenrestaurerdeuxl’annéedernière,expliqualajeunefille.Iladûles
vendreavantdepartirenCorée.C’estdommagecarellesétaientarchitop.
—Tuconduis?
—J’ailepermis,réponditMélanieenlissantsescheveux.Maisiln’estvalablequ’auTexas.
Seanhochalatêteet,pourlapremièrefois,illaregardavraiment.
—Jet’emmèneraifaireuneautrebalade,undecesquatre,dit-il.
—Ouais?Tun’espasobligéde...
—Jet’emmèneraifaireuneautrebalade,undecesquatre,répéta-t-ilavecunsourireamusé.Allez,tu
feraismieuxd’yaller.
Mélaniesourit.
—Bon,ben,merciencore.
Ellemontaquatreàquatrelesmarchesdel’école,justeaumomentoùlesélèvesquitraînaientprèsdes
portesdécidaientqu’ilétaittempsderentrer.
—Hé!appelaSeanendémarrantsabécane.
Mélanieseretourna,soncasquependantauboutdesesdoigts.
—Nelelaissepasimpressionnerparmesfrères!ditSean.Cesontdescrétins.
MélaniesouritdenouveauetSeanpartitentrombe.
Quand Mêla nie arriva devant les portes de la cafétéria, elle vit Miller s’écarter du mur pour la
rejoindre.Surprise.
—Salut,Miller,dit-elle.
—Salut,répondit-ilenlasuivantdansleréfectoire.Onretournes’asseoiràl’intérieur?
Mélanies’arrêtaetbalayalasalleduregard.Ria,PearletJennaétaientdéjàassisesàleurtable.Les
troisfillesavaientprisbiensoind’ignorerMélanietoutelamatinée.Finnsetrouvaitàl’autreboutdela
cantine,carnetdecroquisouvertdevantlui,dosàlaporte.Quelquescopinesd’Haileylaregardaientde
traversdepuisleurtable.QuantàEvan,ilétaitinvisible.
—CommentEvanMcGowana-t-ilpufricoteravecelle?ditunefilleàsonamieenpassantàcôtéde
Mélanie.
—Jepariequ’ellenes’estjamaisregardéedansunmiroir,répliqual’autre.
—Allonsdehors,ditenfinMélanie.C’estunejournéemagnifique.
—Ouais.C’estunejournéemagnifique,répétaMillerenhochantlatête.
Ilsposèrentleursaffairesàunetableetretournèrentàl’intérieurfairelaqueue.Lesdeuxfillesdevant
Mélaniediscutaientàvoixbasseetriaientbruyamment,avecostentation.Mélaniepayasondéjeuneret
ressortitavecMiller.
—Pourquoitutebaladesavecça?demandaMillerenapercevantsoncasque.
—Oh,ilnerentraitpasdansmoncasier,expliquaMélanieensecouantsabouteilledethéglacé.(Elle
s’immobilisaetregardaMiller,lesyeuxécarquillés.)Hé!Tuviensdemeposerunequestion?
Millerrougitethaussalesépaulesenfixantsonplateau.
—Jemesuisentraîné.
—C’estvrai?demandaMélaniequirositdefierté.Miller!C’estgénial!
—Qu’est-cequiestgénial?
Mélanie et Miller levèrent les yeux en même temps vers Aimee qui se tenait, hésitante, près de leur
tableavecsonplateau.C’étaitlapremièrefoisdelajournéequeMélanielavoyait.Sescheveuxétaient
retenusenarrièrepardesbarrettesetelleportaituntee-shirtbleupâlequiaccentuaitl’éclatdesesyeux.
—Oh...rien.Justeunprojetsurlequelnousavonstravaillé,réponditMélanie,quelquepeutroublée.
Vuquepersonneneluiavaitparlédelajournée,elleosaitàpeinecroireenlaprésencedesonamie.
—Qu’est-cequetufaislà?
—C’esttellementensoleillé,ici...J’aieuenviedevoircommentc’étaitdehors,ditAimeeenregardant
autourd’ellecommesielledécouvraitlacour.C’estsympa.
Mélaniesentitunevaguedechaleurenvahirsapoitrine.
— Alors, je peux... ? demanda Aimee en jetant un coup d’œil à Miller, extrêmement concentré sur
l’arrangementdesonplateau.
—Miller?ÇatedérangesiAimees’assoitavecnous?demandaMélanie.
—Aimee?répétaMiller.
—Ouais,c’estmonamie,expliquaMélanie.
—Salut,ditAimee.
—Bonjour,réponditMillersansleverlesyeux.
—C’estbon,articulasilencieusementMélanieàl’intentiondesonamie.
Dèsqu’Aimeesefutassise,Mélanietenditlesbraspar-dessuslatableetordonnatoutcequ’ilyavait
sursonplateauparordredetaille.Aimeeconsidérauninstantlerésultat,haussalesépaulesetattrapa
sonsandwich.
—Alors,qu’est-cequetupensesdetanouvelleécole?demandaAimeeàMélanieavecunepointede
sarcasme.
—Oh,j’adore!réponditMélaniesurlemêmeton.Toutlemondeesttrèssympa!
—Ehbien,entoutcas,certainsd’entrenouslesommes,ditAimee.Pasvrai,Miller?
Millerneréponditpas.Iljoignitlesmainssouslatableetfixasondéjeunerqu'iln’avaitpasencore
touché.AimeejetaàMélanieunregardincertain.Mélanieposasafourchetteets’éclaircitlagorge.
— Hé, Miller, et si tu demandais quelque chose à Aimee? suggéra Mélanie. Tu peux utiliser le truc
qu’onamisaupointl’autrejour.Tusais,aveclebaseball?
Miller jeta un coup d’oeil à Mélanie. Il semblait un peu affolé, comme un lapin dans une cage dont
Mélaniecogneraitlesbarreaux.MaisMélaniediscernadel’espoirderrièresonangoisse.Millervoulait
tellementenêtrecapable!
— Vas-y, interroge-là sur ce que tu veux, l’encouragea-t-elle. Elle est vraiment gentille, je te le
promets.
LedosdeMillers’étaitcourbéenunCparfait,maisilétaitarchitendu.Ilpritunelongueinspiration.
— Thurman Munson, le capitaine des New York Yankees, est mort dans un crash aérien en 1979,
débita-t-ilàtoutevitesse.Es-tudanslaclassedeMélanie?
Aimeeeutl’airinterloquéemaisrepritrapidementcontenance.
—Euh,oui,dit-elle.Noussommestouteslesdeuxenpremière.
Mélaniefitungrandsourire.
—LecapitainedesNewYorkYankees,Derek
Jeter,agagnésonpremierGantd’oren2004.Tuaimeslebaseball?demandaMiller.
AimeeritetlançaunregardinterrogateurversMélanie.Celle-cihaussauneépaule.Aimeeallaitdevoir
apprendreàconnaîtreMillercommetoutlemonde.Doucement,maissûrement.
—Ehbien,oui,figure-toi,réponditAimee.JesuisunefandesOaklandA’s.Jesais,c’estbizarre,mais
monpèreagrandienCalifornieduNord,et...
— Tu savais que Reggie Jackson, du Hall of Fame, a joué pour les Oakland A’s pendant neuf ans ?
demandaMilleràAimeeenlaregardantpourlapremièrefois.
—Non,jenesavaispas,ditlajeunefilleavecunsourire.Jecroisqu’onenapprendtouslesjours.
Mélaniesouritàsontour.
—Ouais,dit-elle.Jecroisaussi.
Cesoir-là,MélaniesortitdesachambrejusteaumomentoùEvanarrivaitenhautdel’escalier.Tous
deuxs’arrêtèrentnet.Pendantunefractiondeseconde,Mélaniefutpersuadéequ’Evanallaitdirequelque
chose.Finalement,ilpassadevantellesansunregardetentradanssachambredontilclaquasifortla
portequ’elleentrembla.
Elle fit volte-face, les poings serrés, et fixa, furieuse, la porte qu’il venait de refermer. Elle mourait
d’envied’ytambourineretdelafairevolerenmorceaux.Evan.Tuparlesdumecidéal...
Aumêmemoment,elleentenditunbruitdehors,derrièrelamaison.Elleallajusqu’aufondducouloiret
regardaparlafenêtre:laportedel’appentisserefermait.
Finn.
Il ne valait pas mieux que son frère. Lui aussi l’avait laissée en plan le matin. En plus, il ne l’avait
mêmepasremerciéeaprèsleurcoursd’espagnolalorsqu’iln’auraitjamaisréussil’interrosurprisesans
son aide. Mélanie fit demi-tour et retraversa le couloir comme un ouragan. Elle avait peut-être peur
d’affronterEvan,maisFinn...Elleallaitluidirelefonddesapensée.
—Vous,lesmecs,vousêtesvraimentnuls!cria-t-elleenouvrantd’unseulcouplaportedel’atelier.
Finn lâcha son pinceau qui tomba sur la jambe de son jean, où il laissa une traînée orange, avant de
roulersurlesol.
—Pardon?dit-il.
—Toi!Tuesnul!fulminaMélanie.
—Onenadéjàparlé.Jesaisquejesuisnul.
—Pastonart.Toi!Lesmecs!hurlaMélanie.
Finnclignadesyeux.
—Ben,enfait,jecroisquejesuisplutôtungarçonsympa.
—Oh,allez!protestaMélanieenseplantantdevantlui.C’estquoivotreproblème?Vousêtestousnés
commeça?
— Mélanie, je crois que tu devrais t’asseoir, conseilla Finn en la saisissant prudemment par les
épaules.
Gardant les bras tendus pour la maintenir à distance, il la poussa vers le vieux banc et la força à
s’asseoir.
—Etmaintenant,dis-moi:cequetudisàquelquechoseàvoiravecHaileyetEvan?
—Non!Avectoi!Tum’asplantéecematin!ditMélanie.Etaprès,j’aivouluprendremabicyclette,
maisvousaviezcrevémespneus!C’estquoi,cettebaraque?LeFoyerMcGowanpourdélinquantstarés
?
—Holà!protestaFinn.D’abord,jenet’aipas«plantée»cematin.Evanm’aditquetuvoulaisaller
encoursàvélo.
—Ouais,c’estça!
—Jetejure!
—Ehbien,jen’aijamaisditça.J’ail’impressionquetoutlemondementici.
Finns’essuyalesmainssurunvieuxchiffonetcroisalesbras.
—Est-cequejet’aidéjàracontédessalades?
Mélanieleregarda.
—Non,pasquejesache,marmonna-t-elleendétournantlesyeux.
— Bon, on progresse, dit Finn en rapprochant son tabouret. Maintenant, tu voudrais bien avoir la
gentillessedemeracontercequis’estvéritablementpasséàlafête,vendredisoir?
—Tuplaisantes?Quelqu’uns’intéresserait-ilvraimentàmaversiondel’histoire?
—Ouais,ditFinn,amusé.Moi.
Mélanieinspiraungrandcoupetseredressa.
— D’accord. J’ai vu Hailey et Evan se disputer et Evan partir dans la salle île billard. Un peu plus
tard,encherchantlestoilettes,jel’aitrouvédanslachambred’amis,allongésurlelit.Toutcequej’ai
fait,c’estm’asseoiràcôtédeluietluidemandercequisepassait.Nousétionsentraindeparlerquand
Haileyadébarqué.Ennousvoyant,elleapétéunplomb.Nousluiavonscouruaprès,maiselleafiléhors
delamaisonetdisparu.Ensuite,Evanestpartidesoncôtéetvoilà.
—C’esttout?ditFinn.
— Ouais, c’est tout, répéta Mélanie. Une heure plus tard environ, Aimee et moi étions en train de
papoterquandJennaestarrivéeetnousaracontéqu’ellevenaitdevoirHaileyetDougbatifolerdansles
bois.C’esttoutcequejesais.
—OK.Jerécapitule.TuétaissurlelitavecEvan?demandaFinn.
—Tuparlesd’unehistoire!s’exclamaMélanieenroulantdesyeux.Oui,pendantcinqsecondes,jeme
suisassiseàcôtédelui.
—DoncHaileyn’arienvu,continuaFinn.
—Iln’yavaitrienàvoir!
—Ettuneluiaspasditqu’Evanettoiétiezsortisensemble...
—Biensûrquenon!
—Jetecrois,conclutFinnenselevant.
—Vraiment?ditMélanie,abasourdie.Tuneveuxmêmepasyréfléchir?
—Réfléchiràquoi?demandaFinnenramassantsonpinceau.Tuesquelqu’undebienetd’honnête,et,
apparemment, cette histoire te rend folle de rage. Evan et Hailey adorent les drames, et ce n’est pas
nouveau.Voicidoncmonavisd’expert:connaissanttouteslespartiesimpliquées,j’estimequetun’es
qu’unespectatriceinnocentequis’estfaithapperparl’ouraganEvan-Hailey.(Iltrempalepinceaudans
l’eauetlefittourner,puisiljetauncoupd’œilmalicieuxàMélanie:)Tutrouvestoujoursquejesuisnul
?
Mélaniesourit.
—Plustantqueça.
—Écoute,ditFinn.Evanfiniraparrevenirsurcequ’iladit.
—Tucrois?
—Ouais.
Mélanie faisait confiance à Finn. Après tout, il connaissait Evan beaucoup mieux qu’elle. Mais elle
n’arrivait toujours pas à oublier l’expression dégoûtée d’Evan quand il lui avait dit de ne plus
l’approcher.Iln’avaitpaseul’aird’êtreprèsderevenirlà-dessus.
—EncequiconcerneEvanetDoug,j’avouequejenesaispas,ditFinn.
Mélanieinspiraprofondément.
—Tusaiscequiestdingue?JecomprendspresqueDoug.
—Hein?
— Imagine... La fille la plus canon de l’école - une terminale - se jette sur toi en te disant qu’elle a
casséavecsonpetitcopain...Etpuis,mêmesijesaisquecen’estpasunebonneexcuse,ilsétaienttous
lesdeuxbourrés...
Finnfronçalessourcilsenposantsonpinceaupourlefairesécher.
—Tuesquoi?Ungarçon?demanda-t-il.
—Non.Jerapportesimplementl’évidence,répondit-elle.
— En tout cas, je veux que tu saches que je ne serais jamais parti sans toi ce matin si j’avais su la
vérité,ditFinn.
Toutd’uncoup,Mélanies’envoulutterriblementd’avoircruFinncapabled’unechosepareille.
—Donc,demain,ont’emmèneaulycéeenvoiture,poursuivitl’adolescent.
—Non,merci.Jecroisqu’ilvautmieuxquej’yailleàvélopendantunmoment.
—Maistum’asditquequelqu’unt’avaitcrevélespneus...
—Exact.D’ailleursilfautquejem’occupedelesréparer,ditMélanieenseremettantsursespieds.
Vousavezunepompeàvéloquelquepart?
—Quelquepart...,réponditFinn.Probablementdanslegarage.Jevaist’aideràlachercher.
Ilsquittèrentl’atelier.
—Merci,ditMélanie.Alors,unepetiteidéedel’identitédemonsaboteur?
— Trop immature pour Evan, réfléchit Finn pendant que Mélanie récupérait sa bicyclette. J’aimerais
pouvoirdirelamêmechosepourDoug,maissoyonsréalistes:luietIansontlesparfaitscandidats.
Mélaniesoupira.
—Ehbien,aumoinsjesaisquisontmesennemis.
—Etquisonttesamisaussi,j’espère,ditFinn.
Sonsourirelatoucha.Ellebaissalesyeux.
—Merci.
MélanieetFinnvenaientd’atteindrelaportedugaragequandilsentendirentunevoitures’arrêterdans
un hurlement de freins, devant la maison. Mélanie appuya sa bicyclette contre le mur et ils se
précipitèrentauboutdel’allée,arrivantjusteàtempspourvoirDougplongerlatêtelapremièresurla
banquette arrière d’une Honda Civic customisée. Les feux de position violet fluorescent et les jantes
chromées avaient probablement coûté plus cher que le véhicule lui-même. Mélanie fronça le nez. Des
nuagesdefuméedecigarettes’échappaientparlesfenêtres.Lespassagershurlèrentquandlemoteurrugit
et que la voiture décolla. Le conducteur prit le tournant au bout de la rue à toute vitesse, sans se
préoccuperlemoinsdumondedupanneaustop,etlaHondadisparutdansuncrissementdepneus.
—Voilàquin’annonceriendebon,soupiraFinn.
Mélaniepensaexactementlamêmechose.
—Tuessûrequetuneveuxpasquejet’accompagne,Mélanie?demandaReginalematinsuivanten
rangeantsonportefeuilleetseslunettesdesoleildanssonsacàmain.
MélanieétaitassiseenfacedeIanetCalebdanslacuisine.Àsadroite,Seansirotaitsoncafé,plongé
dansunnouveaulivreintituléLaCitédeverre,dePaulAuster.
—Non,merci,répondit-elle.J’aimebienfaireduvélo.
—OK.Bon,sijamaistuchangesd’avis...(Elleconsultasamontreetajustalabridedesonsacàmain,
l’airexcédée.)...Doug!Onyva!Jevaisêtreenretardautravail!
—Çaimprime!Pèteuncoupetcalme-toi!hurlaDougdel’autreboutdelamaison.
ReginaregardaMélanie.
—J’aibienentendu«pèteuncoup»?
—Ilmesemble,réponditMélanieavecunpetitsourire.
— Ce garçon a de la chance de ne pas avoir grandi avec ma mère, dit Regina. À l'heure qu'il est, il
n’auraitplusîledents.
—Quefait-il?demandaMélanie.
—Ilvérifiel’orthographedesadissertationsurLaLettreécarlatedeNathanielHawthornesurl’ordinateur
de son père. Je devrais me réjouir qu’il fasse ses devoirs cette année, non ? L’an passé, j’ai été
convoquéeaumoinscinqfoisparsesprofesseurspourparlerdelafaçondontildilapidaitsonpotentiel.
—Vraiment?s’étonnaMélanie.
—Dougestlecerveaudelafamille,intervintSeanavecuntond’unegrandeplatitude.
—Iln’estpasleseul,répliquaReginaenjetantunregardappuyéàSean,toutenattrapantsesclés.
Seanl’ignoraetprituneénormecuilleréedeChocapic.
—Doug!hurlaRegina.
—Unpeudepatience,femme,ditDougendéboulantdanslacuisine.
LesrestesdesescoquardsdusàsabagarreavecEvanbrillaientdanslalumièredumatin.Ilfourrason
devoirdanssonsac,passadevantsamèreetsortitsousleporcheoùMillerlesattendaitdéjà.
Reginainspiraprofondément.
—Seigneur,donnez-moilapatience...,marmonna-t-elleensuivantsonfils.Sean!Assure-toiqueles
garçonsprennentbienleurbus!
—Àplus,ditMélanieenselevantpourdéposersonboldansl’évier.
—Ouais,réponditSean.
Mélanie enfourcha sa bicyclette et pédala jusqu’au lycée en repensant à l’échange entre Sean et sa
mère. Si Doug et Sean étaient vraiment les « cerveaux de la famille », Mélanie pouvait imaginer la
frustrationdeleursparents.Dougsecontentaitd’êtreodieuxetdegribouillersursesvêtementstandisque
Seanpassaittoutsontempsàjouerdelaguitareetàréparersamoto.
Comme elle passait le coin du parking de l’école, Mélanie remarqua un attroupement devant le mur
ouestdeBakerHigh.Ellefreinanet:quelqu’unavaittaguélebâtimentenbleuetargent.Àcettedistance,
ellen’arrivaitpasàdistinguerledessinquirecouvraitpourtantpresquetoutlemur.
—Qu’est-cequisepasse?demanda-t-elleàungarçonquiattachaitsonvéloàcôtéd’elle.
—Vavoir,secontenta-t-ilderépondre.C’estunebombeatomique.
Sceptique,Mélanieleregardafilerverslerassemblement.Elleétaitentraind’attachersonvéloquand
uneombresedessinasurlesoldevantelle.C’étaitFinn.Iln’avaitpasl’airdanssonassiette.
—Qu’est-ccqu’ilya?demanda-t-elleenseredressant.
—Jet’avaisbienditqueçan’annonçaitriendebon.
Mélaniesentitsoncœurs’arrêter.Alerterouge.
—Oh,non,dit-elle.
—Oh,si,répliqua-t-il.
Ils grimpèrent ensemble la colline qui faisait face au mur ouest et rejoignirent la foule. Professeurs,
élèves, personnel de l’administration, concierges - bouche bée, hilares ou consternés -, tout le monde
s’étaitrassemblédevantlesénormeslettresbleuesetargentéesquiproclamaient:BAKER,L’HORREUR
! En dessous, on avait dessiné, avec un certain talent, un personnage de dessin animé célèbre en train
d’urinersurunblazerdeBakerHigh.
— Ç’aurait pu être pire, dit une fille devant Finn. Ceux qui ont commis ce truc auraient pu passer à
l’actionplutôtquededessiner.
QuelquespersonnesgloussèrenttandisqueMélanieetFinnéchangeaientunregardsombre.Àprésent,
Mélanie savait ce qu’était parti faire Doug, la nuit précédente. Et, à moins que les étudiants et les
enseignants n’aient jamais remarqué les tenues archi-déco-rées de Doug, ce qui était quasiment
impossible,ilnefaudraitpasbienlongtempspourquelarumeurfasseletourdulycée.
De:[email protected]
À:[email protected]
Objet:Lemanueldumec
GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan
Noten°10
Observationn°1:Lesgarçonsontdesfaçonstrèsimmaturesd’exprimerleursopinions.
Genrevouslaisserenplanquandilsdevraientvousemmenerencours.Oucrevervospneus.
Oufaireunénormegraffitiincluantunpersonnageentraindefairepipi.
Observationn°2:Lesondeleurvoixsuffitparfoisàvousapaiser.
EntoutcascelledeFinn.
13
Il y avait au moins une chose que Mélanie devait reconnaître à Doug et à ses copains : leur petite
interventionartistiqueavaitdéfinitivementdétournél’attentiondesesprétenduesfrasques.Cejour-là,le
graffiti fut l’unique sujet de conversation. Qui était le responsable ? Un élève d’une école rivale ?
Comment avait-on pu dessiner si haut sur le mur ?... Tout le monde avait oublié jusqu’à l’existence de
Mélanie.
LecouloirbourdonnaitdudernierragotquandFinnetMélaniesortirentdeleurcoursd’espagnolcet
après-midi-là.Aimeelesattendaitdanslecouloir.
—BetsyestvenuechercherChadLinuspendantmoncoursdetrigo,enpleinmilieud’uneinterro.
—Oh,non,gémitFinn.
Ilsvenaientdetournerlecoinquidébouchaitdanslehallprincipal.Unpeuplusloin,unhommegrand
etlarged’épaules,mâchoirecarréeetlunettessacrémentépaisses,poussaitDougversunbureau.Letype
ressemblaitàFrankenstein,sanslesclous.
—Quiest-ce?demandaMelanie.
—DrFrank,expliquaAimee.Lesous-directeur.
—Tuplaisantes,ditMélanie.
—Mêmepas,confirmaFinn.
Dougentradanslebureaulesyeuxcollésauplancher.Onauraitditunpetitgarçon.Unpetitgarçonqui
faisaitsonpossiblepouravoirl’aird’undur,maissansyparvenir.Mélaniehésitaitentrelacompassion
et une grande envie d’aller lui flanquer une gifle. Avait-il vraiment cru qu’on ne découvrirait pas les
coupables?
—J’yvais,ditFinnenmarchantd’unpasdécidéverslebureau.
—Quoi?Pourquoi?demandaMélanie.Quepenses-tupouvoirfaire?
—Jen’ensaisrien,maisc’estmonfrère,réponditFinnenhaussantlesépaules.
—Jecomprends,ditMélanie.Entoutcas,çaneluiferaitsansdoutepasdemald’êtrepuni...Peut-être
queçaluiremettraitunpeulesidéesenplace.
Finnlaissaéchapperunprofondsoupir.
—Mélanie,neleprendspasmal,maistuneconnaispastoutel’histoire,OK?
—Quellehistoire?demandaMélanie.
—Doug.Pourquoiilestcommeça?ditFinn.Cen’estpasaussisimplequetulepenses.Imaginece
quec’estd’êtrequasimentlefrèrejumeaud’ungarçoncommeMiller,aveccinqautresgossesautour.Ce
n’estpasquelqu’undemauvais,tuvois?C’estjuste...
Mélanieavalasasaliveavecdifficulté.
—Tonfrère.
—Ouais,approuvaFinn.Jenedispasquec’estunebonneexcuse.Simplement,j’aivucequeçaaété
pourlui.Cen’estpasdrôlequandleplusprochedetesfrèresreçoittoutel’attentiondesautres.Eten
plus,tunepeuxpastepermettredediregrand-chose,vuqu’ilestmalade,tucomprends?
MélanieetAimeeéchangèrentunregard.
—D’accord,maisqu’est-cequetuvasdire?finitparluidemanderMélanie.
Finnsoupiraetregardaleplafond.
—Jenesaispas.Peut-êtrequeDougétaitavecmoilanuitdernière,répondit-il.
—Ilsnevontjamaisgoberçavenantdetoi,luiditAimee.
—Ellearaison,approuvaMélanie,lecœurbattant.
Elle repensa à l’expression de Doug après la terrible bagarre avec Evan. Elle l’avait vu avec Ian et
Caleb.Quelquepart,soussesairsdegangster,ilyavaitungarçonbien.
—Etpeut-êtreque,moi,ilsmecroiront,ajouta-t-elle.
Elletenditlamainverslapoignéedelaporte,maisFinnattrapasonbras.
—Mélanie...
—Réfléchis,Finn.Jen’aiaucuneraisondeleprotéger,n’est-cepas?fit-elle.
Finnméditasurcetteidée.
—Effectivement,tunepeuxpasleblairer.Alorspourquoifais-tuça?
— Je déteste voir mes amis souffrir, dit-elle d’un ton léger. (Finn sourit et Mélanie sentit son cœur
gonflercommeunsouillé.)Tuascomprisquejeparlaisdetoi,pasdelui,hein?
Finnrit.
—Allez,vas-y.
Mélanieentradanslebureauetlaissalaporteserefermerderrièreelle.Dougétaitassissurunvieux
canapé en cuir contre le mur de gauche, face à une porte fermée. Sur ses genoux, il tenait une pile de
cahiersdontlescouverturesétaientrecouvertesdesesfameuxdessins.Mélaniefitclaquersalangueet
attrapalapileenselaissanttomberàcôtédelui.
— Tu sais, pour un soi-disant génie, tu n’es vraiment pas très malin, dit-elle en ouvrant la fermeture
Éclairdesonsacàdos.
—Qu’est-cequetufais?demandaDoug.
—Jesauvetapeau.
Ellesortitquelques-unsdesescahiersetlesposasurlesgenouxdugarçon,puisellefourralessiens
danssonsac.
—OùesttondevoirsurLaLettreécarlate?demanda-t-elleensuite.
—Quoi?Tuplanescomplètement...
—Oùest-il?insista-t-elle.
Douglitunegrimace,sepenchaenavantettiralacopied’undesescahiers.Mélanieplaçalespages
fraîchementimpriméessurledessusetrefermasonsac.
Laportes’ouvrit.LeDrFrankfitundemi-pashorsdesonbureau.
—Quiest-ce?s’enquit-ilenvoyantMélanie.
—Jesuisvenueentantquetémoin,expliqualajeunefilleenselevant.
—J’aipasbesoindetonaide,ditDougenselevantàsontour.
Mélaniefutsoulagéedevoirqu’ilneportaitpaslejeancompromettant,maisunepairepropre,quoique
déchirée.
Mélaniel’ignora.ElletenditsamaindroiteauDrFrankqui,perplexe,laserra.
—MélanieMeade.Jesuisarrivéedansvotreétablissementilyaunesemaine.J’aidesinformations
surDougàproposdelanuitdernière.
—Oh?ditleDrFrankencroisantseslongsbrassursapoitrine.Alorsentrez.
Mélanie sourit au sous-directeur en passant devant lui, suivie par Doug qui, exceptionnellement, ne
mouftapas.Lebureau,tristeetsombre,ressemblaitàundonjon.Lesmursavaientétépeintsengrisetle
seuléclairagedelapiècevenaitdelapetitelampedebureau.Lesstoresverticauxavaientététirésau
maximumetladécorationselimitaitàdeuxcadres:undiplômeduDrFranketuneaffichereprésentant
descoureursdecross-countryintitulée:Discipline.
—Asseyez-vous,ditleDrFrankenindiquantlesdeuxchaisesquifaisaientfaceàsatabledemétal.
Doug s’effondra sur son siège. Mélanie s’assit au bord du sien, le dos droit. S’il y avait une chose
qu’elle savait faire, c’était parler à des adultes stricts qui croyaient tout savoir. Après avoir grandi
entouréed’officiersdel’arméedeterre,unsous-directeurd’école,c’étaitdelagnognotte.
—Avantquel’und’entrevousintervienne,jetiensàvousinformerquequandnousavonsdécouvertle
graffiticematin,nousavonsnaturellementsupposéquelesresponsablesdevaientêtredesétudiantsd’un
établissement rival. Mais, bien sûr, avant de confier l’enquête aux autorités, nous avons tenu à nous
assurerquelesresponsablesn’étaientpasdansnosmurs.
MélaniehochalatêtetandisqueDougsetortillaitsursonsiège.
—MonsieurMcGowan,jesaisdesourcesûrequele...personnagequiornenotremurestl’undevos
favoris,ditleDrFrank.(Ils’adossaetcroisalesmainssursonestomac.)Laplupartdevosamisontdéjà
admisleurimplicationdanscetactedevandalisme.Jenevoispastrèsbiencequevouspourriezdire
pourledisculper,mademoiselleMeade.
—Allez,mec.J’airien...
— Doug et moi avons travaillé ensemble, hier soir, le coupa Mélanie, avant qu’il ne prononce une
parole désastreuse. Je l’ai aidé pour sa dissertation sur La Lettre écarlate. J’ai étudié cette œuvre
pendant un trimestre, l’année dernière, et je la connais sur le bout des doigts. Enfin, bref. Nous avons
travailléaumoinsjusqu’àminuit,etDougétaitdéjàendormiquandj’aiquittésachambre,donc...
—Ellevousaaidéàfairevotredevoir?demandaleDrFrankàDoug.
—C’estcequ’elledit,réponditcedernier,provocant.
Mélaniesoupira.Iln’ymettaitvraimentpasdusien.
—Puis-jevoircedevoir?demandaleDrFrank.
— Je l’ai là, dit Mélanie d’une voix douce. J’avais dit à Doug que je le relirais pendant mon heure
d’étude.
EllesortitlacopiedesonsacetlatenditauDrFrank.
—Çaal’airplutôtbien,d’ailleurs,dit-elleàDoug.
LeDrFranktournalentementlespages.Mélaniesavaitqu’ilnefaisaitquegagnerdutemps,avantde
décidercequ’ilallaitfaire.
—Commentpuis-jesavoirsivousn’essayezpasseulementdeprotégerM.McGowan?l’interrogea-til.
—Moi?Leprotéger,lui?protestaMélanie.Toutd’abord,sachezquemesparentstravaillenttousles
deux dans l’armée et qu’ils m’ont inculqué de ne jamais mentir aux représentants de l’autorité, dit
Mélaniesérieusement.Ilsm'ontégalementtransmisdetoujoursêtreloyaleavecnuisection,maisçane
leregardepas.Ensuite,jen’aiaucuneraisondeprotégerDoug.Onsedéteste.
—Ça,c’estclair,ditDoug.
— Si vous vous détestez tant que ça, pourquoi l’avez-vous aidé à faire son devoir ? demanda le Dr
Frank,visiblementfierdesaremarque.
— Eh bien, ce n’est pas facile de résister à quelqu’un qui vient vers vous avec un air suppliant et
pathétique...,réponditMélanieavecunsourireindulgent.
Dougrouladesyeuxavantderegarderailleurs.LeDrFranklesexaminaunlongmoment.Pourfinir,il
soupiraettenditsondevoiraugarçon.
— Bon, Douglas. Aucun de vos amis n’a mentionné votre implication dans l’incident. J’ai suivi mon
instinct...etvotrepenchantpourledessin,dit-il.Sanspreuve,jenepeuxpasvraimentvoustenirpour
responsable.
—Àplus.
Dansunmouvementdramatique,Dougs’extirpabruyammentdesachaiseetfitunpasverslaporte.
— Mais..., l’arrêta le Dr Frank... mais je peux vous charger, vous et Mlle Meade ici présente, de
l’équipedenettoyage.
—Quoi?Maisellevientdevousdirequej’airienfait,protestaDoug.
—Quevousn’avezrienfait,monsieurMcGowan.Croyez-moi,sivousnesouhaitezpasquej’examine
d’unpeuplusprèscetteaffaire,vousferiezmieuxdeprofiterdemonélandegénérosité,déclaraleDr
Frankenselevant.Composezuneéquipe.Nousnousoccuponsderéunirlematériel.
—C’esttrop...
—Nousseronslà,ditMélaniequiselevaetouvritlaporte.Raviedevousavoirrencontré,docteur
Frank.
Lesous-directeursouritpourlapremièrefois,révélantunerangéededentstrèsgrandesettrèsjaunes.
—Toutleplaisirfutpourmoi,mademoiselleMeade.
—Hé!Alors!Qu’est-cequis’estpassé?
FinnsetenaitjustederrièrelesportesdelacafétériaquandMélanieyentraaprèsl’entretienavecleDr
Frank.Dougluiavaitjetésescahiersetreprislessiens.Ensuiteilétaitparticommeunouragandansla
directionopposée,sansrienluiaccorderdeplusqu’ungrognementderemerciement.
—Ils’enestsorti...àpeuprès,ditMélanie.
—Commentça?demandaFinn.
—Ehbien,iln’apasétérenvoyé.
LevisagedeFinns’éclaira.
—Mélanie,c’estgénial!Mercimillefois.
—Ouais,enfin,jenecroispasqueleDrFrankaitgobénotrehistoire.Ilnousanommésresponsables
du nettoyage des graffitis, expliqua Mélanie. Il faut que nous formions une équipe et que nous nous
retrouvionsàlafindescoursdevantlemur.
—Aïe!Enfin,tevoilààl’endroitidéalpouruneséancederecrutement.
Ilscontemplèrentautourd’euxlescentainesd’élèvesqui,assisdevantleurdéjeuner,n’attendaientque
d’êtrecueillispourunecorvéedenettoyage.
—Jesupposequejeferaisbiendem’ymettretoutdesuite.
—EtDoug?demandaFinn.
— Je crains qu’il ne me soit pas d’une grande utilité, répondit Mélanie en s’éloignant à reculons.
Souhaite-moibonnechance.
—Bonnechance,ditFinnavecunsourire.
Mélaniesavaitbienquelaplupartdesgensn’avaientpasspécialementenviedeluiparler,maiselle
n’avaitpaslechoix.LeDrFranknesemblaitpasdugenreàplaisanter.Elledécidadecommenceravec
ses soi-disant amies, estimant que les gens qui lui avaient adressé la parole un jour étaient les plus
susceptiblesdeluireparleraujourd’hui.
—Salut,lesfilles,dit-elleens’approchantdelatabledeRia,lesmainsenfoncéesdanslespochesde
sonjean.
Silence.Jennalevauninstantlesyeuxdesasaladedefruitsetrépondit:
—Salut.
— Donc... ça va être comme ça, maintenant ? demanda Mélanie. Quelques rumeurs naissent et je me
transformeenlépreuse?
Riasoupiraetcontinuaàmanger.Pearlsemblaittrèsmalàl’aise.
—Enfin,bref.Detoutefaçon,jenesuispasvenuevousparlerdeça...J’essaiederassemblerquelques
personnes pour aider à nettoyer le tag cet après-midi, et j’ai pensé que vous auriez peut-être envie de
venir.
— Je croyais que ceux qui commettaient les délits en payaient le prix, dit Ria. À moins que tu n’en
fassespartie?
—Jenesuispasunevandale,réponditMélanie.
—Quisaitcequetues?demandaRia.
—Ria...,protestaJennad’unevoixdouce.
—C’estbon,Jenna,intervintMélaniequisentitsatempératuregrimperd’uncoup.Tusaisquoi,Ria?
Jen’aifaitaucunedeschosesqu’onmemetsurledos,maiscen’estmêmepasleproblème.Ilnes’agit
pasdemoi.Ils’agitdeladégradationdenotreécoleetdesavoirsitoioun’importequid’autresesent
suffisammentconcernéparcetteaffaire.Çanefaitqu’unesemainequejesuislà,etjenesupportedéjà
pluscetag.C’estquoitonexcuse?
Riabaissalesyeuxverslatableetsetassasursachaise.
— Croyez ce que vous voulez à mon sujet, ajouta Mélanie. J’espère simplement vous voir tout à
l’heure,lesfilles.
Mélanie fit volte-face et marcha vers la table suivante. Pas question d’être affectée par l’attitude de
Ria.D’unautrecôté,illuifallaitunminimumd’indignationpouraffronterlerestedesélèves.
—Salut,jesuisMélanieMeade.Jerassembleuneéquipepouraiderànettoyerlegraffiti...
Tandis qu’elle se lançait dans son discours, Mélanie repéra Finn qui, à l’autre bout de la salle,
s’adressaitàunetabléed’élèvesauxlooksd’artistes.Quandleursregardssecroisèrent,ilséchangèrent
unclind’œilcomplice.
Derrière lui, elle vit que Miller et Aimee déjeunaient ensemble dehors. Ils ne se parlaient pas, mais
n’avaientpasl’airmalàl’aisenonplus.Mélaniereportasonattentionsurlatabléedevantelle.Siellene
sedépêchaitpas,lesbonnesondesdesesamisallaientcalmersacolèreavantqu’elleaitletempsd’en
fairebonusage.
Plus tard dans l’après-midi, après avoir présenté ses excuses à une Coach Léonard très contrariée,
Mélaniesedirigeaversl’aileouestdel’école.Elleespéraitquequelqu’un,n’importequi,sejoindraità
elle.QuelquechoseluidisaitquemêmeDougneviendraitpeut-êtrepas.Etsachantquepersonnenelui
avaitvraimentprêtéattentionaudéjeuner...
C’est alors que Mélanie s’arrêta, abasourdie. Finn se tenait au milieu d’une foule d’élèves, dont
faisaientpartieRia,Jenna,Pearl,AimeeetDoug,ainsiqued’autresfillesdel’équipedefoot.
—Salut,ditMélanieenrejoignantlegroupe.
—Salut,réponditFinnavecunsourire.J’étaisjustemententraindemontreràtoutlemondecomment
seservirdecetruc.
Ildésignaitàsespiedsunbidonouvertremplid’unliquidevisqueux.Ilyavaitégalementdesboîtes
pleinesdelunettesprotectrices,degantsenplastiqueetdespatules.Cinqéchellesavaientétéalignées
contrelemur.
—Quit’anomméresponsable?demandaMélanie.
—Ehbien,Steve,lechefduserviced’entretien,réponditFinnensefrottantlesmains.Ilnevoulaitpas
t’attendre,alorsilm’atoutexpliqué.J’aicrucomprendrequ’ilétaitpresséparcequ’ilavaitunesoirée
bowling...
—D’accord.Bon,raconte,ditMélanie.
—Ilfautétalercetteespècedecataplasmecensédissoudrelapeinture,expliquaFinnens’agenouillant
pourenfilerdesgantsenplastique.Leproblème,c’estqueçapueetqu’onnedoitsurtoutpass’enmettre
surnous.
—Génial.Çan’apasdutoutl’aircraignos,fitremarquerMélanied’unionironique.Alors,autravail.
Tout le monde se rassembla autour du matériel de protection et commença à s’équiper. Mélanie se
retrouvaàcôtédeRiaetluitenditunepairedegants.
—Merci,ditRia.
—Derien,réponditMélanie.
— Écoute, je voulais te dire que je trouve ça assez cool de ta part de t’être occupée de rassembler
l’équipe,continuaRiaenattrapantquelquesmasquesenplastique.Jeveuxdire,vuquetuesnouvelle,
toutça...
—Ouais,bof!fitMélanie.Enfait,jen’étaispasspécialementvolontaire,maisilmesemblequec’est
importantd’ôtercetruc.
—Çal’est,approuvaRia.
Elle gardait les yeux baissés et tripotait la lanière de ses lunettes de protection. Mélanie sourit. Cet
accèsd’humilitédétonnaitcomplètementchezRia,cequilarendaittouchante.
— Et... hum... je suis désolée pour ces derniers jours. J’ai été vache. En plus, je ne sais même pas
commentj’aipucroireHailey.
—Jecomprends,ditMélanieenriant.Cettefilleestflippante.
Riaritàsontour.
—Ouais,niaispasaussiflippantequemoi.
—C’estpasfaux,répliquaMélanie.Allez,auboulot!Onaintérêtàterminerfissasionveutéviterde
sefairetuerparCoachLéonard.
Mélaniesemitàl’ouvrageetellesentitrapidementqu’ellecommençaitàsedétendre.Toutlemonde
bavardait-sansqu’ilsoitjamaisquestiond’elle,d’Evanoud’Hailey.Aveclesoleildansleurdosetles
crisparvenantdesdiversterrainsdesportalentour,Mélaniesesentitenpaix.
Ellevenaitjusted’effacerleblazerquandelleaperçutAimeequimélangeaitleproduit.
—Alors...?Jet’aivuetoutàl’heureavecMiller,dehors,luidit-elle.Vousavezdiscuté?
Aimeerougit.
—Pastoutàfait.J’aimebienêtreaveclui,c’esttout.
—Ouais,c’estjustementparcequ’ilparlepas,intervintDougenprojetantunpeuduliquidevisqueux
surlemur.Tucrèveraisd’ennuis’ill’ouvrait.
— Oublie-le, conseilla Mélanie à Aimee en essayant d’ignorer sa propre rage. Il en veut au monde
entier.
—Oh,parcequemaintenanttucroisquetumeconnais?ditDoug.
—Ouais,parfaitement,luirenvoyaMélanie.Tuesintelligent,drôle,doué,ettuasunefamillegéniale,
maistoutcequetufaisc’estjouerlavictime.C’estfranchementsoûlant.
Waouh.D’oùçasort,ça?sedemandaMélanie.Elleavaitcommencéàextériorisersapensée,etrien
nepouvaitplusl’arrêter.
LeteintdeDougviraitauviolet.
—Tuferaismieuxdelafermer,salepétasse,parcequet’asaucuneidéedecequetuviensdedire.
—Hé!criaFinn.Commenttuviensdel’appeler?
—Tum’astrèsbienentendu,ditDoug,levisagedéforméparlacolère.
—Excuse-toi,Doug,ditFinn.
—Ouais,comptelà-dessus,répondit-ild’untonmoqueur.
— C’est quoi ton problème, mec ? demanda Finn. Tu sais, Mélanie t’a sauvé la vie, aujourd’hui. Tu
auraispuêtresuspendu...encoreunefois.Tuauraismêmeputefairevirer.Tudevraislaremercier!
Mélanie croisa les bras sur sa poitrine et attendit en regardant Doug. Une envie de sourire lui
chatouillaitleslèvres,maiselleessayadelaréprimer.FinnetDougs’affrontaientduregardtandisque
toutlemondeautourd’euxattendaitlasuite.Enfin,Dougfutlepremieràdétournerlesyeux,qu’ilplanta
surMélanie.
—Mercibeaucoup,dit-il,sarcastique.
Puisilretirad’uncoupsecsesgantsenplastique,lesbalançaauxpiedsdelajeunefilleetpartit,hors
delui.
Finnsuivitsonfrèreduregardetsoupira.
—Voussavezquoi?Mesparentsauraientdûs’arrêterdeprocréeraprèsmoi.
Toutlemondeéclataderireetseremitautravail.MélanieadressaàFinnunsouriredegratitude.
—C’étaitvraimentchouettedetapartdel’aider,ditlejeunehomme.Surtoutaprèslafaçondontilt’a
traitée.
— Eh bien, quelqu’un m’a dit deux-trois choses qui m’ont fait reconsidérer ma position, expliqua
Mélanie.Cependant,jepensetoujoursqu’ilauraitbesoind’unboncoupdepiedauxfesses.
—Jecroisquetuviensjustedeleluidonner,commentaFinn.Àmonavis,ilnes’attendaitpasàceque
tuluidisesqu’ilestintelligent,drôleetdoué.
—Jen’aifaitqu’exprimercequejepensais.
De:[email protected]
À:[email protected]
Objet:Lemanueldumec
GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan
Noten°11
Observationn°1:Lesgarçonssontvulnérables.
Mêmelescrétinsirrécupérables.
Observationn°2:Lesgarçonsnevoientpasquandilesttempsdefaireunetrêve.
Surtoutlescrétinsirrécupérables.
14
Vendredi, à l’heure du déjeuner, Mélanie et Miller s’approchèrent de la table d’Aimee qu’ils
occupaient officiellement depuis la séance de nettoyage. Ils avaient fait l’essai le mercredi. Mélanie
n’avait aucune idée de la façon dont réagirait Miller au fait de s’asseoir avec plus de deux nouvelles
personnes pour la première fois de sa vie. Finalement, il s’était contenté de manger en silence, et tout
s’étaittrèsbienpassé.Àprésent,Aimee,Ria,PearletJennaattendaientMélanieetMiller,leursrepas
déjàdevantelles.Mélanievoyaitbienqu’ellesmijotaientquelquechoseàlafaçondontellesrestaient
assisesbiendroites,ensilence,mainsjointes,etenseforçantànepassourire.
—Qu’est-cequ’ilya?demandaMélanie.
LevisagedeMillers’illuminaetMélaniecompritenfin.Lesplateauxdesesamiesavaientétérangés«
àlaMiller»,parordredetaille,degaucheàdroite.
Salut,Miller,ditgaimentAimeequandils’installaàcôtéd’elle,enfacedeMélanie.
—Bonjour,Aimee,ditMillerquirougitencommençantàorganisersonplateau.
—Cetteplaceestlibre?
MélanielevalesyeuxetdécouvritFinnquiseglissaitprèsdeMiller.Ilportaituntee-shirtbleuclair
quidonnaitàsesyeuxunecouleursurnaturelle.Ilsétaientmagnifiques.
—Salut,ditMélanie.
—Salut.
Son sourire lui fit penser à l’autre soir, derrière la maison, quand il l’avait accompagnée jusqu’au
garage.Mélanienesavaitpastrèsbienpourquoicemomentprécisluirevenaitàl’esprit,maisellesentit
soncœurfaireunbond.Hum...intéressant.
—Ladies,ditFinnenhochantlatêteàl’intentiondurestedelatablée.
—Gentleman,taquinaRia.
—Qu’est-cequit’arrive,Miller?demandaFinn.
—Çanevapas,ditMillerenlouchantsurleplateaudeFinn.
—Oh,désolé,s’excusaFinnquiarrangearapidementsondéjeuner.C’estmieux?
—Ouais.C’estAimee,réponditMillerendésignantAimeedupouce.C’estmanouvelleamie.
Aimeefutsisurprisequesabouchepritlaformed’unCheerios.
—Jenesavaispasquetuavaisunenouvelleamie,Miller.C’estgénial,lefélicitasonfrère.
—Mélanieestmanouvelleamieaussi,ditMiller.
FinnregardaMélanie,lesyeuxpétillantsdemalice.
—Ouais,jesais.C’estassezclair.
Mélanieplongealenezdanssasalade.Elleavaitsoudainl’impressionquetoussesamislafixaientet
elle ne releva les yeux qu’une fois qu’ils eurent commencé à manger. Ria lui lança un regard
impressionné.
—Quoi?articulasilencieusementMélanieenfronçantlessourcils.
Ria grimaça. Après moult coups d’œil insistants, elle fit comprendre à Mélanie que, selon elle, Finn
étaitvenus’asseoiravecellesparcequeMélanieluiplaisait.
Celle-cisecoualatêteavecforceetseplongeadenouveaudanslacontemplationdesonplateaupour
empêcherRiadepoursuivresesgrimacesetsesinsinuations.Retenantsonsouffle,ellejetaunœilvers
Finnquisedétournaentoutehâte.Ilétaitentraindelaregarder.
Mélaniesentitsoncœurs’emballer.Ellepritunelonguegorgéedesodapourfairediversion.Riaétait
complètement folle. Elle ne pouvait pas plaire à Finn, puisqu’il aimait les filles comme Kayla Bird.
Mêmesiçan’avaitpasmarchéavecelle,Kaylaétaitlegenredefillequ’ilaimait,etellen’avaitrienà
voiravecMélanie.Non.Décidément,Riasetrompait.
Cetaprès-midi-là,aprèssadouche,Mélaniedécidad’alleràl’appentis.Passerunpeudetempsavec
Finnseraitlameilleurefaçonderedescendresurterreaprèsavoirpenséàluiloinl’après-midi.Depuis
les insinuations de Ria - qu’elle avait ensuite clairement formulées pendant l’entraînement -, Mélanie
étaitobsédée.Est-cequ’elleluiplaisait?Est-cequ’illuiplaisait?Ets’illuiplaisait?Oùétaitlavérité
?
Austadedubrossagedecheveux,ellesetrouvaitàdeuxdoigtsdelafolie.Toutçaàcaused’unepetite
grainequeRiaavaitdéposéedanssatête.Laveille,ellen’avaitpasdutoutpenséàFinn.Enfin...pas
vraiment.Ilsétaientamis.EtFinnnevoyaitriendeplusenelle.
Résolueàtuerdansl’œufcetteobsessionavantqu’ellenedevienneincontrôlable,Mélanietressases
cheveux mouillés et sortit derrière la maison. D’un coup, toute sa détermination s’envola. Debout au
milieu de la cour, en pleine conversation, se trouvaient les deux derniers individus que Mélanie avait
enviedevoiràcetinstant:EvanetHailey.
Commentcesdeux-làpouvaient-ilsêtreentraindediscuter?CommentEvanavait-ilpupardonnerà
Hailey d’avoir couché avec Doug, mais pas le prétendu mensonge de Mélanie ? Le couple l’accueillit
aveclamêmeexpressionglaciale.
—Jerentre,ditHaileyens’écartantd’Evan.
Mélanie la suivit des yeux tandis qu’elle passait devant elle en l’ignorant. Evan emboîta le pas à sa
merveilleuseamoureuse,fusillantMélanieduregard.IlyavaittantdedégoûtdanssesyeuxqueMélanie
sentitsesintestinssetordre.C’enétaittrop.Ellenesupporteraitpasçapluslongtemps.
— Impossible de me regarder en face, hein, Hailey ? dit Mélanie en se retournant. Cela dit, ça ne
m’étonnepas,avectoustesmensonges...
Haileys’arrêtaàlaporte,maisEvanfitvolte-face,horsdelui.
—Pourquoituneluifichespaslapaix?dit-il.
—Toi,tuesdixfoispirequ’elle,tusaisça?ditMélanie.Aumoins,elle,elleavaitunebonneraison
d’agircommeellel’afait.Maistoi,jenet’aijamaismenti,etpourtanttuasdécidédenepasmecroire.
C’esttellementplussimpled’êtreaveugle...
—Oh,n’importequoi!s’exclamaHailey.
— C’est ça, ton argument ? « Oh, n’importe quoi » ? dit Mélanie en se tournant vers Hailey. Tu vas
resterlàetfairecommesinousnesavionspas,toietmoi,cequis’estvraimentpassé?
Haileylafixaavecfureuravantdebaisserlesyeux.
—Demande-lui,ditMélanieàEvan.Demande-luimaintenantsijesuisjamaisalléelatrouverpendant
lafêtepourluidirequetoietmoiétionssortisensemble.Vas-y.Jeveuxvoirquelgenredesalementeuse
elleest.
EvanregardaMélanieunlongmoment,serrantetdesserrantlesmâchoires.
—Jen’arrivepasàcroirequej’aiepugâcherneserait-cequ’unesecondedemavieàpenseràtoi.
Mélanie poussa Hailey pour rentrer dans la maison et remonta dans sa chambre. Sa frustration la
dévorait.Plutôtquedesetaperlatêtecontrelesmurs,elleattrapasontéléphoneetcomposalenuméro
deTracy-laseulepersonnesurTerreàquiellepouvaitparlerdecettehistoire.
—Mélanie?réponditTracyendécrochant,surprise.
—Tracy,devinequoi!Ceprogrammed’immersionchezlesmecsestvraimentefficace,ditMélanieen
faisantlescentpasdanssachambre.
Elles’arrêtaetregardaparlafenêtre.Evanétaitàprésentassisdanslehamac,latêteentrelesmains.
—Ettusaiscequej’aiappris?ajouta-t-elle.
—Oh-oh.Non,quoi?demandaTracy.
—Quelesgarçonsnevalentvraimentpaslecoup.
Détends-toi,Mélanie.Détends-toi.
Lemon, la « technicienne de peau » personnelle de Mélanie, lui étala une nouvelle couche de crème
visqueuseetpuantesurlevisage,puiselles’appliquaàlafairepénétrerenmassant.Lamixturesemblait
pleine de petits éclats de verre. Ou de gravillons. Quoi que ce soit, cela ne stimulait pas seulement
l’épidermedeMélanie:sesnerfsaussiétaientmisàrudeépreuve.
Commentcetraitementétait-ilsupposévousdétendre?DepuissaconfrontationdelaveilleavecEvan
etHailey,Mélanienerêvaitqued’unechose:deuxheuresd’exercicephysiqueintensepourchassertoute
la tension de son corps. Et voilà que non seulement on la forçait à rester tranquille, mais en plus
quelqu’uns’appliquaitàluiarracherlapeau.
—Relax,Mélanie.Tueslàpourtelaisseraller,ditLemond’unevoixflûtéeenfaisantremonterses
mainsverssestempes.
LescheveuxhirsutesdeLemonétaientàpeuprèsdelamêmecouleurquelefruitdontelleportaitle
nom,etelleavaitunbrillantrougedanslenezquiscintillaitchaquefoisqu’ellebougeaitlatête.
—Qu’est-cequivousfaitcroirequejenemelaissepasaller?
—Ehbien,pourcommencer,tespiedsn’ontpasarrêtédegigoterdepuisquetut’esassise,répondit
Lemon avec un sourire éblouissant. Ensuite, tu n’as pas réussi à garder les yeux fermés plus de trois
secondesd’affilée.
—Etalors?Peut-êtrequec’estmafaçond’êtredétendue.
—Oh,monchou.J’espèrequenon,commentaLemonavecunfroncementdesourcilscompatissant.
EllebaissalesyeuxversunepartieducorpsdeMélanie,maiscelle-ci,latêterenverséeenarrière,ne
putsuivresonregard.
—Quoi?demandasèchementMélanie.
—Détendstesmains,monchou,ditLemon.
Mélanie relâcha ses poings qu’elle avait serrés sans même s’en rendre compte. Au moment où elle
desserralesdoigts,elleressentitunedouleurfulgurantedanssespaumes.Enlesobservant,Mélanievit
quesesonglesyavaientlaissédeprofondesmarquesrougesendemi-lunes.
Unesymphoniedeclochesdevachepassaitenboucle.Mélanieessayadeseconcentrersurlamélodie.
Peut-êtrequ’ainsiletempspasseraitplusvite.
— Maintenant, inspire par le nez et expire par la bouche, dit Lemon en élevant et en abaissant ses
mains.Inspireparlenez,expireparlabouche.
Mélanieobéit.Inspiration,expiration.Inspiration,expiration.
—Doucement,monchou.Doucement,intervintLemon.Tun’espasentraindecourirunmarathon.
Ooooh...Courirunmarathon.Voilàquimedétendrait,seditMélanie.
Elleimaginasespiedsrebondissantsurlapistedeterrebattue,sescheveuxrejetésenarrièreparla
vitesse, la brûlure dans ses poumons augmentant au fur et à mesure qu’elle accélérait toujours plus.
Mélanie imagina Hailey et Evan courant devant elle. Elle se vit les doubler. L’air choqué d’Hailey.
L’admiration d’Evan comprenant enfin que Mélanie était bien meilleure qu’Hailey... Evan abandonnait
HaileypouressayerderattraperMélanie,maiscelle-cifilaitcommelevent,lelaissantloinderrièredans
unnuagedepoussière.
—Tuvois?Tusouris,ditLemon.
—Ouais.Onafini?demandaMélanie.
Cen’étaitpasenrestantvautréedansunfauteuillevisagetartinédecrèmegluantequ’elleallaitréussir
àselibérerdesesdémons-EvanetHailey.Ilfallaitqu’elleailleàsonentraînementdefootetqu’elle
utiliseunpeudecetteénergie.Enfait,ilfallaitqu’ellesorted’ici,point.
—Ehbien,jesuiscenséetelaissercemasqueencoretroisminutes,maissitutesensrégénérée,mon
boulotestfait,ditLemon.Tutesensrégénérée?
—Vousn’avezpasidée,réponditMélanie.
—Alors,rinçons,déclaraLemonjoyeusement.
Enfin,songeaMélanie.Enfincetteabominableséanceestterminée.
LemonrinçalevisagedeMélanieàl’eautièdeetluitendituneserviettedouceetmoelleuse.Mélanie
n’avaitjamaisriensentid’aussiagréablecontresapeau.Peut-êtreétait-elleunpeurégénérée,aprèstout.
Àmoinsquecenesoitlaperspectivedequittercetendroitquiluidonnaitdesfrissons.
— Merci, dit Mélanie ù la jeune femme en sortant du box « Soins du visage ». En rejoignant les
vestiaires où Regina et elle avaient troqué leurs vêtements contre des peignoirs de l’institut, elle put
presquediscernerlescramponssoussespiedsfraîchementpédicurés.L'entraînementdureraitencoreune
heureetdemie,cequiluidonneraitlargementletempsdedéchargersonagressivité.
Reginal’accueillitavecunsourireradieux.
—Coucou!Tuesprêtepourlemassage?
L’enthousiasmedeMélanieretombad’uncoup.
—Lequoi?
—Lemassage!répétaReginaenselevant.Latouchefinaledenotrejournéedespa.Jenousairéservé
unecabinepourtouteslesdeux.
Mélaniesentitdeslarmesluipicoterlesyeux.Elleavaitétésiprèsdelaliberté.
—MélanieetRegina?
Un homme grand et musclé venait d’apparaître dans l’embrasure de la porte. Avec sa coiffure, il
semblaitsortird’unesériedesannées1970etsonvisagefinementdessinéfaisaitpenserauxcouvertures
desromansàl’eauderose.
— Ici ! dit Regina. Ça va être délicieux, chuchota-t-elle à Mélanie tandis qu’elles suivaient le géant
dans le couloir. Je parie que, après tous ces entraînements de foot, ça ne te fera pas de mal d’être
frictionnée.
Mélanieavalasasaliveavecdifficultétandisquel’hommelesfaisaitentrerdansunepetitepièce.Un
autre type les rejoignit bientôt, même gabarit, mais afro-américain et carrément canon. Mélanie était
debout,tétanisée,etfixaitlesdeuxtablesrecouvertesdedrapsblancs.
Dites-moi que ce ne sont pas ces mecs qui vont nous... frictionner, pria Mélanie au bord de la
panique.
Lepremierfitlesprésentations.
—JesuisCorey,etvoiciBen.C’estnousquivousmasseronsaujourd’hui.
Lachaleurdanslapiècesefitétouffante.Pourtant,Mélaniesesurpritàserrerlecoldesonpeignoir
tandisquesavuesebrouillait.
—Est-cequevousavezdespointsdouloureuxànoussignaler?demandaBen.
EllerêvaitouBenluifaisaitvaguementdel’œil?
—Despointsdouloureux?couina-t-elle.
—Voussavez,desnœudsoudesélancements.N’importequelendroitducorpsquiauraitbesoind’une
attentionparticulière,expliquaBen.
—Oh...non,réponditMélanie.
—Toutvabien,ditRegina.
—OK.Nousallonsvouslaisservousdéshabilleret...
—Dé...quoi?lâchaMélanie.
—...Déshabiller,complétaCorey.
— Vous voulez dire enlever mes vêtements ? Devant vous ? s’exclama Mélanie en se cramponnant
encoreplusfortaucoldesonpeignoiretenreculantdequelquespas.
—Non:noussortironsdelapiècequelquesinstants,expliqualentementlemasseur.
—Etquandvousreviendrez,jeserainue...
—Vouspouvezgardervotreculotteetvotresoutien-gorge,siçavousmetplusàl’aise.Commevous
voulez.
—Maculotteetmonsoutien-gorge?Vousvousmoquezdemoi!gémitMélanie.
—Mélanie,relax,intervintRegina.
—Jesuisrelax!réponditMélanie.
Dosaumur,elleglissajusqu’àlaporte,serranttoujourslespansdesonpeignoir.
— Enfin, je le serais si j’étais à mon entraînement de foot ! C’est comme ça que je me détends : en
courant,entranspirant,endonnantdescoupsdepieddansunballon.Pasenmedéshabillantpourquedes
inconnusmefrictionnent!
—Mélanie,je...
—Non,Regina,jesuisdésolée,maisjenepeuxpasrester,poursuivitMélanie.Jesaisquec’estainsi
que vous concevez un bon moment, et que vous avez très envie que je sois... la fille que vous n’avez
jamaiseueouuntrucdanslegenre,maisjenememaquillepas,jedétesteleroseetlessoinsduvisage...
euh... en fait, si, j’aime bien les soins du visage, mais pour vous dire la vérité, cette séance est un
cauchemar.Ilfautquej’yaille.
Puis elle rentra la tête dans ses épaules et s’enfuit aussi vite que ses orteils brillants et polis le lui
permirent.
Kicker5525:SOS!
TooDamn-Funky:oùes-tu?
Kicker5525:dslebus.pasttàfaitsûrekecesoitlebon.GfuiCancemassageavecR.
TooDamn-Funky:Lt’aemmenéetefRmaC?mstuDtesteskedeslconnustetouchent!
Kicker5525:JEC!
TooDamn-Funky:pqtuneluiasPASDIT?
Kicker5525:jecroiskejeviensdelefR.jecroiskettlespaestocourant.
TooDamn-Funky:wouah.kantuXploses,tuXploses...
Kicker5525:jecommenceàm’enrendrecompte.
TooDamn-Funky:etmaintenant?
Kicker5525:entraînementdefoot.ensuitesûrementpunie,encore.
TooDamn-Funky:t’envoiebonnesondes.
Kicker5525:merci,(smileytriste.)jet’M!
TooDamn-Funky:moiOssi,mazarbiechérie.
15
Ellevametuer.Ellevam’assassiner...
Biensûr,Reginan’avaitpasl’aird’unetueuse.Etpuis,sielleavaitdestendancesàlaviolence,elle
auraitindubitablementdéjàblesséquelqu’undepuisletempsqu’ellecohabitaitavechuitreprésentantsde
la gent masculine. Pourtant, Mélanie ne pouvait empêcher ce refrain de tourner dans sa tête, ni oublier
l’expressiondeReginaquandelleluiavaitannoncéqu’ellepartait.Cemélangededéception,dechocet
d’inquiétude-commesiellecommençaitàsedemandersielleetsonmarin’avaientpasaccueilliune
psychopathe.
—Meade!Qu’est-cequetufaislà?demandaCoachLéonardquandMélanielaissatombersonsacde
gymaupieddesgradins.Jecroyaisquetuavaisuntrucdefamille.
—Ças’estfinitôt,expliquaMélanie,légèrementessouffléed’avoirsprintédepuisleparkingàvélos.
— Eh bien, c’est super, dit la coach. (Elle leva son sifflet et souffla.) Vargas ! Tu laisses ta place à
Meade!
Tina Vargas quitta le terrain en trottinant et fit un signe de tête à Mélanie quand elles se croisèrent.
Celle-cifutlégèrementsurprisedecegestedelapartd’unemembreducampd’Hailey,maisellel’oublia
vite.Toutcequil’intéressaitàcetinstant,c’étaitleballon.Illuifallaitleballon.
—Tuaspuvenir,finalement!s’exclamaAimeetandisqu’ellessemenaientenlignepourlaremiseen
jeu.Ettuesresplendissante!
—Ouais...vivelesprotéinesdeconcombre,grognaMélanie.
La balle vola. Mélanie bondit devant Vithya, arrêtant le ballon sur sa poitrine. Elle commença à
remonter du terrain, évitant Jessica Peraita qui trébucha en essayant de changer de direction. Ensuite,
commedeuxdéfenseuseslachargeaient,ellefitunepasseàRia,contournalesdeuxfillesetsprinta.Elle
étaitseuledevantlacagedesbutsquandRialuifitunepasse.Mélanieregardaverslagauche,feintant
Deena,lagardienne,puisenvoyalaballedanslecoindedroite.Deenamorditlapoussièretandisquele
ballons’enfonçaitdanslefilet.L’équipedeMélaniefonçapourlarejoindre.
—C’étaitdément!s’exclamaAimee.
—Qu’est-cequetufaisais,cematin?Tumangeaisdulion?demandaRia.
Mélaniesouritsansrépondre.EllerejoignitlalignemédianeencourantetfitfaceàHailey,plusque
prêteàrecommencer.CommeMélanies’yattendait,elleavaitbeaufixerHailey,celle-cirefusaitdela
regarderdanslesyeux.
—OK,mesdemoiselles.J’aimeraisbienvoirunpeudedéfense!hurlaCoachLéonard.
Pearl arriva en courant pour déposer le ballon entre les deux joueuses. Au moment où elle leva le
ballon, elle adressa à Mélanie un sourire discret. Mélanie s’éclaircit la gorge et essaya de garder un
visageimpassible.Maiscommec’étaitbond’avoirretrouvésesamies!
LaballetombaetHaileyl’intercepta.Elleremontaleterrainendribblant,Mélaniesursestalons.Son
sangbattaitaussifortquesielleavaitbudouzelitresdecafé.Ellen’allaitpaslaisserHaileyarriveraux
buts.C’étaithorsdequestion.
Hailey se prépara à faire une passe et Mélanie glissa sur le sol, lançant sa jambe droite au moment
précisoùHaileyreculaitsonpiedpourfrapper.LescramponsdeMélaniearrivèrentlespremierssurle
ballonquipartitdansl’autresens,directementsurLisaBronson,ladéfenseusedeMélanie.Lisaeutl’air
presque aussi surprise qu’Hailey, mais elle se reprit en vitesse et ramena la balle. Mélanie bondit et
retraversaleterrainencourant,savourantlabrûluredanssespoumonsetsagorge.Pourlapremièrefois
depuissaconfrontationavecHaileyetEvan,ellesesentaitmerveilleusementbien.
LisafitunepasseàAimeequifutdansl’instantassaillieparKathyCash.
—Centre!hurlaMelanie.Centre!
Aimeedégagealaballepar-dessuslatêtedeKathy,exécutantunepasseparfaitequienvoyaleballon
pileaupieddeMélanie.Ducoindel’œil,elleputvoirHaileyfoncersurelle.Mélaniedribblaversles
buts,sepréparantpourl’impact.Haileylapercutaviolemment,essayantdelafairetomberpourluivoler
leballon.Mélaniegrogna,poussaetlutta.Lamaind’Haileyétaitcolléeàsonvisage,soncoudeenfoncé
danssonventre.Mélaniefermalesyeuxunefractiondesecondepourseprotégerdesdoigtsdelablonde,
shootadansleballon,sedégagead’uncoupdehancheetrouvritlesyeux.Leballonavaitfiléquelques
mètresplusloin.
Ria et Jessica couraient vers lui, mais Mélanie était encore le plus près. Elle fonça sur le ballon et
l’envoyaaussifortqu’elleputàAimee,del’autrecôtéduterrain.Sonamiearrêtalaballependantque
Mélaniecouraitets’arrêtaitjustedevantlesbuts.L’attentiondeDeenaétaitsurAimee.Mélaniecroisale
regarddelagardienneaumomentoùAimeeluifaisaitunepasse.Deenaréagit,maistroptard.Mélanie
bonditetfitunetêtequienvoyaleballonenpleinmilieudufilet.
— C’est pas vrai ! hurla Hailey en se plantant juste devant la gardienne. Deena ! Qu’est-ce que tu
fabriques?Sers-toidetatête!
DeenaépoussetasonépauleettournalentementledosàHailey.
—Onnegagnerajamaisdematchsansdéfense,lesminettes!criaHailey.Etellen’estpassibonneque
ça!
Mélanierit.Elleignoraitsiquelqu’unavaitprêtéattentionàHailey.Detoutefaçon,elles’enfichait.
Deuxbutsenmoinsdedeuxminutesétaitunrecordpourelle.Dupurbonheur.
UncoupdesiffletretentitetCoachLéonardfrappadanssesmainspourattirerl’attentiondel’équipe.
— OK, les filles, on y retourne ! cria-t-elle. Bien joué, Meade. Quand tu te pointes, tu ne fais pas
semblant.
—Merci,Coach,réponditMélanie.
—Allez,mesdemoiselles!Voyonssiquelqu’unpeutl’arrêter!lança le coach qui siffla de nouveau.
Montrez-moidequoivousêtescapables!
Mélanie trottinait vers le milieu du terrain quand Aimee la rejoignit et passa un bras autour de ses
épaules.
—Ellesn’ontencorerienvu!dit-elle.
—Tul’asdit,répliquaMélanie.
Elle prit sa place face à Hailey qui, pour la première fois depuis des lustres, la regardait méchamment.Mélaniesouritdevantsonairméprisantetdéterminé.Elleallaitbiens’amuser...
Mélanieetsescoéquipièress’assirentencercledanslegrandgymnase.Autourd’ellespendaientles
drapeauxbordeauxetordesdiverschampionnatsdisputésparl’écolelesannéesprécédentes.Mélanie
leva les yeux vers la bannière de l’équipe féminine de football accrochée au-dessus de la pendule
encagée.Ledernierchampionnatducomtéavaitétéremportéen1996.
Tout ça va changer cette année, pensa Mélanie en s’appuyant sur ses coudes. Elle se sentait pleine
d’assurance.
—Trèsbien,mesdemoiselles,voussavezcommentçamarche,ditCoachLéonardenfaisantpasserdes
feuillesdepapieretdesstylos.D’abord,vousnommezvoscandidates,etensuitevousprocédezàunvote
anonyme.J’aichargéPearldecompterlesvoix.Sivousavezdesquestions,jesuisdansmonbureau.J’ai
desvidéosdematchsdel’annéedernièreàregarder.Quelenouveaucapitainepassemevoiravantde
partir.Bonnechance.
L’entraîneusefitdemi-tourets’éloigna.Quandlaporteàl’autreboutdugymnasesereferma,Mélanie
jetaunregardcirculaireàl’équipe.Touteslesfilless’observaientaveccirconspection.
—Bon,ehbien,ilmesemblequenousdevrionsproposerlescandidatures,ditenfinPearl.
Jessicalevaunemain.
—JeproposeHaileyFarmer.
Quellesurprise!seditMélanie.
—OK.Hailey,acceptes-tudeteprésenter?demandaPearl.
—Oui,réponditgravementHailey.
—Quelqu’und’autre?demandaPearl.
Riaseredressaetlevalamain.Touteslesfilleslaregardèrent,ébahies.
—Ria?demandaPearl.
—JeproposeMélanieMeade.
LecœurdeMélaniecognadanssapoitrine.
—Quoi?lâchaHailey.Tuasfuméouquoi?
Dansunbrouhahagénéral,Mélaniereplialesgenouxsoussonmentonetserrasesjambescontreelle.
Capitaine. Pourquoi Ria la proposait-elle au poste de capitaine d’une équipe qu’elle venait juste de
rejoindre?Enétait-ellecapable?D’ailleurs,enavait-ellemêmeenvie?
Finalement,unsouriresedessinasursonvisage.
—Bien!fitRiaenlevantlesbras.Votons,d’accord?Cequidoitarriverarrivera.
Haileylafusilladuregard.D’uncoup,toutdevintsicalmequeMélanieputentendresonproprecœur
battre.
—Bon,ya-t-ild’autrespropositions?demandaPearld’untonhésitant.
Silence.
—Alorsàvosstylos,ditPearl.
Haileygribouillaquelquechosesursonboutdepapier,selevaetletenditàPearl.Elleretournad’un
pas assuré à sa place dans le cercle et se rassit. Puis, avec un air détaché, elle croisa les jambes au
niveaudeschevillesets’appuyaenarrièresursesmains.Uneparune,lesfillesrendirentleurbulletinde
vote.Mélanieécrivaitsonnomsursaproprefeuille.
Unefoistouslesbulletinsenmain,Pearls’écartadugroupeetfitsonpointagesurunbloc-notes.
—Hum...ex-aequo...
—Tutemoquesdemoi,ditHailey.
—Non.Septcontresept,confirmaPearlenregardantsonbloc.
— Qui a voté pour elle ? demanda Hailey en repliant ses jambes et en se penchant en avant. Je ne
plaisantepas.Quiavotépourelle?
—Euh...j’aiunprénom,ditMélanieinterloquée.
—Toi,jeneteparlepas,ditHaileyd’untonsec.Jeveuxsavoirquiavotépourellealorsquevous
saveztoutescequ’elleafait.Jesuisavecvousdanscetteéquipedepuistroisans,etseptd’entrevous
votentpourelle?
—Moij’aivotépourelle!annonçajoyeusementRia.
—Ons’endoute,ditHailey.Mais...etlesautres?Vousaveztroplatrouilled’admettrequevousavez
votépourunesaletraîtresseplutôtquepourvotrecapitaine?
Mélanien’enpouvaitplus.Pourquicettefilleseprenait-elle?
—OK!Çasuffit!
MélanielevadesyeuxinterrogateursversAimeequiavaitbondisursespieds.
—Qu’est-cequit’arrive?luidemandasasœur.
— Je ne supporte plus ça, dit Aimee, les mains tremblantes. Je ne peux pas rester assise à t’écouter
mentir.Mélanien’arienfait,d’accord?Ellen’estpassortieavecEvan.Etellenet’apasditnonplus
qu’elleétaitsortieaveclui.Quellequesoitlaversionquevousayezentendue,lesfilles,toutestfaux.
Haileydevinttouteverte.
—Aimee,assieds-toi.
—Non,pasquestion,protestacelle-cienfermantlesyeux.
Mélanievoyaitbienquesonamiedevaitfaireungroseffortpourtenirtêteàsagrandesœur.
—Jet’aientendue,tusais?enchaîna-t-elle.Jet’aientendueraconteràJessicacequetuavaisfait.
Aimeeregardalerestedel’équipe.
—Haileyatoutinventé.Elleétaitivreetjalouse;elleaditàDougqueMélanieetEvanétaientsortis
ensemble alors qu’ils n’avaient rien fait. Et après avoir couché avec Doug et réalise qu’elle avait tout
faux, elle a raconté à Evan que Mélanie lui avait dit qu’ils étaient sortis ensemble afin d’avoir une
excuse.Maiscen’étaitqu’unmensonge.ElleétaitjalousedeMélanie,alorselleluialoinmissurledos.
Lavérité,c’estqueMélanien'arienfaitdutout.
Toutes les filles regardaient Hailey et Aimee, bouche bée. Quant à Mélanie, elle pouvait à peine
respirer.
—Ellement,ditHaileyenhaussantlesépaulesetenéclatantd’unrirequ’onsentaitforcé.Jevousjure,
parfoisjen’arrivepasàcroirequenoussommessortiesdumêmeventre.
Quelquesfillespouffèrent.
—Elleatoutinventé!s’exclamaHailey.Lesfilles,vousn’allezquandmêmepaslacroire!Jessica,
dis-leur!
Jessicapâlitetregardasescompagnes.
—Je...euh...
Quelquesjoueuseséchangèrentunregardentendu.
— Personne ne pourrait inventer une histoire pareille, Hailey, intervint Ria. À part toi, peut-être,
ajouta-t-elledanssabarbe.
—Jesuisdésoléedenerienavoirditavant,Mélanie,s’excusaAimeeensetournantverssonamie.Je
nesavaispasquoifaire.
—Pasdeproblème,ditMélanieavecunpetitsourire.
Ellecomprenaitbienquelechoixn’avaitpasétéévidentàfaire.
—Jecroisquenousdevrionsvoterdenouveau.
Deenavenaitdebriserunsilencepesant.
—Quoi?s’exclamaHaileyensetournantverselle.Deena!
MaisDeenasecontentadelafixer,impassible.Haileylâchaunsoupirindignéetconsultalesautresdu
regard.Touteslesfillesdétournèrentlatête.MélanieobservaHaileyqui,paniquée,réalisaitqu’ellese
retrouvaitseule.Touts’écroulaitautourd’elle.Mélanieavaitvéculamêmechoseilyavaittrèspeude
temps.
—Lesfilles,jenecroispasquetoutcecidoiveinfluersurl’électionducapitaine,intervintMélanie.
—Hein?s’étonnaRia.
—Onvotepourchoisirquimèneranotreéquipe,expliquaMélanie.Paspoursavoirquiamenti.
Toutlemondelaregardaensilence.
—OK.Onrevote,ditRia.
—Ilfallaitqu’onlefasse,detoutefaçon,expliquaPearl,pragmatique.Ilyadeuxnomsex-aequo.
—Ouais,parcequelamoitiéd’entrevoussontdingues,sifflaHailey.
Maisl’expressionsursonvisagetrahissaitsonmanqued’assurance.
Pearlfitletourducerclepourredistribuerdesfeuilles.Lentement,lesjoueusesécrivirentleurchoix.
Mélaniesentaitsoncœurfairedesbondsdanssapoitrine.
Une fois encore, Hailey fut la première à rendre son bulletin, mais, ce coup-ci, elle resta debout
pendant que Pearl procédait au dépouillement. Le comptage prit deux fois moins de temps que la
premièrefois.Mélanieretintsonsouffle.
— Le résultat est de trois voix pour Hailey et onze pour Mélanie, annonça Pearl solennellement.
MélanieMeadeestnotrenouvellecapitaine.
Mélanie fit un beau dérapage en s’arrêtant devant l’appentis. Elle poussa la porte du petit studio de
Finn,surexcitée.
—Hé!Qu’est-cequisepasse?demandaFinnensouriant.
—Jesuiscapitaine!J’aiéténomméecapitaine!annonçaMélanie,àboutdesouffle.
—Quoi?Tuplaisantes!s’exclamaFinndontlevisages’illumina.C’estgénial!
—Oh!la!la!C’étaittropcool!commençaMélanieenmarchantversluietenletirantparlamanche
pourqu’ils’assoiesurlebanc.D’abord,onavoté,maisilyaeuégalité.Ducoup,Haileyaflippéetm’a
traitée de traîtresse et de sale menteuse, et Aimee s’est levée pour dire à tout le monde que la sale
menteuse,c’étaitHailey!
—Waouh.Sérieux?
—Ouais!Çaafaittoutunfoin!Maisensuite,onarevotéetj’aigagné!Jen’arrivetoujourspasày
croire!
—Ehbien,félicitations,ditFinn.
—Merci.J’avaistrophâtedetel’annoncer,ditMélanieavecungrandsourire.Tuauraisdûvoirsa
tête.Onauraitdit...
Mélanies’interrompitd’uncoup-c’étaitFinnquifaisaitunedrôledetête,àprésent.Ilnesouriaitplus.
Ilsemblaitavoirarrêtéderespirer.
—Qu’est-cequ’ilya?demandaMélanie.
Il l’observait. Scrutait son visage, de sa mâchoire à ses pommettes en passant par ses mèches
indisciplinées.
Finntenditlebrasetpassarapidementunemaindanslescheveuxdelajeunefille,lesrepoussanten
arrière.
—Ça,dit-il.
Etlà,ilsepenchaverselleetl’embrassa.Pendantunbrefmoment,Mélanierestapétrifiée.Ellen’avait
aucune idée de ce qu’elle devait faire. Elle ignorait s’il fallait qu’elle bouge les lèvres, les mains, et
mêmecommentrespirer.
Embrasse-le,pourl'amourduciel!sedit-elle.
Elleétouffaalorsunrirepleind’embarrasetdejoie,etselaissaaller.Elletenditlebraspourattraper
maladroitement sa manche. Une main de Finn se plaça en coupe derrière sa tête et l’autre se posa
légèrementsursongenou.LapeaudeMélanies’enflamma.Finnétaitentraindel’embrasser.Finn était
entraindel’embrasser!
Ilsereculatoutd’uncoupetlaregardadanslesyeux.
—Çava?demanda-t-il.
Muette et à bout de souffle, Mélanie hocha la tête. Tout ce qu’elle voulait, c’était ses lèvres sur les
siennes.Ilsouritetl’embrassadenouveau.Cettefois-ci,Mélanieglissasurlebancetpenchasoncorps
un peu plus vers le sien. Elle n’arrivait pas à croire à la perfection de cet instant : excitant, joyeux,
palpitantetdouxàlafois.
Et,toutàcoup,ellecomprit:çaavaittoujoursétéFinn.
Celuiavecquiellevoulaitpartagertouteslesbonnesnouvelles.Celuiàquiellepouvaitparler.Celui
auquel elle pensait quand quelque chose de drôle, de bizarre ou d’intéressant lui arrivait. Finn était
intelligent,comiquegentiletattentionné.
Pourquoi ai-je perdu tant de temps à penser à Evan ? se demanda-t-elle tandis que Finn faisait
doucementglissersondoigtlelongdesajoue.
Derrière Mélanie, la porte laissa échapper un petit couinement familier et Finn s’écarta d’elle si
brusquement qu’elle faillit tomber. Pas assez vite, cependant : Regina se tenait dans l’embrasure, bras
croisés.
Mélanie avala une gorgée d’air et regarda Finn. Ouais, Finn McGowan était un garçon merveilleux.
Mais,maintenant,c’étaitaussiunhommemort.
De:[email protected]
À:[email protected]
Objet:Oh!la!la!
J’AI EMBRASSÉ FINN ! J'AI EMBRASSÉ FINN ! OH ! LA ! LA ! J’AI EMBRASSÉ FINN ! OÙ
ES-TU???
16
Assisebiendroitesurunechaisedelacuisine,Mélanieflottaitquelquepartentrel’extaseetlaterreur.
Dans la pièce voisine, Regina et John discutaient à voix basse, sans doute au sujet d’une décision à
prendre qui la concernait. Mélanie savait qu’elle ferait bien de se préparer à la discussion qui allait
suivre,maisellenepouvaits’empêcherdepenseràFinn.Et,chaquefois,elletremblaitdebonheur.
Ellesentaitencorelacaressedesondoigtsursajoue,samaincourantdanssescheveux.Seslèvres
frissonnaientencoredeleurbaiser.Lafaçondontill’avaitregardéel’avaitfaitsesentirsibelle...
Regina et John entrèrent dans la pièce, l’air épuisés et préoccupés. Ils la considérèrent un instant en
silence.
—Ehbien,pourêtrehonnête,Mélanie,nousnesavonspasquoifaire,ditenfinJohnensefrottantla
nuque.Tuconnaissaislesrèglesetnousespérionsquelapunitiondelasemainedernièreauraitremisles
chosesauclair,maisapparemmentpas.Alors,qu’est-cequ’onfait?
Mélanieluijetaunregardperplexe.
C’estalorsqueFinnentradanslapièce,etlesyeuxdeMélanies’illuminèrent.
—Salut.Jesaisquevousm’avezditd’attendredansmachambre,maisj’aiquelquechoseàdire,dit-il
enfrottantsespaumessursonjean.
—Trèsbien,ditRegina.
Ellesemblaitespérerquel’interventiondeFinnrégleraitlasituation.
Legarçons’éclaircitlagorge.
—Cen’étaitpaslafautedeMélanie.C’estmoiquil’aiembrassée.Moiseulmérited’êtrepuni.
—Bienessayé,gamin,maisilfautêtredeuxpourdanserletango,ditJohn.
—Oui,jesais,techniquement...,insistaFinn.MaisMélanienem’apasrendumonbaiser...n’est-cepas
?
Aufuretàmesurequ’ilparlait,Finndevenaitdeplusenplusrouge.IlregardaMélanie,lessourcils
haussés, attendant qu’elle confirme sa version de l’histoire. Mélanie n’arrivait pas à croire ce qu’elle
entendait.Avait-elleétéassezmaladroitepourqu’ilcroiequ’ellenel’avaitpasembrassé?Ouétait-ilen
traindeseconduirecommelemeclepluscooldelaTerrepourlasauver?
—C’estvrai,dit-ellepourfinir.C’estarrivécommeça...
Ellenesavaitpasquoidired’autre.ReginaetJohns’interrogèrentduregard.Finalement,Johnlâchaun
soupir.Leursoulagementn’échappapasàMélanie.
—Bon,trèsbien.Finn,tuconnaissaislesrèglesettulesasignorées,donctuespuni...encoreunefois,
ditsonpère.Tuirasencours,tuferastesdevoirs,etc’esttout.Pendantdeuxsemaines.
—Etlestudio?demandal’adolescent.
—Pasdepeinturenonplus,ditsonpère.Compris?
Pendant un bref instant, Finn sembla vouloir discuter, mais, après un bref coup d’œil à Mélanie, il
baissalatête.
—Ouais,compris.
—Parfait.Montedanstachambre.
Finnfitdemi-touretgrimpalesmarchesd’unpaslourd.Mélaniemouraitd’enviedecourirlerejoindre
pourleremercier,maiselleseretint,estimantqueçaneferaitpastrèsbonneimpression.
—John,j’aimeraisparleràMélanieseuleàseule,siçanet’ennuiepas,ditRegina.
Mélanieseraidit.Ellen’avaitpasvuReginadepuissonesclandreauspalematin,etlesévénementsde
l’après-midileluiavaientpresquefaitoublier.
—Biensûr,ditJohn.
Ilhésitaunmoment,faisantuneffortpourregarderMélaniedanslesyeux.
— Je ne sais pas très bien comment formuler ça, alors je vais juste le dire. Je suis désolé du
comportementdemesfils.Sil’und’entreeuxt’amise-temetmalàl’aise...
—Oh,non!Toutvabien,lerassuraMélanie,mortifiéeàl’idéequeReginaetJohnpuissentcroireque
Finnavaitabuséd’elle.
—Tuessûre?insistaJohn.Parcequeçanemeposeaucunproblèmed’allerbroyerquelquescrânessi
besoin.
—John,iln’yapasdeproblème,intervintReginaenriant.
Elleposaunemainrassurantesurl’épauledesonmari.
—Vavoirtonmatch.
—Bien.D’accord,ditJohn.
Puisilsouritd’unairpenaudetsortit.
—Net’occupepasdelui.Cesontlestestostéronesquiparlent...,ditRegina.Maisjesupposequetu
commencesàavoirl’habitudedecegenrederéactions!
—Ouais,jesuppose,ditMélanie.Regina...jesuisvraimentdésolée.Jen’auraisjamaisdûpartirdu
spacommeça.J’aiétébrutale,irrespectueuseetjem’enveux.
—Tun’aspasàt’excuser,Mélanie,ditReginaens’installantsurunechaiseenfaced’elle.Jenet’ai
jamaisdemandésicetteséanceteferaitplaisiravantdefairelaréservation,etj’auraisdû.Doncc’est
moiquisuisdésolée.
— Vous vouliez juste être gentille, dit Mélanie, pleine de culpabilité... (Ses parents seraient
profondémentdéçuss’ilsapprenaientlamanièredontelleavaittraitéRegina.)Mepomponner,merelaxer
ettouscestrucs-là,cen’estpasmatassedethé,ajouta-t-ellepouressayerdes’expliquer.
—...Etj’auraisdûm’enrendrecompte,ditReginaquilaregardaitd’unairdoux.Jecroisquej’étaissi
excitéeàl’idéequ’ilyaituneautrefilledanslamaison...
—Aulieudeça,vousvousretrouvezavecunautregarçon,conclutMélanieenbaissantlesyeux.
—Non!Pasdutout!protestaRegina.
ElleattrapalamaindeMélaniepar-dessuslatable,laforçantàlaregarder.
—Jemeretrouveavecunefillequisaitquielleestetquiesttrèsdouéepourl’affirmer.
Mélaniesourit,stupéfaite.
—Bon,finitpardireReginaenlibérantlamaindeMélanie,danscettemaison,quandquelqu’unestélu
capitainedesonéquipedefoot,ilchoisitledessert.
—Commentêtes-vousaucourant?demandaMélanie.
— Je suis tombée sur Pearl Porcoro et sa mère au supermarché, après votre entraînement, expliqua
Reginadansunsourire.Alors?Dequoias-tuenvie?
Mélanie songea à sa mère. Elle n’avait rien d’une grande cuisinière, mais il y avait quelques plats
qu’ellepréparaittrèsbien,dontunqueMélanieadorait.
—Jetueraispourmangerunapplepie.
—C’estcommesic’étaitfait!
— Je crois que je vais appeler mes parents pour leur annoncer la nouvelle, si ça ne pose pas de
problème,ditMélanieenselevant.
—Vas-y,ditRegina.Ilsvontêtreravis.
Mélaniemontal’escalieràtoutevitesse,brûlantd’unenouvelleénergie.Entrelerésultatduvote,Finn,
lanon-punitionetle«momentRegina»,elleétaitplusqueprêteàpartagersonexcitation.Biensûr,ses
parentsn’entendraientparlerquedesonpostedecapitaine,maisainsielleseraitdixfoisplusexcitéeen
enparlant.
DèsqueMélanieeutterminélaconversationavecsesparents,onfrappaàlaportedesachambre.
—C’estFinn.Jepeuxentrer?
LecœurdeMélaniesemitàbattrelachamade.
—Ouais,entre.
Ellelissasescheveuxenarrière,regrettantdenepasavoirprisunedouche.
Finnouvritgrandlaporte.
—Salut.
—Salut.
Ilétaittellement,tellementbeau.Cesyeuxbleu-gris,sescheveuxblondsmi-longs.Ellepouvaitencore
sentirsonodeur-cemélangedecotonfraîchementlavéetdepeinturequiluipicotaitlesnarines.Lapeau
deMélanieétaittoujourstièdeàl’endroitoùlesbrasetlesmainsdeFinnl’avaienttouchée.Ellen’avait
qu’uneenvie:l’embrasser.Ressentait-illamêmechose?
—Jevoulaisjustevérifierquetoutallaitbien,dit-il,deboutsurlepasdelaporte.
—Ouais,çava,ditMélanie.Mercipour...cequetuasditdanslacuisine.Tun’étaispasobligé.
—Ouais,bon.Detoutefaçon,j’avaisdelalectureenretard,dit-ilavecunpetitsourire.
Mélaniebaissalesyeux.Lesorteilsdugarçonnedépassaientpaslaligneentreleplancherfoncédu
couloiretcelui,plusclair,desachambre.
—Tuveuxentrer?demanda-t-elle.
Finnregardasursadroitedanslecouloir.
—Hum...Jenecroispasquecesoitunetrèsbonneidée.
Mélanie comprenait qu’il n’ait pas envie de s’attirer plus d’ennuis. C’était la dernière chose qu’elle
souhaitait. Quoique... À cet instant, elle aurait été capable de risquer d’être punie jusqu’à la fin de
l’année rien que pour se blottir contre lui. Il était clair que Finn ne souffrait pas autant. Autrement, ça
n’auraitpasétéaussifacilepourluideresterplantésurleseuildesachambre.
—Bon,enfin,voilà.Jesupposequejeferaismieuxderetournerdansmacellule.
Mélanieseleva.Peut-êtrequesielleserapprochaitunpeudelui,ilnepourraits’empêcherdetendre
lebraspourlatoucher.
—OK,dit-elle.
Finn la regardait dans les yeux. Embrasse-moi, pensa-t-elle en s’essayant à la télépathie. Embrassemoi,embrasse-moi,embrasse-moi!
—Hé!Finn!J’espèrequetuesdanstachambre,criaJohndurez-de-chaussée.
—Bon,àplus,soufflaFinn.
Etildisparut.
Lelundimatin,enentrantdanslestoilettesdel’école,Mélanietombasurladernièrepersonnequ’elle
avaitenviedevoir:Hailey.Ilétaitclair,àvoirsonvisageboursouflé,qu’elleavaitpleuré.Penchéeaudessusdulavabofaceaumiroir,elleessayaitderectifiersoneye-liner.Mélanierestafigéeunpetitpeu
trop longtemps, tiraillée entre l’urgence de s’enfuir et sa volonté nouvelle de se montrer forte. Mais,
avantqu’ellenepuissedéciderquoiquecesoit,Haileylevalesyeux,s’éclaircitlagorgeetsouffla:
—Salut.
Mélaniefitquelquespashésitants.
—Toutvabien?luidemanda-t-elle,plusparréflexequ’autrechose.
—Tun’aspasbesoindefairesemblantdet’inquiéter,ditHaileyenlaissanttombersoneye-linerdans
unpetitsacdetoile.
Sontonn’étaitnisarcastiqueniagressif,simplementfatiguéettriste.
—Jenefaispassemblant...dumoins,jenecroispas,ditMélanieens’appuyantcontrelelavabo.
—Ehbien.Toutlemondemedéteste,c’estofficiel,annonçaHaileyavecunhaussementd’épaules.
Elleremitfébrilementsesaffairesdanssonsacàdos,faisanttomberunebrosseetunsprayposéssurle
comptoir.
—MêmeJessicam’ignore.Quellehypocrite!
LeursyeuxserencontrèrentdanslemiroirquandHaileychargeasonsacsursesépaules.Celle-ciprit
unegrandeinspirationetseretourna.
—Écoute,jenevaismêmepasessayerdet’expliquer,dit-elle,toutefragile.C’estjustequejel’aime
vraimentet...
—C’estbon,jecomprends,ditMélanie.
Sauf qu’elle n’en était pas tout à fait sûre. Après tout, elle n’avait jamais été amoureuse elle-même.
Mais elle ne pouvait pas rester là à regarder Hailey s’effondrer sans faire preuve d’un peu de
compassion.
—Non,tunecomprendspas,ditHailey.Jenesuispasaussiprisedetête,normalement.C’estjuste...
Çaavaitunsensàcemoment-là,tuvois?Çatenaitdebout.Enfait,j’aitoutgâché.
—Ehbien,jesupposequetoutlemondepeutsetromper,ditMélanie.
ElletirauneservietteenpapierdudistributeuretlatenditàHailey.
Haileylapritetsetamponnalecoindel’œil.
—Pourquoies-tusisympa?demanda-t-elle.
Mélaniebattitdespaupières.
—Honnêtement,jen’enaiaucuneidée.
Etlà,soudain,ilseproduisitquelquechosedetrèsétrange:elleséclatèrentderire.PourMélanie,le
faitderireavecsonennemiejuréependantquecelle-cifaisaitsonpossiblepournepaspleurerfutune
libération. Elle voulait seulement que les choses redeviennent simples. Il n’y avait aucune raison pour
que tout le monde soit aussi malheureux. En plus, après ce qui venait de se passer avec Finn, Hailey
pouvaitparfaitementrécupérerEvan.Mélanien’enavaitplusrienàfaire.
—Jesuisdésolée,ditHaileyenfaisantunebouleaveclaservietteenpapier.Tun’aspasidéecomme
jem’enveux,ajouta-t-elled’untonamer,etMélaniesavaitqu’ellepensaitàEvan.
EnregardantHaileyfairetantd’efforts,ellesesurpritàlaplaindreprofondément.Ellesentaitqueles
semaines qui allaient suivre seraient pires pour Hailey que les quelques jours qu’elle-même venait de
traverser.
—C’estbon,ditMélanieenhochantlatête.
Haileylaissaéchapperunsoupiretjetalaserviette
enpapierdirectementdanslacorbeille.
—Nemedispasquetujouesaussiaubasket,ditMélanied’untonléger.
Haileylaregardaetsoupira.
—Cetteannéevaêtretrèslongue.
Mélanie déposa son plateau à leur table habituelle et regarda vers la cour. Miller était assis dehors,
écouteurssurlesoreilles,concentrésurunmatch.Elleavaitétésurprisedenepasletrouveràl’entréede
lacafétériaoùill’avaitattenduetoutelasemaine,maismaintenantelleétaitencoreplusconfuse.
—Qu’est-cequisepasseavecMiller?demandaRiaens’asseyant.
—C’estexactementcequejemedemandais,réponditMélanie.
— Il a dit qu’il n’avait pas le droit de s’asseoir avec toi, intervint Aimee qui secouait son jus de
pommeenregardantMélanie.
—Pasledroitdes’asseoiravecmoi?répétacelle-ci,perplexe.C’estbizarre.Jevaisluiparler.
—Dis-luiqu’ilnousmanque!ditPearlenouvrantuneboîtedeperles.
Mélanieallaits’éloignerquandHaileyapparutavecsonplateau.
—Salut,dit-elleavecunsourireforcé.
—Euh...salut,réponditMélanie.
—Qu’est-cequisepasse?demandaAimeed’untonsoupçonneux.
—Jessicaetlesautressecomportentcommesiellesavaienttoutesleursrègles,alorsjemedemandais
sijepourraism’asseoiravecvouspendantquelquesjours,ditHailey.
Mélaniesentitlesregardsdesesamiesbraquéssurelle.Ellehésita.Ellepouvaitencaisserdesexcuses
larmoyantes dans les toilettes, mais déjeuner avec Hailey la semaine entière, c’était un peu trop lui
demander.L’expressionsupplianted’Haileyfitpourtantfondresesrésistances.Lahonted’êtrevueassise
seuleàlacafétériaétaitsansdoutesonpirecauchemar.
—Biensûr,réponditfinalementMélanie.
Aimee suffoqua. Pendant quelques instants, personne ne parla. Mélanie s’était assise et enroulait des
spaghettis autour de sa fourchette. Il fallait que quelqu’un dise vite quelque chose, sinon elles allaient
toutess’étoufferenmangeant.
—Alors,vousêtesprêtespournotrepremiermatch?demandaenfinAimee.
—Unpeu,oui!s’exclamaRia.
—Nosadversairesontunnouveaugardiendebut,ditHailey.Ilparaîtqu’elleestdouée.
—Coachditqu’elleestgauchère,etdoncqu’elleestvulnérablesursonflancdroit,ditMélanie.Ilfaut
qu’onexploitecettefailleaumaximum.
—Hum,lesfilles,jeréfléchiraiavantdevousconfiermespointsfaibles,plaisantaJenna,dontlesyeux
brillaientderrièreseslunettes.
—Hé,Hailey,tuveuxunbracelet?offritPearl.
Toutlemondesetournaverselle.Fairelaconversationétaitunechose.Offrirdescadeauxuneautre.
—Euh...biensûr,ditHailey.
Profitantdecequ’Haileys’étaitretournéepourchercherquelquechosedanslapetitepocheextérieure
desonsacàdos,RiafonditsurPearl.
—Tuvasluifairedesbijoux?chuchota-t-elle.
—Qu’est-cequeçapeutbienfaire?murmuraPearlenretour.
—Cettenananeméritepasqu’onluifassedescadeaux!répliquaRia.
—Ben...jepeuxplusrevenirenarrière,ditPearl,l’airmisérable.
Mélanie observa Hailey dont les fouilles s’intensifiaient. Il était évident qu’elle ne perdait pas une
miettedelamessebasseencours.
—Voussavezquoi,lesfilles?Pasdeproblème,jen’aipasbesoindebijoux,déclaraHaileyensortant
untubedegloss.
Quelquechosejaillitdusacenmêmetempsetatterritpileaucentredelatable,devantMélanie.C’était
unpetitécussonbordéd’or.Dessus,onlisaitCAPITAINEenlettresbordeaux.
Toutessefigèrent.Mélanien’auraitpuendétacherlesyeuxmêmeaveclameilleurevolontédumonde.
—Qu’est-cequec’est?demanda-t-elleenfin.
—Oh,c’estjuste...Mamèremel’avaitfaitfaire...tusais,balbutiaHaileyenleramassant.C’étaitpour
lavestedemonuniforme.
Elles’interrompit.Aimeegigotasursonsiège,l’airmalàl’aise.Mélanieeutenviededisparaître.
—Enfin,bref.Jesupposequemaintenanttupeuxl’avoir,finitpardireHaileyenlelaissanttombersur
leplateaudeMélanie.
Cettedernièrenevoulutmêmepasytoucher.Ellesongeaàsonéquipe,auTexas,etàlapertequ’elle
avaitressentieenréalisantqu’ellen’enseraitjamaiscapitaine.Devoirpasserlebadgedecapitaineàune
inconnueluiauraitbrisélecœur.
—Hé,lesfilles,voussaviezqueM.McKennasortavecMarcySherman?lançaRia.
—Beurk!Dégueu!s’exclamaPearl.
—C’estqui,MarcySherman?demandaMélanie,raviedecettediversion.
—Elleétaitélèveici,ditHaileyenattrapantsabouteilled’eau.Ellen’aquedeuxansdeplusquemoi.
—Ouf!C’estn’importequoi,ditJenna.M.McKennaestvieux.
La conversation continua de battre son plein. L’écusson était toujours sur la table. Mélanie attendait
qu’Haileyleramasse,maisellesavaitque,silesrôlesétaientinversés,ellenevoudraitcertainementpas
quecetructraînedanssonsacetluirappellelaplacedecapitainequiluiétaitpasséesouslenez.Même
siellen’avaitpaspardonnéàHaileycequ’elleluiavaitfait,ellesesentaitdésoléepourelle.
Commentpouvait-onàlafoisdétesteretplaindrequelqu’un?
Pourquoilavieétait-ellesicompliquée?
De:[email protected]
A:[email protected]
Re:Oh!la!la!
Tu as embrassé FINN ??? Pas EVAN... FINN ??? QUAND? POURQUOI? COMBIEN DE
TEMPS? COMMENT PEUX-TU ME DONNER CETTE INFO SANS COMMENTAIRE ? Et,
excuse-moi,maisoùes-TUpassée!????
-------Messaged'origine------De:[email protected]
À:[email protected]
Objet:Oh!la!la!
J’AIEMBRASSÉFINN!J’AIEMBRASSÉFINN!OH!LA!LA!J’AIEMBRASSÉFINN!OÙES-TU???
17
—Tuessûredetoi,Meade?demandaCoachLéonard.
—Ouais,Coach.Jesaisqueçaal’airdingue,maisjesuissûrequec’estlabonnedécision.
Onfrappauncouprapideàlaportedubureau.MélanieseretournaaumomentoùHaileypassaitlatête
dansl’embrasure.
—Salut,Coach.Vithyam’aditquevousvouliezmevoir?ditHailey.
Elles’immobilisaenvoyantMélanie.
—Ouais,Farmer.Assieds-toi,ditl’entraîneuse.
Haileyselaissatombersurlachaiseàcôtéde
Mélanieetdisposasoigneusementsavestesursesdeuxsacsparterre.Toutd’uncoup,ellesemblait
petiteetfragile,commeunenfantquiattendraitd’êtrevaccinécontreletétanos.
—Bien,Farmer,jet’explique.Meadevientdemedirequelevotepourlanominationducapitaine
n’avait probablement pas été juste, dit Coach Léonard en s’avançant sur son siège pour appuyer ses
épaisavant-brassurlebureau.
—Commentça?demandaprudemmentHailey.
—Sij’aibiencompris,vousétiezex-aequoaupremiertour,puisungenrederagotauraitinfluencéle
secondvote,dit-elleenregardantHaileydroitdanslesyeux.Çatesemblecorrect,commeinterprétation
?
MélanieetHaileyéchangèrentunregard.Haileysemblaittoujoursconfuse.
—Ouais,dit-elle.
CoachLéonardtapotaitleborddesonbureauavecunfeutre.
—Ehbien,jedoismalheureusementreconnaîtrequecegenred’incidents’estdéjàproduit-c’est-àdirequedesélémentssansrapportavecl’équipeaffectentlevote,expliqual’entraîneuseenserenfonçant
danssonsiège.Parcontre,c’estlapremièrefoisendouzeansqu’uncapitainevientmedemandersielle
peutrepassersontitreàuneautrejoueuse.
—Quoi?s’exclamaHaileyensetournantversMélanie.Tuplaisantes?
— Pour moi, ça n’a aucun sens d’être capitaine, expliqua Mélanie en se redressant. Tu es là depuis
beaucouppluslongtempsettuastoujoursétélameneusedecetteéquipe...Sijen’avaispasététransférée
danscetteécole,ilestclairquetuauraisgagné.
—Non,mais...est-cequetut’entends?Turéalisescequetuesentraindefaire?demandaHailey.
—Ouais,trèsbien,réponditMélanie.
—Jenecomprendspas,ditHailey.J’aiététellement...
Elle s’interrompit et elles regardèrent leur entraîneuse qui ne perdait pas une miette de leur
conversation.
—Quoi?Tuasététellementquoi?demandaLéonard.
— Rien, répondit Mélanie. Écoute, Hailey, je ne suis pas en train de te dire que je veux que nous
soyonslesmeilleuresamiesdumonde.Jeconsidèresimplementquec’esttoiquidevraisêtrecapitaine.
Enplus,tuesenterminaleetmoienpremière.C’esttadernièreannée.
Hailey se radossa, abasourdie. Mélanie jeta un coup d’œil à Coach Léonard. Il était temps que
l’autoritésuprêmeintervienne.
—Bon,mêmesij’adorelespetitsdramesdel’après-midi,ilyaunmatchquinousattend.Jevaisdonc
devoirtrancher,annonçacelle-cienarrangeantunepiledepapierspoursedonnerunpeudetempspour
réfléchir.Meade,touthonorablequesoittonidée,onnepeutpasignorerlerésultatduvotedel’équipe,
alorsjeproposeuncompromis.Àpartirdemaintenant,vousêtestoutesdeuxcocapitaines.Vouspensez
pouvoiryarriver?
MélanieregardaHailey.Travailleravecelletoutelasaisonpourmenerl’équipe?Ellen’étaitpassûre
qu’ellesenseraientcapablessanss’entretuer.
—Çam’al’airjuste,ditHaileyd’untonhésitant.
—Nousétionsex-aequoaupremiertour,ajoutaMélanie.
—OK,tranchalacoach.Etmaintenant,allezenfilervostenuesetbrisonsduBlackBear!
Mélanierassemblasesaffairesetsortit.Haileyaccéléraunpeulepaspourlarattraper.
—J’espèrequetuesprêtepourcematch,lanouvelle!ditHaileyquisouritàMélanieenluiouvrantla
portedesvestiaires.
—Contente-toideregarderetd’apprendre,larembarraMélanied’untonenjoué.
Mélanie se précipita dans la maison. Elle avait tant de nouvelles à annoncer qu’elle se sentait près
d’exploser.Nonseulementelleavaitmarquélebutfinal,maisenpluslematchs’étaitdéroulésansune
faute.EllesavaientdominélesBears,etlebruitcouraitquecepourraitbienêtre2eannéedel’équipe.
Haileyetelleallaientlamenerjusqu’auchampionnatfinal.C’étaitpeut-êtreunpeuprématuré,maisça
n’empêchapasMélanied’êtresurexcitée.
UnrugissementmontadelacaveetMélaniedévalalesmarches,horsd’haleine.CalebetIantenaient
lesmanettesdelaconsoledejeux,Calebassissurlesgenouxd’Evan.Surlecanapé,contrelemurdu
fond, Doug était avachi à côté de Miller qui lisait Sporting News. Mélanie fut déçue de l’absence de
Finn,maiscelanel’arrêtaqu’uneseconde.
—Lesmecs!Vousn’allezpaslecroire!MonéquipevientdebattreHacketstown4-0!s’exclama-telle.Vousauriezdûvoirça!Onétaitàfond!Ilfautabsolumentquevousveniezassisteràundemes
matchs!
Pasunmot.Pasunregard.
—Allô?Vousm’avezentendue?ditMélanieenagitantlamain.
La tête de Miller plongea un peu plus dans son magazine. Evan fixa l’écran de la télé en serrant les
dents.Calebcommençaàsetortillerenregardantsesfrèresl’unaprèsl’autre.
Mélaniesentitsonestomacsenouer.Nonseulementilsfaisaientexprèsdel’ignorer,maisenplusils
avaient réussi à faire entrer Miller dans leur jeu. Voilà pourquoi il n’avait pas eu le droit de déjeuner
avecellecejour-là.Apparemment,ilyavaiteuuneautreréunionetlamiseenquarantainedeMélanie
avaitdenouveauétévotée.
Mélaniesecoualatête.
—Jenevouscomprendspas,lesmecs,dit-elle.Qu’est-cequej’aifait,cettefois?
—Finnaétépuniàcausedetoi,ditenfinIan.
—Ouais,etilallaitmemontrercommentpasserledeuxièmeniveaudeHalo2,ronchonnaCaleb.
Mélanieéclataderire.
—Cen’estpaspossible...Vousvousmoquezdemoi.
Maisilsnelaregardaienttoujourspas,etaucunnerit.D’uncoup,toutelabonnehumeurdeMélanie
disparut,faisantplaceàunecolèresourde.
—Comptez-vousmemettresurledostoutcequisepassedanscettemaison?demanda-t-elle.
—Finnn’auraitpascroquédanstescookiessitunelesluiavaispasagitéssouslenez...,semoqua
Doug.
—C’estçaquis’estpassé,d’aprèsvous?s’exclamaMélanie.Jel’aiallumé,ouuntrucdanslegenre?
Ehbien,legangster,unflashinfospécialpourtoi:ilm’aembrassée,d’accord?Non,maisc’estpasvrai
!Iln’yenapasunquipourraitassumerlaresponsabilitédesesactes?J’enairaslebol!
—Oh,oh,attention!Lafillettevanousfaireuncacanerveux,ditDougenlevantlesmains.
CalebetIanéclatèrentderire.MélaniefusillaDougduregard,etilfinitpardétournerlesyeux.
—Vousdeux,depuisquandêtes-vousenpositiondevousmoquerdemoi?demandalajeunefilleen
marchantsurIanetCaleb.Voussavezcombiendefoisj’auraispuvousdénonceravectouslestrucsque
vousm’avezfaits?Vousêtesrentrésdansmachambre,vousavezbousillémesvêtements,vousm’avez
volémonmaquillage,vousavezcrevémespneus.Etquisaitquoid’autre?Maisjen’airiendit.Jevous
aicarrémentcouverts.
LesgarçonsregardèrentleurspiedsetMélaniepoursuivit.
—Ettoi,Miller.Tun’auraisjamaisparléàAimeesijen’avaispasétélà.
—Tuparlesauxfilles,maintenant,l’Attardé?demandaDoug.
—Ettoi!s’exclamaMélanieensetournantversDoug.Quelquepartaufonddetoncerveauobtus,tu
saisquetuasuneénormedetteenversmoi.
—Dequoituparles?intervintEvand’untoncoupant.
—Alorstoi,nemecherchepas!ditMélanie,lesyeuxétincelantsdecolère.Cen’estpasmoiquiai
couchéavectacopine,alorsarrêtedemetenirpourresponsable.Çat’arrangetrop!
Evanlafixaunlongmomentavantdesetournerdenouveauverslatélé.
— Vous êtes tellement inconsistants, les gars ! Vous ne vous préoccupez que de vous. Vous vous en
fichezqueFinnsoitpuni«àcausedemoi».Vouscherchiezjusteunenouvelleoccasionpourmemettreà
l’écart, parce qu’ainsi vous vous sentez super virils. Eh bien, laissez-moi vous dire une chose, les
garçons:pourmoi,vousêtesloind’êtredeshommes.Vousn’êtesqu’unebandedebébéschouineurs.
LesyeuxdeDougbrillèrent,maisquandilvitqueMélanies’étaitrenducomptequ’elleavaittouché
juste,ilsemitàricaner.
—Quellefinesse,Doug.Quellerepartie!semoquaMélanieenposantsamainsursapoitrine.Tum’as
touchéeenpleincœur.
Ellelesplantalà,grimpalesmarchesd’unpaslourdetclaqualaportedesachambre.
Jen'arrivepasàcroirequej’aievidémonsac,sedit-elle,lecerveauàcentàl’heure.
Lesjambestremblantes,Mélaniemarchajusqu’àsonlitsurlequelelleselaissatomberàplatventre.
Danssonesprit,ellerevoyaitleprofilfurieuxd’Evan,lesourirerailleurdeDougetl’airmenaçantde
Caleb tandis que Miller s’efforçait de ne pas la regarder et que Ian gardait les yeux braqués sur la
télévision.Àsonsoulagementsemêlauneinfinietristesse.Ilsluiavaientmontrécequ’ilsressentaient
vraiment. Et malgré tous les efforts qu’elle avait faits, ils la détestaient toujours. Ils la détestaient
réellement,profondément,tous.
—Çan’aaucuneimportance,ditMélanieàhautevoix.Cesontdescrétins.
Etqu’est-cequeçapouvaitluifairequ’unebandedecrétinsladéteste?Rien.Absolumentrien.
Doucement,Mélanietiraunoreillerverselleetyenfouitsonvisage.Ellepassalademi-heuresuivante
àessayerdenepaspleurer.
Mélaniefitclaquersonmanueldechimieetregardalapendule.Pendantladernièreheure,ellen’avait
rienassimilédesoncours.EntrelaprésenceobsédantedeFinnderrièrelaporteàcôtéetladisputede
l’après-midiquirepassaitenboucledanssatête,iln’yavaitplusaucuneplacedanssoncerveaupourle
tableaupériodiquedesélémentsdeMendeleïev.
Ledîneravaitétésilencieuxettendu.Mélanies’étaitcontentéedepoussersonpouletetseslégumessur
lesbordsdesonassietteetdeboiredespetitesgorgéesd’eau.Bizarrement,mangerenprésenced’une
demi-douzainedepersonnesquilahaïssaientluiétaitimpossible.Etbiensûr,maintenant,ellemouraitde
faim.
Mélanieattrapasonsacàdosetyfarfouillajusqu’àtrouverleSnickersqu’elles’étaitachetéaprèsle
déjeuner.Ellel’expédiaenquatrebouchées,maissonestomacrestanoué:ilétaittempsqu’elleaillevoir
Finn.
Il avait forcément entendu parler de ce qui s’était passé l’après-midi. Ces garçons étaient plus
pipelettesquetouteslesfillesdeBakerHighréunies.Mélanieétaitd’ailleursassezsurprisequ’ilnesoit
pasdéjàvenulavoir.
Ellesortitdanslecouloiretfrappadoucementàsaporte.
—Oui?
Mélanieinspiraungrandcoupetentra.
—Salut!
Finnlevalesyeuxdesonbureauetsursauta.
—Salut,répondit-ilenpressantsesmainssurlescuissesdesonjean.
Il jeta un coup d’œil derrière elle dans le couloir comme s’il y avait quelqu’un derrière elle, mais,
quandMélanieseretourna,ellevitqu’ilsétaientseuls.
—Quoideneuf?demandalajeunefille.
—Tunedevraispasêtrelà,ditFinn.
Mélaniesepétrifia.
—Jesaisquetesparentssontfâchés,maistucroisqu’ilsvontjusqu’àexigerquenousnenousparlions
pas?
— Oui... non... je ne sais pas, répondit Finn en pivotant sur sa chaise. C’est juste... Tu ne crois pas
qu’onferaitmieuxdelaisserleschosessecalmerunpeu?
—Ouais,commesiçarisquaitd’arriverunjourdanscettemaison,plaisantaMélanie.
Finn ne rit pas. Mélanie sentit sa gorge se serrer ; elle regarda autour d’elle, mal à l’aise. Elle était
venuerendrevisiteàFinnpourqu’illarassure,pourqu’illuiremontelemoralcommeilenavaitledon,
maissoncomportementfuyantnefaisaitqu’empirerleschoses.
—Écoute...Êtreavectoiest...Cen’estpasfacile,ditFinnenregardantpartoutsaufverselle.
Ilauraitputoutaussibienluijeterunverred’eaufroideàlafigure.
— Bon. Je suis désolée, répondit Mélanie en reculant. Je te laisse, comme ça tu n’auras plus ce
problème.
—Mélanie.Attends...
Ilétaithorsdequestionqu’ellecraquedevantlui.
—Non,sérieusement,jem’envais,fit-elleauborddeslarmes.
Finnavalasasalive,l’airdevouloirdirequelquechose.Pendantunefractiondeseconde,Mélaniese
pritàespérer,maisilsedétournaetregardadenouveausoncahier.
—Ouais...d’accord,marmonna-t-il.
Jesuisunebelleidiote,songeaMélanie.Aumoinsréussit-elleàregagnersachambresansverserune
seule larme. Elle ferma sa porte et s’agrippa à la poignée, juste pour avoir quelque chose à quoi se
retenir.Elleavaitl’impressionquetouts’écroulait.Toutcequicomptaitpourelle.Finnétaitcenséêtre
sonami.Plusqueça:ill’avaitembrassée.Ill’avaittenuedanssesbras.Elles’étaitsentieensécurité
aveclui.Ilétaitlaseulepersonneànel’avoirjamaislaisséetomber.Àprésent,elleavaitl’impression
d’avoirétéabandonnée-d’êtrecomplètementseule.
Mélanie attrapa le téléphone sur son bureau et composa à la hâte un numéro. Le tremblement de ses
doigtsrendaitlamanœuvredifficile.Ellepressalebouton«appel»etportalecombinéàsonoreille,
serrantlespaupièresleplusfortpossible.Ilfallaitqu’ellelefasseavantdechangerd’avis.
—MajorMeadeàl’appareil.
Dèsqu’elleentenditsavoix,ellesutqu’ellefaisaitlebonchoix.
—Papa?dit-ellerapidement.JeveuxallerenCorée.Jeveuxrentreràlamaison.
De:[email protected]
À:[email protected]
Objet:Lemanueldumec
GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan
Noten°12
Observationn°1:Lesmecssontincompréhensibles.
Jepensaisqu’ilm’aimaitbien,Trace.Jepensaisvraimentqu'ilm’aimaitbien.
18
—Tut’envas?!
Onétaitmardisoir.LamèredeMélanievenaitdel’appeler:sesparentsluiavaientréservéunbillet
sur le vol de jeudi soir. Mélanie était à présent assise dans la cuisine avec Regina et John qui la
regardaientcommesiellevenaitdeleurannoncerqu’ellevoulaitchangerdesexe.
— J’ai discuté avec mes parents. Ils approuvent ma décision, expliqua Mélanie, le cœur battant la
chamade.
Ellevoulaitendirelemoinspossible.Iln’étaitpasquestionqu’elleexpliqueàcesgensquiavaientété
sigentilsavecellequec’étaientleursfilsquilamettaientdehors.
— Nous savons que cela n’a pas été facile, Mélanie, mais tu ne t’es même pas donné le temps de
t’adapter,commentaRegina.
—Etnousnonplus,ajoutaJohn.Sinouspouvonsfairequoiquecesoitpourquetutesentesplusà
l’aise,jet’enprie,dis-le-nous.
— Ce n’est pas ça, répondit Mélanie. Vous avez été fantastiques, vraiment adorables. Mais... mes
parentsmemanquent.
C’était un argument honnête. Et il se trouvait au milieu de la liste de ceux qu’elle n’allait pas
mentionner.
—Biensûrqu’ilstemanquent,machérie,ditRegina.Maises-tusûredevouloirt’expatrierenCorée?
Quand ton père nous a appelés la première fois, tu semblais ferme sur ta décision de rester aux ÉtatsUnis.
Mélanieavalasasaliveavecdifficulté,essayantdenepaspenseràtoutesleschosesquiallaientlui
manquer. Les matchs avec sa nouvelle équipe, les déjeuners avec Aimee et les autres, les fêtes, les
soiréesdefind’année.Sonpèreluiavaitparlédel’écoleoùelleiraitenCorée.C’étaitunétablissement
defillesoùl’onportaitununiformeetdontlerèglementstrictinterdisait,entreautres,desemaquiller.
Mélaniesupposaitaussiquelessortiestardivesétaientplutôtmalvues.
Biensûr,aprèstoutcequis’étaitpassélesdernièressemaines,ununiverspluspolicéetsansgarçons
feraitpeut-êtredubienàMélanie...
—Jecroisquej’aifaituneerreur,ditMélanie.C’esténorme,voussavez?Aumoins,sijesuisavec
mesparents,jeserai...jenesaispas...
Ellenesavaitpascommentprésenterlachosesanslesoffenser.Cedontelleavaitbesoin,c’étaitdese
sentiràl’aise,ensécurité,dansununiversfamilier.
ReginaetJohnéchangèrentunlongregard.
—Ya-t-ilquelquechosequenouspuissionsfairepourquetuchangesd’avis?demandaJohn.
—Pasvraiment,réponditMélanie.Maisc’estadorabledevouloiressayer.
Reginalaissaéchapperunsoupir.
—Ehbien,tunousmanqueras,dit-elle.Etsachequetueslabienvenueiciquandtuveux.
Mélanielaremerciad’unsourire.JohnetReginasemblaienttouslesdeuxémus,maisMélaniesavait
que, au fond, ils devaient être soulagés. L’arrivée de Mélanie avait rompu un équilibre, bouleversé le
fonctionnement bien rodé de la maisonnée. Elle était persuadée que, au fond, les parents McGowan
avaienthâtederetrouverlesemblantd’ordrequ’ilsavaientréussiàétablir-mêmes’ils’agissaitplutôt
dedésordreorganisé.
—Écoutez...Pensez-vousqu’ilseraitpossibledenepasledireà...toutlemonde?demandaMélanie.
J’aipeurquecelanerendeleschosesplusdifficiles.
...Pourmoi.Jelesvoisdéjàorganiserunefêtequidéchirepourfêtermondépart,songea-t-elle.
—Tutrouvesçacorrect?demandaJohn.
—Çanelesdérangerapas,réponditMélanie.Croyez-moi.Jeleurécriraiune-mailouquelquechose.
Promis.
—Bon,d’accord,ditJohn.Jesupposequenouspouvonsrespecterça.
—Merci,ditMélanieenselevant.Jevaiscommenceràrangermesaffaires.
Mélanie monta l’escalier, le corps lourd. Elle pensait qu’annoncer la nouvelle à John et à Regina la
soulagerait,maisenfaitellesesentaitasseztriste.
Tuasprislabonnedécision,sedit-elle.
Elle referma doucement la porte de sa chambre et jeta un regard autour d’elle. Circulez, y a rien à
voir...Ilétaittempsdepasseràautrechose.
Lejeudisoir,Mélanies’assitauborddesonlit,sesvalisesboucléesetsoigneusementempiléessurle
matelas. Son pied tapotait le sol dans un mouvement spasmodique. Cela faisait une heure qu’elle était
prêteàpartir,etilmanquaitencorequarante-cinqminutesavantquelavoitureviennelachercher.John
avaitproposédel’emmeneràl’aéroport,maisMélanieavaitdéclinésonoffre.Ellevoulaitrompreau
plusviteaveclamaisonMcGowan.Faireunecoupurenette.
Biensûr,maintenantquelemomentapprochait,Mélanieserendaitcomptequ’ellen’arriveraitjamaisà
partir sans que tout le monde le sache. En sortant de sa chambre avec ses bagages, elle allait
probablementattirerl’attention.
Quoi qu’il se passe, je gérerai, s’encouragea-t-elle. Elle commença à arpenter sa chambre, faisant
machinalementclaquersonpoingdanssapaume.Elleavaitl’impressiond’êtrecoincéedanscemoment
d’angoissequiprécèdelaprésentationd’unexposéenclasse-multipliéparcent.Ellemouraitd’envie
d’allertrouverFinn,Evan,DougoumêmeMilleretdeleurdireleursquatrevérités.Maisàquoibon?
Ellejetauncoupd’œilparlafenêtre.Evansebalançaitdanslehamacencontemplantleciel,unbras
replié derrière sa tête. Vu son expression mélancolique, il était sûrement en train de penser à Hailey.
Mélanieeutsoudainenviedelegifler.Deuxsemainesauparavant,chaquefoisqu’ellecroisaitEvan,elle
voyaitunmecgentil,profond,canon...parfait.Àprésent,elleleconsidéraitcommeungrosbébé.
Evan connaissait la vérité. Tout le monde en parlait à l’école. Il savait que c’était Hailey qui avait
menti.Maiss’était-ilexcuséauprèsdeMélanie?Non.Avait-ilrattrapélecoupavecDoug?Non.C’était
commes’ilvoulaitresterunepauvrevictime.
Toutd’uncoup,MélanieréalisaquecelavalaitlapeinedeparleràEvan.Peut-êtreparviendrait-elleà
lefaireredevenirlegarçonqu’ellecroyaitavoirconnu.Peut-êtrearriverait-elleàlesecouer.
Soudain déterminée, Mélanie sortit de sa chambre et se précipita dehors. Le soleil commençait à se
coucher,voilantlejardind’ombres.
—Ilfautquejeteparle,dit-elleàEvanquiseredressait.(Ellesetournaverslamaison.)Hé,Doug!
J’aitrouvéundetesvieuxPlayboy!Siçat’intéresse,jesuisdehors!
Evans’extirpaduhamacetpartitverslamaison.
—Jeneluiparleraipas.
—Ohquesi,ditMélanieencroisantlesbrassursapoitrine.Detoutefaçon,tunecroispasquetume
doisuneconversation?
Evanpouvaitàpeinelaregarder.
—Ouais,àtoipeut-être,admit-ilenfin.Maispasàlui.
Dougjaillitdelamaison.Dèsqu’ilvitMélanieetEvan-sansPlayboy-,ilfitmachinearrière.
—JevoulaisvousdireàtouslesdeuxquejeparsenCorée,annonçaMélanie.Dansunedemi-heureà
peuprès.
Evan resta bouche bée. Doug s’immobilisa. Il se retourna lentement, un grand sourire étalé sur son
visage.
—Enfin!soupira-t-il.
—Ouais,tul’asdit.Avantdepartir,ilyaquelquechosequejevoulaisvousdire,lesmecs,déclara
Mélanie.
—Lesfameusesdernièresparoles?demandaDoug,sarcastique.
Mais il s’assit sur le bord d’une chaise de jardin, les jambes écartées, et la regarda, l’air d’attendre
qu’elle parle. Evan ne bougea pas. Mélanie prit une grande inspiration. Ce serait la seule occasion
qu’elleauraitd’exprimercorrectementleschoses.
—Depuisquejesuistoutepetite,j’aitoujoursrêvéd’avoirunfrèreouunesœur,commençaMélanie,
ses yeux allant de l’un à l’autre. J’ai toujours cru que ce serait génial. Avoir quelqu’un avec qui tout
partager, quelqu’un qui serait toujours là, quelqu’un qui compterait pour moi et dont je prendrais soin,
pourquijecompteraisetquiprendraitsoindemoi.Maisaprèsavoirvucommentvousvoustraitiezles
unslesautres,j’aicommeundoute.
EvanregardasespiedsetDouglevalesyeuxauciel,maisMélaniecontinua.
—Lefaitdelaisserquelqu’uncommeHaileyFarmer...undérapagequinevoulaitriendire...semettre
entrevous...c’estn’importequoi.Lafillevousamentiàtouslesdeux.Ellevousamanipulés.Vousêtes
frèrespourlavie,etcequimetue,c’estquevousnevousrendezmêmepascomptedelachanceque
vousavez.
L’expression de Doug avait changé. Lui et Evan fixaient Mélanie d’un regard dur, comme s’ils
s’efforçaientdenepasexprimercequ’ilsressentaient.Pourlapremièrefois,Mélaniefutfrappéeparla
ressemblance entre ces deux garçons si différents. Le même entêtement, la même ignorance et,
apparemment,lemêmegoûtenmatièredefemmes.
—Lavérité,c’estquejevousplains,lesgarçons,ditMélanie.Vousêtestellementoccupésàessayer
d’êtrenumérounquevousnevousrendezmêmepascomptequevousblessezlesgensautourdevous.
Des gens qui vous aiment vraiment. On pourraient vous aimer, si vous leur en laissiez la possibilité,
conclut-elleenregardantEvan.
Ellesoutintsonregardjusqu’àcequ’ilclignedesyeux.
MélaniesetournaversDoug.
—Alors,necroispasquec’esttamiseenquarantainequimefaitpartir,carçan’arienàvoir,ajouta-telle.C’estjustequejenesupporteplusd’êtreentouréedepetitsgarçonsgâtésquipensentquetoutleur
estdû.
Misàpartlesoiseauxdanslesarbresquimurmuraientleurschantsdusoir,lejardinétaitsilencieux.
Mélanie avait fini sa tirade. Elle se sentait capable de tout. Soudain, elle fut submergée par le désir
pressantdeparleràFinn.Ellesedétournaet,parhabitude,marchaversl’appentis,oubliantlapunition
encours.Laportes’ouvritd’unesimplepousséeetlemondeautourdeMélanies’arrêtadetourner.
Surlechevaletjusteenfaced’ellereposaitsapropreimage.Achevéejusqu’auderniercil.Elleeneut
lesoufflecoupé.
Mélanies’approchalentementdelatoile.CelaneressemblaitàriendecequeFinnavaitpeintjusqu’à
présent. Il ne s’agissait pas de morceaux d’elle-même. C’était un portrait entier, de face - et
incroyablementressemblant.Mélanietrouvaqu’elleyétaitpeut-êtreplusdoucequedanslaréalité.Plus
jolie.Plusouverte.Seslèvresremontaientd’uncôtéenunesortedesourirecomplice.Sapeaurayonnait,
et les taches de rousseur sur son nez lui parurent plaisantes. Mais ce furent les yeux qui
l’impressionnèrent.Aumoinscinqnuancesdevertytourbillonnaient,parseméesdedélicatespaillettes
dorées.Était-ceainsiqueFinnlavoyait?Pensait-ilvraimentqu’elleétaitaussi...belle?
Mélanietenditlamaineteffleuralatoile.Lapeintureétaitsèche.
Quandl’avait-ilterminée?Elleserappelasoudainquecelafaisaitplusieursjoursqu’ilétaitpuni.Il
avaitdûvenirencachettetoutelasemainepourytravailler.Etill’avaitfinie.Ilavaitachevéunetoile.
D’elle.
Uncoupdeklaxonretentitdansl’allée.LavoituredeMélanieétaitarrivée.Tôt.Prêteàl’emmenerloin
d’ici.
Va-t'en!sedit-ellepoursesecouer.Tire-toid'icitoutdesuite.
Mélanie tourna le dos à son double et courut chercher ses affaires dans sa chambre. Cet endroit la
dépassait.Elles’ysentaittropmalàl’aise,tropsubmergéeparlesémotions,troptout.Ilétaittempspour
ellederetrouverunmondesansgarçons.
— Votre attention, s’il vous plaît. Pour le vol 233 à destination de Los Angeles, annonça l’hôtesse
debout devant les portes vitrées. Les passagers des rangées 15 à 25 sont priés de se présenter pour
l’embarquement.15à25,s’ilvousplaît,préparezvoscartesd’embarquement.
Mélanieinspiraungrandcoupetregardalesgensrassemblersacsetenfants.Derrièrelasalled’attente
où elle se trouvait, un grand couloir menait au hall principal du terminal. Cela faisait une heure que
Mélanie regardait dans cette direction en espérant voir un visage familier apparaître. N’importe qui,
quelqu’un, qui viendrait pour d’ultimes adieux. Mais, apparemment, la vie n’avait rien à voir avec les
films. Dans moins d’une demi-heure, elle serait dans les airs. Dans moins d’un quart d’heure, elle ne
pourraitplusfairemarchearrière.
Enfilant les bretelles de son sac à dos, Mélanie se leva et alla se placer dans la longue file qui
serpentaitdepuislaported’embarquement.
Tuneveuxpasfairemarchearrière,sedit-elleenredressantsesépaules.Maiscommentavait-ellepu
partirsansdireaurevoiràFinn?IlavaitétésonmeilleuramichezlesMcGowan.Sonconfident.Son
premierbaiser.Ellen’arrivaitpasàcroirequ’elleallaitmonteràbordd’unavionpourlaCoréesanslui
avoirparléunedernièrefois.
—Hé!Mélanie!Attends!
Mélanie sentit son cœur bondir dans sa poitrine quand elle fit volte-face. Il était là, courant à sa
rencontreàtraverslafoule.Jamaisellen’auraitcruqu’elleseraitunjouraussiheureusedevoir...
Doug.
—Oùtucroisquetuvas,commeça?fit-il.
Pliéendeux,lasueurdégoulinantdesestempes,ilreprenaitsonsouffle.Mélaniejetauncoupd’œil
derrièreluipourvoirs’ilyavaitquelqu’undanssonsillage.
—Tuestoutseul?demanda-t-elle.
—Ilfautquejem’assoie,ditDoug,quirespiraitavecdifficulté.
Ilreculaetselaissatomberlourdementsurlepremiersiègelibre.Mélaniesortitdelaqueueetlesuivit
d’unpashésitant.Ellejetaunregardcirculaire,s’attendantpresqueàdécouvrirunecaméraquelquepart.
Çanepouvaitêtrequ’uneblague.
—Qu’est-cequetufaislà?demandaMélanieenplissantlesyeux,méfiante.Etcommentas-tupassé
lescontrôles?
— J’ai dû acheter un billet, incroyable, non ? souffla-t-il en tirant de sa poche un coupon American
Airlines.Sij’veux,j’peuxalleràChicago,là.
Mélanies’assitauborddusiègevoisindusien.
—Doug,sérieusement.Jedoisembarquer.
—Hé,situveuxtebarrer,c’esttonproblème,dit-ilenfourrantsonbilletfroissédanslapochearrière
desonjean.Maisécoute-moid’abord.
Mélaniesoupiraets’adossa.
—D’accord.Tuascinqminutes.
— OK. Tu sais, après ton départ, moi et Evan, on a discuté pour la première fois depuis la fameuse
dispute.J’airéaliséquejem’étaiscomportécommeuncrétincesdernierstemps.
—Oh,tuasréaliséça,hein?
—Laisse-moifinir,femme!ditDoug.
Soudain,Mélanieserenditcomptedel’effortqu’ilavaitdûfairepourvenirlachercheretluiparler.
Elleserradoncleslèvresetattendit.
— Je me suis super bloqué contre toi dès le départ, parce que tu squattais ma chambre. Mais j’ai
réfléchi,etj’aicomprispourquoitum’énervaisautant,ditDoug.
Mélaniehaussalessourcils.
—Etpourquoidonc?
—Ehbien,parcequetuasdébarquéetquetuasfaittouscestrucs...Destrucsquepersonnen’arriveà
faire,ditDoug.
Pourlapremièrefoisdepuisqu’elleétaitarrivéechezeux,Douglaregardaitsansanimosité.Iln’était
nisarcastiqueniprovocant-ilsecontentaitdediscuteravecelle.
—DugenrefaireparlerMillerd’autrechosequedebaseball,poursuivit-il.RemettreIanetCalebun
peu à leur place. Faire sortir Sean du garage de temps en temps. Et ma mère ? Elle a complètement
changédepuisquetueslà.Elleest,j’saispas,pluscalme...
—C’estvrai?
—Sérieux.Commesiuneprésencefémininel’avaitdétendue.Ellenem’aflanquéqu’uneseulerouste
depuisquetueslà,ajouta-t-il.
Mélanieneputs’empêcherdesourire.
— Et puis ce que tu as fait pour moi..., dit Doug. C’était assez cool. Je ne comprends toujours pas
pourquoituesintervenue,d’ailleurs.
—Petitpenchantpourlescausesperdues?hasardaMélanieenhaussantlesépaules.
—Ouais,enfin...Merci.
Cen’étaitqu’unmot,maisMélanieavaitl’impressionqu’ilétaitsincère.
—Derien,dit-elle.
—Donc...Écoute,tunepeuxpaspartir,ditDougenseredressantetensetournantverselle.Situpars,
Miller va se refermer comme une huître, Caleb et Ian vont redevenir insupportables, Sean se
retransformeraenfantômeetFinn...
LecœurdeMélaniebondit.
—Finn,quoi?
—Finnseradémoli,ditDougenlaregardantdanslesyeux.Cemect’adanslapeau,tuesaucourant?
—Qu’est-cequetuveuxdire?
—Toutcequej’sais,c’estquequandilasuquetuétaispartie,ilestallés’enfermerdansl’appentiset
abarricadélaporte.Quandjemesuisbarré,SeanetEvanessayaientdefairegrimperCalebsurletoit
pourvérifierparlaverrièrequ’ilétaitpasmort.
Mélanieavalasasaliveavecdifficulté.
—Waouh!
Pendantquelquesinstants,DougetMélaniecontemplèrentsilencieusementlafiledespassagersquise
réduisaitpetitàpetit.Mélanieremâchaitlentementtoutescesinformations.Avait-ellevraimentchangéla
viedesMcGowancommeleprétendaitDoug?Ellequipensaitquesaprésencen’avaitprovoquéquedes
problèmes,était-ilpossiblequ’elleaitenfaitaméliorécertaineschoses?
— On avait toujours pensé que c’était cool que notre mère n’ait eu que des garçons, reprit Doug.
Commentsavoirqu’onavaitplutôtbesoind’unesœur?
Mélaniemitsesmainssursonvisage.
—Oh,non!Tuvaspastemettreàchialer?demandaDoug.
Mélanierit.
—Non.
—Alorsturentresavecmoioupas?
Mélanierelevalatêteetsoupira.
—J’aidesconditions.
—J’auraisdûm’endouter,ditDougenlevantlesyeuxauciel.
— D’abord, la salle de bains. Chez vous, on se croirait dans les toilettes d’une aire d’autoroute, dit
Mélanie.Ilvafalloirquevousvousmettiezànettoyerderrièrevous,lesmecs.Plusdecheveux,plusde
poils,plusdetachesbizarresquejeneveuxmêmepasessayerd’identifier.
—OK,OK,fitDoug.T’asfini?
—Non,jecommence,ditMélanie.Jeveuxunerègle«pastouche»pourtoutesmesaffaires.Ycompris
mabicyclette.
—D’accord...
—Etpersonnenem’appelleplusMélaniebonnetCderrièremondos.
Dougouvritlabouche,écarlate.
—Commenttusaisça?
Mélaniehaussaunsourcil,l’airdedire«tumeprendspourunedébile?».
—OK,çamarche.C’esttout?demandaDoug.
—Tucroispouvoirplaidermacause?demandaMélanie.
— Eh bien, je vais sûrement devoir en cogner quelques-uns d’abord, mais ouais, pas de problème,
affirmaDougd’unairdétaché.
—Necognepersonne,luiconseillaMélanie.
—Nem’expliquepascommentjedoisfairemontravail,ditDougenfaisantcraquersesphalanges.
— Bien, fit Mélanie en se levant. (Pour la première fois de la journée, elle se sentait calme - sûre
d’elle.)Jerentre.
—Alléluia!s’exclamaDoug.Tirons-nousd’ici!
—Oh,attends!Unedernièrechose,ajoutaMélanie,freinantDougdanssonélan.
Lesépaulesdugarçons’affaissèrent.Ilseretourna.
—Quoi?Tuveuxundemesreins?
—JeveuxparticiperàlaprochainepartiedeFrisbeeUltimate.
Dougluifitungrandsourire.
—D’accord.Tujouesdansl’équipedestorsesnus.
Mélanieluirenditsonsourire.
—C’estcequ’onverra.
Mélanie fut projetée contre Sean quand elle accéléra pour remonter Oak Street à toute vitesse sur la
Harley.Leventfitjaillirquelqueslarmesdesesyeuxetellehurladejoie.Enquelquessemaines,elle
avaitpresqueoubliécombienelleaimaitconduireunemoto.
—Super!Allez,onrentre!criaSeandanssonoreille.
Mélanie ralentit et engagea la moto dans l’allée des McGowan. Evan, Finn, Caleb, Ian et Doug
interrompirentleurpartiedeFrisbeepourassisteràlamanœuvre.Mélaniedescenditdel’engin,ôtason
casqueets’essuyalevisageenriant.
—Tuasçadanslesang,ditSeanenluiadressantundesesraressourires.
—Merci,répondit-elle.
—Leweek-endprochain,oniracherchertonpermisduMassachusetts,dit-il.Jeparleraiàmonpote
Dekequitravaillechezunferrailleurpourvoirs’ilpeuttetrouverunebécane.
—Vraiment?
Mélanienesavaitpascequilasidéraitleplus-lagénérositédesapropositionoulaquantitédemots
qu’ilvenaitd’enchaîner.
—Attention!
MélanieinterceptaleFrisbeejusteavantqu’ilneluiarrachel’œil.
—Désolé!
Evanlevalamainenungested’excuseavantdesedirigerversleporcheoùilbutdirectementàun
pichet d’eau. C’était la première fois qu’il s’adressait à elle depuis ses très étranges excuses du jeudi
soir.Ilétaitvenulavoirdanssachambreaprèsqu’elleetDougfurentrentrésdel’aéroportpourluidire
qu’ilétaitdésolé.Depuis,ill’avaitfuiecommelapeste.
Miller et Aimee assistaient au match assis sur les marches, à côté des rafraîchissements. Mélanie
relançaleFrisbeeauxgarçonsetsaluaAimeedelamain.Celle-ciluisouritetluirenditsonsalut.
—MilleretAimeeenweek-end...,soufflaMélanie,impressionnée.
—Ouais,çafaitbizarre,commentaSeanenvenantseplanteràcôtéd’elle.
—Hé!Lesnullos!Vousjouezouquoi?hurlaDougdepuislecentreduterrain.
—Onarrive!répliquaMélanieentrottinantverseux.
—Parfait.Toi,moietFinncontreEvan,Seanetlesdeuxandouilles,annonçaDougquandMélaniefutà
sahauteur.
—Nousnesommespasdesandouilles!protestaIanquelquesmètresplusloin.
Mélanierejoignitsescoéquipiers.
—Lesmecs,voussavezquevousnerespectezmêmepaslesrèglesdel’Ultimate?demandaMélanie.
J’aivérifiésurInternetetjevousgarantisquevousfaitesn’importequoi.
—NousjouonsfaçonMcGowan,expliquaDougavecunhochementdetêteentendu.
—Etçaveutdire?
—C’estdufootballavecunFrisbee,luiditFinn.Enplus,àlafindelapartie,nousadoronsnoustaper
danslamainetaboyer.Personnenesaitpourquoiniquandnousavonscommencé.C’estcommeça.
—Ah!lâchaMélanieavecunpetitsourire.
C’étaitbienagréabledepouvoirdenouveauapprocherFinnetqu’illuiparlecommeàunêtrehumain
normal.Biensûr,çan’empêchaitpasMélaniedesedemandercequ’ilpensait.
—Alors,quelletactique?demanda-t-elle,essayantdeseconcentrersurlejeu.
Ils se rapprochèrent un peu plus l’un de l’autre et son bras frôla celui de Finn, ce qui fit passer son
pouls à mille battements par minute. Tous deux regardèrent l’endroit où leurs peaux s’étaient touchées
puiss’écartèrentunpeul’undel’autre.Mélanieretintsonsouffle.
—OK,jefeinteversFinnetjepasseàMélanie,ditDoug.Voyonsdequoituescapable,Kicker.
—Bien,bien,ditMélanie,sarcastique.
Ils se tapèrent dans la main et allèrent prendre position sur la ligne. Dès que Doug eut le Frisbee,
Mélanie fila sur la droite en esquivant Sean et courut vers l’allée, Ian et Caleb sur ses talons. Elle se
retourna pour voir Doug feinter sa passe à Finn. Evan bondit pour intercepter le Frisbee, qui en fait
fonçaitcommeunefuséeversMélanie.
Ellesautapourl’attraper,maisdèsquesespiedsretouchèrentlesol,IanetCalebs’agrippèrentàses
jambes.
—Aidez-moi!hurlaMélanie.
Luttantpouravancer,ellefutprised’unfourireincontrôlable.
—Meurs,Kicker!Meurs!criaIanentenantbon.
Finnseprécipita.MélanieessayadeluienvoyerleFrisbee,maisillelaissafiler,attrapaCalebetle
chatouillajusqu’àcequ’illâcheMélanie.
—C’estdelatriche!criaIan.
Calebroulasurlesolengloussant,Mélanietrébuchasurluiettombaenavant,entraînantFinndanssa
chute,créantàeuxtousungrostasdebrasetdejambesemmêlés.MélanieseretrouvaallongéesurFinn,
torsecontretorse,sajambeentresescuisses,sonpoignetcoincésoussoncou.Ianavaitgrimpésurson
dos,l’empêchantdesedégager.
Nonpasqu’elleytîntparticulièrement...
— Eh bien, voilà qui est un peu embarrassant, dit Finn qui riait en essayant de se rasseoir. Ian !
Descendsdelà!
—Bon,d’accord!ditIanenroulantsurlui-même.
Ils’emparaduFrisbeesurlesoletpartitcommeuneflècheenletenantbienhaut,Calebsursestalons.
Mélanie put enfin se dégager et s’assit par terre à côté de Finn. Tous deux reprirent un instant leur
souffle-quoiquelemanqued’oxygènedeMélanien’eûtrienàvoiraveclejeu.
—Çava?luidemandaFinn.
—Ouais.Toi?
Elleauraitadorépouvoirrestercontrelui.
—Ouais,répondit-il,lesourirejusqu’auxoreilles.(Ilsemitàquatrepattesetrapprochauninstantson
visagedusien.)Jesuiscontentquetusoisrestée,chuchota-t-il,etsonsoufflechaudcaressalajouede
Mélanie.
—Moiaussi,réussit-elleàrépondre.
PuisFinnserelevaetrepartitverslecentreduterrain.Pendantunmoment,Mélaniefutincapablede
bouger.PuisDougs’approchad’elleetluioffritsamain.Mélanies’yaccrochaavecreconnaissanceetil
laremitdeboutsursesjambestremblantes.
—Hé,mec!Jet’échangeFinncontreSean!criaDoug.J’aiunproblèmeavecmesjoueurs...
—Pasdeproblème,réponditEvan.
—Concentre-toisurlejeu,ditDougàMélanie.
Mélanielebousculaenriantetseplaçasurlaligne.ElleseretrouvapileenfacedeFinnetd’Evan.
Mélanie sentait son pouls accélérer en voyant Finn lui sourire ouvertement. Mais quand elle se tourna
versEvan,soncœurs’arrêta.Legarçonlaregardaitdroitdanslesyeux,exactementcommeill’avaitfait
lesdeuxoutroisfoisoùelleavaitcru,pendantuncentièmedeseconde,qu’ilallaitl’embrasser.
Ehbien,voilàquiest...intéressant,songea-t-elle.
DougattrapaleFrisbee.MélanieinspiraungrandcoupetsefaufilaentreFinnetEvan.Elleremontale
terrainàtoutevitesse,lesdeuxgarçonsàsestrousses.LeFrisbees’envola,décrivantunarcdecercle
parfaitau-dessusdelatêtedesgarçons.Toustroissautèrentlesbrastenduspourl’attraper,maiscefut
Mélaniequilecueillitauvol,latêtedanslesnuages.
De:[email protected]
À:[email protected]
Objet:Lemanueldumec
GuidedeMélanieMeadepourcomprendrelesfilsMcGowan
Noten°13
Observationn°1:Lesgarçonssontimprévisibles.
Cen’estpasunscoop,maisjecommenceàcroirequec'estl’undestrucslespluschouettes
chezeux.

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