fracturation hydraulique : techniques et évolutions

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fracturation hydraulique : techniques et évolutions
Dossier technique
FRACTURATION HYDRAULIQUE : TECHNIQUES ET ÉVOLUTIONS
(Mise à jour août 2015)
SOMMAIRE
1 / LA FRACTURATION HYDRAULIQUE EN BREF
2 / TECHNIQUES ET ÉVOLUTIONS RÉCENTES
3 / QUELQUES ORDRES DE GRANDEUR
4 / RÉGLEMENTATION EN VIGUEUR
5 / CONCLUSION
6 / RÉFÉRENCES
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1 / LA FRACTURATION HYDRAULIQUE EN BREF
La fracturation hydraulique est une technique utilisée de longue date dans les forages d’hydrocarbures conventionnels. Elle consiste
à fissurer une roche compacte qui n’offre pas la perméabilité nécessaire au drainage, c’est à dire à l’exploitation des hydrocarbures.
Elle est aussi utilisée pour augmenter la productivité de forages d’eau ou pour faire des mesures in situ de mécanique des roches.
L’origine du mot vient de l’anglais "fracturing" ou "frack, fracking", traduit littéralement par "fracturation hydraulique", alors que le
terme de "fissuration hydraulique" serait mieux adapté.
Fracturer revient à fissurer un matériau sous l’effet d’une action mécanique, ici dite hydraulique, car générée par des liquides
injectés sous pression dans la roche. L’injection d’eau, additionnée de sable (9 %) et de produits chimiques (1 %), va créer un réseau
de fissures, d'une ouverture de quelques millimètres au plus, qui va se propager latéralement sur plusieurs dizaines à quelques
centaines de mètres.
Dans le cas des hydrocarbures non conventionnels (HNC), le forage vertical est très généralement complété par une partie
horizontale qui permet de pénétrer sur plusieurs centaines de mètres (jusqu'à 1 ou 2 km) dans la roche mère contenant les
hydrocarbures et ainsi augmenter le volume drainé.
La fracturation hydraulique est actuellement en débat. Elle soulève des questions liées à la quantité d’eau utilisée, aux adjuvants
chimiques, aux risques de pollutions en surface ou des aquifères superficiels, ainsi que de sismicité induite[1].
[1] L’ensemble de ces thèmes est traité dans des dossiers techniques spécifiques.
2 / TECHNIQUES ET ÉVOLUTIONS RÉCENTES
2.1 FRACTURATION HYDRAULIQUE et forage horizontal
A l’origine…
C’est en 1947, dans les gisements conventionnels du Hugoton au Kansas, que la firme américaine Halliburton expérimente pour
la première fois la fracturation hydraulique. Plus d’un demi-siècle plus tard, cette opération s’est largement développée et
bénéficie d’une expertise éprouvée (de l'ordre de 2,5 millions de puits dans le monde, dont une cinquantaine en France).
Dans les gisements compacts, la fracturation hydraulique est couplée à une technique complémentaire, le forage horizontal, qui
permet de traverser sur une grande longueur la roche contenant les hydrocarbures non conventionnels. Si le premier forage
horizontal a été réalisé en 1929 au Texas, c'est la société française Elf Aquitaine (fusionnée avec Total en 2000) qui en a prouvé
l'intérêt commercial au début des années 1980, sur les champs de Lacq et Castéra Lou dans le sud-ouest de la France et de
Rospo Mare en Italie.
En 1990, plus de 1 000 forages horizontaux ont été réalisés dans le monde, essentiellement pour du pétrole[2]. C’est à partir du
milieu des années 2000, que l'exploitation des gaz de schiste et pétroles de schiste aux États-Unis a entraîné une généralisation
de la technique. Après une progression constante d'année en année, plus des deux tiers des 37 000 forages réalisés en 2014 aux
États-Unis sont horizontaux.[3]
La fracturation hydraulique : pourquoi et comment
Dans le cas des hydrocarbures conventionnels, la bonne perméabilité naturelle de la roche (appelée "réservoir") permet un drainage
des hydrocarbures sur de vastes volumes avec peu de puits. Dans le cas des hydrocarbures non conventionnels, la roche, très
compacte (improprement appelée "schistes", car il s'agit plutôt d'une argile), nécessite de créer un réseau de fissures pour la rendre
perméable. Le drainage du pétrole ou du gaz vers le forage, puis la surface, n'est possible qu'à partir de ces zones fissurées, donc de
volumes très limités autour du forage.
La fracturation hydraulique consiste à injecter de l’eau sous forte pression dans la roche mère (située entre 1 500 et 3 000 m de
profondeur). Cela permet de créer des fractures d'ouverture millimétrique, qui se propagent latéralement autour de la partie
horizontale du forage. L’objectif est de parvenir à étendre cette fracturation, afin d'obtenir un rayon de drainage important au sein
de la roche mère, tout en restant limité à celle-ci. Il s’agit de créer un VRS (Volume de Roche Stimulée, "SRV" en anglais) le plus
important possible, ayant une perméabilité qui soit devenue de 1 000 à 100 000 fois supérieure à celle de la roche initiale. La
propagation des fractures est au maximum de quelques centaines de mètres au-delà du forage.
Dans le cas d'un puits vertical, le volume fracturé est réduit à la seule épaisseur du niveau traversé (généralement quelques
dizaines, voire centaines de mètres). Avec un puits horizontal, l’effet est démultiplié, car il est proportionnel à la longueur forée
horizontalement au sein de la roche mère (généralement entre 1 000 et 2 000 m, ou plus).
Pression de fluide et fissuration de la roche
Les couches géologiques sont soumises à des contraintes, en fonction du poids des terrains au-dessus d’elles. Ces contraintes
varient avec la profondeur : plus le site est profond, plus forte est la contrainte d'orientation verticale qu'il subit. Il est en outre
contraint par des forces horizontales, nées de la tectonique, les mouvements de la croûte terrestre, d’intensité variable. La
fracturation hydraulique va permettre la propagation du fluide de fracturation, sous l'effet de ces contraintes naturelles : la
fissuration aura une tendance naturelle à se propager parallèlement à la direction de la contrainte maximale qui règne à l'endroit où
a lieu la fracturation.
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Segments de fracturation
Les pertes de charge dans les fissures, les frictions, la perte d’énergie due à l’éloignement du point d’application de l’injection
limitent rapidement la fracturation : faute de pression suffisante, la fracturation de la roche s’arrête. Pour un maximum d’efficacité,
le procédé de fracturation s’effectue par segments successifs dans la partie horizontale du forage, chacun, en général long d’une
centaine de mètres. On commence par fracturer le segment le plus éloigné au fond du forage, puis après son isolation par un
bouchon, on recule d’un segment et on fracture de nouveau. L’opération est renouvelée pour couvrir l’ensemble de la partie
horizontale.
Pour un puits horizontal de 1 ou 2 kilomètres de long, on réalisera ainsi 10 à 20 segments de fracturation (on parle aussi d’ "étages",
mot traduit de l’anglais "stage", mais cette terminologie risque d’induire en erreur : les "étages" sont ici alignés et non superposés).
Figure 1. Schéma illustrant un forage horizontal d'hydrocarbures non conventionnels.
Cliquer sur l'image pour l'agrandir
Eau et proppants
La perméabilité créée par le flux d'eau sous pression va disparaître rapidement avec l'arrêt de l’injection: pour éviter que les fissures
ne se referment, on injecte avec l’eau un agent de soutènement, ou "proppant", qui va maintenir ouvert le réseau de fissures de 1 ou
2 millimètres d'ouverture artificiellement créé. Il s’agit habituellement de sable naturel, qui peut être remplacé dans certains cas par
des billes millimétriques de céramique ou de bauxite (un oxyde d'aluminium), parfaitement calibrées. Comme l’eau n’est pas assez
visqueuse pour acheminer le sable sur une longue distance dans les fissures créées, on va accroître sa portance en augmentant sa
viscosité par l’adjonction d’un gélifiant.
Mise en production
Quand la fracturation de la roche mère est établie et que l’injection de l’eau est arrêtée, un reflux s'établit (le"flow-back"). À l’image
d’une éponge imbibée que l’on presse (les forces souterraines en jeu), le mélange d’eau de fracturation est en partie expulsé et
remonte le long du puits : la quantité du reflux est variable en fonction des gisements, de l'ordre de la moitié du volume injecté. Le
reflux draine avec lui les premiers volumes de gaz ou pétrole. Après l’épuisement du reflux récupéré, le flux majeur des
hydrocarbures recherchés remonte en surface, associé cette fois à l'eau dite "de formation" (ou "de production"), qui provient de la
roche mère elle-même. La production commence.
Une productivité moindre que les hydrocarbures conventionnels
Là où un site d’hydrocarbure conventionnel permet de produire pendant toute la durée de vie de son exploitation, environ 30% du
pétrole ou 70 à 80 % du gaz contenus dans la roche, les sites non conventionnels vont restituer seulement 5 à 10 % du pétrole, 15 à
20 % du gaz. Les volumes produits de gaz ou de pétrole non conventionnels vont décroître rapidement au cours des premières
années : sur une durée de production d'une quinzaine d'années environ, 80 % de la production totale d'un puits peut être obtenue
lors des 3 à 4 premières années. Lorsque l'exploitation est économiquement justifiée, cela conduit à multiplier le nombre de puits.
Figure 2. Graphique illustrant la production annuelle par puits, en % de la production totale
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2.2 FRACTURATION HYDRAULIQUE et matières premières
Une fracturation hydraulique nécessite un important volume d’eau (environ 90 % du volume total injecté), des proppants,
généralement du sable (environ de 9% en masse) et des additifs (environ 1% en masse).
L’eau : 90% des matières injectées
Une fracturation fait appel à une injection d’eau importante : pour chaque segment fracturé, ce sont 1 000 à 2 000 m3 d’eau qui sont
injectés dans les couches profondes, soit l’équivalent d’une piscine olympique. Pour un forage comprenant une dizaine de segments
de fracturation, la consommation d'eau avoisine[4] 10 000 à 20 000 m3.
Du sable, de qualité : 9%
Destiné à servir d'agent de soutènement (ou "proppant") dans les fissures générées par la fracturation hydraulique, du sable siliceux
(environ 9 % en masse) est utilisé pour résister à l'écrasement. Il doit également être parfaitement calibré afin de pouvoir être
propulsé par le fluide d’injection avec un minimum de friction tout au long des fissures.
Afin d'augmenter sa résistance, certains sables sont renforcés par un enrobage en céramique, voire entièrement produits dans cette
matière. Une technologie innovante permet de produire des billes creuses millimétriques très résistantes à l'écrasement et de
densité inférieure au sable, les rendant ainsi particulièrement adaptées aux fluides peu denses comme le propane, qui peut être
utilisé comme fluide de fracturation à la place de l'eau (voir § "Fluides alternatifs" ci-dessous).
• Avec une moyenne de 9% de sable utilisé dans les fluides de fracturation, les quantités peuvent rapidement devenir importantes :
pour un segment fracturé, les besoins en sable avoisinent 100 tonnes ; la quantité globale par puits peut ainsi atteindre, voire
dépasser, le millier de tonnes.
Aux États-Unis, où sont forés environ 40 000 puits par an, la consommation de sable naturel pour les besoins des Hydrocarbures non
conventionnels était estimée à 43 millions de tonnes en 2014, en progression de 30% par rapport à 2013[5]. Cette hausse a eu un
impact sur le prix du sable, en augmentation de plus de 20% sur l'année 2014. Un effet induit qui profite à l'industrie extractrice :
l'état du Wisconsin, principal fournisseur de sable aux États-Unis, a ainsi autorisé plus de 100 nouveaux sites d'extraction en 2014,
contre 5 en 2010.
• L’autre source de coût concerne le transport : de grandes quantités de sables, en provenance des carrières offrant une
granulométrie et une résistance compatible avec les opérations de fracturation hydraulique, doivent être acheminées sur de grandes
distances, par trains puis par camions. Le transport représentait 58 % du coût du sable livré en 2010, ce pourcentage est estimé à
environ 70% en 2014[6]
Des additifs, dans une faible proportion : 1%
Hormis l’eau et le sable, l’injection hydraulique a besoin d’adjuvants chimiques (moins de 1 % en masse). Le plus important d’entre
eux est un "gélifiant", qui, associé à l’eau, va augmenter sa viscosité, donc sa portance. Ce "gel" n’est autre que la gomme de guar
tirée de la graine d’une sorte de haricot, ne présentant aucun danger pour l’homme et utilisée de façon très courante dans l’industrie
alimentaire comme gélifiant.
Sa mission de portance remplie, cette gomme risque de gêner ou d’empêcher le reflux liquide porteur d’hydrocarbures. On injecte
donc pour la dissoudre des "brisants" ("gel breakers").
D'autres catégories de substances sont incorporées dans le fluide de fracturation[7]:
• des bactéricides, pour éviter la formation de tout film bactérien qui pourrait être généré par la gomme ;
• des agents anticorrosion, pour protéger le métal des installations. Soit l’équivalent, en usage domestique, de ce que ce que l’on
ajoute à sa peinture pour bloquer l’oxydation du métal ;
• des réducteurs de friction, afin de faciliter la propagation du fluide de fracturation dans la roche.
Risques, limites et usage responsable
Ces adjuvants, correctement utilisés, présentent en général un risque de pollution minime et maîtrisé. Compte tenu des volumes
d’eau utilisés, ils peuvent atteindre des quantités importantes.
Plusieurs mesures sont mises en œuvre pour assurer un usage responsable :
• des produits biodégradables, couramment utilisés par les industries des cosmétiques ou agro-alimentaires, sont désormais
favorisés ;
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• la transparence est encouragée, en déclarant les produits utilisés sur la base de démarches volontaires. C’est le cas des industriels
qui publient sur le site[8] la composition des fluides de fracturation utilisés aux États-Unis et au Canada (plus de 77 000 forages
couverts, parmi 230 compagnies associées à cette démarche).
Un site similaire a été créé pour l’Europe[9] mais compte tenu du faible nombre actuel de forages d’hydrocarbures non
conventionnels, il ne recense pour le moment que les puits réalisés en Pologne.
Des progrès restent à faire
Il reste encore des progrès à faire en matière de transparence, car l'exercice de droits de propriété industrielle fait que certains
opérateurs ne détaillent pas l'ensemble des additifs utilisés.
2.3 FRACTURATION HYDRAULIQUE et impact environnemental
La fracturation hydraulique suscite de nombreuses questions quant à son impact sur l’environnement, aux risques sismiques, à la
protection des aquifères et au traitement des eaux de reflux.
Propagation des fractures et micro-sismique
Pour visualiser la propagation des fissures liées à la fracturation hydraulique en temps réel, on fait appel à la micro sismique. Une
technique qui permet de mesurer l’énergie libérée lors de la fracturation et visualiser en 3D sa localisation, à l’aide d’appareils
d’enregistrements très sensibles, les géophones. On va ainsi contrôler que la propagation des fissures est limitée à quelques dizaines
voire exceptionnellement quelques centaines de mètres, en propagation linéaire et latérale autour du forage.
Fracturation hydraulique et sismicité
Les opérations de fracturation hydraulique peuvent, dans certains cas, provoquer un ébranlement en surface, généralement de très
faible intensité et détectable uniquement par des instruments très sensibles. Ce léger tremblement du sol reste généralement de
magnitude inférieure à 3 sur l’échelle de Richter, soit en termes d’effets ressentis, l’équivalent du passage d’une rame de métro. Il
est en outre local et limité au temps nécessaire aux opérations de fracturation[10].
Par contre, les réinjections d’eaux de reflux dans un aquifère profond, telle qu’elles se pratiquent aux États Unis, bien qu'étant un
sous-produit des fracturations hydrauliques, sont de nature très différente en raison des volumes mis en œuvre. En effet, les eaux
usées de plusieurs centaines - voire milliers - de puits, injectées massivement sur un seul site, peuvent être à l’origine de
phénomènes sismiques, notamment lorsque le site est à proximité de failles préexistantes. Toutefois, compte tenu du très grand
nombre de sites de réinjection aux États-Unis, le nombre d'occurrences d’événements sismiques associés reste faible.
La règlementation existante en Europe et en France permet de matriser ce risque (pour en savoir plus, voir dossier technique
"Sismicité").
Fracturation hydraulique et interférence avec les aquifères
La propagation des fractures est limitée, on l’a vu, à quelques centaines de mètres tout au plus de part et d’autre du puits, à une
profondeur qui se situe généralement entre 1 500 et 3 000 mètres de fond, alors que les aquifères d’eau douce se trouvent, eux, en
général, à quelques centaines de mètres sous le sol. La probabilité d’une interférence des eaux de fracturation avec les aquifères est
donc quasi-inexistante, à deux cas exceptionnels près : la proximité d’une faille, ou un défaut d’intégrité du forage[11] (tubages et
cimentation).
Fracturation hydraulique et traitement des eaux de reflux
Entre 30 et 70 % des volumes injectés pour la fracturation hydraulique remontent en surface au moment de la mise en production.
Ces eaux de reflux contiennent les additifs qui ont été ajoutés au fluide de fracturation, mais aussi d'autres éléments chimiques,
provenant des hydrocarbures du gisement, ainsi qu'éventuellement quelques métaux et des éléments radioactifs naturels issus des
argiles composant la roche mère. Tous ces éléments sont soit dissous, soit en suspension dans les eaux de reflux. La multiplication
des forages nécessaires à l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels pose la question du traitement de ces importants
volumes d’eaux.
Il existe trois solutions principales[12] :
1. L’eau de reflux est débarrassée des argiles, des éléments minéraux et des hydrocarbures, puis réutilisée sur un site de forage,
pour une nouvelle fracturation hydraulique. Ainsi recyclée, la consommation d’eau sur le site est réduite et les réserves en eau
préservées.
2. L’eau de reflux est enfouie en grande profondeur dans un site dédié, réservé spécifiquement à l’élimination des eaux issues de
l'exploitation des hydrocarbures : ce puits est réalisé dans des roches profondes, poreuses et perméables, isolées naturellement
des couches géologiques superficielles. Cette option peut localement induire un risque de sismicité[13]. La réinjection des eaux
usées dans des nappes profondes est très rare et très réglementé en France, elle doit être approuvée par les autorités après une
étude d’impact approfondie.
3. L’eau de reflux est envoyée dans un centre de traitement pour y subir un traitement élaboré et est remise en circulation, dans
les cours d’eau de surface selon les normes en vigueur.
Fracturation hydraulique et émissions de gaz
Comme sur la plupart des chantiers de travaux publics, les sites de forage sont à l’origine de nuisances associées aux machines,
ainsi qu'au surcroit de trafic local induit par les différentes opérations. Sur un site (ou "pad") d’une dizaine de puits, on compte
environ une quinzaine de pompes à haut débit en activité pendant les opérations de fracturation hydraulique, ainsi qu’un trafic
régulier de poids lourds. Autant les pompes que les camions fonctionnent pour l'essentiel avec des moteurs Diesel, à l’origine
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d’émissions de différents gaz dans l’atmosphère, comme le CO2 contribuant à l’effet de serre, ou les NOx, CO, SO2 et les particules
[14]. Il est donc préconisé de limiter au maximum l’usage de moteurs Diesel. Une des voies de progrès dans ce domaine est de
privilégier des machines à motorisation électrique.
Fracturation hydraulique et pollution sonore
L’ensemble des opérations et du trafic génère du bruit pendant des durées allant de quelques semaines à quelques mois, selon les
phases ; des murs anti-bruit sont érigés autour du site et le travail de nuit est interrompu quand le site se situe à proximité des
habitations.
2.4 FRACTURATION HYDRAULIQUE : les fluides alternatifs
La fracturation hydraulique est généralement effectuée avec de l’eau, additionnée de sable et d’adjuvants chimiques, qui vont lui
procurer une efficacité optimale, selon le contexte local (caractéristiques du gisement et règlementation en vigueur).
Communément utilisée, l'eau présente cependant parfois certains inconvénients :
• Le fluide de fracturation étant réalisé à partir d'eau, il est non soluble avec les hydrocarbures ou le gaz et ne constitue donc pas un
vecteur idéal ; par des phénomènes de capillarité, l'eau peut créer des barrières de perméabilité et compromettre ainsi le
mécanisme du drainage ;
• Sous l’effet de l’eau, les roches argileuses peuvent avoir tendance à gonfler et parfois à colmater les fissures créées,
compromettant là encore l’extraction des HNC.
Des procédés alternatifs existent, d’autres sont en phase de test : le lecteur pourra se reporter sur quelques ouvrages qui font un
point complet de ce sujet[15],[16],[17].
Nous ne retiendrons ici que quelques exemples : il s’agit des fracturations à base de gasoil (alternative utilisée localement), de
propane ou d’heptafluoropropane (en voie de développement) ou des mousses à base de dioxyde de Carbone (CO2) et/ou d'azote (N2
) liquide.
Même dans le cas du remplacement de l'eau par un autre produit, nous continuerons à utiliser ici le terme "hydraulique", en
référence à la notion de fluide, qui reste le vecteur de la fracturation.
Voyons les avantages et inconvénients de ces différentes techniques.
Fracturation hydraulique au gasoil
Avantages :
• Contrairement à l’eau, le gasoil est miscible avec les hydrocarbures de la roche mère, ce qui facilite leur drainage ; il permet
également d'éviter le gonflement des argiles.
• Il n'est pas soumis aux mêmes contraintes de gel dans les climats froids.
Inconvénients :
• Moins visqueux que l’eau, il faut augmenter la quantité de viscosifiant pour qu’il achemine idéalement le sable dans les fractures
de la roche.
• Il est source d’émissions de BTEX (Benzène, Toluène, Ethylbenzène, Xylène).
Utilisé aux États-Unis dans moins de 2 % des forages et bien que réglementé, son usage n’est pas souhaitable[18].
Fracturation hydraulique au butane / propane gélifié
Avantages :
• En remplacement de l'eau, le butane liquéfié (température de liquéfaction à - 0.5°C) ou le propane liquéfié (température de
liquéfaction à - 42°C) permettent d'éviter les problèmes liés aux ponts de capillarité ou au gonflement des argiles au sein de la rochemère, problèmes fréquemment rencontrés avec l'eau.
• Parfaitement miscibles avec les hydrocarbures que l'on cherche à extraire, ils constituent un agent naturel facilitant à la fois le
drainage et simplifiant les opérations de séparation à la sortie du puits.
Inconvénients :
• Deux fois moins denses que l'eau, ils nécessitent l'adjonction de gélifiant pour assurer la portance du sable (d'où le nom de
propane gélifié).
• Très généralement mélangés avec des produits hydrocarburés liquides (gasoil, benzène), ils présentent une certaine nocivité.
• Par ailleurs, ce sont des gaz inflammables, à manipuler avec précaution, qui nécessitent un aménagement du site en conséquence
selon des normes de sécurité très précises.
C'est néanmoins une technique qui a été utilisée plus de 2 300 fois en Amérique du Nord.[19]
Fracturation hydraulique au propane pur
Avantages :
• Ce fluide présente les mêmes avantages que le butane / propane gélifié (voir ci-dessus).
• Une fois liquéfié, ce gaz est deux fois moins dense que l'eau, mais la mise au point de proppants spécifiques de basse densité
(billes creuses de céramique, parfaitement calibrées et résistantes) permet de s’affranchir de tout additif et de donner à l’ensemble
une grande fluidité et une meilleure pénétration au sein de la roche-mère.
• Utilisé en circuit fermé, aucun traitement n'est nécessaire lors du reflux et de la mise en production : il n'y a pas d'additifs, seule
l'eau de production est à séparer et l'effluent peut directement être vendu avec le gaz ou le pétrole produit.
Inconvénients :
• C’est un gaz inflammable, à manipuler avec précaution, qui nécessite un aménagement du site en conséquence selon des normes
de sécurité très précises.
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Cette technique n'est pas encore passée à l'état industriel, bien que des tests soient en cours en grandeur nature.
Fracturation hydraulique à l’heptafluoropropane
Avantages :
• C’est un gaz non inflammable (il appartient à la famille des halons, utilisés comme gaz extincteurs).
• Il présente tous les avantages du propane pur, sans en avoir l'inconvénient du risque d'explosion.
Inconvénients :
• C’est un gaz qui coûte cher.
• C’est un gaz à effet de serre, dont l’empreinte écologique est très importante.
La fracturation hydraulique à l’heptafluoropropane constitue une voie de recherche intéressante, sous réserve qu’il soit utilisé en
circuit fermé.
Fracturation hydraulique avec des mousses à base de dioxyde de Carbone (CO2) ou d'azote (N2) liquide[20]
Avantages :
• Les mousses sont formées par un mélange d'eau et de gaz industriels liquéfiés (CO2 et/ou N2) permettant des viscosités
importantes et donc un bon transport des proppants.
• La consommation d’eau et le traitement des eaux usées sont réduits.
• L'utilisation de gaz (N2 ou CO2) permet d'éviter les problèmes liés aux ponts de capillarité ou au gonflement des argiles au sein de
la roche mère.
• La consommation d'additifs chimiques est réduite.
• Dans les roches mères sous-pressurisées en particulier, ce type de fluide permet d'obtenir une pression suffisante pour démarrer
une production naturelle.
Inconvénients :
• Les volumes importants de gaz liquéfiés nécessaires et la logistique associée ne peuvent être assurés partout.
• Il est nécessaire de récupérer le CO2 comme le N2 lors du reflux (des technologies existent pour le faire).
• Le coût est élevé.
Ce type de fluides de fracturation est d'ores et déjà mis en œuvre, notamment au Canada (Montney) et au Nouveau Mexique (San
Juan), dans les zones où les roches mères sont sous-pressurisées.
[2] "Drilling Sideways - A Review of Horizontal Well Technology and Its Domestic Application" - Agence américaine d’information sur l’énergie
(EIA), Office of Oil and Gas, U.S. Department of Energy - Avril 1993 - 24 p.
[3] Statistiques issues du site Internet : Baker Hughes.
[4) Dossier technique " Consommation et gestion de l’eau".
[5] James Stafford -"Follow The Sand To The Real Fracking Boom" - OilPrice - 24 novembre 2014.
[6] Taylor Chase - "As rail moves frac sand across Wisconsin landscape, new conflicts emerge" - Wisconsinwatch - 13 juillet 2014.
[7] Dossier technique "Additifs et gestion de l'eau".
[8] Site Internet : Fracfocus.
[9] "Natural Gas from Shale facts" - International Association of Oil and Gas Producers (IOGP).
[10] Dossier technique "Sismicité".
[11] Dossier technique "Aquifères superficiels".
[12] Dossier technique "Consommation et gestion de l’eau".
[13] Dossier technique "Sismicité".
[14] Dossier technique "Empreinte au sol au fil de l'activité".
[15] Jean-Claude Lenoir, sénateur et Christian Bataille, député - "Rapport sur les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour
l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels" - Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et
Technologiques (OPECST) - Novembre 2013.
[16] Luca Gandossi - "An overview of hydraulic fracturing and other formation stimulation technologies for shale gas production"
- Commission Européenne - 2013 - 64 p.
[17] Satya Gupta - "Unconventional Fracturing Fluids" - Tomball Technology Center, Baker Hughes - 2010. [18]"Permitting Guidance for Oil and Gas Hydraulic Fracturing Activities Using Diesel Fuels: Underground Injection Control Program
Guidance #84" - Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) - Février 2014 - 48 p.
[19]Site internet : Gasfrac
[20] J.J. McAndrew, R. Fan, M. Sharma et L. Ribeiro (2014) - "Extending the Application of Foam Hydraulic Fracturing Fluids" - Unconventional
Resources Technology Conference, Denver, Colorado - 25-27 August 2014 - pp. 1421-1429.
3 / QUELQUES ORDRES DE GRANDEUR
Une fracturation hydraulique utilise entre 1 000 et 2 000 m3 pour un seul segment de fracturation (une piscine olympique contient 2
500 à 3 750 m3 selon la profondeur).
Pour un même site de 10 puits, chacun comportant 10 segments fracturés, l'eau nécessaire avoisine les 100 000 à 200 000 m3.
À titre de comparaison, voici quelques autres ordres de grandeur :
• Le volume d'eau utilisé pour l'irrigation des golfs est d'environ 5 000 m3/jour[21].
• Au cours d’une année, environ 50 millions de m3 d’eau sont prélevés pour alimenter un circuit de refroidissement fermé d’une
centrale nucléaire, et 1 milliard de m3 sont prélevés pour alimenter un circuit de refroidissement ouvert[22].
• La consommation en eau potable des parisiens est de 200 millions de mètres-cubes par an[23].
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[21] Rapport de l'OPECST n° 2152 (2002-2003) "La qualité de l'eau et assainissement en France" de Monsieur le Sénateur Gérard Miquel, fait au nom de
l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, déposé le 18 mars 2003 - Annexe n°29 : "Les golfs et l'eau".
[22] Arthur Leroy - "Prélèvements, refroidissement : la gestion de l’eau et le nucléaire" - L'énerGeek - 8 août 2012.
[23] Planetoscope - "Consommation d'eau par la ville de Paris" - 2011.
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4 / RÉGLEMENTATION EN VIGUEUR
Les principaux éléments de la règlementation sont les suivants (chacun des dossiers techniques comprend la règlementation qui lui
est propre) :
4.1 LE RÉGLEMENT REACH
REACH[24] est un règlement européen (règlement n°1907/2006) entré en vigueur en 2007 pour sécuriser la fabrication et
l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne. Il s’agit de recenser, d’évaluer et de contrôler les
substances chimiques fabriquées, importées, mises sur le marché européen. D’ici 2018, plus de 30 000 substances chimiques seront
recensées et leurs risques potentiels établis, l’Europe disposera ainsi des moyens juridiques et techniques pour garantir à tous un
haut niveau de protection contre les risques liés aux substances chimiques.
Les objectifs visés sont les suivants :
• Protéger la santé humaine et l’environnement face aux risques potentiels des substances chimiques.
• Instaurer une information complète et transparente sur la nature et les risques des substances, du fournisseur au client final.
• Sécuriser la manipulation des substances chimiques par les salariés dans l’entreprise en imposant le respect de normes de sécurité.
• Renforcer la compétitivité de l’industrie, en particulier l’industrie chimique européenne, secteur clé de l’économie en Europe.
Tous les industriels doivent dorénavant enregistrer au niveau européen les substances qu’ils fabriquent ou importent en quantité
supérieure à 1 tonne/an.
Après enregistrement plusieurs hypothèses sont possibles :
• la substance est déclarée sans risque, elle peut être utilisée ;
• la substance présente des risques qui peuvent être maîtrisés par des précautions d’utilisation : la substance peut être utilisée sous
conditions ;
• la substance présente certains risques : son utilisation est encadrée, voire interdite (et elle doit alors être remplacée par une
substance de substitution).
4.2 LA DIRECTIVE CADRE SUR L'EAU
Une directive du Parlement du Conseil Européen (Directive Européenne Cadre sur l'Eau) datée d'octobre 2000 ("DCE", réf. 2000/60/CE
), fixe le cadre général d'une politique communautaire dans le domaine des eaux à la fois superficielles et souterraines.
Cette Directive est déclinée au niveau des Etats membres ; elle a été transposée en France par la loi n° 2004-338 du 21 avril 2004,
qui établit un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau et a défini 13 "districts hydrographiques" ; en France, les acteurs sont : l’Etat et les services décentralisés (DDT et DREAL), les comités de bassin, les agences de l’eau, l’Onema
(Office National de l'Eau et des Milieux Aquatiques), les collectivités locales, les associations pour l’environnement, les usagers, les
entreprises privées, etc. Des plans de gestion destinés à restaurer et protéger les nappes souterraines sont ainsi mis en place.
4.3 UN CAS PARTICULIER ET PROBLÉMATIQUE AUX ÉTATS-UNIS
Le "Halliburton Loophole"
Aux États-Unis, en 2005[25], le Congrès Américain a voté le "Energy Policy Act", loi qui entre autres, exempte les activités de
fracturation hydraulique (FH) des obligations liées aux lois restrictives du "Safe Drinking Water Act" et du "Clean Water Act".
Avec cette nouvelle loi, surnommée "Halliburton Loophole", les produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique, ainsi que
les eaux de reflux résultantes, peuvent être stockés et éliminés par des moyens non autorisés pour les autres industries utilisant des
produits similaires.
La loi fédérale a cependant maintenu une disposition qui impose aux opérateurs qui souhaitent utiliser dans le fluide de fracturation
des "carburants pour diesel" ("diesel fuels" en anglais), d'en faire au préalable la demande et d'obtenir une autorisation spécifique
("Safe Drinking Water Act permit").
Cette autorisation oblige ponctuellement les industriels à une règlementation contraignante et leur impose des contrôles justifié par
le fait que ces "diesel fuels" contiennent de fortes proportions de BTEX (pour Benzène, Toluène, Ethylbenzène et Xylène).
Mais seuls les produits entrant dans la définition des "diesel fuels" sont concernés par cette autorisation spécifique : gas oil, fioul,
kérosène, distillats. Or au moins six additifs pour fluides de fracturation présents sur le marché aujourd'hui contiennent plus de
benzène que le gas oil ("diesel fuel") et au moins 21 additifs contiennent des concentrations d'éthylbenzène, de xylène ou de toluène
beaucoup plus importantes que le gas oil[26].
L'Agence de Protection de l'Environnement aux États-Unis (U.S. Environmental Protection Agency - EPA), déjà citée, est consciente de
ce problème et est en recherche de solution[27].
[24] Réglementation "Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals" (REACH) - Site du Ministère de l'écologie, du
développement durable et de l'énergie.
[25] À cette date, l'essor des gaz et pétrole de schistes américains n'a pas encore commencé.
[26] "Fracking companies are exploiting the Halliburton loophole to inject toxic chemicals" - Environmental integrity project - 22 octobre 2014.
[27] "Permitting Guidance for Oil and Gas Hydraulic Fracturing Activities Using Diesel Fuels : Underground Injection Control Program
Guidance #84" - Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) - Février 2014 - 48 p.
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5 / CONCLUSION
La fracturation hydraulique, technique développée depuis les années 50 par l'industrie pétrolière, est désormais une opération
courante et bien maitrisée.
Elle a rencontré un développement sans précédent dans le cadre de l'exploitation des gaz de schistes et pétroles de schistes aux
États-Unis, où elle est généralement associée aux forages horizontaux, autre technique courante et maitrisée depuis les années 80.
La proportion de forages horizontaux aux États-Unis n'a cessé de croitre : ils représentent aujourd'hui plus de 70% de l'ensemble des
forages qui y sont effectués (entre 35 000 et 40 000 forages effectués annuellement depuis 2012)[28] et la quasi-totalité d'entre eux
font l'objet d'une fracturation hydraulique.
La très grande majorité des opérations liées aux exploitations des hydrocarbures non conventionnels se déroulent sans incidents aux
États-Unis.
Il reste des progrès à réaliser pour encore améliorer les processus de fracturation hydraulique et les rendre plus acceptables, progrès
qui font l'objet d'une recherche continue de la part des industriels et du monde scientifique pour la partie technologique et de
l'administration pour la partie règlementation. Ces différents éléments sont détaillés dans chaque dossier technique.
L'acceptabilité des opérations concernant les hydrocarbures non conventionnels passe par ces améliorations continues, mais
également par une information complète et transparente, ainsi qu'une concertation avec les parties prenantes concernées.
[28] Statistiques issues du site : Baker Hughes.
6 / RÉFÉRENCES
De nombreuses références spécifiques figurent dans le corps de ce dossier. Pour le lecteur à la recherche de
références plus générales mais néanmoins complètes, les deux références suivantes pourront être intéressantes :
• "Assessment of risks from unconventional gas well development in the Marcellus Shale of Western Maryland" Maryland Department of the Environment / Maryland Department of Natural Resources:
Date : Octobre 2014
http://www.mde.state.md.us/programs/Land/mining/marcellus/Documents/Cover,_ES_and_RA_for_posting.pdf
• "Environmental Impacts of Unconventional Natural Gas Development and Production" - Department of Energy (DOE),
National Energy Technology Laboratory (NETL)
Date : 29 mai 2014 - DOE/NETL-2014/1651
http://www.netl.doe.gov/File%20Library/Research/Oil-Gas/publications/NG_Literature_Review3_Post.pdf
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