Cas pédagogique L`industrie des Jeux vidéo : concurrence
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Cas pédagogique L`industrie des Jeux vidéo : concurrence
L’industrie des Jeux vidéo : concurrence duopolistique et externalités de réseau Cas Pédagogique d’Economie industrielle et des organisations Bertrand Quélin Groupe HEC Bertrand Quélin – Groupe HEC L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau 2 Cas pédagogique L’industrie des Jeux vidéo : concurrence duopolistique et externalités de réseau Sommaire Page Introduction : Définition du marché et des produits ..........................................................................2 I- Les premiers jeux vidéo sont américains.........................................................................................2 I-1 Présentation de l'industrie et des acteurs.................................................................................................2 i) Les premiers fabricants et la formation de l’industrie ii) Les éditeurs de jeux iii) Le marché des premiers jeux II- Les Japonais relancent le marché grâce aux consoles 8 bits ......................................................5 II-1 Historique du marché de la première génération ....................................................................................5 II-2 Le concept de console de jeux lancé par Nintendo.................................................................................6 i) Nintendo a parié sur la reprise des jeux vidéo à domicile ii) La NES est un produit grand public iii) Les consoles se différencient des ordinateurs familiaux II-3 Les fabricants de la première génération 8 bits.......................................................................................6 i) Nintendo ii) Sega iii) Les autres fabricants iv) Les "substituts" : les ordinateurs personnels II-4 Les relations au sein de l'industrie ..........................................................................................................9 i) Le marché des jeux vidéo 8 bits est caractérisé par la domination de Nintendo ii) L'industrie de l'édition et ses relations avec les fabricants iii) La stratégie commerciale et marketing III- La mise en place de la concurrence Sega / Nintendo ................................................................ 10 III-1 La situation au début de la décennie 1990...........................................................................................10 i) L'évolution de la taille du marché ii) Les relations avec le marché des ordinateurs personnels iii) Les stratégies des constructeurs Sega et Nintendo III-2 Le verrouillage du marché....................................................................................................................14 i) Le verrouillage de l'édition ii) La fidélisation du consommateur iii) La commercialisation IV- Un poids croissant de la technologie .......................................................................................... 15 IV-1 Historique.............................................................................................................................................15 IV-2 Le marché des jeux vidéos 16 bits arrive à maturité............................................................................15 IV-3 L’apparition de hautes technologies issues de l'informatique professionnelle .....................................16 V- L’entrée de Sony sur le marché des consoles vidéo .................................................................. 18 V-1 Sony .....................................................................................................................................................18 1) Historique 2) La technologie du 32 bits 3) Puissance financière V-2 La situation à la fin du millénaire..........................................................................................................19 1) Évolution du marché 2) Stratégie des principaux acteurs Annexe A : La technologie des consoles Annexe B : Données de marché Annexe C : Comptes consolidés de Sony, Sega et Nintendo Bertrand Quélin – Groupe HEC L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau 3 Cas pédagogique L’industrie des Jeux vidéo : concurrence duopolistique et externalités de réseau Questions • Quelles sont les positions concurrentielles occupées par les principaux acteurs du secteur ? Comment évoluent-elles au cours du temps (prix, innovation, attaque des marchés) ? • Quelles sont les barrières à l’entrée ? Quels sont les comportements de contournement des nouveaux entrants ? • Les acteurs ont-ils intérêt à une guerre des prix sur les consoles ? Comment arbitrer entre l’extension du parc et le lancement de nouvelles générations ? Existe-t-il une prime au premier entrant ? • A l’aide de la théorie des jeux, vous analyserez la dynamique concurrentielle à l’œuvre dans cette industrie. Bertrand Quélin – Groupe HEC L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau 4 Cas pédagogique L’industrie des Jeux vidéo : concurrence duopolistique et externalités de réseau Définition du marché et des produits Le marché des jeux vidéos représentait, selon Global industry Analysts, un marché mondial de 7,7 milliards de US$ en 1999. Le marché des jeux vidéo comprend d'une part les consoles, exclusivement dédiées au jeu et conçues pour être connectées à un téléviseur, et, d'autre part, des logiciels de jeux spécifiques. En règle générale, les consoles et les formats des logiciels sont propres à chaque fabricant. Les logiciels sont conçus pour un seul type de console et différents jeux sont disponibles pour chaque catégorie de consoles. Le marché comprend également les consoles de jeux portables avec écran incorporé, en général à cristaux liquides, dotés eux aussi de plusieurs logiciels pour la même machine. Cette définition exclut donc : - les bornes de jeux d'arcade, qui sont des jeux à vocation collective, généralement installés dans les salles de jeux et les débits de boissons ; - les micro-ordinateurs, qui sont polyvalents, et donc pas uniquement dédiés aux jeux ; - les jeux électroniques de poche, qui n'ont qu'un seul programme, non interchangeable, inséré dans la machine. - Le secteur des jeux sur internet, « on-line » restait encore émergent en 2001. Les jeux, qui forment ce que l'on appelle le "software", par opposition au "hardware" (la machine), sont des programmes d'une taille variable dont le support est généralement une cartouche ou un CD-ROM. Les jeux sont essentiellement composés d'une Read Only Memory (ROM ou "mémoire morte"), que l'on ne peut pas modifier. Certains possèdent toutefois une RAM (Random Access Memory, "mémoire vive") permettant d'enregistrer les meilleurs scores ou de créer des sauvegardes de l'état d'avancement du jeu. Les cartouches sont des supports qui permettent un accès instantané au programme, car le jeu est stocké en mémoire morte, dans une puce. Une fois la cartouche enclenchée, elle est équivalente à une puce directement insérée dans la machine. Le CDROM au contraire nécessite des temps Bertrand Quélin – Groupe HEC d'accès au programme plus longs, car le temps de lecture des informations est plus élevé que pour une cartouche. La segmentation classique s’organise autour des quatre types de jeux existants, avec les exemples les plus connus : a/ Les jeux de plates-formes b/ Les jeux d'action c/ Les jeux de simulation d/ Les jeux d'aventure et d’action. Les deux premiers types de jeux sont des jeux rapides qui nécessitent un temps d'accès quasi nul au programme et une taille mémoire assez peu importante en général ; ils sont plus adaptés à un support cartouche. Les deux derniers types de jeux sont destinés à un public plus âgé, qui désire des graphismes soignés ou réalistes, un scénario complexe et long et une bande sonore originale. Ils réclament une grande place mémoire, et sont le plus souvent développés sur micros avant d'être adaptés sur consoles. Un support CD est plus adapté que des cartouches : la capacité de stockage prime sur le temps d'accès à l'information. 5 L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau I Les premiers jeux vidéo sont américains I-1 Présentation acteurs de l'industrie et des 1) Les premiers fabricants et la formation de l’industrie Les jeux vidéo ont été inventés dans les années 60 par Nolan Bushnel, dont la société prend, en 1973, le nom d'Atari. En 1976, Atari est racheté par le groupe de communication Warner. 3) Le marché des premiers jeux En 1982, le marché des jeux vidéo est à son apogée aux Etats-Unis. Le taux d'équipement des foyers en console ou en ordinateur personnel atteint 15%. 11,5 millions de consoles ont été vendues sur le sol américain de 1979 à juin 1982 dont 70% par Atari. Le nombre de consoles disponibles sur le marché culmine à la même époque. Tous ces systèmes sont incompatibles entre eux sauf la console Coleco qui dispose d'un adaptateur pour les jeux Atari. Cette multiplication de systèmes et, par conséquent, celle des catalogues de jeux qui leur sont propres crée une certaine confusion chez le consommateur, confusion accentuée par l'invasion de copies de jeux de mauvaise qualité. Au quatrième trimestre 1982 aux EtatsUnis et à la fin 1984 en France, les ventes de consoles commencent à plafonner. Dans un marché rétréci, la concurrence s'intensifie entre les nombreux fabricants. Atari doit, dès 1983, fermer son usine de Californie avant d'être bradé quelques mois plus tard par Warner. Mattel quitte le marché à la fin 1983. Les prix des consoles chutent rapidement (tableau 3). En 1979, Atari sort la console VCS 2600 (Video Computer System). La mode des jeux video commence vraiment avec cette première console Atari qui prendra 44% du marché américain. Dès l’année suivante, Atari détient ainsi les trois quarts du marché américain des jeux vidéo estimé à $ 320 millions. Le solde est entre Mattel - leader mondial de l'industrie du jouet (avec les poupées Barbie entre autres) - qui a lancé l'Intellivision et un petit fabricant nommé Odissey. Les années 80 voient l'apparition des consoles séparant le matériel du logiciel. Consécutivement à la mutation des produits, les activités de fabrication du hardware et l'édition de jeux deviennent plus nettement indépendantes. Certains fabricants comme Atari et, dans une moindre mesure, Mattel intègrent l'édition. Attirés par le succès (Atari est l'entreprise qui a connu la plus forte croissance dans l'histoire américaine à cette époque là), Coleco, Milton Bradley, Parker et Texas Instrument lancent leurs consoles entre 1982 et 1983. Seule la console de Coleco, filiale de CBS, arrive véritablement à percer. En 1983, l'offre de hardware atteint son apogée aux Etats-Unis. De plus, on trouve aussi une dizaine de modèles d'ordinateurs personnels, tous conçus pour les mêmes applications : jeux vidéo, éducation, gestion domestique. Leurs prix varient de 45 $ à 290 $, le gros du marché se situant aux alentours de 100 $. Les nombreuses options proposées augmentent le prix d'acquisition d'un système complet (mémoire, joysticks, imprimantes) à 800 $ en moyenne. Au cours de cette période, les acteurs du marché se sont livrés à des guerres de prix entraînant des pertes énormes. Ainsi en 1984, les trois premiers fabricants américains Atari, Mattel et Texas Instrument perdaient à peu près 1,5 milliards de $. La multiplication de micro-ordinateurs plus puissants, plus polyvalents et de moins en moins chers ne fit qu’aggraver cette crise. Tableau 1 - Matériel disponible aux Etats-Unis en 1983 Constructeur Modèle Atari Coleco Industries Mattel Electronics VCS 2600 ColecoVision Intellivision II (Sources : Business Week, Fortune) Bertrand Quélin – Groupe HEC Prix mai 83 99 $ 140 $ 140 $ Options proposées clavier (90 $) clavier (200 $) clavier (180 $) 6 L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau Tableau 2 – Volume des ventes aux USA (en millions d’unités) 1982 8.2 60 2 Consoles Cartouches Ordinateurs personnels 1983 7 75 5 1984 5 80 7 En Europe et en particulier en France, Philips reste leader du marché devant Atari et Mattel malgré des consoles et des jeux de moindre qualité. Il existe toutefois un décalage entre le marché européen et le marché américain à cette époque là. On y retrouve les mêmes tendances à plusieurs années d'écart en raison du décalage des lancements des consoles américaines. Ainsi, Atari a vendu 60,000 consoles en France en 1988 et près de 100,000 en 1989 soit plus d'un tiers du marché national alors que ses ventes aux Etats-Unis s'étaient effondrées depuis 1984 et que la firme avait été vendue par Warner à un prix dérisoire. Pendant cette période, la console Atari est vendue en France à moins de 400 F et la marque dispose du plus vaste catalogue de jeux du marché vendus entre 90 et 150 F l'unité. Tableau 3 - Evolution du prix des consoles en France fin 1983 / fin 1984 Prix moyen Noël 83 ATARI VCS 2600 CBS Colecovision MATTEL Intellivision PHILIPS C52 1,300 F 1,800 F 1,700 F 900 F Les ventes de consoles baissent jusqu’à être presque nulles en 1985. L’industrie rentre en crise. Prix minimum Noël 84 590 F 1,250 F 750 F 590 F avec des jeux de qualité souvent douteuse, compatibles avec plusieurs types de hardware. 2) Les éditeurs de jeux Parallèlement, le phénomène de substitution au profit des ordinateurs personnels semble s’accentuer. L'édition est plus atomisée que la fabrication. A cette époque, on compte une douzaine d'éditeurs importants parmi lesquels Activision, Imagic, Sega, Taïto, Atari, Namco, Electronic Arts, Mattel, Parker et Williams sont les plus remarquables. Taïto, Sega, Atari et Namco sont les quatre leaders du marché de l'arcade. Ils adaptent leurs logiciels aux consoles. Les fabricants tentent d'accompagner cette tendance et proposent tous des claviers compatibles avec leurs consoles. Atari renonce à lancer le modèle 7800 de console mais ajoute à son catalogue deux modèles d'ordinateurs personnels, l'Atari 400 et l'Atari 800. Le développement des jeux connaît un rythme soutenu : plus de 350 jeux ont été édités en 1982 et 300 en 1983 (données agrégées pour les jeux, consoles et ordinateurs personnels). Les systèmes propres aux différentes consoles ne sont généralement pas ou mal protégés ce qui permet à de nombreux petits éditeurs d'inonder le marché Bertrand Quélin – Groupe HEC Toutes les prévisions s'accordent pour condamner les consoles face aux nouveaux ordinateurs aux fonctions plus nombreuses et diversifiées. Le succès foudroyant de la NES lancé dès 1985 par Nintendo n'en sera que plus inattendu. 7 L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau Tableau 4 - Volume des ventes annuelles (en milliers d'unités) CONSOLES DE JEUX 1982 1983 1984 Etats-Unis 7,900 5,600 4,000 Europe 1,635 1,770 1,620 France 250 275 200 II. LES JAPONAIS RELANCENT LE MARCHE GRACE AUX CONSOLES 8-BITS II-1 Historique du marché de la première génération En 1983, durant le premier trimestre de l'année, le marché des jeux vidéo atteint son maximum en volume de vente, mais un phénomène de dumping et une escalade dans le consentement de rabais se manifestent au cours du second semestre. Cette baisse des prix s'explique par la mauvaise qualité des jeux qui inondent le marché. Les ventes déclinent de 33% à la fin de l'année. La même année, Nintendo lance le Family Computer ("Famicom") au Japon. C'est une console de technologie 8 bits exclusivement dédiée aux jeux. Le prix de la console est de 15,000 Yens (65$) ; l'Atari 2800 est proposé à 24,600 Yens (105$) selon les taux de change de l’époque. En 1984, Atari présente son dernier produit, le 7800, mais ne le commercialise pas. De son côté, Coleco cesse la fabrication de consoles. Mattel ferme son département électronique et Warner Communication brade Atari à un prix dérisoire. En 1985, la Famicom est lancée aux Etats-Unis sous le nom de NES (Nintendo Entertainment System). En 1986, Sega entre sur le marché des consoles 8-bits avec la Master System. Cette société assure le lancement de la console à la fois aux Etats-Unis et au Japon. Les ventes globales annuelles de consoles Nintendo s'élèvent à 1 million d'unités. En 1987, Nintendo commercialise la NES (avec le jeu Super Mario) et Sega la Master System en Europe. The Legend of Zelda est le premier jeu à se vendre à plus d'un million d'exemplaires. Atari ouvre à nouveau son département de jeux vidéo. Bertrand Quélin – Groupe HEC MICRO-ORDINATEURS Etats-Unis 2,800 6,000 9,500 Europe 535 1500 2,150 France 70 180 300 En 1988, NEC introduit au Japon une gamme de trois consoles : 8-bits, 16-bits et portable. Les jeux NEC sont compatibles sur les trois consoles. La NES connaît un difficile décollage en Grande Bretagne, jusqu'à la sortie du jeu Tortues Ninjas. Atari attaque Nintendo en justice pour abus de position dominante, en vertu des lois anti-trust américaines. En 1989, Amstrad lance une console 8bits, la GX 4000. Les consoles 16-bits, Sega Genesis et NEC Turbografx-16, commencent à arriver sur le marché américain. En 1990, on estime que 30 millions de NES ont été vendues aux Etats-Unis depuis son lancement. Le taux de pénétration de la NES est de 30% aux Etats-Unis. La commercialisation de Super Mario 3 de Nintendo débute sur le marché américain. Vendu à 7 millions d'exemplaires avant la fin de l'année, il devient le jeu vidéo le plus vendu de tous les temps à cette époque là. La console 16-bits de Nintendo, la Super Famicom, est présentée au Japon. Atari lance sa console portable aux Etats-Unis, la Lynx. En 1991, on estime que 42 millions de NES ont été vendues aux Etats-Unis depuis son lancement. La ludothèque correspondante s’élève à près de 500 titres. 8 L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau II-2 Le concept de console de jeux lancé par Nintendo II-3 Les fabricants génération 8-bits 1) Nintendo a parié sur la reprise des jeux vidéo à domicile 1) Nintendo La panoplie de base de la console NES est très simple : - une console, exclusivement dédiée au jeu, de la taille d'un petit magnétoscope qui se branche sur le poste de télévision ; - une panoplie d'une cinquantaine de jeux qui accompagnent la console lors de son lancement ; - un "joypad", ou manette de jeu. "Nous avons mené des études et conclu que le consommateur était encore intéressé par ce type de produit, mais qu'il était déçu par la qualité des produits existants" déclarait Bill White, directeur de la publicité et des relations publiques de Nintendo. 2) La NES est un produit grand public Elle peut être considérée comme un produit grand public : - par son prix : $100 environ pour la console, à son lancement ; - $ 30 à 50 pour un jeu ; - par sa technologie qui emploie des composants banalisés ; - par la simplicité de la conception de la console qui permet à tout enfant, même en bas âge, de jouer de manière autonome ; - par ses canaux de distribution à grande échelle. 3) Les consoles se ordinateurs familiaux différencient des Elles n'offrent aucune possibilité d'extensions périphériques et s'assument clairement en tant que machines à jouer pures. Le marché des consoles souffre au départ d'un complexe face aux ordinateurs familiaux. On constate ce phénomène à travers, par exemple, le choix de la dénomination de Family Computer de la machine de Nintendo lors de sa sortie au Japon. Devant la réussite du concept, ils rebaptisent trois ans plus tard leur console "Nintendo Entertainment System" (NES), qui est donc d'emblée et clairement une machine dédiée exclusivement au jeu. Bertrand Quélin – Groupe HEC de la première Historique Créé en 1899 à Kyoto, Nintendo était à l'origine un producteur de cartes à jouer et de divers petits jeux de société. Dans les années 70, la firme opère une diversification dans les machines à sous et les appareils pour cafés et salles de jeux vidéo. Elle se lance également sur le marché des jeux électroniques avec les "mini-jeux" Game&Watch, qui connaîtront un succès mondial. C'est à cette époque que le personnage de Mario, plombier de son état, a été inventé. Nintendo persiste dans cette voie et, en 1983, lance sa première console de jeux familiale au Japon. Le succès est considérable et, dès le milieu des années 80, un foyer nippon sur trois possède une "Famicom". Technologie Nintendo a dès le départ insisté sur la qualité de la console, tant du point de vue graphique (nouvelle technologie 8 bits) que de la finition, robuste et soignée. Les jeux Nintendo sont mémorisés dans des composants électroniques (mémoires ROM) et non sur des disquettes ou cartouches magnétiques (comme le sont les jeux pour micro-ordinateurs); ils sont pratiquement impossibles à copier. En outre, en raison des normes de télévision différentes d'un continent à un autre, les cartouches de jeux achetées au Japon sont inutilisables sur une console américaine ou européenne. Nintendo a décidé de vendre sa console à un prix inférieur à 1 000 F l'unité. Pour cela, il a fallu acheter massivement des composants électroniques (à NEC, Matsushita ou Motorola, leaders mondiaux des semi-conducteurs) et produire au moins un million d'exemplaires dès le lancement, sans être certain de la demande. Le prix de la console était ainsi environ 4 fois moins élevé que celui des ordinateurs familiaux (C64, Amstrad CPC 124), avec des jeux 50% plus chers. Publicité et marketing Ayant en quelque sorte créé un nouveau marché, Nintendo a fait de sa politique commerciale un axe stratégique majeur. La promotion du produit fut particulièrement importante, et les canaux employés étaient L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau adaptés au cœur de cible, les garçons de 5 à 15 ans : - Co-promotion avec de grandes entreprises (Pepsi-Cola) pour gagner des consoles ; - Utilisation commerciale des héros Nintendo : dessin animé Super-Mario aux Etats-Unis, par exemple ; - Publication de magazines payants : Nintendo Power aux Etats-Unis. La croissance du nombre d'abonnés fait que Nintendo possède un fichier renseigné sur près de 30% de ses clients fin 1989 ; - Lignes téléphoniques pour connaître les astuces des jeux, ligne nationale pour diffuser les informations Nintendo hebdomadaires (Captain Nintendo Hotline) ; - Mise en place de championnats de jeux vidéo. 9 2) Sega Historique SErvice GAmes est créé en 1951 pour assurer la maintenance au Japon des machines de jeux (flippers, juke-box) importés des Etats-Unis. Petit à petit, Sega conçoit et commercialise ses propres jeux pour devenir dans les années 70 un des leaders mondiaux des jeux d'arcades. La société consolide son savoir-faire technique et créatif dans l'arcade pour préparer son entrée sur le marché des consoles en 1986, avec la Master System. Technologie La Master System utilise la même technologie 8-bits que la console Nintendo NES. Commercialisation En 1988, Nintendo a dépensé 20 M$ en spots publicitaires. Les opérations de promotion et de publicité concernant les produits Nintendo ont atteint 60M$ en 1989. Puissance financière En 1988-1989, Nintendo affiche un taux de marge industrielle supérieur à 30%. Le ratio est moitié moindre pour Hasbro et Mattel, entreprises en bonne santé dans le secteur du jouet. Ce décalage s'explique par la différence au niveau du cycle de production (taux de sous-traitance, robotisation, nature des approvisionnements...), mais aussi par la marge de manœuvre dont dispose Nintendo pour fixer ses marges. Le groupe a financé son développement en utilisant exclusivement ses ressources propres, il n'a pas recouru à l'endettement. Les investissements sont peu élevés, en liaison avec les immobilisations corporelles. Nintendo opère en effet en propre à partir de deux usines, cinq bureaux, deux plates-formes de distribution au Japon et une aux Etats-Unis. Les filiales hors Japon sont des relais commerciaux. L'industrie du hardware est peu capitalistique à cette époque, car elle passe en grande partie par la sous-traitance. Nintendo présente un excédent de trésorerie d'exploitation proche de son résultat d'exploitation. Cette trésorerie disponible constitue un véritable "trésor de guerre" pour répondre aux attaques d'un éventuel rival, ou effectuer des acquisitions dans un marché très mouvant. Bertrand Quélin – Groupe HEC Pour combler son retard sur Nintendo, Sega décide de lancer la Master System simultanément au Japon et aux Etats-Unis puis, un an après (en 1987), en Europe (soit en même temps que la NES). Avec trois ans de retard sur la NES au Japon, la console Master System n'a pas permis à Sega de concurrencer frontalement Nintendo, qui jouit d'un quasi-monopole avec environ 90% de parts de marché. Le retard n'a été que d'un an aux Etats-Unis, mais la position dominante du leader n'a que faiblement été érodée car Sega a raté son démarrage en raison d'un contrat de commercialisation avec un distributeur trop petit et pas assez solide. Ceci a servi de leçon pour attaquer le marché européen, car Sega a passé un contrat avec un distributeur exclusif beaucoup plus sérieux, Virgin Loisirs. Sa stratégie, en tant que nouvel entrant en 1986, s’appuie, d'une part, sur des prix intéressants aux éditeurs afin de les pousser à développer sur leur machine, et d'autre part, sur le développement d’un savoir-faire propre en matière d'édition de jeux. Les éditeurs tiers paient un OEM supply fee (Original Equipment Manufacturing) de l'ordre de 20$ par cartouche à Nintendo, et de l'ordre de 16$ à Sega. De plus, Electronic Arts (EA), qui a été le premier éditeur tiers à se lancer dans l'aventure en éditant des jeux pour la Master System a bénéficié de clauses contractuelles favorables : droit d'éditer plus de quatre jeux par an, possibilité pour EA de fabriquer ses propres cartouches, et en contrepartie, exclusivité des jeux EA sur 10 L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau support Sega pendant six mois. Cette possibilité sera étendue ultérieurement à d'autres éditeurs travaillant pour Sega et même pour Nintendo, comme Acclaim et Accolade. La Master System est un échec au Japon et rencontre un succès très limité aux Etats-Unis. Cela provient du fait que la Master System ne présente aucune amélioration technologique par rapport à la NES, et est vendue à un prix sensiblement similaire. Enfin, elle arrive sur un marché déjà sérieusement dominé par Nintendo. A l'inverse, les consoles sortent en même temps en Europe, et la Master System se taille une part de marché honorable, même si sa ludothèque, qui est plus restreinte que celle de sa concurrente, ne lui permet pas d'être le leader. Sega a enfin profité de la taille écrasante de Nintendo de deux manières : - Le marché que Nintendo a créé est d'une taille importante, en volume comme en valeur, ce qui a induit la génération spontanée d'éditeurs tiers désireux de développer pour un tel marché ; les machines Sega et Nintendo étant très proches technologiquement, Sega n'a eu aucun mal à convaincre les éditeurs tiers d'adapter leurs jeux sur la Master System. - Nintendo était soupçonné de pratiques concurrentielles déloyales, tant au Japon qu'aux Etats-Unis. L'arrivée de Sega lui était utile d'une certaine manière, et Nintendo ne s'y est pas opposé trop durement (en interdisant aux éditeurs de développer sur standard Sega, par exemple). prendre des positions en tant que fabricants de consoles. La gamme d'Atari ne comprend qu'un seul modèle : la console portable Lynx. Elle utilise une technologie 8-bits avec un écran couleur, mais elle est handicapée par un prix élevé (environ 1000 FF) et par un catalogue de jeux relativement pauvre. En effet, Atari a des difficultés pour convaincre les éditeurs tiers de développer des jeux pour sa console. L'offre d'Amstrad se limite à une machine 8-bits, la GX 4000, qui ne bénéficie pas d'une promotion suffisante. 4) Les "substituts" personnels : les ordinateurs Atari, Amstrad et Commodore dominent le marché des ordinateurs personnels. Ces produits se développent principalement en Europe où ils ne souffrent pas de la concurrence des consoles de jeux japonaises. En effet, Nintendo n'a véritablement percé en Europe qu'à la fin des années 1980, ce qui a permis aux fabricants d'ordinateurs familiaux d'avoir le champ relativement libre. Le produit "phare" au milieu des années 1980 était le Commodore 64. Les jeux étaient édités sur bande magnétique et sur disquette de format 5'1/4. Ces supports requéraient un temps de chargement des jeux relativement long (surtout pour les cassettes), et permettaient aux utilisateurs de copier illégalement les jeux commercialisés par les fabricants. Au Japon, le développement des ordinateurs familiaux était handicapé par les problèmes posés par le clavier, non adapté à l'écriture japonaise. Par ailleurs, la politique protectionniste japonaise n'a pas permis aux constructeurs étrangers de s'imposer sur le marché nippon. 3) Les autres fabricants NEC, troisième fabricant japonais de jeux vidéo, a sorti trois consoles (portable, 8 et 16 bits) en 1988. Les jeux disponibles sont compatibles avec les trois appareils sans distinction, et peuvent être utilisés partout dans le monde (compatibilité des normes). Ainsi, l'ensemble de la ludothèque de NEC a pu être lancée sur le marché français dès novembre 1989. Les consoles et les jeux sont distribués en France par la Sodipeng, une petite société créée pour l'occasion. Elle ne compte que sur la presse spécialisée et le parrainage d'une émission pour enfants pour promouvoir les produits NEC. Les fabricants américains de microordinateurs Atari et Amstrad tentent de Bertrand Quélin – Groupe HEC Il n'y a guère qu'aux Etats-Unis que les ordinateurs et les consoles sont véritablement en concurrence. Concurrence de courte durée, car les prix des micro-ordinateurs, alourdis par des fonctions nouvelles, ne sont pas compétitifs par rapport aux prix de vente des consoles. De plus, les ordinateurs demeurent un objet plutôt technique et utilisable individuellement ; tandis que les consoles installées sur le téléviseur –qui est le plus souvent au salon– permettent de jouer à plusieurs : en famille ou entre amis dans une ambiance plus conviviale. 11 L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau II-4 Les l'industrie relations au sein de 1) Le marché des jeux vidéo 8 bits est caractérisé par la domination de Nintendo En 1986, cinq constructeurs interviennent sur le marché. Nintendo domine de très loin le lot avec 80% de parts de marché. Les autres japonais Sega et NEC se partagent les 20% restants américains Atari et Amstrad. avec les Entre 1983 et 1991, 14,5 millions de Famicom sont vendues au Japon. La part de marché de Nintendo sur le marché nippon s'élève à 90%. Tableau 5 - Taux d'équipement des foyers en consoles Nintendo (Famicom ou NES) en 1989 Japon Etats-Unis Europe Aux Etats-Unis, Nintendo contrôle 80% du marché fin 1988. La société a vendu cette même année, sur le marché américain, 7 millions de consoles et 32,5 millions de cartouches. Ceci représente un chiffre d'affaires de 1,7 milliards de $ ( le marché total du jouet s'élève à 10,2 milliards de $). Loin de ralentir, le mouvement continue. En 1990, Nintendo détient 90% du marché américain des jeux vidéo et 21% des ventes globales de jouets. Au total, sur le marché américain, Nintendo a vendu 42 millions d'exemplaires de NES entre 1983 et 1991. 2) L'industrie de l'édition et ses relations avec les fabricants "On parle beaucoup de hardware, mais la chose importante est la manière dont vous développerez un software de qualité à un rythme accéléré" pouvait déclarer Hiroshi Yamauchi, Président de Nintendo. A cette époque, la palette des jeux accompagnant la NES présente un grand nombre de titres dans des catégories différentes. Si Nintendo a commencé par développer ses propres jeux, l'entreprise a rapidement fait appel à des éditeurs tiers et ne développe plus qu'un jeu sur trois à la fin des années 80. Les conditions imposées aux sociétés éditrices sont draconiennes : - analyse de leur structure financière ; - paiement d'un droit d'entrée pour être licencié. Le montant de ce droit dépend du pouvoir de négociation dont dispose l'éditeur (réputation, taille expérience) ; - développement du jeu, qui sera refusé s'il n'est pas conforme à la qualité exigée par Nintendo ; Bertrand Quélin – Groupe HEC 40% 25% 3% - le risque est assumé par l'éditeur : pour mettre un jeu sur cartouche, il doit acheter au minimum 500 000 cartouches vierges à 50F l'unité, payables 50% à la commande, 50% à la fabrication. Nintendo décide du plan de commercialisation des jeux, d'où un délai de plusieurs mois entre l'acompte et la commercialisation. Si le jeu ne se vend pas, Nintendo gagne tout de même de l'argent. Si l'éditeur ne veut pas prendre à son compte le risque de fabrication, il est exclusivement rémunéré en royalties (environ 10F par jeu vendu au-delà de 100 000 unités) ; - les sociétés sous licence n'ont pas le droit de créer plus de quatre nouveaux jeux par an sur la NES ; - des clauses d'exclusivité empêchent les éditeurs de développer les mêmes jeux pour les fabricants de consoles concurrentes ; - l'éditeur fournit le jeu à Nintendo, qui édite la cartouche de jeu, puis c'est Nintendo qui la distribue, choisit ou non de référencer le programme, et détermine son emplacement sur le rayon. La plupart de ces conditions structurent encore le marché dix ans plus tard. Cette emprise permet à Nintendo de réguler le marché. Le marché est en croissance extraordinaire, et les éditeurs tirent l'essentiel de leurs revenus des jeux commercialisés par Nintendo. De fait, c'est Nintendo qui fixe la marge et la rentabilité de ses éditeurs tiers : Nintendo domine le marché des éditeurs de logiciels. L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau Le problème est délicat pour tout nouveau fabricant. Il doit assumer le risque de voir les éditeurs refuser de développer des jeux pour sa console, si son parc n'a pas atteint la masse critique. On peut se fonder sur les données suivantes : - on estime le coût de développement par titre à 1,6 millions de US$; - pour un jeu Super-NES, les OEM supply fees varient entre $16 et $24 par cartouche, selon la taille du jeu ; - Les frais de commercialisation et de promotion des ventes s'élèvent à 25% du CA - une cartouche est vendue au détail à l’équivalent de $80 HT ; la marge du distributeur est fixée à 45% ; - Un jeu à succès (un "hit") peut espérer atteindre un taux de pénétration de 10 % des machines installées, mais un jeu de qualité normale tourne autour de 3 %. Il existe donc deux paliers, critiques pour le fabricant et pour l'éditeur, en terme de ventes cumulées : - A moins de 1 million de consoles vendues, la plupart des éditeurs ne développent pas de nouveaux jeux ; - Entre 1 et 3 millions de consoles vendues, ils adaptent des jeux faisant déjà partie de leur catalogue, en les améliorant ; - Avec plus de 3 millions de machines vendues, un fabricant est sûr de trouver de nombreux éditeurs prêts à développer de nouveaux jeux pour sa machine. 3) La stratégie commerciale et marketing 12 car les éditeurs n'ont pas la taille suffisante pour se doter d'une force de vente propre. Au milieu des années 1980, la taille de Nintendo ne lui permet pas de commercialiser directement ses produits sur les marchés étrangers. Le fabricant japonais est contraint de passer par des sociétés de distribution bien implantées dans les pays où il veut développer ses ventes. Prenons le cas de la France, où Nintendo a fait appel à Bandaï France S.A. L'accord entre Bandaï et Nintendo porte principalement sur l'importation et la distribution de matériel de jeux de marque Nintendo. L'accord de distribution fait de Bandaï le distributeur exclusif des produits Nintendo en France. En contrepartie, il s'engage à ne pas commercialiser des produits concurrents sans l'accord de Nintendo. Lorsque la notoriété de Nintendo est suffisante, la société rachète le distributeur exclusif ou crée son propre réseau commercial, en contournant l'interdiction contractuelle qui le lie. Ainsi, au 31 décembre 1992, les droits de distribution accordés à Bandaï des produits Nintendo n'ont pas été renouvelés. Ils ont été cédés à une société nouvellement créée, Nintendo France. En réalité, Nintendo a débauché plus de la moitié du service commercial de Bandaï, et celle-ci s'est vue contrainte de céder également les actifs relatifs à l'activité de distribution. La distribution Les détaillants sont échaudés par l'échec de la première vague de jeux vidéos. Ils sont néanmoins séduits par l'argumentaire de vente de Nintendo qui leur promet : - une garantie de reprise des invendus ; - une minimisation des stocks ; - un merchandising offensif. L’évolution de la commercialisation Les fabricants de jeux vidéo ont une stratégie de commercialisation de leurs produits qui évolue en fonction du degré de maturité du marché. En tant que leader, c'est bien entendu Nintendo qui, le premier, a mis en pratique cette stratégie. Sur son marché d'origine, le Japon, Nintendo s'est chargé dès 1983 de la commercialisation de ses consoles. Les logiciels sont distribués indépendamment des consoles, car ce sont les éditeurs de jeux qui sont censés avoir la responsabilité de leur commercialisation. Dans la pratique, c'est souvent Nintendo qui distribue aussi les jeux Bertrand Quélin – Groupe HEC Toutefois, l'utilisation de techniques marketing particulièrement agressives font rapidement de l'industrie des jeux vidéo un marché tiré par la demande. Les distributeurs, aussi gros soient ils, ne peuvent imposer leurs conditions de vente. Les produits Nintendo disposent d'une notoriété forte tant auprès des professionnels que de la clientèle. Avec la force publicitaire et la notoriété de Nintendo, le fournisseur exclusif a quasiment pré-vendu ses produits, et les distributeurs sont pieds et poings liés. Le responsable des achats Télé-Vidéo à Carrefour France soulignait en 1991 la dépendance des distributeurs à l'égard de la clientèle et de Bandaï : "On pouvait 13 L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau difficilement se passer de Nintendo qui représente 65% du chiffre d'affaires du rayon Télé-Vidéo. En raison de la forte demande et face à des fabricants comme Nintendo, nous sommes amenés à accepter les conditions qu'ils nous offrent sans marge de négociation. De même, un vendeur du rayon Electronique Grand Public de Darty soulignait que Le problème avec ce type de produit, c'est que nous vendons les consoles au prix d'achat auquel nous ajoutons la TVA. En réalité, nos seuls profits sont les remises de fin d'année accordées par Bandaï. Par ailleurs, la demande est telle que si je n'ai pas ces produits, je perds des clients." Au Japon, Nintendo contrôle la distribution par le biais du Shoshin-kaï, une association de 70 grossistes de jouets. L'entreprise dispose d'une forte influence dans cette association, ce qui lui permet de verrouiller l'ensemble de la filière des jeux. Nintendo a ainsi menacé les fabricants de jouets de ne plus les livrer s'ils distribuaient des produits Sega. III - La mise en place de la concurrence Sega-Nintendo III-1 La situation au début de la décennie 1990 1) L’évolution de la taille du marché On peut prendre comme référence les chiffres d’affaires de Sega et Nintendo ; toutefois, cette donnée est à prendre avec précaution, car elle inclut les ventes toutes générations confondues. Tableau 6 - Parts de marché sur le segment des consoles 16-bits en 1993 Répartition en % Sega Nintendo Japon 22 78 Etats-Unis 49 51 Europe 59 41 Source: Goldman Sachs Graphique 1 – CA de Sega et Nintendo (Milliards de Yens) 700 600 500 400 Sega Nintendo 300 200 100 0 1988 1989 1990 1991 De deux fabricants en 1988, ils sont passés à six en 1990 à se disputer une industrie de plus en plus convoitée : Nintendo, Sega, NEC, SNK, Atari et Amstrad. Les deux fabricants occidentaux sont quasiment horsjeu. Les chances de succès de la console portable Lynx de l'américain Atari sont hypothéquées par le faible nombre de jeux disponibles. La console 8-bits de l'anglais Bertrand Quélin – Groupe HEC 1992 1993 1994 Amstrad rivalise techniquement avec les japonaises, mais la pauvreté de son parc de jeux la rend peu attractive. SNK et NEC occupent des positions marginales : la Neogeo de SNK est une console 16-bits techniquement la meilleure dans tous les domaines, mais onéreuse (3,000 FF la console, 1,200 FF le jeu). Si le parc de jeux de NEC est relativement important avec près de 14 L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau 200 titres, il y a une pénurie de logiciels exploitant vraiment les performances de sa console 16-bits, la Coregrafx. La part de marché totale de ces quatre différents fabricants se situe autour de 10%. Le taux d'équipement des foyers français s'élève fin 1992 à 25% selon l'institut de sondage Nielsen, avec en moyenne 1,3 console par foyer (à la même époque, le taux d'équipement américain frôle les 40%). Les ventes de software se situent aux alentours de 10 millions de jeux. Au total, les jeux vidéo représentent 30% en valeur du marché des jeux et jouets. Dès 1991, on constate aux Etats-Unis un recul du marché des jeux vidéo - à l'exclusion des jeux électroniques - qui passe de 3 milliards de $ en 1990 à 2,7 milliards de US$. Tableau 7 - Les ventes de consoles en France en 1992 Nintendo Sega Atari 8-bits 16-bits Portable 330 000 400 000 530 000 600 000 700 000 300 000 90 000 Total 1 660 000 1 300 000 90 000 Source: Points de Vente 2) Les relations avec le marché des microordinateurs personnels Les consoles empruntent à l'industrie informatique les composants dont elles ont besoin. Elles utilisent des processeurs anciens et bien connus : lorsque Sega équipe sa machine d'un Motorola 68000 (16 bits), les processeurs 68010 et 68020 existent déjà (32 bits). On observe de nombreuses adaptations sur consoles de succès software provenant des micros, et inversement. Les fabricants de micros ont en partie abandonné le marché de l'informatique familiale. Des machines bas de gamme occupent encore le marché, et nombre d'utilisateurs adoptent les consoles. 3) Les stratégies des constructeurs Sega et Nintendo i) Sega L’introduction du 16 bits Si Sega a appliqué les mêmes recettes que Nintendo dans le développement de sa console 8-bits, son retard dans la commercialisation ne lui a pas permis de contester la suprématie du leader. C'est à partir de 1989, avec la sortie d'une nouvelle console 16-bits à support cartouche (appelée Genesis aux Etats-Unis et Megadrive en Europe), que Sega a commencé à attaquer les positions de Nintendo. Cette console bénéficie d'un micro-processeur deux fois plus puissant, ce qui permet de rendre les jeux plus rapides et de concevoir des graphismes plus réalistes. Bertrand Quélin – Groupe HEC Bien que l'offre soit qualitativement supérieure, la politique de prix de Sega est la même que celle qui a fait le succès de Nintendo : faibles marges sur les consoles (entre 15 et 20%), marges plus importantes sur les logiciels (entre 30 et 40%). L'innovation technologique de Sega se manifeste également avec le lancement d'une console portable 8-bits début 1991. Dotée d'un écran couleur, elle est compatible, grâce à un convertisseur, avec la Master System 8-bits. Elle peut aussi servir de récepteur TV et de moniteur camescope. La même année, Sega lance le MegaCD, console auxiliaire se branchant sur une Megadrive 16 bits, à support CD. Le Mega-CD n'est pas une console de jeux à part entière, mais un lecteur de CD périphérique muni d'un processeur propre permettant d'améliorer la performance du processeur, puisque le Motorola 68000 passe de 7,6 sur la Megadrive seule à 12,5 MHz. Sega utilise son expérience dans les jeux d'arcade pour développer une gamme de logiciels de jeux attractive. En effet, la mise au point d'une nouvelle console, plus performante, doit être accompagnée d'une ludothèque qui valorise ses capacités technologiques. Sega exploite son savoir-faire technologique et créatif, ce qui explique qu'en 1993, le n° 2 du jeu vidéo édite encore 45 % des jeux qu'il commercialise. Les jeux vidéo, produits de grande consommation, ne représentent d'ailleurs pas la totalité de son chiffre d'affaires : leur part s'élève à 70 %, le L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau reste étant ventilé entre l'industrie du jeu d'arcade (édition et exploitation de salles) à 29% et les royalties (1%). En 1992, Sega domine le marché du 16 bits aux Etats-Unis (50% de PdM) et aussi en Europe (60% PdM). Une stratégie commerciale agressive La stratégie internationale de Sega diverge de celle de Nintendo. Sega attaque le leader par son maillon faible, l'Europe, et y introduit le plus rapidement possible sa console de deuxième génération. Il ne suffit pas d'un bon produit pour s'imposer, encore faut-il le faire savoir, et pour cela investir massivement dans la publicité. En France, où la firme réalise ses plus gros volumes, Sega mise sur Virgin, numéro six mondial du disque. Fort de son expérience dans les produits de loisirs, Virgin ne cesse de marquer des points auprès des jeunes consommateurs férus de high-tech. Le chiffre d'affaires dégagé par le distributeur français a incité la firme japonaise à racheter la structure, en juillet 1991, pour créer une filiale 100% nippone, Sega France. Avec l'introduction d'une console de nouvelle génération, Sega vise une clientèle plus âgée et plus exigeante. "Non pas que nous ne souhaitions pas séduire les enfants, bien au contraire", précise le directeur du marketing de Sega France, Luc Boursier. "Si nous nous adressons à leurs aînés, c'est pour tirer parti d'un fait bien connu : on s'intéresse au scooter quand on a l'âge de faire du vélo". La différence de positionnement se retrouve dans les scénarios de certains jeux vedettes, Sega ayant la réputation de privilégier des scènes d'une violence inconnue chez Nintendo. Comme le souligne le responsable marketing de Nintendo France, Stéphane Bolle : "Le positionnement de Sega est logique. C'est une stratégie de numéro deux qui cherche à se différencier, en l'occurrence par une certaine agressivité face à un leader plus serein". Sega a ainsi lancé en 1990 aux EtatsUnis une campagne publicitaire comparative faisant passer les jeux de Nintendo pour des jouets pour enfants. Sega investit de plus en plus dans son budget publicitaire : en Grande Bretagne il passe de 54,000$ en 1989 à 1,3 M $ en 1990 pour atteindre 3,390 M $ en 1991. Bertrand Quélin – Groupe HEC 15 La puissance financière La rentabilité de Sega sur la période 1988-1992 est inférieure à celle de Nintendo, en raison d'un portefeuille d'activités et de modes d'exploitation (recours à la soustraitance, montant de R&D...) différents. De plus, en tant que nouvel entrant sur le marché, Sega s'est contenté de marges moindres, en dépit de produits au départ plus sophistiqués. Toutefois, le montant de sa trésorerie d'exploitation lui permet d'autofinancer sans peine des investissements peu élevés. En revanche, à l'inverse de Nintendo, Sega ne dispose pas de disponibilités importantes, car étant plus engagée dans l'édition, Sega investit davantage que Nintendo. En 1991, Sega rachète Virgin Mastertronics, distributeur exclusif de Sega en Europe, et rebaptise ses filiales Sega UK, Sega France... Sega édite en propre 90 jeux durant l'année. ii) Nintendo L'émergence d'un rival Nintendo a souvent été accusé de limiter l'offre de produits et de provoquer intentionnellement des pénuries. Lors du lancement de la console portable 8 bits Game Boy aux Etats-Unis au cours de l'année 1989, on estime que seulement 20% de la demande a été satisfaite. Il en est de même pour certains jeux à succès (Street Fighter II, Dragon Quest V,...). Cette stratégie a rendu les détaillants d'autant plus réceptifs à l'arrivée d'un nouvel intervenant sur le marché. En amont de la filière, la "loyauté" des éditeurs envers Nintendo est également mise à mal. Le coût élevé de fabrication des cartouches supporté par ceux-ci est de nature à favoriser un constructeur de consoles concurrent. De plus, la nouvelle concurrence permet potentiellement d'augmenter leur chiffre d'affaires. En effet, chaque éditeur est limité par le nombre de jeux qu'il a le droit de développer chaque année sur NES. La perspective de négocier avec un autre fabricant est aussi un moyen de mettre un terme aux contrats d'exclusivité (création d'un logiciel donné pour un unique fabricant). L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau Le leader lance la console portable-8 bits Nintendo concentre ses efforts sur la commercialisation de sa console portable Game Boy. Alors qu'un million d'unités ont été vendues en 1989, les ventes atteignent cinq millions d'exemplaires en 1990. Dans la même année, 20 millions de cartouches Game Boy sont vendues. Aux Etats-Unis, le prix de vente de la console est de 90$, et celui de la cartouche de 20$. Au total, la console portable a généré un chiffre d'affaires de près d'un milliard de $ en 1990. Face au lancement par Sega de la Megadrive 16-bits en 1989, Nintendo a une stratégie attentiste, considérant que le segment des consoles 8-bits n'est pas encore saturé, notamment en Europe. "Aux Etats-Unis et au Japon", explique-t-on chez Nintendo, "nous avons attendu que le taux d'équipement des ménages en NES dépasse les 30%". En 1991, Nintendo lance sa console 16bits, à support cartouche, baptisée SuperFamicom au Japon, SNES (Super Nintendo Entertainment System) aux Etats-Unis et Super-Nintendo en Europe. Elle ne sera lancée sur le Vieux Continent qu'en avril 1992, pour laisser le temps à la précédente machine de s'y épanouir sans risque d'être cannibalisée par la suivante. Cette stratégie est celle retenue face à NEC, le géant japonais de l'électronique (plus de 25 milliards de $ de CA consolidé) a sorti dès 1988 sa console 16-bits, sans réussir à éroder les parts de marché de la NES. Le budget publicitaire en Grande Bretagne s’élève à 2,500,000 $ en 1990 et à 4,600,000 $ en 1991. La part de marché mondial de Nintendo sur le 16 bits est estimée à 45% en 1992. III-2 Le verrouillage du marché se poursuit Entre 1983 et 1986, Nintendo régnait seul sur le marché. En laissant Sega se développer sur le segment des consoles 16bits, le leader n'endigue pas l'émergence d'un solide concurrent. Le verrouillage du marché est dès lors assuré par deux et non plus un acteur. 1) Le verrouillage de l'édition Pour chaque console vendue, huit jeux sont en moyenne achetés. En Europe, le marché du software sur consoles est huit fois Bertrand Quélin – Groupe HEC 16 plus important que celui du software sur micro. Ceci explique que toute société de software cherche à travailler avec les deux leaders japonais. Les éditeurs ne contrôlent parmi leurs créations ni celles qui seront effectivement commercialisées, ni la fabrication des cartouches, ni leur commercialisation, ni la publicité pour assurer leur promotion, ni le prix de vente desdites cartouches. Si Nintendo et Sega luttent au coude à coude pour gagner des parts de marché, ils adoptent une même stratégie envers les éditeurs de software. La formule a fonctionné pour Nintendo et ses sous-traitants durant les années 1980, et continue à satisfaire les deux parties au début de la décennie 1990. 2) La fidélisation du consommateur Cette fidélisation s'opère à la fois par la console et les jeux : - Par le hardware : les lignes de produits sont évolutives et poussent le consommateur à s'attacher à une marque ; - Par le software, en créant des personnages (Sonic chez Sega, Mario chez Nintendo) qui donnent lieu à des sagas, et à un merchandising poussé. On estime que 40% des ventes du premier éditeur mondial indépendant Electronic Arts - dérivent de sagas). - Par les services, Minitel, ligne téléphonique ou presse écrite, qui permettent un feed-back des goûts et des attentes des utilisateurs ; 50.000 appels par jour en 1990 sur la ligne téléphonique américaine de Nintendo ; tirage à plus d'un million d'exemplaires de Nintendo Power ; club de fans volontairement limités à quelques milliers d'adhérents. Sur tous les marchés, on assiste à une surenchère d'actions de communication en faveur des produits Nintendo et Sega. Nintendo consacre, en 1990, 120 millions de $ en promotion et publicité contre 60M$ en 1989. Les dépenses en spots publicitaires uniquement s'élèvent à 50 M$ pour l'année 1991. En France, Sega installe 5000 meubles de démonstration dans les différents points de vente. En 1992, ses investissements publicitaires se montent à 150 millions de francs (50 millions en 1991) pour un chiffre d'affaires de 900 millions. 150 nouveaux jeux sont introduits dans l'année, soit un total de 360. L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau 3) La commercialisation Les points de vente La grande distribution, les grands magasins et les magasins spécialisées (Toys 'R' Us aux États-Unis, Micromania en France) assurent 95% des ventes. Sega et Nintendo sont en position de force tant la visibilité de leur produit est grande. Les distributeurs Nintendo et Sega assurent en propre leur distribution au Japon et aux Etats-Unis, ainsi que dans la plupart des pays européens. Avant l'intégration d’une partie de la distribution, c'était le distributeur exclusif qui déterminait la communication, le marketing direct, la promotion, et prenait au passage une commission. Bandaï France a ainsi été condamné au titre d'abus de position dominante, de menace de refus de vendre et de politique de prix discriminatoires à une amende de 30 MF. IV- Un poids croissant de la technologie IV-1 Historique En 1992, Nintendo sort, sur la SNES 16bits, la cartouche "StarWing", dotée d'un processeur FX qui équivaut à un coprocesseur intégré et qui décharge le processeur principal d'une partie des calculs graphiques. La frontière bien établie entre soft et hard s'estompe. La firme japonaise annonce la sortie d'une machine 16-bits à lecteur de CD et/ou d'un lecteur de CD-ROM externe se connectant sur la SNES. La même année, Sony se lance dans l'édition de jeux, avec sa branche Sony Entertainment. L’entrée dans le capital de Columbia Pictures donne lieu à la sortie des jeux Cliffhanger, Last Action Hero, et d'autres adaptations d'œuvres cinématographiques : leur succès est mitigé. En 1993, on enregistre la sortie aux Etats-Unis de la Jaguar d'Atari, une console 64 bits. Son prix de vente est de 250$. Elle offre un support CD. Le marché convoite aussi la sortie aux Etats-Unis et au Japon de la 3DO, à la suite de l’intiative de Trip Hawkins, fondateur de l’éditeur de jeux Electronic Arts. 3DO souhaitait licencier la technologie de la console à des producteurs d’électronique de grande consommation : AT&T, Matsushita et Sanyo. La console de 3DO devait inclure un lecteur de CD-ROM, et un processeur 32-bit. Le prix de Bertrand Quélin – Groupe HEC 17 vente de la console à son lancement était de 750 US$. 3DO laissait les producteurs de hardware gagner de l’argent sur la vente de la console et devait générer des revenus en faisant payer des royalties de 3 US$ par jeu vendu. Plus de 550 développeurs (y compris Electronic Arts) ont signé pour commencer à développer des jeux pour 3DO. L’entreprise avait été évaluée par les marchés financiers à plus de 1 milliard de US$ avant même d’avoir livré la première console. Seulement, malgré ses performances techniques, 3DO n’a jamais engendré le moindre volume, à cause du prix de la console. Cette même année, Sony édite en propre ou à travers des filiales une cinquantaine de jeux et rachète Psygnosis, n°3 de l'édition de jeux sur micro-ordinateurs. Sony et Electronic Arts s'affranchissent du monopole de distribution des deux fabricants, et distribuent leurs jeux en propre. De son côté, Nintendo abandonne officiellement les projets d'extension CD pour la SNES et annonce une alliance avec la firme californienne Silicon Graphics, référence incontestée en matière de machines et de logiciels d'animations graphiques à usage professionnel. A titre d'exemple, c'est Silicon Graphics qui a conçu les trucages des films Terminator 2 et Jurassic Park. Cette alliance devait donner naissance à la future console 32-bits de Nintendo : "Project Reality". Elle sortira en septembre 1995 alors que le marché s’attendait à une console 64-bits ; de plus, elle ne possèdait pas d’effet 3D et ne disposait que de deux couleurs (rouge et noir). Il n’y eut qu’une dizaine de jeux développés, et la console fut retirée du marché dès la sortie de la N64. En 1994, Sega sort aux Etats-Unis une extension pour la Genesis (16-bits) qui se branche sur le port cartouche et qui contient un processeur 32-bits. Cette extension accepte les cartouches 16-bits et partiellement -Sega entretient le flou à ce sujet- les futures cartouches 32-bits de la Saturn (console 32bits de Sega ). Le prix de vente de l'extension est de 100-120$. La Playstation de Sony et la console Saturn de Sega sont lancées fin 1994 ; le prix de vente de chaque console est d’environ 450$. Le marché des 16-bits est donc évolutif en matière de hardware, contrairement au marché des 8 bits ; ceci est un signe de maturité accrue du marché. Cependant, les L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau 16-bits réalisent encore plus de 95% de part de marché mondial à ce moment. IV-2 Le marché des jeux vidéos 16 bits arrive à maturité Les deux générations de jeux vidéos précédentes présentent aujourd'hui la même structure économique que celle imaginée par Nintendo il y a plus de 10 ans. Elles sont donc 18 comparables et nous enseignent que le marché arrive à saturation quand le taux d'équipement des ménages atteint 20-25%. Hors doublons de consoles, les utilisateurs possédant plusieurs consoles sont estimés aujourd'hui à 5-6% du marché, selon Goldman Sachs. Ce chiffre de 20-25% est valable en Europe et aux Etats-Unis et au Japon. Tableau 8 – Nintendo : ventes de consoles et taux de pénétration Consoles 8-bits Années NES: Japon NES: Etats-Unis 1985 1986 1987 1987 1988 1989 1990 1991 Ventes (million d'unités) 3,68 3,90 1,78 2,45 7,20 9,47 7,97 1,72 Taux de Pénétration (%) 24,1 24,9 29,0 3,5 11,4 21,4 29,8 31,3 1990 1991 1992 1993 1991 1992 1993 1994 Ventes (million d'unités) 1,81 3,55 4,55 4,46 2,45 7,20 9,45 8,63 Taux de Pénétration (%) 7,6 16,0 26,5 37,2 6,6 16,6 28,1 36,5 Consoles 16-bits SNES + Megadrive Japon SNES + Genesis Etats-Unis Il faut toutefois garder présent à l'esprit que le déclin des 16-bits est plus lent que celui des 8-bits. Ceci provient du fait que les consoles 16-bits actuelles sont évolutives alors que la gamme des 8-bits était figée. En effet, les machines 16-bits sont évolutives : - en terme de machine puisque la Megadrive s'est vue rajeunie et redesignée en 1993 avec la Megadrive II, qui est techniquement identique ; - en terme de support, puisque la Megadrive a bénéficié de la sortie du Mega-CD ; de même la console d’Atari Jaguar est aussi prévue avec une extension ; - en terme de processeur même, puisque Sega sort fin 1994 une cartouche contenant une puce 32-bits pour faciliter la transition du parc 16-bits aux machines 32-bits ; de même Nintendo sort des cartouches de jeux avec des co-processeurs intégrés. A l'instar de la micro-informatique, avec Bertrand Quélin – Groupe HEC des systèmes de gamme dits "de compatibilité croissante", ce type de technologies estompe les ruptures bien nettes auxquelles on assistait avant à chaque génération de console. IV-3 L’apparition de hautes technologies issues de l'informatique professionnelle a) Une escalade technologique Les nouveaux entrants ont une stratégie qui comporte deux volets : - Pour attirer le consommateur, ils proposent des consoles qui apportent une amélioration technologique majeure et indiscutable par rapport aux machines actuellement existantes, en particulier en terme de processeur ; - Pour attirer les éditeurs, ils proposent, comme l'avait fait Sega du temps où il était un nouvel entrant, des conditions intéressantes aux éditeurs. C'est le principal moteur de la 19 L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau pression des nouveaux entrants pour le CDROM ; en effet, le CD-ROM ne constitue pas un progrès technologique incontestable par rapport à la cartouche. Il est vrai qu'il dispose d'une capacité de mémoire très supérieure, mais le temps de lecture des informations est plus élevé. C'est en réalité dans la répartition des marges du CD-ROM par rapport à celle de la cartouche qu'il faut chercher la cause de cet engouement apparemment étonnant. Tableau 9 – Évolution des ventes de consoles 32-bits (en millions d’unités) Année 1995 1996 1997 1998 Playstation (Sony) 3,8 9,8 19,4 17,8 N64 (Nintendo) Lancement 7,8 10,2 Il faut rapporter ces données à la taille des marchés concernés. La marge est certes moins grande pour les éditeurs sur le CD-ROM que sur les cartouches, mais le marché du CDROM est considérablement plus large potentiellement, à cause de son moindre coût. 2) Les liens avec les géants l'informatique et de l'électronique de Il est important de comprendre qu'il existe une grande différence entre les capacités théoriques d'une machine, et le parti que les programmeurs peuvent en tirer. Cela dépend essentiellement de la qualité de l'interface de programmation que le fabricant fournit aux éditeurs tiers. C'est devenu une ressource stratégique pour les fabricants. Il faut noter que ce type de technologie est nouveau dans l'univers des consoles de jeu, et provient de l'émergence de machines technologiquement très performantes. Une interface de programmation est un utilitaire qu'utilisent les programmeurs pour développer un jeu pour une console. Il ne s'agit pas d'un simple langage de programmation, car l'interface met à la disposition du programmeur des fonctions complexes (animation de polygones, 3D, zoom, rotation, disposition de caméras à trajectoires paramétrables avec possibilité de montage des différents plans...) qu'il peut appeler à l'aide de routines simples. Sur les machines des générations précédentes, les interfaces proposaient en général des fonctions comme la création d'un objet en deux dimensions, puis son "épaississement" pour lui donner de la profondeur, et son animation sur un fond déroulant. Un programme de ce type était développé en interne par les programmeurs "maison". Aujourd'hui, très peu de sociétés dans le monde peuvent créer des Bertrand Quélin – Groupe HEC Saturn (Sega) Lancement 10,2 5,4 1,1 (arrêt de la production) interfaces suffisamment puissantes pour exploiter le potentiel des nouvelles consoles. Sega a confié la conception de l'interface de programmation de sa console Saturn (sortie début 1995) à Microsoft, Sony à Toshiba et Nintendo à Silicon Graphics. Cette dernière société est le concepteur de l'interface graphique professionnelle la plus utilisée dans le monde pour l'animation d'images de synthèse en trois dimensions. C'est un utilitaire qui permet, par exemple, de concevoir un objet en mode "fils de fer" ou "polygones", puis de le "mapper" (voir annexe A), puis de déterminer l'emplacement et la puissance des sources de lumière qui l'éclairent, et de déterminer la trajectoire de la ou des caméras autour de l'objet. Ce type de programme permet enfin de passer le film de chaque caméra et d'effectuer le montage des images, comme avec des films cinématographiques. Le coût de programmation d'un jeu sur de tels supports est assez élevé, et un processeur ne vaut que par ce que les programmeurs peuvent en faire. On constate toutefois que la console Jaguar d’Atari n'est pas une machine entièrement 64 bits, mais plutôt 32/64 bits, ce qui signifie que le processeur "tourne" à l'intérieur de la machine en 64 bits, mais communique avec ses coprocesseurs en 32 bits. Le hardware est proposé à un prix attractif, mais des logiciels utilisant pleinement les capacités des machines ne peuvent être commercialisés à des prix grand public. De plus en plus d'éditeurs éditent leurs jeux sur support PC et cartouche de console. Sega a même annoncé qu'il comptait développer des jeux sur PC ou d'adapter des jeux déjà existant sur consoles. Il est en effet devenu nécessaire d'élargir le marché autant que possible afin de rentabiliser le process de 20 L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau conception du jeu. Les coûts de développement sont sans commune mesure avec ceux des générations précédentes, ce qui explique la nécessité pour tous les constructeurs de s'allier avec des grandes compagnies du domaine de l'électronique grand public, de l'informatique ou des médias. Plus de 50 millions d’unités ont déjà été vendues (en mars 1999). C’est la console ayant le plus grand nombre de jeux d’excellente qualité (3000 jeux pour l’actuelle console dont les succès Tomb Raider et Gran Turismo). 3) Puissance financière V- L’entrée de Sony sur le marché des consoles V- 1 Sony 1) Historique En 1994, Sony, le géant japonais de l’électronique grand public a créé la filiale Sony Computer Entertainment (SCE) pour la fabrication de la Playstation, de jeux vidéo et la gestion d’éditeurs tiers. Elle réalise aujourd’hui 10% du CA du groupe et près d’un quart des profits. En plus de la puissance financière et de la puissance technologique, Sony a réussi sur le marché des jeux vidéo en ayant de bonnes relations avec les éditeurs et en ciblant une nouvelle clientèle, les 15-30 ans. Ce nouveau ciblage se fait en améliorant la qualité des graphismes, en privilégiant les jeux de réflexion, et en intégrant des créatures de rêve comme Lara Croft par exemple. 2) La technologie du 32-bits La Playstation de Sony est une console 32 bits, de technologie dite RISC (Reduced Instruction Set Computer, voir annexe A). Elle est à support CD uniquement. Sa technologie permet une excellente qualité graphique. Les prix sont très compétitifs : la console, vendue 299$, est un énorme succès en terme de ventes. Elle est vendue 199$ en 1996, puis 50$ moins chère l’année suivante. "La Playstation s’est imposée comme un pilier majeur de notre activité électronique. Aujourd’hui, tout le groupe Sony est derrière, prêt à mobiliser toutes ses ressources pour assurer son succès." indique Nobuyuki Idei, le Président de Sony. La puissance financière de Sony a permis au groupe de rentrer sur le marché des jeux vidéo où les frais de R&D (le développement du « emotion engine » a coûté environ 15 milliards de dollars) et de marketing (la présentation de la Playstation II a coûté environ 1 milliard de dollars) sont très élevés. L’usine qui a servi à la fabrication de la Playstation a coûté environ six milliards de dollars. V- 2 La situation à la fin du millénaire 1) Evolution du marché Le marché des jeux vidéo et consoles représentait 20 milliards de dollars en 1999. Avec 50 millions d’unités de la console Playstation vendues en 1999, Sony est le champion incontesté du marché des jeux vidéo. Sega est évincé du marché des consoles de jeux vidéo 32-bits (plus que 3% du marché en 1999). Sa console Saturn (vendue à 399$, puis 199$ avec trois jeux en prime deux ans plus tard) est un échec. Dès 1995, Sega ferme déjà plusieurs filiales. Tableau 10 - Parts de marché de Sony et Nintendo pour les consoles - début 1999 Nintendo Sony Etats-Unis 45% 55% Bertrand Quélin – Groupe HEC Europe 25% 75% Japon 60% 40% 21 L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau Graphique 3 – Chiffre d’affaires de Sony, Nintendo et Sega (en milliards de yens) 800 700 600 500 Sony Sega Nintendo 400 300 200 100 0 1994 1995 1996 Les chiffres d’affaires de Sega et Nintendo comprennent les ventes de toutes leurs activités (arcade, consoles portables,…) tandis que celui de Sony ne représente que les ventes de sa filiale SCE. 2) Stratégie des principaux acteurs Pour les deux principaux acteurs que sont Sony et Nintendo, il s’agit de vendre un maximum de consoles, même à bas prix, et de se rattraper financièrement sur les jeux. Sony perçoit comme royalties 25 % du prix de vente des CD-ROM de la part des développeurs de jeux vidéo. i) Sony En 1999, Sony présente Playstation II qui sortira en l’an 2000. C’est une console capable de générer une représentation en 3D proche des images de synthèse du cinéma. Elle pourra fonctionner avec des CD-ROM et avec des DVD-ROM. Les anciens jeux pourront être lus sur la nouvelle console. La présentation de la Playstation II a coûté plus d’un milliard de dollars. Sony entend consolider sa domination avec sa Playstation II développée en coopération avec Toshiba. Le système d’exploitation utilise le logiciel Linux (rival de Microsoft). Baptisée Emotion engine, elle est composée d’un microprocesseur 128 bits et d’un synthétiseur graphique : il est 15 fois plus puissant que le Pentium II et 3 fois plus que le Pentium III (voir annexe A). Sony veut toucher d’autres cibles comme les femmes et les personnes âgées en faisant des jeux faits pour eux. Par ailleurs, Bertrand Quélin – Groupe HEC 1997 1998 Sony tente de "désaisonnaliser" ses ventes (ne pas seulement les concentrer à la période de Noël) en rendant la marque Playstation comme la référence incontournable. Le logo apparaît partout : école, concert, à la télévision, sur le web… Les personnes qui possèdent la console peuvent s’abonner à un magazine sous la forme de CD-ROM qui leur permet de connaître les dernières nouveautés et de bénéficier d’offres spéciales. Sony a déjà vendu 3 millions de consoles Play Station II entre Octobre 2000 et Juin 2001. Cependant, les retards de lancement et le manque de disponibilité ont pesé sur les résultats des éditeurs de jeux en 2000. Sony compte s’allier avec AOL afin de connecter la Playstation II à Internet via une connexion à haut débit, afin d’en faire un véritable support multimédia, transmettant des services de messagerie et de navigation et permettant de visionner des DVD. ii) Nintendo Nintendo a sorti sa console Nintendo 64 avec dix-huit mois de retard par rapport à Sony, trop tard pour empêcher que le standard du marché n’appartienne à Sony. De plus, peu de jeux intéressants (et compatibles au nouveau système) sont sortis en même temps. À cause de sa politique trop rigide envers le marché de l’édition, Nintendo a perdu plusieurs de ses éditeurs dès l’arrivée de Sony sur le marché. Les jeux de la N64 L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau 22 sont rares et chers. De plus, Nintendo est handicapé par le coût élevé de ses cartouches (80F plus chères que les CD-ROM de Sony) ce qui renchérit le prix de vente de ses jeux (389F en moyenne contre 286 F pour Sony). millions à développer, le coût de développement sur la GBA se situe entre US$ 200,000 et US$ 500,000 par jeu (six à huit mois de travail pour une équipe de cinq ou six personnes). Nintendo multiplie ses promotions en offrant par exemple des jeux à succès lors de la vente d’une console. Nintendo dont les jeux étaient traditionnellement destinés aux 8-12 ans, voudrait maintenant toucher les adolescents et les adultes avec des jeux comme F-1 World Grand Prix ou 1080º Snowboarding. iii) Sega En mai 1999, Nintendo annonce la sortie d’une nouvelle console pour la fin de l’an 2000. Cette console représente une rupture technologique pour Nintendo qui utilise la technologie DVD - produit par le géant de l’électronique Matsushita (marque Panasonic) - ce qui amènera les utilisateurs de la N64 à reconstituer leur ludothèque, alors que Sony s’engage à une compatibilité entre ses consoles. Le lecteur DVD permettra aussi de visualiser des films sur la console. Quant au processeur, il est développé par IBM : la vitesse de l’horloge centrale (400 MHz) sera supérieure à celle de la Playstation II, tout comme celle de l’unité graphique (200 MHz contre 150MHz). Les deux machines seront l’une et l’autre dotées d’un bus capable de traiter 3,2 Gbits d’informations par seconde. Nintendo reste le seul acteur de renom pour le marché des consoles portables, depuis le retrait de la Game Gear de Sega. 110 millions d’exemplaires de la Game Boy (GB) ont été vendus depuis dix ans. On estime que pour la population des 14 ans et moins, le taux de pénétration de la GB est de 65% au Japon, et de 25% en moyenne dans les pays développés. Nintendo a lancé en Juin 2001 la Game Boy Advance (GBA). Vendue à 799 F en France, elle dispose de la couleur et d’un processeur 32-bits, contre un processeur 8bits pour l’ancienne version. Elle pourra également servir de manette de jeu pour la nouvelle Game Cube. Douze jeux sont présents au lancement, et sans doute une quarantaine à la fin de l’année 2001, alors que la Game Boy initiale avait été lancée avec seulement 4 jeux. Les 1000 titres actuels disponibles pour la GB seront compatibles avec la GBA. Les développeurs de jeux semblent favorables à la GBA, en raison de coûts de développement inférieurs : en effet, alors qu’un titre sur PS-II coûte environ US$ 2 Bertrand Quélin – Groupe HEC En 1998, Sega lance de la console 128 bits Dreamcast à la fin de l’année au Japon. Elle n’a pas les capacités graphiques attendues et peu de jeux intéressants suivent. On affirme dès son lancement qu’elle ne marquera pas un saut technologique suffisant pour concurrencer les produits de Nintendo ou de Sony. Au Japon, la Dreamcast est vendue à 199 $. Sega annonce en avoir vendu un million d’unités en quatre mois. En Europe, la Dreamcast sera vendue à 1,490 FF environ ; Sega propose de la livrer avec un modem qui permettra l’accès à Internet et les jeux en réseau. Pour cela, Sega s’est associé à l’opérateur British Telecom. Depuis la sortie de la Dreamcast, le cours du titre de Sega a perdu plus de 25% de sa valeur en bourse. Sega reste toutefois leader sur le marché des arcades qui est en croissance de 15%. Sega exploite des salles de jeux et des parcs d’attraction sous les enseignes Segaworld, Sega Gameworks… Sega s’est désengagé de la production de console au début de l’ année 2001, pour se concentrer sur le développement de jeux pour Microsoft, Nintendo et Sony. iv) L’entrée programmée de Microsoft L’arrivée de la Xbox, prévue en Novembre 2001, profitera à de nombreux studios de jeux. La console sera vendue à 299 US$, ce qui correspond, selon les analystes financiers, à une perte de 125 $ par console vendue par rapport au coût de fabrication, ce qui pourrait représenter une perte cumulée de 2 milliards de $ dans les 5 années à venir. Les développeurs de jeux, pour leur part, doivent payer de $7 à $8 par jeu vendu au fabricant de console. La logique de Microsoft est d’occuper le terrain : les consoles, à terme, sont susceptibles de télécharger un flux de programmes de loisirs et de contenus culturels, comme des jeux, de la musique ou des films, ce qui pourrait remettre en cause la place du PC dans les foyers américains, japonais et européens, et ainsi l’importance du système d’exploitation classique de Microsoft. Annexe A - La technologie des consoles 1- La technologie des consoles 8-bits : des architectures matérielles très particulières Une console de jeu n'est pas un micro-ordinateur. Pour offrir des possibilités graphiques et sonores équivalentes ou supérieures, tout en conservant un prix compris entre 300 et 1000 F, les constructeurs ont développé des processeurs spécifiques et mis au point une architecture adaptée. Les entrées-sorties sont limitées au strict minimum, une ou deux poignées de jeux et quelques boutons. Les machines ne sont par conséquent pas évolutives. Les processeurs utilisés sont des versions améliorées des 8-bits utilisés sur les micro-ordinateurs de première génération (1977 à 1982). Il s'agit principalement du Z 80 de Zilog et d'un 6502-like produit par le Japonais Hudson. Réalisés dans des technologies modernes, ils sont cadencés à 7,8, voire 12 MHz (contre 2 à 4 MHz à la fin des années 70). La mémoire vive est rarement très importante car elle contient peu de code exécutable, n'accueillant que quelques variables et éléments graphiques, notamment le dessin des objets mobiles, appelés sprites. La NES est architecturée autour d'une variante d'architectures matérielles très particulières. Une console de jeu n'est pas un micro-ordinateur. Pour offrir des possibilités graphiques et sonores équivalentes ou supérieures, tout en conservant 6502 de Hudson, elle offre une résolution graphique de 256*240 pixels et affiche 16 couleurs simultanément. 2- La technologie des consoles de jeux 16 bits Le microprocesseur est le cœur de la machine. Plus il est rapide (sa vitesse se mesure par la cadence exprimée en MHz) et plus les possibilités sont étendues pour le graphisme, le son... La mémoire morte est la capacité de la cartouche ; plus elle est élevée, plus les programmeurs ont de place pour faire un jeu riche, avec de meilleurs graphismes. La mémoire vive gère l'affichage (mémoire vive Vidéo) et les données du programme. les capacités graphiques sont très importantes pour l'utilisateur. Le nombre de pixels (points) détermine la finesse du graphisme, ainsi que le nombre de couleurs affichables et disponibles. les capacités sonores dépendent de deux facteurs : le nombre de voies (et donc de sons audibles en même temps) et de la qualité du processeur (analogique ou numérique et son type : cassette ou CD) Super Nintendo Megadrive (SEGA) Néo-Géo (SNK) MICROPROCESSEUR: 65C816 (16 bits) 68,000 à 7,6 MHz + Z80 (8 bits) pour compatibilité Master System 68,000 à 12 MHz + Z80 à 4 MHz CAPACITE CARTOUCHES : 1 Mo 3 Mo Jusqu'à 41 Mo MEMOIRE VIVE ND 128 Ko pour le programme, la vidéo et le son 1 Mo Vidéo + 64 Ko programmes + 68 Ko disque virtuel 320 x 224 pixels en 64 couleurs parmi 512 nuances 640 x 520 pixels en 4096 couleurs Synthèse classique, 8 voies stéréo (qualité CD) 13 voies numériques (qualité CD) CAPACITES GRAPHIQUES : 512x 448 pixels en 256 couleurs parmi 32,768 nuances, sans conflit de proximité. CAPACITES SONORES : Chip sonore Sony 8 voies stéréo SORTIE VIDEO : SORTIE SON : PRIX EN 1993 : PRIX D'UN LOGICIEL Péritel Péritel 700 FF 300 / 450 FF Sources: constructeurs Bertrand Quélin – Groupe HEC Péritel Péritel + casque 700 FF 300 / 450 FF Péritel Péritel 2,900 FF 1,000 FF 3- La technologie des consoles de jeux 32 bits / 64 bits Les processeurs dit "RISC" (Reduced Instruction Set Computer) sont issus d'une technologie récente en matière de processeurs. Ils peuvent effectuer beaucoup plus vite qu'une puce classique un nombre réduit d'instructions spécifiquement sélectionnées - comme l'animation de polygones dans l'industrie des jeux vidéo. Leur programmation est en revanche plus complexe. Le CD buffer est une plage mémoire qui stocke des informations en provenance du CD-ROM. Les normes que Sony et Philips ont fixées ne permettent pas toujours un temps d'accès à l'information suffisamment rapide pour le jeu. Afin de limiter ce désagrément, une plage de mémoire vive (accès instantané) est prévue pour alimenter le jeu pendant les séquences les plus rapides. L'animation de polygones donne l'illusion de graphismes en 3D. C'est pourquoi les capacités graphiques des machines récentes se mesurent à leurs capacités d'animation de polygones. Les procédés de shading et de mapping : le Flat Shading consiste à donner une teinte unie pour chaque face du polygone, la plus claire étant la face éclairée, la plus foncée celle à l'abri de la lumière. Le Mapping consiste à plaquer sur les faces d'un polygone une texture que l'on a digitalisée (bois, marbre...) à l'aide d'une caméra. Les images obtenues ont un aspect très réaliste. 3DO (Matsushita) Amiga CD 32 Jaguar (Atari) MICROPROCESSEUR: ARM60 (RISC 32 bits) + DSP (son 16 bit) + deux accélérateurs graphiques 68020 (32 bits) à 14 MHz GPU (RISC 64 bits) + DSP (RISC 32 bits) + Motorola 68000 (16 bits) SUPPORT: CD-ROM CD-ROM CD + Cartouches MEMOIRE VIVE ND 2 Mo en tout 2 Mo De 320x200 à 800x600 en 246 couleurs parmi 16.777.216 768x576 pixels en 16 millions de couleurs sans conflit de proximité. 3D 12 voies avec échantillonnage 16 bits CAPACITES GRAPHIQUES : 640x480 pixels en 16 millions de couleurs, sans conflit de proximité CAPACITES SONORES : Échantillonnage 16 bits. Son stéréo CD 4 voies Le DSP autorise le traitement du son en temps réel. SORTIE VIDEO : SORTIE SON : PRIX EN 1993 : NSTC (format japonais) Péritel Télé ou Hi-Fi Chaîne Hi-Fi (format 2,500 FF japonais) 7,000 FF en import Sources : constructeurs Bertrand Quélin – Groupe HEC Péritel Péritel 1,890 FF Dreamcast (Sega) Saturn (Sega) Playstation (Sony) N64 (Nintendo) Deux SH2 Hitachi 32 bits RISC R 300A 32 bits RISC à 33 Mhz MIPS 64-bit 68020 (32 bits) à RISC CPU à 14 MHz 93.75 MHz SUPPORT : CD ROM : 600 Mo et cartouche CD ROM : 600 Mo Cartouches MEMOIRE VIVE : 2 Mo + 1,5 Mo vidéo + 512 Ko son + 512 Ko CD buffer 36Mbit 1 Mo + 1 Mo vidéo + 512 Ko son + 256 Ko CD buffer 2 Mo en tout CAPACITES 2,048 couleurs parmi 16,777,216 en haute définition. 640x480 pixels 2,048 couleurs parmi 16,777,216 64-bit graphics en haute définition. De 320x200 à 800x600 en 246 couleurs parmi 16.777.216 MICROPROCESSEUR: GRAPHIQUES : CD-ROM Son stéréo CD 4 voies ANIMATION DE POLYGONES : 1,500,000 900,000 polygones/secon polygones/s (flat) de (flat). CAPACITES SONORES : 32 voies format PCM, numériques. 24 voies format PCM, numériques Qualité CD 93.75 MHz Péritel PRIX FIN 1994 : PRIX EN 1999 : 2,900 FF 399 FF 2,900 FF 790 FF 790 FF à Péritel Télé ou Hi-Fi 199$ (USA), ±1490 FF (prévision pour l’Europe) Sources: constructeurs 4- les nouvelles consoles PS II Gamecube X-Box Prix $ 299 $ 199 $ 299 Lecteur DVD Standard Disponible Optionnel Interfaces DVD / CD Disque optique, capacité 1.5 GB DVD / CD USB ports 1 IEEE 1394 Protection anti-piraterie Matsushita Type III PC card CPU Graphiques 295 Mhz avec Toshiba 485 Mhz IBM Gekko 6.2 milliards FLOP / sec. 13 milliards FLOP / sec. 147.5 Mhz graphics synthetizer 162 Mhz NEC, 250 « Mhz X-chip » 6-12 millions de polygones / sec. 125 millions de polygones / sec. 10 millions de polygones / sec. Bertrand Quélin – Groupe HEC 733 Mhz Intel Pentium III Annexe B - Données de marché Année 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 Marché du jeu vidéo en France ( en millions de $) 10 15 30 40 50 80 175 215 250 275 350 425 550 450 400 700 891 Marché du jeu vidéo aux USA ( en milliard de $) 0,5 1 3 2 0,8 0,32 0,5 1,1 2,3 3,4 4 4,2 5,3 4 3,2 4,1 4,6 Ces chiffres prennent en compte les ventes des trois générations de jeux vidéo. Le rétrécissement du marché américain jusqu'en 1985 s'explique par l'effondrement des ventes de consoles Atari, Coleco... C'est à partir de 1985 que Nintendo commercialise sa console NES aux Etats-Unis. Dès 1993, c’est la fin de la deuxième génération de jeux vidéo et les ventes reprennent dès 1995 avec l’arrivée de Playstation. Le marché français n'a pas connu des variations aussi amples. Les ventes d'ordinateurs familiaux (Commodore 64, Amstrad...) ont relayées les ventes des premières consoles au milieu des années 80, avant de passer la main aux consoles japonaises à la fin de la décennie. Bertrand Quélin – Groupe HEC Annexe C Répartition de la marge par type de support Exemple de Electronic Arts en 1996 (Estimation de coûts variables, en US$) PC CD-Rom Sony CD-Rom N-64 Cartouche Sega Cartouche Prix de détail recommandé Prix grossiste Retour1 49 35 4 49-59 35 4 79 45 5 49 35 5 Revenu net 32 32 40 30 1 0 2 2 1 7 2 2 25 7 2 2 14 5 2 2 26 19 4 8 Coût des marchandises vendues Royalties aux développeurs de console Royalties aux développeurs de jeux externes2 Royalties sur licences3 Contribution totale 1 2 3 De 10 à 15% du prix grossiste, les délais de fabrication et de livraison sont supérieurs pour les cartouches De 4% à 15% du revenu net en fonction de l’utilisation d’équipes externes De 0% à 15% du revenu net, dépendant du coût de la licence (Ex : NBA, FIFA, Ronaldo, Star Wars, …) Source : William Blair & Co., L.L.C. estimates Bertrand Quélin – Groupe HEC