Sur l`actualisation du statement UNE TRADUCTION D`UNE

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Sur l`actualisation du statement UNE TRADUCTION D`UNE
A TRANSLATION FROM ONE LANGUAGE TO ANOTHER | UNE TRADUCTION D’UNE LANGUE A L’AUTRE
Statement n° 71
Actualisation de Priscilla Hervot et Claire Fournier, IUT Carrières sociales
Le contact avec les œuvres de Lawrence Weiner passe nécessairement par les mots. Rien
d’étonnant donc que dans les workshops Collection Public Freehold, le statement n° 71 A TRANSLATION
FROM ONE LANGUAGE TO ANOTHER | UNE TRADUCTION D’UNE LANGUE A L’AUTRE suscite chez
les étudiants un intérêt marqué, à tel point qu’à Rennes il a été activé plusieurs fois et par des étudiants
différents. Nous présentons ici une version poster réalisée par Priscilla Hervot et Claire Fournier, deux
étudiantes de l’IUT Carrières sociales ayant également proposé une autre réalisation, sculpturale, du même
énoncé.
Inscrite dans le cœur du langage, la pratique de l’artiste conduit logiquement à interroger le médium qui la
constitue. Les interstices entre l’américain initial et ses traductions françaises, parfois fantasques ou
approximatives, offrent un espace privilégié au récepteur. Dans le cas présent, la version française est
particulièrement ambiguë, renvoyant tout autant au langage qu’à l’organe de celui-ci. Les deux auteurs ont
choisi de la privilégier et de jouer avec le logiciel de traduction fourni par Google, outil linguistique aussi
puissant qu’approximatif. En utilisant la poésie aléatoire et involontaire qu’il produit, surtout lorsqu’il est
soumis à un usage en boucle, elles ont ainsi fait réaliser une première traduction automatique du statement
du français vers l’allemand, puis de l’allemand vers l’anglais, de l’anglais vers le russe, du russe vers
l’anglais, de l’anglais vers le néerlandais avant de revenir provisoirement au français, etc. En six traductions
successives, le statement est devenu LE TRANSFERT DE LA LANGUE A AUTRUI… pour finir quarante
trois épisodes plus tard par A TRANSPORTE LANGUE DU TIROIR ! De nuances en approximations, de
décalages en ricochets linguistiques, c’est Babel au travail, la langue étant traitée comme un matériau, réduit
EN MORCEAUX (statement n° 251), comme UN OBJET JETÉ D’UN PAYS À L’AUTRE (n° 28). La
délégation qui caractérise le travail de Weiner a été ici poussé un cran plus loin, les étudiantes ayant mis à
contribution un logiciel de traduction.
Très logiquement, c’est le logiciel Word qu’elles ont utilisé pour créer une image avec des mots, simplement
en mettant en forme l’ensemble des traductions successives jusqu'à produire une évocation d’urne ou de
vase… purement hasardeuse et totalement indépendante du contenu ! Jouant des mots passés dans
l’espace plastique de la page, elles ont ainsi utilisé deux possibilités sur les trois que prescrit l’énoncé
d’intention, avant de faire tirer leur proposition en format A0 chez un imprimeur pour la présenter simplement
épinglée au mur, comme un poster - forme légère dont Lawrence Weiner dit qu’elle fonctionne très bien1.
Ultime délicatesse pour le spectateur, la mise en gras des versions françaises successives, rythmant la
lecture, pointe les écarts que cette réalisation soulève… tout en exposant le processus qui justement la
fonde.
Philippe Dorval
1
- Lawrence WEINER / Frank PERRIN - Rencontres 7 : Lawrence Weiner / Frank Perrin - Paris, Images modernes / Almine Rech éditions, 2002