LA DÉCADE PHILOSOPHIQUE COMME SYSTÈME (1794
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LA DÉCADE PHILOSOPHIQUE COMME SYSTÈME (1794
LA DÉCADE PHILOSOPHIQUE COMME SYSTÈME (1794-1807) ••• PRÉSENTATION DE L’ÉDITION Une « véritable science de la liberté » Si, en raison des circonstances, et de l’épaisseur des connotations ... idéologiques, au sens courant du terme, qui l’ont entourée, l’Idéologie a été, jusqu’à ces présentes années, largement méconnue, néanmoins ses travaux, ses ambitions comme son action multiforme l’élèvent bien au-dessus du statut d’un simple relais historique : ni combat politique ou économique d’arrière-garde, ni étape de transition dans l’histoire des idées, elle se retrouve aujourd’hui aux fondements théoriques de la plupart des sciences humaines, notamment en économie politique et dans les sciences cognitives. Elle apparaît aussi comme la principale inspiratrice du républicanisme contemporain qui ménage à la fois le rôle de l’État et le libéralisme politique et économique. Les Idéologues sont des intellectuels de premier plan. Leur ambition encyclopédique de renouveler toutes les branches du savoir table sur l’application d’une méthode, l’analyse. Elle donne l’unité à leurs entreprises diverses, également marquées par la volonté de défendre la liberté de penser et d’objecter. Il s’agit, pour ne mentionner que les chefs de file, de Cabanis pour la médecine, et la branche physiologiste de l’Idéologie, de Volney pour l’histoire, de Daunou pour l’Idéologie politique, de Say pour l’Idéologie économique, de Destutt de Tracy pour l’Idéologie rationnelle ou philosophie. C’est ce dernier qui, en 1796, dans une série de Mémoires sur la faculté de penser, lus à l’Institut national, la nouvelle institution révolutionnaire, créée sous l’impulsion des Idéologues avec la loi Daunou, propose le mot d’idéologie pour remplacer la vieille métaphysique et la vieille psychologie et déterminer les voies où doit s’engager la nouvelle philosophie ou « science des idées ». Un pouvoir intellectuel Le journal La Décade philosophique, littéraire et politique (1794-1807) dont la plupart des rédacteurs et des collaborateurs étaient gagnés à l’Idéologie ou à ses perspectives, a constitué un des foyers principaux de la diffusion des idées et de l’action du mouvement. Fondée le 10 floréal an II (29 avril 1794), en pleine Terreur, le journal paraîtra sans interruption jusqu’en 1807, au moment de sa disparition sous l’Empire, ordonnée par Bonaparte, qui, par l’entremise de Fouché, organise sa fusion à son vieil ennemi, Le Mercure, le journal de Chateaubriand. Plus que tout autre journal savant de l’époque, La Décade a contribué à établir pour la première fois le « pouvoir intellectuel » de la presse à côté des autres pouvoirs traditionnels. La Décade se distingue des autres revues similaires, d’abord en raison de la durée et du volume de sa publication. La collection complète comprend 54 volumes reliés par trimestre. À son tour, chaque trimestre réunit neuf numéros par volume, de 64 pages inoctavo, paraissant tous les dix jours, ou décade. La revue est remarquable aussi par l’ampleur de sa diffusion en province qu’atteste le nombre de ses abonnés (plus de 650 lecteurs qui font d’elle à cet égard le second périodique en France) ; ensuite, par des liens étendus avec les sociétés savantes et littéraires de la France et de l’étranger comme par la rigueur et la qualité de ses rubriques scientifiques. Elle se transforme progressivement, comme le rêvaient ses rédacteurs, en cheville ouvrière d’une « société philosophique mondiale » ou d’une « internationale des Lumières ». Enfin, l’indépendance d’esprit comme le talent des collaborateurs, chacun d’eux spécialiste reconnu dans son domaine, lui assure sa place unique comme revue scientifique. 2 Agent de liaison entre la capitale, les réseaux intellectuels et les sociétés savantes de la Province et de l’étranger, popularisant, comme disent ses rédacteurs, les progrès et les applications des sciences (philosophie comprise), des arts et des techniques auprès de son audience d’abonnés, composée autant de membres de professions libérales que d’« honnêtes hommes » ou des gens de métier, on peut voir dans cette revue davantage encore : l’accomplissement d’un modèle, celui-là même qui présidait à l’établissement de ces nouvelles institutions républicaines créées sous le Directoire par le groupe des Idéologues. L’analyse des rubriques tout au long des treize années qu’a duré La Décade montre comment s’est formé ainsi un type particulier d’un nouveau discours sur le social qui fait se rejoindre économie et mœurs au moyen d’une requalification de l’intérêt et de l’utilité publique, annonçant dans ses prémisses le développement du libéralisme économique et politique classique. Cherchant à établir des liens entre éduquer et instruire, mœurs et économie, sujet moral et agent économique sous la cause générale qui les confond, unîment, de la vertu républicaine, de l’esprit public, du progrès et de l’amour des lois, les rédacteurs ont tendu essentiellement à articuler le passage du sujet au citoyen imbu de liberté qu’est en même temps l’homo œconomicus du premier XIXe siècle. Un citoyen attaché à devenir, selon les termes révélateurs d’un collaborateur tardif (Bernard de Mangourit) de La Décade, « actionnaire dans la grande entreprise sociale ». La Décade philosophique prise comme système et comme institution républicaine, en même temps que miroir actif des représentations de l’époque, aura effectivement contribué à accélérer les mutations politiques, économiques et institutionnelles de la France du XIXe siècle. La Décade philosophique comme système L’anthologie raisonnée que nous présentons ici veut précisément permettre de situer les uns par rapport aux autres ces liens qu’entreprend de construire, au fil de son discours, La Décade, fidèle jusqu’au moment final de sa disparition à la devise mise en exergue de ses premiers volumes. Et quand viendra le temps de l’apaisement politique, l’épigraphe tirée d’un vers d’Horace, utile dulci, la remplacera, réunissant ainsi savoirs et mœurs sous la bannière de l’utilité publique. L’organisation des textes que nous avons retenu comme les plus révélateurs à la fois des positions doctrinales de cette revue militante, des combats qu’elle a menés, des innovations et des espoirs qu’elle entretenait, est sous-tendue par une lecture philosophique de ses objectifs et la volonté de restituer la cohérence de la théorie qui en anime les lignes de force, l’Idéologie, et qui en insuffle toutes les rubriques. Nous avons voulu rendre manifeste, en la recomposant comme un système, les stratégies par lesquelles cette institution vivante, a apporté victorieusement son concours au balisage culturel et symbolique d’un nouvel espace social en train de se créer. Nous avons voulu aussi montrer sous ses diverses facettes « l’esprit de La Décade », ce qui supposait la mise en évidence de sa spécificité en tant que journal. Mixte d’articles de politique, de comptes rendus littéraires et artistiques, de mémoires de savants, de spécialistes, d’analyses scientifiques pluridisciplinaires, les hommes de La Décade réussissent pourtant à faire de chaque numéro, un tout original, riche et équilibré, à l’unité souple et vivante et non une juxtaposition d’articles. Aussi avons-nous été attentifs à cette composition particulière, systémiste avant la lettre, qui renvoie au dessein général de la constitution idéologiste des sciences humaines ; et, en même temps, à l’ordre des rubriques dans La Décade qui reproduit volontairement l’ordre unitaire des classes de l’Institut. Nous avons voulu souligner les effets politiques et culturels, 3 voire idéologiques, de cet organe du « parti des Lumières » dans ses rapports avec le milieu des Idéologues, et, plus largement, avec tous ces milieux intellectuels, artistiques, techniques que fréquentent ses collaborateurs et qu’alimente substantiellement et régulièrement la philosophie pratique de la revue. Nous avons notamment insisté sur les modes de son soutien aux valeurs qui viennent surplomber le nouvel horizon épistémique : liberté, respect de la propriété privée, « comfort » (néologisme introduit par Say qui exhortait ses compatriotes à posséder tout ce qu’il exprime), bienfaisance, intérêt, progrès des lumières, utilité publique. Aussi bien, nous avons mis en lumière les batailles que livre La Décade pour assurer la prépondérance des sciences et de la philosophie sur les idées religieuses. Cette prépondérance devant se fortifier, comme le plaident les rédacteurs, de la constitution d’un art républicain, véhicule concret de l’esprit public, et s’accompagner d’une lutte politique de tous les instants pour le maintien des institutions par lesquelles les valeurs morales se matérialisent et contribuent aux changements sociaux. Par-delà son indéniable intérêt historique et théorique, La Décade philosophique constitue ainsi une lecture politique indispensable si l’on veut comprendre comment et pourquoi se construit alors, avec le concours de ses rédacteurs et de leurs amis Idéologistes, une étape décisive pour l’avenir de l’idée républicaine en France, au premier chef, certes, mais aussi dans le monde. Bien que La Décade méritât, à plusieurs titres, une réédition complète, nous devions, en raison surtout de l’abondance matérielle des matières, limiter notre choix aux textes que nous avons jugés les plus susceptibles de témoigner de la contribution des Idéologues et des hommes de La Décade à l’évolution des conceptions économiques, politiques et philosophiques orientant les sociétés démocratiques. Afin de bien mettre en évidence à la fois les étapes-clés de cette contribution et l’envergure de ses luttes novatrices, nous avons choisi de combiner l’ordre synchronique, découpant par catégories autant des foyers conceptuels et institutionnels intemporels de son discours et de ses représentations, à l’ordre diachronique qui suit la dynamique du projet des Idéologues et son rapport avec les événements politiques et culturels du calendrier. Nous avons choisi de mettre en valeur les aspects ressortissant, en premier lieu, au travail polémique et politique de La Décade relativement à l’instruction publique. Elle voit, en effet, dans sa généralisation la réponse au dilemme de l’égalité et de la liberté. Nous avons retenu, en second lieu, ce qui concerne l’état et les progrès des sciences humaines et sociales, politique, économie, histoire, morale, philosophie, physiologie et médecine, en somme les diverses branches de l’Idéologie « qui se donne à la fois comme la seule forme rationnelle et scientifique que la philosophie puisse revêtir et unique fondement philosophique qui puisse être proposé aux sciences en général et à chaque domaine singulier de la connaissance » (Michel Foucault dans Les Mots et les choses, p. 253). Nous avons cru bon d’ajouter à l’ensemble des « sciences philosophiques » les textes qui discutent des auteurs et des référents des Lumières (Voltaire, Rousseau, Helvétius, Diderot, Condillac, Condorcet, principalement) dont se réclament les Idéologues et les amis de La Décade. Nous y avons joint ceux des contemporains, français et étrangers (anglais, américains, allemands, italiens, surtout) qui faisaient partie de l’horizon philosophique et littéraire d’alors, et de La Décade, en particulier. Enfin, nous avons ménagé dans nos deux derniers tomes une place spéciale à la construction du concept central d’esprit public tel qu’il traverse la publication dans son ensemble et tel qu’il s’exprime concrètement dans les spectacles et les fêtes se tenant à l’époque selon les comptes rendus dans La Décade de ces manifestations et les considérations générales qui les encadrent. 4 Un dernier mot sur les sources matérielles de cette anthologie raisonnée : nous avons retranscrit les originaux d’après les microfilms détenus par l’Université du Québec à Montréal de la collection de La Décade qui se trouve à la Bibliothèque Nationale. Les passages illisibles ou défectueux ont été corrigés par la consultation d’autres collections complètes, malheureusement assez rares, plus ou moins défectueuses, elles aussi, mais fortuitement pas aux mêmes pages, de l’Arsenal et de la Bibliothèque d’Avignon. Nous avons également corrigé les coquilles inévitables ainsi que modernisé la ponctuation, dans la mesure du possible. Enfin, nous avons eu recours à un artifice typographique : un cul-de-lampe différent pour chacun des quatre trimestres réunissant par année les livraisons de la revue, pour permettre de les différencier d’un simple coup d’œil. Utile dulci Notre édition regroupe ainsi sous neuf tomes (les deux derniers coordonnés par un historien spécialisé dans le théâtre révolutionnaire, Martin Nadeau, actuellement en séjour de recherche au MIT, à Boston) les articles de La Décade philosophique, littéraire et politique qui sont révélateurs, le plus significativement possible selon nous, des problèmes posés par la pensée politique, économique et philosophique des Idéologues. Nous donnons, immédiatement après le titre de l’article retenu dans notre anthologie, la référence comme suit : le volume (mois correspondants et année), le numéro et la date pour les volumes VIII et IX, le titre de la section (ou rubrique), le trimestre, les pages originales de La Décade. Chacun des tomes de notre édition est accompagné d’une liste des correspondances entre calendrier révolutionnaire et calendrier grégorien ainsi que d’un tableau-synthèse : il s’agit d’une mise en contexte des événements historiques et culturels (ces derniers différenciés par de plus petits caractères) encadrant les articles principaux de La Décade que reproduit notre anthologie et dont nous mentionnons derechef les titres dans le tableau. On trouvera également des notes explicatives et biographiques, une table analytique des matières des articles contenus dans chaque tome et enfin l’index des noms propres regroupant les contemporains ou les figures historiques tels qu’ils apparaissent dans le journal, le plus souvent sans prénom. Une introduction assez étendue analyse, pour sa part, tout en s’appuyant sur les textes retenus pour chaque ensemble constitutif de notre anthologie, les différents enjeux conceptuels et idéologiques des contributions de La Décade sous le Directoire, le Consulat et les débuts de l’Empire. Si le journal change alors de nom, il garde, énergique, son esprit militant et persiste dans sa volonté de montrer les progrès sociaux et culturels de la nation sous l’égide des sciences et de la philosophie. On aperçoit l’utilité de notre anthologie. Elle repose d’abord sur l’intérêt scientifique intrinsèque tiré de l’importance elle-même de La Décade tant du point de vue historique, littéraire et philosophique que du rôle décisif politique, social et culturel qu’elle a joué, sans compter son exceptionnel rayonnement. Ce journal est bien le journal-clé de cette période fertile en événements historiques décisifs mais trop peu travaillée encore qui va du 9 Thermidor aux débuts de l’Empire. Mais il est aussi important que la communauté des chercheurs dispose avec notre anthologie, ses index et ses tables analytiques, d’une édition critique, aisément manipulable, de textes relativement introuvables et malaisés à consulter comme aussi d’une base textuelle complète et sûre, plate-forme indispensable de la recherche pour plusieurs disciplines. Nous croyons enfin en choisissant de faire une anthologie raisonnée, et en nous mettant ainsi délibérément dans le sillage de Panckoucke et de son édition de l’immortel Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, assumer un rôle modeste mais utile de relais ; en même temps nous demeurons fidèles à l’esprit des Auteurs-fondateurs de 5 La Décade philosophique, littéraire et politique, en faisant revivre un peu de l’élan d’un mouvement intellectuel largement anticipateur. Cette revue encyclopédique et cosmopolite, critique, libre et courageuse, aura su, tout au long de son existence, articuler sans dogmatisme aucun les sciences, les lettres et les arts aux besoins et aux pratiques de la République. Acharnée à participer activement à la formation de l’homme nouveau et du citoyen regénéré, en dépit des pressions politiques, Terreur et Bonapartisme, qui ont marqué également ses débuts et ses dernières années, La Décade philosophique aura caractérisé la modernité comme la fécondité de l’Idéologie : unir la science des idées et la politique, terminer la Révolution, en un mot penser et fonder philosophiquement l’ordre social Elle aura en tous cas aidé ses lecteurs à dégager la leçon politique durable du projet idéologiste : l’avenir comme le sens des innovations, que celles-ci soient scientifiques, politiques ou culturelles, reposent inconditionnellement sur la force et le maintien des institutions qui les portent et où elles s’actualisent. SOMMAIRES L’Encyclopédie vivante, Tomes I et II, 448 p. et 370 p. L’Encyclopédie vivante, du nom que se donnait le cercle des Idéologues de la première heure, comprend les tomes I et II. On retrouvera dans le PREMIER TOME les deux Prospectus, documents peu courants. Le premier annonce le programme du journal et sa vocation encyclopédique ; le second, en 1800, fait le point après six ans d’activité. Nous y avons ajouté, outre les diverses affiches publicitaires, un choix de lettres d’abonnés, révélatrices à leur manière vivante des luttes livrées par la revue pour le maintien des Institutions culturelles républicaines ou encore des débats d’ordre théorique dont elle faisait état, et peut-être davantage. On notera parmi ces lettres des signatures aussi considérables que celles de Cabanis, Destutt de Tracy ou Jefferson. Une notice biographique des rédacteurs-fondateurs et des principaux collaborateurs, avec l’identification des initiales qui formaient leur signature, complète le premier tome de notre édition. Le TOME II est fait de la reproduction intégrale des tables analytiques des matières établies par La Décade à la fin de chaque trimestre, un astérisque signalant les articles repris dans notre anthologie. L’espèce de vue cavalière offerte par ce regroupement permet au chercheur de se rendre compte d’un seul coup d’œil des matières couvertes par ce journal-clé au cours d’une période fertile en événements historiques décisifs, de situer les lieux de débats et de polémiques, et de confronter les orientations annoncées de l’entreprise avec leurs modes de réalisation. INSTRUCTION PUBLIQUE ET INSTITUTIONS RÉVOLUTIONNAIRES, Tomes III et IV, 600 p. et 668 p. Les Tomes III et IV regroupent les articles consacrés à l’établissement des grandes écoles et au développement de l’instruction publique. La dimension pédagogique se double inséparablement de la dimension scientifique et politique que matérialisent les institutions culturelles révolutionnaires destinées à opérer la jonction dans la pratique entre les sciences, les mœurs et la politique. Le TOME III (1794-1799) couvre la période qui va de la promulgation de la loi organique Daunou à l’acmé de l’Institut national, dont les activités sont rapportées en détail. On y retrouvera notamment les célèbres analyses de Ginguené des plans successifs du Comité d’instruction publique, les réflexions sur les cours de l’École normale de l’an III, puis sur l’enseignement dans les écoles centrales ou encore à l’école Polytechnique. La Décade se penche, régulièrement, sur la réorganisation du Collège de France, du Muséum ou du Conservatoire des Arts et Métiers, commente d’importants discours, lus à l’Institut, en prise avec l’actualité morale et politique. C’est aussi le moment de la fabuleuse expédition d’Égypte et la revue se fait l’écho animé des premiers travaux de l’Institut national égyptien, tout nouvellement créé. Le TOME IV (1799-1807) couvre la période plus difficile où La Décade, jusqu’à l’occultation finale décidée par Bonaparte, tient un rôle plus défensif mais en conservant toute sa pugnacité. La revue se jette dans la bataille des Écoles centrales et, à cette occasion, publie de nombreux articles de professeurs de ces écoles, 6 l’émouvante plaidoirie de Marie-Joseph Chénier dans son Discours sur les progrès des connaissances en Europe et de l’enseignement public en France ou encore les Observations de Destutt de Tracy sur le système actuel de l’instruction publique que commente Garat. C’est aussi le moment de la réorganisation punitive de l’Institut avec la dispersion de la seconde classe et les discussions sur le Dictionnaire de l’Académie. Malgré les heures sombres, La Décade publie une sélection opportune des mémoires couronnés par l’Institut et les analyse à la lumière de l’actualité politique tout autant que scientifique. On retrouvera ainsi notamment le mémoire sur l’institution du jury en France ou encore l’éloge (à double sens) du grammairien Dumarsais par DeGérando. SCIENCES PHILOSOPHIQUES, MORALES ET POLITIQUES, Tomes V (1794-1798), VI (1798-1802) et VII (1802-1807), 668 p., 590 p. et 686 p. Les TOMES V, VI et VII redéploient, sous ses différentes facettes, la pensée des Idéologues telle que l’illustre et en rend compte La Décade. La sélection des textes est ordonnée aux problématiques privilégiées par l’idéologie rationnelle, l’idéologie physiologiste et l’idéologie économico-politique. Nous avons ajouté à cet ensemble les textes qui discutent des grands auteurs des Lumières dont se réclament les Idéologues et les amis de La Décade. Nous y avons joint ceux des contemporains, français et étrangers (anglais, américains, allemands, italiens, surtout) qui faisaient partie de l’horizon philosophique et littéraire d’alors. On peut suivre dans ces trois tomes interdépendants, au fil des contributions, le progrès des travaux contemporains en mathématiques, physique, chimie, histoire naturelle, agriculture et philosophie. À son tour, la philosophie intègre les sciences morales et politiques en y incluant l’Histoire et surtout la « nouvelle science », l’économie politique, en plein essor. L’unité des textes que regroupe cet ensemble se trouve alors dans la perspective morale et rationnelle les gouvernant ; par conséquent dans une philosophie pratique orientée vers l’amélioration de la condition humaine et qui se soutient d’une méthode omniprésente : l’analyse, reprise de Condillac, mais revue et « perfectionnée » par les Idéologues. SPECTACLES, Tome VIII, 384 p. La « fureur des théâtres » dont rend compte La Décade, offre d’abord au pied de la lettre des représentations vivantes de cette époque de la Révolution. Le journal est aussi le cadre d’un important débat théorique sur le rôle moral et social de cette pratique. Amaury Duval, selon lequel il s’agit d’une école du peuple, s’oppose à Jean-Baptiste Say dénonçant la perte de temps et de bras que l’engouement pour le théâtre suscite dans toutes les classes de la société. Ce TOME VIII retient les comptes rendus de spectacles, c’est-à-dire des pièces jouées, et aussi ceux d’autres pratiques culturelles pouvant s’y rattacher, en fonction principalement des renseignements qu’ils recèlent à l’égard des conditions de représentation. On trouvera également des considérations sur les velléités plus ou moins heureuses de révolutionner Molière et Racine, selon les impératifs du contexte politique, sur les vicissitudes des pièces de circonstance, comme aussi sur la musique, les décors, les costumes et le jeu des comédiens. En outre, les réactions du public sont consignées par les rédacteurs. La scène, la pratique théâtrale et son public, s’avèrent alors comme une véritable tribune de débat politique. ESPRIT PUBLIC, tome IX, 252 p. Le concept d’esprit public dans La Décade, comme dans le discours révolutionnaire en général, est un élément de l’écheveau que constitue la notion de public au XVIIIe siècle. S’appuyant sur une définition (La Décade du 19 avril 1797) qui fait correspondre l’esprit public à un avatar de la virtù machiavélienne, soit la prédominance de l’intérêt général sur l’intérêt particulier, ce TOME IX met en relief ce que les historiens ont depuis appelé « le paradigme du républicanisme classique ». On retrouvera, à cet égard, des comptes rendus portant sur des traductions et des rééditions des ouvrages de Machiavel, Thomas Gordon, Edward Gibbon, John Milton et Algernon Sidney. Des analyses de textes de sympathisants ou collaborateurs de La Décade, Charles Théremin, Dieudonné Thiébault, Emmanuel Toulongeon (tous les numéros de son journal L’Esprit public, de 1797, sont reproduits intégralement en annexe du tome), expriment également la persistance et le développement en France de ce paradigme au cours de la période considérée. Josiane BOULAD-AYOUB Les PRESSES UNIVERSITAIRES DE RENNES annonce la parution de LA DÉCADE PHILOSOPHIQUE COMME SYSTÈME (1794-1807) en 9 volumes (ISBN 2-86847-893-X), totalisant plus de 5000 pages : L’Encyclopédie vivante (Tome I et II), Instruction publique et Institutions révolutionnaires (Tome III et IV), Sciences philosophiques, morales et politiques (Tomes V, VI et VII), Spectacles (Tome VIII) et Esprit Public (tome IX). Portant haut le flambeau des Lumières et de la Révolution, les textes retenus dans cette anthologie raisonnée du militant journal La Décade philosophique, littéraire et politique (1794-1807) témoignent de la contribution multiforme des Idéologues à la constitution des sciences humaines ainsi qu’aux fondements du libéralisme démocratique contemporain et de ses institutions sociales. Instruments commodes de référence, combinant à l’ordre diachronique, l’ordre synchronique et catégoriel, chacun des tomes (Josiane Boulad-Ayoub, de la Société Royale du Canada, éd. gén. et M. Nadeau, éd. pour les Tomes VIII et IX) s’accompagne d’analyses introductives substantielles à chacun des ensembles multidisciplinaires des textes retenus, de notes critiques ainsi que de tableaux chronologiques et contextuels. Cet ouvrage rend accessible à un large éventail de chercheurs dans le domaine des sciences humaines, de la philosophie, ou encore de l’éducation, toute la richesse novatrice de La Décade philosophique, littéraire et politique. L’ensemble des 9 tomes se vendra par souscription. Les personnes et les institutions intéressées à recevoir le bulletin de souscription, sont priées d’envoyer leur adresse e-mail à M. Jérôme Besin des PUR (e-mail : [email protected])