Réflexions introductives

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Réflexions introductives
Réflexions introductives
Nous avons publié chez Larcier en 1998 la seconde édition du traité sur
le divorce en droit luxembourgeois.
Depuis lors, la législation n’a guère bougé. La jurisprudence non plus.
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Le système en vigueur continue ainsi à reposer sur deux grands piliers :
le divorce-remède et le divorce-sanction.
A.
Divorce-remède
Le divorce-remède se présente sous deux aspects : le divorce par consentement mutuel et le divorce pour séparation de fait continue et effective de
trois ans (article 230 du Code civil).
Ce dernier divorce a été introduit dans le Code civil par la loi du
5 décembre 1978.
L’article 232, alinéa 1er, qui le pervertit aussitôt, démontre les résistances que le divorce a rencontrées auprès des parlementaires qui disposaient à l’époque de la majorité et qui étaient allergiques à l’idée de libérer
le divorce du carcan de la faute.
En effet, par l’introduction de ce texte, ils ont ruiné la nouveauté introduite par l’article 230 en autorisant le défendeur à une demande pour séparation de trois ans de répondre par une demande reconventionnelle pour faute.
Le divorce-remède cèdera alors le pas au divorce-sanction et il ne revivra qu’une fois que le demandeur sur reconvention n’aura pas rapporté la
preuve des griefs allégués.
B.
Divorce-sanction
Le divorce-sanction est prononcé pour fautes graves et renouvelées
rendant toute vie commune impossible.
Nous avons toujours soutenu que tant que la faute resterait la base de
l’un des systèmes de divorce, l’institution en elle-même resterait barbare.
Rien de plus absurde et de plus indélicat en effet que de fouiller dans la
vie des gens pour trouver le coupable de l’échec matrimonial.
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Réflexions introductives
L’œil le plus vigilant d’un enquêteur judiciaire ne saurait percer le trou
noir qu’est la vie d’un couple.
Que se passe-t-il au fond de ce trou et qu’est-ce qui provoque l’émergence à la périphérie de comportements fautifs ?
Qui a la témérité de prétendre pouvoir y trouver un fond de vérité ?
Le chemin a été long pour reconnaître cette évidence.
Tout semble changer au moment où le présent traité est publié.
Certes nous n’y sommes pas encore.
Le législateur a élaboré un texte qui entend révolutionner la matière par
l’abolition pure et simple du divorce pour faute.
Le projet est actuellement pour avis devant le Conseil d’État.
Nous nous bornons à en donner les principes essentiels.
Au regard du fait que le divorce-sanction disparaisse sous peu du Code
civil, nous n’ajoutons rien d’essentiel à ce qui a été dit dans l’édition de
2001 sur le divorce pour faute.
Sous peu, ces pages appartiendront en effet à un passé pénible du droit
luxembourgeois, un droit qui, en faisant de la faute le pilier principal du divorce,
perpétuait un système rétrograde fait d’humiliations, de rancunes et d’injustice.
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Nous allons revoir sur quelques points importants le droit comparé.
Dans les pays limitrophes du Luxembourg, on a en effet été imaginatif
et courageux dans l’adoption de mesures législatives.
Il en a surtout été ainsi de la Belgique, qui, par la loi du 27 avril 2007,
a abrogé le divorce pour faute.
Le Portugal et l’Espagne, deux pays ancrés dans le fondamentisme
catholique, ont dû attendre un changement radical de gouvernement pour
y arriver à leur tour.
Nous consacrons des développements étendus aux mesures accessoires
du divorce.
Ce domaine a connu en jurisprudence depuis la deuxième édition pas
mal d’avatars, mais tous sans notable substance. C’est constamment les
mêmes redites sous des formulations différentes.
Notons pourtant que l’autorité parentale conjointe fut consacrée
comme principe absolu par un arrêt de la Cour constitutionnelle rendu le
12 décembre 2008.
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Réflexions introductives
Reste l’épineux problème du splitting des rentes, qui, faute de trouver
une solution au niveau du législateur, devrait trouver sa solution dans un
arrêt de la Cour constitutionnelle, reconnaissant au conjoint divorcé le
droit au splitting sur base du principe de l’égalité des citoyens devant la
Loi et en proportion de la durée de la vie commune.
Après tout, les rentes sont financées par des prélèvements mensuels sur
la masse commune.
N’est-il ainsi pas inique d’en faire bénéficier le seul mari ?
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Quant à la liquidation des régimes matrimoniaux, nous nous bornons
à l’énoncé des grands principes et nous renvoyons pour le surplus au livre
qui a paru chez Larcier en 2009 sous le titre : « Dissolution du mariage et
la liquidation ». Le projet de divorce en cogitation parlementaire n’apporte
rien d’essentiel à cette problématique, qui garde ainsi toute son actualité.
Relevé statistique des divorces au luxembourg
communiqué par le tribunal d’arrondissement de luxembourg
Relevé des divorces prononcés
Divorces pour cause déterminée, y compris
Divorces par consenAnnée
les divorces pour cause de séparation de fait
tement mutuel
de calendrier
depuis 3 ans au moins
1975
173
33
1976
232
98
1977
231
147
1978
269
217
1979
219
166
1980
296
225
1981
252
206
1982
276
269
1983
239
268
1984
261
293
1985
253
351
1986
261
335
1987
306
341
1988
275
363
1989
297
412
1990
295
363
1991
267
368
1992
251
335
1993
274
360
1994
213
359
1995
226
378
1996
260
388
1997
333
551
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Total
206
330
378
486
385
521
458
545
507
554
605
596
647
638
709
658
635
586
674
572
604
648
884
Réflexions introductives
Divorces pour cause déterminée, y compris
Divorces par consenAnnée
les divorces pour cause de séparation de fait
tement mutuel
de calendrier
depuis 3 ans au moins
1998
285
567
1999
318
556
2000
317
536
2001
257
625
2002
286
632
2003
208
662
2004
338
622
2005
371
672
2006
336
654
2007
388
649
2008
311
598
Total
852
874
853
882
918
860
960
1043
990
1037
909
On constate que le divorce-remède est préféré de loin au divorce-sanction.
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