Le « tub » de mes jeunes années
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Le « tub » de mes jeunes années
« Chargé de parfums, d’histoires et de rêve, ce véhicule utilitaire devenait notre cheval d’orgueil façonnant une vie où je me glissais avec délice ; pour renouer avec ce temps enfoui au plus profond de moi, je me suis laissé tenter par la restauration de cette gloire de Citroën, symbole pour moi de la transmission originelle de la passion de l’huile à travers toutes les générations. » Éric Vigean » b u t « e L es n u e j s e m de années L e clocher de l’église de Clion-sur-Indre martelle onze coups ; dans son sillage, pour peu qu’un rayon vienne caresser ses façades, l’huilerie Vigean sise à la sortie du bourg éclaire la rue des Varennes. Regard d’aigle, gestes mesurés, Éric voit défiler toute son enfance, avec des souvenirs bien enracinés qui conduisent jusqu’à André, son grand-père, le fondateur de l’entreprise. Cet homme à la force herculéenne, natif de Paulnay en 1893, constitue un exemple de ténacité et de courage. Il mène plusieurs vies en même temps : « Comment enchaîner quatre métiers, qui mènent de l’épicerie à l’huilerie, en passant par le charbon et le travail des champs ? » je n’ouvrais la bouche que pour saluer les gens et dire merci, il convenait d’être le plus discret possible. Entre nous, nous allions au-delà des mots, une véritable connivence s’installait. » Argenton et Eguzon figuraient également au programme dès les premiers souffles du printemps pour les articles de pêche. Une fois par mois la tournée prenait la direction de Buzançais, Châteauroux, Levroux, Écueillé et Luçay-Le-Mâle. Cette localité très dynamique à l’époque possédait une très belle épicerie, haute en couleur. « Nous livrions Lionel et Bernadette Colin, un couple toujours très avenant et qui nous donnait volontiers les nouvelles du pays. » A travers ces espaces géographiques devenus paysages intérieurs au fil des livraisons, le tub Citroën étire ce temps exquis des après-midi aussi légers que le passage d’une heure à l’autre. H Huilerie Vigean - Épicerie dans les années 1930. omme d’honneur, pour qui le profit va nécessairement de pair avec l’amour du métier, sa parole se libère posément à chaque escale : « Habituellement tout en retenue, mon grand-père ne faisait jamais de longs discours, et lors de ces tournées, comme par enchantement, il devenait un autre homme, affable et toujours plein d’esprit. Moi je me contentais d’écouter, La réponse fuse à la vitesse de l’huile de noix : « La passion et le courage. » Ici on travaille sans faire de tapage. Éric évoque avec nostalgie les tournées de livraison des jeudis et samedis après-midi quand il était encore en culotte courte : lorsque son aïeul l’embarquait dans le tub Citroën. « J’attendais ces moments avec impatience, c’était pour moi une véritable évasion et des instants de complicité uniques. J’étais prêt bien avant l’heure du départ, me faisant une véritable fête de prendre ainsi la route. » L eess p parcours arcourrs to touj toujours ujjours bien régl réglés g és cou gl couvrent uv vrren nt une partie d du u dé d département épa part rttement de de ll’Indre ’Ind ’I n re nd r eett du Lochois. du Lochois iss André is. Andr An dréé Vigean dr Vige Vi gean ge gean an porte porrte beau beaau dans dans an nss sa sa chemise chem mis isee bleu bleu ciel cieel dont on on aperçoit ap per erço rç it i le ccol le ol point pointer ntter e ssous ou us la b blouse, lo ouse, e, signe eextérieur xtér xt tériieur de co courage. our urage ag ge. e. 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Nous livrions dans les épiceries, restaurants et magasins de pêche, nos huiles de noix, fruitée aux noix, olive, colza, tournesol, arachide, et maïs ; cette dernière était la préférée de mon grand-père pour monter les mayonnaises d’un jaune Tour de France très soutenu. » Le jeune Éric goûte avec délices ces heures du calendrier, appréciant chaque escapade : Châtillon, Fléré-La-Rivière, Saint-Hyppolite, Saint-Flovier, le château de Verneuil jalonnaient le parcours qui conduisait jusqu’à Loches. La ville royale de Charles VII et d’Agnès Sorel, dans un repli de l’histoire, à la lisière de la Touraine permettait de fendre l’armure du temps : « La famille Barra nous y recevait fort aimablement à l’hôtel de France, où nous déposions les cartons d’huile, chaque fois selon le même rituel. » avec son petit-fils Eric. André, le grand-père, Entre deux livraisons, André Vigean fixe sur le volant une tablette de bois parfaitement adaptée où il effectue sur son carnet, additions, soustractions et multiplications tout en calculant la TVA, dont le taux s’élevait à l’époque à 7%. « Il faisait tout de tête, il n’avait pas besoin de calculette, et tous ses chiffres tombaient juste au centime près. »