Texte annonce diagnostique final 2-7-10
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Texte annonce diagnostique final 2-7-10
« L’annonce diagnostique » Centre Référent Maladies Neuromusculaires Rares Rhône-Alpes Lyon Grenoble Saint-Etienne Composition du comité de pilotage : Eric Beaudet (AFM), Jean-Philippe Camdessanché (CHU Saint-Etienne), Klaus Dieterich (CHU Grenoble), Emeline Lagrange (CHU Grenoble), Philippe Latour (CHU Lyon), Véronique Manel (CHU Lyon), Elisabeth Ollagnon (CHU Lyon), Pascale Poitou (CHU Grenoble), Ariane Tirard (CHU Grenoble). Introduction L’annonce diagnostique est un moment clé dans la prise en charge des patients. Elle s’inscrit dans un cadre légal (Cf. annexe 1). Le texte ci-dessous résume les réflexions des membres du COPIL « annonce diagnostique » du Centre Référent Maladies Neuromusculaires Rares Rhône-Alpes et a pour but de proposer des recommandations pour les annonces diagnostiques réalisées au sein du centre. Ces recommandations concernent les pathologies neuromusculaires génétiquement déterminées ou acquises. Il n’aborde pas la problématique des tests prédictifs réalisés au sein de consultations multidisciplinaires référencées, ni le diagnostic anténatal réalisé dans des centres diagnostiques agréés. Qui annonce ? Il est logique que l’annonce soit réalisée par le prescripteur du bilan génétique ou par celui qui va assurer la prise en charge de la pathologie génétiquement déterminée ou acquise. La présence d’un autre soignant (psychologue) est possible si une discussion préalable a eu lieu entre les soignants (Qui fait quoi ? Organisation pratique de la consultation d’annonce). L’autre condition est que l’autre soignant soit connu du patient avant le temps de l’annonce. Si l’annonce est réalisée par plusieurs personnes, les discours doivent se compléter et être en cohérence. A qui ? L’annonce sera faite au malade qui pourra être accompagné s’il le souhaite. La présence d’une tierce personne est encouragée. Cela pourra être une personne avec qui le patient souhaite partager le diagnostic ou la personne de confiance. Si le patient n’est pas majeur et en fonction de son âge, un premier temps d’annonce aux parents est proposé. Un second temps d’annonce en présence de l’enfant est indispensable. La situation de l’annonce à l’enfant est particulière et doit se faire de façon concertée avec les parents. L’anticipation doit être encore plus importante (Cf. annexe 2). Les informations pourront être transmises au médecin traitant et le cas échéant aux autres médecins qui prennent en charge le patient, avec l’accord de ce dernier. -1- Quand ? L’annonce sera programmée le plus tôt possible après réception du résultat de l’étude génétique. Le délai logique de réception du résultat aura été dit au patient avant la consultation d’annonce. Pour la pathologie acquise, un délai pour la réception des résultats des différents éléments du bilan sera aussi donné au patient. Dans d’autres cas, la consultation d’annonce peut être programmée d’emblée et identifiée comme telle au secrétariat afin que le cadre proposé dans ce document puisse être respecté. Autant pour la pathologie génétiquement déterminée qu’acquise, un bilan négatif ne devra pas modifier le processus d’annonce. Si le patient n’est pas venu à la consultation d’annonce diagnostique, son médecin référent doit en être prévenu par écrit (sans que le diagnostic ne soit cité). Le patient doit aussi être informé qu’une autre consultation peut être organisée et que le service concerné se tient à sa disposition. Si le patient, ne reprend pas contact, une « relance » doit être faite dans un délai à apprécier en fonction de la maladie et des ses implications personnelles et familiales. Dans certains cas, l’annonce pourra se faire en plusieurs étapes, calées sur la réceptivité du patient et sur sa capacité à s’approprier l’information délivrée. Comment ? Le patient aura été prévenu avant le temps de l’annonce que le résultat ne sera pas donné par téléphone ou par courrier. Le plus souvent, la consultation d’annonce sera organisée par le médecin. Pour la pathologie génétique, certains préfèrent que le rendez-vous soit pris par le patient ce qui témoigne de son implication dans la démarche diagnostique. Pour la génétique ou dans le cas d’une pathologie acquise dont le diagnostic dépend d’un résultat précis, la formulation suivante nous a paru être la meilleure : « Le laboratoire X vient de me prévenir que j’allais recevoir votre résultat. Ceci m’incite à vous proposer un rendez-vous de consultation le … » ou « Les résultats des différents examens qui ont été réalisés chez vous vont bientôt tous m’être revenus ce qui m’incite à vous proposer un rendez-vous de consultation le … » ou « Le laboratoire X vient de me prévenir que j’allais recevoir votre résultat. Je vous laisse le soin de reprendre contact avec mon secrétariat en précisant qu’il s’agit d’un rendu de résultat pour que les délais de rendez-vous soient réduits si vous le désirez … ». L’annonce du diagnostic intervient quand le soignant a accumulé les arguments cliniques et/ou paracliniques suffisant à sa formulation. Le soignant doit avoir en sa possession dans la mesure du possible des résultats écrits. La matinée est plus adaptée à l’annonce diagnostique, l’anxiété allant en général crescendo dans la journée. Pour les mêmes raisons, la première partie de la semaine devra être privilégiée plutôt que le vendredi, veille de week-end. Le soignant devra pouvoir être recontacté après l’annonce. Il doit donc fournir des coordonnées au patient. Une plage horaire de 45 mn à 1h devra être réservée pour l’annonce. Si le soignant est stressé par l’éventualité d’un retard dans son emploi du temps, la qualité de son discours et de son écoute en sera altérée. Le lieu choisi pour l’annonce devra dans la mesure du possible être suffisamment spacieux, clair et accueillant. Le soignant devra avoir la certitude qu’il ne sera pas dérangé. Des consignes auront été données. Les téléphones portables seront coupés. Si l’annonce a lieu dans une chambre de patient, la télévision sera -2- éteinte. S’il s’agit d’une chambre à deux lits et si cela est possible, l’autre patient sortira. Le soignant s’assoit au même niveau que le patient, face à face, les regards à la même hauteur. Le soignant sera détendu mais pas décontracté. 70% de la communication est non verbale. Le soignant pourra se servir de mouvements du corps, de gestes, du regard pour illustrer sa disponibilité et son écoute. Le contact physique (toucher une épaule, une main) pourra permettre de signifier un soutien, un engagement. Des mouchoirs doivent être disponibles et proposés si besoin afin que le patient se sente autorisé à pleurer et qu’il n’ait pas à gérer matériellement ses sanglots. Le patient devra être bien installé, si possible habillé. Son intimité devra être respectée par-dessus tout. Il ne doit pas se sentir humilié par la situation. Quoi ? Le soignant saura quoi dire en écoutant le patient. Que sait déjà le patient de sa maladie, de son mode évolutif, des chances de guérison ? Que veut savoir le patient ? Jusqu’où veut-il savoir ? Que peut-il entendre ? La réponse du thérapeute doit s’ajuster «en direct» à la demande du patient et à son état psychique. L’annonce ne doit pas aller au-delà des questions du patient et doit respecter ses mécanismes de défense (Cf. annexe 3). Pour l’annonce, le soignant procédera par étapes afin que le patient ait le temps de comprendre. Les mots doivent être simples, énoncés lentement et clairement. Le patient ne doit cependant pas être infantilisé. A l’inverse, le discours doit être abordable sans termes trop techniques. Durant l’annonce, le soignant doit être empathique, à l’écoute des paroles et des gestes du patient. Il pourra reprendre les mots de ce dernier. S’il sent poindre une question, il devra s’arrêter et aider le patient à la poser. Si le patient parle, le soignant ne le coupera pas. Il l’encouragera à exprimer ses émotions. Le soignant ne doit pas fuir ou éviter les questions. A la fin de l’annonce, le patient doit pouvoir nommer sa maladie. Le soignant vérifiera que les points importants ont bien été compris. Le soignant devra remettre au patient un document faisant état du diagnostic. Parallèlement, il pourra remettre au patient un document explicitant la maladie et ses possibilités de prise en charge. Dans certain cas, une carte correspondant à la maladie sera remise. Le soignant devra évoquer avec le patient les intérêts et les limites des recherches sur Internet. Il pourra lui conseiller des sites de valeur et lui donner l’adresse du site du centre quand il sera disponible. Le soignant pourra aussi informer le patient de l’existence d’associations de patient et lui remettre les documents correspondants. Le soignant doit proposer au patient des objectifs à court terme afin que l’annonce ne se termine pas sur le diagnostic mais sur un projet (traitement même si non curatif, prise en charge) et sur un espoir réaliste. En cas de pathologie génétiquement déterminée, le soignant doit évoquer la possibilité d’information pour le reste de la famille voire d’une consultation de génétique. Des coordonnées ou des renseignements précis doivent alors être remis. Parfois, il n’est pas possible de dépasser la notion de diagnostic possible ou probable. Resituer le problème dans un cadre étiopathogénique peut permettre d’expliquer cette incertitude au patient. -3- Post-annonce ? Après l’annonce, un contact par un membre du centre est conseillé (psychologue). Ce contact est destiné à estimer le vécu du patient de l’annonce diagnostique. Il permettra aussi de répondre à ses questions. Si le soignant qui reprend contact n’est pas directement concerné par les questions posées, il fera le relai avec la ou les personnes compétentes. Texte rédigé par les personnels du Centre Maladies Neuromusculaires Rares Rhône-Alpes. Version du 2 juillet 2010. -4- Annexe 1 : « Encadrement législatif de l’annonce diagnostique » 1. La prescription d’analyses génétiques à des fins médicales Le consentement - - - - Prévu à l’article 16-10 du Code Civil (CC). Prévu à l'article L. 1131-1 du code de la Santé Publique (CSP) et mis en application par les articles R1131-3 et R1131-4 (Décret n°2008-321 du 4 avril 2008). Doit être exprès, recueilli par écrit, et est révocable à tout moment. Recueilli après une information préalable sur les caractéristiques de la maladie recherchée, les moyens de la détecter, le degré de fiabilité des analyses ainsi que les possibilités de prévention et de traitement. Donné par la personne majeure concernée, les titulaires de l’autorité parentale pour un mineur, ou le représentant légal d’un majeur sous tutelle. Doit être systématiquement recherché chez les mineurs et les majeurs sous tutelle s’ils sont aptes à exprimer leur volonté et à participer à la décision. Ne pas recueillir le consentement en vue d’analyses génétiques est un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende (article L.1133-1 du CSP et article 226-25 du Code pénal). Toutefois dans l’intérêt du patient, et s’il est impossible de recueillir le consentement de la personne, et de sa personne de confiance, et de sa famille ou à défaut d’un de ses proches, l’analyse peut être réalisée à des fins médicales (article L. 1131-1 du CSP). La prescription - Régit par l’article R1131-5 (Décret n°2008-321 du 4 avril 2008) du CSP. Est faite au cours d’une consultation médicale individuelle. Nécessite un bénéfice en termes de mesures préventives ou curatives immédiates pour un mineur ou majeur sous tutelle ou leurs familles. L’information à la famille - - Régit par l’article R1131-4 (Décret n°2008-321 du 4 avril 2008) du CSP. Le patient est informé avant la signature du consentement des modalités de transmission génétique de la maladie recherchée et de ses possibles conséquences chez d’autres membres de la famille. En cas d’anomalie génétique grave posée par l’analyse génétique, le médecin doit informer la personne ou son représentant légal des risques que son silence ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent être proposées à ceux-ci (article L. 1131-1 du CSP). Le médecin doit délivrer un document signé au patient attestant de la transmission de cette information. Le patient peut choisir de ne pas transmettre l’information sans encourir d’action en responsabilité. -5- - La personne concernée, ou son représentant légal, peut choisir d'informer sa famille par la procédure de l'information médicale à caractère familial. Le médecin doit alors transmettre les coordonnées des membres de la famille concernés à l’Agence de Biomédecine (article L. 1131-1 du CSP). Les membres de la famille seront informés par un médecin désigné de transmettre l’information par l’Agence de Biomédecine. Le rendu des résultats - - - Régit par l’article R1131-19 (Décret n°2008-321 du 4 avril 2008) et l’ article L. 1131-1 du CSP. Les résultats de l’analyse génétique sont adressés exclusivement au médecin prescripteur. Ils sont donnés par le médecin prescripteur seulement, à la personne concernée, au titulaire de l’autorité parentale pour un mineur ou à son représentant légal pour un majeur sous tutelle, au cours d’une consultation médicale individuelle. Un conseiller en génétique, sur prescription médicale et sous la responsabilité d'un médecin qualifié en génétique, peut participer à la délivrance des informations et conseils aux personnes et à leurs familles ayant fait l'objet d'analyses génétiques (article L. 1132-1 du CSP). Le refus par la personne concernée de connaître les résultats doit être consigné par écrit. Les mineurs et majeurs sous tutelle ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle (article L. 1111-2 du CSP). La conservation des documents - 2. Régit par l’article R1131-20 (Décret n°2008-321 du 4 avril 2008) du CSP. Le consentement, les doubles de la prescription de l’examen génétique et des comptes-rendus d’analyses doivent être gardés dans le dossier médical. La personne de confiance - - Prévu par l’article L1111-6 du CSP. Toute personne majeure peut désigner, par écrit, une personne de confiance (parent, proche, médecin généraliste, ...) au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté ou de recevoir l’information à cette fin. Si le patient le souhaite, cette personne de confiance peut assister aux consultations médicales. Texte rédigé par les personnels du Centre Maladies Neuromusculaires Rares Rhône-Alpes. Version du 2 juillet 2010. -6- Annexe 2 : « Particularités de l’annonce chez l’enfant » Introduction L’annonce d’un diagnostic chez l’enfant constitue souvent un acte traumatisant pour ses parents. Nous proposons d’aborder les spécificités de cette annonce en pédiatrie. Qui annonce ? L’annonce incombe au médecin qui a examiné l’enfant en présence de ses parents, qui a évoqué la maladie et programmé des examens complémentaires selon le contexte, et enfin, le cas échéant prescrit l’analyse génétique. A qui ? Dans un premier temps, proposer de rencontrer les parents seuls, si possibles les deux ensembles. Ensuite, rencontrer l’enfant accompagné de ses parents. Chez l’enfant grand, proposer un moment d’entretien individuel. Les parents sans leur enfant pourront plus librement exprimer leurs émotions, poser des questions (en particulier sur le pronostic) sans crainte de heurter la sensibilité de leur enfant. Un enfant peut être très déstabilisé face à la douleur de ses parents. Quand ? Comme chez l’adulte, le plus rapidement possible après réception du résultat, les parents ayant été prévenus lors de la consultation initiale du délai approximatif et de l’impossibilité de donner le résultat par courrier ou téléphone, qu’il soit positif ou négatif. Comment ? Pas de spécificité pédiatrique. Quoi ? Annonce par étape, donner l’information en se référant aux analyses qui confirment le diagnostic. Demander aux parents ce qu’ils savent de la maladie qui a été évoquée lors de la première consultation, se sont ils renseignés (Internet) ? Attendre leurs questions. Ne pas les devancer. Il n’est pas utile de tout dire. Répondre clairement et simplement à ces questions. Bien s’assurer que l’information a été comprise. -7- Recadrer la place de l’enfant dans le temps présent avec ses possibilités et les aides qui vont être mises en place concrètement. La prise en compte de la composante héréditaire de la maladie doit être abordée sans pour autant culpabiliser. Une information à contenu négatif doit toujours être assortie d’une proposition concrète pour répondre au problème. Encourager l’expression des émotions. Identifier les mécanismes de défense des parents et les respecter. Expliquer ce qui va se passer ensuite ; les prochaines consultations prévues pour l’enfant mais aussi pour ses parents (consultation génétique) ; évoquer les autres intervenants qui vont prendre en charge l’enfant. Avec l’enfant, utiliser des mots simples, répondre à ses questions, ne pas dire plus que ce qu’il veut savoir. Très tôt, il a conscience de ses difficultés et de ses différences par rapport aux autres enfants du même âge. Le déculpabiliser, ce n’est pas de sa faute s’il a des difficultés. Lui expliquer comment on va l’aider. L’annonce est relayée au pédiatre ou médecin traitant par un courrier, qui est adressé en copie aux parents. Proposer une nouvelle consultation. Rester à la disposition des parents pour informer la fratrie, voire les examiner si doutes, en cas de maladie génétique. Texte rédigé par les personnels du Centre Maladies Neuromusculaires Rares RhôneAlpes. Version du 2 juillet 2010. -8- Annexe 3 : « Les mécanismes de défense lors de l’annonce du diagnostic » L’annonce du diagnostic est un moment difficile pour la personne concernée mais aussi pour l’annonceur. L’annonce diagnostique est réalisée par le médecin mais elle implique la totalité de l’équipe soignante. Dans ce dialogue, il est important d’apprendre à mieux connaître l’autre mais également de mieux se connaître soimême. Cette présentation des mécanismes de défense (phénomènes normaux et protecteurs de la continuité de la vie psychique) qui peuvent être mis en place peut permettre de mieux comprendre ce qu’il peut se passer dans la relation au moment de l’annonce. Du côté des patients L’annonce du diagnostic peut être considérée comme un traumatisme psychique : c’est l’irruption brutale dans le champ de la conscience d’une réalité qui met en jeu l’identité et la vie de la personne et qui réactive l’angoisse de mort, de la dégradation physique (narcissisme) et qui, dans le cas des maladies génétiques, bouscule les relations familiales. Le patient tentera de combattre cette angoisse par un comportement instinctif et inconscient, apte à amoindrir l’impact de la souffrance. Il est important de respecter les mécanismes mis en place car ils sont nécessaires au patient pour contenir l’angoisse et tenter d’intégrer progressivement la nouvelle. La première réaction est généralement la sidération : la pensée est bloquée. Ensuite, selon la personnalité du patient et sa pathologie, d’autres mécanismes peuvent être observés : • L’annulation, le déni : mécanisme radical par lequel le patient efface la réalité douloureuse. • La dénégation : permet d’accepter ce qui est tolérable (ex évolution de la maladie) et de rejeter ce qui est vécu trop douloureusement (imminence de la mort) • La minimisation : la réalité est intégrée mais son impact ou sa gravité est minimisé. • La maîtrise, le contrôle : utilisation de la rationalisation (essayant ainsi de comprendre l’origine de sa maladie) ou les rites obsessionnels (en vérifiant tout, en se tenant au courant du moindre détail, en respectant méticuleusement les prescriptions). Ainsi, le patient sauvegarde l’illusion d’avoir encore emprise sur son corps. • l’isolation qui consiste à pouvoir évoquer la réalité médicale en la séparant du support affectif qui est réprimé. On observe ainsi certains patients qui abordent avec une troublante assurance leur maladie sans émotions, « intellectualisant » leur maladie, comme transposée dans un autre corps que le leur, leur permettant ainsi d’endiguer temporairement le flux d’émotions qui risque de les submerger. • La régression, la passivité : engendre une grande dépendance et une extrême passivité. Ne plus s’assumer revient à se mettre à l’abri de la souffrance. -9- • Le déplacement : le malade transfert l’angoisse inhérente à la maladie sur une autre cible, plus accommodante. • La projection agressive : le patient fait front avec une exigence toujours accrue, en déversant sur son entourage son ressentiment et son amertume. • La sublimation : c’est restituer un sens à la maladie en rendant constructif et créatif son rapport à l’adversité, en le transposant en un but élevé et généreux. La sublimation c’est finalement faire quelque chose de sa maladie mais ce n’est pas forcément pour autant l’accepter totalement. Du côté des soignants. Annoncer un diagnostic, une mauvaise nouvelle, est un moment difficile pour le médecin. Cette situation d’angoisse, d’impuissance, de malaise, d’incapacité à répondre à ses propres espérances ou à l’attente d’autrui engendre en chacun de nous des mécanismes psychiques qui, s’instaurant à notre insu, nous préservent d’une réalité trop douloureuse et vise à empêcher le sujet d’exprimer sa souffrance. Ils sont naturels et ne sont pas le signe d’une mauvaise annonce. Tenter d’identifier ces comportements souvent instinctifs et inconscients peut nous aider à travailler autour de notre propre angoisse pour être plus à l’écoute du patient et de sa souffrance. • Le mensonge : en repoussant le temps de la vérité encombrante, il autorise le soignant à surseoir son angoisse à son propre temps d’adaptation. C’est différent du mensonge par omission qui consiste en une révélation graduelle de la vérité grâce à laquelle on peut s’adapter au rythme du patient, à ce qu’il est prêt à entendre et différer l’annonce. • La banalisation : c’est reconnaître la vérité mais occulter la souffrance psychique. C’est par exemple répondre à la souffrance par des détails techniques, rester dans le concret. • L’esquive : dévier la conversation en parlant d’autre chose, ne pas apporter aux questions du malade de réponse appropriée. Le patient aborde son inquiétude et le soignant fait mine de ne pas l’entendre. • La fausse réassurance : optimisation des résultats, maintenir le patient dans l’ignorance partielle. • La rationalisation : se retrancher derrière un savoir médical avec un discours technique que le patient ne peut pas comprendre pour éviter l’angoisse. • L’évitement : comportement de fuite de la dimension relationnelle. • La dérision : consiste à minimiser, à prendre de la distance au dépens du patient sur un mode ironique. • La fuite en avant : révélation brutale de la maladie sans prise en compte de là où en est le patient. • L’identification projective : consiste à anéantir la distance entre le soignant et le patient en lui attribuant certains traits de soi-même. Le soignant crée un lien fusionnel avec son patient et croit savoir mieux que lui ce dont il a besoin. Texte rédigé par les personnels du Centre Maladies Neuromusculaires Rares Rhône-Alpes. Version du 2 juillet 2010. - 10 -