Quand Saint-Jean était un beau port de mer
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Quand Saint-Jean était un beau port de mer
Quand Saint-Jean était un beau port de mer 90 ans après l’armistice de 1918 et à l’heure où la France a rendu des honneurs, plus que mérités, à son dernier poilu et à travers lui à tous les jeunes gens courageux qui donnèrent leur vie pour la patrie, revenons sur un épisode peu connu, mais qui concerne directement St-Jean, de cette guerre. En 1914, l’armée française, qui, cédant à ses vieux démons, avait une fois de plus préparé le conflit précédent, se trouva fort dépourvue, lorsque la guerre fut venue : Un fusil (et quel fusil!), une paire de godillots pour trois et d’uniforme quasiment point et quand il en avait un, pantalon garance (rouge vif) selon Lazare Ponticelli, notre dernier poilu. Côté tactique ce n’était pas mieux, attaques baillonnettes au canon, comme le 276ème RI de Coulommiers vers Etrépilly ou sabre au clair comme le 4ème Hussards de Meaux dans les marais de Saint Gouin, clairons sonnant la charge comme à Balaklava ou dans Fort Apache (genre : coucou, nous voilà). C’est donc avec leur sang et avec leurs tripes, que nos grands pères et arrière grands pères arrêtèrent les hordes germaniques. Le résultat, désastreux, ne se fit pas attendre et, entre la bataille des frontières, le 6 août 1914 et la fin de la bataille de la Marne, le 12 septembre, soit 37 jours, l’armée française avait perdu 313.000 hommes. Et le beau port dans tout çà ? Nous y venons: L’artillerie n’était pas mieux lotie que les fantassins, car, si, comme le criait la propagande de l’époque, notre canon de 75 était supérieur au 77 allemand, il était en nombre insuffisant, quant à l’artillerie lourde, elle ne disposait que de 308 pièces contre plus de 2000 côté allemand. Heureusement, l’armée française disposait d’une arme infaillible dont le secret était bien gardé : le système D. L’amiral de Bon, s’avisant que de nombreux vaisseaux déclassés possédaient des pièces d’artillerie lourde qui avaient peu servi ainsi que les stocks de munitions ad-hoc, eut l’idée de les transférer sur des bateaux fluviaux et d’envoyer tout ça avec leurs canonniers vers le front. Des canonnières furent donc construites dans les arsenaux de Lorient et de Brest et armées avec des 164 et 138 de marine. Les premières étaient douze et désignées par les 12 premières lettres de l’alphabet : A comme « Ardente », B comme « Brutale », C comme « Cruelle »…. Leur vitesse était de 10 nœuds environ et le poids des canons de 18 tonnes avec leur affût. Un canon de 160mm fut même monté sur une péniche, la « Saint Michel ». La flottille passa à Saint-Jean en octobre 1914 et stationna ensuite sur le canal de l’Aisne à la Marne au environ de Vaudemangez au cœur de la Montagne de Reims. Elle participa à l’offensive de Sept-Saulx en septembre 1915 et à la grande offensive de Champagne fin septembre début octobre 1915. Saint-Jean devint pour un temps, base arrière de la flottille, lorsque celle-ci était au repos entre deux offensives. L’atterrage se situait au pâtis, position idéale entre les arbres de l’ile du moulin rompu et ceux du pâtis pour dissimuler celle-ci aux yeux des curieux germaniques volants. (voir photos ci-dessous) Le succès fut tel qu’au bricolage fait dans l’improvisation, succéda un développement mûrement réfléchi et qu’on amena des péniches et des canonnières ainsi gréées sur la somme et sur les canaux de Dunkerque A la fin de la guerre le président Poincarré remit au contre-amiral Jehenne le drapeau des canonniersmarins, sur lequel figure désormais des campagnes pour le moins inattendues pour une telle arme: CHAMPAGNE 1915/ VERDUN 1916/ SOMME 1916/ BATAILLE DE France 1918. Qui dira désormais qu’il n’y a jamais eu de « Matafs » (Marins) à Saint-Jean ? Jean-Claude CHAUFFOURIER