Maladie de hoffa : une maladie à ne pas méconnaitre.

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Maladie de hoffa : une maladie à ne pas méconnaitre.
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CAS CLINIQUE
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Maladie de hoffa : une maladie à ne pas méconnaitre.
Hoffa’s disease : diagnostic not to ignore.
Samira Lahrabli, Naima EL Amrani, Soumia Meftah, Aziza Nait khchat, Fatima Lmidmani, Abdelatif El fatimi
Service de Médecine Physique et de Réadaptation, CHU Ibn Rochd, Casablanca - Maroc.
Rev Mar Rhum 2015; 32: 50-2
Résumé
Abstract
La pathologie de hoffa est une des causes mal
connues de douleur du compartiment antérieur
du genou. Le mécanisme physiopathologique
n’est pas encore bien précisé. Il serait la
conséquence de micro traumatismes répétés
engendrant des remaniements inflammatoires,
hémorragiques et fibreux du corps adipeux
de Hoffa (ou graisse infra-patellaire). Nous
rapportons le cas d’une patiente pris en charge
dans le service, qui présente une maladie de
hoffa au stade chronique d’ossification.
The Hoffa pathology is a poorly known causes
Mots clés : Hoffa; Gonalgie; Traumatisme.
Key words : Hoffa; Knee pain; Traumatism.
La maladie de Hoffa ou hoffite est une inflammation
aiguë ou chronique de la graisse infra-patellaire, décrite
pour la première fois par Albert Hoffa en 1904[1]. Sa
physiopathologie n’est pas bien élucidée .Cependant,
l’origine traumatique ou microtraumatique apparait
comme le facteur le plus incriminé dans cette pathologie.
La graisse de hoffa joue un rôle important dans la fonction
du genou, elle est développée dans la région antérieure
du genou, intra capsulaire mais extra articulaire. Elle
est de consistance souple, déformable, mobile et se
latéralise en flexion, elle contient particulièrement des
cellules pluripotentes qui peuvent se différencier en
ostéoblastes et en chondrocytes [2]. Sa vascularisation est
de type anastomotique riche en périphérie et pauvre au
centre [3,4]. Son innervation est assurée par des fibres
antérieures du plexus poplité. Les auteurs rapportent le
cas d’une présentation atypique de maladie de hoffa avec
calcification de la graisse, pour laquelle le diagnostic n’a
pu être établi qu’à postériori. Les aspects sémiologiques,
Correspondance à adresser à : Dr. S. Lahrabli
Email : [email protected]
of pain anterior compartment of the knee. The
physiopathology mechanism is still not very
clear. It would be the result of repeated trauma
micro
generating
inflammatory
changes,
hemorrhagic and fibrous adipose body Hoffa
(or infra-patellar fat) .We report the case of a
patient which presents a Hoffa’s disease in
chronic stage of ossification.
thérapeutiques, et étiopathogéniques de cette forme
inhabituelle sont ensuite discutés à travers une revue de
la littérature.
Observation
Nous rapportons le cas d’une femme de 42 ans, suivie
pour maladie de behcet depuis 10 ans avec notion de
prise de corticothérapie prolongée. Elle consultait en
décembre 2013 pour des gonalgies antérieures droites
évoluant depuis un an. À l’interrogatoire, aucune notion
de traumatisme n’a était retrouvée. À l’examen clinique,
la patiente présentait une limitation active et passive
des mouvements de flexion et d’extension du genou, un
épanchement articulaire et une douleur à l’extension forcée.
Un bilan radiologique standard réalisé retrouvait une
opacité au sein du corps adipeux infra-patellaire (igure1),
cette opacité a été prise à tord pour une fracture de fatigue
du plateau tibial vu le contexte de la patiente et a été traitée
par immobilisation pendant 45 jours, devant la persistance
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de l’image radiologique 3 mois plus tard, une IRM a été
réalisée mettant en évidence une ossification de la graisse
infra-patellaire ainsi qu’une infiltration de cette dernière
(figure 2). La patiente a refusé toute intervention chirurgicale
ou arthroscopique. Un traitement conservateur a était
proposé en première intention à base de cryothérapie, de
kinésithérapie avec renforcement du quadriceps, d’AINS
par voie orale avec amélioration de la douleur et de la
fonction du genou avec un recul de 8 mois.
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touchée. À la phase aiguë, l’hypertrophie graisseuse est
liée à l’œdème et aux phénomènes hémorragiques et
inflammatoires.
À la phase chronique, le tissu adipeux inflammatoire
se transforme en un tissu fibro cartilagineux cicatriciel
voire même plus rarement des calcifications de la graisse
comme le cas de notre patiente. Le tableau clinique est fait
de gonalgies antérieurs classique lors de la montée et la
descente des escaliers (syndrome rotulien) [5,6].
A l’examen clinique on retrouve une diminution de
l’amplitude articulaire, une crépitation, un épanchement
articulaire modéré et une tuméfaction péri ligamentaire en
regard du ligament patellaire. Le test de hoffa, réalisé sur
un patient en décubitus dorsal, hanche et genou fléchis
à 90, consiste à provoquer une douleur à la palpation
des bords latéral et médial du ligament patellaire lors de
l’extension du genou [5,8].
L’IRM est l’examen de choix pour analyser la graisse de
Hoffa avec mise en évidence d’un œdème important
du corps adipeux infra-patellaire associé à une zone
fibreuse et parfois même des dépôts d’hémosidérine et
des calcifications. La radiographie a un intérêt notamment
lors des stades ossifiés.
Figure 1 : Calcification de la graisse de hoffa
Toutefois, il faudrait bien faire la part des choses entre
la pathologie de hoffa, le syndrome de friction fémoropatellaire latéral, le conflit sur une plica infrapatellaire et
l’arthrofibrose ou «cyclope syndrome».
En effet, il existe un chevauchement de ces différentes
pathologies, le contexte clinique et les données de l’IRM
vont permettre au clinicien de poser le diagnostic adéquat
[9,10]. Le diagnostic différentiel avec la maladie de Hoffa
se pose essentiellement avec les pathologies tumorales
(chondromes intracapsulaires, synovite…) [11,12].
Figure 2 : Macrocalcification de la graisse de hoffa visualisée à l’IRM
Discussion
La maladie de hoffa est une pathologie intrinsèque
de la graisse de hoffa, survenue après l’exposition à
des microtraumatismes répétés, une hypersollicitation
(hyperextension et rotation répétées) ou encore par la
pratique des sports à risque comme le basketball, le
volley-ball ou le saut en hauteur. La femme est plus souvent
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En revanche, pour notre cas, il aurait pu s’agir d’un
chondrome vu les calcifications ou peu probablement
un hémangiome synovial ou une tumeur maligne
sarcomateuse dont l’aspect est non spécifique en IRM,
L’obtention d’une histologie était nécessaire afin de ne
pas méconnaître une lésion tumorale.
Le traitement conservateur sera proposé en première
intention à base de cryothérapie, de rééducation
fonctionnelle avec un renforcement du quadriceps en
particulier du muscle vaste médial, d’AINS par voie
orale, plus ou moins associé à une immobilisation.
Il peut être également proposé une infiltration de
corticoïdes dans la graisse de hoffa [13]. Le traitement
chirurgical n’est préconisé qu’après échec du traitement
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S. Lahrabli et al.
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médical, et consiste en une résection arthroscopique de
la zone pathologique [14].
Conclusion
La pathologie de hoffa est une affection fréquente mais
reste sous diagnostiquée. L’IRM est l’examen de choix
pour poser le diagnostic. L’arthroscopie a un intérêt surtout
en cas de suspicion d’atteinte tumorale. Le traitement est
d’abord médical, en cas de chronicisation et échec du
traitement médical, le traitement chirurgical s’impose.
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