IMAGES ET SON

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IMAGES ET SON
24heures | Samedi-dimanche 16-17 février 2013
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IMAGES ET SON
Maître des sons du globe,
Micus invoque les déesses
Le musicien allemand, érudit des instruments du monde, sort son 20e album pour ECM. Propos
Boris Senff
D
e l’angklung indonésien
au tambura indien, Stephan Micus joue avec
aisance d’innombrables
instruments qui témoignent de sa curiosité et
des voyages entrepris depuis plus de quarante ans pour la satisfaire pleinement.
De son érudition et de sa maîtrise de langages musicaux très divers, il tire pourtant des enregistrements qui n’ont rien de
traditionnels et mêlent au contraire les
influences au profit de sa propre liberté
de création. Au moment où sort Panagia,
son 20e album pour le prestigieux label
munichois ECM, le musicien allemand,
qui fête également cette année ses 60 ans,
revient sur son parcours atypique.
«Comment se fait-il qu’un Allemand
devienne aussi fasciné par les musiques
orientales et africaines? C’est un mystère,
je n’ai pas d’explication.» Un souvenir
primordial demeure toutefois. «Quand
j’avais 6 ans, des gens sont venus à la
maison de mes parents et ont joué de la
musique flamenco. Je me souviens clairement de ce moment qui m’a touché très
profondément et l’on sait que le flamenco
puise ses racines en Orient, par l’Inde et
les pays arabes.»
«Je détestais l’école»
A ce moment, le jeune Stephan Micus
joue déjà de la flûte. Pour son 12e anniversaire, il réclame une guitare, qu’il obtient.
«A partir de ce jour, je savais que je ne
voulais rien faire d’autre dans ma vie que
de la musique. Je détestais l’école mais je
jouais déjà mes propres compositions.» A
17 ans, il écoute son premier enregistrement de Ravi Shankar, un nouveau choc
qui va encore élargir ses horizons. «Au
fond, j’ai toujours suivi intuitivement ce
qui me touchait. Je n’avais pas de plan et
encore moins une vue d’ensemble.»
Première étape de ses apprentissages
voyageurs, le sitar va l’amener en Inde.
«A l’époque, cela ne coûtait pas si cher.
En 1972, je suis parti d’Istanbul pour New
Dehli avec 30 dollars en poche.» L’épopée de cet insatiable découvreur d’instruments ne fait que commencer. «Il y a eu le
sitar, ensuite un autre, encore un autre,
et ainsi de suite à travers le monde entier.» Dès les années 1970, ses albums
naviguant dans les parages de la «world
music», entre envolées mystiques et sonorités terrestres, lui permettent de subvenir à ses besoins de musicien migratoire.
Le Japon devient rapidement l’une de
ses destinations de prédilection. Il y trou-
Stephan Micus, musicien globe-trotter qui crée sa propre musique en jouant des instruments du monde. Ci-dessus avec un bodhran irlandais. ECM/LDD
Panagia, prière à la femme
U Critique «Chacun de mes albums
raconte une histoire, précise Stephan
Micus. En fonction de l’histoire que je
veux raconter, je choisis un ou deux
instruments qui en seront les acteurs
principaux, puis ceux qui compléteront
la distribution.» Panagia, titre grec qui
renvoie au nom de la mère de Jésus, fait
la part belle aux dilrubas, vièles
indiennes, et aux sattars, luths
ouïgours. Très vocal, enluminé de
cymbales tibétaines, de cloches
birmanes et de gongs chinois, cet album
esthétiquement très tenu déploie la
solennité d’une prière. «Malgré le titre,
il ne renvoie pas à la stricte tradition
chrétienne orthodoxe mais à toutes les
déesses dédiées à l’énergie féminine.»
Après les monastères du mont Athos
(Athos, 1994), Micus revient au chant
grec avec une gravité méditative.
Panagia
Stephan Micus
ECM
(distr. Harmonia Mundi)
vera l’amour d’une femme, mais aussi
d’une flûte de bambou, le traditionnel
shakuhachi qu’il utilise sur plusieurs de
ses enregistrements. «Une flûte de construction très simple, à 5 trous, mais aux
possibilités sonores très riches. Dès que je
l’ai découverte, j’ai arrêté la flûte de concert occidentale.»
L’approche d’un nouvel instrument
n’est pas une finalité, mais se poursuit par
un dialogue avec la culture qui le porte.
«A chaque fois ce sont des rencontres
avec des gens porteurs d’histoires. Chaque instrument s’insère dans une culture
aux côtés de la poésie, de l’architecture,
de la nourriture, du théâtre, de la philosophie… C’est aussi une façon de se rendre
compte qu’il y a plusieurs réponses à la
même question.»
Notre sélection musique
Piano Sonata D960, Schubert
Fabrizio Chiovetta
Claves
On se souvenait
d’un Winterreise
saisissant au
Festival Cully
Classique 2010. Fabrizio
Chiovetta y accompagnait le
baryton Roman Terkel et ce
piano-là portait déjà le chant
schubertien avec une fraternité
de douleur inégalée. Le premier
disque du pianiste genevois
chez Claves retrouve les mêmes
accents de sincérité et de grâce,
sans la voix, mais en murmurant
l’ultime Sonate dont l’Andante
sostenuto tient du miracle.
mch
VC6
Contrôle qualité
Piano Sonata D845,
«Wandererfantasie»
Paul Lewis 2CD Harmonia Mundi
(distr. Musicora)
Après avoir
illuminé
Beethoven, Paul
Lewis se plonge avec bonheur
dans l’univers de Franz
Schubert. Le pianiste anglais y
trace sa voie, démontrant un
goût épique dans la
Wandererfantasie, mais aussi
un sens pénétrant de la clarté
adapté aux Impromptus ou aux
Moments musicaux. Avec la
violoniste Lisa Batiashvili, il
donne un récital au Théâtre de
Vevey, me 20 février (19 h 30).
Loc. 021 925 94 94. mch
Unique concepteur et interprète de
ses albums (même quand il réalise un
chœur de 22 voix sur Panagia!), Stephan
Micus ne se considère pas comme un cas
exceptionnel. «La plupart des compositeurs travaillent seuls. Etre l’unique interprète est plus inhabituel, mais cela tient à
plusieurs raisons: ma facilité à jouer de
différents instruments, mon attachement
à vivre à la campagne, ce qui rend les
contacts avec d’autres musiciens plus difficile, et, je dois bien le dire, le fait que
j’aime suivre ma propre voie.» Ascète de
la musique aux racines de vent, l’Allemand n’aime pas non plus la pression du
temps. «J’ai besoin d’environ trois ans
pour un album. Jouer parfaitement quatre minutes de musique me prend parfois
trois mois…»
Meilleures ventes Fnac
Offramp Rodeo
The Desoto Caucus
Glitterhouse (distr. Irascible)
Between The Lines
Wayne Paul
Namskeio
Les compagnons
de route danois
de leur mentor
américain Howe
Gelb, au sein de son groupe
Giant Sand, sortent leur 2e
album perso. L’influence du
gourou de l’Americana
alternative (les gars de Calexico
ont fait leurs premières armes
avec lui) est palpable, dans une
version adoucie, la vitre de la
bagnole embuée malgré le
paysage désertique. Les cowboys venus du froid maîtrisent
les vents de la mélancolie. On
dégaine, chapeau! bs
Après l’enfer
anglais, le paradis
suisse. Après
avoir fait les
beaux jours du label de Ninja
Tune, Big Dada, dans les années
1990, le chanteur d’origine
jamaïcaine Wayne Paul s’était
perdu dans les vapeurs
stupéfiantes. Il signe un retour
de flamme revigorant avec un
album produit par le Romand
Christophe Calpini. Belle
fournaise dub zébrée d’electro
pour sa voix soul en fusion.
Comme un rappel du Horace
Andy sous Massive Attack. bs
1. Drôle de parcours La Fouine
2. NRJ Awards 2013 Compilation
3. Génération Goldman Compilation
4. Sans attendre Céline Dion
5. Searching For Sugar Man (BOF) Sixto Rodriguez
6. Different Pulses Asaf Avidian
7. NRJ 200% Hits 2013
Compilation
8. Tout m’échappe
Jérémie Kisling
9. Django Unchained
(BOF) Compilation
10. Lequel de nous
Patrick Bruel