Etat ou famille : qui doit subvenir aux besoins du jeune en difficulté ?
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Etat ou famille : qui doit subvenir aux besoins du jeune en difficulté ?
Université de Lille II – droit et santé Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales Etat ou famille : qui doit subvenir aux besoins du jeune en difficulté ? Mémoire de DEA de droit privé présenté par Anne-Sophie DUPERRAY sous la direction de Madame le professeur Dekeuwer-Défossez Année universitaire 2000/20001 Université de Lille II – droit et santé Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales Etat ou famille : qui doit subvenir aux besoins du jeune en difficulté ? Mémoire de DEA de droit privé présenté par Anne-Sophie DUPERRAY sous la direction de Madame le professeur Dekeuwer-Défossez Année universitaire 2000/20001 INTRODUCTION ......................................................................................................5 PARTIE 1 - LE JEUNE À LA CHARGE DE SA FAMILLE..............................12 Chapitre 1. La famille : aide prioritaire du jeune..............................................12 Section 1. L’existence de l’obligation d’entretien..........................................13 Section 2. Une extension excessive................................................................23 Chapitre 2. L’Etat soutient la famille.................................................................30 Section 1. Les aides indirectes : les avantages fiscaux...................................30 Section 2. Les aides directes...........................................................................39 PARTIE 2 - L’AIDE DIRECTE DE L’ETAT AU JEUNE ..................................50 Chapitre 1. Subvenir par lui même à ses besoins...............................................50 Section 1. Des aides à l’insertion ...................................................................51 Section 2. Des aides dans l’attente de l’insertion...........................................61 Chapitre 2. L’autonomie des jeunes...................................................................72 Section 1. Un besoin d’autonomie .................................................................72 Section 2. Un effort axé sur la formation .......................................................81 BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................94 ANNEXES...............................................................................................................101 TABLE DES MATIERES .....................................................................................103 INTRODUCTION Qui doit subvenir aux besoins du jeune en difficulté ? Cette question se pose aujourd’hui avec une acuité particulière. Mais il faut tout d’abord définir la notion de jeune, ce qui ne se fait pas aisément. En effet, la notion de jeune n’est pas une notion fixe à laquelle on pourrait associer un âge précis. La jeunesse est considérée comme la période intermédiaire entre l’enfance et l’âge adulte, le passage de la dépendance à l’indépendance. On passe d’un état d’enfant dans sa famille à un autre état, celui d’adulte dans son foyer1. Il est quasiment impossible de définir de façon fixe cette période, tellement elle est variable selon les situations. Quatre limites sont généralement prises en compte pour marquer la fin de la jeunesse : la fin des études, l’entrée dans la vie active, le départ de chez les parents et la création d’un nouveau foyer marquée par la procréation. Cependant, aujourd’hui les naissances sont de plus en plus reculées, la première naissance ayant lieu en moyenne vers les 30 ans des parents. Or il semble que l’on ne puisse définir la limite de la jeunesse de cette façon. En effet, le recul des naissances ne marque pas une immaturité des futurs parents mais bien plus une évolution de la vie professionnelle. Les futurs parents attendent d’avoir réellement un emploi stable avant d’envisager une naissance2. De plus il semble que cette limite marquée par la procréation soit la seule à tirer la jeunesse jusqu’à 30 ans. En bref, donner une limite à la jeunesse est quasiment impossible. Pour notre étude, nous inclurons dans cette catégorie les personnes de 16 à 25 ans principalement. Ce choix n’est pas anodin. En effet, l’âge de 16 ans correspond à l’âge à partir duquel l’obligation scolaire prend fin, et l’âge de 25 ans, à celui auquel chaque personne peut bénéficier du RMI3. Cependant, le jeune pourrait être défini comme celui n’étant pas 1 Commissariat Général du Plan, Jeunesse, le devoir d’avenir, rapport de la commission présidée par Dominique Charvet, Mars 2001 2 idem 3 Cependant, certains chiffres qui seront cités prennent en compte uniquement les jeunes de 18 à 25 ans, laissant de côté les 16-18, et d’autres prennent en compte les jeunes jusqu’à 29 ans. encore rentré de manière définitive dans le monde du travail, c’est-à-dire de façon stable, tout en sachant, évidemment, que personne n’est à l’abri du chômage. Mais à partir du moment ou le jeune a acquis son autonomie et son indépendance, on peut considérer qu’il est entré dans le monde adulte. Et il est vrai que jusqu’à ses 25 ans, le jeune ne pouvant bénéficier du RMI, il se trouve dans une situation plus inquiétante. C’est donc dans cette période de 16 à 25 ans que le jeune a le plus besoin d’aide, pour financer ses études, entrer dans le monde du travail ou tout simplement pour vivre quand il ne poursuit pas d’études et n’a pas d’activité professionnelle. Nous nous attacherons donc à cette tranche d’âge, tout en sachant qu’elle n’est pas restrictive. Il faut savoir que les 16-25 ans représentaient en janvier 1999, 13.33 % de la population globale française4. Si cette question de subvenir aux besoins des jeunes en difficulté se pose aujourd’hui avec autant d’acuité, c’est que le taux de pauvreté chez les jeunes est particulièrement élevé. En effet, 20 % des ménages dont la personne de référence a moins de 25 ans se trouvaient au-dessous du seuil de pauvreté5 en 1996, alors qu’ils n’étaient que 8.5% en 1979 et juste un peu plus de 5 % en 19706. Ce taux est sensiblement plus élevé que ceux des autres catégories d’âge les plus touchées. C’est la raison pour laquelle Madame Join-Lambert concluait dans son rapport7que la « priorité essentielle devrait se porter sur les situations des jeunes ». Quatre raisons principales expliquent cette accentuation de la pauvreté chez les jeunes : l’allongement de la durée des études, l’augmentation du chômage, l’accroissement des emplois précaires et une plus grande difficulté qu'autrefois pour les jeunes non qualifiés à trouver un emploi. 4 C.NA.F, Rapport de la commission des Prestations Légales, 10 avril 2001 5 Le seuil de pauvreté est fixé à 3 500 F pour une personne seule, 5 200 F pour un couple sans enfants, plus 1 050 F par enfant. 6 Avis du Conseil Economique et Social présenté par M. Hubert BRIN, Familles et insertion économique et sociale des adultes de 18 à 25 ans, 2001. 7 JOIN-LAMBERT (M.T), Les problèmes soulevés par les mouvements des chômeurs en France, fin 1997-début 1998, rapport au Premier ministre, 1998 6 Depuis 1975 en France, la durée des études a fortement augmenté. Cela résulte du souci de faire accéder le plus grand nombre aux études et d’élever ainsi le niveau général de l’éducation. Selon le rapport du Commissariat Général du Plan8, le lycée est désormais fréquenté deux fois plus qu’en 1980. Et cette augmentation ne se limite pas qu’aux lycées, elle touche également l’enseignement supérieur. Ainsi, selon l’avis du Conseil Economique et Social9, en 1998, près de 70 % sont encore à 19 ans en formation initiale, alors qu’ils n’étaient que 30 % au début des années quatre-vingts, 54.5 % le sont encore à 20 ans et 34 % à 22 ans. Pour l’ensemble des jeunes de 20-24 ans, 15.8 % effectuaient leurs études en 1975, alors qu’ils sont 34 % en 1998. Cet allongement de la durée des études est donc très important. Cela peut s’expliquer par l’extension de l’offre du système éducatif, par le fait que beaucoup continuent leurs études car ils constatent que plus celles-ci sont longues plus ils ont de chances de trouver un emploi, ou même par le fait, qu’étant au chômage, ils préfèrent étudier plutôt que de rester inoccupés. Le problème créé par cet allongement de la formation initiale est que l’âge d’entrée dans la vie active s’en trouve reculé, ce qui entraîne comme conséquence que la période où le jeune ne perçoit pas de revenu s’est prolongée, alors même que ses besoins sont devenus des besoins d’adulte : occuper un logement, vivre en couple, accéder à des loisirs10. Mais cet accroissement de la formation pour les jeunes est loin d’être négatif, le seul problème est qu’il faut des moyens pour le jeune, dont il ne dispose pas. D’où ce taux de pauvreté chez les étudiants. L’Observatoire de la vie étudiante estime à environ 100 000 le nombre d’étudiants vivant en dessous du seuil de pauvreté. La proportion d’étudiants en situation de pauvreté chronique serait de 4.7, soit 23 000 personnes. Mais l’Observatoire nuance ce propos en précisant que « si les étudiants sont rarement très pauvres, c’est parce que les très pauvres deviennent rarement étudiants ». Cette affirmation pose donc le problème de l’égal accès aux études. Mais il est évident que 8 op. cit. 9 op. cit. 10 Rapport présenté par M. Muzeau, session du 12 juin 2001 du Sénat, sur la proposition de loi relative à la mise en place d’une allocation d’autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans. 7 même la bourse d’études dans son échelon le plus élevé ne suffit pas à faire vivre un étudiant, ce qui signifie que sa famille doit l’aider, ce qui n’est pas possible pour tous. Ainsi, l’allongement des études ne fait qu’accroître le nombre de jeunes se trouvant en situation de précarité, puisque ceux-ci ne disposent pas de leurs propres ressources. L’augmentation du chômage est également une des causes de la pauvreté croissante chez les jeunes. Même si dernièrement on constate une amélioration de l’emploi qui profite aux jeunes, le taux de chômage demeure beaucoup trop élevé pour les 15-24 ans. Ainsi, selon le rapport présenté par M. Malavieille11, le taux de chômage de cette tranche d’âge, en 2000, s’élevait à 17 %, ce qui représente près du double du taux de chômage des jeunes adultes. Et ce taux culmine à près de 40 % chez les jeunes actifs de 20 ans. Ainsi, une part importante des jeunes ayant terminé leurs études ou ayant décidé de ne pas les poursuivre sont à la recherche d’un emploi. Or pour la plupart, ils n’auront pas travaillé suffisamment par le passé pour pouvoir bénéficier d’une allocation chômage. Et n’ayant pas encore 25 ans, ces personnes ne pourront également réclamer le RMI. Pour cette population, la période de non-activité est donc ressentie de façon particulièrement pénible. Cependant l’insertion des jeunes sur le marché de l’emploi s’est améliorée depuis 1997. En effet, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT), est passé entre le 31 décembre 1997 et le 31 janvier 2001 de 20.4 à 14.6 % pour les hommes de 15 à 24 ans, et de 27.8 à 19 % pour les femmes de cet âge12. Cette amélioration s’explique par la création de formes particulières d’emplois. Ainsi lorsque les jeunes parviennent à trouver un emploi, il s’agit bien souvent aujourd’hui d’emplois précaires. En effet, en janvier 1999, 30 % des 15-29 ans en activité occupaient un emploi à durée limitée, que ce soit un contrat à durée déterminée, de l’intérim, un contrat d’apprentissage ou une autre forme d’emploi aidé, et en mars 11 Rapport présenté par M. Malavieille, Assemblée Nationale le 6 décembre 2000 sur la proposition de loi de M. Alain Bocquet tendant à créer une allocation d’autonomie pour les jeunes de 16 à 25 ans. 12 Avis du Conseil Economique et Social, op. cit. 8 2000 ils étaient déjà près d’un sur deux : 48.9 % dans ce cas. Alors qu’il faut savoir que ce type d’activité ne concerne que 7.6 % des salariés adultes. Le travail à temps partiel a lui aussi beaucoup augmenté, baissant ainsi les chiffres du chômage. Pour autant, il concerne 19.5 % des jeunes, et selon l’INSEE13, il est subi dans 10.9 % des cas, contre 5.4 % chez les 30 ans et plus. La reprise de l’emploi intérimaire contribue également à la baisse du chômage, ainsi les jeunes de 15 à 29 ans concernés par l’intérim sont deux fois plus nombreux en 1999, 5.5 %, qu’en 199014. Selon le rapport de M. Malavieille, « les jeunes sont des cobayes des nouvelles conditions d’emploi et de travail, et n’ont pas la possibilité de les refuser »15. En effet, dans une période de chômage élevé, car même s’il diminue son taux reste bien trop important, les jeunes ne peuvent se permettre de refuser un emploi, même si celui-ci ne présente aucune garantie de stabilité. Mais le problème de ces emplois précaires est que le jeune, n’effectuant que de petites périodes d’activité, ne se voit pas indemnisé par l’assurance chômage dans les périodes d’inactivité. En effet, la moitié des jeunes ayant terminé leurs études, quel que soit leur niveau, connaît au moins quatre situations d’activité en cinq ans. Ce n’est donc en moyenne qu’après cinq ans que le jeune pourra trouver une certaine stabilité dans son emploi. Ainsi, la recrudescence des emplois précaires, même si elle permet de réduire le chômage, est par certains points très néfaste au jeune. Comme le constate M. Malavieille dans son rapport à propos des jeunes concernés par ces emplois : « en l’absence de perspective stable, leur progression sur la voie de l’autonomie s’en trouve considérablement contrariée : non seulement il leur est impossible de réunir les conditions nécessaires à l’octroi d’un crédit bancaire mais ils éprouvent de réelles difficultés à trouver un logement ». En effet les banques, comme les organismes de crédit d’ailleurs, refusent la plupart du temps d’accorder un crédit à une personne n’ayant pas un contrat à durée indéterminée. Ainsi, ces emplois s’ils permettent une première expérience au jeune, ne leur permettent bien souvent pas une véritable 13 enquêtes Emploi 1991 à 2000, INSEE 14 idem 15 rapport précité 9 autonomie. Sans compter sur le fait que beaucoup de ces emplois précaires ne sont pas rémunérés au niveau du SMIC. C’est donc pourquoi le taux de pauvreté chez les jeunes est assez élevé. En effet, une partie des jeunes poursuit ses études et se trouve dans certains cas dans une situation critique, une autre se trouve au chômage, et une autre encore est en activité mais pour un temps incertain. Mais il existe une catégorie de jeunes pour laquelle l’insertion dans le monde professionnel est encore plus difficile : les personnes non qualifiées. En effet, selon une étude réalisée par l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, sur 146 000 jeunes ayant quitté le système éducatif en 1992 sans qualification, moins de la moitié est parvenue à une situation d’autonomie cinq ans plus tard, c’est-à-dire travail stable ou logement indépendant. Et parmi eux, 21 % sont totalement exclus du marché du travail et dépendent de leurs parents pour leur logement comme pour leur subsistance. On constate que la baisse du chômage ne profite pas de manière égale à tous : si en 1999, 11 % des 15-29 ans, titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, sont au chômage, les jeunes actifs sans qualification le sont à 35 %16. Ainsi, l’ensemble de ces facteurs d’exclusion : absence de qualification, chômage, précarisation des premiers emplois, faible rémunération et absence d’indemnisation du chômage ont abouti pour une part croissante de jeunes issus de familles modestes à une dégradation de leur condition de vie, voire à un glissement sous le seuil de pauvreté17. Et cette pauvreté, comme nous l’avons dit, touche également une partie des étudiants. On constate, comme conséquence de cette évolution et de cette pauvreté croissante chez les jeunes, une non concomitance entre l’indépendance juridique du jeune et son indépendance financière. Cette non concomitance a été aggravée par la baisse de l’âge de la majorité à 18 ans en 1974. En effet, dans la réalité, un jeune de 18 ans n’est 16 Rapport de M. Muzeau, op. cit, et rapport de M. Malavieille, op. cit. 17 Rapport Muzeau 10 quasiment jamais autonome. Cela entraîne un départ plus tardif du domicile parental. Toutefois celui-ci est resté modéré en moyenne : l’âge médian de la décohabitation est passé de 20.5 ans pour les femmes et de 21.8 pour les hommes nés entre 1963 et 1967 à 20.6 et 22 ans pour les générations nées de 1968 à 1972. Si ce recul ne semble pas très important, c’est qu’il ne représente pas la véritable décohabitation signifiant la prise d’autonomie du jeune. En effet, l’aide des parents et la création des aides au logement ont permis à de nombreux jeunes de prendre leur indépendance résidentielle, cependant il ne s’agit dans ces cas que d’indépendance de résidence. A l’inverse, l’âge d’accès à un logement indépendant, payé par le jeune lui-même ou par son conjoint, a fortement reculé du fait de l’accès plus tardif à un emploi stable et à l’indépendance financière. Il apparaît donc au regard de ces quelques chiffres que la situation des jeunes est bien plus préoccupante qu’autrefois. Pour beaucoup, la famille est obligée de subvenir aux besoins du jeune pendant une période assez longue. Mais parfois cela ne se fait pas aussi facilement. Il existe ainsi des cas où la famille ne peut, ou ne veut aider le jeune, estimant qu’à ses 18 ans celui-ci doit être autonome. L’inégalité entre les jeunes, selon le milieu dont ils sont issus est donc importante. D’où la question se pose de savoir qui doit aider le jeune qui se trouve en difficulté. Si le principe de subsidiarité existe, imposant à la famille d’aider en premier le jeune, on se demande aujourd’hui dans quelle mesure on peut faire supporter ce poids grandissant sur les familles. L’Etat se doit donc d’aider ces familles. Il est donc intéressant de rechercher comment et dans quelles limites les familles et l’Etat doivent intervenir pour amener le jeune à une autonomie complète. Pour cela nous envisagerons d’abord les devoirs et les droits de la famille qui a en charge un « grand enfant » (Partie 1.), avant d’envisager toutes les aides existantes pour le jeune lui-même et les propositions avancées à ce propos (Partie 2). 11 PARTIE 1 - LE JEUNE A LA CHARGE DE SA FAMILLE Les linguistes placent la racine latine finis à l’origine des mots adfinitas, qui signifie : parenté, finire, qui signifie payer, et infinitas, qui signifie : sans fin18. C’est une question qui occupe depuis toujours les tribunaux : jusqu’à quel terme les parents doivent-ils des aliments à leurs enfants majeurs ? Car évidemment, tant qu’il ne travaille pas, le jeune ne dispose que de très peu de ressources, voire d’aucune. C’est donc vers sa famille qu’il doit se tourner en premier ( Chap. 1 ), cependant, l’Etat, conscient du coût que cela représente, tente d’aider les familles ayant des enfants à charge ( Chap. 2 ) CHAPITRE 1. LA FAMILLE : AIDE PRIORITAIRE DU JEUNE C’est en effet la famille qui doit subvenir aux besoins du jeune en priorité. Ainsi l’article 203 du Code civil énonce que : « les époux contractent ensemble par le seul fait du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants. » Mais si cette obligation d’entretien connaissait un certain nombre de conditions ( Section 1 ), aujourd’hui elle est largement étendue dans des cas discutables ( Section 2 ) 18 GARRUS (R.), Etymologies du français, curiosités étymologiques, éd. Belin, 1996, p. 172-173 12 SECTION 1. L’EXISTENCE DE L’OBLIGATION D’ENTRETIEN Le fondement de cette obligation est bien l’entretien de l’enfant, mais il ne fait aucun doute aujourd’hui que cette obligation ne prend pas fin à la majorité de l’enfant ( §1), cependant pour cela des conditions doivent être respectées ( §2) §1. Une obligation découlant de la parenté Il s’agira de trouver le fondement de cette obligation (A) et de rappeler la jurisprudence consacrant sa prolongation après la majorité de l’enfant (B) A. Le fondement de cette obligation Ainsi selon l’article 203 du Code civil, les parents ont une obligation d’entretien et d’éducation envers leurs enfants. Mais si cet article est placé dans le chapitre V du titre V relatif aux « obligations qui naissent du mariage », il est bien établi qu’en réalité cette obligation d’entretien découle de la paternité et de la maternité. En effet, c’est le lien de filiation qui fait naître cette obligation : « elle naît avec l’enfant et crie aussi fort que lui »19. Ainsi, cette obligation concerne aussi bien les enfants légitimes, naturels et adoptifs. Il suffit simplement que le lien de filiation soit établi. D’ailleurs ce droit n’est que la consécration d’une exigence de droit naturel, « d’un des devoirs les plus stricts et les plus sacrés qui soient ».« Qui fait l’enfant doit le nourrir »20 19 20 CORNU (G.), La famille, 7ième édition, Paris : Montchrestien, 2001 BRETON, préface de : Derrida, L’obligation d’entretien, obligation des parents d’élever leurs enfants, thèse Alger, éd. Dalloz, 1952 13 enseignait Loysel à ses étudiants. Pour M. Pradel : « par le seul fait de la procréation […] les père et mère ont contracté l’engagement de faire un homme, c’est-à-dire de conduire et assister l’enfant jusqu’à ce qu’il soit en état de gagner sa vie »21. Il s’agit donc bien d’un droit naturel que la convention de New York relative aux droits de l’enfant a proclamé « les Etats parties reconnaissent le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social » et elle ajoute que « c’est aux parents […] qu’incombe au premier chef la responsabilité d’assurer, dans les limites de leurs possibilités et de leurs moyens financiers, les conditions de vie nécessaires au développement de l’enfant »22. Ainsi cette obligation est universellement admise comme incombant à tout parent, et ce par le seul fait de la filiation, et c’est bien la famille en priorité qui doit intervenir pour subvenir aux besoins de l’enfant. L’article parle donc de « nourrir, entretenir et élever » les enfants. Le but de cette obligation n’est donc pas seulement de nourrir l’enfant mais également de l’élever, de l’éduquer, et ce pour qu’il puisse entrer dans le monde du travail et subvenir alors luimême à ses besoins. M.J Gebler23 a repris l’adage de Loysel en le complétant de façon plus exigeante: « qui fait l’enfant doit certes le nourrir, mais aussi l’éduquer ». Le rôle selon elle des parents vis-à-vis de leurs enfants est de « les éduquer, veiller sur eux et les surveiller afin de les amener au plein épanouissement de leur personnalité et de préparer leur avenir ». Cependant l’article 204 du Code civil, qui suit donc immédiatement notre article, vient préciser les limites de cette obligation d’entretien. Cet article énonce que : « l’enfant n’a pas d’action contre ses père et mère pour un établissement par mariage ou autrement ». On oppose en général l’établissement et l’entretien en ce que l’entretien s’effectue par un prélèvement régulier sur les revenus, alors que l’établissement est réalisé par une dotation en capital24. Ainsi, l’établissement des enfants, c’est 21 PRADEL (J.), L’obligation pour les parents d’entretenir un enfant au delà de sa majorité pour lui permettre de continuer ses études, JCP 1966,. 2038 22 23 Convention de New York de 1990, article 27, D.1990, législ. p. 424 GEBLER (M.J), L’obligation d’entretien des parents à l’égard de leurs enfants majeurs qui poursuivent des études, D. 1976, chron. p. 131 24 Jurisclasseur, art. 203 et 204, 1997 14 « l’installation des enfants par transfert anticipé du patrimoine familial »25. Mais l’obligation des parents ne va donc pas jusque là. Ils doivent seulement donner à leurs enfants les moyens de s’assumer par eux-mêmes. Normalement, cette obligation s’effectue naturellement. En effet dans les familles unies, elle ne pose aucune difficulté. C’est lorsqu’il y a une séparation des parents que le problème de cette obligation d’entretien va se rencontrer. En général, tant que l’enfant est mineur, cette obligation s’exécutera de manière naturelle. En revanche s’est posé le problème de la limite dans le temps de cette obligation d’entretien. B. Prolongation de l’obligation d’entretien après la majorité Les juridictions du fond puis la Cour de cassation dès 196226 affirment par une jurisprudence constante et totalement admise aujourd’hui que l’obligation d’entretien ne prend pas nécessairement fin à la majorité de l’enfant. Certains arrêts présentent la prolongation de l’obligation d’entretien comme une exception au principe selon lequel cette obligation prend fin à la majorité de l’enfant27, d’autres affirment qu’aucune disposition du Code civil ne restreint à la minorité l’obligation qu’ont les parents de nourrir, entretenir et élever leurs enfants28. Ce qui semble d’ailleurs être la règle aujourd’hui29. Hauser quant à lui, disait qu’il n’y avait pas d’argument de texte réellement convaincant et que paradoxalement, c’est dans les textes sur la filiation 25 idem 26 Civ 2e, 7 mars 1962, Bull. civ II, n°272 27 Civ. 2e, 18 juin 1967, D. 1967, p. 678 : «Attendu […] que si l’obligation des parents d’entretenir leurs enfants prend fin, en principe, à leur majorité, les parents demeurent cependant tenus, après qu’ils l’aient atteinte, de leur donner à proportion de leurs ressources les moyens de poursuivre les études correspondant à la profession vers laquelle ils se dirigent » 28 Civ. 2e, 12 juil 1971, D. 1971, P. 689 : « aucune disposition légale ne limite à la minorité l’obligation des père et mère de contribuer à proportion de leurs facultés, à l’entretien et à l’éducation de leurs enfants. » 29 CHABAULT (C.), Le financement des études par les parents, Dr. Famille, juin 1999, p. 10 15 naturelle et le divorce que l’on trouve une confirmation que le principe est la 30 prolongation de l’obligation d’entretien après la majorité . En effet, d’après l’article 342-2 du Code civil, à propos des subsides dont l’enfant naturel est bénéficiaire : cette pension « peut être due au-delà de la majorité de l’enfant s’il est encore dans le besoin, à moins que cet état ne lui soit imputable à faute ». Ainsi, si le principe est que le père présumé est encore tenu de subvenir aux besoins de l’enfant après sa majorité, il ne fait pas de doutes qu’il en sera de même pour le père véritable. L’article 295 du Code civil évoque également l’enfant majeur. Cet article n’a été inséré dans le Code qu’en 1975. Avant son insertion déjà c’était dans le cas de séparation des parents que le problème de cette obligation d’entretien se rencontrait. La jurisprudence a très tôt décidé que lors d’une séparation, l’époux assumant la charge de l’enfant pouvait demander à l’autre une contribution compte tenu de ses ressources31. La loi du 11 juillet 1975 est venue consacrer cette jurisprudence en insérant cet article 295 dans le Code civil : « Le parent qui assume à titre principal la charge d’enfants majeurs qui ne peuvent eux-mêmes subvenir à leurs besoins peut demander à son conjoint de lui verser une contribution à leur entretien et à leur éducation. » La Cour de cassation facilite même l’application de cette règle en décidant que : « sauf dispositions contraires du jugement qui, après divorce, condamne l’un des époux à servir une pension alimentaire à titre de contribution à l’entretien des enfants mineurs dont l’autre a la garde, les effets de la condamnation ne cessent pas de plein droit à la majorité de l’enfant.32 » 30 HAUSER (J.), L’obligation civile d’entretien du jeune majeur, in LERADP (Lille II), L’enfant, la famille, l’argent, Paris, 1991, p. 163 31 Civ. 2e, 7 mars 1962, Bull. civ. II, n°272 : « l’obligation pour [l’ex-époux] de participer à ces frais s’analysait, non seulement en une obligation envers les enfants, dont ces derniers devenus majeurs, pourraient seuls invoquer le bénéfice, mais comme une obligation réciproque entre époux permettant à celui d’entre eux qui en aurait assumé la charge entière de recourir contre son conjoint, pour la part lui incombant, compte tenu de ses ressources. Voir également, dans les mêmes termes : Civ. 2e, 29 mai 1963, JCP 1964, II, 13651. 32 Civ. 2e, 8 févr. 1989, Bull. civ, II, n°32 16 Ainsi, l’obligation d’entretien ne cesse pas de plein droit, et ce sera au parent débiteur d’agir en justice pour demander la suppression de la pension alimentaire en apportant la preuve que les enfants ne sont plus à la charge de l’autre parent. L’avantage de cet article est grand. En permettant à l’époux qui a la charge de l’enfant d’agir lui-même, il lui facilite les démarches, et surtout il permet que ce ne soit pas l’enfant qui agisse contre son autre parent. Or cela serait très négatif quant aux relations familiales et il est important que le jeune garde de bons contacts avec ses deux parents. La médiation doit être privilégiée dans toute la mesure du possible. Ainsi, il est bien établi que c’est aux parents en priorité de subvenir aux besoins du jeune, même après sa majorité. Cependant il existe un certain nombre de conditions, cette prolongation de l’obligation d’entretien ne pouvant être illimitée. §2. Les conditions de la prolongation Au départ, la condition était assez stricte : il fallait que le jeune poursuive ses études (A.), mais progressivement, cette condition a été de moins en moins respectée (B.) A. La poursuite d’études Le critère pour admettre la prolongation de l’obligation d’entretien après la majorité est celui de la poursuite d’études. Cette prolongation est devenue nécessaire aujourd’hui avec le rallongement des études et la difficulté qui existe pour trouver un emploi qui fait que l’obtention d’un diplôme est devenue très importante. En outre, avec l’abaissement de la majorité à 18 ans depuis la loi de 1974, l’écart entre l’autonomie juridique et l’autonomie financière se creuse de plus en plus. C’est la finalité éducative de l’obligation d’entretien qui la fait survivre au-delà de la majorité si la formation intellectuelle et professionnelle n’est pas encore accomplie. Ainsi, c’est parce que l’éducation du jeune n’est pas terminée. Cependant, cette éducation ne peut durer éternellement et des conditions ont été posées immédiatement. 17 Dès 1966, Pradel énonçait que « la tendance sera donc de ne plus obliger les parents si l’enfant ne réussit pas, ou même s’il poursuit des études spéculatives ou qui sont sans intérêt. Car le succès des études n’est jamais omis des considérants des juges »33. Le but en effet est que le jeune puisse grâce à ses études parvenir à se qualifier pour obtenir un emploi. Il est donc logique d’exiger que ces études aient une chance d’aboutir. Ainsi la jurisprudence a décidé que les études devaient être conduites avec sérieux34 et que le jeune devait disposer de capacités intellectuelles suffisantes. 35 En effet, il n’est pas concevable de poursuivre l’obligation d’entretien après la majorité du jeune si les études ne sont qu’un prétexte pour se faire entretenir. Cette prolongation ne dure pas éternellement : elle dure le temps qu’il faut pour faire des études et pouvoir acquérir une autonomie financière, mais pas au-delà. Ainsi la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a refusé la prolongation de l’obligation d’entretien pour un jeune qui avait un diplôme d’ingénieur des ponts et chaussées, car elle a estimé que celui-ci était à même de trouver une situation avec ce diplôme, et que donc la poursuite d’études totalement différentes qu’il voulait entreprendre ensuite ne devait pas être financée par ses parents36. Cependant, cette obligation n’est pas limitée dans le temps en cas de circonstances particulières. Ainsi il a été admis qu’un jeune de 26 ans ayant un retard dans sa scolarité, deuxième année de faculté, pouvait bénéficier de la prolongation de l’obligation d’entretien, puisque d’une part, il était à même d’obtenir ce diplôme et que d’autre part, ce retard était dû à des difficultés familiales ayant d’ailleurs abouti à la séparation des parents37. Ainsi, la prolongation n’est pas une question de durée, mais de circonstances. Il a été admis de la même façon, qu’un jeune de 26 ans reprenant ses études après le Service National afin de se procurer une autonomie financière et éviter une possible situation de chômage pouvait voir 33 PRADEL (J.), L’obligation pour les parents d’entretenir un enfant au delà de sa majorité pour lui permettre de continuer ses études, JCP 1966, doct. 2038 34 TGI Chambéry, 26 janv. 1966, JCP G., II, 14854 : « une assiduité et un travail constant, exempts de distractions superflues » 35 Civ. 2ième, 19 oct. 1977, D. 1978, inf. rap. p. 89 36 Civ. 2ième, 26 nov. 1970, D. 1971, somm. 104 37 Civ. 1ière, 18 mai 1972, D. 72, 672 18 l’obligation d’entretien maintenue38. Les parents sont donc tenus de subvenir aux besoins de leurs enfants majeurs qui poursuivent leurs études, à condition que les circonstances permettent que celles-ci aboutissent. A cette condition de poursuite des études s’ajoute évidemment celle de manque de ressources du créancier et de possibilités financières du débiteur. Et l’étudiant est considéré comme étant dans le besoin, même s’il dispose d’une bourse universitaire, d’une allocation logement et d’un prêt étudiant.39 Pour les parents, s’ils sont obligés de nourrir et d’élever leurs enfants, cette obligation disparaîtra s’ils n’en ont pas les moyens : « L’obligation d’entretenir et d’élever les enfants résulte d’une obligation légale à laquelle les parents ne peuvent échapper qu’en démontrant qu’ils sont dans l’impossibilité matérielle de le faire »40. Ainsi, c’est la seule façon pour les parents d’échapper à leur obligation, sinon ils y sont tenus tant que leur enfant poursuit ses études. Cependant, la condition d’études sérieuses tend à disparaître ce qui enlève le caractère principal de cette obligation de l’article 203 du Code civil qui est l’éducation. Et non seulement cette condition n’est plus très stricte, mais en plus, les contreparties demandées au jeune sont quasi inexistantes. B. Un droit du jeune important Non seulement, la condition d’études sérieuses diminue largement (2), mais en outre, les contreparties dues par le jeune sont quasi inexistantes (1) 38 CA Douai, 7 févr. 1991, D. 1992, somm. 69, note BLARY-CLEMENT (E.) 39 CA Rennes, 8 sept. 1997 : jurisdata n° 048810 40 Civ. 2ième, 17 oct. 1985, Bull. civ. II, n° 157 et Civ. 2ième, 29 mai 1996, Bull. civ. II, n°114 19 1) des contreparties quasi-inexistantes Devant la lourde charge que peut constituer l’article 203 du Code civil pour des parents entretenant leur enfant majeur, on peut se demander quelles sont les contreparties dues par le jeune. Or elles ne sont pas nombreuses. Tout d’abord, si l’enfant doit être à la charge d’un de ses parents, il n’est en aucun cas obligé de résider avec lui. Ainsi, il peut tout à fait prendre un appartement, cela ne signifiant pas qu’il a acquis une autonomie financière mettant fin à l’obligation d’entretien de ses parents. Ainsi, le défendeur condamné à verser une pension alimentaire ne peut invoquer le fait que son enfant ne réside pas avec l’autre parent pour se soustraire à ce versement41. A l’inverse, le débiteur d’une telle obligation d’entretien ne peut pas exiger de l’exécuter en nature. Ainsi, il ne peut subordonner sa participation à l’entretien de l’enfant au fait que celui-ci vienne résider avec lui42. Ainsi le jeune majeur dispose d’une grande liberté : il oblige ses parents à l’entretenir pendant sa scolarité mais ne doit pas faire d’efforts particuliers et peut exiger un logement séparé de celui de sa famille. Celui-ci n’est même pas tenu de travailler pour participer à ses besoins. En effet, la jurisprudence estime que les études entreprises « excluent la possibilité d’exercer une activité salariée annexe en dehors des périodes de vacances »43. Toutefois, dans le sens d’une « responsabilisation » du majeur, il est arrivé aux juges du fond44 de considérer que compte tenu des moyens financiers limités de ses parents, l’intéressé ne pouvait se reposer entièrement sur eux et devait contribuer, ne serait-ce que partiellement, à son entretien45. Mais alors on ne va pas jusqu’au bout de la logique. Si le principe est que les chances doivent être égales pour tous quant au succès des études, pourquoi ne pas exiger de chacun une certaine participation ? Car même s’il 41 CA Douai, 13 oct. 1994, RTD civ. 1995, p. 350, obs. J. HAUSER 42 Civ. 2ième, 28 janv. 1981, Bull civ. II, n°19 : « les enfants poursuivent leurs études et […] étant majeurs, ils sont libres de choisir leur résidence, D. ne pouvant subordonner sa contribution à l’obligation pour ses enfants de venir vivre chez lui » 43 44 45 CA Colmar, 27 juin 1994, JCP G 1995, IV, 372 CA Paris, 30 avril 1997, Juris-data n°022425 CHABAULT (C.), Le financement des études par les parents, op. cit. 20 est vrai que les horaires des facultés en général ne permettent pas facilement de concilier la poursuite d’études et un travail salarié, de nombreux étudiants parviennent néanmoins à le faire. Par cette jurisprudence, seuls les enfants des plus pauvres peuvent être obligés de travailler. Il serait peut-être plus astucieux de réaménager les horaires à l’exemple des autres pays européens et de développer le travail étudiant. Un contrat de 8 à 10 heures de travail par semaine est tout à fait gérable pour un étudiant et cela permettrait en effet une meilleure responsabilisation de celui-ci et en même temps le confronterait immédiatement au monde du travail ce qui ne peut être qu’enrichissant. Il s’avère finalement que les seules réelles contreparties seraient d’une part une obligation d’information à l’égard du parent débiteur de la pension alimentaire, et encore, cette obligation d’information ne semble même pas pourvoir être sanctionnée, et d’autre part la justification de la poursuite d’études. Cependant, comme nous l’avons dit, cette condition se fait de plus en plus oublier. 2) la condition oubliée Au départ, la condition nécessaire à la prolongation de l’obligation d’entretien était donc la poursuite d’études par le jeune majeur. Ainsi, il fallait que soient poursuivies des études et avec une certaine réussite : les études devaient avoir un caractère réel et sérieux. Ceci est logique, puisque c’est la finalité éducative de l’obligation d’entretien qui permet de la faire survivre après la majorité de l’enfant. Il fallait également que l’enfant ait les aptitudes adéquates. Mais si au départ toutes ces conditions étaient bien respectées, aujourd’hui elles tendent à disparaître. Ainsi, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation semble ne plus exiger ces critères. Déjà en 197146 elle accorde la prolongation de l’obligation d’entretien à deux enfants majeurs ne poursuivant pas leurs études, mais ayant des 46 Civ.2e, 12 juil. 1971, D. 1971, p.689 21 problèmes de santé : l’un était atteint de schizophrénie et l’autre était hospitalisé pour une affection cancéreuse. De même, un arrêt de 199147 vient casser une décision de Cour d’appel qui avait décidé que la contribution du père devait cesser car les études des enfants manquaient de sérieux pour le premier et étaient fantaisistes pour le second, et que la mère ne justifiait pas qu’ils étaient dans l’impossibilité de subvenir eux-mêmes à leurs besoins. La Cour de cassation motive sa décision sur le fait que la Cour d’appel aurait dû rechercher si les enfants communs devenus majeurs, n’étaient plus à titre principal à la charge de la mère. La Cour de cassation considère donc que le seul critère de la prolongation de l’obligation d’entretien est le fait que l’un des parents ait à sa charge les enfants. La condition d’études sérieuses, qui est une question de fait, et qui par conséquent dépend de l’appréciation des juges du fond, n’est donc pas relevée par la Cour de cassation. La tendance est de plus en plus claire. Si autrefois, les études devaient être quasiment sans échec, les redoublements sont de plus en plus autorisés, certes dans une certaine limite, mais la jurisprudence n’est toutefois plus aussi stricte qu’auparavant. Mais aujourd’hui cette obligation d’entretien est étendue à des cas de plus en plus discutables, ce qui remet en cause un certain nombre de choses. 47 Civ. 2e, 11 déc. 1991, Bull. civ, II, n°341 22 SECTION 2. UNE EXTENSION EXCESSIVE Après avoir largement diminué le caractère réel et sérieux des études puis l’existence même d’études, la jurisprudence est venue étendre l’application de l’article 203 du Code civil au jeune chômeur en difficulté (§1) ce qui présente un risque certain pour le débiteur de cette obligation étant donné le régime de cet article (§2). §1. Extension au jeune chômeur Le critère de la poursuite d’études disparaît donc totalement, puisqu’un jeune majeur au chômage peut encore exiger de ses parents d’être entretenu en vertu de l’article 203 du Code civil (A), ce qui paraît critiquable puisque alors devrait se mettre en place l’obligation alimentaire des articles 205 à 207 du Code civil (B) A. Abandon de la condition d’études Avec les difficultés pour trouver un emploi qui existent aujourd’hui, la Cour d’appel a décidé dans un arrêt de 199448 en constatant qu’une fois les études terminées, l’enfant s’était inscrite à l’ANPE, que « compte tenu des difficultés actuelles pour trouver un travail, il convient de décider que la contribution de son père à son entretien doit se poursuivre jusqu’à ce qu’elle trouve un emploi. » Un arrêt récent de la 2e chambre civile de la Cour de cassation49 va encore plus loin, puisqu’il maintient l’obligation d’entretien pour une jeune majeure qui a fini ses études et occupe un emploi mais qui n’est pas stable et suffisant. La Cour énonce que « c’est 48 49 CA Paris, 26 avril 1994, RTD civ. 1994, p. 583 Civ.2e, 27 janv. 2000, Bull. civ., II, n°17 ; Dr. fam., juin 2000, n°6, p. 16 ; obs. C. CHABAULT 23 dans l’exercice de son pouvoir souverain que la Cour d’appel a estimé que le père ne rapportait pas la preuve que sa fille occupait un emploi régulier lui permettant de subvenir seule à ses besoins et qu’il convenait donc de maintenir au profit de la jeune fille le montant de la pension alimentaire fixé par les premiers juges. » Dans cette espèce l’enfant a donc non seulement fini ses études, mais elle a même trouvé un emploi… On se demande donc ce que vient faire ici l’obligation d’entretien qui, rappelons-le, est censée avoir une finalité éducative. En outre, non seulement la jurisprudence n’exige plus la poursuite d’études mais en plus elle exige, pour que l’obligation d’entretien puisse prendre fin, que le jeune majeur ait trouvé un « emploi régulier ». On peut donc se demander ce qu’entendent par là les juges du fond. Un emploi régulier doit-il être un contrat à durée indéterminée, ou un contrat à durée déterminée avec une échéance lointaine suffit-il ? Car s’il faut exiger un contrat à durée indéterminée, cette obligation d’entretien risque de durer longtemps aujourd’hui avec l’essor du travail précaire. En effet, de plus en plus de jeunes se voient contraints d’accepter des contrats à durée déterminée ou à temps partiel. Ainsi, cette formule semble trop restrictive à une époque de « flexibilité de l’emploi »50. Mais surtout, il est difficile de comprendre que dans ce cas d’un enfant au chômage, on maintienne l’obligation d’entretien alors que la finalité éducative n’existe plus et qu’il faudrait donc en conséquence mettre en œuvre l’obligation alimentaire des articles 205 à 207 du Code civil. B. Confusion avec l’obligation alimentaire Malgré certains arrêts présentant la prolongation de l’obligation d’entretien comme une exception, on voit avec le temps qu’elle devient plutôt le principe. Mais si l’obligation d’entretien se poursuit après la majorité, il ne faut pas qu’elle empiète sur l’obligation alimentaire des articles 205 et suivants du Code civil. 50 CHABAULT (C.), note sous Civ. 2ième, 27 janv. 2000, op. cit. 24 D’ailleurs, la jurisprudence elle-même affirme que l’obligation d’entretien des parents est distincte de l’obligation alimentaire51. Selon l’article 205 du Code civil : « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ». Et l’article 207 du Code civil vient préciser que «les obligations résultants de ces dispositions sont réciproques » Au départ, l’arrêt précité précise même que ces obligations étant distinctes, il n’est pas nécessaire, pour le maintien de l’obligation d’entretien après la majorité de l’enfant, de justifier le manque de ressources de ce dernier. En effet, la deuxième chambre civile énonce que « la Cour d’appel […] n’avait pas à rechercher si l’enfant disposait de ressources ». Alors que pour l’obligation alimentaire des articles 205 et suivants la comparaison des ressources est essentielle : le créancier doit être dans le besoin et le débiteur doit disposer de suffisamment de ressources pour pouvoir l’aider. Mais il existe d’autres différences importantes entre les deux obligations. L’obligation d’entretien est une obligation qui n’est pas réciproque. Il s’ensuit que si les parents doivent nourrir, entretenir et élever leurs enfants, cette obligation ne repose pas sur un devoir de reconnaissance. Les parents ne peuvent donc, dans le cadre de l’obligation d’entretien, invoquer l’exception de l’article 207 al 2 du Code civil : « quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire. » Or il peut être important, si un enfant majeur a gravement manqué à ses devoirs envers ses parents, de pouvoir préciser si ces derniers sont tenus de l’obligation parentale d’entretien auquel cas ils ne pourront invoquer l’exception d’indignité, ou s’ils sont tenus de l’obligation alimentaire de droit commun et pourront donc alors invoquer cette exception. Normalement l’objet de l’obligation d’entretien est plus large que celui de l’obligation alimentaire puisqu’il couvre aussi l’éducation. C’est donc le critère de l’éducation qui différencie l’obligation d’entretien et l’obligation alimentaire proprement dite. Ainsi, dans le cas des deux arrêts évoqués ci-dessus : si les enfants sont au chômage, il n’y a aucune raison de maintenir l’obligation d’entretien, il ne s’agit plus d’entretenir 51 Civ. 2ième, 6 févr. 1985, Bull. civ. II, n°19 : « distincte de l’obligation alimentaire, l’obligation d’entretien et d’éducation que l’article 203 du Code civil… » 25 l’enfant, de l’éduquer, mais seulement de pourvoir à ses besoins. L’obligation alimentaire est alors bien suffisante. Or, à trop confondre obligation d’entretien et obligation alimentaire, un risque existe. §2. Risque d’une telle extension Une telle extension de l’article 203 du Code civil au détriment de l’obligation alimentaire peut à terme être dangereuse (A), surtout lorsque l’on connaît les différences qui existent entre l’obligation d’entretien et l’obligation alimentaire (B) A. Autonomie de l’article 295 du Code civil Deux arrêts de la Cour de cassation de 199652 nous éclairent bien sur la question : dans la première espèce, une femme agit contre son ex-époux sur le fondement de l’article 295 du Code civil. La Cour d’appel rejette la demande au motif que l’enfant majeur ne justifiait pas de son inactivité professionnelle par la poursuite d’études, et que s’il est loisible aux parents de continuer leur aide, ils ne peuvent y être contraints. Mais la Cour de cassation casse l’arrêt au motif que la Cour d’appel aurait dû rechercher si l’enfant pouvait subvenir lui-même à ses besoins et s’il n’était pas en fait et à titre principal à la charge de sa mère. Dans la seconde espèce, l’action émanait du jeune majeur lui-même : la Cour d’appel, confirmée par la Cour de cassation décide que la situation d’impécuniosité dont se prévaut le majeur lui est essentiellement imputable, et que de plus les propos injurieux qu’il a tenu vis à vis de ses parents entrent dans le cadre des prévisions de l’article 207 al 2 du Code civil, et qu’il y a donc lieu d’appliquer l’exception d’indignité. Ainsi, si le premier arrêt admet la prolongation de l’obligation d’entretien dans le cadre de l’article 295 du Code civil au profit du majeur au chômage, le second arrêt pose une limite au 52 Civ.2e, 29 mai 1996 et Civ.1re, 25 juin 1996, D. 1997, Jur. p. 455, note BOURGAULT- COUDEVYLLE (D.) 26 devoir de secours des articles 205 et 207 du Code civil, en rappelant que le créancier d’aliments a une obligation de travail autant que possible. Alors que chaque affaire était relative à une demande de pension alimentaire concernant un majeur au chômage, la première et la deuxième chambre civile se sont fondées l’une sur l’obligation d’entretien et l’autre sur l’obligation alimentaire. Il y a donc une véritable incohérence entre ces deux arrêts, sur le moment où cesse l’obligation d’entretien et commence l’obligation alimentaire. Dans le premier arrêt, la prolongation de l’obligation d’entretien est donc appliquée en faveur d’un jeune chômeur alors que cette fois ci, il n’y a même aucune allusion aux études. Il semblerait que la Cour de cassation réagisse différemment quand il s’agit d’une action menée par le parent ayant à sa charge le jeune majeur ( action fondée sur l’article 295 du Code civil ) et quand il s’agit d’une action menée directement par le jeune. A la différence de ce qui prévaut lorsque l’action émane du majeur, la fin des études ne marque pas forcément le terme de la contribution. Plusieurs décisions que nous avons citées ci dessus ont décidé dans ce sens que le parent demeurait tenu de contribuer à l’entretien du majeur, ses études achevées, jusqu’à l’obtention d’un emploi. La seule limite temporelle à l’application de l’article 295 du Code civil semble donc être la possibilité pour les enfants de subvenir seuls à leurs besoins. Il est vrai que si l’on prend l’article 295 du Code civil à la lettre, c’est ce qui est exprimé. En effet, cet article évoque « les enfants majeurs qui ne peuvent eux-mêmes subvenir à leurs besoins », aucune référence aux études n’est faite. Le problème est que cet article devait servir initialement à faciliter les démarches du parent divorcé, en le subrogeant en quelques sortes dans les droits du majeur. Or comme ces deux arrêts nous l’indiquent, le parent subrogé se retrouve avec plus de droits que le subrogeant lui-même, puisque dans ce cas, la condition de poursuite d’études n’est plus exigée. En outre, cela crée une incohérence dans la jurisprudence, selon la personne qui agit en justice. Comme l’exprime Mme Bourgault-Coudevylle53, puisque cette incohérence ne pourra se maintenir, « l’article 295, seul texte à prévoir expressément le maintien de l’obligation 53 D. 1997, Jur. p. 455, note sous Civ.2e, 29 mai 1996 et Civ.1er, 25 juin 1996 27 d’entretien après la majorité, n’est-il pas en voie de prendre son autonomie au point de constituer à terme le régime de référence de l’obligation d’entretien postmajoritaire ? » Ce qui signifierait que quel que soit le demandeur, à terme, la seule condition du maintien de l’obligation d’entretien serait le fait que le jeune majeur ne puisse pas encore subvenir à ses besoins. Or comme nous l’avons dit, les conséquences d’une telle extension sont très importantes. B. Le manque de réciprocité En effet, nous l’avons dit précédemment, cela présente un risque important, car l’obligation d’entretien n’est soumise à aucune réciprocité, et surtout le parent débiteur ne peut invoquer l’exception d’indignité de l’article 207 alinéa 2 du Code civil. Ainsi, un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 17 juillet 198554 énonce clairement que : « si, lorsque le créancier a lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge peut décharger celui-ci de tout ou partie de sa dette, c’est seulement quand celle-ci est une dette alimentaire résultant des dispositions des articles 205, 206 et 207, al. 1er du Code civil ; cette faculté ne s’étend pas à l’obligation d’entretien et d’éducation qui pèse sur les père et mère à l’égard de leurs enfants ». Ainsi les parents et leurs enfants mineurs ne sont pas sur un pied d’égalité. Si une faute des parents peut les priver de leurs droits alimentaires, les enfants quant à eux n’ont que des droits et aucune faute ne peut les priver de cette obligation d’entretien des parents. En revanche pour les enfants majeurs, il est donc très important de savoir déterminer avec précision les cas où l’on se trouve en présence de l’obligation d’entretien de l’article 203 du Code civil, et les cas où l’on se trouve en présence de l’obligation alimentaire des articles 205 et suivants du Code civil. Malheureusement la frontière est très floue et comme nous l’avons vu dans les arrêts précédents, elle n’est pas très cohérente. En outre, l’obligation d’entretien tend de plus en plus à supplanter l’obligation alimentaire dans de nombreux cas. 54 Civ. 2ième, 17 juil. 1985, D. 1986, IR 109 28 Mais peut-on exiger de parents qu’ils entretiennent leurs enfants qui se montreraient totalement irrespectueux, ou manqueraient gravement à leurs devoirs ? En effet, il paraît excessif que cette lourde charge que doivent assurer les parents n’ait pas de limites. Puisqu’une fois la condition de poursuite d’études sérieuses éliminée, si on ne permet pas aux parents de sortir de cette obligation, les risques sont énormes. Ainsi, si l’on étend démesurément l’obligation d’entretien, que fera-t-on si un jeune, ayant arrêté ses études se prélasse et ne fait rien ou s’il est absolument indigne avec ses parents ? Il semble donc que ne mettre aucune limite à cette obligation d’entretien soit très dangereux. Cette obligation est trop importante, trop lourde pour n’y mettre aucune contrepartie ni aucune barrière. Il semblerait donc plus logique, qu’à partir du moment où les études ne sont plus en jeu, l’obligation d’entretien prenne fin, puisque la finalité éducative n’a alors plus lieu d’être, et qu’ainsi l’obligation alimentaire prenne le relais. Ainsi ce sont les parents qui doivent entretenir leurs enfants, même si ceux-ci sont devenus majeurs. Mais toutes les familles ne peuvent, à elles seules, subvenir totalement à l’éducation de leurs jeunes majeurs. Ce sont donc les institutions qui vont les aider, afin de permettre à chaque jeune, de quelque famille qu’il vienne de pouvoir poursuivre ses études et obtenir un diplôme lui permettant d’exercer une profession. Car si les familles ne sont pas aidées pour subvenir aux besoins d’un jeune majeur, un certain nombre d’entre elles ne pourra pas permettre au jeune de poursuivre ses études comme il le désirerait. En outre, un jeune représente une charge tellement lourde qu’afin d’encourager les naissances, les aides sont nécessaires. 29 CHAPITRE 2. L’ETAT SOUTIENT LA FAMILLE La charge d’un enfant, qu’il soit mineur ou majeur, est lourde à supporter pour une famille. D’autant plus quand l’enfant grandit et devient jeune majeur. Donc, même si comme nous l’avons vu c’est d’abord à la famille de soutenir le jeune, l’Etat vient cependant en aide à la famille par diverses mesures : soit par des avantages ressentis lors du paiement de l’impôt sur le revenu (section 1), soit par des aides directement versées aux familles (section 2). SECTION 1. LES AIDES INDIRECTES : AVANTAGES FISCAUX LES Lors de l’imposition sur le revenu plusieurs possibilités s’offrent aux parents pour compenser la charge d’un ou plusieurs enfants (§1). Mais ces possibilités ne font pas l’unanimité et sont critiquées par une partie de la doctrine et des associations de familles (§2). §1. Les différents avantages S’il existe un certain nombre d’avantages sociaux pour les familles, les jeunes sont considérés comme étant à charge de leurs parents et peuvent donc profiter de leur système de protection, c’est surtout au niveau fiscal qu’il existe un grand nombre d’avantages pour la famille. En effet, par la fiscalité, certains avantages leur sont accordés pour leur permettre de compenser la baisse du niveau de vie engendrée par la présence d’enfants au foyer. Ces avantages se font de trois manières différentes : en prenant en compte le nombre de personnes au foyer (A), en n’imposant pas certains revenus (B) et en procédant à des réductions d’impôts (C). 30 A. Un possible rattachement de l’enfant au foyer fiscal de ses parents Tout d’abord, l’enfant est considéré comme étant à la charge de ses parents, de plein droit, jusqu’à sa majorité. L’enfant majeur célibataire quant à lui peut demander le rattachement au foyer de ses parents s’il est âgé de moins de 21 ans, de moins de 25 ans s’il poursuit ses études ou quel que soit son âge s’il effectue son Service National. Par le rattachement va jouer le quotient familial : système qui permet de diviser le revenu imposable par le nombre de parts que comporte le foyer. Le calcul de ce nombre de parts est très simple : un célibataire vaut une part, un couple en vaut deux. Leurs premier et deuxième enfants vaudront une demi-part chacun, et à partir du troisième, chaque enfant vaudra une part entière. Le barème quant à lui, s’appliquera à chaque part. Ainsi, à revenu égal, l’impôt va diminuer avec le nombre d’enfants. Par ce mécanisme du quotient familial, on reconnaît qu’un enfant à charge coûte cher et on diminue le montant de l’impôt à payer. Et permettre le rattachement du jeune majeur au foyer (jusque 21 ans ou 25 ans s’il poursuit ses études) reflète la situation réelle des familles qui doivent assurer l’entretien de leurs enfants de plus en plus longuement. A partir du moment où l’enfant est rattaché fiscalement au foyer de ses parents, ceuxci devront déclarer les revenus qu’aurait pu percevoir le jeune majeur. Un jeune couple marié peut également demander le rattachement au foyer fiscal des parents de l’un d’entre eux. Pour cela il suffit que l’un des jeunes conjoints réponde aux conditions que nous avons citées (moins de 21 ans, moins de 25 si poursuit ses études ou quel que soit l’âge si effectue son Service National ou est infirme). Dans ce cas, le rattachement est global, c’est-à-dire qu’il comprendra nécessairement toutes les personnes composant le foyer de celui qui demande le rattachement. Evidemment le jeune couple ne peut demander son rattachement qu’à un foyer, celui des parents de l’un ou de l’autre. Dans ce cas, l’opération ne se traduit pas par une augmentation du quotient familial, mais par un abattement de 23 630 F sur le revenu imposable par personne ainsi rattachée (soit pour un couple avec un enfant : 70 890 F). 31 B. Une non imposition de certains revenus La fiscalité agit également en faveur des familles, en permettant que toutes les prestations qu’elles reçoivent ne soient pas imposables. Ainsi cela évite qu’une prestation familiale fasse par exemple basculer une famille d’une tranche à l’autre, ce qui pourrait lui être désavantageux. Pour les étudiants également, toutes les bourses d’études accordées par l’Etat ou les collectivités locales sur critères sociaux, ainsi que les indemnités versées par les entreprises à des étudiants pour un stage obligatoire ne sont pas imposables. De même, un jeune qui est en contrat d’apprentissage ne déclarera au titre de ses revenus, que la fraction de son salaire qui dépasse 46 800 F. Or pour une famille où le jeune adulte est encore à charge fiscalement, cela peut éviter une brusque montée des revenus imposables du foyer. C. La déduction de certaines dépenses Une autre forme de déduction est possible : la déduction de la pension alimentaire versée à un enfant majeur. Mais deux précisions doivent être immédiatement apportées : tout d’abord la pension alimentaire se déduit du revenu imposable. Il ne s’agit pas, contrairement aux frais de scolarité, d’une réduction d’impôt, voire d’un crédit d’impôt dans le cas d’une personne non imposable. C’est-à-dire que dans le cas de la pension alimentaire, sa déduction permettra seulement une diminution de revenu à partir duquel le montant de l’impôt sera calculé. La seconde précision est que cette déduction n’est possible que pour les enfants qui ne sont pas rattachés au foyer fiscal et ne sont ainsi pas comptés dans la détermination du nombre de parts. Cette déduction peut s’effectuer quel que soit l’âge de l’enfant et sa situation. Cependant il faut fournir la preuve du versement effectif de la pension alimentaire et de l’état de besoin du bénéficiaire. Ce qui d’ailleurs pose fréquemment problème dans le cas de parents donnant de l’espèce de main à main à leur enfant, ils n’ont ainsi aucune preuve de versements et fiscalement ils ne peuvent donc pas déduire ces sommes. Le mieux est donc, pour les parents, d’effectuer un virement de compte à compte à chaque versement en faveur de leur enfant. Le montant de cette déduction est limité par la loi à 32 la somme de 23 360 F par enfant et par an ( pour la déclaration des revenus 2000 ) et évidemment elle est imposable pour l’enfant dans les mêmes limites. Cette limite sera doublée si l’enfant majeur est chargé de famille ( quel que soit le nombre d’enfants à sa charge ). Si l’enfant est marié, la limite sera également de 23 360 F si les beaux-parents participent aussi à l’entretien du jeune ménage, mais elle sera doublée dans le cas contraire. Si l’enfant vit sous le toit du contribuable, mais donc sans être rattaché fiscalement, la déduction pourra se faire dans une limite de 18 140 F par enfant. Le rattachement du jeune majeur au foyer permet également, lorsque celui-ci poursuit ses études, de déduire une somme forfaitaire du montant de l’impôt, somme correspondant aux frais de scolarité. Ainsi pour un enfant poursuivant des études secondaires de second cycle ( lycée ), la réduction d’impôt sera de 1000 F et elle sera de 1200 F pour les enfants suivant une formation d’enseignement supérieur. Ainsi, par la fiscalité, les familles trouvent certaines compensations à la charge qui peut être lourde d’un enfant, surtout quand celui-ci est un jeune adulte ou poursuit ses études. Pour l’année 1999, les aides fiscales consenties au titre des enfants majeurs s’élèvent à un montant de 12,8 milliards de francs. Cependant, ces avantages ne sont pas exempts de tous reproches et certaines choses mériteraient sûrement d’être changées. §2. Les critiques Le quotient familial notamment est un mécanisme très critiqué ( A ) et certains proposent de le supprimer ( B ) 33 A. Le quotient familial, un système archaïque Le quotient familial a été instauré par la loi du 31 décembre 1945. Comme nous l’avons dit, il constitue un procédé original de prise en compte des charges de familles. Ce système est quasiment propre à la France (seul le Luxembourg l’utilise également). Il consiste donc à diviser le revenu imposable de chaque contribuable en un certain nombre de parts. Ce nombre est fonction de la situation de famille (célibataire, marié, divorcé, veuf) et du nombre de personnes considérées comme fiscalement à charge55. Mais ce système ne rencontre plus l’unanimité aujourd’hui. Ainsi le Conseil des impôts dans son 11e rapport sur l’impôt sur le revenu56 introduit le sujet en ces termes : « La fiscalité serait grandement simplifiée si l’impôt frappait des revenus individuels, sans s’embarrasser des situations familiales » Trois principales critiques sont évoquées par Bernard Ducamin dans son rapport au ministre du budget publié en 199657, une nous intéressera particulièrement. Selon ce rapport, le quotient familial reposerait sur une mesure imparfaite des unités de consommation. En effet, quand on compare le quotient familial avec les systèmes utilisés par les statisticiens : l’échelle d’Oxford et les études menées par l’INSEE, on se rend compte que ce système ne respecte pas le coût exact de la vie selon la situation familiale et les personnes à charge. Cependant on se rend compte que notre système est relativement désavantageux pour les célibataires, mais est plus favorable aux familles nombreuses, c’est-à-dire de plus de trois enfants. Ce rapport critique également le quotient familial en ce qu’il est en partie détourné de sa fonction d’origine qui est de prendre en compte le nombre d’unités de consommation 55 GROSCLAUDE ( J.) et MARCHESSOU ( P.), Droit fiscal général, 2ième éd., Paris : Dalloz, 1999, p.202 56 CONSEIL DES IMPOTS, rapport sur l’impôt dur le revenu, 1990, JO n°4153 du 5 octobre 1990, documents administratifs, p. 229 57 DUCAMIN (B.), Etudes des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les ménages, Rapport au ministre du budget, Documentation française, Collection des rapports officiels, Paris : 1996, 1er volume p.136 34 vivant au foyer. En effet des demi-parts supplémentaires sont accordées pour des raisons spéciales : pour le fait d’élever seul son enfant, pour le fait d’avoir des personnes invalides ou handicapées au foyer, pour les titulaires de la carte du combattant ayant plus de 75 ans, ou même plus étonnant, pour les personnes célibataires, veuves ou divorcées ayant eu un enfant à charge. Mais la critique qui nous intéresse le plus ici, et qui n’est pas formulée uniquement par ce rapport mais également par un certain nombre d’associations de familles, est que le quotient familial est plus favorable aux familles à revenus élevés. Prenons un exemple chiffré pour bien visualiser le problème : pour la déclaration des revenus 200058, un couple ayant 100 000 F de revenu imposable payera, s’il n’a pas d’enfants : 3 342 F d’impôt et s’il a deux enfants : 51 F d’impôt. Son économie d’impôt sera donc de 3 291 F pour deux enfants. En revanche, un couple disposant de 330 290 F de revenu imposable ( limite à partir de laquelle le quotient familial est plafonné59 ) payera s’il n’a pas d’enfant 142 806 F d’impôt, et s’il a deux enfants, 117 926 F. Son économie est donc de 24 880 F pour deux enfants. Ainsi, plus un couple a des revenus élevés, plus le système du quotient familial l’avantage. Or certains critiquent le fait que cela signifierait que des enfants de riches coûtent plus cher que des enfants de pauvres. D’ailleurs les familles aux revenus les plus faibles donc non-imposables ne profitent pas du tout du système du quotient familial. Mais à cette critique on peut tout de suite objecter que le but du quotient familial n’est pas à caractère social. Son objectif est en effet de limiter les écarts entre deux couples ayant le même niveau de vie, l’un ayant des enfants, l’autre n’en ayant pas. Le quotient familial recherche une équité horizontale et non pas verticale. Son but n’est pas une redistribution des ressources. Il a une politique nataliste. Car il est vrai qu’à même 58 d’après le barème proposé par la brochure pratique 2001 59 cf. supra 35 niveau de ressources la présence d’enfants diminue largement le niveau de vie. C’est dont cela que cherche à éviter le quotient familial : d’où les différences d’économie dans le paiement des impôts entre une famille à revenus élevés et une famille à revenus faibles. Il semble donc que partant d’une politique nataliste, le système du quotient familial joue son rôle. C’est ce que soutient M. Sterdyniak, économiste de l’observatoire français de la conjoncture économique (OFCE)60. Selon lui : « l’absence d’un système de quotient familial dans un système d’impôt progressif doit en toute logique s’analyser comme une surtaxation des familles puisque celles-ci paient alors plus, à niveau de vie équivalent, que les célibataires et les couples sans enfants61. » Cependant certains ne sont pas convaincus par cet argument et veulent la suppression du quotient familial et proposent différents substituts B. Propositions de substituts au quotient familial Ainsi, certains confondant les objectifs sociaux et les objectifs natalistes préconisent une suppression du système du quotient familial privilégiant les familles aux revenus les plus élevés. Trois moyens sont principalement préconisés62 : des abattements sur le revenu imposable, des réductions d’impôts et une augmentation des prestations en espèces. Le conseil des impôts a effectué des calculs sur ce point en se basant sur l’imposition des revenus de 1983 et a chiffré les conséquences que cela engendrerait pour les 60 VERNHOLES (A.), Une étude de l’INSEE sur le quotient familial : les deux faces de l’équité fiscale, Le monde, 2 déc. 1999, p.23 61 STERDYNIAK (H.), Pour défendre le quotient familial, in Deux points de vue sur le quotient familial, Economie et statistique, n°256, INSEE 62 LLAU ( P.) et HERSCHTEL ( M-L.), Quotient familial et situation fiscale des familles, Rev. Fin. Publ., 1986, p. 99 36 familles, c’est-à-dire les principaux transferts de charges entre foyers fiscaux63. Or il apparaît que l’abattement sur le revenu imposable devrait être de 11 400 F par demipart. Cela aurait pour conséquence que 790 000 foyers fiscaux ne seraient plus imposables et 4 700 000 verraient leur imposition diminuer. En revanche, 1 900 000 foyers verraient une augmentation de leur imposition. Mais si un certain effet redistributif vertical apparaît ce serait au détriment des foyers bénéficiant de revenus moyens. Si l’on s’intéresse à une éventuelle réduction d’impôt, celle-ci devrait être de 3 400 F par demi-part. Dans ce cas, 2 290 000 foyers ne seraient plus imposables, 2 980 000 verraient leur imposition diminuer, mais 2 120 000 augmenter. Mais comme pour la mesure précédente préconisée, si l’effet redistributif était atteint, ce serait au détriment des contribuables bénéficiant de revenus moyens. E. Louis et J. de Marcillac ont proposé une suppression du quotient familial et une compensation des charges de famille par l’augmentation des prestations familiales, puisque de toute façon on peut considérer le quotient familial comme « l’extension fiscale des allocations familiales », et qu’à ce titre il est « tout à fait possible de contester l’utilité de cette extension quand on connaît les complications qu’elle génère »64. Mais à moins de les fixer à des niveaux très élevés, toutes ces solutions de substitut au quotient familial corrigeraient beaucoup moins bien que ce dernier les écarts de situations liés à la taille des familles pour celles ayant des revenus moyens et élevés. Or le but du quotient familial comme nous l’avons dit est bien de réduire les écarts créés par la présence d’enfants entre deux familles ayant au départ le même niveau de vie, afin de faire augmenter la natalité. 63 Conseil des impôts, 1985, pp. 134 et 135. 64 MARTEL (P.), L’évolution de l’impôt sur le revenu : quelques réflexions, PA n°34, 17 févr. 1999, p. 7 37 Car il est sûr qu’un enfant coûte cher, même très cher. Cependant il ne coûte pas le même prix selon son âge. Il est certain que si l’on choisissait le système d’un abattement sur le revenu imposable ou d’une réduction d’impôt, ceux-ci pourraient dépendre de l’âge, permettant une aide aux familles plus importante et mieux adaptée. En effet un jeune adulte poursuivant ses études coûte particulièrement cher, surtout si son université est située loin du domicile familial et s’il faut par conséquent mettre à sa disposition un logement indépendant. Ne serait-il pas possible à ce moment-là de permettre un abattement plus élevé pour un jeune poursuivant ses études que pour un jeune au collège par exemple ? Par ces mesures, l’Etat essaye d’aider les familles à surmonter la charge que représente un enfant, mais il est vrai que cette aide serait mieux adaptée si elle variait selon l’âge de l’enfant. Cependant il n’y a pas que fiscalement que l’Etat aide les familles à entretenir les jeunes adultes : il existe un certain nombre d’aides plus ou moins directes versées aux familles afin de les soutenir et certaines de ces aides prennent en compte l’âge du jeune et permet alors une majoration de l’aide. 38 SECTION 2. LES AIDES DIRECTES Si l’Etat accorde des avantages sociaux et fiscaux aux familles, il existe surtout un nombre important d’aides financières. En effet, de nombreux organismes interviennent pour aider les familles, à tel point que cela n’est pas toujours évident de tout connaître et de savoir où s’adresser. Il est intéressant de rechercher les différentes aides qui existent pour les jeunes adultes ainsi que leur fait générateur (§1) avant d’étudier leur modalité de distribution (§2) §1. Les différentes aides Certaines aides sont accordées directement à la famille parce que celle-ci a à sa charge des enfants (A.), d’autres sont accordées afin d’encourager la poursuite des études (B.) A. Aides versées aux familles ayant à charge de jeunes adultes Il existe plusieurs aides versées principalement par les Caisses d’Allocations Familiales (2), mais il est important tout d’abord de définir la notion d’enfant à charge(1). 1) la notion d’enfant à charge au sens des prestations familiales65 En règle générale, il faut que l’enfant soit à la charge effective des ses parents, c’està-dire qu’il faut que de manière effective et permanente ils assurent financièrement son entretien : nourriture, logement, habillement et qu’ils assument à son égard la 39 responsabilité affective et éducative66. Cependant parfois, l’enfant pourra être à la charge d’une personne physique qui aurait ou non un lien de parenté avec lui, si celle-ci dans les faits a bien la charge de l’enfant et que les parents se sont, volontairement ou non, soustraits à leur responsabilité dans ce domaine. Il faut que l’enfant à charge n’ait pas un salaire représentant plus de 55 % du SMIC. En effet on considère que l’enfant ayant des ressources propres supérieures à ce seuil ne peut pas être considéré comme étant à la charge des ses parents au sens des prestations familiales, ce qui n’est pas le cas pour un éventuel rattachement fiscal. A ces conditions se rajoute celle de l’âge. En effet, pour pouvoir donner droit à des prestations familiales, le jeune ne doit pas dépasser un certain âge, âge qui varie selon la prestation familiale. Cela n’a pas toujours été le cas. Ainsi auparavant, selon l’activité du jeune, l’âge limite était différent. Ceux qui étaient inactifs, c’est-à-dire ni étudiants ni apprentis, ne donnaient droit à prestations à leur famille que jusqu’à leurs 17 ans dans les années 1980, puis jusqu’à 18 à partir de juillet 1990, et jusqu’à 19 ans à partir de 1998. Ce n’est qu’à partir du 1er janvier 2000 que l’âge limite est devenu le même pour tous les jeunes, mais différent selon la prestation considérée. 2) les aides principales - Les allocations familiales tout d’abord. Elles sont versées à toutes les familles ayant au moins deux enfants à charge de moins de 20 ans. Elles s’élèvent au 1er janvier 200167 à 703 F pour deux enfants, 1 603 F pour trois enfants auxquels s’ajoutent 901 F par enfant supplémentaire. 65 C.NA.F, Rapport de la commission des Prestations Légales, 10 avril 2001 66 Revue Vie de famille, Guide de vos prestations 2001, supplément de févr. 2001 67 DIF, Rapport sur les aides aux familles auxquelles ouvre droit la charge de jeunes adultes et sur celles qui leur sont versées, 2001 40 Pour les enfants de plus de 16 ans, donc entre 16 et 20 ans, s’ajoute une majoration de 351 F. Ainsi les allocations familiales prennent en compte le fait que plus l’enfant grandit plus il coûte cher. Les allocations familiales représentaient au total ( pour les mineurs et les majeurs ) une somme de 69,4 milliards de francs en 2000. D’après une estimation Echantillon CAF, environ 1 400 000 enfants de 16-19 ans sont couverts par les allocations familiales, soit environ 4 jeunes sur 10 dans cette classe d’âge68. - Le complément familial quant à lui est réservé aux familles assurant la charge d’au moins trois enfants de plus de trois ans et de moins de 21 ans. Au 1er janvier 2001, cette aide s’élève à 915 F par mois. Il y aurait selon la même estimation 500 000 jeunes de 16-20 ans couverts par le complément familial. -Le RMI est versé à partir de 25 ans, mais pour une personne bénéficiant du RMI, les enfants sont considérés à charge jusqu’à leurs 25 ans et donnent droit à une majoration de celui-ci. - De la même façon, les jeunes adultes qui répondent aux critères d’enfant à charge, ici les jeunes de moins de 21 ans, permettent une majoration de l’aide au logement versée à certaines familles. - Il existe encore d’autres aides versées aux familles qui ont en charge de « grands enfants », comme l’allocation de rentrée scolaire ou l’allocation de parent isolé Toutes ces prestations sont donc directement versées aux familles et concernent celles qui ont en charge de « grands enfants ». D’autres sont versées uniquement pour les jeunes adultes qui poursuivent leurs études 68 C.NA.F, Rapport de la commission des Prestations Légales, 10 avril 2001 41 B. Aides à la poursuite de la scolarité Si ces aides sont directement versées au jeune, et non plus à sa famille, on peut toutefois considérer qu’elles aident les familles dans le sens où elles sont accordées en considération de leurs ressources (1). Cependant il ne s’agit bien que d’aides, car le montant est rarement suffisant, ce qui entraîne un certain nombre d’inégalités entre les jeunes (2). 1) les bourses sur critères sociaux Il y a environ 2 900 000 jeunes de 18 à 24 ans qui sont scolarisés (800 000 lycéens et 2 100 000 étudiants). La première des aides importantes de l’Etat est que l’enseignement est gratuit. Ainsi même les jeunes issus de milieux défavorisés peuvent étudier. Mais même si les universités et lycées ne sont pas payants, le coût de la vie étudiante existe. Ainsi pour de nombreux étudiants, la faculté la plus proche du domicile parental peut être très éloignée. Dans ce cas, le jeune est obligé de se trouver un logement indépendant, ce qui coûte très cher à la famille. C’est pourquoi il existe un certain nombre de bourses qui permettent de compenser les dépenses, ainsi que des aides au logement, qui dans ce cas seront directement attribuées aux jeunes. Nous n’évoquerons ici que les bourses attribuées sur critères sociaux, c’est-à-dire en fonction des ressources des parents de l’étudiant. Il existe cinq échelons de bourses. Pour calculer ce à quoi a droit un étudiant, il faut d’abord déterminer les points de charge de l’étudiant, puis ceux de sa famille. S’il est marié on ne prendra en compte que les ressources de son conjoint sauf si elles sont inférieures au SMIC. Ainsi, pour les charges de l’étudiant, on regardera : la distance entre l’établissement d’inscription et le domicile familial, si l’étudiant est atteint d’une incapacité, s’il est marié et s’il a des enfants à charge. Pour les charges de la famille, on prend en compte le nombre d’enfants autres que le candidat à la bourse, et le fait qu’ils 42 soient ou non également dans l’enseignement supérieur, et si l’étudiant est élevé par un seul de ses parents. Ensuite, selon les points de charge et les ressources de la famille, l’étudiant pourra obtenir ou non une bourse du niveau zéro au niveau cinq. Le niveau zéro permet juste une exonération de paiement des droits d’inscription universitaire et de sécurité sociale étudiante, et donne, ce qui n’est pas négligeable, le statut de boursier, ce qui permet de nombreux avantages supplémentaires ( transports, aide au logement…) Ensuite l’échelon 1 donne droit à une bourse d’un montant annuel de 7 524 F, l’échelon 2 : 11 286 F, l’échelon 3 : 14 544 F, l’échelon 4 : 17 712 F, l’échelon 5 : 20 682 F69 2) l’inégalité entre les étudiants Ces bourses ont concerné 425 321 étudiants pour l’année universitaire 1999-2000. 43 % de ces boursiers ont perçu le montant maximal. Sur les 2 100 000 étudiants, ce chiffre peut paraître un peu bas puisqu’il représente moins d’un quart des étudiants. Or certaines familles peuvent se situer juste au-dessus du seuil et connaître de réelles difficultés. Dans le livret du CROUS70, la phrase explicative indique bien le fondement de cette bourse : « L’application de l’article 203 du Code Civil fait obligation aux parents de subvenir aux frais d’études et d’entretien de leurs enfants étudiants, en proportion de leurs ressources même s’ils sont majeurs, même s’ils ne résident pas sous leur toit, même s’ils sont mariés, dans la mesure de leurs moyens. Si les revenus des parents sont jugés insuffisants, l’Etat intervient pour aider suivant un barème. » Ainsi, ces bourses sont vraiment destinées aux familles disposant de revenus trop faibles pour pouvoir subvenir aux besoins de leurs enfants. Cependant il ne faut pas se leurrer, le montant reste assez faible, ou du moins ne permet pas de subvenir à tous les besoins du jeune étudiant. Celui-ci est obligé de recevoir un complément d’aide de ses parents, 69 Le guide du CROUS de Lille pour l’année universitaire : 2000-2001 70 idem 43 comme le veut l’article 203 du Code Civil. Or ce qui pose problème, c’est que certaines familles ne peuvent ou ne veulent plus après un certain âge continuer de subvenir aux besoins du jeune en difficulté. Bien souvent le jeune sera alors obligé de trouver un « job étudiant » pendant l’année scolaire pour pouvoir se payer ses études. Or cela fait naître une véritable inégalité entre ces jeunes et ceux qui n’ont pas besoin de travailler. Car il n’est pas facile de mener de front études et emploi. En outre si dans certains pays européens les horaires des étudiants peuvent leur permettre de travailler à côté de leurs études, c’est loin d’être le cas en France. En effet, souvent, dans les autres pays, les cours sont dispensés le matin et les étudiants disposent de leur après-midi. En France on parle d’emploi du temps « gruyère » : les étudiants bien souvent se retrouvent avec des cours de 8h à 20h avec des plages horaires non utilisées en milieu de journée. Il est alors très difficile dans de telles conditions de s’aménager un temps pour un travail en dehors des études. En effet, en France, il y a moins d’un étudiant sur dix qui cumule un emploi et des études, contre trois sur dix en Allemagne, au Royaume-Uni, au Pays-Bas ou en Suède, et six sur dix au Danemark71. Cependant, il est vrai que certains efforts sont tentés. Ainsi les universités prévoient un régime d’étudiants salariés, leur permettant une plus grande flexibilité pour pouvoir concilier leur emploi et leurs études. Ils peuvent donc choisir notamment leurs groupes de travaux dirigés quand cela est possible. Mais cela demeure insuffisant et comme les chiffres l’indiquent, peu de jeunes arrivent à concilier les deux. Ainsi, si l’Etat participe à l’entretien des jeunes adultes, ce n’est qu’un soutien, une aide, qui n’étant pas suffisante demande une forte implication de la famille en priorité. Les modalités de distribution de ces aides ont connu une certaine évolution et fait naître un certain nombre de questions. 71 Avis du Conseil Economique et Social présenté par M. Hubert BRIN, Familles et insertion économique et sociale des adultes de 18 à 25 ans, 2001. 44 §2. Modalités de distribution Lorsque l’on évoque les prestations familiales, deux principaux problèmes se posent : doit-on les soumettre ou non à condition de ressources (A.) et vaut-il mieux aider le jeune à travers sa famille ou directement (B.) ? A. Conditions de ressources Les allocations familiales notamment ont connu récemment une forte évolution en la matière pour en revenir à un abandon de la condition de ressources (1), cependant le bénéfice d’un certain nombre d’autres aides est conditionné par les ressources dont dispose la famille (2). 1) les allocations familiales Toute la question est de savoir si les allocations familiales doivent être distribuées à tous ou uniquement aux familles les plus pauvres. Or « dans la pureté du système social français, l’allocation familiale constitue une prestation forfaitaire et objective, délivrée uniformément à tous les ménages en raison de leur taille et sans considération de fortune. »72 En réalité, c’est le même problème que pour les avantages fiscaux, certes une distribution verticale des richesses est à rechercher mais si l’on se base sur la politique nataliste, le but étant d’encourager les naissances, les allocations familiales doivent être distribuées à tous. Or en 1997, lors des débats parlementaires relatifs au vote de la nouvelle loi sur le financement de la sécurité sociale, a été posée la question de l’existence d’une politique 72 PONTON-GRILLET (D.), Premier regard sur la nouvelle politique familiale, Dr. Famille, févr. 1998, n°2, p. 4 45 familiale à « double vitesse », favorable aux familles déshéritées et socialement neutre à l’égard des plus fortunés.73 C’est ainsi que l’article 23 de la Loi du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 a conditionné le versement des allocations familiales à une condition de ressources : le plafond a été fixé à 25 000 F net par mois, majoré de 7 000 F lorsque les deux parents travaillent ou lorsque l’un élève seul ses enfants, et de 5 000 F par enfant supplémentaire. Le Conseil Constitutionnel a été saisi par les parlementaires, mais il n’a pas retenu l’existence d’un principe fondamental d’universalité des allocations familiales. Il a estimé, dans un avis du 18 décembre 1997, qu’un principe n’est fondamental que s’il a toujours été respecté et ce de manière constante, ce qui n’est pas le cas puisque les allocations ont longtemps été réservées aux familles de salariés, d’où la conclusion que les allocations familiales n’étaient pas universelles74. Pourtant, on est loin des idées qui ont engendré le dispositif des prestations familiales en 1932 d’abord, puis dans le plan français de Sécurité sociale de 1945. En effet les principes étaient clairs : le but était la compensation des charges familiales. Il n’était pas question de procéder à une redistribution verticale ( les riches et les pauvres ) mais à une redistribution horizontale ( les bien portants et les malades, les actifs et les retraités, les célibataires et les chargés de famille ).75 En fin de compte, la politique familiale devient un instrument pour résoudre la question sociale. Or si les familles ne sont pas aidées quand elles ont la charge d’un enfant, le risque de voir la natalité encore chuter existe fortement. Mais cette mise sous condition de ressources a été tellement critiquée qu’après une large concertation avec les associations familiales, les partenaires sociaux et les acteurs 73 idem 74 BENOIT (A.), Feu vert pour la mise sous condition de ressources des allocations familiales, Dr. Famille, févr. 1998, p. 25 75 LAGRAVE (M.), Une forme d’impôt négatif : les conditions de ressources affectant les prestations familiales, Rev. Fin. Publ., 1986, n°14, p. 99 46 de terrain, le Gouvernement a annoncé lors de la conférence sur la famille du 12 juin 1998 le retour à l’universalité des allocations familiales par la suppression du plafond de ressources conditionnant leur octroi. En contrepartie, l’avantage fiscal lié au quotient familial est plafonné. Le montant maximum d’avantage accordé par le quotient familial est de 12 440 F par demi-part, avec quelques exceptions. Ainsi pour un couple avec un enfant, au dessus de 330 290 F de revenu imposable, l’avantage procuré par le quotient familial se limitera à 12 440 F. Ainsi, les allocations familiales ont retrouvé leur raison d’être, mais toutefois par le plafonnement du quotient familial, on évite une véritable redistribution horizontale. De plus, de nombreuses autres aides sont soumises à conditions de ressources. 2) les autres aides sous conditions de ressources Comme nous l’avons dit tout à l’heure, les bourses versées aux étudiants le sont sur critères sociaux, c’est-à-dire en considération des ressources des parents, mais c’est également le cas du complément familial ou des aides au logement… Ainsi on peut se demander si cela est normal. Certes nous avons dit que c’est bien à la famille, en priorité, de subvenir aux besoins du jeune. Mais cela nous fait nous poser la question du fait générateur des prestations familiales : est-ce le jeune lui-même ou le fait familial ? 76 Si c’est le jeune, les ressources des parents ne doivent évidemment pas être prises en compte. Et alors ne devrions nous pas aller plus loin et nous demander si ces prestations versées en raison de l’existence du jeune ne devraient pas lui être directement données ? 76 PONTON-GRILLET, op cit 47 B. Les allocataires des prestations Les jeunes âgés de 16 à 24 ans peuvent être traités de deux façons différentes par le système des prestations familiales. Selon leur activité, leur situation familiale et leur âge, les jeunes seront considérés comme enfants à charge ou bien comme allocataires en titre. Evidemment le cumul des deux est impossible. Ainsi, dans le premier cas de figure, les allocataires seront les parents, ils percevront directement les prestations et les jeunes n’en bénéficieront donc qu’indirectement. Mais dans le second cas de figure, les allocataires seront les jeunes et ils percevront donc à ce titre directement les allocations. Il faudra donc souvent, selon la situation familiale, les revenus ou d’autres critères, faire un calcul pour trouver la solution la plus avantageuse. Mais après 20 ans, les jeunes ne sont plus considérés comme enfants à charge : ils sont donc directement couverts par les prestations familiales, mais seulement alors s’ils ont une charge de famille ou une charge de loyer, ou s’ils sont handicapés : sinon ils n’ont aucun droit. Il se trouve qu’ainsi, le système apporte une aide limitée aux jeunes adultes77. Et ceux qui habitent chez leurs parents sans charge d’enfant demeurent totalement exclus des prestations familiales : ils n’ouvrent plus droit à prestation78 et n’ont pas de motif pour devenir eux-même allocataires. La question reste donc, si ce système ne convient pas, de savoir s’il vaut mieux allonger l’âge pendant lequel le jeune peut être considéré à la charge de sa famille, ou s’il faut plutôt lui permettre de toucher directement des aides. Pour Isabelle Amrouni79, le choix de prolonger l’âge pendant lequel le jeune serait à la charge de sa famille est 77 AMROUNI (I.), Les prestations familiales perçues par les 16-24 ans, Echanges-Santé sociale, n°90, juin 1998 78 excepté pour les familles bénéficiaires du RMI où les enfants de 20-24 ans ouvrent droit à une majoration des droits. 79 Direction de la recherche, des prévisions et des statistiques, Caisse Nationale des allocations familiales. 48 discutable puisqu’il se fonde sur un postulat voulant que les relations familiales soient harmonieuses et désirées par tous, ce qui n’ est pas toujours le cas, et en outre cela, selon elle, crée une dépendance matérielle des jeunes vis-à-vis de leurs parents, ce qui n’est pas nécessairement souhaitable80. En effet, ne vaudrait-il pas mieux à partir d’un certain âge permettre au jeune de s’assumer et d’avoir des responsabilités ? Cela ne lui permettrait-il pas plus vite de pouvoir s’assumer seul ? Car finalement c’est le but de tout : parvenir à ce que le jeune, de lui même, puisse subvenir à ses besoins. Cependant, même si cette idée de responsabiliser les jeunes semble intéressante, il est indéniable que dans les faits, la famille continue souvent d’aider le jeune après ses 20 ans. Mais il existe également un grand nombre d’aides destinées justement à insérer le jeune dans le marché du travail, en bref à le faire s’assumer. Mais faut-il pour autant aller jusqu’à permettre une véritable autonomie du jeune ? 80 AMROUNI, op. cit. 49 PARTIE 2 - L’AIDE DIRECTE DE L’ETAT AU JEUNE L’Etat se pose de plus en plus de questions sur l’autonomie des jeunes qui survient de plus en plus tard. Son but est donc d’aider le jeune à parvenir le plus rapidement possible à s’insérer et donc à pouvoir subvenir lui-même à ses besoins (Chap.1). Cependant, depuis quelques temps, certains se posent la question de l’efficacité de l’adaptation de ce système et proposent de pourvoir les jeunes d’une véritable autonomie financière (Chap. 2). CHAPITRE 1. SUBVENIR PAR LUI MEME A SES BESOINS « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi »81. Or en effet, pour que le jeune subvienne à ses besoins, pour qu’il soit autonome, il faut qu’il ait un emploi lui permettant de gagner sa vie. Mais cela n’est pas évident pour certains, d’où l’existence de nombreuses aides à l’insertion (Section 1), et dans l’attente de cette insertion dans le monde du travail, afin de pouvoir mener cela à bien, existent des aides complémentaires très variées (Section 2). 81 Préambule de la constitution du 27 octobre 1946 50 SECTION 1. DES AIDES A L’INSERTION Au milieu des années 70 est apparue ce que l’on appellera une « politique de l’emploi » (§1) dont le but est d’aider le jeune à s’insérer dans le monde du travail par la création de contrats spéciaux et de programmes d’insertion (§2). §1. La politique de l’emploi Le but de la politique de l’emploi est de freiner le chômage (A) et cela va se faire tout d’abord par la formation des jeunes, le manque de diplôme étant l’un des facteurs de difficulté d’insertion (B). A. Naissance de la politique de l’emploi Si le chômage existe depuis longtemps : il est vrai qu’il y a toujours eu des personnes ne trouvant pas d’emploi du fait de la conjoncture économique, ce n’est que récemment que ce problème se pose avec une certaine acuité. C’est notamment au lendemain du choc pétrolier de 1973 marquant la fin des « trente glorieuses » que celui-ci va augmenter de manière inquiétante. Il y avait ainsi en 1970 : 400 000 chômeurs, en 1976 : un million, puis deux en 1981, trois en 1992 et trois et demi en 199782. On se rend compte dès le milieu des années 70 que le plein emploi est un but lointain dont on ne pourra se rapprocher que par une politique de l’emploi qui se doit de freiner la progression du chômage et d’en atténuer les conséquences. Deux axes sont donc présents dans la politique de l’emploi. Tout d’abord il faut atténuer les conséquences du chômage : pour cela il faut prévoir une indemnisation de la période d’inactivité pour procurer au chômeur un « revenu de remplacement ». Cependant cette indemnisation n’est pas une fin en soi puisque le but ultime est de freiner la progression 82 BORGETTO (M.) et LAFORE (R.), Droit de l’aide et de l’action sociales, 3ième édition, Paris : Montchrestien, 2000. 51 du chômage et donc d’essayer par tout moyen d’aider les chômeurs à trouver du travail. Pour cela on va s’intéresser aux causes du chômage, en l’occurrence de celui des jeunes. On constate que c’est le manque de formation des jeunes qui les empêche d’accéder au monde du travail et c’est donc le premier motif qui est invoqué pour légitimer une politique de l’emploi en direction des jeunes83. A ce premier motif de manque de formation s’ajoute celui d’une insuffisante confrontation au monde du travail. Pour combattre ces deux premiers motifs, la politique de l’emploi va développer un certain nombre d’aides et de programmes à la formation. Mais un ensemble de considérations sur la différence entre le coût d’embauche d’un jeune et ce qu’il rapporte à l’entreprise va entraîner un autre mode de lutte contre le chômage. Puisque le salaire du jeune est trop élevé par rapport à sa valeur, on va baisser le coût de l’embauche des jeunes pour l’employeur. Pour cela on pourra par exemple transformer en stage la première expérience du jeune, ou verser une prime pour récompenser la formation que l’entreprise qui emploie effectue, ou encore réduire le salaire directement en fonction de l’âge. Cependant il faut être conscient que dans les faits, un jeune est toujours moins payé qu’une personne ayant de l’ancienneté dans l’entreprise. En effet, l’ancienneté fait souvent bénéficier la personne de nombreux avantages dont ne dispose pas la personne entrant dans l’entreprise. Par cela, on peut donc considérer qu’un jeune est déjà moins rémunéré qu’un ancien. Quant au salaire qui serait diminué avec l’âge, on se souvient de la tentative de Monsieur Balladur d’instaurer, en 1994, un « SMIC jeune ». Celui-ci a été largement décrié et critiqué par l’ensemble de la population, et de nombreuses manifestations de jeunes ont eu lieu. La France va donc connaître une longue série de variations dans les politiques de l’emploi intéressant les jeunes. Mais on retrouvera toujours deux grands pôles : d’une part l’importance de la formation, d’autre part des programmes d’insertion destinés à aider les jeunes à entrer dans le monde du travail. 83 Revue Questions de Sécurité Sociale n°566, mars 2001 , p. 11 52 B. Aides à la formation Comme nous l’avons dit, un des principaux facteurs du chômage des jeunes est leur manque de formation. Pour corriger cela il existe des aides à la formation sous la forme de cours (1) ainsi que des contrats spéciaux permettant cette formation directement en entreprise (2). 1) reprise de la formation Pour de nombreux jeunes, le problème est leur manque de formation : l’école n’étant obligatoire que jusque l’âge de 16 ans, nombre d’entre eux ont dès cet âge cessé leur scolarité : soit pour trouver du travail, soit pour d’autres raisons. Mais il est de plus en plus difficile de trouver une profession sans aucune qualification. C’est pour cela qu’il existe des possibilités d’obtenir une telle qualification. Cela existe tout d’abord pour les personnes de plus de 25 ans : ainsi le Conseil Régional propose des bourses de la formation professionnelle destinées à permettre la requalification de demandeurs d’emploi par un retour en formation initiale professionnelle diplômante et qualifiante. Mais il existe d’autres possibilités pour les jeunes. Ainsi pour un jeune au chômage, il est possible de suivre une formation lui permettant une qualification : les conditions sont d’une part de ne pas être chômeur de longue durée et d’autre part de ne pas être en fin de droit. Mais donc, pour accéder à cette formation, il faut avoir déjà travaillé pour être couvert par le régime des ASSEDICS. Ce sont alors eux qui payent la formation. Pour les jeunes n’ayant jamais travaillé, la CNASEA84 les rémunère pour une telle formation à hauteur d’environ 2 000 F par mois. Enfin il existe d’autres formations professionnelles qui ne sont pas rémunérées directement mais pour lesquelles existe un défraiement de 600 à 900 F par mois pour le transport et les repas.85 84 Centre Nationale pour l’Aménagement et l’Exploitation des Structures Agricoles 85 Rencontre avec Mme ROMAN, Conseil Régional du Nord-Pas de Calais, direction de la formation initiale et supérieure. 53 Toutes ces formations permettent d’obtenir l’équivalent du baccalauréat, ou d’autres diplômes qualifiants. Se pose alors la question de la justification de la rémunération de ces formations. N’estce pas créer un manque de responsabilisation chez le jeune ? Si certains peuvent le penser, il semble cependant que tout le monde puisse avoir le droit à une seconde chance de se qualifier. Grâce à ces formations, de nombreux jeunes adultes peuvent acquérir la qualification indispensable à l’exercice de la profession de leur choix. En dehors de ces formations plus théoriques, le problème étant souvent la non accoutumance des jeunes au monde du travail, il existe plusieurs contrats spéciaux permettant une formation en alternance en entreprise. 2) formation en alternance Il existe des stages de formation ainsi que quatre sortes de contrats de formation en alternance : le contrat de qualification, le contrat d’apprentissage, le contrat d’orientation et le contrat d’adaptation à un emploi86. Les stages de formation s’adressent notamment aux jeunes demandeurs d’emploi. Ils sont financés essentiellement par l’Etat et les régions, qui rémunèrent, avec l’UNEDIC et les entreprises d’accueil, les stagiaires. Les contrats de formation en alternance quant à eux permettent d’embaucher des jeunes dont la rémunération représentera une partie du SMIC. Le contrat de qualification est un contrat à durée déterminée de 6 à 24 mois en entreprise durant lequel un quart du temps est consacré à la formation. Son objet est d’acquérir une qualification professionnelle reconnue ou en voie de reconnaissance. La rémunération varie entre 30 et 75 % du SMIC. Les employeurs bénéficient quant à eux d’une aide forfaitaire et d’une exonération des cotisations patronales. 86 DIF, Rapport sur les aides aux familles auxquelles ouvre droit la charge de jeunes adultes et sur celles qui leur sont versées, 2001 ; Rapport du Conseil Economique et Social présenté par M. Hubert BRIN, Familles et insertion économique et sociale des adultes de 18 à 25 ans, 2001. 54 Le contrat d’apprentissage a une durée qui varie de un à trois ans. Le but est d’assurer à un jeune travailleur une formation professionnelle méthodique et complète, dispensée pour partie en entreprise et pour partie en centre de formation d’apprentis. La rémunération varie entre 25 et 78 % du SMIC. L’employeur dispose d’une aide forfaitaire et d’une exonération partielle des cotisations patronales. Le contrat d’orientation est un contrat de 9 mois réservé aux moins de 22 ans sans le baccalauréat ou de 6 mois réservé aux moins de 25 ans sans diplôme de l’enseignement supérieur. Son but est de permettre aux jeunes rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi de s’insérer dans la vie professionnelle en favorisant leur orientation par une première expérience en entreprise. La rémunération est de 30 à 65 % du SMIC. L’employeur dispose d’une aide forfaitaire et d’une exonération des cotisations patronales. Le contrat d’adaptation à un emploi, enfin, a une durée de 6 à 12 mois. Par ce contrat, l’entreprise s’engage à apporter au jeune une formation complémentaire à sa qualification pour lui permettre de s’adapter à un emploi ou à un type d’emplois. La rémunération ne peut être inférieure au SMIC et à 80 % de la rémunération conventionnelle. L’employeur bénéficie d’un remboursement forfaitaire des dépenses de formation. Au 31 décembre 2000, plus de 590 000 jeunes de moins de 26 ans suivaient une de ces formations en alternance. Ainsi, par tous ces contrats, l’Etat aide le jeune à se former. Car bien souvent c’est le manque de formation et d’expérience du monde du travail qui dissuade l’employeur d’embaucher un jeune. Par ces contrats, le jeune va acquérir une formation solide ainsi qu’une première expérience du monde du travail qui l’aidera par la suite dans sa recherche d’emploi. Certes, la rémunération de ces contrats n’est pas élevée mais elle est totalement ou partiellement exonérée d’impôts et surtout ce type de formation, passage quasi obligé pour de nombreux jeunes, offre d’une part une expérience et d’autre part une aide réelle efficace. Et à côté de ces aides à la formation il existe en outre de véritables programmes d’insertion destinés aux personnes les plus en difficulté. 55 §2. Les programmes d’insertion Pour faciliter l’insertion des jeunes, divers « emplois aidés » ont été créés (A), et pour les plus éloignés de l’emploi a été instauré le programme TRACE, trajet d’accès à l’emploi, véritable accompagnement individualisé jusqu’à l’emploi (B) A. Emplois aidés Le préambule de la constitution de 1946 prévoyait déjà comme principe particulièrement nécessaire à notre temps le droit d’obtenir un emploi. C’est donc à l’Etat d’assurer à chacun cette possibilité. Mais avec l’augmentation croissante du chômage, l’Etat a du rechercher de nouveaux axes afin de relancer l’emploi chez les jeunes. Après la création de contrats particulièrement destinés aux jeunes en difficulté (1), la création des « emplois-jeunes » en 1997 remporte un grand succès (2). 1) les aides vers les jeunes en difficulté Il existe notamment trois contrats spéciaux créés pour les jeunes qui ont le plus de difficulté à s’insérer : le contrat emploi-solidarité (CES), le contrat emploi consolidé (CEC), et le contrat initiative-emploi (CIE). Ces trois contrats sont ouverts aux demandeurs d’emploi remplissant certaines conditions (bénéficiaires du RMI, de l’ASS, de l’API87…) ou, ce qui nous intéresse ici, aux jeunes de 18 à 26 ans « en difficulté particulière d’insertion », « d’accès à l’emploi », « ayant abandonné leur scolarité ». A la différence des contrats de formation en alternance, les jeunes titulaires d’un tel contrat ont une rémunération au moins égale au SMIC. Les employeurs bénéficient d’une exonération de cotisation. Ces contrats ont une durée minimale de 12 mois. 87 Revenu Minimum d’Insertion, Allocation Sociale Spécifique, Allocation pour Parent Isolé. 56 Plus de 100 000 jeunes étaient concernés par ces contrats à la fin de l’année 200088. Cependant ce chiffre est en diminution car ces contrats ont fait l’objet d’un recentrage vers les jeunes les plus en difficulté, conformément aux objectifs de la loi de lutte contre les exclusions. La création des emplois jeunes en 1997, va remporter un grand succès et permettre à de nombreux jeunes de trouver un emploi. 2) les emplois jeunes Créés par la loi du 16 octobre 1997 dans le cadre du programme : «Nouveaux Services – Emplois Jeunes », ces emplois sont dans la lignée d’une succession de diverses formes d’emplois aidés dans le secteur non marchand. Ces emplois combinent deux objectifs : faciliter le recrutement d’une population particulièrement en difficulté et créer des activités dans un domaine où l’utilité sociale est reconnue mais que le marché ne prend pas en charge car il n’y a pas de demande solvable et que l’action publique n’a pas choisi de promouvoir. Cette idée de lier la lutte contre le chômage à la création de nouveaux emplois justifiés par leur utilité sociale remonte à la naissance de la politique de l’emploi dans les années 7089. Toutefois après la création des emplois d’utilité collective (EUC) et des travaux d’utilité collective (TUC) en 1984, les pouvoirs publics avaient abandonné cette idée de création massive de nouvelles activités pour se concentrer sur l’insertion sociale et professionnelle. Ainsi, c’est de façon originale que ce programme reprend cette idée. Mais ces contrats ne doivent surtout pas apparaître comme des « bouchetrous » ou des « petits boulots »90 : ils sont destinés à répondre à des besoins collectifs insatisfaits : aide aux personnes âgées et aux enfants, qualité de vie, sécurité, culture, loisirs, environnement… « le ministre de l’emploi a, surtout, voulu rompre avec la 88 DIF, Rapport sur les aides aux familles auxquelles ouvre droit la charge de jeunes adultes et sur celles qui leur sont versées, 2001 ; Rapport du Conseil Economique et Social présenté par M. Hubert BRIN, Familles et insertion économique et sociale des adultes de 18 à 25 ans, 2001. 89 SIMONIN (B.), Emplois jeunes : bilan et perspectives, Regards sur l’actualité, avril 2001, n°270, p. 33 90 Emploi des jeunes, AJDA, janv. 1998, Chron. de législation, p. 54 57 logique des TUC, SIVP et autres CES, des contrats temporaires qui correspondent rarement à des besoins, à des activités ou à des métiers bien définis, mais servent surtout à dégonfler les statistiques du chômage »91. Le but est de pérenniser ces emplois, c’està-dire qu’on parie sur le fait que ces emplois vont créer un besoin que la population ne connaissait pas encore réellement, et qu’à terme le public sera prêt à payer pour la satisfaction de ses besoins, et qu’ainsi l’Etat pourra suspendre ses subventions. Ces contrats doivent être à durée indéterminée ou à durée déterminée de 60 mois. Ainsi, il s’agit de contrats longs permettant une véritable insertion du jeune. A l’issue de ce contrat il disposera d’une véritable expérience. Il a une rémunération au minimum égale à celle du SMIC. L’Etat verse une subvention à l’employeur d’un montant de 80 % du SMIC. Cette aide est très importante et le coût est énorme pour l’Etat : cela représente 92 000 F par poste et par an pendant cinq ans. Or en cela, le texte de la loi de 1997 n’est pas fidèle au programme socialiste qui parlait de simplifier de façon drastique ces aides sans augmenter les dépenses publiques. Car non seulement, aucune simplification n’a eu lieu, mais le coût d’un tel emploi jeune dépasse largement le coût des autres emplois aidés92. Cependant, le but à atteindre était de 350 000 emplois en trois ans, et on n’est pas très loin de ce chiffre. Ainsi, au 31 décembre 2000, 283 000 jeunes ont été recrutés dans le cadre de ce programme. Pour l’instant les bénéficiaires de ces emplois se disent satisfaits. Pour savoir si ce programme est un véritable succès, il faudra attendre et voir si les activités créées seront pérennisées lors de sa fin. Pour les personnes qui présentent des difficultés encore plus importantes pour s’insérer, existe le programme TRACE qui permettra un véritable accompagnement individualisé jusqu’à l’emploi. 91 BEZAT (JM.), SIVP : stage d’initiation à la vie professionnelle, Le Monde, 21 août 1997 92 SAVATIER (J.), L’aide aux emplois-jeunes, Dr. social, nov. 1997, p. 908 58 B. Le programme TRACE Le programme TRACE, trajet d’accès à l’emploi, institué par la loi d’orientation du 29 juillet 1998 vise les jeunes les plus éloignés de l’emploi, c’est-à-dire cumulant des difficultés d’ordre professionnel et social. Il a pour ambition de répondre à celles-ci et aux attentes de ces jeunes en leur proposant un parcours individualisé destiné à leur permettre l’accès à un emploi durable. L’article 5 de la loi du 29 juillet 1998 donne avec précision la définition du public visé. Il s’agit des jeunes les plus éloignés de l’emploi qui rencontrent des difficultés liées à la combinaison de deux séries de facteurs : une sortie du système scolaire sans diplôme ni qualification professionnelle et des handicaps sociaux, personnels ou familiaux qui donnent à leur candidature peu de chances de succès sur les offres d’emploi, dans les conditions habituelles du marché du travail93. Les jeunes sont informés par les missions locales et s’inscrivent auprès d’elles. Il s’agit donc d’un véritable accompagnement personnalisé et continu qui peut durer jusque 18 mois et dont l’objectif est l’accès à un emploi durable. De plus, les jeunes bénéficiaires du programme sont automatiquement affiliés au régime général de la sécurité sociale, ce qui leur assure, en attendant de trouver un travail, d’être protégés. Pour que l’accompagnement soit bien personnalisé, il faut identifier les difficultés que rencontre le jeune et lui proposer des solutions et construire avec lui une stratégie d’insertion. Nous avons rencontré le personnel de l’Espace Réussir de Lille, qui est le service d’accompagnement de la mission locale de Lille. L’Espace Réussir a mis en place dans le cadre du programme TRACE, en juillet 1999, le diagnostic social94. Il est établi à la première rencontre avec le jeune. Ce rapport confidentiel sur le jeune comporte cinq rubriques : la situation administrative, des éléments biographiques, la problématique sociale, le projet professionnel et les perspectives d’accompagnement. Grâce à ce diagnostic, les besoins du jeune sont mieux évalués et peuvent donc être mieux traités. 93 Circulaire DGEFP n°98/33 du 23 octobre 1998, sur l’application du programme TRACE, Journal du droit des jeunes, janv. 1999, p. 41 94 cf. annexe pour un exemple de diagnostic social. 59 Ce programme aide donc les jeunes à s’insérer dans le monde du travail mais également à s’insérer dans la société. Quand nous rencontrons les acteurs locaux, ils sont d’accord pour dire que l’emploi existe, mais que le plus difficile est que le jeune s’y fasse et accepte les contraintes d’un emploi. Le but est donc de leur apprendre un « savoir-faire mais également un savoir-vivre »95, de les réintégrer à tous les niveaux. C’est donc ici qu’intervient le programme TRACE : rééduquer sur tous les plans le jeune afin qu’il puisse s’insérer dans le monde du travail. Ici se pose donc la question de la subsidiarité par rapport à l’aide de la famille. Normalement l’obligation d’entretien des parents devrait jouer leur plein rôle ici. Mais dans les faits de nombreux parents ne parviennent pas à remplir leur rôle. D’ailleurs, une accompagnante TRACE reconnaissait que sur 30 jeunes qu’elle suivait dans le cadre de ce programme : 9 étaient en rupture familiale. Ainsi c’est donc l’Etat qui prend le relais de la famille quand les difficultés sont très importantes. Les rapports qui se créent entre l’accompagnant et l’accompagné sont des rapports très humains, l’aide apportée touchant à tant de niveaux différents. L’accompagnement dure 18 mois maximum. Mais l’accompagnant doit prouver que le jeune a passé au moins huit semaines en entreprise pour pouvoir se décharger auprès du référent de la mission locale. Pour pouvoir conserver le financement propre à ce programme, un accompagnant nous confiait qu’il fallait avoir un taux de placement d’au moins 50 %. Or ce taux n’est pas toujours évident à atteindre. Ce programme est une véritable chance pour nombre de jeunes totalement exclus du monde du travail et même de la société. Grâce à lui, ils peuvent reprendre goût à la vie, apprendre à vivre en société et améliorer les points qui posent problèmes et les empêchent d’avancer vers une insertion professionnelle. Mais à côté de ces aides à la formation et à l’insertion existent de nombreuses aides permettant d’attendre cette entrée dans la vie active, et donnant les moyens d’y parvenir. 95 Mme Roman, direction de la formation initiale et supérieure au Conseil Régional du Nord-Pas de Calais. 60 SECTION 2. DES AIDES DANS L’ATTENTE DE L’INSERTION Pour que le jeune puisse subvenir à ses besoins par lui-même, il n’existe qu’un moyen : qu’il soit autonome financièrement, et pour cela qu’il ait une profession rémunérée. Mais lorsque celui-ci poursuit ses études ou suit un programme d’insertion, il est dans une démarche d’insertion mais n’est pas encore dans le monde du travail. Pour lui permettre de suivre ces formations et ces programmes d’insertion, il existe de nombreuses aides (§1), mais la grande diversité de ces aides est justement ce qui pose problème car cela crée une grande confusion (§2). §1. Aides spéciales Il existe donc un panel d’aides à côté des aides à l’insertion. Celles-ci sont soit destinées aux étudiants pour leur permettre de poursuivre leurs études (B), soit destinées au jeune en voie d’insertion (A) A. Jeunes en voie d’insertion Les jeunes concernés sont donc les jeunes bénéficiaires du dispositif TRACE et les jeunes les plus en difficultés. Deux aides principales sont proposées : les Fonds d’Aide aux jeunes, FAJ (1), et un soutien psychologique, et non plus financier, proposé par les points écoutes (2) 1) les FAJ Les fonds d’aide aux jeunes concernent donc les jeunes de 18 à 25 ans qui connaissent des difficultés d’insertion sociale ou professionnelle. Il y a deux types de 61 besoins auxquels les FAJ répondent. D’une part, un jeune peut être inscrit dans une démarche de formation-emploi et se retrouver dépourvu de ressources entre deux périodes rémunérées, il pourra alors avoir besoin d’une aide ponctuelle pour l’accès au logement, pour le transport, ou pour d’autres dépenses indispensables à son insertion. D’autre part, le RMI n’étant pas versé avant l’âge de 25 ans, il existe un certain nombre de jeunes tellement éloignés de l’emploi qu’ils ne peuvent même pas bénéficier des contrats spéciaux que nous avons étudiés. Les FAJ, pour répondre à ces besoins, disposent de trois modalités d’intervention96 : - des secours temporaires pour faire face à des besoins urgents - une aide financière pour aider à la réalisation du projet d’insertion : dans ce cas le bénéficiaire doit s’engager - et des actions d’accompagnement du jeune dans sa démarche ou son projet d’insertion. Le demande d’accès au FAJ doit être faite par le jeune avec son référent : en effet, le jeune doit faire l’objet d’un accompagnement dans sa démarche d’insertion par une personne reconnue dans le domaine de l’insertion sociale et professionnelle. Pour les jeunes en grande difficulté cependant, ou marginalisés, la présence d’un référent n’est pas nécessaire pour l’intervention du FAJ97. Pour pouvoir bénéficier du FAJ, il faut répondre aux critères de ressources posés. Un jeune déclaré autonome ne doit pas disposer de ressources, sans compter les aides au logement, supérieur à la moitié du SMIC brut, et pour un jeune vivant au sein de sa famille, les ressources du foyer divisées par le nombre de personnes composant ce foyer ne doivent pas être supérieures à la moitié du SMIC net. L’aide est attribuée pour une durée de un à trois mois maximum, avec possibilité de renouvellement après réexamen de la situation du bénéficiaire. Le montant maximum versé sur une année est de 6 000 F, montant pouvant être augmenté jusqu’à 18 000 F pour les jeunes les plus en difficulté, à raison de 1 500 F par mois. 96 PADIEU (C.), Les fonds d’aide aux jeunes, Echange, Santé-Social, n°90, juin 1998, p.77 97 Règlement intérieur du fonds départemental d’aide aux jeunes, délivré par l’Espace Réussir de Lille. 62 Le nombre de jeunes aidés augmente chaque année. Ainsi ils étaient 35 000 en 1993, et entre 80 000 et 85 000 en 1997. L’aide varie entre 2000 et 2500 F par an, par jeune bénéficiaire. Une grande initiative étant laissée au niveau local, l’interprétation des textes est différente selon les départements. Ainsi à Lille, on considère surtout qu’à la différence du RMI, cette aide n’est que ponctuelle. Normalement, le jeune doit prouver qu’il éprouve des difficultés ponctuelles et que par la suite il saura, seul, subvenir à ses besoins98. Si le département du Nord met donc la priorité sur les aides d’urgence et ponctuelles d’autres ne considèrent que l’existence d’une démarche d’insertion, d’autres encore refusent par principe les étudiants… Mais malheureusement, les jeunes qui rencontrent le plus de difficultés restent en dehors de ce dispositif. C’est pourquoi des instructions ont été données aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) pour cibler davantage deux publics prioritaires : les jeunes en rupture familiale et sociale, et les jeunes inscrits dans un parcours d’insertion à risque, c’est-à-dire risquant d’être interrompu sans l’aide du FAJ. Le FAJ est donc très important pour venir aider les jeunes les plus démunis ou les personnes qui se trouvent momentanément en grande difficulté. Mais à côté de cette aide pécuniaire, existe une aide plus psychologique dispensée par les points d’accueil et d’écoute jeunes. 2) les points d’accueil et d’écoute jeunes Parce que les problèmes des jeunes ne sont pas que des problèmes d’argent, ces points ont été créés par une circulaire du 14 juin 1996. En effet, on s’est aperçu que les souffrances morales, le mal-être des jeunes n’étaient pas assez pris en considération dans tous les dispositifs qui leur étaient destinés99. Or pour beaucoup, leur non-insertion dans le marché du travail est due au départ à un rejet de la société, à une 98 Rencontre avec l’Espace Réussir 99 CHAZY (O.), Les points d’accueil et d’écoute jeunes, Echanges, Santé-Social, juin 1998, n90, p. 49 63 marginalisation. C’est donc en travaillant cette partie plus morale, psychologique, que l’on pourra aider le jeune à trouver sa place dans la société. La mission de ces points jeunes est d’être en mesure d’aider les jeunes à surmonter et dépasser la grande difficulté dans laquelle ils sont placés pour demander de l’aide quand quelque chose ne va pas. Un jeune bien dans sa peau sera plus à même de rentrer dans la société et de devenir autonome. Ainsi, à côté des aides permettant la formation et l’insertion, existent des aides plus ponctuelles et non financières. Il existe également pour l’étudiant des aides spéciales, qui ne prennent plus en compte les revenus de ses parents. B. Etudiants Contrairement à ce que nous avons vu dans la première partie sur les aides apportées aux familles et aux jeunes, il s’agit ici d’aides qui ne prennent pas en compte les revenus des parents : ces aides sont donc directement destinées aux jeunes, sans prendre en considération leur lien familial. Mais certaines de ces aides peuvent dès lors sembler contradictoires avec le principe selon lequel c’est d’abord à la famille de subvenir aux besoins du jeune en difficulté. Nous verrons d’abord les aides apportées quand le jeune justement est autonome par rapport à sa famille (1) avant de voir deux aides complémentaires spécifiques (2). 1) jeune autonome Depuis deux ans aujourd’hui existe l’allocation d’études. Celle-ci est versée à certains étudiants dont la situation particulière n’a pas pu être prise en compte dans le cadre des bourses sur critères sociaux : il s’agit d’étudiants en grande difficulté financière, en situation d’autonomie vis-à-vis de leurs parents. Ainsi, pour pouvoir bénéficier de cette allocation d’étude il faut être en état « d’indépendance avérée » : avoir sa propre déclaration fiscale, un logement indépendant, travailler. Le but de l’allocation d’étude est que le jeune travaille moins pour mieux réussir ses études. Ainsi 64 à Lille pour l’année universitaire 2000/2001, sur 150 000 étudiants, 45 000 étaient boursiers sur critères sociaux et 855 ont bénéficié de l’allocation d’études100. Mais se pose alors la question de la justification d’une telle allocation : c’est normalement à la famille en priorité d’aider le jeune dans ses études. Par ce moyen, la famille se décharge totalement du jeune majeur. Certes le jeune n’est plus dépendant de sa famille, mais il le devient vis à vis de l’Etat. Toute la question est donc de savoir si un jeune peut exiger son autonomie. Il devra de toute façon travailler pour montrer son indépendance « avérée », mais après il recevra une aide pouvant aller jusqu’à 20 000 F par an. Ainsi le jeune passe d’une dépendance familiale à une dépendance sociale : et ceci de son propre choix. Il y a donc des risques et l’attribution de cette allocation d’études doit être bien surveillée : elle ne doit pas devenir un avantage pour la famille qui s’arrangerait à faire croire à une indépendance avérée. L’attribution de l’allocation d’études pour les étudiants de Lille est placée sous la responsabilité du recteur de Lille. Mais il est vrai qu’il existe des cas où le jeune doit se débrouiller seul, pour diverses raisons et pour conserver une égalité des chances face aux études, cette allocation est utile. Il existe un autre type de bourse qui semble cette fois totalement dérogatoire au principe des bourses sur critères sociaux. Il s’agit du cas où il existe une véritable rupture entre le jeune et sa famille. Cela peut-être dû à de la maltraitance, à des problèmes psychologiques des parents, à des cas d’homosexualité ou de concubinage du jeune non acceptés par les parents, à un désaccord sur le choix des études qui fait que les parents rejettent le jeune, etc… Dans ce cas, l’assistante sociale va présenter ces jeunes en commission des bourses pour rupture familiale : c’est-à-dire qu’alors, on ne prendra plus en compte les revenus des parents pour l’attribution de cette bourse. Le but est que le jeune poursuive ses études sans avoir à demander de l’aide de ses parents, ce qui pourrait pour lui être très difficile. Dans ce cas, l’assistante fait une évaluation sociale. Pour cela, elle rencontre l’étudiant en entretien, ainsi qu’une personne de son entourage, puis un psychologue rencontre le jeune également. Enfin il est décidé si, oui ou non, le jeune doit prendre son indépendance. En réalité lorsqu’il existe une rupture par rapport à la famille, le principe reste le même : c’est à la famille de subvenir en priorité aux 100 Rencontre avec Mme Danjou, assistante de service social à l’université de Lille II 65 besoins du jeune. Mais les assistantes sociales ne sont pas favorables à inciter le jeune à poursuivre en justice ses parents. En effet, ce genre d’action ne ferait que creuser le fossé qui existe entre le jeune et sa famille. Or, il est important que le jeune tente de retrouver des liens avec sa famille. L’assistante sociale que nous avons rencontrée à Lille avait, du reste, un projet de création d’un groupe de parole à propos de la rupture familiale. Elle estime que, bien souvent, cela pourrait remettre en route le dialogue et permettre ainsi l’exécution naturelle de l’obligation d’entretien des parents. Ainsi ces deux aides aux étudiants se substituent totalement à l’obligation d’entretien de leurs parents. Mais elles permettent dans de nombreux cas d’éviter au jeune de vivre dans la misère ou de lui empêcher toute réconciliation future avec sa famille. Mais il existe d’autres aides plus spécifiques qui peuvent aider le jeune. 2) aides complémentaires spécifiques Il existe notamment une aide spécifique versée par le Conseil Régional : les bourses de mobilité. Il s’agit des programmes européens FACE et LEONARDO. Ces deux bourses sont prévues pour des stages en entreprise à l’étranger obligatoirement. Les étudiants doivent déposer un dossier avec un projet. Ces aides ne prennent pas du tout en compte les ressources de la famille. D’ailleurs Mme Roman du Conseil Régional nous confiait que quasiment toutes les demandes étaient acceptées. Il existe également les bourses sur critères universitaires et pédagogiques : les bourses de troisième cycle notamment. Cependant, il apparaît que la priorité est donnée aux étudiants anciens boursiers. Il existe encore de nombreuses autres aides spécifiques dont certaines ne prennent pas en compte les ressources des parents. Mais il existe tellement d’aides différentes qu’il est bien souvent très difficile de s’y retrouver et de savoir à qui s’adresser en cas de besoin. 66 §2. De nombreuses aides diverses Comme nous avons pu le voir, il existe une grande diversité d’aides venant d’acteurs différents il est donc bien souvent difficile pour un jeune de savoir quels sont ses droits. Cependant, en 1998 ont été créées les CASU, commissions d’action sociale d’urgence, qui ont pour mission d’éviter ce genre de problèmes (A), mais si ces aides sont diverses, elles sont également très nombreuses et on peut se demander si la solidarité familiale ne devient pas subsidiaire alors que ce devrait être justement le contraire (B). A. Des aides trop diverses De nombreux dispositifs existent pour apporter une réponse aux personnes en situation de détresse. Il s’agit notamment de fonds gérés par les Centres Communaux d’Action Sociale, les départements, les régions, l’Etat, les Caisses d’Allocations Familiales, les Caisses Primaires d’Assurance Maladie, les associations caritatives… Il est donc très difficile pour un jeune en difficulté de savoir où s’adresser quand il rencontre un problème. Il se voit confronté à de nombreuses démarches ce qui ne fait qu’accentuer sa détresse. C’est pour cela que la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, a confié au Préfet et au Président du Conseil Général le soin de mettre en place une commission d’action sociale d’urgence : la CASU. Celle-ci est chargée de coordonner les dispositifs allouant des aides, notamment financières aux personnes et aux familles rencontrant de graves difficultés. La mission de la CASU est donc de proposer un guichet unique pour toutes les personnes confrontées à de grandes difficultés. En passant par la CASU, un seul dossier pourra être créé : la personne n’aura donc à exposer sa situation qu’une seule fois et ne sera pas renvoyé d’une structure juridique à une autre pour faire valoir tous ses droits. La CASU dispose donc de formulaires uniques de demandes d’aide et de secours communs à l’ensemble des services instructeurs, et dispose d’un répertoire des principales aides légales et extra-légales les plus communément utilisées101. 101 document interne délivré par l’Espace Réussir de Lille 67 Ainsi par cette méthode, il est plus facile pour un jeune en difficulté de connaître ses droits. Car c’est souvent le plus difficile : connaître toutes les aides dont on peut bénéficier. Mais pour les jeunes, de nombreux points jeunes existent permettant d’être informés. Ainsi pour les étudiants, dans quasiment toutes les universités, sont présentes une ou plusieurs assistantes sociales connaissant bien les droits des jeunes et leur permettant de faire toutes les démarches nécessaires pour obtenir ce à quoi ils ont droit. De même les missions locales pour les jeunes n’étant pas étudiants jouent ce rôle d’informateurs et tentent de trouver tout ce qui pourra aider le jeune. Mais un autre problème créé par la grande diversité d’aides provient des organismes qui ont compétence pour les gérer. De nombreuses aides en effet sont gérées au niveau local : commune, département ou région. Mais si les textes instituant l’aide ne sont pas assez précis et laissent une grande marge de manœuvre au niveau local, il y a certes des avantages mais également des inconvénients. Ainsi par exemple pour les Fonds d’Aide aux Jeunes, les textes sont peu directifs et l’initiative locale est fortement encouragée. Ainsi la double obligation d’aider en priorité les jeunes les plus en difficulté et de le faire dans le cadre d’une démarche d’insertion est interprétée de manière disparate selon les départements102. Mais si cela permet souvent d’adapter l’aide afin qu’elle corresponde le mieux aux besoins éprouvés localement, il peut également arriver que cela empêche que cette aide touche les jeunes les plus en difficulté, ce qui était initialement prévu. Dans les faits, il y aura donc une certaine inégalité régionale. Ainsi dans certaines régions, certaines catégories de jeunes seront plus aidées que dans d’autres. Ainsi une trop grande diversité d’aides venant de nombreux organismes n’est pas un atout. Il serait certainement plus favorable au jeune de n’avoir qu’un seul interlocuteur qui étudierait son dossier unique et lui indiquerait toutes les aides auxquelles il peut prétendre. Car si la CASU existe, elle est prévue, comme son nom l’indique, pour les cas d’urgence, afin de vérifier si une personne confrontée à de graves difficultés bénéficie bien de toutes les aides prévues. Il serait donc intéressant d’envisager ce genre de commission qui coordonnerait toutes les aides existantes, car ces aides sont vraiment 102 PADIEU (C.), Les fonds d’aide aux jeunes, op. cit. 68 nombreuses. Tellement nombreuses d’ailleurs que parfois on se demande si elles n’empiètent pas sur la solidarité familiale qui en principe doit être prioritaire. B. De trop nombreuses aides Comme nous l’avons vu depuis le début de cette étude, de nombreuses aides existent tant pour le jeune lui-même que pour sa famille. Mais alors on se demande si cela ne vient pas en contradiction avec le principe selon lequel c’est d’abord à la famille d’aider le jeune. Cette question de la répartition de la charge entre les solidarités publiques et la solidarité familiale se pose aujourd’hui dans de nombreux pays. En effet, le vieillissement de la population et la montée du chômage chez les jeunes font que de plus en plus de personnes doivent être aidées. Or la crise financière du dispositif de protection sociale est telle qu’on recherche des moyens de diminuer les dépenses et que par conséquent on pense à renvoyer les personnes vers leur famille103. De nombreux experts réfléchissent à ce problème de répartition des charges entre la famille et l’Etat. Il est évident que ceux qui ne peuvent subvenir seuls à leurs besoins sont ceux qui ne travaillent pas puisque la grande majorité de la population tire ses ressources de son activité salariée. Ce qui est important est donc de savoir dans quel cas il est légitime de faire peser la charge sur la famille et dans quel cas il est légitime de la faire peser sur l’Etat. Janet Finch, en 1992, distingue trois catégories de personnes pour définir qui doit aider les personnes en difficulté. Une première catégorie de personne est composée des personnes qui ne doivent pas travailler : ce qui est le cas de l’enfant, mais on pourrait dire également du jeune majeur qui poursuit ses études. Dans ce cas c’est bien à la famille de supporter la charge que cela représente, avec une aide de l’Etat qui sera plus ou moins importante selon les pays et les gouvernements. La deuxième catégorie de personnes est constituée de celles qui ne peuvent pas travailler : les invalides, handicapés, personnes âgées : dans ce cas la charge incombe principalement à l’Etat, 103 MARTIN (C.), Renouveau de la question familiale, Protection privée, protection publique, in Famille et politique sociale, dix questions sur le lien familial contemporain, éd. L’Harmattan, Paris : 1996, p. 247 69 même si la famille est quand même appelée à participer. Et enfin la dernière catégorie est composée des personnes qui pourraient travailler mais ne le font pas. Dans ce cas la légitimation de l’aide de l’Etat est plus difficile, sans parler du côté incitatif à ne pas travailler qui existe à chaque fois qu’une aide est apportée à ces personnes qui pourraient travailler mais ne le font pas. Or certains jeunes se trouvent dans cette catégorie. C’est pour cela que dans ce cas il est alors important de ne pas apporter trop d’aides en argent, mais plutôt d’apporter une aide à la reprise du travail. D’où le fait que les politiques d’insertion soient sans cesse développées. Si les aides sont trop nombreuses et trop importantes, deux écueils sont à éviter : une rupture de la solidarité familiale, et la création d’un système d’assistanat. En effet, tout d’abord, il faut préserver le lien familial et la solidarité entre générations. Mais si en effet on peut penser que trop d’aides publiques diminuent les aides privées, une enquête très intéressante réalisée en Guadeloupe104 à un moment où le système de protection sociale s’améliorait pour devenir identique à celui de la France métropolitaine démontre le contraire. Selon cette enquête, c’est au contraire les aides publiques qui permettent une meilleure aide privée. On voit les échanges entre générations s’inverser. Si autrefois on devait aider les personnes âgées, celles-ci disposant aujourd’hui de retraites n’ont plus besoin d’aide et au contraire se mettent à aider leurs enfants et petits-enfants. Ainsi la retraite a réorienté le sens des solidarités des plus vieux aux plus jeunes105. De même le fait que les familles reçoivent des subventions pour la poursuite de la scolarité de leurs enfants, ceux-ci les poussent à continuer leurs études et ne leur demandent plus de travailler pour ramener un salaire à la maison, ce qui se faisait beaucoup dans les familles pauvres. Ainsi, comme le dit Madame Attias-Donfut : « si la solidarité familiale a pu jouer auprès des jeunes le rôle d’amortisseur de la crise économique, c’est grâce à la solidarité publique, qui l’étaye. 106 » En effet, les parents n’ayant pas à préparer leur retraite, ils peuvent se permettre dans l’instant présent d’aider leurs enfants de façon plus importante. 104 ATTIAS-DONFUT (C .) et LAPIERRE (N.), La Famille Providence. Trois générations en Guadeloupe, La Documentation Française, Paris : 1997 105 ATTIAS-DONFUT (C.), L’Etat, substitut des familles, Dr. Social, mai 1999, p. 481 106 idem 70 Ainsi, cette étude est très intéressante pour montrer à quel point l’aide publique est importante et ne se substitue pas du tout à l’aide familiale, bien au contraire. Le deuxième écueil à éviter, ensuite, est que l’on se retrouve dans un système d’assistanat, où trop de jeunes se laisseraient porter par le système et ne chercheraient même plus de travail. Ainsi, ayant rencontré des jeunes bénéficiant des ASSEDICS, certains ont avoué préférer ne pas retravailler car ils ne toucheraient pas plus que ce dont ils disposent étant au chômage. La France devrait certainement suivre le principe de la Grande-Bretagne qui pour tout versement à une personne au chômage exige une vraie recherche d’un travail, et si la personne refuse trois propositions de travail qui lui sont faites, elle perd tous ses droits. Cela peut sembler un peu dur mais c’est le seul moyen d’éviter ce système d’assistanat. Car en même temps trop de personnes rencontrent de véritables difficultés et on ne peut sous le prétexte de personnes vivant sur le dos de la société les en priver. Se pose alors la question de l’autonomie du jeune qui est une question très vive en ce moment : doit-on permettre au jeune d’être totalement autonome par rapport à sa famille ? Doit-on comme certains le préconisent lui accorder une allocation d’autonomie ? 71 CHAPITRE 2. L’AUTONOMIE DES JEUNES La pauvreté chez les jeunes s’accentuant et leur entrée dans le monde du travail se faisant de plus en plus tard, le besoin d’une véritable autonomie est apparue (Section 1), cependant, les travaux effectués par les experts tendent plutôt vers un renforcement de la formation (Section 2) SECTION 1. UN BESOIN D’AUTONOMIE Des études démontrent que le jeune coûte beaucoup plus cher à sa famille qu’autrefois et représente ainsi une lourde charge pour elle (§1). Des propositions plus ou moins réalistes de revenus pour les jeunes ont été avancées afin de leur permettre une véritable autonomie (§2). §1. Constat d’une lourde charge Un enfant qui grandit coûte de plus en plus cher alors que les prestations sociales diminuent avec l’âge (A), c’est pourquoi de nombreux groupes et associations demandent une autonomie pour les jeunes (B). A. Un poids de plus en plus lourd pour les familles Les prestations sociales ne prennent pas suffisamment en compte la charge que représentent les jeunes (1), alors que cette charge augmente sans cesse (2). 1) une charge de plus en plus lourde Les jeunes sont autonomes financièrement de plus en plus tard : ils peinent à entrer sur le marché du travail ou s’y trouvent mais pour un travail précaire ne leur permettant qu’un mince accès à cette autonomie. Mais ce sont alors les familles qui doivent aider le 72 jeune. Cette augmentation et cette prolongation de la charge financière qui pèse sur les parents sont d’autant plus importantes qu’elles augmentent avec l’âge du jeune. Ainsi des statisticiens ont démontré que si dans un couple le premier adulte vaut 1 unité de consommation107, le second vaudra 0.5 unités de consommation, l’enfant de moins de 14 ans : 0.3 et celui de plus de 14 : 0.5. Selon messieurs Baudelot et Establet108, si le coût d’un jeune, c’est-à-dire tout ce que ses parents doivent dépenser pour lui lors de la période où il n’est pas encore autonome, s’élevait à 186 000 F par enfant né en 1940, ce coût est de 699 000 F pour ceux nés en 1968. L’investissement familial a donc été multiplié par 3.8 en trente ans. Pour messieurs Nicolas Herpin et Daniel Berger, le fait qu’un jeune coûte si cher, pousse ceux issus d’un milieu modeste à travailler plus rapidement et à rejeter de longues études.109 Cela crée donc des inégalités selon le milieu dont est issu le jeune. Or cette prolongation des charges de familles n’est pas suffisamment prise en compte par les prestations sociales. 2) une prise en compte insuffisante Contrairement donc aux statistiques démontrant que le coût d’un enfant grandit avec lui, les prestations sociales ne suivent pas le rythme. Certains reprochent également une grande inégalité entre les aides accordées aux étudiants, et celles accordées aux jeunes non étudiants. Messieurs Thelot et Villac, dans leur rapport110 disaient à ce propos : « Le système d’aide à la famille est peu axé sur le jeune adulte, et, au sein de cette faible orientation, aide davantage l’étudiant que le jeune chômeur ou le jeune salarié dont le salaire est inférieur à un certain plafond […] L’une comme l’autre de ces 107 cf. supra 108 BAUDELOT (C.) et ESTABLET (R.), Avoir 30 ans en 1968 et en 1998, Seuil : Paris, 1998. 109 Rapport du Conseil Economique et Social présenté par M. Hubert BRIN, Familles et insertion économique et sociale des adultes de 18 à 25 ans, éd. des Journaux Officiels, Paris : 2001. 110 Rapport au ministre de l’Emploi et de la Solidarité, et au ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, présenté par THELOT (C.) et VILLAC (M.), Politique familiale, bilan et perspectives, 1998 73 caractéristiques peuvent être jugées inadaptées à la difficulté d’insertion et d’indépendance de la jeunesse, notamment des non étudiants et à la charge que cela représente pour les parents. » En effet, si les allocations familiales sont traditionnellement majorées de 9 % à partir des 10 ans de l’enfant et de 16 % à partir de ses 15 ans, jusque 1999, elles s’arrêtaient dès les 19 ans du jeune, et même à 18 ans si celui-ci ne poursuivait pas d’études et ne pouvait être considéré comme enfant à charge111. Depuis 1999 ces âges limites ont été reculés d’un an, mais cela est loin d’être suffisant pour refléter la réalité : même à 20 ans, rares sont les jeunes ayant acquis une autonomie. Et ce problème de prestations s’arrêtant plus tôt qu’elles ne le devraient s’étend aux prestations logement et au complément familial qui comme nous l’avons vu s’interrompent aux 21 ans du jeune. Or cette diminution des aides lorsque les enfants grandissent est moins prononcée à l’étranger qu’en France, selon messieurs Thelot et Villac. Aussi les familles de plusieurs enfants voient leur niveau de vie baisser sensiblement lorsque ceux-ci grandissent par rapport aux couples sans enfants. L’effet du quotient familial qui est d’éviter cet écart pour préserver une équité horizontale se perd donc totalement. C’est pourquoi de nombreux jeunes et organismes défendent la mise en place d’un système qui permettrait d’accorder aux jeunes une véritable autonomie leur permettant de desserrer l’étau dans lequel leur famille se trouve. B. La demande d’une autonomie De nombreux syndicats d’étudiants demandent des mesures permettant l’autonomie aux jeunes depuis bien longtemps déjà. Certains groupes politiques jeunes sont même assez virulents dans leurs paroles. Ainsi le groupe « Chiche ! »112 réclame une telle autonomie : « c’est d’un revenu d’autonomie dont nous avons besoin, au moins égal à ce ‘seuil de pauvreté’. Qui redonne vraiment la possibilité d’étudier, de faire des projets, 111 c’est-à-dire s’il exerçait une activité professionnelle lui rapportant plus de 55 % du SMIC. cf. supra. 112 Groupe de « jeunes écolos alternatifs solidaires » 74 de vivre dignement sans perdre nos plus belles années, au chômage ou dans des boulots de misère. » Ce groupe évoque donc la dignité des jeunes. Beaucoup s’accordent à dire que les jeunes se sentent mal, vis-à-vis de cette dépendance à leurs parents. Ainsi, le rapport présenté par M. Muzeau113 évoquait ce « mal-être d’autres jeunes, d’un point de vue plus général, confrontés à un sentiment de ‘dépendance’- et donc de frustration- à l’égard de leurs familles, à un âge où leur insertion professionnelle n’est pas encore réalisée voire malaisée, mais où pourtant leurs projets personnels sont mûris. » Et il estime que face à ce sentiment les dispositifs nombreux mis en œuvre par les pouvoirs publics ne sont simplement pas considérés comme une réponse pertinente. Le groupe communiste a déposé une proposition de loi à l’Assemblée Nationale en décembre 2000, tendant à créer une allocation d’autonomie pour les jeunes de 16 à 25 ans. Cette proposition veut garantir un droit114, un droit de tirage individuel et universel à la formation, formation initiale ou formation professionnelle, quel que soit le statut du jeune, étudiant, salarié ou à la recherche d’un emploi. Il est proposé que ce droit soit inversement proportionnel au niveau de sortie du système scolaire afin de donner une deuxième chance à ceux des jeunes qui l’ont quitté précocement. La proposition vise à créer une allocation d’autonomie attribuée à tous les jeunes de 16 à 25 ans sur la base d’un projet personnel de formation et d’accès à l’emploi. Cette allocation pourrait être totale ou partielle en fonction des ressources, pourrait être versée en plusieurs fractions ou mensuellement à partir de l’agrément du projet. Car le but n’est pas d’attribuer une aide uniforme à tous les jeunes de 16 à 25 ans, mais de « donner à chaque jeune les moyens de se construire une identité individuelle et sociale par l’accès à la formation en contrepartie d’un projet personnel » Le texte qui est finalement proposé est différent. Au lieu de la création immédiate d’une allocation d’autonomie, une commission est mise en place afin de dresser le bilan des dispositifs existants, d’étudier la possibilité de la création d’une telle allocation, et de 113 Rapport présenté par M. Muzeau, session du 12 juin 2001 du Sénat, sur la proposition de loi relative à la mise en place d’une allocation d’autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans. 114 Rapport présenté par M. Malavieille, Assemblée Nationale le 6 décembre 2000 sur la proposition de loi de M. Alain Bocquet tendant à créer une allocation d’autonomie pour les jeunes de 16 à 25 ans. 75 proposer la mise en place d’un dispositif expérimental dans plusieurs départements. Un rapport devra être rendu pour la fin de l’année 2001. Ainsi, l’idée d’une autonomie prend forme. Mais, si plusieurs groupes y travaillent afin de déterminer le meilleur moyen pour permettre une telle autonomie, d’autres propositions sont avancées mais vont encore plus loin qu’une simple autonomie du jeune. §2. Propositions d’une véritable autonomie Aux Etats-Unis une proposition a été faite qui instaurerait une véritable autonomie, permettant aux jeunes de ne plus rien demander à leurs parents (A), mais certains vont même plus loin et proposent une allocation universelle qui ne concernerait donc pas uniquement les jeunes (B). A. Une proposition simple mais ambitieuse Deux professeurs de droit à l’université de Yale : Bruce Ackerman, expert de la démocratie et de la constitution américaines et Anne Alstott, spécialiste du système fiscal fédéral, proposent une idée simple mais particulièrement ambitieuse115. Le gouvernement selon eux devrait attribuer à tout citoyen au moment de ses vingt et un ans une allocation de 80 000 dollars, correspondant à 560 000 F. Cette allocation serait attribuée sans conditions de ressources personnelles ou familiales. Leur but serait de permettre de rétablir une véritable égalité des chances entre tous les citoyens. Il n’y aurait aucune condition d’utilisation : les jeunes pourraient disposer de leur argent exactement comme ils le désirent. Ces auteurs considèrent que les jeunes seraient assez responsables pour le gérer intelligemment. Cette somme pourrait être versée en une fois ou annuellement par tranches de 20 000 dollars, et serait, selon eux, essentiellement consacrée au financement des études. Mais il est vrai qu’aux Etats-Unis les études sont 115 ACKERMAN (B.) et ALSTOTT (A.), The Stakeholder Society, New Heaven, Yale university Press, 1999, 296 p., présentation par Julien Damon, mars 2001 76 largement plus coûteuses qu’en France. Ainsi, les 560 000 F représentent le coût moyen d’un cursus de quatre ans en université. Or en France avec l’enseignement gratuit, on est loin de ce coût pour un cursus de quatre ans. Puisque les auteurs prennent le parti de faire confiance aux jeunes adultes à qui est allouée cette somme, ils préconisent de sanctionner les jeunes délinquants en les privant d’une partie de cette somme, ce qui renforcerait la responsabilisation et permettrait de faire des économies. Il apparaît immédiatement que le problème principal de cette allocation serait son financement, car cela représente une somme considérable. Le coût a été évalué pour les Etats-Unis à 255 milliards de dollars, soit 1 785 milliards de francs. Ils préconisent de taxer les plus riches pour financer cette allocation : une taxe de 2 % serait mise en place sur les revenus individuels annuels supérieurs à 560 000 F. De cette façon, les 1 % les plus riches paieraient 40 % du total du coût de cette allocation. Le principe également serait qu’à la fin de leur vie, les personnes ayant touché cette allocation la remboursent : la somme serait donc prélevée sur l’héritage de leurs descendants. Mais en même temps, la famille ne pourrait le reprocher, puisque euxmêmes auraient touché cette somme. Mais dans cet ouvrage, les auteurs proposent d’autres méthodes de financement, dont une qui semble assez surprenante, destinée à permettre de récupérer la somme lors du décès de l’allocataire : instaurer une limite au montant des cadeaux faits aux enfants ! En effet, cette proposition fait sourire : les parents ne pourraient dépenser plus de 1 000 dollars en cadeau par an et par enfant pour Noël et les anniversaires. Les sommes dépassant ce montant seraient taxées. Mais d’une part, cela semble difficile à mettre en place, et d’autre part, cette limite semble totalement attentatoire à la liberté. De quel droit peut-on limiter d’une façon ou d’une autre les dépenses qu’une personne pourrait faire avec son argent ? Un autre point qui semble assez critiquable est l’âge auquel cette allocation est distribuée : aux 21 ans du jeune. Cet âge semble très tardif. En effet, dans de nombreux cas, les décisions sur l’avenir, universitaire ou non, sont prises bien avant cet âge. Cela ne reviendrait-il donc pas à n’ouvrir le chemin de l’université, comme aujourd’hui, 77 qu’aux jeunes issus des familles les plus riches, les familles les plus modestes ne pouvant avancer cet argent avant que leur enfant ne bénéficie de l’allocation ? Ainsi, cette proposition semble bien difficile à mettre en place. Le coût serait extrêmement élevé et surtout cela transformerait radicalement les modes de redistribution et de configuration des liens sociaux qui existent aujourd’hui dans notre société. Cependant cette étude est intéressante car elle propose une mesure concrète de revenus sans contrepartie, allant plus loin que les propositions d’allocations universelles avec toutes ses variantes. B. L’allocation universelle L’allocation universelle est une idée qui se développe de plus en plus dans le monde entier. Elle a de nombreux défenseurs qui la justifient différemment et qui proposent des modalités variées. Tous s’accordent à dire qu’elle permettrait de diminuer le chômage et d’éradiquer radicalement l’exclusion. Jean-Marc Ferry, Philippe Van Parijs et Yolande Bresson sont les principaux partisans de cette théorie de l’allocation universelle116. Pour Philippe Van Parijs, il est juste que chacun bénéficie d’une rente pour les ressources initiales communes dont les hommes ont été privés lors du passage de l’état de nature à l’état de civilisation117. Il ne propose donc pas un montant très élevé pour cette allocation. Il s’inscrit dans la logique des droits-créances : la collectivité a une dette envers les individus. Pour Yolande Bresson, cette allocation se justifie par le simple fait d’exister et parce que cela permettra d’encourager les initiatives propres à faire avancer la production de richesses. Elle parle plutôt d’un revenu d’existence, qui est le fruit d’un héritage collectif, d’une productivité globale et historique. Pour JeanMarc Ferry, « l’allocation universelle vise à articuler les concepts et valeurs de 116 LELEUX (C.), Travail ou revenu ? Pour un revenu inconditionnel, collection Humanités, Editions du Cerf, Paris : 1998 117 VAN ISRAEL (S.), synthèse d’un article publié dans la Lettre mensuelle socio-économique de février 1999, Bulletin du Conseil Central de l’Economie. 78 l’apposition républicaine : « liberté, égalité, fraternité » »118. Pour tous, cette allocation doit être universelle : c’est-à-dire versée à tous : du plus pauvre au plus riche. Pour Jean-Marc Ferry, l’allocation universelle est un revenu social primaire distribué égalitairement de façon inconditionnelle à tous les citoyens majeurs de la communauté politique de référence. Selon lui, cette allocation universelle remplacerait un certain nombre d’autres allocations sociales en vigueur : allocations de chômage, allocations familiales pour enfants majeurs… Elle engendrerait aussi une augmentation des recettes fiscales, en faisant jouer la progressivité de l’impôt et permettrait des économies sur les coûts administratifs de distribution puisqu’on supprime les conditions d’obtention des allocations actuelles. Donc pour lui, toutes ces économies permettraient de financer cette allocation. Ainsi par cette allocation, on permettrait au citoyen d’être libre : libre de travailler ou de ne pas accepter une activité professionnelle sous-payée, libre de s’engager dans une voie originale, libre de se tromper dans sa démarche car il pourrait recommencer sans craindre une grande précarité. Et cette liberté devrait permettre à l’économie de progresser. Pour le jeune majeur, cette allocation lui permettrait de pouvoir choisir entre poursuivre sa formation ou chercher à entrer sur le marché du travail. Mais cette allocation aurait un coût considérable. Et si son attribution nécessitait de supprimer toutes les allocations existantes, elle ne bénéficierait pas forcément aux familles les plus pauvres, car ces allocations auraient une fonction de redistribution des richesses et en les supprimant, on se priverait d’un outil de lutte contre les inégalités. De plus, le corollaire souvent avancé à l’attribution de cette allocation étant d’abandonner toute idée de salaire minimum, le libre marché du travail pourrait évoluer fortement sans se soucier des plus pauvres. Or cette allocation serait rarement suffisante pour vivre. Des chercheurs ont testé trois scénarios d’allocation universelle sur un modèle informatique, en se basant sur un versement par l’Etat d’un revenu fixe inconditionnel 118 LELEUX, op. cit. 79 d’environ 20 000F par an par adulte119. Le premier scénario consistait à supprimer toutes les allocations familiales et autres prestations existantes : dans ce cas, les familles pauvres bénéficiaient très peu de cette mesure, et seules les familles les plus riches y gagnaient. Dans le second scénario, l’allocation universelle coexistait avec les prestations existant actuellement pour les plus pauvres : dans ce cas, il n’y avait guère de progrès majeurs par rapport à la situation actuelle. Dans le troisième scénario, on ajoutait en plus des conditions du deuxième, le maintien d’une certaine progressivité du système de taxation : dans ce cas, les chômeurs et les retraités voyaient leur situation s’améliorer alors que les familles les plus favorisées voyaient la leur régresser. Mais comme on peut le voir, toutes ces mesures méritent d’être encore travaillées avant d’arriver à une proposition concrète véritablement réalisable. Il est certain que cela pourrait être un moyen pour les jeunes d’accéder à une certaine autonomie plus rapidement, mais comme nous l’avons vu, cette allocation dans la plupart des propositions ne permettrait pas à elle seule de vivre et de plus entraînerait la suppression des aides actuellement existantes. Il semble donc finalement que pour le jeune, cela n’arrangerait rien à sa situation, et peut-être même, ne ferait qu’empirer les choses. C’est pourquoi, les propositions les plus sérieuses n’avancent pas l’idée de permettre une véritable autonomie, mais visent plutôt l’amélioration de la formation. 119 VAN ISRAEL (S.), op. cit. 80 SECTION 2. UN EFFORT AXE SUR LA FORMATION Les principales propositions ressortent de deux rapports, mais hésitent entre une véritable autonomie ou non offerte aux jeunes (§1), ce qui fait qu’elles ne sont pas totalement acceptées et font l’objet de vives critiques (§2) §1. Les principales propositions Deux principaux groupes ont travaillé sur la question de l’autonomie des jeunes : le Commissariat général du plan (B) et le Conseil Economique et Social (A). Nous nous appuierons principalement dans cette étude sur les propositions concernant directement l’autonomie des jeunes, et nous mettrons de côté les autres aspects des rapports proposés par ces groupes de travail. Si pour tous les deux l’idée d’une allocation d’autonomie n’est pas totalement exclue, elle s’accompagne d’un véritable projet professionnel, et n’a qu’un but formatif. A. Proposition du CES : un prêt et une contribution Le Conseil Economique et Social a saisi le 12 septembre 2000 la section des affaires sociales d’un avis intitulé : « Familles et insertion économique et sociale des adultes de 18 à 25 ans ». Celle-ci a désigné M. Hubert Brin pour en être le rapporteur. Cet avis a été adopté le 28 mars 2001120 par 128 voix pour, 1 contre et 44 abstentions. Dans cet avis, après avoir constaté l’allongement sensible de la durée de formation initiale, un accès très tardif à l’emploi se traduisant par un taux élevé de chômage chez les jeunes, une réduction du niveau de vie des jeunes et une autonomie familiale plus tardive, le Conseil Economique et Social insiste sur l’importance de renforcer les projets 120 Avis du Conseil Economique et Social présenté par M. Hubert BRIN, Familles et insertion économique et sociale des adultes de 18 à 25 ans, 2001. 81 professionnels des jeunes. Il estime que « l’engagement de l’adulte de 18 à 25 ans dans une démarche personnelle de formation ou/et d’insertion professionnelle ne portera tous ses fruits qu’à la condition que l’intéressé dispose de moyens d’existence suffisants pour assumer le coût de cette démarche. »121 Cet avis se dit totalement opposé à recourir à une quelconque forme d’assistance, il rejette toute idée de RMI pour les jeunes : « il souhaite au contraire valoriser une autre logique, qui est celle de l’investissement individuel et collectif en faveur d’un projet d’entrée dans la vie professionnelle ». De même il refuse toute idée de prolongation des allocations familiales au-delà des 20 ans du jeune, car il estime que cela ne réglerait pas les problèmes financiers des jeunes ni ceux de leurs parents. Le but du Conseil Economique et Social est bien de faciliter cependant la prise d’autonomie des jeunes adultes. Il estime que tout doit être mis en œuvre pour la faciliter, mais que toutefois elle doit représenter une démarche personnelle et libre du jeune. Un double engagement doit être réalisé : un engagement du jeune lui-même sur un véritable projet d’entrée dans la vie professionnelle, et un engagement de la société envers ce jeune. Le Conseil Economique et Social estime donc indispensable d’accorder au jeune adulte de 20 à 25 ans des moyens d’existence suffisants pour mieux assurer leur prise d’autonomie et la conduite de leur projet d’entrée dans la vie professionnelle. Pour cela, il préconise l’augmentation et l’élargissement des bourses, la valorisation des statuts des jeunes en apprentissage et en insertion professionnelle, et enfin la mise en place d’un mécanisme de ressources comprenant deux volets destinés à marquer à la fois l’investissement de l’intéressé dans son projet et l’investissement de la collectivité. Le Conseil Economique et Social propose donc la mise en place d’un prêt et d’une contribution de formation-insertion professionnelle. Le principe est que tout jeune entre 20 et 25 ans doit avoir la faculté de solliciter sur une partie ou sur la totalité de ces cinq années un prêt mensuel de 1 000 F à taux zéro. Il s’agit bien d’une faculté et non d’une obligation. Ce prêt serait remboursable une fois que le jeune adulte aurait une activité 121 Idem, p. 34 82 professionnelle rémunérée au SMIC au minimum. Et le montant de ce prêt ne serait pas imposable. Le recours à ce prêt ouvrirait le droit pour le jeune de bénéficier d’une contribution de formation-insertion professionnelle, d’un montant de 1 000F par mois également, mais qui elle en revanche ne serait pas remboursable. Cependant cette contribution ne serait pas attribuée au jeune ayant une activité rémunérée à plus de 55 % du SMIC. La seule condition pour bénéficier de ces droits ( donc hors le fait d’avoir des ressources personnelles inférieures à 55 % du SMIC ) serait, pour le jeune, de s’engager dans un véritable processus de formation et/ou d’insertion professionnelle. Cet engagement pourrait donc prendre la forme d’une formation professionnelle, d’un cycle d’études supérieures, de la recherche effective d’un emploi ou, pour les plus éloignés du monde du travail, d’un processus d’insertion sociale. Ainsi, si le Conseil Economique et Social se dit contre tout système d’assistanat, on peut toutefois considérer qu’il s’agit ici d’une allocation d’autonomie de 1 000 F par mois, à laquelle s’ajoute un prêt de 1 000 F à taux zéro. Mais le Conseil Economique et Social propose également un certain nombre de mesures dans le domaine du logement et de la santé. Ainsi, dans le domaine du logement, il propose de mieux aider les parents à héberger leurs enfants de 18 à 25 ans, et d’encourager l’offre de logement répondant aux besoins des jeunes adultes. Pour cela il estime qu’il faut faire un effort supplémentaire dans le parc social. Quant au domaine de la santé, le Conseil préconise d’accentuer les actions de prévention en faveur des jeunes de 18 à 25 ans, ainsi que leur prise en charge sanitaire. Ainsi, le Conseil Economique et Social propose d’insister particulièrement sur l’existence d’un projet de formation et/ou d’insertion professionnelle et d’accorder au jeune afin de lui permettre de mener à bien ce projet, un prêt à taux zéro et une contribution. Le Commissariat Général du Plan quant à lui préconise le droit de l’éducation et de la formation tout au long de la vie. 83 B. Proposition du Commissariat Général du Plan : un droit de créance formation Le Commissariat Général du Plan dans le cadre de son programme de travail défini par le Premier ministre, a confié à Dominique Charvet, magistrat, président de chambre à la Cour d’appel de Paris, ancien directeur de la protection judiciaire de la jeunesse, une réflexion sur le thème « Jeunes et politiques publiques ». Le groupe de travail était composé de partenaires sociaux, de représentants de l’Etat, des collectivités territoriales et du milieu associatif, ainsi que de jeunes, membres du Conseil national de la jeunesse. Il a rendu son rapport le 28 février 2001122. Ce rapport met en avant l’importance qui existe aujourd’hui à se former tout au long de sa vie : les évolutions technologiques sont telles qu’il faut sans cesse se remettre à niveau. Cette idée d’apprendre et se former tout au long de la vie n’est pas nouvelle. Ainsi Condorcet disait : « Nous avons observé que l’instruction ne devait pas abandonner les individus au sortir de l’école, qu’elle devait embrasser tous les âges, qu’il n’y en avait aucun où il ne fut possible et utile d’apprendre ».123 Ainsi le Commissariat Général du Plan prône le droit à l’éducation et à la formation tout au long de la vie. La proposition du Commissariat est d’instaurer un capital initial de formation de vingt ans pour tous : il ne s’agit donc pas d’un droit spécifique aux jeunes, mais d’un droit qui concerne les individus à chaque âge de la vie. Le but serait donc avant tout d’assurer une meilleure égalité des chances, chaque individu disposant à sa naissance d’un capital de formation garanti par l’Etat, défini, à ce stade, en nombre d’années de formation. Le capital initial qui s’épuiserait au fur et à mesure de son utilisation, serait réalimenté par la suite à travers l’exercice d’une activité professionnelle. A l’issue de la formation première, qui est l’acquisition d’une culture commune « indispensable pour tout à la fois participer à la vie collective, poursuivre des études, exercer une activité 122 Commissariat Général du Plan, Jeunesse, le devoir d’avenir, rapport de la commission présidée par Dominique Charvet, Mars 2001 123 CONDORCET, Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique, in Œuvres, VII, fin 18e siècle. 84 professionnelle »124, chaque personne poursuivant une formation pourrait bénéficier d’une allocation de formation, tandis que chaque personne sortant du système éducatif sans avoir épuisé tout son capital initial de formation, disposerait d’un droit à l’expérience professionnelle, garanti par la collectivité. On le voit, l’effectivité de ce droit dépendrait donc en grande partie des choix que feraient la collectivité et les entreprises quant à la manière d’honorer cette créance pour faire évoluer les offres existantes afin de permettre une corrélation entre les souhaits des individus et les besoins de la collectivité. Le principe serait donc que chaque personne à sa naissance disposerait d’un capital de formation d’une durée de 20 ans. Il permettrait tout d’abord d’effectuer la formation première que nous avons déjà évoquée. Ensuite si le capital n’était pas épuisé dans les études, la personne épargnerait ce capital auquel viendraient s’ajouter les droits nouveaux à formation créés par l’exercice d’une activité professionnelle. Le problème est que certains jeunes mettent plus de temps à terminer la formation première par exemple, et de nombreux doublements existent : serait-il alors juste de leur enlever un an de capital initial ? Le Commissariat répond par la négative. Il estime en effet que le but de ce projet est d’atteindre l’égalité des chances et qu’il ne faut donc pas tomber dans une logique d’arithmétique butée. Le Commissariat propose donc de faire débuter le capital initial à la fin de la formation première qui constituerait une obligation de résultat autant pour le jeune que pour la collectivité. Ce ne serait donc qu’à l’issue de cette formation première que le capital serait mis en route : il serait alors de cinq ans. La question se pose du versement ou non de l’allocation formation accompagnant ce capital de formation dans le cas où une personne aurait épuisé le sien. Il semble que l’on ne puisse donner une réponse uniforme et qu’il faudrait alors évaluer chaque cas selon le parcours de la personne. Le Commissariat Général du Plan propose que ce système d’allocation formation se substitue à toutes les aides existantes pour les familles : prestations familiales, quotient familial, bourses d’études… 124 Rapport Charvet, op. cit., p. 199 85 L’objectif à atteindre serait donc que le jeune ait « la faculté de se trouver soit dans une situation d’emploi, soit dans une situation de formation ».125 Concrètement, le Commissariat Général du Plan a tenté d’estimer le coût de la mise en place d’une telle allocation de formation, selon le montant qui lui serait donné. Il faut évidemment prendre en compte, pour définir son montant, que cette allocation de formation remplacerait tout le dispositif d’aides aux familles qui ont un enfant majeur à charge. Ainsi les jeunes seraient aidés directement par cette allocation. Si on fixait son niveau trop bas, les jeunes issus de familles modestes ne pourraient pas continuer leurs études, et donc l’égalité des chances recherchée ne pourrait pas être atteinte. En revanche si on le fixait trop haut, cela risquerait de pousser les jeunes à poursuivre des études encore plus longues alors que justement on désire mettre en valeur d’autres cursus. Deux hypothèses ont été retenues par le Commissariat Général du Plan : une hypothèse basse à 1 200 F par mois et une hypothèse haute de 1 700 F par mois. La première correspond au niveau moyen des bourses attribuées actuellement : mais ce niveau ne semble pas satisfaisant au commissariat, car il impliquerait pour les jeunes une aide complémentaire de leur famille ou un travail régulier à côté. La seconde semble plus satisfaisante au commissariat car celle-ci correspondrait alors au montant maximum actuel des bourses, et permettrait une aide plus favorable que les dispositions actuelles. D’après leurs estimations, l’hypothèse basse aurait un coût de 43 milliards de francs, et l’hypothèse haute de 61 milliards francs. Or le Commissariat estime à 43.9 milliards de francs les aides actuelles. Le but pour le Commissariat Général du Plan est donc que les jeunes deviennent les bénéficiaires directs de l’aide, et qu’ainsi cela leur permette, quelle que soit leur condition, d’avoir une possibilité de choix concernant leur stratégie de formation. Cependant cette proposition, comme celle du Conseil Economique et Social ne fait pas l’unanimité auprès des groupes et des associations. 125 Rapport présenté par M. Muzeau, session du 12 juin 2001 du Sénat, sur la proposition de loi relative à la mise en place d’une allocation d’autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans. 86 §2. Les principales critiques Aucune des ces deux propositions n’emporte évidemment l’unanimité. Les deux oscillent entre une autonomie qui n’en est pas vraiment une et un renforcement des accès à la profession. Aussi, les critiques sont assez fortes (A), et si les idées ne sont pas tout à fait au point, il faudra encore retravailler toutes ces propositions afin d’arriver à un consensus pouvant satisfaire le plus de monde et permettre au jeune d’éviter de traverser une période aussi difficile (B). A. Une fausse autonomie Les deux rapports sont critiqués en ce qu’ils proposent une autonomie des jeunes, qui est considérée comme n’étant pas suffisamment assurée. Pour plus de clarté nous évoquerons d’abord les critiques apportées à l’avis du Conseil Economique et Social (1), avant celles apportées au Commissariat Général du Plan (2) 1) critiques de l’avis du CES L’association des familles de France s’oppose en plusieurs points à cet avis126. Tout d’abord elle estime que le coût que représente une contribution de l’Etat s’élevant à 1 000 F par mois par jeune est considérable puisque évaluée à 27.6 milliards de francs, alors qu’un prolongement du versement des prestations familiales jusqu’aux 22 ans du jeune ne coûterait que 5 milliards de francs. Une des critiques de l’association des familles de France est reprise par d’autres groupes : la CGT ou la CGT-FO par exemple127. Cette critique se porte sur le prêt qui est proposé au jeune. L’association des Familles de France ainsi que ces groupes craignent un endettement important des jeunes qui sera difficile à combler lorsqu’ils 126 127 site Internet : www.famillesdefrance.asso.fr Avis du Conseil Economique et Social présenté par M. Hubert BRIN, Familles et insertion économique et sociale des adultes de 18 à 25 ans, 2001, annexes p.59 87 entreront dans la vie active. Par ce prêt, ils resteront dans une situation difficile même à la sortie de leurs études. L’association des Familles de France est particulièrement mécontente et exprime son avis en ces termes : « Merci les adultes ! Quels sont les actifs actuels qui sont sortis des études avec une dette de 36 000 F ? » Il est vrai qu’il pourrait être très dangereux pour un jeune de se servir avec excès de cette faculté de prêt qu’offre le Conseil. Or le but du Conseil est bien d’offrir une certaine autonomie au jeune. Mais pour qu’il soit autonome, même ces 2 000 F ne suffiront pas. Il sera donc obligé de recourir à ce prêt tous les mois. Et si ses études durent cinq ans, le montant de sa dette pourra être énorme : 60 000 F. C’est justement également le montant de l’aide qui semble insuffisant à l’association des Familles de France. En effet, selon l’observatoire de la vie étudiante, les besoins mensuels moyens d’un étudiant sont évalués à 4 400 F par mois pour un étudiant vivant chez ses parents et à 6 100 F par mois pour ceux ayant un logement indépendant. L’association estime donc que ce montant de 2 000 F est bien insuffisant et que rapidement le risque est que les étudiants manifestent, demandant plus, et que l’on aboutisse ainsi à un véritable revenu étudiant, puis jeune chômeur qui aurait un coût considérable. Le groupe de la CGT-FO critique le fait que la contribution de 1 000 F accordée au jeune souscrivant un prêt soit refusée à un jeune ayant des ressources supérieures à 55 % du SMIC. Il estime que par cette mesure, les jeunes en contrat d’apprentissage, d’orientation ou de qualification, qui sont rémunérés entre 60 et 78 % du SMIC sont donc exclus de cette contribution et qu’il existe alors un risque que ceci incite les jeunes à demander un salaire inférieur à 55 % du SMIC. Ce sont là les principales critiques apportées aux propositions de l’avis du CES. Mais le rapport du Commissariat Général du Plan n’a pas plus emporté l’unanimité 2) critiques du rapport du Commissariat Général du Plan C’est le fonctionnement de l’allocation formation qui pose le plus de problèmes. Certains comme le groupe de la CFDT, estiment qu’une telle allocation versée à chaque jeune de manière mécanique est faussement égalitaire. Le groupe de la FSU estime 88 également qu’une telle aide, égale pour tous, pourrait justement être contraire au principe que recherche le Commissariat Général du Plan puisque de cette façon, les jeunes issus de familles aisées recevront leur aide et les autres devront se contenter de cette allocation de formation qui, à l’image de la contribution proposée par le Conseil Economique et Social, n’est pas suffisante pour vivre128. Mais ce qui est proposé par le Commissariat Général du Plan va encore plus loin que la contribution du Conseil Economique et Social puisque le commissariat décide que cette allocation se substituera à toutes les aides qui existaient auparavant pour les familles ayant de « grands enfants » à charge. Cela signifie donc que cette aide sera la seule. On voit bien vite que les inégalités seront encore plus frappantes, puisque l’on se doute que dans les familles aisées, les parents continueront à soutenir leurs enfants, ce que ne pourront plus faire les familles plus modestes puisqu’elles perdent toutes les aides accordées auparavant. Le groupe de la CFE-CGC craint même que cela ne soit néfaste aux relations entre le jeune et la famille : la solidarité familiale est importante et doit être conservée. Ce groupe pense donc que, même si l’idée de recentrer le dispositif d’aides sur le jeune est intéressante, cela présente des risques dont il faudra bien mesurer les conséquences avant de prendre une décision. Pour le groupe de la FSU, comme celui de la CFDT, il faut, plutôt que de faire bénéficier chaque jeune de cette allocation de formation, tenir compte de la situation réelle de chacun d’entre eux et des revenus dont ils peuvent disposer par le biais de son entourage ou d’une activité. Ils estiment que le montant doit donc être modulé et lié au projet du jeune. Ainsi, les modalités et le montant de cette allocation de formation n’emportent pas l’unanimité. Cependant il est indéniable que, autant le Conseil Economique et Social que le Commissariat Général du Plan ont fait un grand travail et que leurs idées méritent d’être encore approfondies afin de parvenir à un résultat satisfaisant. 128 Commissariat Général du Plan, Jeunesse, le devoir d’avenir, rapport de la commission présidée par Dominique Charvet, Mars 2001 89 B. Des travaux à poursuivre De ces deux principaux travaux réalisés sur la question de l’autonomie des jeunes, il ressort un certain nombre d’idées à creuser et à affiner (1), et il existe d’autres propositions avancées, qui ne constituent certes pas des mesures d’envergures, mais qui sembleraient pouvoir faire avancer les choses (2). 1) des idées à creuser L’idée de proposer des prêts à taux zéro aux jeunes semble être une idée à développer. Du reste, cette proposition du Conseil Economique et Social est évoquée par le Commissariat Général du Plan comme étant en effet une possibilité de résoudre certains problèmes des jeunes. L’écueil majeur étant le risque que le jeune ne s’endette de façon trop importante, avant même d’entrer sur le marché de l’emploi. Pour cela, il faudrait peut-être permettre un tel prêt, mais de façon limitée, afin de ne pas atteindre de trop grosses sommes. Il serait peut-être possible de moduler la somme selon la future profession que réalisera le jeune, afin que le remboursement de ce prêt soit réalisable, sans être un gros handicap pour le jeune qui démarrera une activité professionnelle. Car même si aujourd’hui il existe déjà des prêts étudiants, les taux de ceux-ci, même s’ils sont plus faibles que les taux des prêts habituels, demeurent élevés, et très peu de jeunes y ont donc recours. Ainsi selon une enquête publiée sur le site de l’association des Familles de France129, seuls 3 % des jeunes ont recours à l’emprunt pour financer des études ou autre chose.130 Il serait donc intéressant de se pencher sur cette question de prêt, afin de permettre au jeune de franchir plus facilement ce passage difficile au niveau financier qu’est la jeunesse, sans pour autant remettre ces problèmes financiers à plus tard. L’idée centrale du Commissariat Général du Plan qui est d’instaurer un droit individuel à l’éducation et à la formation tout au long de la vie garanti par l’Etat est, de l’avis de tous, une idée très intéressante. Il en est de même pour le principe de garantir à 129 op. cit. 130 sources : INSEE, INED, OVE, CSERC 90 chacun un droit à l’accès à la profession. Cependant pour cela il faudra que le service public et les entreprises s’engagent, ce qui n’est pas évident. Dans la philosophie le projet est tout à fait louable mais il semble plus difficile à appliquer. Quant au montant de l’allocation formation, il est estimé comme trop faible comme nous l’avons dit précédemment. Cette critique se fonde cependant sur les estimations de l’observatoire de la vie étudiante pour qui les besoins moyens d’un étudiant vivant hors du foyer familial s’élèvent à 6 100 F. Même s’il faut admettre que dans certaines villes comme Paris, la vie est plus chère, il semble que ce montant soit assez élevé. De nombreux jeunes arrivent à vivre avec bien moins que cela, sans être pour autant dans la misère. Il faut toutefois admettre que les 2 000 F proposés par le Conseil Economique et Social ou les 1 700 F proposés par le Commissariat Général du Plan sont toutefois trop faibles. Mais il est vrai que pour le prêt-contribution du Conseil, il est envisagé de continuer à verser aux jeunes issus des milieux les plus défavorisés la bourse qui existe aujourd’hui. C’est donc uniquement dans le cadre de la proposition du Commissariat Général du Plan que le montant n’est pas acceptable car, comme nous l’avons dit, il n’engendrerait que de nouvelles inégalités. Il semble donc que si l’on allie ces propositions avec un maintien des aides déjà existantes, la situation du jeune deviendrait alors acceptable. Mais tout le problème est alors le financement. Car évidemment pour créer une nouvelle aide, un redéploiement est malheureusement indispensable. Il semble donc qu’engager une réforme d’envergure soit loin d’être évident… 2) des idées intéressantes Il semble au constat de la réalité, qu’une des choses importantes à réaliser serait de reculer l’âge limite donnant droit à la perception des prestations familiales. Selon l’enquête publiée par l’association des Familles de France citée ci-dessus, ce n’est qu’à 23 ans ½ que la moitié des jeunes est aujourd’hui pourvue d’un emploi, contre 21 ans en 1975. Or dans la réalité c’est la famille qui supporte cette charge. Il serait donc logique que les familles puissent bénéficier plus longuement des prestations familiales 91 afin que leur bénéfice retranscrive la réalité. C’est pourquoi l’association des Familles de France prône cette réforme qui selon elle coûterait bien moins cher. Seulement l’objectif recherché par les groupes de travail que nous avons cités est d’atteindre une certaine responsabilisation du jeune : il faut qu’il soit le bénéficiaire direct des aides afin de se sentir immédiatement intégré à la société. Un autre point qui semble important et qui a été également proposé par le Conseil Economique et Social est relatif à l’allocation de logement social étudiant. Cette aide actuellement peut être demandée par n’importe quel jeune, sans qu’il ait à justifier de l’éloignement entre le domicile de ses parents et son lieu d’études. Le coût de cette prestation créée en 1993 a été tellement important que le Gouvernement a par la suite tenté de la réformer. Mais sous la pression de la rue, il n’a pu le faire et a donc décidé de supprimer les prestations familiales dues pour l’enfant qui bénéficiait de cette allocation. Ainsi, beaucoup de familles modestes vivant loin des villes universitaires renoncent donc à demander l’ALS, préférant continuer de bénéficier des prestations familiales, alors qu’elle permet à des jeunes aisés le luxe d’être indépendants de leurs parents. Il semblerait donc logique que, pour les familles vivant éloignées du lieu d’études du jeune, l’ALS puisse être cumulée avec les prestations familiales, ce que propose le Conseil Economique et Social. Résoudre le problème des difficultés des jeunes ne peut se faire aussi facilement. C’est pourquoi d’autres groupes continuent de travailler sur le sujet, notamment la commission nationale pour l’autonomie des jeunes qui doit rendre son rapport pour la fin de l’année 2001. La conférence de la Famille quant à elle, qui a eu lieu le 11 juin 2001 n’a pas évoqué directement cette question d’autonomie et a été décevante de ce point de vue. Le bilan de cette conférence131 est largement ciblé sur l’accès au logement. Cependant le Premier ministre dans son discours a justifié la création de la commission précitée et en attend beaucoup : « le Gouvernement sera très attentif au déroulement de ses travaux. Les propositions de cette commission constitueront un apport 131 Rapport présenté par M. Muzeau, session du 12 juin 2001 du Sénat, sur la proposition de loi relative à la mise en place d’une allocation d’autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans. 92 particulièrement important à la définition d’une nouvelle étape de la politique du Gouvernement en direction des jeunes ». Une chose est certaine : une réforme d’envergure nécessite une grande réflexion mesurant bien toutes les incidences d’une décision, et devra engager tous les acteurs de la société : le jeune, la famille, l’école, les intervenants sociaux, les associations, les entreprises… 93 BIBLIOGRAPHIE Ouvrages • ATTIAS-DONFUT (C .) et LAPIERRE (N.), La Famille Providence. 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Hubert BRIN, Familles et insertion économique et sociale des adultes de 18 à 25 ans, 2001. • Convention de New York de 1990, article 27, D.1990, législ. p. 424 • Circulaire DGEFP n°98/33 du 23 octobre 1998, sur l’application du programme TRACE, Journal du droit des jeunes, janv. 1999, p. 41 Références journalistiques • Le Monde, 21 août 1997, SIVP : stage d’initiation à la vie professionnelle, BEZAT (JM.) • Le Monde, 2 déc. 1999, p.23, Une étude de l’INSEE sur le quotient familial : les deux faces de l’équité fiscale, VERNHOLES (A.) • Le Monde, 17 févr. 2000, p. 7, Impôt sur le revenu : le plus symbolique mais qui ne touche que la moitié des foyers, MALINGRE (V.) • Le Monde, 29 févr. 2000, p. 12, Société, précarité, FENOGLIO (J.) et MONNOT (C.) • Le Monde, 20 févr. 2001, p. 10, L’impôt, nouvel allié des prestations sociales, KESSLER (F.) • Le Monde, 23 févr. 2001, L’allocation d’autonomie pour les jeunes séduit le Plan et gêne le gouvernement, GUIBERT (N.) • Le Monde, 28 mars 2001, p. 36, Le Conseil Economique et Social prône l’instauration d’une aide mensuelle de 2 000 F aux 20-25 ans, CHAMBON (F.) 98 Documents internes et sites Internet • Déclaration des revenus 2000, brochure pratique 2001, publié par le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie • Revue Vie de famille, Guide de vos prestations 2001, supplément de févr. 2001 • Le guide du CROUS de Lille pour l’année universitaire : 2000-2001 • Règlement intérieur du fonds départemental d’aide aux jeunes, délivré par l’Espace Réussir de Lille. • site Internet : www.famillesdefrance.asso.fr Jurisprudence • Civ 2e, 7 mars 1962, Bull. civ II, n°272 • Civ. 2e, 29 mai 1963, JCP 1964, II, 13651 • TGI Chambéry, 26 janv. 1966, JCP G., II, 14854 • Civ. 2e, 18 juin 1967, D. 1967, p. 678 • Civ. 2ième, 26 nov. 1970, D. 1971, somm. 104 • Civ. 2e, 12 juil 1971, D. 1971, P. 689 • Civ. 1ière, 18 mai 1972, D. 72, 672 • Civ. 2ième, 19 oct. 1977, D. 1978, inf. rap. p. 89 • Civ. 2ième, 28 janv. 1981, Bull civ. II, n°19 • Civ. 2ième, 6 févr. 1985, Bull. civ. II, n°19 • Civ. 2ième, 17 juil. 1985, D. 1986, IR 109 • Civ. 2ième, 17 oct. 1985, Bull. civ. II, n° 157 et Civ. 2ième, 29 mai 1996, Bull. civ. II, n°114 • Civ. 2e, 8 févr. 1989, Bull. civ, II, n°32 99 • CA Douai, 7 févr. 1991, D. 1992, somm. 69, note BLARY-CLEMENT (E.) • Civ. 2e, 11 déc. 1991, Bull. civ, II, n°341 • CA Paris, 26 avril 1994, RTD civ. 1994, p. 583 • CA Colmar, 27 juin 1994, JCP G 1995, IV, 372 • CA Douai, 13 oct. 1994, RTD civ. 1995, p. 350, obs. J. HAUSER • Civ.2e, 29 mai 1996 et Civ.1re, 25 juin 1996, D. 1997, Jur. p. 455, note BOURGAULT-COUDEVYLLE (D.) • CA Paris, 30 avril 1997, Juris-data n°022425 • CA Rennes, 8 sept. 1997 : jurisdata n° 048810 • Civ.2e, 27 janv. 2000, Bull. civ., II, n°17 ; Dr. fam., juin 2000, n°6, p. 16 ; obs. C. CHABAULT 100 ANNEXES Exemple d’un diagnostic social établi pour l’accompagnement d’un jeune dans le cadre du dispositif TRACE. 101 102 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION ......................................................................................................5 PARTIE 1 - LE JEUNE À LA CHARGE DE SA FAMILLE..............................12 Chapitre 1. La famille : aide prioritaire du jeune..............................................12 Section 1. L’existence de l’obligation d’entretien..........................................13 §1. Une obligation découlant de la parenté ................................................13 A. Le fondement de cette obligation ......................................................13 B. Prolongation de l’obligation d’entretien après la majorité ................15 §2. Les conditions de la prolongation ........................................................17 A. La poursuite d’études ........................................................................17 B. Un droit du jeune important...............................................................19 1) des contreparties quasi-inexistantes ...............................................20 2) la condition oubliée........................................................................21 Section 2. Une extension excessive................................................................23 §1. Extension au jeune chômeur.................................................................23 A. Abandon de la condition d’études .....................................................23 B. Confusion avec l’obligation alimentaire............................................24 §2. Risque d’une telle extension.................................................................26 A. Autonomie de l’article 295 du Code civil .........................................26 B. Le manque de réciprocité...................................................................28 Chapitre 2. L’Etat soutient la famille.................................................................30 Section 1. Les aides indirectes : les avantages fiscaux...................................30 §1. Les différents avantages .......................................................................30 A. Un possible rattachement de l’enfant au foyer fiscal de ses parents .31 B. Une non imposition de certains revenus............................................32 C. La déduction de certaines dépenses ...................................................32 103 §2. Les critiques .........................................................................................33 A. Le quotient familial, un système archaïque .......................................34 B. Propositions de substituts au quotient familial ..................................36 Section 2. Les aides directes...........................................................................39 §1. Les différentes aides.............................................................................39 A. Aides versées aux familles ayant à charge de jeunes adultes ............39 1) la notion d’enfant à charge au sens des prestations familiales.......39 2) les aides principales .......................................................................40 B. Aides à la poursuite de la scolarité ....................................................42 1) les bourses sur critères sociaux ......................................................42 2) l’inégalité entre les étudiants..........................................................43 §2. Modalités de distribution......................................................................45 A. Conditions de ressources ...................................................................45 1) les allocations familiales ................................................................45 2) les autres aides sous conditions de ressources ...............................47 B. Les allocataires des prestations..........................................................48 PARTIE 2 - L’AIDE DIRECTE DE L’ETAT AU JEUNE ..................................50 Chapitre 1. Subvenir par lui même à ses besoins...............................................50 Section 1. Des aides à l’insertion ...................................................................51 §1. La politique de l’emploi .......................................................................51 A. Naissance de la politique de l’emploi................................................51 B. Aides à la formation...........................................................................53 1) reprise de la formation ...................................................................53 2) formation en alternance..................................................................54 §2. Les programmes d’insertion.................................................................56 A. Emplois aidés.....................................................................................56 1) les aides vers les jeunes en difficulté .............................................56 2) les emplois jeunes ..........................................................................57 B. Le programme TRACE......................................................................59 104 Section 2. Des aides dans l’attente de l’insertion...........................................61 §1. Aides spéciales .....................................................................................61 A. Jeunes en voie d’insertion .................................................................61 1) les FAJ............................................................................................61 2) les points d’accueil et d’écoute jeunes ...........................................63 B. Etudiants ............................................................................................64 1) jeune autonome ..............................................................................64 2) aides complémentaires spécifiques ................................................66 §2. De nombreuses aides diverses..............................................................67 A. Des aides trop diverses ......................................................................67 B. De trop nombreuses aides..................................................................69 Chapitre 2. L’autonomie des jeunes...................................................................72 Section 1. Un besoin d’autonomie .................................................................72 §1. Constat d’une lourde charge.................................................................72 A. Un poids de plus en plus lourd pour les familles...............................72 1) une charge de plus en plus lourde ..................................................72 2) une prise en compte insuffisante....................................................73 B. La demande d’une autonomie............................................................74 §2. Propositions d’une véritable autonomie ...............................................76 A. Une proposition simple mais ambitieuse...........................................76 B. L’allocation universelle .....................................................................78 Section 2. Un effort axé sur la formation .......................................................81 §1. Les principales propositions.................................................................81 A. Proposition du CES : un prêt et une contribution..............................81 B. Proposition du Commissariat Général du Plan : un droit de créance formation .....................................................................................................84 §2. Les principales critiques.......................................................................87 A. Une fausse autonomie........................................................................87 1) critiques de l’avis du CES..............................................................87 2) critiques du rapport du Commissariat Général du Plan .................88 B. Des travaux à poursuivre ...................................................................90 105 1) des idées à creuser..........................................................................90 2) des idées intéressantes....................................................................91 BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................94 Ouvrages.....................................................................................................94 Etudes doctrinales et articles ......................................................................94 Actes de colloques......................................................................................96 Rapports et documents officiels .................................................................97 Références journalistiques..........................................................................98 Documents internes et sites Internet...........................................................99 Jurisprudence..............................................................................................99 ANNEXES...............................................................................................................101 TABLE DES MATIERES .....................................................................................103 106