Les modes de financement des travaux

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Les modes de financement des travaux
FORMATION M.R.S. :
Les modes de financement des travaux
Bruxelles, le 29 juin 2005
I.
Introduction
On compte divers modes de financement privé d’équipements collectifs, les uns organisés par la loi,
les autres plus ou moins ouverts à la libre disposition des parties. Il n’est évidemment pas possible de
tous les aborder dans le cadre de cet exposé : par manque de temps, bien entendu, mais aussi parce que
certains d’entre eux1 sont des modes de financement sui generis, dont il n’existe pas de modèle
univoque2.
Notre choix s’est par conséquent arrêté sur trois formules : le marché de promotion, le leasing
immobilier et la concession de travaux publics. Non pas qu’ils soient les seuls modes possibles – ni
même les meilleurs – mais parce qu’ils ont une structure relativement claire qui permet a priori3 d’y
avoir recours dans le cadre qui nous occupe.
Après un examen des traits fondamentaux, des avantages et inconvénients en général de ces trois
modes de financement, nous verrons s’ils conviennent pour l’objet qui nous occupe aujourd’hui, le
financement des opérations de construction ou de rénovation des M.R.S.
II. Le marché de promotion
1. Définition
Un marché de promotion est un marché public de travaux ou de fournitures portant à la fois sur le
financement et l’exécution de travaux ou de fournitures ainsi que, le cas échéant, sur l’étude de ceux-ci
ou sur toute prestation de services relative à ceux-ci (art. 9, alinéa 3, de la loi du 24 décembre 1993
relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services).
Il s’agit donc d’un marché pouvant comprendre la prestation de services accessoires, dont le
financement et l’exécution sont assurés par le promoteur. Le cas échéant, celui-ci réalise également les
études préalables au projet4.
2. Cadre légal
a) L’article 9 de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés
de travaux, de fournitures et de services détermine le cadre général du marché de promotion,
en donne la définition et en fixe les conditions minimales.
b) Les articles 21 et 22 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux,
de fourniture et de services et aux concessions de travaux publics déterminent les différents
types de relations juridiques entre le promoteur et le pouvoir adjudicateur relatives à l’objet du
marché, d’une part, et les obligations professionnelles du promoteur, d’autre part.
1
Nous pensons particulièrement aux partenariats publics-privés, les fameux P.P.P.
En tous cas en région bruxelloise ; la Région flamande en revanche adopté un décret du 18 juillet 2003 relatif
au partenariat public-privé.
3
Il s’agit d’une démarche intuitive, volontairement théorique, qui sera nuancée ou tempérée le cas échéant.
4
P. THIEL, « Quelques formes de partenariat avec les pouvoirs publics locaux »,
http://www.marchespublics.be/Doctrine/general/partenariat.htm
2
www.avcb.be
1
Il s’agit des dispositions spécifiques au marché de promotion. Bien entendu, toutes les autres
dispositions générales de la réglementation des marchés publics s’appliquent également à la matière
(par exemple, l’attribution du marché de promotion devra se faire conformément aux règles
d’attribution prescrites, etc.).
3. Caractéristiques
A. Les types de relation juridique entre le promoteur et le pouvoir adjudicateur
Le marché de promotion implique le transfert immédiat ou différé d’un droit au profit du pouvoir
adjudicateur. Il peut s’agir d’un droit réel sur la chose ; il peut aussi s’agit d’un droit personnel, tel la
location de la chose5.
Plus précisément, les différentes possibilités de mise en possession du pouvoir adjudicataire de la
construction des travaux sont :
-
la mise en location par le promoteur ;
la mise en location accompagnée à terme d’une option d’achat (hypothèse à distinguer du
leasing immobilier – cf. infra) ;
la mise en location accompagnée à terme d’un transfert de propriété ;
l’acquisition par le pouvoir adjudicateur dès la mise à disposition moyennant le paiement
d’annuités ;
l’octroi au pouvoir adjudicateur d’un droit d’emphytéose6.
Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 24 décembre 1993, l’adjudicataire peut également
être une personne morale de droit public (par exemple un organisme financier, une régie communale
autonome, une intercommunale,…).
Enfin, les besoins doivent avoir été déterminés par le pouvoir adjudicateur lui-même, ce qui signifie
concrètement que c’est le pouvoir adjudicateur qui doit avoir pris l’initiative du marché, et qui en
garde la maîtrise. Il n’y a donc pas de marché de promotion lorsque l’autorité achète ou loue des
immeubles déjà érigés7.
B. Les caractéristiques du contrat de promotion8
En vertu de l’article 9, alinéa 2, de la loi du 24 décembre 1993, le contrat de promotion doit prévoir
trois types de dispositions spécifiques, posées comme garanties minimales.
1. Les garanties contractuelles exigées du promoteur doivent être précisées. Ces obligations
contractuelles sont majoritairement considérées comme constituant pour le promoteur, qu’il soit
ou non vendeur, des obligations de résultat quant à la chose qu’il livre.
Ces garanties peuvent concerner le cautionnement, les modalités de financement, etc., mais ne
doivent plus aller jusqu’à la garantie de bonne fin délivrée par un ou plusieurs organismes
financiers reconnus. Dans le régime antérieur à la loi de 1993, en effet, se rajoutait l’exigence
d’une garantie bancaire de bonne fin : les banques devaient garantir une obligation de faire, c’està-dire se substituer au promoteur en cas de carence de celui-ci, donc couvrir des risques imprévus,
pour un montant illimité.
5
P. THIEL, « Quelques formes de partenariat avec les pouvoirs publics locaux », loc. cit.
P. THIEL, « Quelques formes de partenariat avec les pouvoirs publics locaux », loc. cit.
7
M-A. FLAMME et al., « Commentaire pratique de la réglementation des marchés publics », 1996, t. 1A, p.
197.
8
P. THIEL, « Quelques formes de partenariat avec les pouvoirs publics locaux », loc. cit.
6
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2
2. Le promoteur d’un marché public de travaux doit assurer entièrement la responsabilité décennale
incombant à l’entrepreneur en vertu des articles 1792 et 2270 du Code civil. En vertu de ces
articles, les constructeurs en général (entrepreneurs et sous-traitants, architectes, etc.) doivent
répondre pendant dix ans des vices affectant une construction et mettant en cause son étanchéité
ou sa stabilité, mais également des malfaçons qui rendent l’immeuble impropre à sa destination9
(évolution jurisprudentielle)10.
3. Le promoteur doit satisfaire aux obligations de la législation relative à l’agréation des
entrepreneurs de travaux. S’il fait appel à des sous-traitants, ces derniers doivent satisfaire
également à ces obligations.
L’article 22 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 précise, en ce qui concerne les marchés de travaux,
que :
« Si le promoteur exécute lui-même tout ou partie des travaux inhérents à la promotion, il doit
satisfaire à la date de la conclusion du marché de promotion, aux dispositions des législations
relatives à l’enregistrement et à l’agréation d’entrepreneurs de travaux ».
4. Si le promoteur n’exécute pas lui-même les travaux, il joint à sa soumission une liste mentionnant
au maximum trois entrepreneurs, auxquels il compte confier l’exécution totale ou partielle des
travaux, qui satisfont ou qui pourront satisfaire aux dispositions des législations relatives à
l’enregistrement et à l’agréation d’entrepreneurs de travaux. A cette liste est annexé l’engagement
de ces entrepreneurs d’exécuter les travaux conformément au cahier spécial des charges. Le
promoteur ne peut avoir recours à d’autres entrepreneurs sans l’accord écrit et préalable du
pouvoir adjudicateur.
Quel que soit le stade auquel ils interviennent, les sous-traitants des entrepreneurs doivent bien
évidemment satisfaire aux dispositions des législations relatives à l’enregistrement et à l’agréation
d’entrepreneurs de travaux, selon les travaux qu’ils leur ont confiés.
Cette limitation du nombre des sous-traitants a pour but de protéger le pouvoir adjudicateur contre
un promoteur versatile. Il faut éviter que le promoteur change d’entrepreneurs en cours de
chantier, ce qui risque de porter atteinte à la qualité de l’exécution. Quant à l’indication précise de
trois entrepreneurs11, elle permet d’éviter que le promoteur ne mentionne, arbitrairement et pour la
forme, l’un ou l’autre entrepreneur alors que, peut-être plus encore que dans d’autres marchés, la
qualification de l’exécutant (principal ou sous-traitant) est évidemment un élément important dans
l’appréciation de l’offre12.
5. Dans le régime antérieur à la loi de 1993, il y avait, outre la garantie de bonne fin dont nous avons
déjà parlé, une condition supplémentaire, rendant le recours au marché de promotion très difficile,
à savoir l’impossibilité pour le pouvoir adjudicateur d’assurer le financement de l’ouvrage ou,
pour reprendre l’expression du professeur Flamme, l’obligation pour le pouvoir adjudicateur
d’« être aux abois » ; à défaut, il ne pouvait pas recourir au marché de promotion13.
C. Difficultés particulières
•
Un obstacle se présente particulièrement à la réalisation de ce type de marché. Il réside, non
pas directement dans les conditions légales ou réglementaires ayant directement trait à la
9
Exemples de vices couverts : défaut d’étanchéité de la toiture, défaut d’isolation thermique, problèmes de
canalisations, etc.
10
http://www.cavignac-lefebvre.be/code/fr/dece.asp
11
Avec acceptation de leur part d’exécuter les travaux aux conditions prévues.
12
P. THIEL, « Quelques formes de partenariat avec les pouvoirs publics locaux », loc. cit.
13
M-A. FLAMME et al., op. cit., p. 200.
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3
matière, mais bien dans les conditions de subventionnement par les pouvoirs publics. Le
transfert immédiat du droit de propriété est généralement imposé comme condition d’octroi de
la subvention, ce qui rend difficile, voire impossible le recours au marché de promotion14 – ou
en tout cas limite le choix puisque sont exclues la simple location et l’emphytéose15.
•
Dans les faits, vu la nécessité de réaliser une (coûteuse) étude préalable, et compte tenu du fait
que les engagements sont fermes dans le cadre d’un marché public, il apparaît qu’il est
difficile de trouver des promoteurs s’engageant pour des marchés de moins de 2,5 millions
d’euros… ce qui est un gros montant !
4. Intérêt de la formule
•
Le marché de promotion présente un intérêt évident pour les pouvoirs publics. Ce mécanisme
permet de faire réaliser des travaux (ou des fournitures) alors que le risque financier est supporté
par le promoteur lui-même, et non par le pouvoir adjudicateur. Il permet aussi d’étaler le
financements des projets immobiliers16.
De plus, ce type de marché conduit les entreprises privées intéressées à réaliser une étude
préalable de rentabilité et, ce faisant, permet de décharger les pouvoirs publics d’une partie de
l’analyse du projet. Cette étude de faisabilité prendra en considération, notamment, le coût de la
production, l’importance des taux d’intérêt, le poids de la fiscalité, le coût énergétique, le coût des
salaires, etc., le tout sur un nombre déterminé d’années.
L’avantage de ce type de marché est donc, en outre, de transférer au partenaire privé le risque et
l’étude préalable de faisabilité ou de rentabilité.
•
La technique du marché de promotion peut aussi être utilisée pour satisfaire les besoins non pas de
l’adjudicateur mais de tiers répondant à des conditions qu’il détermine ; par exemple, un pouvoir
adjudicateur conclut un marché de promotion en vue de construire du logement social (les tiers
intéressés sont les futurs locataires) ou de réaliser des constructions industrielles (en vue de
favoriser l’expansion économique)17.
5. En résumé
> l’entreprise finance
> éventuellement, l’entreprise fait des études
> l’entreprise exécute les travaux
> l’entreprise preste tous services connexes
> l’entreprise transfère un droit au pouvoir adjudicateur
> l’entreprise se fait rembourser ultérieurement par le pouvoir adjudicateur, d’une manière ou
d’une autre
14
P. THIEL, « Quelques formes de partenariat avec les pouvoirs publics locaux », loc. cit.
À moins bien sûr de se passer de subvention pour l’opération envisagée.
16
P. THIEL, « Contrat portant simultanément sur le financement et la réalisation : le marché de promotion », in
Mouv. Comm., 2005/6-7, p. 285.
17
M-A. FLAMME et al., op. cit., p. 197.
15
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4
III. Le leasing immobilier
Deuxième possibilité d’assurer le financement par le secteur privé d’équipements collectifs : le leasing
immobilier. Il s’agit d’une structure juridique apparemment assez proche du marché de promotion,
malgré certaines différences.
1. Définition
« Le leasing immobilier est un contrat par lequel le donneur (lessor) achète ou construit un immeuble
suivant les instructions du preneur (lessee) pour en céder à ce dernier la jouissance pour une période
plus ou moins longue, qui correspond généralement à la durée d’utilité économique du bien »18.
« Le leasing immobilier est une technique destinée à financer l’achat et, parfois, la construction d’un
bâtiment, essentiellement par les sociétés ou certaines entités de droit public comme les communes.
Plus précisément, le leasing immobilier est un contrat par lequel une société financière s’engage à
acheter ou éventuellement à faire construire un immeuble à usage professionnel (des bureaux, une
usine, les bâtiments administratifs, etc.) et en procurer la jouissance (par exemple par un bail le
longue durée) à son cocontractant »19.
En d’autres mots : un immeuble est érigé ou acquis20 suivant les instructions du preneur est mis à la
disposition dudit preneur moyennant paiement fractionné d’un prix avec la faculté pour ce dernier d’en
acquérir la propriété au terme du contrat21.
2. Cadre légal
•
La base légale du leasing immobilier n’est pas l’arrêté royal n° 55 du 10 novembre 1967
organisant le statut juridique des entreprises pratiquant la location-financement ni l’arrêté
ministériel du 23 février 1968 déterminant les conditions à remplir pour être agréé en qualité
d’organisme de leasing, parce que ceux-ci ne concernent que le leasing « de biens d’équipement
que le locataire affecte exclusivement à des fins professionnelles » (art. 1er de l’arrêté royal), ce qui
ne vise pas les biens immobiliers.
Æ il n’y a pas de régime juridique particulier ;
Æ il faut avoir recours à des mécanismes contractuels divers (location d’ouvrage, emphytéose,
superficie,… et autonomie de la volonté).
•
Dans le cadre de la législation sur les marchés publics : il s’agit principalement d’un marché de
services22 (financement et location – c’est-à-dire « autres services »)23, même si l’autorité acquiert
le bien in fine24.
18
M. MORIS, « Le leasing immobilier », http://www.idefisc.cx.
www.notaire.be.
20
Ce qui constitue la première différence avec le marché de promotion, où l’immeuble est obligatoirement
construit.
21
P. THIEL, « Quelques formes de partenariat avec les pouvoirs publics locaux », loc. cit.
22
En revanche, le leasing mobilier, portant sur la mise à disposition de biens meubles, est un marché de
fourniture.
23
FLAMME et al., op. cit., t. 2, p. 798.
24
Ce qui constitue la deuxième différence avec la promotion, qui est – dans notre cas – un marché de travaux.
19
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5
3. Caractéristiques
A. On distingue différents types de services de leasing :
… le leasing financier ; l’opération a pour objectif de financer la construction ou la mise à disposition
d’un bien ;
… le « sale and lease back » ; le propriétaire initial d’un bien se dessaisit de sa propriété au profit d’un
organisme de leasing qui va immédiatement le lui « rendre », mais en location et non en pleine
propriété ;
… le leasing opérationnel ; le contrat ne porte pas exclusivement sur des aspects financiers mais
comporte également la prestation d’un ensemble de services.
Le leasing immobilier se rattache au « leasing opérationnel » puisque son principal avantage est la
prestation de services connexes fournis au preneur25.
B. Procédure standard26
-
La procédure habituelle, lorsque les deux parties relèvent du secteur privé, passe par l’élaboration
de deux contrats : le premier pour le leasing proprement dit, le second pour la convention de bail
ou d’emphytéose. Dans le cadre d’un marché public, c’est difficilement concevable ; on rédigera
donc un seul contrat, qui se réalisera en deux phases.
-
Le contrat prévoit les obligations de chacune des parties : acquérir ou construire le bâtiment d’une
part (première phase), le prendre en jouissance moyennant le paiement d’une redevance d’autre
part (deuxième phase) ; il s’agit d’obligations successives et non simultanées (cf. infra).
-
Problème : dans la première phase, le donneur prend en charge la désignation de l’architecte et de
l’entrepreneur, la direction du chantier, etc. Or la loi sur les marchés publics ne prévoit pas de
mécanisme de délégation de la maîtrise d’ouvrage dans ce cas ; or on sait qu’en vertu des règles
constitutionnelles de partage des compétences, il ne peut y avoir de délégation de compétences
sans qu’il y ait un texte la prévoyant ou la permettant expressément. Dans la pratique, le preneur
sera associé à la première phase via la désignation de l’architecte, le suivi de l’évolution du
chantier et la détermination des aménagements du bien (à insérer dans les clauses contractuelles) –
ce qui semble somme toute logique étant donné que l’obligation du donneur n’est pas de livrer
« un » immeuble au preneur mais un immeuble qui répond à ses attentes économiques, spécifiques
(cf. la définition du leasing immobilier : « selon les instructions du preneur »).
-
Quand l’immeuble est construit ou acquis par donneur, arrive la deuxième partie du contrat : la
concession de la jouissance du bien, éventuellement via l’octroi d’un droit d’emphytéose.
-
Au terme du contrat27, le preneur peut lever l’option d’achat ; ce n’est donc pas une vente avec
transfert différé de la propriété (ce qui est le cas de la location-vente).
C. La redevance périodique correspond au remboursement du capital investi par le donneur + les
intérêts + les frais de l’opération (soit la rémunération du donneur)28.
Elle ne constitue pas la contrepartie de la mise à disposition continue (ce qui est le cas du bail) mais la
rémunération du financement (cf. infra).
25
P. THIEL, « Quelques formes de partenariat avec les pouvoirs publics locaux », loc. cit.
M. MORIS, loc. cit.
27
Ceci constitue la troisième différence avec le marché de promotion, où le transfert de propriété peut se faire
avec la réception provisoire de l’immeuble.
28
D’où la quatrième différence avec le marché de promotion, où le type de remboursement dépend de ce qu’il
advient de l’immeuble après la réception provisoire.
26
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6
4. Intérêt et problèmes29
A. Avantages financiers :
-
-
le paiement de l’ouvrage se fait non pas au fur et à mesure de la construction mais sur une période
beaucoup plus longue ;
la commune ne supporte la charge financière du bien qu’à partir du moment où elle en dispose et
qu’elle peut le mettre en service – bref, dès qu’il devient rentable (ou en tout cas économiquement
actif) ;
le financement de l’ouvrage relèvera normalement uniquement du budget ordinaire de la
commune ; le montant de la location étant prévisible, cela ne pose pas de problème pour
l’élaboration annuelle du budget.
Avantages techniques :
Le contrat de leasing fait appel à des métiers spécialisés (construction, financement,…) que la
commune ou le CPAS ne maîtrisent peut-être pas (avantage présent lors de chaque mode
d’externalisation, il est vrai).
Avantages administratifs :
Le terrain appartient le plus souvent à l’administration (soit « historiquement », soit en vertu d’un
achat pour l’occasion) ; l’immeuble est donc érigé sur un terrain sur lequel le pouvoir adjudicateur à
octroyé un droit de superficie au donneur. La société de leasing peut soit louer l’immeuble, soit le
donner en emphytéose à l’administration (celle-ci sera donc emphytéote d’un bien situé sur un terrain
lui appartenant).
B. Problèmes :
1) Dans un bail ordinaire, le bailleur a l’obligation de faire jouir le preneur (art. 1709 C.civ.) : il a
donc un rôle actif (mettre – et laisser – à la disposition du preneur un bien conforme à son usage)
parce qu’il a une obligation de délivrance continue ; de plus, et en conséquence, il assume les
risques en cas de destruction de la chose. Dans la formule du leasing au contraire, le donneur a
l’obligation de laisser jouir le preneur : son rôle s’arrête quand l’immeuble est livré ; en
conséquence les risques sont pour le preneur, qui doit payer la redevance même en cas de perte du
bien, parce que le donneur a une obligation de délivrance ponctuelle. Conclusion logique : le
preneur a tout intérêt à contracter une assurance !3031
2) Même remarque que pour la promotion : les subsides sont liés à l’acquisition de la propriété ! Une
piste pour rencontrer cette exigence : lever le droit de superficie (… si l’immeuble est construit sur
un terrain appartenant au pouvoir adjudicateur) et devenir propriétaire dès la réception provisoire,
avant le versement de la totalité des loyers (avant même le paiement du premier loyer). Mais il ne
s’agit alors plus d’un leasing immobilier mais d’un « simple » emprunt…
29
P. THIEL, « Quelques formes de partenariat avec les pouvoirs publics locaux », loc. cit.
M. MORIS, loc. cit.
31
Quid de la théorie de la caducité du contrat par disparition de l’objet ? Elle n’est pas facilement applicable ici,
principalement parce que les obligations ne s’exécutent pas trait pour trait (obligations simultanées) mais sont
successives. Le donneur a réalisé son obligation principale : financer la chose, la livrer et laisser jouir !
30
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7
5. En résumé
> la société achète ou fait construire un immeuble
> la société procure la jouissance de l’immeuble au preneur
> le preneur paye des redevances
> le preneur peut acquérir la propriété de l’immeuble
IV. La concession de travaux publics
1. Définition
« On entend par ‘concession de travaux publics’ le contrat à titre onéreux conclu par écrit, par lequel
un pouvoir adjudicateur visé à l’art. 4, §1er et §2, 1° à 8° et 10°, octroie à une autre personne de droit
privé ou de droit public, dénommée le concessionnaire, le droit d’exploiter, le cas échéant assorti d’un
prix, les travaux ou l’ouvrage que le concessionnaire s’engage soit à exécuter, soit conjointement à
concevoir et exécuter, soit à faire réaliser par quelque moyen que ce soit » (article 24 de la loi 24
décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de
services).
En quelques mots : c’est un contrat par lequel un concessionnaire public ou privé s’engage à exécuter
à ses frais un ouvrage (et éventuellement, en outre, à le concevoir) et obtient en contrepartie le droit de
l’exploiter. La concession peut être assortie du paiement d’un prix ou d’une redevance32.
2. Cadre légal
L’article 24 de la loi du 24 décembre 1993 en donne la définition.
L’article 25 réglemente l’attribution des travaux par le concessionnaire à un tiers – selon que le
concessionnaire est un pouvoir adjudicateur ou pas.
Les articles 123 à 135ter de l’arrêté royal du AR 8 janvier 1996 déterminent les règles de publicité, les
délais et procédures d’attribution, les règles d’attribution des travaux par le concessionnaire,…
3. Caractéristiques
-
Les travaux ou l’ouvrage vont être exploités par le concessionnaire, qui se voit investi d’une
mission de service public dans cette exploitation.
-
Le concessionnaire peut lui-même déléguer la phase « travaux » mais en respectant une procédure
déterminée par la loi.
-
Le paiement du service au concessionnaire est le fait de tiers : les clients. Il s’agit donc aussi d’un
mode de financement (entièrement) privé d’équipements collectifs33.
-
Les constructions étant par hypothèse érigées sur un terrain appartenant à l’administration, cellesci entrent dans son patrimoine à l’échéance du contrat de concession.
32
33
http://www.belgium.be
P. THIEL, « Mémento des marches publics », Kluwer, 2004, p. 361.
www.avcb.be
8
4. Intérêt et limites
L’intérêt évident de la formule est de transférer non seulement le financement et le risque au
concessionnaire, mais aussi l’exploitation elle-même. Par ailleurs, le concédant (l’autorité
adjudicatrice) est assuré d’acquérir à terme la propriété de l’immeuble.
Les inconvénients :
-
-
La concession comporte une rémunération par les résultats de l’exploitation, ce qui suppose
qu’une exploitation économique de l’activité est possible34. Est-ce envisageable dans le cas d’une
MRS ? Une possibilité : confier la concession à une autre structure publique (une asbl communale,
une intercommunale,…) ;
Question davantage politique que juridique : le CPAS accepterait-il de déléguer la gestion
quotidienne de la MRS ?
Une concession est par nature un titre d’occupation du domaine précaire et révocable ; on peut
mettre fin à une concession avant terme, pour des motifs tirés de l’intérêt public, moyennant
indemnité certes, mais ce n’est pas pour rassurer l’investisseur !
Bien que relativement peu pratiquée en Belgique, la concession s’apparente à un mode de gestion par
lequel l’autorité délègue à un cocontractant la construction et l’exploitation d’installations (tunnels,
autoroutes, stations services, motels autoroutiers, …) destinées à satisfaire les besoins de la
collectivité35.
5. En résumé
> l’entreprise conçoit éventuellement, exécute ou fait exécuter
> l’entreprise exploite
> des tiers payent (le concessionnaire est rémunéré par « l’avantage qu’il tire de
l’exploitation de la concession »36)
V. Tableau comparatif
MARCHE DE
PROMOTION
LEASING
IMMOBILIER
CONCESSION DE
TRAVAUX PUBLICS
Risque financier
Promoteur
1 : Donneur
2 : Pouvoir
adjudicateur
Concessionnaire
Paiement du prix
Pouvoir adjudicateur
Pouvoir adjudicateur
Tiers (usagers)
Personne qui assure le
financement
Promoteur
Donneur
Concessionnaire
Personne qui assure
l’exécution
Promoteur
Donneur ou tiers
Concessionnaire ou
tiers (délégué)
Maîtrise de l’ouvrage
Promoteur
Donneur
Concessionnaire ou
34
http://www.cabinet-richer.com/docs/Lepartenariatpublicprivé.pdf
http://www.belgium.be
36
P. FLAMEY, « Le partenariat public-privé et les marchés publics : la situation belge dans le contexte
européen », in C.D.P.K., 1999, 1/2, p. 70.
35
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9
tiers (délégué)
Origine de l’immeuble
Construction
Construction ou
acquisition
Construction
VI. Conclusions
Les modes de financement examinés sont des mécanismes satisfaisants mais imparfaits ; ils doivent
toujours être adaptés à telle ou telle exigence des pouvoirs tutélaire ou subsidiant.
Une possibilité, non évoquée ici (comme annoncé dans l’introduction), est d’élaborer un partenariat
« sur mesure » via un partenariat public-privé (cf. l’exposé de M. De Pessemier).
Bruxelles, le 30 juin 2005
www.avcb.be
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