4ème dimanche de Carême – Année C Frère Pierre

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4ème dimanche de Carême – Année C Frère Pierre
4ème dimanche de Carême – Année C
Frère Pierre-Marie
Josué 5,9-12; Ps 33; 2Corinthiens 5,17-21; Luc 15,11-23
Dimanche 18 mars 2007
Eglise Saint-Gervais, Paris
Quadruple amour du Père
Pourquoi la parabole que nous venons d’entendre
est-elle la plus précieuse et la plus belle qui puisse être ?
Parce qu’avec cette Révélation, directement portée jusqu’à nous,
par Celui qui est descendu du ciel (Jn 3,13),
c’est le coeur le plus intime de Dieu qui nous est montré.
C’est la pleine lumière sur l’amour du Père
qui nous est transmise.
C’est la tendresse divine en acte qui nous est manifestée.
Quel est donc cet Amour dont le Christ Jésus
nous montre le Visage ?
Le Visage de ce Dieu dont il est pourtant dit
que nul n’a jamais entendu sa voix ni jamais vu sa face (Jn 5,37).
C’est un amour que l’on pourrait dire,
à bien écouter la parabole, en quatre dimensions.
Que nous est-il ici révélé en effet ?
D’abord, que Dieu nous donne, sans calcul.
Ensuite, que Dieu nous attend, patiemment.
Puis, que Dieu nous accueille, avec tendresse.
Enfin, qu’il nous pardonne sans limite.
*
La première chose qui frappe effectivement dans la parabole,
c’est cette manière qu’a le Père de donner.
Il donne sans hésitation, sans calcul, sans mesure.
Il donne sans charger de recommandations ou d’interdits.
Il donne en silence ; comme sans état d’âme.
Mais l’on pressent bien que ce don est fait
avec une profonde attention, non sans émotion et avec un infini respect.
Dieu donne, en somme, par pur amour.
Frères et soeurs,
nous sommes-nous arrêtés, une seule fois dans notre vie,
pour méditer, un peu en profondeur, au don que Dieu nous a fait ?
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Qu’avons-nous donc qu’Il ne nous ait pas donné ?
Il nous a donné la vie qui ne peut venir que de lui.
Il nous a donné cette terre qui nous porte, avec ses beautés et ses richesses.
Notre corps, avec ses merveilles ; notre intelligence, avec ses capacités ;
notre âme promise à l’immortalité ;
notre coeur, capable d’aimer sans mesure ;
et notre esprit, qui est en nous comme un éclat de sa divinité.
Il nous a offert, dans une confiance totale
le don suprême d’une liberté absolue (Ga 5,1).
Le partage de sa paix, de sa lumière et de sa joie.
Les grâces de la foi, de l’espérance et de l’amour.
Le Père nous a même fait le don de son Fils,
livré pour le salut du monde (Jn 3,16).
Et le don de son Esprit répandu à profusion dans nos coeurs (Rm 5,5).
Si nous savions voir, reconnaître et contempler
ces dons que Dieu nous fait ;
ce don de lui-même qu’Il nous fait,
comme notre vie en serait réjouie !
- Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.
Et le Père leur partagea son bien (Lc 15,12).
- Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? , interroge l’apôtre (1 Co 4,7).
- Et toi, Seigneur, qu’as-tu créé que tu ne nous aies donné ?
*
La seconde réalité qui frappe dans la parabole,
c’est l’attente patiente que le Père manifeste.
Si Dieu se tait, ce n’est pas parce qu’il nous oublie ;
c’est parce qu’il nous respecte.
Il ne nous sur-veille pas ; Il veille-sur nous.
Il n’épie pas nos écarts ; Il guette notre retour.
Mon juge à moi, c’est le Seigneur, chante le psaume.
Mais le Seigneur, c’est la miséricorde, précise le livre de l’Exode.
Dieu nous attend donc, avec une infinie patience.
Ne lui reprochons pas de se taire ou de ne pas assez intervenir.
Cette attente marque son respect de notre liberté.
Elle nous donne le temps, tout le temps,
de grandir personnellement dans la durée de notre existence.
De laisser grandir en nous le désir de la conversion,
du repentir, de la montée en sainteté, du retour.
Quelle force, quelle espérance et quelle joie de savoir,
tout au long de la route qui monte vers lui, que le Père nous attend !
*
Une troisième certitude nous est ainsi donnée,
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dont Jésus nous fait également la révélation dans la parabole :
C’est que Dieu accueille toujours avec tendresse.
Ce fils perdu qui se traîne ainsi sur le chemin du retour,
à l’évidence, n’est pas un saint !
Or, que voyons-nous, là-bas, à l’horizon de la route ?
Comme le fils était encore loin, son Père l’aperçut
et fut troublé de compassion. Et Jésus nous confie :
Il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.
Sublime scandale !
Ce n’est pas le fils prodigue qui hâte le pas ;
c’est le Père qui court dans l’élan de sa tendresse !
Ce n’est pas le pécheur repenti qui se prosterne ;
c’est le Père transporté de joie qui le prend dans ses bras !
Pas une question, pas un soupir, pas un reproche.
Pas même de ces larmes que l’on dit d’émotion
et qui ne sont souvent que de sensibilité extérieure
ou de peur refoulée.
Mais quelle exubérance dans la tendresse,
et quelle éloquente sobriété dans cette discrétion !
Voilà l’image de notre Dieu, ce Père des cieux,
dont Jésus, le Fils unique, a pu nous dire,
lui qui était venu de Dieu et retournait à Dieu (Jn 13,3),
combien lui-même Il nous aime (16,27).
Non pas un Dieu de menace, de vengeance, de jugement, de châtiment,
mais de miséricorde, de pitié et de pardon (Ex 34,6).
Un Dieu dont enfin nous connaissons la plénitude du Nom,
osant lui dire : Abba, Père, comme de véritables enfants (Rm 8,15).
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Le dernier trait de son amour paternel
est dans le fait d’un pardon sans limite.
Un pardon qui est allé jusqu’à la démesure, non seulement
de l’incarnation rédemptrice,
mais encore de la folie du message, de cette mort sur la croix !
Dans une formule renversante
l’apôtre Paul nous en rappelle l’insondable mystère.
Celui qui n’avait pas commis aucun péché, Jésus,
le Père l’a identifié au péché des hommes
afin que, par lui, nous soyons identifiés à la sainteté de Dieu (2 Co 5,21).
Dès lors quelle grâce que cette rencontre
entre les hommes et Dieu que l’apôtre appelle réconciliation (5,17-20)
Un simple mouvement de notre coeur,
et tout est lavé, oublié, reconstruit.
Tout est redonné plus merveilleusement encore.
- Vite, apportez la plus belle robe et l’en revêtez,
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mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures aux pieds (Lc 15,21).
Et voici l’indigne prodigue rendu à la triple joie,
de la nuptialité, du droit de propriété
et de la sainte liberté des enfants de Dieu.
Et nous voici tous pécheurs, devenus avec lui,
littéralement, héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ (Rm 8,17.21).
Par ce pardon qui surpasse tous les dons
puisqu’il les rend tous avec un surcroît de grâce,
le Père nous engendre réellement comme des fils.
Car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie ;
il était perdu et il est retrouvé.
C’est bien de re-naissance qu’il s’agit en effet.
Nous l’avons également entendu tout à l’heure :
Si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle.
Le monde ancien a disparu, un monde nouveau est déjà né (2 Co 5,17).
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Frères et sœurs,
la manne n’a plus besoin de tomber (Jos 5,10-12).
Sur la Terre Nouvelle qui n’est plus seulement promise,
mais déjà conquise par le Christ, nouveau Josué,
cette Terre où ruisselle désormais la grâce du salut,
le pain de la vie éternelle nous est donné
par Celui qui descend du ciel (Jn 6,33-58).
Le Fils prodigue c’est bien lui, Jésus Christ !
Il est venu perdre sa vie sur terre
pour nous ramener tous à la Maison du Père (Jn 14,1-3).
Devenu aussi l’aîné de la multitude des frères (Rm 8,29),
c’est lui qui, désormais, en notre nom, répond au Père du ciel :
Ceux que tu m’as donnés sont à toi ;
et tout ce qui est à moi est à toi,
et tout ce qui est à toi est à moi,
et je suis glorifié en eux (Jn 17,9-10).
Nous commençons seulement à comprendre à présent
la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur
de cet amour du Christ, lui aussi en quatre dimensions.
De cet Amour qui fait de Dieu un coeur en expansion.
Père, prends-moi comme l’un de tes ouvriers ! (Lc 15,19).
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