Les premières explications du vote se centrèrent sur la régularité

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Les premières explications du vote se centrèrent sur la régularité
Les premières explications du vote se centrèrent sur la régularité des choix des électeurs. Ces études, nées en grande partie aux Etats‐Unis, furent ensuite reprises en France où furent définies ce qui est communément appelé les variables lourdes du comportement électoral. Les études pionnières qui ont insisté sur la permanence du vote sont nées des géographes et historiens, puis ont largement influencé la sociologie électorale. I. Le vote, un phénomène collectif soumis à des pressions A. L’influence de l’environnement et du milieu L’analyse écologique, met en évidence la recherche des effets du milieu environnemental sur le comportement des individus. Elle fut la méthode pionnière soulignant la régularité des votes. Le pionnier de la sociologie écologique est André Siegfried (1875 – 1959), avec son ouvrage publié en 1913, Tableau politique de la France de l’Ouest sous la IIIe République. Travaillant à partir de cartes géographiques, son idée est de les superposer, selon les thèmes. Il va croiser ainsi les variables et voir quelles sont celles qui influent sur le vote. Il prend ainsi des cartes géologiques (sol granitique ou calcaire), des cartes de l’habitat (regroupé ou dispersé), des cartes de la propriété (petite propriété agricole ou de grande propriété agricole), régime de fermage ou faire‐valoir direct, les cartes de résultats à l’élection. Ce qu’il va montrer est l’influence de l’organisation spatiale de la démographie et du mode de propriété de la terre sur l’organisation sociale. Il va travailler sur 15 départements situés à l’ouest de la France, et sur les 40 premières années de la IIIe République (1870‐1910). Il va postuler qu’il existe une corrélation statistique entre les caractéristiques géographiques et les comportements électoraux, qui ont un lien avec le mode d’habitat, le mode de propriété, d’exploitation. Il conclue que le calcaire induit plutôt un vote de gauche, vote républicain, et le granit un vote plutôt conservateur. Selon Siegfried, c’est le fait que le sol granitique va créer un relief accidenté qui va donc favoriser la dispersion de l’habitat (le bocage) ainsi que la grande propriété, et cet ensemble d’éléments va aussi favoriser le catholicisme (la pénétration de l’Église dans les zones granitiques et l’influence des curés). Ces zones sont refermées sur elles‐
mêmes et fortement hiérarchisées : le noble, les notables et le curé sont des personnalités influentes. Ainsi, le nord de la Vendée va voter à droite par opposition au sud du département, situé sur les côtés atlantiques hors de la zone granitique, qui va voter à gauche. Ceci favorise un habitat plus regroupé. Les villages sont plus grands, deviennent des bourgs, avec des petites formes d’urbanité. On sait que ce sont dans les petites villes que se développe la petite bourgeoisie. Il y a moins d’inégalité entre les couches sociales, avec un peu plus d’égalité. On est moins soumis à la grande propriété, au curé car il y a plus de petits propriétaires. L’influence de l’Église est moins forte dans le sud vendéen. Ceci corrobore ce qu’il constate au niveau électoral : le sud vote plus républicain. L’idée va être reprise par d’autres chercheurs français qui vont reprendre les travaux de Siegfried dans les années 1950, cherchant à durcir le cadre d’analyse, sortant de cette obsession géologique que l’on observe chez Siegfried. C’est ce que tente de faire Paul Bois, historien qui travaille sur la sociologie électorale, en publiant Paysans de l’Ouest (1960). En se concentrant tout particulièrement sur la Sarthe, une zone de grande propriété qui connaît une frontière politique nette, il va voir s’il n’y a pas des éléments dans l’histoire politique du département une explication plus convaincante que la nature du sol dans la détermination du vote. Paul Bois vise à donner une perspective historique à l’analyse de Siegfried : il insiste sur le lien entre la mémoire des événements traumatisants et le comportement des électeurs. Il observe ainsi ce qu’a provoqué la Révolution française à l’échelle locale. Il va démontrer que dans la Sarthe, le phénomène de la vente des biens nationaux a provoqué les conflits importants dans le département, engendrant des révoltes notamment des paysans qui s’opposaient à cette vente, ce qui sera réprimé par l’envoi massif de soldats, ainsi que des prêtres réfractaires refusaient de prêter serment à la constitution civile du Clergé. De fait, Il constate que la Révolution, a créé des conflits entre structures sociales antagonistes qui ont engendré des comportements politiques opposés perdurant depuis. Il considère que l’attitude des populations peut être ramenée à celle de leurs cadres sociaux. Les cultures locales seraient alors liées à l’Histoire et à l’environnement. Certains ont critiqué son modèle, mettant en avant le fait qu’il y a eu une homogénéisation progressive des comportements au niveau national, notamment avec le phénomène d’urbanisation, ce qui réduit les spécificités locales. François Goguel, en matière de dispersion de l’habitat, observe également les influences sur le vote, notamment en ce qui concerne la participation. Plus on est dans un habitat dispersé, et plus on a tendance à s’abstenir de voter. Ces mécanismes spatiaux évoqués ci‐dessus illustrent l'apport de la géographie électorale au regard des schémas explicatifs qui s'étaient imposés dans l'interprétation des scrutins électoraux des années 1960 aux années 1980. Toutefois, on peut condamner l'enfermement siegfriedien dans le localisme et le régionalisme, pour se focaliser sur un véritable déterminisme sociologique, expliquant le vote. B. L’appartenance à un groupe dans le comportement électoral À partir de la seconde guerre mondiale, le développement des sondages aux Etats‐Unis va permettre d’étudier les comportements électoraux sur le plan individuel, offrant ainsi la possibilité de prendre en compte la mobilité des comportements. Les premières études de sociologie électorale par sondage sont réalisées par Paul Lazarsfeld et son équipe, à l’Université de Colombia aux Etats‐Unis. Ils suivent l’impact d’une campagne présidentielle (1940) en utilisant la technique du panel ou d’entretiens répétés auprès d’un échantillon identique dans le Comté de l’Ohio. Il en ressort deux grandes conclusions centrales. La première est que les préférences électorales sont formées durablement : « un individu pense politiquement comme il est socialement ». Cette stabilité est expliquée par l’existence de milieux sociaux politiquement homogènes et trois variables apparaissent déterminantes : le statut social, la religion et le lieu de résidence. La seconde conclusion porte sur l’effet limité de la campagne électorale. Cette dernière aurait pour principal effet de renforcer les convictions de personnes déjà convaincues et n’aurait que peu d’effet de conversion pour les non politisés ou les indécis. Les électeurs alignent finalement leur vote sur celui de leur groupe d’appartenance : on dénote donc le rôle des liens interpersonnels. Dès 1948, la deuxième école est celle de l’Université du Michigan, dont l’un des principaux représentants est Campbell (The American Voter, Converse, Stokes, Miller, en 1960). Leur analyse est appelée paradigme de Michigan. Cette école s’intéresse toujours aux facteurs sociaux, mais veulent introduire une variable psychologique, car ils posent l’hypothèse que le vote est déterminé par la charge affective, émotionnelle, que les électeurs portent à l’égard d’un des deux grands partis américains. Les électeurs sont finalement peu informés et peu intéressés par les questions politiques. Donc leur principal point de repère pour exprimer un jugement sur la politique va être des points de repère affectifs. Le principal facteur de l’orientation du vote est l’identification partisane à l’un des grands partis. Si on s’identifie à un parti politique, on va avoir du mal à s’en détacher, et cet attachement devient alors héréditaire. Il existe une identification politique chez les enfants au travers de la politisation de leurs parents et du milieu dans lequel ils grandissent. Comme Lazarsfeld, l’école de Michigan montre que la compétence de l’électeur est faible. Dans la sociologie électorale française on parle des « variables lourdes » du comportement électoral pour désigner les facteurs sociaux et culturels qui semblent les plus prégnants et explicatifs du vote. Les deux variables traditionnelles, sont le clivage ouvrier ‐ non ouvrier et catholique ‐ non pratiquant. Elles sont représentatives de l’opposition entre le parti de l’ordre souvent marqué par la force du catholicisme, d’une part, et le parti du mouvement, identifiable au vote de gauche, particulièrement implanté dans les régions industrielles et ouvrières, d’autre part. La construction des partis de gauche est considérée comme l’expression des attentes de la classe ouvrière. En effet, en France comme dans d’autres démocraties occidentales, de nombreux partis se sont constitués pour représenter la voix des ouvriers. Les partis de gauche, et particulièrement le parti communiste, recueillaient en France environ les deux tiers du vote ouvrier de 1946 à 1956. La relation s’est ensuite affaiblie de 1958 à 1967 puis a repris de la vigueur dans les années 1978, dans le cadre d’une montée générale de la gauche. Le lien entre catholicisme et vote de droite est également une idée commune depuis très longtemps. Une des premières enquêtes sur les catholiques menée par l’IFOP en 1952 a mis en exergue cette corrélation. On remarque que les individus votant à gauche sont essentiellement non pratiquants. De même, les électorats de droite et du centre demeurent des pratiquants. Tableau 1. Assistance à la messe des différents électorats en 1952 (% horizontaux) Pratique Aucune Dévots Observants extérieure pratique Communistes 0 13 10 Socialistes 9 24 21 Gaullistes 50 26 12 Indépendants 56 29 9 Mouvement 73 23 2 républicain populaire Source : Sondage IFOP sur les Catholiques baptisés Dans Bréchon Pierre, 2006. Comportements et attitudes politiques 77 46 12 6 2 Guy Michelat et Michel Simon ont produit des explications détaillées des relations entre appartenance professionnelle, religion et vote. Ils considèrent qu’il n’y a aucune relation mécanique et directe entre des appartenances religieuses et un vote, mais c’est l’intériorisation de systèmes symboliques de représentations qui expliquent le vote. À l’aide d’entretiens, ils mettent en évidence deux systèmes de représentations opposés : les Catholiques déclarés, anticommunistes, qui adoptent un système centré sur les valeurs de la famille traditionnelle et de la personne, en faveur de la droite, d’une part, et les irréligieux communisants, essentiellement ouvriers qui revendiquent leur identité de classe et estiment nécessaires de se montrer solidaires pour lutter contre ceux qui exploitent les défavorisés, d’autre part. Ces deux modèles, minoritaires dans la France des années 60, sont deux pôles extrêmes entre lesquels on trouve de nombreux systèmes symboliques intermédiaires, liés à l’histoire et aux liens sociaux des individus. Aux deux variables traditionnelles du vote détaillées précédemment, se sont ajoutées d’autres variables telles que le sexe, l’âge, le patrimoine, le niveau d’étude, la classe socioprofessionnelle, le niveau de revenu. Le vote relèverait donc de variables sociodémographiques, socioculturelles, et socioéconomiques. La montée de la volatilité électorale depuis les années 70 ont conduit nombre de chercheurs à s’interroger et à remettre en cause des modèles précédemment admis. Il ne s’agit dès lors plus de remonter dans l’histoire des individus et de leurs groupes d’appartenance pour comprendre le comportement électoral mais plutôt de chercher ce qui motive le vote dans chaque scrutin. L’accent est mis sur la décision électorale que prend chaque individu en fonction d’un contexte particulier. Selon ce modèle, l’influence des variables sociologiques sur l’acte de vote sont totalement laissées de côtés, l’individu n’est plus uniquement considéré comme membre d’un groupe auquel il serait soumis mais comme un individu, rationnel et égoïste. II. Remise en cause du déterminisme social, le vote en tant que choix individuel A. L’avènement de la rationalité A cette occasion, les théories d’Anthony Downs sur l’électeur rationnel datant de 1957 réapparaissent. Selon lui, l’ensemble des acteurs politiques appliquent un calcul de rationalité. Suivant cette logique, l’électeur est considéré comme un homo‐économicus qui cherche par son vote à maximiser ses gains. Le vote revêt alors une dimension utilitaire. Cet électeur doit donc être capable d’anticiper et être très bien informé sur la vie politique, économique et sociale du pays ou de l’ère géographique sur la quelle il vote afin de pouvoir faire le meilleur choix. Dans les faits, l’influence non‐décisive du vote sur la vie quotidienne n’incite le citoyen à s’informer que de manière minime. D’où l’idée de « rationalité limitée » ou d’une « ignorance rationnelle ». Cette rationalité se traduit de manière différente selon les scrutins qu’ils soient majoritaires ou proportionnels. En effet, dans certains cas, la rationalité peut aller jusqu’à justifier l’absence de vote, l’abstention, notamment lors des scrutins majoritaires. Un électeur soutenant un petit parti n’ayant aucune chance de gagner sera tenté, par un rapide calcul coût/avantage, d’économiser le déplacement et l’acte de vote puisqu’en tirant bénéfice relativement faible. En effet, selon les théories de l’utilité, le comportement le plus rationnel serait de s’abstenir puisque le vote a des coûts nettement plus importants que l’utilité infime de chaque vote. L’utilité instrumentale, incapable d’expliquer la participation électorale apparait donc insuffisante. D’où l’idée de rationalité axiologique introduite par Raymond Boudon en 1997. L’électeur irait voter pour défendre des valeurs, un système politique démocratique mais aussi par affirmation de son appartenance à la nation, par responsabilité civique. Ce modèle de l’électeur rationnel aboutit à l’émergence de la figure de l’électeur‐stratège qui reprend les notions d’anticipation et de maximisation des gains alors même que la nature du vote, ou le candidat sont déjà choisis. Pour l’électeur‐stratège, il s’agit justement de ne pas voter pour son candidat préféré et d’en choisir un autre afin d’accroître l’efficacité de son vote. Le stratège fait une prévision du résultat de l’élection et, du fait de cette anticipation, exprime finalement une préférence pour un second choix qui aurait plus de chance de l’emporter. Cette anticipation est facilitée par les sondages électoraux. Le vote n’est, ainsi, pas un vote de personnes particulièrement politisées ou compétentes. Ce vote stratège a surtout été étudié par André Blais et mis en évidence dans des scrutins majoritaires à un ou deux tours. André Blais a ainsi cherché à mesurer le vote stratège dans l’élection présidentielle de 2002 en distinguant en fait deux types de votes stratèges. Le vote stratège classique ou vote utile qui consiste à voter pour l’un des deux candidats annoncés pour le deuxième tour. Ce vote utile n’a concerné qu’1% des électeurs, tout le monde s’attendant à la présence au deuxième tour de Jacques Chirac, président sortant, et de Lionel Jospin, son premier ministre. En revanche, un vote stratège inversé a été massivement enregistré. Ce choix stratège inversé consiste à délaisser au premier tour le candidat que l’électeur veut voir gagner au second tour et lui préférer un autre choix. Cette attitude permet notamment d’envoyer un message au candidat que l’on veut voir gagner. Ainsi, est‐il souvent utilisé par des personnes relativement critiques à l’égard de leur candidat. Environ 9% de l’électorat aurait donc renoncé à son préféré au profit des autres : la moitié des soutiens de Jacques Chirac et un tiers de ceux de Lionel Jospin se seraient ainsi portés sur le candidat de l’extrême‐droite. Mais le vote stratège n’est efficace que s’il est le fait d’un nombre restreint d’électeurs afin de ne pas évincer, comme en 2002, le candidat préféré auquel est destiné ce vote stratège inversé. Bien que le vote stratège en 2002 soit fortement lié à la conjoncture de l’élection, il semblerait qu’il soit plus fréquent à l’avenir en raison de l’affaiblissement des identités partisanes fortes et de la mobilité électorale. B. Crise de l’identification partisane et le vote sur enjeux On assiste en effet depuis le milieu des années 70 à une crise de l’identification partisane dûe notamment à la réévaluation du poids des enjeux sur le vote. L’ouvrage The Changing American Voter est resté le symbole d’une forte remise en cause du paradigme de Michigan et de la réhabilitation d’un électeur plus actif, raisonnable et autonome, qui se décide souvent en fonction d’une conjoncture politique variant selon le mode de scrutin, les partis et les candidats ainsi du contexte économique, social et politique. Le vote sur enjeu désigne un choix électoral qui ne se fait plus en fonction d’appartenances sociales ou partisanes mais en fonction de problèmes ayant une certaine importance dans le débat politique. Trois conditions doivent être réunies pour pouvoir parler de vote sur enjeux : l’électeur doit avoir une compétence politique suffisante pour identifier les enjeux du moment et les positions des différents partis et candidats sur ces sujets. Il doit avoir des préférences personnelles sur les principaux enjeux et être capable de les hiérarchiser. Enfin, il doit voter pour le candidat le plus proche de ses préférences sur l’enjeu prioritaire ou sur les principaux enjeux. On peut distinguer différents enjeux selon qu’ils soient conflictuels, consensuels, proches ou éloignés. Souvent, les enjeux proches et conflictuels peuvent avoir des conséquences fortes sur les résultats électoraux, à la différence des autres. En réalité, il est souvent difficile de préciser le poids exact du vote sur enjeux dans la décision électorale. En effet, la valorisation d’un enjeu dépend plus ou moins de l’ensemble du système de valeurs des individus, ce n’est donc pas une valeur indépendante des autres. Cependant, la montée d’un enjeu dans l’opinion peut avoir un impact électoral et même contribuer à restructurer le système de valeurs et d’attitudes de certains individus, contribuant ainsi à accroître la mobilité électorale et la crise des identités partisanes. En effet, après 1981, en France, le reflux rapide de la gauche, même au sein des catégories qui l’ont porté au pouvoir, la montée des partis hors‐système et le revirement du corps électoral d’une élection à l’autre illustrent les limites des modèles politiques déterministes. L’électeur français, plus instruit, plus politisé se comporterait ainsi en consommateur éclairé, faisant son choix en fonction des enjeux du moment et n’hésitant pas à changer de parti à chaque élection. Aussi, le clivage gauche/droite tend à s’estomper, bien que la majorité des français continuent à se situer sur une échelle gauche/droite pour définir leurs préférences politiques. Dans ce contexte, se développe le modèle de l’électeur‐consommateur mis au point par Himmelweit en 1981. Sa méthodologie consistant à suivre une population sur le long terme (une vingtaine d’années) révèle une mobilité très importante. Ces électeurs volatiles ne semblent ni plus ni moins politisés que les constants. Leur mobilité apparait raisonnable et justifiée par leurs jugements sur les principaux points des programmes des partis. Leur vote est donc largement déterminé par leurs positions sur les enjeux de l’élection. Ces études empiriques montrent tout de même le poids du passé et de l’éducation familiale mais ces attitudes politiques se recomposent et les votes s’ajustent sur les orientations et les perceptions du moment. Le vote serait ainsi comme l’achat d’un bien, choisi en fonction d’une offre électorale que sont les candidats, leur programme et leur parti. L’acheteur se décide avant tout sur la connaissance du produit et ce qu’il peut en attendre, mais son choix dépend aussi de ses achats antérieurs et d’une confiance plus ou moins forte dans une marque politique, ainsi que des pressions plus ou moins indirectes de son environnement. La figure de l’électeur consommateur permet ainsi de mieux comprendre la logique du vote sanction ou du vote prospectif. Ce modèle de l’électeur consommateur insiste sur l’importance prioritaire des facteurs de court terme dans la décision électorale mais qui reconnait aussi l’impact des variables de long terme. Ces dernières, moins déterminantes que l’offre du moment, constituent un arrière‐fond des décisions électorales. C’est donc un modèle synthétique illustrant les influences diverses sous‐
jacentes à l’acte du vote partagé entre volonté de rationalité et poids de la socialisation. Le comportement électoral a certes bien évolué, de pair avec les théories sociologiques. Cependant, cette thèse est à nuancer. Le mouvement d’individualisation du rapport à la politique est une tendance lourde, mais plus ou moins développée selon les catégories sociales et les générations. L’individualisation du vote, que les théories de l’électeur rationnel mettent bien en évidence, n’invalide pas les conceptions antérieures qui insistaient sur les influences sociétales. Les modèles du comportement électoral sont plus complémentaires qu’opposés. Même si l’électeur réfléchit et tient compte de l’offre électorale, il demeure marqué par son système de valeurs. Il y a donc de la permanence et du changement dans les choix opérés au moment de chaque vote. Ainsi, le modèle sociologique et celui du choix rationnel ne s’opposent pas mais se complètent. Le choix de l’électeur est un processus qui mêle à la fois des facteurs structurels et conjoncturels. Bien que déterminé partiellement par un ensemble de valeurs, l’électeur modifie son choix de vote au gré de l’évolution de ses intérêts. Toutefois, les différents modèles explicatifs n’intègrent pas encore le phénomène de crise du vote, illustrée par les taux d’abstention, le déclin du militantisme. Les nouveaux électeurs doivent faire face aux poids politiques des médias et une mutation de la communication politique pour appréhender leur participation politique.