Pour le café, le silence est d`or

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Pour le café, le silence est d`or
entreprise aide par le travail
Insonorisation
Pour le café, le silence est d’or
© Patrick Delapierre pour l’INRS
Le Centre d’aide par le travail Notre avenir,
qui effectue de la torréfaction de café
à Bain-de-Bretagne, en Ille-et-Vilaine, a réalisé
un important travail d’insonorisation
de son process de fabrication, en encoffrant
les machines les plus bruyantes.
M
ais vous ne travaillez
plus, dans cet atelier ! ». C’est ce que
se sont exclamé les premiers
visiteurs de l’atelier de torréfaction du Centre d’aide par
le travail (CAT) Notre avenir à
Bain-de-Bretagne, en Ille-etVilaine, après la réalisation de
travaux d’insonorisation, rapporte le responsable d’atelier,
Roger Simon. L’abaissement
du niveau sonore ambiant
était tel qu’il donnait l’impression d’un arrêt de l’activité sur
ce lieu où travaillent quinze
personnes reconnues comme
travailleurs handi­capés. Car
la torréfaction de café est
une activité bruyante : réseau
de transfert pneumatique
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Travail & Sécurité­­– Octobre 2010
des grains, brûleurs, moulins,
ensacheuses,
ventilateurs
sont autant de sources de bruit
dans le process. « Initialement,
le niveau sonore dans l’atelier
était très élevé, dépassant la
valeur d’exposition maximale
fixée à 85 dB(A). Cela obligeait
tout le personnel à porter en
permanence des équipements
de protection individuelle »,
décrit Didier Aoustin, technicien au Centre interrégional de mesures physiques de
l’Ouest (CIMPO).
Une première collaboration
avec la CRAM de Bretagne
(devenue Carsat Bretagne
depuis) et le Cimpo en 2007
établit un état des lieux
et identifie les principales
sources de bruit. « La difficulté et le coût du traitement
de chaque source nous ont
amenés à conseiller la mise en
place de cloisons pour isoler le
process bruyant des postes de
travail. Cette option permettait de protéger la majorité des
opérateurs », poursuit Didier
Aoustin. Ces cloisons devaient
présenter trois critères : isoler
du bruit, respecter les normes
de protection des produits alimentaires et assurer une stabilité au feu. L’encoffrement
de l’ensemble des machines
a été réalisé à la fin de l’année
2008. Elles sont ainsi désormais isolées dans une grande
enceinte, au milieu de l’atelier.
Les parois sont mobiles et
Aux postes en amont et en aval
du process, les conditions de travail
n’ont désormais plus rien de
commun avec celles du passé grâce
à l’encoffrement des machines.
démontables. Le cloison­
nement est par ailleurs conçu
de façon à permettre le passage des fluides et matières
en limitant les fuites acoustiques (isolation des passages
de câbles, gaines et conduits).
Les cloisons sont dotées
de vitres pour permettre le
contrôle visuel­ de certaines
étapes du process à l’intérieur
du local. Cela permet aussi de
cibler un problème ­– lorsqu’il
y en a un – et de réduire les
temps d’intervention sur les
machines générant du bruit.
Les cloisons ont été équipées
sur leurs parois internes de
panneaux acoustiques absorbants intégrés dans des systèmes de cornières. De cette
façon, les niveaux sonores
n’ont pas augmenté dans l’enceinte créée. Néanmoins, dans
ce périmètre, les personnes intervenant pour des opérations de maintenance ou de
Autres améliorations
des conditions de travail
L
’insonorisation n’a pas été la seule action menée par le CAT
pour améliorer les conditions de travail des salariés.
Le poste de pesée a également fait l’objet d’améliorations,
notamment en termes de manutentions. L’opérateur manipule
en moyenne 600 kg de café par heure. Un système de palan
l’assiste désormais lors de la manutention des sacs de café.
D’autres aménagements restent néanmoins à réaliser sur
ce poste, notamment pour réduire les contraintes posturales.
Autre avancée : l’air chaud issu de la salle de torréfaction
est récupéré et réinjecté dans les salles de conditionnement
après filtration. Cette opération n’élève pas le niveau sonore,
un silencieux ayant été installé sur le conduit de soufflage.
À l’inverse, cette ventilation permet durant les mois d’été
d’évacuer la chaleur émise par le process et les odeurs
de café qui peuvent parfois être fortes et, dans des cas
extrêmes, à l’origine d’allergies.
Des cloisons ont permis
de réduire notablement
le bruit. Mais, lors de certaines
opérations comme le transfert
pneumatique des grains,
les opérateurs doivent porter
leurs protections auditives.
© Patrick Delapierre pour l’INRS
Notre avenir
nettoyage doivent continuer
à porter leurs protections
auditives.
Baisses significatives
Aux postes en amont et en
aval du process, respectivement la pesée et le conditionnement, les conditions de
travail n’ont désormais plus
rien de commun avec celles
du passé. Au poste de pesée,
lorsqu’il n’y a pas de transfert de grains, les mesures ont
montré un gain de 18 dB(A),
passant de 81 à 63 dB(A). En
revanche, lorsque l’opérateur
vide les sacs de café dans la
trémie et que débute le transfert pneumatique des grains
– une phase bruyante – la
réduction n’est plus que de
5 dB(A). « Néanmoins, on peut
maintenant travailler sans
porter en permanence les protections auditives, c’est un vrai
progrès », témoigne Yves, opé-
rateur à ce poste. Une action
sur le conduit de transfert des
grains après pesée est prévue
– déplacement du poste et
encoffrement du conduit –
pour abaisser les niveaux
sonores à ce poste.
De l’autre côté du process, au
conditionnement des sachets
de café, les gains initialement observés ont varié de
6 à 12 dB(A). Une des lignes
a connu au départ un problème de vibration de la tôle
de réception des sachets,
mais la pose d’un matériau à
sa base a rapidement permis
d’obtenir un gain acoustique
aussi net que sur l’autre ligne
– réduction de 80 à 68 dB(A).
Hormis le poste de pesée lors
du transfert de grains, chacun
peut désormais travailler sans
casque ou sans bouchons
d’oreilles. La communication
est amplement facilitée au
sein des équipes, l’ambiance
de travail est moins abrutis-
sante. Lorsque l’on demande
aux salariés s’ils seraient prêts
à revenir en arrière, ils répondent en chœur un « non »
ferme et définitif. « Avec plus
d’un an de recul depuis l’installation des cloisons, la satisfaction reste entière pour tous »,
résume Roger Simon. Ce dispositif a coûté aux alentours
de 200 000 euros, intégralement financés par l’établissement, sans aucune aide
extérieure. « Étant donné son
activité, l’association est par
nature sensible aux conditions
de travail et attentive à la sécurité de ses salariés. Par conséquent, cela va de soi que ce qui
peut améliorer les conditions
de travail doit faire l’objet d’investissements », conclut Roger
Simon.
Céline Ravallec
L
e CAT de Bain-deBretagne est l’une
des six structures de
l’association Notre avenir.
Et l’atelier de torréfaction
est l’une des activités
du CAT. Parmi les autres
services qu’il propose :
une pépinière avec vente
de végétaux ainsi que
l’entretien et la réparation
mécanique des véhicules
de l’établissement et des
matériels divers d’espaces
verts (tondeuses, taillehaies…), la création et
l’entretien d’espaces
verts, le montage et le
conditionnement de sacs
plastiques publicitaires en
sous-traitance ainsi qu’un
restaurant pour le déjeuner
en semaine. Il accueille
au total 168 adultes
handicapés mentaux
répartis dans divers ateliers
de travail. L’atelier
de torréfaction a été créé
en 1994. C’était à l’époque
la première unité
de torréfaction et
d’ensachage de cafés
Max Havelaar en France.
Il approvisionne de
multiples points de vente
dans toute la France, dont
la grande distribution.
Travail & Sécurité –
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