LA DÉCADE PHILOSOPHIQUE COMME SYSTÈME (1794

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LA DÉCADE PHILOSOPHIQUE COMME SYSTÈME (1794
LA DÉCADE PHILOSOPHIQUE COMME SYSTÈME (1794-1807)
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PRÉSENTATION DE L’ÉDITION
Une « véritable science de la liberté »
Si, en raison des circonstances, et de l’épaisseur des connotations ... idéologiques, au
sens courant du terme, qui l’ont entourée, l’Idéologie a été, jusqu’à ces présentes années,
largement méconnue, néanmoins ses travaux, ses ambitions comme son action multiforme
l’élèvent bien au-dessus du statut d’un simple relais historique : ni combat politique ou
économique d’arrière-garde, ni étape de transition dans l’histoire des idées, elle se retrouve
aujourd’hui aux fondements théoriques de la plupart des sciences humaines, notamment en
économie politique et dans les sciences cognitives. Elle apparaît aussi comme la principale
inspiratrice du républicanisme contemporain qui ménage à la fois le rôle de l’État et le
libéralisme politique et économique.
Les Idéologues sont des intellectuels de premier plan. Leur ambition encyclopédique
de renouveler toutes les branches du savoir table sur l’application d’une méthode, l’analyse.
Elle donne l’unité à leurs entreprises diverses, également marquées par la volonté de défendre
la liberté de penser et d’objecter. Il s’agit, pour ne mentionner que les chefs de file, de Cabanis
pour la médecine, et la branche physiologiste de l’Idéologie, de Volney pour l’histoire, de
Daunou pour l’Idéologie politique, de Say pour l’Idéologie économique, de Destutt de Tracy
pour l’Idéologie rationnelle ou philosophie. C’est ce dernier qui, en 1796, dans une série de
Mémoires sur la faculté de penser, lus à l’Institut national, la nouvelle institution
révolutionnaire, créée sous l’impulsion des Idéologues avec la loi Daunou, propose le mot
d’idéologie pour remplacer la vieille métaphysique et la vieille psychologie et déterminer les
voies où doit s’engager la nouvelle philosophie ou « science des idées ».
Un pouvoir intellectuel
Le journal La Décade philosophique, littéraire et politique (1794-1807) dont la plupart
des rédacteurs et des collaborateurs étaient gagnés à l’Idéologie ou à ses perspectives, a
constitué un des foyers principaux de la diffusion des idées et de l’action du mouvement.
Fondée le 10 floréal an II (29 avril 1794), en pleine Terreur, le journal paraîtra sans
interruption jusqu’en 1807, au moment de sa disparition sous l’Empire, ordonnée par
Bonaparte, qui, par l’entremise de Fouché, organise sa fusion à son vieil ennemi, Le Mercure,
le journal de Chateaubriand. Plus que tout autre journal savant de l’époque, La Décade a
contribué à établir pour la première fois le « pouvoir intellectuel » de la presse à côté des
autres pouvoirs traditionnels.
La Décade se distingue des autres revues similaires, d’abord en raison de la durée et
du volume de sa publication. La collection complète comprend 54 volumes reliés par
trimestre. À son tour, chaque trimestre réunit neuf numéros par volume, de 64 pages inoctavo, paraissant tous les dix jours, ou décade.
La revue est remarquable aussi par l’ampleur de sa diffusion en province qu’atteste le
nombre de ses abonnés (plus de 650 lecteurs qui font d’elle à cet égard le second périodique
en France) ; ensuite, par des liens étendus avec les sociétés savantes et littéraires de la France
et de l’étranger comme par la rigueur et la qualité de ses rubriques scientifiques. Elle se
transforme progressivement, comme le rêvaient ses rédacteurs, en cheville ouvrière d’une
« société philosophique mondiale » ou d’une « internationale des Lumières ». Enfin,
l’indépendance d’esprit comme le talent des collaborateurs, chacun d’eux spécialiste reconnu
dans son domaine, lui assure sa place unique comme revue scientifique.
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Agent de liaison entre la capitale, les réseaux intellectuels et les sociétés savantes de la
Province et de l’étranger, popularisant, comme disent ses rédacteurs, les progrès et les
applications des sciences (philosophie comprise), des arts et des techniques auprès de son
audience d’abonnés, composée autant de membres de professions libérales que d’« honnêtes
hommes » ou des gens de métier, on peut voir dans cette revue davantage encore :
l’accomplissement d’un modèle, celui-là même qui présidait à l’établissement de ces
nouvelles institutions républicaines créées sous le Directoire par le groupe des Idéologues.
L’analyse des rubriques tout au long des treize années qu’a duré La Décade montre
comment s’est formé ainsi un type particulier d’un nouveau discours sur le social qui fait se
rejoindre économie et mœurs au moyen d’une requalification de l’intérêt et de l’utilité
publique, annonçant dans ses prémisses le développement du libéralisme économique et
politique classique. Cherchant à établir des liens entre éduquer et instruire, mœurs et
économie, sujet moral et agent économique sous la cause générale qui les confond, unîment,
de la vertu républicaine, de l’esprit public, du progrès et de l’amour des lois, les rédacteurs ont
tendu essentiellement à articuler le passage du sujet au citoyen imbu de liberté qu’est en
même temps l’homo œconomicus du premier XIXe siècle. Un citoyen attaché à devenir, selon
les termes révélateurs d’un collaborateur tardif (Bernard de Mangourit) de La Décade,
« actionnaire dans la grande entreprise sociale ».
La Décade philosophique prise comme système et comme institution républicaine, en
même temps que miroir actif des représentations de l’époque, aura effectivement contribué à
accélérer les mutations politiques, économiques et institutionnelles de la France du XIXe
siècle.
La Décade philosophique comme système
L’anthologie raisonnée que nous présentons ici veut précisément permettre de situer
les uns par rapport aux autres ces liens qu’entreprend de construire, au fil de son discours, La
Décade, fidèle jusqu’au moment final de sa disparition à la devise mise en exergue de ses
premiers volumes. Et quand viendra le temps de l’apaisement politique, l’épigraphe tirée d’un
vers d’Horace, utile dulci, la remplacera, réunissant ainsi savoirs et mœurs sous la bannière de
l’utilité publique.
L’organisation des textes que nous avons retenu comme les plus révélateurs à la fois
des positions doctrinales de cette revue militante, des combats qu’elle a menés, des
innovations et des espoirs qu’elle entretenait, est sous-tendue par une lecture philosophique de
ses objectifs et la volonté de restituer la cohérence de la théorie qui en anime les lignes de
force, l’Idéologie, et qui en insuffle toutes les rubriques. Nous avons voulu rendre manifeste,
en la recomposant comme un système, les stratégies par lesquelles cette institution vivante, a
apporté victorieusement son concours au balisage culturel et symbolique d’un nouvel espace
social en train de se créer.
Nous avons voulu aussi montrer sous ses diverses facettes « l’esprit de La Décade »,
ce qui supposait la mise en évidence de sa spécificité en tant que journal. Mixte d’articles de
politique, de comptes rendus littéraires et artistiques, de mémoires de savants, de spécialistes,
d’analyses scientifiques pluridisciplinaires, les hommes de La Décade réussissent pourtant à
faire de chaque numéro, un tout original, riche et équilibré, à l’unité souple et vivante et non
une juxtaposition d’articles.
Aussi avons-nous été attentifs à cette composition particulière, systémiste avant la
lettre, qui renvoie au dessein général de la constitution idéologiste des sciences humaines ; et,
en même temps, à l’ordre des rubriques dans La Décade qui reproduit volontairement l’ordre
unitaire des classes de l’Institut. Nous avons voulu souligner les effets politiques et culturels,
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voire idéologiques, de cet organe du « parti des Lumières » dans ses rapports avec le milieu
des Idéologues, et, plus largement, avec tous ces milieux intellectuels, artistiques, techniques
que fréquentent ses collaborateurs et qu’alimente substantiellement et régulièrement la
philosophie pratique de la revue.
Nous avons notamment insisté sur les modes de son soutien aux valeurs qui viennent
surplomber le nouvel horizon épistémique : liberté, respect de la propriété privée, « comfort »
(néologisme introduit par Say qui exhortait ses compatriotes à posséder tout ce qu’il exprime),
bienfaisance, intérêt, progrès des lumières, utilité publique. Aussi bien, nous avons mis en
lumière les batailles que livre La Décade pour assurer la prépondérance des sciences et de la
philosophie sur les idées religieuses. Cette prépondérance devant se fortifier, comme le
plaident les rédacteurs, de la constitution d’un art républicain, véhicule concret de l’esprit
public, et s’accompagner d’une lutte politique de tous les instants pour le maintien des
institutions par lesquelles les valeurs morales se matérialisent et contribuent aux changements
sociaux.
Par-delà son indéniable intérêt historique et théorique, La Décade philosophique
constitue ainsi une lecture politique indispensable si l’on veut comprendre comment et
pourquoi se construit alors, avec le concours de ses rédacteurs et de leurs amis Idéologistes,
une étape décisive pour l’avenir de l’idée républicaine en France, au premier chef, certes,
mais aussi dans le monde.
Bien que La Décade méritât, à plusieurs titres, une réédition complète, nous devions,
en raison surtout de l’abondance matérielle des matières, limiter notre choix aux textes que
nous avons jugés les plus susceptibles de témoigner de la contribution des Idéologues et des
hommes de La Décade à l’évolution des conceptions économiques, politiques et
philosophiques orientant les sociétés démocratiques. Afin de bien mettre en évidence à la fois
les étapes-clés de cette contribution et l’envergure de ses luttes novatrices, nous avons choisi
de combiner l’ordre synchronique, découpant par catégories autant des foyers conceptuels et
institutionnels intemporels de son discours et de ses représentations, à l’ordre diachronique
qui suit la dynamique du projet des Idéologues et son rapport avec les événements politiques
et culturels du calendrier.
Nous avons choisi de mettre en valeur les aspects ressortissant, en premier lieu, au
travail polémique et politique de La Décade relativement à l’instruction publique. Elle voit, en
effet, dans sa généralisation la réponse au dilemme de l’égalité et de la liberté. Nous avons
retenu, en second lieu, ce qui concerne l’état et les progrès des sciences humaines et sociales,
politique, économie, histoire, morale, philosophie, physiologie et médecine, en somme les
diverses branches de l’Idéologie « qui se donne à la fois comme la seule forme rationnelle et
scientifique que la philosophie puisse revêtir et unique fondement philosophique qui puisse
être proposé aux sciences en général et à chaque domaine singulier de la connaissance »
(Michel Foucault dans Les Mots et les choses, p. 253).
Nous avons cru bon d’ajouter à l’ensemble des « sciences philosophiques » les textes
qui discutent des auteurs et des référents des Lumières (Voltaire, Rousseau, Helvétius,
Diderot, Condillac, Condorcet, principalement) dont se réclament les Idéologues et les amis
de La Décade. Nous y avons joint ceux des contemporains, français et étrangers (anglais,
américains, allemands, italiens, surtout) qui faisaient partie de l’horizon philosophique et
littéraire d’alors, et de La Décade, en particulier.
Enfin, nous avons ménagé dans nos deux derniers tomes une place spéciale à la
construction du concept central d’esprit public tel qu’il traverse la publication dans son
ensemble et tel qu’il s’exprime concrètement dans les spectacles et les fêtes se tenant à
l’époque selon les comptes rendus dans La Décade de ces manifestations et les considérations
générales qui les encadrent.
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Un dernier mot sur les sources matérielles de cette anthologie raisonnée : nous avons
retranscrit les originaux d’après les microfilms détenus par l’Université du Québec à Montréal
de la collection de La Décade qui se trouve à la Bibliothèque Nationale. Les passages
illisibles ou défectueux ont été corrigés par la consultation d’autres collections complètes,
malheureusement assez rares, plus ou moins défectueuses, elles aussi, mais fortuitement pas
aux mêmes pages, de l’Arsenal et de la Bibliothèque d’Avignon. Nous avons également
corrigé les coquilles inévitables ainsi que modernisé la ponctuation, dans la mesure du
possible. Enfin, nous avons eu recours à un artifice typographique : un cul-de-lampe différent
pour chacun des quatre trimestres réunissant par année les livraisons de la revue, pour
permettre de les différencier d’un simple coup d’œil.
Utile dulci
Notre édition regroupe ainsi sous neuf tomes (les deux derniers coordonnés par un
historien spécialisé dans le théâtre révolutionnaire, Martin Nadeau, actuellement en séjour de
recherche au MIT, à Boston) les articles de La Décade philosophique, littéraire et politique
qui sont révélateurs, le plus significativement possible selon nous, des problèmes posés par la
pensée politique, économique et philosophique des Idéologues. Nous donnons,
immédiatement après le titre de l’article retenu dans notre anthologie, la référence comme
suit : le volume (mois correspondants et année), le numéro et la date pour les volumes VIII et
IX, le titre de la section (ou rubrique), le trimestre, les pages originales de La Décade.
Chacun des tomes de notre édition est accompagné d’une liste des correspondances
entre calendrier révolutionnaire et calendrier grégorien ainsi que d’un tableau-synthèse : il
s’agit d’une mise en contexte des événements historiques et culturels (ces derniers
différenciés par de plus petits caractères) encadrant les articles principaux de La Décade que
reproduit notre anthologie et dont nous mentionnons derechef les titres dans le tableau. On
trouvera également des notes explicatives et biographiques, une table analytique des matières
des articles contenus dans chaque tome et enfin l’index des noms propres regroupant les
contemporains ou les figures historiques tels qu’ils apparaissent dans le journal, le plus
souvent sans prénom.
Une introduction assez étendue analyse, pour sa part, tout en s’appuyant sur les textes
retenus pour chaque ensemble constitutif de notre anthologie, les différents enjeux
conceptuels et idéologiques des contributions de La Décade sous le Directoire, le Consulat et
les débuts de l’Empire. Si le journal change alors de nom, il garde, énergique, son esprit
militant et persiste dans sa volonté de montrer les progrès sociaux et culturels de la nation
sous l’égide des sciences et de la philosophie.
On aperçoit l’utilité de notre anthologie. Elle repose d’abord sur l’intérêt scientifique
intrinsèque tiré de l’importance elle-même de La Décade tant du point de vue historique,
littéraire et philosophique que du rôle décisif politique, social et culturel qu’elle a joué, sans
compter son exceptionnel rayonnement. Ce journal est bien le journal-clé de cette période
fertile en événements historiques décisifs mais trop peu travaillée encore qui va du 9
Thermidor aux débuts de l’Empire. Mais il est aussi important que la communauté des
chercheurs dispose avec notre anthologie, ses index et ses tables analytiques, d’une édition
critique, aisément manipulable, de textes relativement introuvables et malaisés à consulter
comme aussi d’une base textuelle complète et sûre, plate-forme indispensable de la recherche
pour plusieurs disciplines.
Nous croyons enfin en choisissant de faire une anthologie raisonnée, et en nous
mettant ainsi délibérément dans le sillage de Panckoucke et de son édition de l’immortel
Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, assumer un rôle modeste mais
utile de relais ; en même temps nous demeurons fidèles à l’esprit des Auteurs-fondateurs de
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La Décade philosophique, littéraire et politique, en faisant revivre un peu de l’élan d’un
mouvement intellectuel largement anticipateur.
Cette revue encyclopédique et cosmopolite, critique, libre et courageuse, aura su, tout
au long de son existence, articuler sans dogmatisme aucun les sciences, les lettres et les arts
aux besoins et aux pratiques de la République. Acharnée à participer activement à la
formation de l’homme nouveau et du citoyen regénéré, en dépit des pressions politiques,
Terreur et Bonapartisme, qui ont marqué également ses débuts et ses dernières années, La
Décade philosophique aura caractérisé la modernité comme la fécondité de l’Idéologie : unir
la science des idées et la politique, terminer la Révolution, en un mot penser et fonder
philosophiquement l’ordre social Elle aura en tous cas aidé ses lecteurs à dégager la leçon
politique durable du projet idéologiste : l’avenir comme le sens des innovations, que celles-ci
soient scientifiques, politiques ou culturelles, reposent inconditionnellement sur la force et le
maintien des institutions qui les portent et où elles s’actualisent.
SOMMAIRES
L’Encyclopédie vivante, Tomes I et II, 448 p. et 370 p.
L’Encyclopédie vivante, du nom que se donnait le cercle des Idéologues de la première heure,
comprend les tomes I et II.
On retrouvera dans le PREMIER TOME les deux Prospectus, documents peu courants. Le premier
annonce le programme du journal et sa vocation encyclopédique ; le second, en 1800, fait le point après six ans
d’activité. Nous y avons ajouté, outre les diverses affiches publicitaires, un choix de lettres d’abonnés,
révélatrices à leur manière vivante des luttes livrées par la revue pour le maintien des Institutions culturelles
républicaines ou encore des débats d’ordre théorique dont elle faisait état, et peut-être davantage. On notera
parmi ces lettres des signatures aussi considérables que celles de Cabanis, Destutt de Tracy ou Jefferson. Une
notice biographique des rédacteurs-fondateurs et des principaux collaborateurs, avec l’identification des initiales
qui formaient leur signature, complète le premier tome de notre édition.
Le TOME II est fait de la reproduction intégrale des tables analytiques des matières établies par La
Décade à la fin de chaque trimestre, un astérisque signalant les articles repris dans notre anthologie. L’espèce de
vue cavalière offerte par ce regroupement permet au chercheur de se rendre compte d’un seul coup d’œil des
matières couvertes par ce journal-clé au cours d’une période fertile en événements historiques décisifs, de situer
les lieux de débats et de polémiques, et de confronter les orientations annoncées de l’entreprise avec leurs
modes de réalisation.
INSTRUCTION PUBLIQUE ET INSTITUTIONS RÉVOLUTIONNAIRES, Tomes III et IV, 600 p. et 668 p.
Les Tomes III et IV regroupent les articles consacrés à l’établissement des grandes écoles et au
développement de l’instruction publique. La dimension pédagogique se double inséparablement de la
dimension scientifique et politique que matérialisent les institutions culturelles révolutionnaires destinées à
opérer la jonction dans la pratique entre les sciences, les mœurs et la politique.
Le TOME III (1794-1799) couvre la période qui va de la promulgation de la loi organique Daunou à
l’acmé de l’Institut national, dont les activités sont rapportées en détail. On y retrouvera notamment les célèbres
analyses de Ginguené des plans successifs du Comité d’instruction publique, les réflexions sur les cours de
l’École normale de l’an III, puis sur l’enseignement dans les écoles centrales ou encore à l’école Polytechnique.
La Décade se penche, régulièrement, sur la réorganisation du Collège de France, du Muséum ou du
Conservatoire des Arts et Métiers, commente d’importants discours, lus à l’Institut, en prise avec l’actualité
morale et politique. C’est aussi le moment de la fabuleuse expédition d’Égypte et la revue se fait l’écho animé
des premiers travaux de l’Institut national égyptien, tout nouvellement créé.
Le TOME IV (1799-1807) couvre la période plus difficile où La Décade, jusqu’à l’occultation finale
décidée par Bonaparte, tient un rôle plus défensif mais en conservant toute sa pugnacité. La revue se jette dans
la bataille des Écoles centrales et, à cette occasion, publie de nombreux articles de professeurs de ces écoles,
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l’émouvante plaidoirie de Marie-Joseph Chénier dans son Discours sur les progrès des connaissances en
Europe et de l’enseignement public en France ou encore les Observations de Destutt de Tracy sur le système
actuel de l’instruction publique que commente Garat. C’est aussi le moment de la réorganisation punitive de
l’Institut avec la dispersion de la seconde classe et les discussions sur le Dictionnaire de l’Académie. Malgré les
heures sombres, La Décade publie une sélection opportune des mémoires couronnés par l’Institut et les analyse
à la lumière de l’actualité politique tout autant que scientifique. On retrouvera ainsi notamment le mémoire sur
l’institution du jury en France ou encore l’éloge (à double sens) du grammairien Dumarsais par DeGérando.
SCIENCES PHILOSOPHIQUES, MORALES ET POLITIQUES, Tomes V (1794-1798), VI (1798-1802) et VII
(1802-1807), 668 p., 590 p. et 686 p.
Les TOMES V, VI et VII redéploient, sous ses différentes facettes, la pensée des Idéologues telle que
l’illustre et en rend compte La Décade. La sélection des textes est ordonnée aux problématiques privilégiées par
l’idéologie rationnelle, l’idéologie physiologiste et l’idéologie économico-politique. Nous avons ajouté à cet
ensemble les textes qui discutent des grands auteurs des Lumières dont se réclament les Idéologues et les amis
de La Décade. Nous y avons joint ceux des contemporains, français et étrangers (anglais, américains,
allemands, italiens, surtout) qui faisaient partie de l’horizon philosophique et littéraire d’alors.
On peut suivre dans ces trois tomes interdépendants, au fil des contributions, le progrès des travaux
contemporains en mathématiques, physique, chimie, histoire naturelle, agriculture et philosophie. À son tour, la
philosophie intègre les sciences morales et politiques en y incluant l’Histoire et surtout la « nouvelle science »,
l’économie politique, en plein essor.
L’unité des textes que regroupe cet ensemble se trouve alors dans la perspective morale et rationnelle
les gouvernant ; par conséquent dans une philosophie pratique orientée vers l’amélioration de la condition
humaine et qui se soutient d’une méthode omniprésente : l’analyse, reprise de Condillac, mais revue et
« perfectionnée » par les Idéologues.
SPECTACLES, Tome VIII, 384 p.
La « fureur des théâtres » dont rend compte La Décade, offre d’abord au pied de la lettre des
représentations vivantes de cette époque de la Révolution. Le journal est aussi le cadre d’un important débat
théorique sur le rôle moral et social de cette pratique. Amaury Duval, selon lequel il s’agit d’une école du
peuple, s’oppose à Jean-Baptiste Say dénonçant la perte de temps et de bras que l’engouement pour le théâtre
suscite dans toutes les classes de la société.
Ce TOME VIII retient les comptes rendus de spectacles, c’est-à-dire des pièces jouées, et aussi ceux
d’autres pratiques culturelles pouvant s’y rattacher, en fonction principalement des renseignements qu’ils
recèlent à l’égard des conditions de représentation. On trouvera également des considérations sur les velléités
plus ou moins heureuses de révolutionner Molière et Racine, selon les impératifs du contexte politique, sur les
vicissitudes des pièces de circonstance, comme aussi sur la musique, les décors, les costumes et le jeu des
comédiens. En outre, les réactions du public sont consignées par les rédacteurs. La scène, la pratique théâtrale et
son public, s’avèrent alors comme une véritable tribune de débat politique.
ESPRIT PUBLIC, tome IX, 252 p.
Le concept d’esprit public dans La Décade, comme dans le discours révolutionnaire en général, est un
élément de l’écheveau que constitue la notion de public au XVIIIe siècle. S’appuyant sur une définition (La
Décade du 19 avril 1797) qui fait correspondre l’esprit public à un avatar de la virtù machiavélienne, soit la
prédominance de l’intérêt général sur l’intérêt particulier, ce TOME IX met en relief ce que les historiens ont
depuis appelé « le paradigme du républicanisme classique ». On retrouvera, à cet égard, des comptes rendus
portant sur des traductions et des rééditions des ouvrages de Machiavel, Thomas Gordon, Edward Gibbon,
John Milton et Algernon Sidney. Des analyses de textes de sympathisants ou collaborateurs de La Décade,
Charles Théremin, Dieudonné Thiébault, Emmanuel Toulongeon (tous les numéros de son journal L’Esprit
public, de 1797, sont reproduits intégralement en annexe du tome), expriment également la persistance et le
développement en France de ce paradigme au cours de la période considérée.
Josiane BOULAD-AYOUB
Les PRESSES UNIVERSITAIRES DE RENNES annonce la parution
de LA DÉCADE PHILOSOPHIQUE COMME SYSTÈME (1794-1807)
en 9 volumes (ISBN 2-86847-893-X), totalisant plus de 5000 pages :
L’Encyclopédie vivante (Tome I et II), Instruction publique et Institutions
révolutionnaires (Tome III et IV), Sciences philosophiques, morales et
politiques (Tomes V, VI et VII), Spectacles (Tome VIII) et Esprit Public
(tome IX).
Portant haut le flambeau des Lumières et de la Révolution, les textes
retenus dans cette anthologie raisonnée du militant journal La Décade
philosophique, littéraire et politique (1794-1807) témoignent de la contribution
multiforme des Idéologues à la constitution des sciences humaines ainsi
qu’aux fondements du libéralisme démocratique contemporain et de ses
institutions sociales.
Instruments commodes de référence, combinant à l’ordre
diachronique, l’ordre synchronique et catégoriel, chacun des tomes
(Josiane Boulad-Ayoub, de la Société Royale du Canada, éd. gén. et M.
Nadeau, éd. pour les Tomes VIII et IX) s’accompagne d’analyses
introductives substantielles à chacun des ensembles multidisciplinaires
des textes retenus, de notes critiques ainsi que de tableaux chronologiques
et contextuels. Cet ouvrage rend accessible à un large éventail de
chercheurs dans le domaine des sciences humaines, de la philosophie,
ou encore de l’éducation, toute la richesse novatrice de La Décade
philosophique, littéraire et politique.
L’ensemble des 9 tomes se vendra par
souscription.
Les personnes et les institutions intéressées à
recevoir le bulletin de souscription, sont priées
d’envoyer leur adresse e-mail à M. Jérôme Besin
des PUR (e-mail : [email protected])