Sun `Allâh Ibrâhîm ou Sonallah Ibrahim

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Sun `Allâh Ibrâhîm ou Sonallah Ibrahim
Sun ‘Allâh Ibrâhîm ou
Sonallah Ibrahim
Romancier égyptien, Sun ’Allâh Ibrâhîm est né
au Caire en 1938. Il est étudiant en droit avant d’aller étudier le cinéma et
le journalisme à Berlin-Est et à Moscou. Il devient journaliste en même
tant qu'employé dans une maison d'édition. Arrêté avec des centaines
d'autres militants de la gauche égyptienne en 1959, il n’est libéré qu'en
1964. Durant cette période de détention, il commence à écrire.
S’inspirant de ses démêlés avec les autorités et de sa libération sous
haute surveillance policière : ( Quelqu’un a sonné. J’ai été ouvrir : c’était
le policier.
-Une seconde !
J’ai couru à la chambre chercher le cahier et je lui ai donné. Il a signé en
face de la date et il est reparti. Je suis retourné m’allonger avec une
cigarette, les yeux au plafond. Le policier est
revenu. Je suis resté allongé sans dormir, à fumer cigarette sur
cigarette.), il publie en 1965 sa première œuvre « Cette odeur-là » dans
la revue libanaise Al-Fikr.
Publiée en Egypte l’année suivante, sa nouvelle déclenche aussitôt une
vive polémique. Il est accusé par de nombreux détracteurs, tels que
Yahyâ Haqqî*, d’être grossier et sans idée. Les autorités en interdisent
très vite sa vente. L’ouvrage ne réapparaîtra qu’en 1969 sous une version
édulcorée avant d’être enfin diffusé en version intégrale en 1986, au
Soudan d’abord puis en Egypte et au Maroc.
C’est à l’issue d’un voyage en Haute-Egypte qu’il publie son roman le plus
célèbre « Etoile d’août » publié à Damas en 1974 puis au Caire et à
Beyrouth avant d’être édité en France en 1987 (éditions Sindbad)
En 1981, il publie au Liban son troisième roman, « Al-Lajna » (Le Comité)
issu de trois récits publiés dans des revues littéraires. C’est un roman
digne de Kafka. Le personnage est chargé par un mystérieux comité
composé de militaires et de civils de désigner « la personnalité la plus
brillante du monde arabe ». Choisissant son sujet, « le Docteur », le
candidat se lance dans une enquête le menant dans les hautes sphères du
pouvoir et signe ainsi sa condamnation :
( … -Vous nous prenez sans doute pour des naïfs ! Sachez que dès le
premier instant où vous avez comparu devant nous, nous savions
parfaitement que vous n’étiez pas l’homme que vous vous efforciez de
paraître. Sans doute, vos réponses ont été aussi heureuses que précises,
et nous nous sommes posé des questions. Mais ceux qui hésitaient
encore à votre sujet n’ont pas tardé à se faire une opinion quand ils ont
constaté que, fort du prétexte de l’étude demandée,
vous aviez entrepris de fouiner dans la vie du Docteur et de rassembler
toutes sortes d’informations à son sujet. Vous avez même persévéré
dans cette voie en dépit des multiples avertissements qui vous avaient
été adressés… ).
Le récit qui renvoie à la mise au pas des intellectuels et à la censure du
gouvernement de Nasser est publié en France par « Actes Sud » en 1992
en même temps que « Cette odeur-là ».
« Beyrouth, Beyrouth », son quatrième roman, est publié au Caire en
1984. « Les Années de Zeth » est publié en France en 1993.
Avec « Charaf ou l'Honneur » (publié en France en 1999), Sun ‘Allâh
Ibrâhîm y met en scène un jeune homme victime d’une sombre
machination. Le roman dénonce magistralement la corruption, la prison,
le chômage, le désoeuvrement, les frustrations et le désespoir dont sont
victimes un grand nombre de ses compatriotes dans une Egypte livrée au
capitalisme sauvage :
( Il attendit que la circulation ralentît à nouveau et traversa la rue.
Reculant vers la place, il trébucha, devant un magasin de lunettes, sur
une avancée de marbre surélevée par rapport au trottoir, ce qui le fit
choir dans un trou de terre où s’entassaient des détritus. Encore
quelques pas et il était devant un Wimpy ; il s’arrêta, contempla les
hamburgerivores et parcourut la liste des prix illuminée – bien qu’il la
connût par coeur -, puis, continua son chemin jusqu’à une boutique à
l’entrée de laquelle se dressait un four à chawerma, dont l’odeur l’aida à
arriver à une décision en forme de sacrifice : il se contenterait d’un
sachet de chips et d’un verre de Coca. )
Le roman intitulé « Warda » est publié en France chez « Actes Sud » en
2002. Warda est l’héroïne de ce récit qui évoque à la fois les luttes
étudiantes des années 50 puis l’engagement, au début des années 60, des
jeunes militants progressistes dans la guérilla du Dhofar. A travers son
héroïne, Sun ‘Allâh Ibâhîm rend hommage à l’idéal révolutionnaire de
cette époque et à celles et à ceux qui y ont sacrifié leur jeunesse et aussi
leur vie.
Son oeuvre est marquée à la fois par le style : Ses personnages
s’expriment souvent à la première personne donnant aux récits une forte
tonalité autobiographique ; Par le contenu :
Evitant toute polémique idéologique, les romans n’en sont pas moins une
dénonciation sans fard de la violence politique et économique ; Par le
recours aux mythes et aux symboles afin de mieux faire passer la
dénonciation de la réalité ; Enfin, par un profond pessimisme nourri par
les frustrations du peuple, les tentatives avortées de la Liberté et les
incessantes victoires de la bureaucratie policière et de la corruption.
Sun ‘Allâh Ibrâhîm vit actuellement au Caire.
* Yahyâ Haqqî
Ecrivain égyptien, auteur notamment de « La lampe d’Umm Hâshim »
est l’un des pionniers du récit romanesque du monde arabe. Fortement
inspiré par le roman réaliste européen, Haqqî s’est efforcé de détacher le
roman arabe des traducteurs et imitateurs du romantisme français. Son
roman le plus célèbre est fondé sur le choc culturel entre la modernité
occidentale et la société arabe traditionnelle.
Bibliographie en français :
Etoile d'août, (trad. Jean-François Fourcade), roman, Sindbad, 1987 ;
Cette odeur-là, (trad.Richard Jacquemont), Actes Sud, 1992 ; Le Comité,
(trad. Yves Gonzalvez-Quijano), Actes Sud, 1992 ; Les années de Zeth,
(trad. Richard Jacquemont), Actes Sud, 1993 ; Charaf ou l'honneur, Actes
Sud/Sindbad, 1999. Warda, Actes Sud, 2002. Amrikanli, un automne à
San Francisco, Actes Sud.