Le colza pourrait ne plus se faire prendre au collet

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Le colza pourrait ne plus se faire prendre au collet
Le colza pourrait ne plus se faire prendre
au collet
Piloté par l'INRA, le décryptage du génome de
l'agent responsable de la nécrose du collet du
colza vient d'être achevé par un consortium de
chercheurs internationaux dont l'INRA, le CEAGenoscope et le CNRS. Leptosphaeria maculans
est le principal champignon pathogène de la
plante, pouvant causer des pertes de
production importantes. Etonnamment, le
génome de cette espèce présente une structure
originale constituée de deux types de
compartiments qui diffèrent par leurs
dynamiques évolutives. Ce génome « à deux vitesses » favorise l'évolution de cet agent pathogène
et son adaptation rapide à sa plante-hôte, ce qui en fait un ennemi redoutable et redouté des
producteurs de colza. A terme, l'étude approfondie de ce génome devrait améliorer la sélection de
variétés résistantes du colza. L'ensemble de ces résultats est disponible dans l'édition en ligne
avancée de la revue NATURE Communications du 15 février 2011.
Dans le monde entier, la maladie de la nécrose du collet du colza (également appelée « Phoma » du
colza) est responsable d'une diminution de la production nationale de 5 à 20% et peut entraîner
localement la destruction de parcelles entières. La lutte chimique étant peu efficace et difficile à
mettre en place, la sélection et l'utilisation de variétés de colza naturellement résistantes au
champignon sont donc privilégiées. Malheureusement, l'agent pathogène montre un potentiel
évolutif extrême et les résistances variétales peuvent être contournées en trois saisons de culture
seulement.
Pour identifier les gènes impliqués dans l'interaction avec le colza et expliquer l'adaptabilité du
champignon, le séquençage du génome de Leptosphaeria maculans a donc été initié. L'analyse de la
séquence révèle que le génome de cette espèce a été récemment envahi par un cortège d'éléments
transposables (1). Ces éléments, qui constituent un tiers du génome, sont répétés un grand nombre
de fois et sont regroupés dans des compartiments spécifiques. Ils jouent un rôle important dans
l'organisation, le remodelage et la dynamique de ce génome. Cette caractéristique pourrait expliquer
les capacités d'adaptation très rapides du champignon à sa plante-hôte. En effet, l'analyse plus
précise de la séquence a permis de montrer que les gènes qui ont un rôle important dans le
processus infectieux sont regroupés dans ces régions riches en éléments transposables. En
particulier, 120 des 650 gènes codant pour des protéines sécrétées facilitant l'infection, appelées
effecteurs (2), sont regroupés dans de telles régions. Ces effecteurs présentent la particularité de ne
pas avoir de fonction connue et d'être spécifiques de Leptosphaeria maculans. Ces données
suggèrent que l'insertion récente d'éléments transposables, qui viennent « parasiter » le génome,
favorise la multiplication des gènes codant pour les effecteurs.
Ce séquençage éclaire donc sur la manière dont Leptosphaeria maculans s'est adapté et s'adapte
constamment au colza et à ses résistances. L'analyse en cours des génomes d'autres espèces de
Leptosphaeria plus ou moins pathogènes du colza (ou d'autres plantes proches) permettra
d'identifier les facteurs spécifiques au développement des symptômes les plus préjudiciables au
colza. A terme, l'étude approfondie des contenus en effecteurs, de leur évolution et de leur rôle dans
la pathogenèse devrait favoriser une gestion plus durable des résistances génétiques du colza.
Notes :
(1) Un élément transposable est une séquence d'ADN « parasitant » les génomes en étant capable de
se déplacer et de se multiplier de manière autonome dans le génome. Elle n'a généralement pas de
fonction identifiée dans le génome ainsi envahi.
(2) Un effecteur est une protéine facilitant l'infection, par exemple en permettant de supprimer les
réactions de défense des plantes. De tels effecteurs peuvent être « reconnus » par les plantes
résistantes pour induire les réactions de défense des plantes. Ils sont alors appelés « protéines
d'avirulence ».
Source : CNRS, http://www2.cnrs.fr.