Attractivité du « paradis perdu de l`enfance »
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Attractivité du « paradis perdu de l`enfance »
▼ ruralité [ TOURISME RURAL ] Attractivité du « paradis perdu de l’enfance » Benjamin Rosier/FNSEA La France est une terre d’accueil pour les touristes. Première destination touristique mondiale en terme de fréquentation, elle est la troisième en terme de recettes, derrière les Etats-Unis et l’Espagne. Le tourisme rural concentre près de 35 % de la fréquentation touristique nationale. e tourisme en France génère plus de 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires, représente 6,4 % du PIB, près de 200 000 entreprises et environ 2 millions d’emplois directs et indirects. Sur un espace égal à 85 % du territoire, le tourisme rural concentre près de 20 % des dépenses nationales touristiques. Il se nourrit d’une variété de paysages, de cultures, de patrimoines, de savoir-faire et de traditions. Les trois secteurs géographiques de développement du tourisme rural que sont la montagne, le littoral et la campagne offrent des activités variées et diversifiées en promouvant les valeurs intrinsèques de l’espace rural. En outre, ce dernier bénéficie du nouvel étalement des séjours dans le temps, moins liés aux aléas climatiques et pour une clientèle de proximité. Le tourisme rural doit donc profiter de sa transversalité pour saisir les occasions L 32 qui s’offrent à lui « de façon durable ». Sa diversité et son authenticité sont de réels facteurs d’attractivité, que Danièle Küss, secrétaire générale de la CPTR1, explique par la notion du « paradis perdu de l’enfance », recherché par les touristes. Désenclavement Toutefois, ce tourisme souffre d’un manque de lisibilité, du peu d’intérêt des investisseurs (seulement 3 % des investissements) et du manque d’information et de formation des élus du monde rural. « Le tourisme rural peut aider certains territoires à se désenclaver et maintenir la population sur le territoire. » En effet, « le retour sur investissement est beaucoup plus important qu’il n’y paraît à l’échelle territoriale ! » Pour exemple, 1 euro investi sur le Grand Site du Pont du Gard rapporte 40 euros au territoire qui l’entoure. Ce sont aussi 90 emplois directs et 1 200 emplois indirects et, L'INFORMATION AGRICOLE [ N° 819 ] JUILLET-AOÛT 2008 pour 7 millions d’euros de budget annuel de fonctionnement, les retombées économiques sur la région sont évaluées à 135 millions d’euros ! Une offre touristique bien centrée engendre des retombées économiques si toutefois la qualité des infrastructures, des services et de la promotion est L’agritourisme En matière d’agritourisme, seuls 2 % des agriculteurs exerçaient en 2000 une activité d’hébergement et de restauration. Les gîtes ruraux détenus par des agriculteurs ne représentent que 1 % de la capacité totale de l’hébergement marchand. Mais les agriculteurs contribuent fortement de façon indirecte aux biens communs en promouvant les produits du terroir ou en entretenant par exemple le paysage et le petit patrimoine. ruralité ▼ adaptée à la clientèle. Il est donc fondamental de proposer un niveau de services suffisant et de qualité, avec une meilleure prise en compte de l’environnement et du patrimoine, en améliorant les moyens de transport, en développant les technologies de l’information et de la communication, sans oublier l’impact de l’aménagement du temps de travail et la recherche de produits complets. « Le tourisme rural est un gisement de croissance et de développement des territoires ruraux », martèle Marie-Laurence Madignier, du ministère français de l’Agriculture. Conférence permanente du tourisme rural. Lieu de concertation et de partenariat unique entre tous les acteurs publics, privés et associatifs du tourisme en milieu rural. 1 Lydia Schiesslé/FNSEA ISABELLE ALLEMAND Le tourisme rural souffre du peu d’intérêt des investisseurs. Accueil dans les côtes du Rhône D. R. un BTS commerce. Il envisage de développer, pour son installation, un atelier élevage (volailles et canards gras) dans l’objectif de créer une ferme auberge. Valérie Jourdan s’installe en 1992 sur le Au sujet des contraintes de l’accueil à la petit vignoble familial1 situé au cœur des ferme, Valérie Jourdan explique « qu’on se côtes du Rhône, sur la commune de Bollèmet les contraintes que l’on veut. Notre ne. Jean-Pierre, son mari, est déjà installé caveau a des horaires d’ouverture, et nous depuis 1988. En 1990, ils créent leur cave et avons fait le choix de ne pas travailler le abandonnent progressivement la producdimanche. » Et de préciser qu’il faut « savoir tion de fruits et légumes en vente directe Valérie Jourdan s’investit dans l’image du métier. dire non sinon on s’use, on use sa famille et pour se consacrer à la viticulture. Ils exploitent aujourd’hui 15 ha de vignes. Ils produisent du vin en bouteilles et ses employés, et il n’en ressort rien de bon ! » Elle avoue « que ce sont en fontaines à vin, sous l’appellation Côtes du Rhône, et du vin de beaucoup de contraintes, mais aussi beaucoup de plaisir lorsque nous pays de Vaucluse. « En période de crise, il faut trouver des solutions. sommes récompensés par les louanges de nos clients ». Elle regrette Avec la petite surface de notre exploitation, nous n’avions pour seule toutefois l’absence de subventions pour l’appui à la mise en place de son projet. solution que de commercialiser nous-mêmes. » En 2000, son mari hérite de bâtiments de ses grands-parents. Ils profitent de cette occasion pour construire une nouvelle cave ainsi qu’un caveau ; et en 2004, ils se lancent dans les gîtes ruraux. Ils proposent d’autre part des animations pour leurs hôtes, avec visite des vignes et de la cave, suivie d’une dégustation des vins du domaine, accompagnée d’un petit buffet. « Il est indispensable d’avoir le goût du contact et le sens de l’hospitalité pour se lancer dans un projet d’accueil à la ferme », insiste Valérie Jourdan. « Il faut croire en son produit, aimer son produit et aimer son travail. » Relève Valérie et Jean-Pierre Jourdan ont encore de nombreux projets en tête, avec l’installation future de leurs deux fils. Valentin, le plus jeune, passera l’année prochaine son BAC viti-oeno. Il pense s’installer sur l’exploitation familiale en 2010, après un stage dans une exploitation viticole en Afrique du Sud. Son grand frère, Alexandre, suit actuellement Bienvenue à la Ferme Même si Valérie Jourdan confie avoir « essuyé les plâtres », le réseau « Bienvenue à la Ferme » du Vaucluse, qu’elle préside, est aujourd’hui bien développé, avec 250 agriculteurs adhérents. Ce réseau permet de répondre à la demande de la clientèle pour un produit frais, sain et moins cher, mais également d’échanger avec le consommateur sur le métier d’agriculteur et contribuer ainsi à le rassurer et à valoriser l’image du métier (entretien de l’espace, maintien d’un tissu social…). Il propose aussi un appui aux agriculteurs pour l’obtention de l’agrément, pour la formation et pour se faire connaître. « C’est un réseau d’agriculteurs optimistes et engagés qui souhaitent donner une autre image de la ruralité. » I. A. 1 Site internet : www.domainebastidejourdan.com L'INFORMATION AGRICOLE [ N° 819 ] JUILLET-AOÛT 2008 33