Une grève aux conséquences lourdes pour Air France

Transcription

Une grève aux conséquences lourdes pour Air France
La Croix -mardi 2 août 2016
Économie
9
Une grève aux conséquences
lourdes pour Air France
D’autres
compagnies
aériennes
en grève
Dans la nuit de dimanche à
lundi, le syndicat des pilotes
néerlandais de la compagnie low
cost britannique EasyJet a annoncé l’annulation de 6 vols au
départ d’Amsterdam. Ils souhaitent « conclure une convention
collective honnête », leur garantissant « davantage de repos, le
maintien des revenus en cas de
maladie et une meilleure pension ». La compagnie française
Aigle Azur doit aussi faire face à
une grève, depuis le 28 juillet et
jusqu’au 4 août. Le syndicat des
pilotes SNPL souhaite négocier
« des conditions de travail compatibles avec un niveau acceptable de fatigue ». Onze vols au
départ ou à destination de l’Algérie et du Portugal ont été annulés hier et 17 autres ont été modifiés, selon le site Internet de
la compagnie.
La direction d’Air France craint que cette nouvelle grève n’entache encore l’image de marque de la compagnie. Irina Kalashnikova/Sputnik
tCommencée il y a sept
jours, la grève des personnels
d’Air France aura obligé plus
de 200 000 personnes à
renoncer à leur vol et coûté
plusieurs dizaines de millions
d’euros à la compagnie.
tMais le mouvement n’a
rien changé sur le fond et les
syndicats devraient décider
en fin de semaine des suites
de leur mouvement.
Au dernier jour de la grève des
personnels navigants commerciaux
(PNC), qui a commencé le 27 juillet,
la compagnie Air France assure que
le mouvement s’est essoufflé. La
compagnie prévoit d’assurer, aujourd’hui, 90 % de ses vols, dont
l’intégralité de son trafic long-courrier et 85 % de ses vols moyen-courriers de et vers Roissy.
Elle évoque un taux de 25 % de
grévistes, contre 40 % dimanche.
Mais ces chiffres sont contestés par
les cinq syndicats d’hôtesses et de
stewards à l’origine des arrêts de travail. « Il y a eu une pointe de 70 % le
premier jour de grève », affirme ainsi
Christophe Pillet, secrétaire de la
section Air France du Syndicat national du personnel navigant commerciaux (SNPNC-FO). Selon ce dernier, le mouvement aurait ensuite
oscillé entre 50 et 60 % de grévistes.
Si le mouvement se termine aujourd’hui, les syndicats de PNC
n’excluent pas de déposer un nouveau préavis de grève à plus ou
moins long terme. « Les différentes
organisations de l’intersyndicale
devraient sans doute se concerter
en fin de semaine pour décider de
la suite du mouvement », affirme
Christophe Pillet.
En attendant, la grève devrait
avoir obligé, au total, environ
200 000 personnes à renoncer à
leur vol. Dimanche, la compagnie
évoquait déjà 150 000 personnes
touchées depuis le 27 juillet. Pour
la plupart d’entre eux, l’avion a été
annulé (près de 900 vols selon le décompte de dimanche), y compris au
dernier moment pour quelques centaines de passagers au quotidien.
Parfois, l’avion est parti… mais
avec moins de personnes à bord
pour des raisons de sécurité. Les
règles internationales de l’aviation
civile exigent en effet un PNC pour
cinquante passagers et au moins
une hôtesse ou un steward par paire
de portes. Air France privilégie alors
les enfants voyageant seuls, les familles, les passagers de 1re classe ou
de cabine affaires ou les clients les
plus fidèles…
Près de 900 vols
ont été annulés.
Ces sept jours de grève, organisée lors d’une des semaines les
plus chargées de l’année (près de
150 000 passagers prévus par jour
chez Air France) n’ont en tout cas
pas fait avancer les choses. Aucune rencontre, « ni officielle, ni
officieuse », n’a eu lieu depuis une
semaine entre la direction et les
syndicats selon plusieurs sources
proches du dossier…
Les PNC réclament non pas un
changement de l’accord d’entreprise
qui définit leurs règles de rémunération, de travail ou d’avancement,
mais sa prolongation. Le texte n’est
en effet valide que jusqu’au 31 oc-
tobre et la direction d’Air France
n’accepte de le prolonger que de
17 mois, estimant que le contexte
économique du secteur aérien ne
permet pas de figer des règles trop
longtemps.
Les syndicats, eux, demandent
une prolongation de 3 à 5 ans, de
crainte de voir leurs conditions de
travail remises en question… « Le
métier de PNC à Air France est de
plus en plus compliqué », explique
Christophe Pillet, qui évoque à la
fois une baisse du nombre d’hôtesses et de stewards à bord des
avions et un vieillissement de leur
moyenne d’âge, qui atteindrait
43 ans faute de recrutement selon
le responsable syndical. « Contrairement à d’autres compagnies, les deux
tiers des PNC sont à temps complet et
ils ont besoin de stabilité pour leur
planning », affirme-t-il.
Quelles seront les conséquences
pour la compagnie ? Dans une interview au Figaro la semaine dernière,
Jean-Marc Janaillac, nouveau président du groupe Air France-KLM depuis le 4 juillet, estimait que le mouvement « aura un coût financier très
élevé ». Hier, Frédéric Gagey, le pa-
tron d’Air France, évoquait « des dizaines de millions d’euros », alors que
Christophe Pillet, du SNPNC-FO, a
parlé de « 100 millions » d’euros…
Après la grève des pilotes, la réputation de l’entreprise risque en
tout cas d’être à nouveau écornée,
au moment où ses vols les plus rentables, les long-courriers, pourraient être concurrencés dans l’avenir par des compagnies à bas coûts,
jusqu’ici quasi absentes de ce créneau d’activités. En fin de semaine
dernière, Norwegian a ainsi débuté
ses vols entre Paris et New York.
« L’idée qu’Air France pourrait disparaître reste encore étrangère à certains salariés », regrettait Frédéric
Gagey dans une interview récente
au Figaro. Arnaud Aymé, directeur
associé du cabinet Sia Partners spécialiste de l’économie des transports, rappelle que Swissair, Panam
ou Sabena ont disparu et qu’Iberia a
dû fusionner avec British Airways…
« L’État ne vole pas toujours au secours des compagnies qui ne savent
pas s’adapter à la compétition mondiale, avertit-il, fussent-elles d’anciens fleurons nationaux. »
Michel Waintrop