Femme paysanne et adaptation au changement climatique
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Femme paysanne et adaptation au changement climatique
1 REVUE DE L’IRSA N° 20 Novembre 2014 Femme paysanne et adaptation au changement climatique : expérience de l’association « Vision des Femmes pour le Développement Endogène » (VIFEDE) à Mambasa de 2008 à 2011 KISEMBO Uve Esther* KUMBATULU Bakulu Alain** Résumé L’association féminine dénommée « Vision des Femmes pour le Développement Endogène » (VIFEDE), regroupant les femmes paysannes à Mambasa, a expérimenté l’amélioration des activités apicoles comme stratégie d’adaptation au changement climatique, dans le cadre du projet dénommé « Forêts du Bassin du Congo et Adaptation aux Changements Climatiques en Afrique Centrale » (CoFCCA) pour le compte de la République Démocratique du Congo. Dans la mise en œuvre de ce projet, sur 80 ruches, seules 12 (dont 7 ruches installées à Nduye) ont été fabriquées. La commercialisation du miel n’a pas été concrétisée, car les 12 ruches fabriquées dont 7 installées à Nduyé n’ont pas encore produit du miel, affirment tous nos 42 enquêtés. Comme nous le constatons, la stratégie d’adaptation mise en œuvre par la VIFEDE, dans le cadre du projet CoFCCA, semble avoir produit des résultats non escomptés suite à un bon nombre des facteurs : facteur « temps », facteur culturel et facteur « suivi et évaluation ». Abstract The women’s association named “Women’s Vision for Endogen Development” (VIFEDE) regrouped farmers women together at Mambasa and has experienced the improvement of epicoles activities as adaptation strategies to climatic change in the occasion of project named or called “Forests of Congo Basin and Adaptation to the Climatic changes in Central Africa Regional” (CoFCCA) for the Count of Democratic Republic of Congo. To execute this project, on eighty honey combs only twelve (seven installed at Nduye) have made. Honey’s commercialization was not concretized; because honey combs made and installed at Nduye out of 12 didin’t produce honey, affirm by forty-two (42) of our subjects. As we remark, adaptation strategy made by VIFEDE, in CoFCCA project seens to produce expected results taking in some factors, notably: time, culture evaluation and control. Introduction Au nombre des problèmes auxquels se trouve confronté notre humanité, figure celui des changements climatiques. Il n’est plus à démontrer que ce phénomène est inéluctable. A cet effet, le quatrième rapport du GIEC (Groupement d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), paru en 2007, établit l’existence d’un changement climatique.1 L’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) 2 souligne que si l’évolution des conditions climatiques moyennes a son importance, les sociétés humaines, surtout dans les pays en développement, sont particulièrement vulnérables à des conditions extrêmes telles que les inondations, sécheresses, canicules et cyclones. Mambasa, l’un des territoires du District de l’Ituri en Province Orientale, est borné à l’Est par les territoires de Djugu et Irumu, à l’Ouest par les territoires de Bafwasende et Wamba, au Nord par le territoire de * Politologue, KISEMBO Uve Esther est Assistante à l’Université de Kisangani. Sociologue, KUMBATULU Bakulu Alain est Chef de Travaux à l’Université de Kisangani. 1 Basilico L., Mojaïsky M. et Imbard, M., Changement climatique et littoral méditerranéen : Comprendre les impacts, construire l’adaptation, Synthèse des programmes de recherche CIRCLE-Méd 2008-2011, Paris, Edition Verseau Développement, 2012, p. 9. 2Organisation de Cooperation et de Developpement Econoniques (OCDE), Adaptation au changement climatique et coopération pour le développement, Document d’orientation, p. 35. ** 2 REVUE DE L’IRSA N° 20 Novembre 2014 Watsa, au Sud par les territoires de Beni et Lubero. Le territoire de Mambasa couvre une superficie de 36.785 Km2 (Plus de la moitié du district de l’Ituri qui a plus au moins 65.654 Km2). Cette entité a une population estimée à 169.122 habitants dont 82532 Hommes et 86590 Femmes. Les manifestations du changement climatique amplifient la pauvreté et accentuent la vulnérabilité de ces populations locales, étant donné que leurs activités de survie sont négativement impactées, entre autres l’agriculture, la pêche, la chasse, le ramassage et la cueillette. 3 Ces manifestations climatiques se caractérisent par les fortes chaleurs, les pluies abondantes observées durant toute l’année, les perturbations des saisons (les poches de pluie pendant la saison sèche et les poches de sécheresse pendant la saison de pluie) et les perturbations du calendrier agricole. 4 Préoccupation mondiale et domaine d’actualité, plusieurs études ont été réalisées sur la vulnérabilité issue des changements climatiques et des pratiques d’adaptation. En Tunisie, les études d’évaluation de la vulnérabilité au changement climatique ont démontré, sans équivoque, que le pays subit déjà, et subirait pour longtemps, les impacts de ce phénomène planétaire, en particulier les impacts liés à l’augmentation des températures moyennes, la réduction des précipitations et l’élévation du niveau de la mer. Par rapport à cette réalité, la Tunisie a opté les stratégies en faveur de la protection de biodiversité et la lutte contre la désertification mais qui doivent être renforcées dans une perspective de changement climatique.5 Pour Madiodio Niasse, Abel Afouda et Abou Amani6, l’Afrique de l’Ouest est l’une des régions du monde les plus vulnérables au changement climatique. Cette vulnérabilité est causée par la baisse de la pluviométrie, la baisse de l’écoulement dans les principaux cours d’eau, les zones continentales humides en péril et la dégradation de la qualité d’eau. Au terme de leur étude, les auteurs ont affirmé qu’il y a plusieurs projets d’adaptation, sans succès, mis en œuvre au niveau national et au niveau régional suite à bon nombre de facteurs, entre autres le faible engagement des institutions politiques et aussi le faible engagement financier des Etats Ouest-Africains dans le cadre de la mise en place des stratégies d’adaptation. Par rapport à la République Démocratique du Congo, le Programme d’Action National d’Adaptation au Changement Climatique de la République Démocratique du Congo (PANA/RDC)7 souligne que de nombreuses vies humaines sont particulièrement les plus vulnérables aux changements climatiques dans le pays. A titre illustratif, l’agriculture, fondement de l’existence de plus de 90% de la population, continue à être exclusivement pluviale et itinérante. Que la pluviosité change, notamment un raccourcissement de la saison des pluies, ou que la température moyenne au sol augmente, ipso facto, les maigres récoltes sont en danger, et donc, de nombreuses vies s’en trouvent vulnérables, tant en villes, fondamentalement les pauvres, qu’à la campagne. Par rapport aux études précédentes, nous menons une recherche qui, d’une manière particulière, consiste à évaluer le niveau de la capacité de la stratégie d’adaptation mise en œuvre par une association féminine dénommée la VIFEDE dans le cadre du projet expérimental CoFCCA. En effet, les populations locales, en général, et les femmes paysannes, en particulier sont vulnérables. Les effets du changement climatiques influent négativement, à titre de rappel, sur leurs activités de survie, entre autres l’agriculture, la pêche, le ramassage, la cueillette et la chasse. Au regard de ce réel problème, dans le cadre de cette étude, nous nous posons les questions suivantes : 3Rapport administratif du Territoire de Mambasa, 2010, p. 7. recueillis auprès de Monsieur Kidima Laurent, chargé de Communication de l’ONG. PACT CONGO qui a accompagné la VIFEDE, comme partie prenante, dans le cadre de la mise en œuvre du projet CoFCCA à Mambasa. 5ANONYME, Evaluation de la vulnérabilité des impacts du changement climatique et des mesures d’adaptation en Tunisie, S.E, S.L et S.A. 6Madiodio Niasse, Afouda Abel et Abou Amani, Réduire la vulnérabilité de l’Afrique de l’Ouest aux impacts du climat sur les ressources en eau, les zones humides et la désertification. Eléments de stratégie régionale de préparation et d’adaptation, Union Mondiale pour la Nature (UICN), Gland (Suisse), 2004. 7Programme d’Action National d’Adaptation au Changement Climatique en République Démocratique du Congo, (PANA/RDC), Fonds pour l’Environnement Mondial, 2006, p. 10. 4Propos 3 REVUE DE L’IRSA N° 20 Novembre 2014 - Comment s’évaluent la vulnérabilité au changement climatique des communautés locales et peuples autochtones à Mambasa ? Comment se présente les résultats de la stratégie d’adaptation au changement climatique mise en œuvre par l’association féminine la « VIFEDE » dans le cadre du projet CoFCCA ? Quelles solutions envisagées pour renforcer la capacité d’adaptation au changement climatique en République Démocratique du Congo au profit des communautés locales, en général et de la femme paysanne, en particulier ? Par rapport à ces préoccupations, nous supposons que la baisse sensible du rendement des produits agricoles, haliétiques, PFNL (chenille, champignon, escargot, …) et l’extinction de certaines espèces animales dans le domaine de la chasse rendraient ces populations locales incapables à faire face à cette réalité due au changement climatique. Les résultats de la stratégie d’adaptation mise en œuvre par la VIFEDE seraient négatifs suite au désengagement de certaines structures d’accompagnement (ONG, services publics, société civile, secteur privé…) et à la faible participation des femmes, membres de l’association VIFEDE. Pour renforcer la capacité d’adaptation au changement climatique en République Démocratique du Congo au profit des communautés locales, en général et des femmes paysannes, en particulier, il faudrait que l’Etat, les ONG, la société civile, le secteur privé et les populations locales (femmes et hommes) s’impliquent activement à la lutte contre les effets du changement climatique à travers des projets et programmes biens définis et biens suivis par toutes les parties prenantes suscitées. Cette étude poursuit les objectifs suivants : - évaluer la vulnérabilité au changement climatique des communautés locales et peuples autochtones à Mambasa ; présenter les résultats de la stratégie d’adaptation au changement climatique mise en œuvre par l’association féminine la « VIFEDE » dans le cadre du projet CoFCCA ; envisager des solutions pour renforcer la capacité d’adaptation au changement climatique en République Démocratique du Congo au profit des communautés locales, en général et de la femme paysanne, en particulier. En vue d’atteindre l’explication de notre recherche, nous recourons à la méthode dynamique du schéma de Georges Balandier en nous appuyant sur les quatre protocoles descriptifs. En effet, le changement climatique influe négativement sur le secteur agricole à Mambasa. Face à cette réalité, nous démontrons la mutation qui s’observe actuellement dans les milieux ruraux en République Démocratique du Congo, en général et dans le territoire de Mambasa, en particulier, à travers la participation de la femme paysanne, marginalisée jadis, au processus du projet CoFCCA à caractère régional. Cette participation féminine au processus du projet CoFCCA à Mambasa a inversé les rôles de la femme dans les foyers, car elle devrait aménager assez du temps pour la mise en œuvre dudit projet pendant deux ans. Cette réalité peut facilement engendrer des tensions au niveau des foyers par rapport aux travaux ménagers exercés par la femme. Concernant la dynamique externe, nous mentionnons l’initiative du CIFOR, celle d’expérimenter dans les zones riveraines de l’Afrique Centrale un projet innovant consistant à lutter contre les conséquences du changement climatique à travers des activités locales mises en œuvre par les communautés locales et peuples autochtones. Par rapport à la dynamique interne, les femmes paysannes à Mambasa qui exercent quotidiennement l’agriculture comme activité de survie, ont découvert une autre pratique pouvant augmenter leur revenu ménager. Il s’agit de l’amélioration des activités apicoles. Cependant, la participation des femmes à la lutte contre le changement climatique après le projet CoFCCA reste problématique à Mambasa, étant donné que ces dernières, comme préoccupations majeures, s’occuperont de leurs ménages et de leurs activités quotidiennes, entre autres l’agriculture, le ramassage, etc. Cette méthode a été appuyée, d’une part, pour la collecte de données par l’observation directe désengagée nous permettant de constater le niveau de la capacité de la stratégie d’adaptation mise en œuvre par la VIFEDE ; 4 REVUE DE L’IRSA N° 20 Novembre 2014 l’entretien non directif qui nous a permis d’entrer en contact avec 42 enquêtés (dont 38 femmes, membres de l’association paysanne VIFEDE et 4 agents du Service Territorial d’Agriculture, Pêche et Elevage) et 4 responsables des ONG qui ont accompagné la VIFEDE au cours du processus du projet ; la documentation qui nous a facilité à recueillir les informations ayant trait à notre objet d’étude. Les opinions de nos enquêtés ont été traitées par l’analyse du contenu. Après la partie introductive, trois points vont être développés : l’évaluation de la vulnérabilité au changement climatique des communautés locales et peuples autochtones à Mambasa (I) ; les résultats relatifs au niveau de la capacité de la stratégie d’adaptation au changement climatique mise en œuvre par l’association féminine la « VIFEDE » (II) et la discussion par rapport à ces résultats (III). 1. Evaluation de la vulnérabilité au changement climatique des communautés locales et peuples autochtones à Mambasa Pour Ruth Wenger, Cyrill Rogger et Susanne Wymann von Dach8, le changement climatique est aujourd’hui considéré comme l’une des principales menaces pour le développement durable. Il a une influence sur la santé, l’infrastructure, les habitats, la sécurité alimentaire, l’agriculture, les forêts et les écosystèmes marins. Les sociétés humaines, surtout dans les pays en développement, sont particulièrement vulnérables à des conditions extrêmes telles que les inondations, sécheresses, canicules et cyclones. 9 Dans ce point, nous esquissons la vulnérabilité au changement climatique des cultures vivrières et des Produits Forestiers Non Lieux (PFNL) les plus consommés à Mambasa. 1.1. Vulnérabilité au changement climatique du secteur agricole A Mambasa, la vulnérabilité du secteur agricole a été évaluée respectivement par 38 femmes, membres de l’association « VIFEDE », bénéficiaires du projet CoFCCA et 4 enquêtés de sexe masculin œuvrant dans le service territorial d’Agriculture, Pêche et Elevage. Il est à noter que cette enquête a été réalisée en juin 2011 respectivement à Nduyé, localité située à 60 Km de Mambasa Centre sur l’axe routier d’Isiro (entretien réalisé avec 38 femmes) et à Mambasa Centre (entretien réalisé avec 4 hommes œuvrant au service territorial de l’Agriculture, Pêche et Elevage). A la question de savoir quels sont les produits vivriers les plus cultivés à Mambasa, nos enquêtés ont réagi de la manière suivante : Tableau 1 : Cultures vivrières les plus pratiquées par les communautés locales à Mambasa 8Wenger, N° Cultures Fréquences % 1 Riz 11 26,1 2 arachide 9 21,4 3 Haricot 8 19 4 Maïs 7 16,6 5 Banane 7 16,6 Total 42 100 R., Rogger, C. et Dach, W.V.S., Changement climatique, populations rurales et ressources forestières, in Focus N°2, 2004, pp. 1-16. 9ORGANISATION DE COOPERATION ET DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUES (OCDE), Adaptation au changement climatique et coopération pour le développement, Documentation d’Orientation, 2009, p. 35. 5 REVUE DE L’IRSA N° 20 Novembre 2014 Comme nous le constatons, les produits vivriers les plus cultivés à Mambasa sont le riz, les arachides, les haricots, le maïs et les bananes plantains. Mais selon nos enquêtés, le riz est le plus cultivé par rapport aux autres produis (opinions de 11 enquêtés dont 8 femmes et 3 hommes, agents du service territorial d’Agriculture, soit 26,1% de notre échantillon). Parmi les produits vivriers, lesquels sont les plus impactés par les changements climatiques ? A travers cette question, nos sujets d’enquête ont répondu comme suit : Tableau 2 : Cultures vivrières les plus impactés au changement climatique à Mambasa N° Cultures Fréquences % 1. Haricot 28 66,6 2. Arachide 14 33,3 Total 42 100 Les produits vivriers les plus vulnérables au changement climatique sont les haricots et les arachides, mais l’accent a plus été mis sur les haricots (opinions de 28 enquêtés dont 24 femmes et 4 hommes, agents du service territorial de l’Agriculture, soit 66,6% de notre échantillon). 1.2. Vulnérabilité au changement climatique des Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL) Les PFNL sont aussi influés par les effets du changement climatique à Mambasa. Dans le cadre de notre recherche, nos enquêtés ont plus insisté sur la faible apparition des chenilles à Mambasa. Tableau 3 : Production de chenilles dans le passé N° Niveau de rendement Fréquences % 1. Production très élevée 28 66,6 2. Production élevée 14 33,3 Total 42 100 Dans le passé, la production des chenilles était bonne, car les paysans ramassaient plus de 6 seaux de chenilles par jour (Production très élevée) au cours des années 1980 à 2000 (opinions de 28 enquêtés dont 24 femmes et 4 hommes, soit 66,6% de notre échantillon) et 4 seaux par jour (Production élevée) au cours des années 1980 à 1990 (opinions de 14 enquêtées, soit 33,3% de notre échantillon). En rapport avec la production de chenilles actuellement, nos enquêtés se sont exprimés comme suit : Tableau 4 : Production de chenilles actuellement N° Niveau de rendement Fréquences % 1. Production très faible 22 52,3 2. Production faible 20 47,6 Total 42 100 La production de chenilles est actuellement revue sensiblement à la baisse, car les paysans ramassent 1 seau et demi après 2 jours (opinions de 22 enquêtées, soit 52,3% de notre échantillon) et 1 seau par jour (opinions de 20 enquêtés dont 16 femmes et 4 homme, soit 47,6% de notre échantillon). A la question de savoir quelles sont les causes de la faible production de chenilles observée actuellement à Mambasa ? 6 REVUE DE L’IRSA N° 20 Novembre 2014 Tableau 5 : Causes de la faible production de chenille observée actuellement N° Niveau de rendement Fréquences % 1. Fréquence élevée de coupe d’arbre à chenille 39 92,8 2. Perturbation des saisons 02 4,7 3. Rien à Signaler (RAS) 01 2,3 Total 42 100 La grande majorité de nos enquêtés ont attribué la baisse actuellement de la production de chenilles par la fréquence élevée de coupe d’arbres à chenille appelés localement Endjeku, Toko et Koyo produisant des espèces de chenille appelées localement Basaka et Bakanya (opinions de 39 enquêtés dont 35 femmes et 4 hommes, soit 92,8% de notre échantillon). En ce qui concerne les facteurs de la vulnérabilité, nous nous sommes entretenus avec les responsables des ONG qui ont accompagné la VIFEDE au processus de mise en œuvre du projet CoFCCA à Mambasa. Le niveau de capacité de la stratégie d’adaptation au changement climatique de la VIFEDE dans le cadre du projet expérimental CoFCCA sera élucidé au troisième point. 2. Etat des lieux de la stratégie d’adaptation au changement climatique de la VIFEDE dans le cadre du projet CoFCCA Ce point va épingler respectivement les activités à réaliser par la VIFEDE, dans la cadre du projet CoFCCA et celles réalisées par cette association féminine en vue d’apprécier le niveau de capacité de la stratégie d’adaptation mise en œuvre expérimentalement par les femmes paysannes à Nduyé. 2.1. Activités à réaliser par la VIFEDE dans le cadre du projet CoFCCA En rapport avec le projet, de 2008 à 2011, il était prévu la formation des communautés en apiculture ; la fabrication des ruches et la production du miel comme activités d’adaptation au changement climatique retenues par les parties prenantes du projet CoFCCA représentées par l’Administrateur du Territoire, les Notables du territoire de Mambasa, les ONG internationales, nationales et locales d’appui communautaire implantées à Mambasa, les communautés locales et peuples autochtones regroupés en associations paysannes. Particulièrement, au moins 80 femmes, membres de la VIFEDE, bénéficiaires du projet CoFCCA, devraient être formées en apiculture et chacune devrait recevoir une ruche. Les produits issus de cette activité devraient être vendus par cette association féminine par le truchement des 80 femmes formées pour le compte du projet CoFCCA. 10 Par rapport au financement, la VIFEDE devrait obtenir un montant de 17.680 $ US pour la mise en place des activités expérimentales d’adaptation. Dans ce montant, chaque partie prenante devrait contribuer de la manière suivante : les ONG WCS et Pact Congo devraient débourser 5000 $ US ; la VIFEDE, elle-même, devrait débloquer 3.200 $ US et le CIFOR devrait mettre à la disposition du projet un montant de 9.480 $ US. A titre de rappel, ces fonds permettraient aux 80 membres de la VIFEDE, bénéficiaires du projet CoFCCA, de construire 80 ruches modernes, de produire 4.000 Litres de miel et de les vendre à 20.000 $ US en raison de 5 $ US le litre. 2.2. Activités réalisées par la VIFEDE Concernant les activités réalisées par la VIFEDE, dans le cadre du projet CoFCCA, nous avons recueilli certaines informations dans le rapport d’activités établi par cette structure en 2011. Les écrits de ce rapport ont été confrontés avec les données empiriques que nous avons récoltées sur le terrain. 10 Document de l’Accord de partenariat entre le CIFOR et la VIFEDE dans le cadre de la mise en place du projet CoFCCA à Mambasa, 2010. 7 REVUE DE L’IRSA N° 20 Novembre 2014 Le contenu de ce rapport fait savoir que 80 femmes paysannes de l’association VIFEDE dont 40 pygmées ont effectivement entrepris des travaux de mise en œuvre du projet CoFFCA dans la localité de Nduyé. Ces travaux évoqués sont :11 - l’organisation des sessions de formations de 80 femmes de l’association paysanne la VIFEDE sur l’amélioration des activités apicoles a été effective ; la fabrication et la distribution des 80 ruches aux 80 femmes de l’association VIFEDE, bénéficiaires du projet CoFCCA a été assurée ; la commercialisation de 200 Litres du miel (première phase de la vente) a été effective. Au regard de l’organisation des sessions de formations de 80 femmes paysannes de la VIFEDE, tous nos 42 enquêtés (38 femmes et 4 hommes) confirment avoir suivi toutes ces formations. Cependant, sur 80 ruches, seules 12 (dont 7 ruches installées à Nduye) ont été fabriquées, affirment à l’unanimité nos 42 enquêtés. Concernant la distribution de ces ruches, nos enquêtés se sont exprimés de la manière suivante : Tableau 6 : Opinions des enquêtés sur la distribution des ruches N° Opinions des enquêtés 1. La non distribution des ruches 19 45,2 2. Distribution effective 8 19,0 3. Ignorance 15 35,7 42 100 Total - Fréquences % 19 enquêtés (dont 16 femmes et 3 hommes), soit 45,2% de notre échantillon ont affirmé que la distribution des ruches au profit des communautés de base, cibles du projet CoFCCA, n’a pas encore eu lieu. Sauf, confirment tous ces enquêtés, l’installation des 7 ruches écoles à Nduye ; 8 enquêtés (dont 7 femmes et 1 homme), soit 19% de notre population d’étude ont appris que les ruches ont été distribuées. Mais les bénéficiaires ne les ont pas encore reçues ; 15 enquêtées (toutes femmes) ou soit 35,7% de notre échantillon ignorent si la distribution des ruches a été effective. Néanmoins, l’installation des 7 ruches écoles à Nduye a été signalée à l’intention de tous, affirment ces dernières. La commercialisation du miel n’a pas été concrétisée, car les 12 ruches fabriquées dont 7 installées à Nduyé n’ont pas encore produit du miel, affirment tous nos 42 enquêtés. Comme nous le constatons, la stratégie d’adaptation mise en œuvre par la VIFEDE, dans le cadre du projet CoFCCA, semble avoir produit des résultats non escomptés suite à un bon nombre des facteurs qui ont été relevés par les responsables des structures d’accompagnement de la VIFEDE dans le cadre du projet CoFCCA. Il s’agit des structures suivantes : 11 - Le Wildlife Conservation Society (WCS en sigle, une ONG Internationale Américaine à caractère environnemental implantée à Mambasa) qui a accompagné la VIFEDE en lui dotant des moyens matériels et financiers ; - Le Pact Congo (ONG Nationale à caractère environnemental et communautaire implantée à Mambasa) qui a sensibilisé les membres de la VIFEDE par rapport à la portée de ce projet à Mambasa ; - La Plate Forme Réseau des Ressources Naturelles (ONG locale de Mambasa à caractère environnemental et communautaire) qui a aussi sensibilisé les membres de la VIFEDE par rapport à la portée du projet CoFCCA à Mambasa ; - La Radio Communautaire Amkeni Mambasa (RAM en sigle, Radio communautaire implantée à Mambasa) qui a diffusé toutes les activités du projet à l’intention de la population de Mambasa. Rapport d’activité de la VIFEDE sur le processus du projet des « Forêts du Bassin du Congo et adaptation aux Changement Climatiques en Afrique Centrale mis en œuvre à Mambasa/RDC de 2008 à 2011. 8 REVUE DE L’IRSA N° 20 Novembre 2014 Les facteurs évoqués par les responsables des structures susmentionnées, lors d’un entretien, sont les suivants : facteur « temps », facteur culturel et facteur « suivi et évaluation ». a. Facteur « Temps » En rapport avec le temps, le projet CoFCCA a été financé en retard à Mambasa. Au lieu de 2008, les activités de la VIFEDE ont été financées presqu’à la fin de l’année 2009. Comme conséquences, certaines ONG d’accompagnement communautaire, implantées à Mambasa (3 ONG) se sont désengagées suite à la léthargie observée par rapport à la continuité du projet et certains membres de l’association VIFEDE se sont découragés et ont jugé se soustraire des activités du projet.11 b. Facteur culturel Ce facteur s’explique par la mentalité des femmes paysannes bénéficiaires du projet CoFCCA. A cet effet, la mentalité attentiste a été aussi retenue parmi les faiblesses de la mise en œuvre du projet. Sans aucun effort, elles attendaient tout des ONG d’accompagnement. Aucune initiative n’a été prise par ces femmes pour apporter un plus au projet. Aucun savoir local n’a été exploité pour faire avancer le projet. 12 c. Facteur « Suivi et évaluation » La dernière étape du projet, c’est-à-dire le suivi et évaluation, n’a pas été effectuée par les parties prenantes. Les activités réalisées par la VIFEDE, dans le cadre du projet CoFCCA, c’est-à-dire la gestion des fonds (surtout les dépenses réalisées), les travaux de fabrication de ruches, la tenue des réunions au sein de la VIFEDE par rapport au projet, la sensibilisation des femmes, bénéficiaires du projet CoFCCA, n’ont pas été suivies et évaluées par les acteurs retenus pour mettre en œuvre ce projet expérimental.13 3. Discussion La participation des peuples autochtones et des communautés locales aux projets à caractère communautaire est presque remise en cause. Cette réalité s’observe plus dans certains pays d’Afrique Subsaharienne, en général et en République Démocratique du Congo, en particulier. Dans la plupart des cas, les populations locales ne sont pas associées à la conception des projets. Elles sont impliquées passivement dans la phase de la mise en exécution de ceux-ci. A cet effet, on ne leur confie pas des responsabilités importantes au cours de la phase d’exécution, mais plutôt on les utilise comme des journaliers, des saisonniers et sont écartées lors de la dernière étape qui consiste à suivre et évaluer les projets. Cette réalité traduit la mauvaise gouvernance environnementale par rapport aux principes de la participation. En effet, parmi les principes de la gouvernance environnementale, la participation occupe une place importante dans le contenu de ce concept. Elle fait allusion à l’implication des communautés locales, des peuples autochtones et d’autres catégories sociales, notamment les femmes et les jeunes. Cette participation induit de nouveaux types de rapports entre les principaux acteurs de développement qui sont les villageois et les techniciens (ONG, services publics…). Les communautés villageoises sont les seules à pouvoir dire ce dont elles ont besoin et ce que les agents techniques devraient faire. La démarche participative permet aux villageois d’identifier les problèmes, d’analyser leurs causes, de planifier et d’exécuter le plan d’action en fonction des ressources humaines et financières disponibles. Les plans d’action villageois permettent aux techniciens de déterminer les types d’appui à réserver aux villageois. Cette démarche renvoie à un diagnostic participatif qui utilise plusieurs outils d’identification, d’analyse et de la hiérarchisation des actions de développement à mettre en œuvre.14 11 Propos recueillis auprès des responsables des ONG PACT CONGO, Monsieur Kidima Laurent, de la PlateForme Réseau des Ressources Naturelles, Monsieur Leku Emmanuel et de la Radio Communautaire « Amkeni Mambasa », Madame Anoalite Juin 2011. 12 Propos de Kingambo Yves, représentant de l’ONG Internationale WCS implantée Mambasa en Juin 2011. 13 Réactions de tous les représentants des ONG d’accompagnement, notamment le WCS, le PACT CONGO, la Plate-Forme des Réseau des Ressources Naturelles Juin 2011. 14 Helvetas Benin, Mission d’assistance technique pour la mobilisation sociale des communautésbénéficiaires 2008, p. 10. 9 REVUE DE L’IRSA N° 20 Novembre 2014 Au regard de ce qui précède, l’approche participative reste loin d’être mise en pratique, car elle demeure encore sur « papier » en République Démocratique du Congo. Conclusion Nous retenons dans cette recherche que l’échec de la mise en œuvre du projet CoFCCA en République Démocratique du Congo, en général et à Mambasa, en particulier, provient globalement de la faible participation de toutes les parties prenantes, notamment l’Etat, les ONG et l’association VIFEDE. Comme conséquence, les activités du projet n’ont pas été suivies et évaluées par les acteurs repris ci-haut. A cet effet, il s’avère indispensable que le Gouvernement Congolais puisse songer à mettre en place une politique nationale d’adaptation aux changements climatiques, telle qu’instituée dans un bon nombre des pays de l’Afrique de l’Ouest en vue non seulement de lutter contre les effets de ce phénomène planétaire, mais aussi d’améliorer les activités socio-économiques des villageois (agriculture, pêche, chasse, ramassage,…) et d’assurer leur bien-être.