LA CHANSON : QUEL OBJET SEMIOTIQUE ? POUR QUELLE
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LA CHANSON : QUEL OBJET SEMIOTIQUE ? POUR QUELLE
Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 LA CHANSON : QUEL OBJET SEMIOTIQUE ? POUR QUELLE UTILISATION EN CLASSE DE FLE ? Martine GROCCIA Laboratoire ICAR (Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations) Equipe LS3 (Langues, Syntaxe, Sémantique, Sémiotique) Université Lumière Lyon 2 Dans le cadre de ce colloque « Sémiotique, Didactique et communication », je souhaiterais aborder la chanson en tant qu’objet sémiotique complexe. Mon objectif se veut clair et concis : montrer que cette forme d’expression artistique renferme des caractéristiques intrinsèques, et que cette spécificité peut faire de l’objet une ressource pédagogique très riche pour l’apprentissage d’une langue étrangère. Cette communication se déroulera donc en deux temps : décrire certaines caractéristiques sémiotiques inhérentes à l’objet ; et proposer, à partir de cette réflexion, une brève illustration à partir d’un exemple précis de chanson. Mon travail s’intéresse à la chanson de langue française et correspond donc à une réflexion didactique concernant cette même langue. 1. Caractéristiques sémiotiques inhérentes à l’objet chanson La définition du Petit Robert du terme « chanson », bien que rapide, fournit les éléments de base de la description de l’objet : « pièce de vers, de ton populaire, généralement divisée en couplets et refrains, et qui se chante sur un air ». On peut en effet y reconnaître des éléments constitutifs : une chanson, c’est avant tout du texte et de la musique, c’est-à-dire une composante verbale, généralement structurée en vers, et une composante musicale, le tout organisé en couplets et refrain, et interprété par une voix. Cette définition, aussi succincte soit-elle, fait 230 230 Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 entrevoir la spécificité de l’objet : il s’agit ici d’un objet syncrétique, ou pluricode, dans la mesure où il y a bien réalisation simultanée de deux systèmes sémiotiques, le système sémio-linguistique et le système musical. En effet, le sens d’une chanson ne saurait être la somme des sens produits par les deux ordres, mais constitue bien un tout significatif, que les deux systèmes contribuent également à construire. L’approche que je propose ici s’adapte à la dimension didactique que je souhaite donner à ma démarche. Parmi l’ensemble des éléments constitutifs d’une chanson, je propose de développer ici uniquement certains outils de description. Je traiterai dans un premier temps les phénomènes de répétition, qui sont au cœur même de la construction d’une chanson, et régissent autant sa composante verbale que sa composante musicale. Je développerai ensuite séparément certaines caractéristiques des deux composantes, dans le but d’entrevoir l’utilisation qu’il pourrait en être faite en classe de FLE, et j’exposerai en seconde partie comment et pourquoi il peut être intéressant d’aborder le texte d’une chanson par le biais de sa structure musicale. . 1.1. Caractéristique fondamentale de l’objet syncrétique : les phénomènes de répétition Appréhendée dans son syncrétisme, la chanson affiche une caractéristique fondamentale : les phénomènes de répétition. La chanson se pose comme une forme d'expression à retours multiples, à récurrence. Elle développe ainsi, aussi bien dans sa composante verbale que dans sa composante musicale des formes à répétition diverses et variées, qui vont baliser son univers comme autant de points de repères sonores aux oreilles des auditeurs. Ces phénomènes sont repérables, à un niveau global, sur les deux composantes d’une chanson : - sur le plan textuel, une chanson s’organisera en couplets/refrain : du mot à la strophe entière, dès lors qu’un élément textuel, quelque soit sa longueur, a une place bien déterminée dans la structure musicale et 231 231 Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 se répète à intervalles réguliers, soutenu la plupart du temps par un même thème mélodique, il peut prétendre au statut de refrain, et structurer par conséquent l’ensemble des données textuelles en couplets/refrains. - sur le plan musical, ces phénomènes de répétition vont se retrouver dans la répartition des thèmes mélodiques, avec en général un thème spécifique pour le refrain, et un ou deux thèmes différents pour le développement des couplets. Il existe des chansons dont la structure aussi bien textuelle que musicale présente des originalités et des libertés de facture, mais de toute évidence, la structure musicale et la structure textuelle d’une chanson sont très étroitement liées. Selon qu’une chanson sera construite sur un mode classique de répartition couplets/refrain, elle aura une structure musicale de facture classique, avec une répartition régulière des thèmes mélodiques, et la réciproque fonctionne également, l’originalité de l’un des éléments entraînant une organisation particulière de l’autre. On trouvera par ailleurs d’autres types de répétition, repérables cette fois à un niveau local : pour le texte, ils concerneront tous les phénomènes d’allitérations liés à la versification, souvent accentués par les temps forts imposés par la rythmique de l’orchestration ; pour la musique, ils se réaliseront dans des motifs mélodiques et des cellules rythmiques structurant l’ensemble du flux sonore. Ces phénomènes de répétition, à quelque niveau qu’ils se réalisent, sont identifiables par l’auditeur et structurent son appréhension de la chanson. Ils sont essentiels à la constitution du sens d’une chanson dans la mesure où, en structurant le plan de l’expression, ils guident l’auditeur dans sa saisie des contenus et donc dans son élaboration du sens de la chanson. 1.2. Quelques caractéristiques de la composante verbale d’une chanson 232 232 Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 En deuxième point, j’aborderai quelques caractéristiques spécifiques de la composante verbale d’une chanson : - la chanson en tant qu’ "art populaire", n'est pas limitée dans les registres de langue qu'elle peut employer. Elle peut en effet utiliser tous les registres, de l'argot le plus populaire au registre le plus soutenu ou le plus poétique. Elle fournit ainsi un panorama riche et varié des actualisations de la langue. Et le ton employé peut également être une information précieuse pour caractériser le genre de discours qu’elle met en place. - la chanson est une forme courte qui doit constituer un tout et qui ne doit pas durer plus de quelques minutes (3mn30 en moyenne). Pour contrecarrer cette brièveté d’exploitation, le texte de chanson fait souvent appel à des stéréotypes culturels et actualise des figures du monde autour desquels se construisent des isotopies, de manière à convoquer chez l’auditeur, rapidement et efficacement, des réseaux de sens complexes. Elle construit ainsi son univers sémantique, clos, et à chaque fois spécifique. - le pronom personnel est très utilisé dans le texte de chanson. Il est l'outil privilégié par lequel les personnages sont mis en scène. Une chanson, en tant que production orale, installe un rapport très étroit entre énoncé et énonciation. La chanson, en tant que communication, et grâce notamment à la voix, qui incarne, au sens propre, et le « je » énonciateur et le « je » énoncé, donne la possibilité à tout auditeur d'assumer cette même fonction énonciatrice en favorisant un processus d'identification. Les pronoms personnels ont alors une valeur implicative, au sens où le destinataire (chaque auditeur potentiel) peut être convoqué à la place de l'énonciateur. 1.3. Quelques caractéristiques de la composante musicale d’une chanson En troisième point, j’aborderai quelques caractéristiques spécifiques de la composante musicale d’une chanson : 233 233 Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 - La voix de l’interprète a un statut très particulier en chanson. C’est entre autre par elle que se réalisent simultanément les deux ordres, le linguistique et le musical. Elle est par essence mélodique, tout en étant le lieu où la parole devient chant. Ruwet le note en ces termes dans son ouvrage Langage, musique, poésie : « Dans le mesure où la voix est, pour l’homme, avant toute chose, l’organe de la parole, dès qu’elle intervient en musique, le langage comme tel est présent, […] même si le chant s’émancipe en de purs mélismes, même si le texte devient incompréhensible. »1 En tant que sujet chantant, l’interprète investit dans sa performance vocale son interprétation, au sens herméneutique du terme, du discours qu’il chante. La caractérisation de cette voix chantante reste une tâche difficile, mais en tant qu’auditeur naïf, on est tout de même capable de percevoir certaines de ses caractéristiques acoustiques, comme la hauteur, le timbre, la dynamique et l’attaque du son produit. Par ailleurs, l’auditeur peut caractériser son ressenti par rapport à la perception d’une voix à travers de nombreux qualificatifs analogiques, qu’il emprunte à tous ses sens : une voix terne, blanche, éclatante / fluette, ample, grêle / rauque, aiguë, grave, sourde / douce, chaude, froide, sèche /suave, âpre, acide, mielleuse, etc. En qualifiant une voix, aussi approximative que soit cette qualification, on actualise différents sèmes qui participent toujours, d’une manière ou d’une autre, au sens du discours qu’elle supporte ; et c’est là son intérêt didactique. - le rythme est fondamental dans toute production musicale, et il l’est encore plus en chanson, où il gère l’occupation du temps sonore, qui, rappelons-le, est très court. Le rythme implique la notion de tempo. Même si elle a une réalité technique, cette notion est liée à la 1 Nicolas RUWET, Langage, musique, poésie, Paris, Seuil, 1972, p52 234 234 Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 perception de la vitesse d’exécution que chacun d’entre nous peut ressentir et qualifier : lent, rapide, étiré, saccadé, etc. Par ailleurs, l’auditeur possède dans son savoir encyclopédique, une expérience des rythmes, liée aux genres musicaux connus : rythme de reggae, de rock, de salsa, de valse, etc. Le rythme, dans sa perception, peut faire sens, et participer, à des degrés divers, aux isotopies connotatives mises en place ailleurs, notamment dans le discours. - la masse sonore peut désigner l’ensemble des éléments sonores constituant une chanson, du point de vue de son orchestration, mais également du point de la vue de la voix et du rythme, dans une sorte d’appréhension très globale de l’événement sonore. S’intéresser à l’évolution de cette masse sur l’ensemble de la durée d’une chanson permet de schématiser des mouvements de sons, qui, encore une fois, participeront à l’élaboration du sens de la chanson. Cette évolution de la masse sonore peut se visualiser à l’aide de schémas simples. En voici quelques exemples : mouvement d'ensemble en crescendo, entrée progressive des différents éléments instrumentaux, pour arriver à un sommet 1. mouvement crescendo/decrescendo 2. 235 235 en Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 3. mouvement stable, augmentation de la masse sonore et decrescendo 4. mouvement construit sur la réitération d'un schéma primaire L’ensemble des éléments présentés ici participe tous, d’une manière ou d’une autre, à l’élaboration du sens d’une chanson. Ils peuvent constituer autant de ressources pour créer des activités multiples et variées adaptées aux chansons étudiées en classe de langue. Dans la mesure où la chanson est prise dans sa spécificité sémiotique, c’est-àdire dans son syncrétisme et donc dans l’appréhension simultanée de sa composante verbale et de sa composante musicale, elle peut constituer un document d’une extrême richesse pour l’exploitation pédagogique, ce que je vais tenter d’illustrer en seconde partie. 2. Exploitations pédagogiques de l’objet chanson en classe de FLE Il m’est impossible de développer en détails le potentiel didactique de l’objet. Pour cela, il faudrait proposer des exemples de séances complètes, construites autour d’un objectif pédagogique précis, et élaborées dans une situation réelle d’enseignement, s’adaptant à un public spécifique. Ce que je souhaite montrer ici, c’est que les éléments de description que j’ai présentés peuvent se transformer en autant d’outils pour 236 236 Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 élaborer des activités autour d’un document chanson, et par là même, aborder l’apprentissage de la langue d’une façon tout à fait originale. Je citerai rapidement quelques exemples d’activités envisageables, à condition encore une fois qu’elles s’inscrivent dans un objectif pédagogique précis (étudier un thème de civilisation, appréhender une structure grammaticale, étudier un champ lexical spécifique, par exemple) et qu’elles soient adaptées au public concerné : - Des activités centrées sur la perception du document : elles sont potentiellement nombreuses et multiples : on peut construire des grilles d’écoute permettant de caractériser des éléments sonores tels que le rythme, la mélodie, l’accompagnement musical, la voix, ce qui permettra aux apprenants notamment de se familiariser avec l’atmosphère de la chanson, et de guider leur interprétation globale de la chanson : parvenir à une caractérisation globale de la chanson, du type chanson triste, gai, entraînante, sentimentale, moqueuse, revendicatrice, etc. constitue déjà une approche de son discours dominant. On peut également proposer des schématisations des mouvements de la masse sonore, ou travailler autour de la structure musicale en couplets/refrains, ce qui permettra une première sensibilisation à l’organisation textuelle de la chanson. Concernant plus particulièrement le texte, on peut travailler notamment sur la discrimination auditive autour de l’apprentissage des phonèmes, sur la transcription ou la reconstruction des paroles à partir de textes à trous, sur la confrontation de la chanson avec d’autres types de discours sur le même thème, etc. - Des activités centrées sur la production à partir du document : elles sont plus délicates à mener si on veut y intégrer les éléments musicaux, mais elles n’en sont pas moins intéressantes pour l’apprentissage de la langue. Il peut s’agir de proposer une interprétation innovante par rapport à celle entendue dans la chanson étudiée, par exemple changer de débit, d’intensité sonore, jouer sur la voix, etc., ou d’adapter le texte de la chanson étudiée sur une nouvelle musique, ces activités permettant, entre autre, de prendre conscience 237 237 Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 du rôle des éléments musicaux et paraverbaux (prosodie) sur la construction du sens. Autour du texte, les prolongements imaginables sont innombrables : fixation phonétique et syntaxique à partir des structures répétées, écriture de nouvelles paroles, réalisation de scénettes à partir de l’histoire de la chanson, reformulation du texte de chanson dans un autre type de discours (récit, dialogue, lettres, etc.), production de discours appréciatifs (critique de concerts, d’albums, par exemple.), etc. Pour ma part, je me propose d’illustrer un point précis : comment aborder le texte d’une chanson par le seul biais de sa structure musicale, afin de mettre en évidence l’organisation du texte et de faciliter l’accès à son sens, et ce à partir d’une chanson de Nino Ferrer, qui s’appelle Les hommes à tout faire. Cette chanson est plutôt courte (2mn30). Musicalement, elle présente une orchestration très développée et très présente, qui se développe sur une rythmique rock. Le texte est présent sur tout l’espace sonore de la chanson, ce qui implique une quantité importante d’informations linguistiques malgré sa courte durée. Sur le plan thématique, cette chanson brosse un tableau peu glorieux d’une société où chacun exerce une activité professionnelle plus ou moins rébarbative et où l’individu qui n’en a pas, mène une vie instable et dissolue. Est finalement traité ici la difficulté des individus à s’épanouir personnellement dans une société qui les réprime. Le but ici est d’exploiter pédagogiquement le fait que la structure musicale et la répartition des thèmes mélodiques correspondent sur le plan textuel à une organisation thématique des contenus sémantiques. Dans un premier temps, je propose quelques points de repères concernant la structure musicale de la chanson, et le rapport qui peut être établi entre le texte et la musique, ce qui éclairera le sens des activités que je proposerai ensuite : 238 238 Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 Cette chanson se développe sur une structure refrain / couplets / pont, réitérée deux fois, et se termine par la reprise du refrain, cette dernière occurrence subissant une variante, tant sur le plan linguistique que sur le plan musical. On peut en schématiser la structure musicale de la façon suivante : Découpage textuel REFRAIN Qu'est-ce qu'il faut faire Quand on ne sait rien faire On devient un homme à tout faire On a les embêtements les plus divers On n'a jamais le temps de boire un verre Sans risquer de l'avaler de travers COUPLET 1 Tandis que Gaspard c'est un pauvre noir Qui balaye les trottoirs Quand il a fini de balayer Il rentre chez lui et il va se coucher COUPLET 2 Margot c'est une dactylo Assise derrière son bureau Elle se bourre de chocolat Quand y en plus elle va au cinéma PONT 1 Et moi je passe mes journées à me déguiser Et je suis toutes les nuits debout sous la pluie Thèmes mélodiques correspondant Principales caractéristiques musicales Thème mélodique A Mus. A : Rythmique à la batterie + notes tenues au synthétiseur Thème mélodique B Mus. B : contretemps au synthétiseur + cellules rythmicomélodiques répétée aux cuivres à chaque fin de vers Thème mélodique B Thème mélodique C 239 239 Mus. B Mus. C : cellules rythmico-mélodiques au synthétiseur sur chacun des temps + marquage des temps et Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 Je risque des mauvais coups Et je n'aime pas ça du tout REFRAIN Qu'est-ce qu'il faut faire Quand on ne sait rien faire On devient un homme à tout faire On a les embêtements les plus divers On n'a jamais le temps de boire un verre Sans risquer de l'avaler de travers COUPLET 3 Tandis que Jojo d'Issy-lesMoulineaux C'est un conducteur de métro Quand il arrive au terminus Il va se promener en autobus COUPLET 4 L'oncle du mari de ma belle soeur Travaille chez le cousin de ma mère Le dimanche il fait la java Avec le beau-frère du cousin de papa PONT 2 Et moi je fais tour à tour le garde du corps La voyante extralucide et ça m'incommode Et je dois me battre en duel Et je trouve ça immoral contretemps à la batterie Thème mélodique A Mus. A Thème mélodique B Mus. B Thème mélodique B Mus. B Thème mélodique C Mus. C 240 240 Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 VARIANTE REFRAIN Qu'est-ce qu'il faut faire Quand on ne sait rien faire On devient un homme à tout faire On a les embêtements les plus divers On n'a jamais le temps de boire un verre Jamais le temps de faire un tour Jamais le temps d'aller dormir Ni de manger des petits fours Et ça fait trop longtemps qu'ça dure Et y en a marre marre marre marre marre Variante thème mélodique A Variante Mus. A + Mus. B: entrée massive des cuivres dès le 1er vers + répétitions de cellules rythmicomélodiques aux cuivres (procédé emprunté à Mus. B) sur le développement final. Deux observations essentielles s’imposent : - sur le plan musical, chacune des parties de la chanson se distingue par des indices musicaux, concernant la mélodie, l’orchestration et la rythmique, et que j’ai consignés dans les deux dernières colonnes du tableau. - sur le plan textuel : les parties ainsi dégagées correspondent chacune à un développement thématique spécifique : Le refrain correspond au questionnement du personnage (pris en charge par le chanteur), avec la question-clé "qu'est-ce qu'il faut faire quand on ne sait rien faire ?". Les couplets mettent en scène des personnages dans leur vie quotidienne. Quant à la partie appelée « pont », elle correspond à une partie musicalement transitionnelle, qui permet de passer du couplet au refrain. Ici, elle se caractérise par un crescendo rythmique et mélodique, construit en progression pour mener au refrain suivant. Thématiquement, elle correspond au développement des activités du personnage principal. 241 241 Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 Dans cette chanson, l'environnement sonore est donc très important et participe pleinement à la construction du sens. Le découpage de la structure musicale permet un découpage du texte en univers sémantiques cohérents, et c’est là son intérêt didactique. Pour faire découvrir la structure musicale de cette chanson aux apprenants, et donc les amener à une lecture organisée du texte, je propose les activités suivantes : L'enseignant rappelle qu'une chanson, comme un texte, se découpe en plusieurs parties. Chaque partie peut constituer un bloc sonore (avec une mélodie, un rythme, une orchestration particulière) qui correspond à un ou plusieurs paragraphes de texte, chacun des blocs sonores se distinguant par sa "musique" différente. L’enseignant distribue ensuite à chaque apprenant un document qui schématise la structure de la chanson en différents blocs sonores. Le document pourra se présenter de la façon suivante : bloc n°1 bloc n°2 bloc n°3 242 242 Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 bloc n°4 bloc n°5 bloc n°6 bloc n°7 Chaque encadré correspond à un bloc sonore de la chanson, dans lequel devra s'inscrire un morceau de texte; Le bloc n°2 et le bloc n°5 sont divisés en deux sous parties parce qu'ils englobent deux paragraphes correspondant à une même unité musicale. L'enseignant distribue par ailleurs le texte de la chanson. Il se présentera sous la forme des quarante-six vers qui le composent, sans aucune marque de découpage qui laisserait présager les différentes strophes. 243 243 Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 La consigne : les apprenants doivent effectuer un découpage du texte, ciseaux en mains, afin d'attribuer à chaque bloc sonore la partie du texte qui lui correspond. Il doit leur être précisé qu’il ne s'agit pas de comprendre le sens de la chanson, mais seulement de retrouver son organisation à l'aide de la musique. Cette activité permet de transformer un texte brut en un texte organisé, en sollicitant, sans que cela soit clairement indiqué, la logique textuelle des apprenants. Elle permet également aux apprenants de faire le lien entre l'unité linguistique et l'unité musicale, insistant ainsi sur le fait que la chanson est un tout où l'élément musical n'est pas un simple ornement. La deuxième étape consistera à regrouper les blocs qui ont les mêmes caractéristiques sonores. La consigne peut être la suivante : Recenser en marge des blocs les différents éléments musicaux qui vous ont permis de les dissocier (intervention ou non des cuivres, mélodie, etc.) et procéder à un nouveau découpage pour regrouper les blocs selon ce critère. On obtient alors trois regroupements : Regroupement n°1 Bloc n°1 Qu'est-ce qu'il faut faire Quand on ne sait rien faire On devient un homme à tout faire On a les embêtements les plus divers On n'a jamais le temps de boire un verre Sans risquer de l'avaler de travers Bloc n°4 Qu'est-ce qu'il faut faire Quand on ne sait rien faire On devient un homme à tout faire On a les embêtements les plus divers On n'a jamais le temps de boire un verre Sans risquer de l'avaler de travers 244 244 Bloc n°7 Qu'est-ce qu'il faut faire Quand on ne sait rien faire On devient un homme à tout faire On a les embêtements les plus divers On n'a jamais le temps de boire un verre Jamais le temps de faire un tour Jamais le temps d'aller dormir Ni de manger des petits fours Et ça fait trop longtemps qu'ça dure Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 Et y en a marre marre marre marre marre Regroupement n°2 Bloc n°2 Tandis que Gaspard c'est un pauvre noir Qui balaye les trottoirs Quand il a fini de balayer Il rentre chez lui et il va se coucher Margot c'est une dactylo Assise derrière son bureau Elle se bourre de chocolat Quand y en plus elle va au cinéma Regroupement n°3 Bloc n°3 Et moi je passe mes journées à me déguiser Et je suis toutes les nuits debout sous la pluie Je risque des mauvais coups Et je n'aime pas ça du tout Bloc n°5 Tandis que Jojo d'Issy-lesMoulineaux C'est un conducteur de métro Quand il arrive au terminus Il va se promener en autobus L'oncle du mari de ma belle soeur Travaille chez le cousin de ma mère Le dimanche il fait la java Avec le beau-frère du cousin de papa Bloc n°6 Et moi je fais tour à tour le garde du corps La voyante extralucide et ça m'incommode Et je dois me battre en duel Et je trouve ça immoral On aboutit à un découpage du texte cohérent du point de vue sémantique et qui facilite l'accès au sens et le repérage d'unités sémantiques. Les apprenants pourront en effet repérer par la suite des rapprochements entre le traitement des personnages, des structures grammaticales qui se répètent, etc. Par exemple, en remarquant les répétions de "tandis que (Gaspard/Jojo) " dans le regroupement n°2, et de "et moi je" dans le regroupement n°3, on obtient des indices de sens quant au traitement différent des personnages, etc. A partir d'une telle approche, de nombreux développements d'activités sont possibles. Il va de soi que ces activités doivent s'inscrire dans 245 245 Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 l'ensemble d'une séquence, qu'elles doivent pouvoir s'adapter à un public précis et qu'elles doivent être complétées par d'autres activités servant l'ensemble de l'objectif pédagogique. Il va de soi également que ce type d'exploitation de l'objet doit être accompagné d'un travail en amont de la part de l'enseignant, sur le document lui-même, et sur les pré-requis nécessaires à l'appréhension de l'objet. En conclusion, j'ai souhaité montrer dans cet exposé la richesse sémiotique de la chanson et l'important potentiel didactique qu'elle renferme. Dès lors qu'on s'attache à sa spécificité d'objet syncrétique, son exploitation en classe de langue peut s'avérer très profitable, et son originalité comprend de nombreux attraits : - l’écoute d’une chanson est une activité de loisir et de plaisir. Les apprenants aiment les chansons, et leur utilisation en classe de langue se présente comme un moment privilégié. La chanson est une forme universelle et chacun retrouve en langue étrangère un plaisir qu’il connaît dans sa propre langue. En mobilisant l’intérêt des apprenants, on s’assure d’une motivation plus authentique et donc de résultats plus probants en matière d’apprentissage. - De plus, la répétition, indispensable en classe de langue, revêt grâce à la chanson un visage beaucoup moins rébarbatif et ne génère pas l’ennui. La récurrence du mot ou de la construction sont autant d’indices qui mènent à la compréhension, sans pour autant diminuer l’attention auditive de l’auditeur/apprenant. La chanson offre cet avantage de familiariser en douceur l’apprenant avec la langue étrangère, de rendre le contact moins dur avec les zones d’ombre du texte, de permettre un apprentissage linguistique et culturel moins austère grâce, entre autres, à la musique qui n’a pas de frontières. - Par ailleurs, dans une chanson, tous les éléments sont présents pour créer un terrain propice à la discussion : les thèmes abordés, l’attrait de la musique, favorisent une communication réelle entre apprenants. La chanson le sollicite, et il devient un auditeur participant de la communication établie par elle. - enfin, la chanson se présente comme une fenêtre ouverte sur la culture de l’autre. C’est une forme d’expression qui se retrouve dans tous les pays et qui présente toujours un reflet de la société dont elle émane. Elle suit son évolution, ses goûts, ses préoccupations. Ainsi, 246 246 Actes du 1er Colloque International sur « la Sémiotique, la Didactique et la Communication » 02-04 mai 2005 en étudiant une chanson, l’apprenant a accès à une part de civilisation. Il entre en contact avec une conception du monde qui est en partie celle de la langue qu’il apprend. 247 247