La Terre qui flambe - Médiathèque de la Cité de la musique

Transcription

La Terre qui flambe - Médiathèque de la Cité de la musique
Roch-Olivier Maistre,
Président du Conseil d’administration
Laurent Bayle,
Directeur général
Dans le cadre du cycle Le diable et le bon dieu
Du mardi 13 au mardi 20 mai 2008
Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert,
à l’adresse suivante : www.cite-musique.fr
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Ciné-concert La Terre qui flambe | Mardi 20 mai
Mardi 20 mai
Ciné-concert La Terre qui flambe
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Cycle Le diable et le bon dieu
Refoulant le rationalisme du siècle des Lumières, le romantisme européen réactiva l’intérêt
pour les figures diaboliques. La vogue néogothique favorisa l’imaginaire des créatures
infernales, des vampires et des monstres en tout genre – l’opéra de Meyerbeer Robert le diable
fut l’un des grands triomphes parisiens du XIXe siècle, tandis que sabbats fantastiques et rondes
macabres inspirèrent de nombreuses œuvres symphoniques. Le Songe d’une nuit du sabbat,
final flamboyant de la Symphonie fantastique de Berlioz, ouvrit ainsi une veine dans laquelle
s’illustrèrent notamment Moussorgski (Une nuit sur le mont Chauve) ou Saint-Saëns (Danse
macabre).
En tant que personnage, le diable avait fait son apparition dans la littérature européenne
au cœur du XVIe siècle, par le truchement du mythe de Faust. Ce siècle, il est vrai, avait été
marqué par les bûchers de sorcières et les traités de démonologie de toute sorte, et la réforme
protestante avait ravivé la crainte du démon. Ce ne fut pas un hasard si le XIXe siècle fut hanté
à son tour par Faust. À la suite d’écrivains comme Goethe ou Lenau, de peintres comme
Delacroix, toute la génération des musiciens romantiques se mesura au mythe du savant
qui, déçu par Dieu, fit le pari du diable.
Transmué par le romantisme en allégorie de l’humanité déchirée entre chair et esprit, idéalisme
et bas instincts, transgression et rédemption, le vieil alchimiste de la Renaissance exerça une
fascination persistante : Berlioz mûrit son projet durant presque vingt ans, depuis ses Huit
Scènes de Faust jusqu’à sa fameuse Damnation de Faust ; il fit découvrir le drame de Goethe
à Liszt, qui songea longtemps à un opéra avant de s’illustrer dans sa Faust-Symphonie, puis
dans l’écriture de deux fragments sur le Faust de Lenau, sans compter la série de ses Méphistovalses pianistiques qu’il compléta jusqu’au soir de sa vie.
Damné sans merci par certains, l’impie ayant pactisé avec le diable se voit sauvé par d’autres,
grâce à la mystique de la rédemption (Schumann, Scènes de Faust, Mahler, Huitième Symphonie).
Le diable lui-même prend différents visages, depuis le Méphistophélès gentleman et séducteur
du Faust de Gounod, jusqu’au génie du mal révélé dans l’opéra de Boito, Mefistofele : mais dans
tous les cas, il chante, siffle et mène la danse, au son du violon infernal que l’on retrouve jusque
dans L’Histoire du soldat de Stravinski, un avatar faustien bien connu.
La thématique du diable et du bon Dieu est particulièrement en phase avec la propension au
dualisme symbolique dans lequel s’illustre souvent le XIXe siècle : dès 1861, Baudelaire voyait
par exemple dans la figure wagnérienne de Tannhäuser « la lutte des deux principes qui ont
choisi le cœur humain pour principal champ de bataille, c’est-à-dire de la chair avec l’esprit,
de l’enfer avec le ciel, de Satan avec Dieu ».
Cette tension se retrouve dans toute l’œuvre d’Alkan – auteur d’un « quasi Faust » pianistique
orné d’annotations fulgurantes comme « sataniquement » – et surtout dans celle de Liszt.
D’Anton Rubinstein, auteur d’un opéra sur Le Démon, jusqu’à Alfred Schnittke et sa magnifique
Historia von Doctor Johann Fausten, en passant par L’Ange de feu de Prokofiev, les musiciens
russes sont les véritables héritiers de cette veine mystique : parmi eux, Scriabine, dont
la Neuvième Sonate pour piano, sous-titrée « Messe noire », est hantée de visions démoniaques.
Sous l’effet de cet imaginaire flamboyant, la musique ne cesse de se faire théâtre de lutte :
entre virtuosité diabolique et sérénité divine ; entre stridences infernales et harmonies saintsulpiciennes ; entre fugue satanique et choral religieux ; ou encore, comme le fait Liszt dans
sa pièce Après une lecture de Dante, entre intervalle de quarte augmentée, supposé faire surgir
le démon, et quinte juste, clé du paradis. Cette dernière triomphe du diabolus in musica,
comme saint Michel terrasse le dragon.
Emmanuel Reibel
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du mardi 13 au mardi 20 mai
MARDI 13 MAI, 20H
SAMEDI 17 MAI, 15H
Cristofaro Caresana
La caccia del Toro
La pastorale
La tarantella
La vittoria dell’Infante
Orazio Giaccio
Pastorale sulla ciaccona « Peccatori su, su »
Pietro Andrea Ziani
Sonata a 5
Forum Faust, l’alchimiste face au diable
Capella della Pietà de’ Turchini
Antonio Florio, direction
Maria Ercolano, soprano
Valentina Varriale, soprano
Ambra Mancuso, mezzo-soprano
Giuseppe De Vittorio, ténor
Rosario Totaro, ténor
Raffaele Costantini, basse
MERCREDI 14 MAI, 15H ET 20H
JEUDI 15 MAI, 14H30
Le Faust
Ciné-théâtre en musique
Film muet de Friedrich Wilhelm Murnau
Cartoun Sardines Théâtre
Pierre Marcon, composition, saxophone et
autres instruments
Jérôme Favarel, piano
Patrick Ponce, conception, comédien,
saxophone
15H : Table ronde
Emmanuel Reibel, musicologue
Laurent Feneyrou, musicologue
Jean-Yves Masson, écrivain et traducteur
17H30 : Concert
Franz Liszt
Méphisto-Valse n° 1 Eugène Ysaÿe
Sonate op. 27 n° 2
Alexandre Scriabine
Sonate n° 9 « Messe noire »
Arnold Schönberg
Phantasy op. 47
Béla Bartók
Sonate n° 2
David Grimal, violon
Georges Pludermacher, piano
SAMEDI 17 MAI, 20H
Franz Liszt
Méphisto-Valse n° 1
Edvard Grieg
Concerto pour piano en la mineur op. 16
Hector Berlioz
Symphonie fantastique
Anima Eterna
Jos Van Immerseel, direction
Rian De Waal, piano Érard 1896
La Terre qui flambe
Film muet de Friedrich Wilhelm Murnau
Musique de Nurse with Wound
Nurse with Wound, manipulation
électronique
Steven Stapleton
Andrew Liles
MARDI 20 MAI, 20H
Franz Schubert
Die junge Nonne D 828
Der Tod und das Mädchen D 531
Ellens dritter Gesang D 839
Litanei D 343
Franz Liszt
Es war ein König in Thule
Après une lecture du Dante, pour piano
Carl Loewe
Herr Oluf op. 2 n° 2
Robert Schumann
Frauenliebe und –leben op. 42
Nathalie Stutzmann, contralto
Inger Södergren, piano
jeudi 22, vendredi 23
et samedi 24 mai, DE 15h À 19H
Master-classe
Nathalie Stutzmann, contralto
Inger Södergren, piano
SAMEDI 17 MAI, 11H
Concert éducatif
LUNDI 19 MAI, 20H
Igor Stravinski
L’Histoire du soldat
Philippe Manoury
Fragments pour un portrait
Igor Stravinski
L’Histoire du soldat
Ensemble intercontemporain
Susanna Mälkki, direction
Graham F. Valentine, récitant
Catherine Verheyde, lumières
MARDI 20 MAI, 20H
Ciné-concert
Ensemble intercontemporain
Susanna Mälkki, direction
Graham F. Valentine, récitant
Catherine Verheyde, lumières
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MARDI 20 MAI – 20H
Amphithéâtre
Ciné-concert
La Terre qui flambe
Film muet de Friedrich Wilhelm Murnau, Allemagne 1922
Musique de Nurse with Wound
Nurse with Wound, manipulation électronique :
Steven Stapleton
Andrew Liles
Le spectacle est surtitré.
Programmation conçue en collaboration avec Jos Auzende/in famous.
Fin de la représentation vers 21h50.
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Der brennende Acker (La Terre qui flambe) de Friedrich Wilhelm Murnau (1922) fait
partie, comme L’Atalante ou Que viva Mexico, de ces films « miraculés » de l’histoire du
cinéma. Son destin est plutôt singulier. On n’en connut longtemps qu’un seul fragment,
correspondant au dernier tiers du film, avec des intertitres en polonais.
En 1978, cinquante-six ans après sa réalisation, on découvrit qu’il existait
à la Cinémathèque de Milan une copie « flamme » teintée d’un film intitulé Il campo
del diavolo (Le Champ du diable), qui s’est révélé être la version italienne de La Terre
qui flambe. À partir de cette copie, le Filmmuseum de Munich établit un négatif noir
et blanc au sein duquel on inséra les intertitres en allemand, rédigés d’après le texte du
scénario original.
Dix ans plus tard, Éric Rohmer se voyait décerner le Prix Murnau de la ville de Bielefeld.
Il décida de verser le montant de cette récompense à la restauration du film : tirage sur
pellicule couleur de la copie milanaise, insertion d’une séquence manquante provenant
de la copie polonaise, rétablissement des intertitres en se fiant non plus au scénario mais
à la fiche de censure, estimée conforme au texte initial. Cette fiche de censure fut
retrouvée dans le matériel du Reichsfilmarchiv, saisi par l’Armée rouge à Berlin en 1945,
rétrocédé par Moscou en 1988 aux Archives cinématographiques de la RDA, pour être
finalement conservé, après la réunification, au Bundesarchiv-Filmarchiv de Coblence,
qui assura la restauration définitive du film.
Cette version « teintée et virée », présentée au Musée d’Orsay dans le cadre du
IIIe Festival Cinémémoire en novembre 1993 avec un accompagnement au piano d’Aliocha
Zimmermann, fut ensuite programmée par la chaîne allemande ZDF en 1996.
À cette occasion, une partition originale fut commandée à l’excellente pianistecompositrice Anne-Marie Fijal.
Au moment où La Terre qui flambe était distribué en France, trois ans après le traité de
Versailles, les films allemands étaient généralement accueillis avec le plus profond mépris.
Mais il y eut l’« effet Caligari », dont, semble-t-il, Murnau bénéficia, puisqu’il fut soudain
considéré par la critique comme un de « nos plus importants poètes » de l’écran.
Murnau tourna La Terre qui flambe juste après Nosferatu, « le plus beau film du monde »,
selon Robert Desnos. Si les deux œuvres appartiennent à des genres diamétralement
opposés – poème fantastique et drame paysan –, elles n’en sont pas moins stylistiquement
très proches, avec pour dénominateur commun la « patte » du grand chef opérateur
Fritz Arno Wagner, qui cette même année 1922 va éclairer le fameux Montreur d’ombres
d’Arthur Robison.
On y retrouve, exacerbée, cette constante de l’inspiration de Murnau : l’inexorable combat
de l’ombre et de la lumière, avec pour celle-ci toute une gradation dramatisée de son
intensification, que souligna ainsi Gilles Deleuze : « chatoiement, miroitement, scintillement,
étincellement, halo, fluorescence, phosphorescence… C’est Murnau, le maître de tous ces
stades et aspects qui annoncent à la fois l’arrivée du diable et la colère de Dieu. »
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Le titre de la version italienne, Le Champ du diable, n’était donc pas sans pertinence pour
cette tragédie familiale provoquée par un aveugle attachement à la terre et aux traditions
ancestrales, et attisée par une cupidité dont Murnau fera un des thèmes majeurs de
son Tartuffe en 1925.
Image de la violence de cette symphonie incandescente, le visage terrible de Werner
Krauss, qu’on venait de voir en hypnotiseur Caligari, qu’on allait retrouver en Jack
l’Éventreur dans Le Cabinet des figures de cire de Paul Leni, en Comte Muffat humilié
par Nana sous le regard de Jean Renoir, avant d’être sacré « acteur d’état » du Troisième
Reich et d’en incarner le plus ignoble reflet : Le Juif Süss.
François Porcile
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Steven Stapleton - Andrew Liles (UK, membres de Nurse With Wound)
Aux commandes depuis 19791, Steven Stapleton (né en 1957) mène en solitaire le projet
« d’art total » Nurse With Wound qui entremêle littérature, peinture, cadavres exquis
sonores et visuels. Depuis trois décennies, son œuvre de collages surréalistes, empreinte
de musiques concrète, électronique, bruitiste, psychédélique, défie les catégories.
C’est dans le déploiement désordonné d’inquiétantes associations d’idées, qu’elle révèle
à l’auditeur – spectateur, son étrange intimité. Grand amateur de cinéma, chasseur de
disques et d’enregistrements plunderphonics, Steven Stapleton trouve matière
à inspiration au gré des écoutes. Introspectifs, ses albums sont construits comme
des pièces radiophoniques, « un voyage à travers différents espaces et différentes
émotions ».2
Pour la première fois, Steven Stapleton, accompagné de Andrew Liles, un de ses
proches collaborateurs, crée une bande-son originale ; sur le film légendaire de Murnau,
ils improvisent à partir de bruits, d’objets triturés, de fragments de voix, de piano et
expérimentent avec le silence. Comme sur une partition qui brûle, les deux alchimistes
vont laisser se consumer les sombres paysages sonores oppressifs du champ du diable,
les âmes possédées et les destinées fatales.
1
parution du disque culte Chance Meeting On A Dissecting Table Of A Sewing Machine And An Umbrella sur United
Dairies, le label fondé par Stapleton
2
Extrait d’un article que lui consacre la revue Mouvement Intuitions obliques, avril 2008
Jos Auzende / in famous
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Et aussi…
Mercredi 11 juin, 15h
Dans le cadre du festival Agora :
Spectacle Jeune Public
Jeudi 5 juin, 20h
La Barbe-Bleue
Film spectacle
Film de Samuel Hercule (2005, muet,
couleur)
Jonathan Harvey
Œuvre nouvelle
(commande de l’Ircam, de Radio France
et de la BBC, création)
Elliott Carter
Concerto pour violoncelle
Gérard Grisey
L’Icône paradoxale
Orchestre Philharmonique
de Radio France
Pascal Rophé, direction
Marc Coppey, violoncelle
Susan Narucki, soprano
Lani Poulson, mezzo-soprano
Gilbert Nouno, Arshia Cont, réalisation
informatique musicale Ircam
Compagnie La Cordonnerie
Timothée Jolly, composition, piano
Denis Mignard, composition , guitare
électrique, batterie
Métilde Weyergans, voix
Samuel Hercule, bruitage, voix
> musée
Visites contes en famille
pour les 4 à 11 ans
Conteur, musicien et conférencier
invitent les enfants à découvrir
les instruments et le répertoire musical
grâce à la magie du conte.
Samedi 14 juin, 20h
Happy End
D’après Le Petit Poucet de Charles
Perrault
Musique de Georges Aperghis
Film d’animation de Hans Op de Beeck,
Bruno Hardt, Klaas Verpoest.
Ictus
Georges-Elie Octors, direction
Sébastien Roux, réalisation
informatique musicale Ircam
Contes d’Occident : les dimanches à 11h
Contes en musique : les dimanches
à 15h
Jeudi 29 mai, de 10h à 18h
Journée d’étude
Les bois : instruments du patrimoine
musical
> La sélection de la
médiathéque
Venez réécouter ou revoir à la
Médiathèque les concerts que vous
avez aimés. Enrichissez votre écoute en
suivant la partition et en consultant les
ouvrages en lien avec l’œuvre. Découvrez
les langages et les styles musicaux
à travers les repères musicologiques,
les guides d’écoute et les entretiens
filmés, en ligne sur le portail.
http://mediatheque.cite-musique.fr
> Les concerts de la saison
2008/2009
Chamber Orchestra of Europe Yuri
Temirkhanov / Brussels Philharmonic
Michel Tabachnik / Ensemble
intercontemporain Pierre Boulez /
Ictus Georges-Elie Octors…
Et également :
Concert hommage à Elliott Carter,
Concert hommage à Karlheinz
Stockhausen, Domaine privé Pascal
Dusapin, nuit électro avec Carl Craig
et ses invités, Label Warp…
Demandez la brochure 08/09 :
à l’accueil de la Cité de la musique
01 44 84 44 84 • www.cite-musique.fr
Entrée libre sur réservation
> éditions
Musique, sacré et profane
Collectif • 128 pages • 2007 • 19 €
Imprimeur SIC | Imprimeur France Repro | Licences no 757541, 757542, 757543 > CONCERTS
Éditeur : Hugues de Saint Simon | Rédacteur en chef : Pascal Huynh | Rédactrice : Gaëlle Plasseraud | Correctrice : Angèle Leroy | Stagiaires : Marie-Anaya Mahdadi, Émilie Moutin | Maquette : Ariane Fermont
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