FRANCIS DOUGLAS APPIAH MAIN THESIS
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FRANCIS DOUGLAS APPIAH MAIN THESIS
KWAME NKRUMAH UNIVERSITY OF SCIENCE AND TECHNOLOGY, KUMASI COLLEGE OF ART AND SOCIAL SCIENCES FACULTY OF SOCIAL SCIENCES DEPARTMENT OF MODERN LANGUAGES Matriarcat, Patriarcat et féminisme: Etude Comparée de la Condition Féminine vue par Ama Ata Aidoo et Mariama Bâ A Thesis Submitted to the Department of Modern Languages in Partial Fulfillment of the Requirement for the Degree of Master of Philosophy (French). BY FRANCIS DOUGLAS APPIAH AUGUST, 2012 1 DECLARATION I declare that I have personally undertaken the study reported herein under supervision ………………………………… ….………………………………… DATE FRANCIS DOUGLAS APPIAH (STUDENT) I declare that I have supervised the student in undertaking the study reported herein and confirm that the student has my permission to present it for assessment. …………………………… …………………………………………… DATE PROFESSOR K.OPOKU- AGYEMAN (SUPERVISOR) 2 ………………………….. ………………………………………… DATE DR CHARLES MARFO (HEAD OF DEPARTMENT) 3 DEDICACE Ce travail est dédié à ma mère et à ma femme pour leur soutien et leur encouragement 4 REMERCIEMENTS Tout d‟abord, nos remerciements vont à Dieu, le Tout Puissant qui nous a donné la force et la certitude de travailler avec assiduité pour terminer ce travail. Nous serons ingrat si nous oublions le Professeur K. Opoku-Agyeman, notre directeur de thèse qui a su éveiller en nous l‟intérêt pour la littérature. Nous le remercions aussi pour sa patience incroyable, sa tolérance et ses suggestions très utiles. Nous sommes aussi reconnaissant à tous les professeurs du Département de Français de K.N.U.S.T pour leurs diverses contributions à notre quête d‟approfondir notre connaissance de la langue française. Nos respectueux remerciements à Monsieur Hypolite Naazig, Chef du département de français de Prempeh College pour ses encouragements réguliers. Enfin, à toutes celles et à tous ceux qui nous ont aidé à mener à bien et à terme ce travail. « Que l‟eternel vous bénisse tous ». INTRODUCTION Bien que la lutte pour l‟émancipation de la femme ait débuté même avant la naissance de Jésus Christ1, la femme partout dans le monde a tant souffert de discrimination due à son sexe. Dans les relations entre homme et femme, l‟homme est considéré comme le sexe fort ou l‟être supérieur et la femme est vue comme le sexe faible ou la subordonnée. La femme est perçue par certains comme un sous-être ayant une mission de porter une aide 1 Encyclopaedia Britannica,vol 19,15th Edition 5 à l‟homme, son maître. De nombreuses femmes ont accepté la notion selon laquelle l‟homme est placé au dessus de la femme, comme le disaient les vieilles femmes dans Voltaïque « C‟est notre lot de femmes ! …. Les hommes sont nos maîtres après Dieu » (Voltaïque : 141). En revanche, il y a des femmes telles que Ramatoulaye et Aïssatou dans Une si longue lettre de Mariama Bâ, Anna Maria dans Perpétue de Mongo Béti, parmi d‟autres, qui croient que la femme doit agir pour changer sa condition de subordination. Cette domination masculine ne s‟applique pas à une seule partie du monde, mais elle se voit presque partout. En fait, pendant une très longue période de l‟histoire occidentale par exemple, la femme était limitée à la sphère domestique de la vie. Pendant ce temps, la fonction publique et d‟autres travaux publics étaient réservés à l‟homme. En Europe médiévale, la femme était privée du droit d‟avoir une propriété. Elle n‟avait aucun droit à l‟éducation ni le droit de participation à la vie publique. Même aussi récemment que le vingtième siècle, les femmes aux Etats-Unis d‟Amérique ainsi que celles d‟Europe ne pouvaient ni voter ni poser leur candidature pour être élues aux positions électorales. La femme en ce temps-là ne pouvait pas faire de business sans avoir un représentant mâle qui pourrait être soit son père, son mari, son frère, son agent légal ou même son fils. En ce moment-là, les femmes ne pouvaient pas exercer de droits sur leurs enfants sans avoir obtenu la permission auprès de leurs époux. Elles étaient limitées au sujet des métiers qu‟elles pourraient choisir, comme beaucoup de professions étaient réservées uniquement aux hommes. C‟est ce qui a fait que jusqu'aujourd‟hui, certains métiers comme la médecine, la présidence d‟un pays, parmi d‟autres, n‟ont pas la forme féminine pour une femme professionnelle en ces métiers. 6 En Afrique, la condition féminine est encore pire. On a constaté de nombreux cas de violation des droits des femmes, notamment au Nigéria depuis 1999. Il y a eu des femmes condamnées à la lapidation pour cause d‟adultère, surtout dans les régions du nord de ce pays2. Ces femmes comprennent Safiya Husseini, Amina Lawal Kurami et d‟autres Nigérianes. C‟est grâce à une intervention à l‟échelle nationale et internationale des organisations de défense des droits de l‟homme que ces femmes ont échappé à la mort, bien que la Déclaration Universelle des Droits de l‟Homme de 1948 stipule, parmi d‟autres choses, que « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Il est injuste de laisser les hommes libres quand il y a un cas d‟adultère et de punir les femmes mais c‟est la condition féminine dans certains pays. Il y a des cas de violence à l‟égard des femmes, surtout dans le cadre familial. Dans pas mal de foyers, l‟homme se conduit comme le tout-puissant, le maître, le patron, l‟omniscient et il s‟impose. Il y a des hommes qui battent leurs femmes à la moindre provocation ou quand ils n‟ont plus besoin d‟elles : « Quant à sa troisième grossesse, …. ta sœur l‟a vécue dans des conditions atroces : elle était non seulement séquestrée mais battue par son mari, un monstre de jalousie …» (Perpétue : 81). Cela était l‟épreuve de Perpétue, la jeune mariée sous pression, dans les mains de son époux Edouard. Dans l‟histoire intitulée Souleymane en Voltaïque de Sembène Ousmane, nous voyons que le héros, Souleymane, battait souvent ses trois épouses : « Il les battait fréquemment» (Voltaïque : 141). Les gens ne condamnent pas le maltraitement de Souleymane envers ses épouses car aux yeux de ces gens, l‟homme a une autorité indiscutable sur ses femmes. 2 De la Domination Masculine » un discours prononcé par la Docteur Tanella Boni à K.N.U.S.T 7 C‟est cette inégalité existant entre homme et femme qui a été le sujet de discussion de plusieurs auteurs qui cherchent l‟émancipation de la femme y compris Mariama Bâ et Ama Ata Aidoo dont les ouvrages nous allons discuter. PROBLEMATIQUE Dans leurs ouvrages différents, Ama Ata Aidoo et Mariama Bâ décrivent la condition féminine. Elles nous montrent le féminisme africain vis-à-vis les normes et conventions socioculturelles, politiques et religieuses. En fait, nous trouvons intéressante l‟image de la femme traditionnelle africaine selon ces deux grandes féministes. En vue de relever la condition de la femme dans les systèmes matriarcal et patriarcal d‟après elles, nous voulons traiter les questions suivantes : 1. Quels défis militent contre la femme d‟après Anowa et Une si longue lettre ? 2. La condition de la femme est-ce la même dans les deux systèmes patriarcal et matriarcal ? 3. La femme peut-elle s‟émanciper complètement ? OBJECTIF DU TRAVAIL De nombreux féministes, et en particulier les féministes radicaux comme Catherine Mackinnon, Andrea Dworkin, parmi d‟autres, critiquent le système patriarcal et attribuent, entre autres, l‟oppression des femmes à ce système. D‟autres personnes aussi croient que partout dans le monde, que ce soit dans les sociétés matriarcale ou patriarcale, les conditions de la femme sont les mêmes. C‟est dans ce cadre que nous voulons interroger ces deux sociétés à travers les œuvres d‟Ama Ata Aidoo situées dans 8 une communauté matriarcale et celles de Mariama Bâ dont le contexte est la société patriarcale. Nous avons donc l‟objectif de comparer les deux sociétés afin de savoir si l‟accusation selon laquelle la femme est beaucoup plus opprimée dans la société patriarcale est bien fondée ou pas. C‟est ainsi que nous saurons la direction que doit prendre la lutte pour l‟émancipation de la femme. JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET Ama Ata Aidoo et Mariama Bâ sont des auteures bien connues en Afrique. La première est akan, une communauté matriarcale .Quant à Mariama Bâ, elle est d‟une communauté wolof qui pratique le patriarcat. Nous considérons très nécessaire d‟étudier les deux sociétés dans le but de comparer la condition féminine dans chacune d‟elles. Comme ces deux systèmes prédominent en Afrique, une étude comparée est susceptible de mettre en lumière les avantages aussi bien que les inconvénients au sujet des intérêts de la femme. DELIMITATION DU CHAMP DU TRAVAIL Le présent travail se limite au matriarcat, au patriarcat et au féminisme à travers un ouvrage du côté matriarcal : « Anowa » d‟Ama Ata Aidoo et un autre ouvrage aussi du côté patriarcal : « Une Si Longue Lettre » de Mariama Bâ. Il faudrait dire que d‟autres auteurs qui ont écrit sur notre sujet seront cités quand c‟est nécessaire. 9 HYPOTHESES DE DEPART Ce travail se base sur trois hypothèses de départ, à savoir : i. Les sociétés matriarcale et patriarcale privilégient l‟homme. ii. La société matriarcale favorise la femme plus que la société patriarcale. iii. Les systèmes patriarcal et matriarcal ont de bons côtés qui peuvent être renforcés pour aider la femme à s‟émanciper. Ce sont ces hypothèses que nous interrogerons au cours de cette entreprise, à travers les ouvrages choisis, afin de les valider ou les invalider. METHODOLOGIE DU TRAVAIL Dans ce travail, nous allons employer surtout la méthode qualitative. Les œuvres qui portent sur le sujet en question seront examinées. Au sein de cette méthode, nous allons utiliser surtout la méthode documentaire. Les observations faites concernant ce sujet seront aussi examinées PLAN DU TRAVAIL Dans notre travail, nous faisons une étude comparée de la condition féminine selon Ama Ata Aidoo et Mariama Bâ. Le travail est reparti en cinq chapitres. Le premier chapitre est consacré au cadre général, au cadre théorique et aux travaux antérieurs. Dans le deuxième chapitre, nous avons donné des informations de l‟arrière-plan socio-culturel du travail. Nous avons analysé le féminisme vu par Ama Ata Aidoo et Mariama Bâ dans le troisième et le quatrième chapitre respectivement. Dans le dernier chapitre, nous avons vu les convergences et divergences qu‟on trouve chez nos auteurs féministes d‟après leurs ouvrages que nous avons choisis. 10 CHAPITRE I CADRE GENERAL, CADRE THEORIQUE ET TRAVAUX ANTERIEURS 1.0. INTRODUCTION Ce chapitre est consacré à donner des informations générales sur notre sujet. Nous verrons également des théories proposées sur le féminisme ainsi que ceux qui ont travaillé sur le sujet d‟une manière ou d‟une autre. 1.1 CADRE GENERAL La marginalisation de la femme a été attribuée à certaines choses : les religions chrétienne et musulmane, la femme elle-même, certains facteurs biologiques, la société traditionnelle ainsi que d‟autres facteurs. Le christianisme et l‟islam acceptés par beaucoup de croyants ont été et continuent à être l‟instrument employé par beaucoup d‟hommes qui citent les versets nécessaires qui justifient leurs actions afin d‟exploiter la femme. 11 Tout d‟abord, la religion chrétienne basée sur l‟enseignement de la Bible est accusée par certains féministes d‟avoir infériorisé la femme. Par exemple, l‟histoire de la création de l‟humanité montre que la femme était créée à partir de la côte de l‟homme, « …Et le Seigneur créa la femme à partir de la côte de l‟homme et la donna à l‟homme. »(Genèse 2 : 22). Cette histoire dit implicitement que l‟homme (le mâle) était la préoccupation numéro un de Dieu, le créateur de l‟univers. La femme est aussi infériorisée par rapport à l‟homme lorsque la Bible lui demande une soumission totale à l‟homme alors que pour l‟homme on ne lui demande que de respecter son épouse …. « Soumettez-vous, femmes, à vos maris comme vous le feriez au Seigneur » (Ephésiens 5:22). A part ce que nous venons de dire, la Bible dit clairement que l‟homme est le chef de la famille, ce qui lui donne autorité sur la femme : « Car l‟homme est la tête de la femme comme le Christ est la tête de l‟église » (Ephésiens 5:23). Toujours dans la Bible, nous constatons que dans le livre de Genèse, aucune femme n‟est mentionnée dans la généalogie de Jésus Christ, sauf Marie, la mère de Jésus. Evidemment, il y avait des femmes mais il paraît que la femme n‟était pas vraiment reconnue dans la société juive. Il n‟est donc pas surprenant que certains féministes considèrent le christianisme comme étant responsable de cette situation dans une certaine mesure. L‟islam est aussi accusé d‟avoir accordé une certaine supériorité à l‟homme par rapport à la femme. L‟islam accepte la polygamie alors que la polyandrie n‟est pas acceptée. En plus de cela, le Coran aussi exige de la femme une soumission totale à son mari, « …. Les femmes vertueuses sont obéissantes (à leurs maris), et protègent ce qui doit être protégé, pendant l‟absence de leurs époux, avec la protection d‟Allah…» (Coran, S 24 V 32). Le Saint Coran dit également que l‟homme a une autorité sur sa femme, « Les 12 hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu‟Allah accorde à ceux-là sur celles-ci…..» (Coran 4 :34). La religion islamique, basée sur l‟enseignement du Coran, semble avoir donné l‟autorité indiscutable à l‟homme sur sa femme. En dehors de la religion, une autre accusation portée contre le créateur de l‟humanité, c‟est les différences biologiques existant entre homme et femme. Par exemple, c‟est la femme qui devient enceinte et accouche ; c‟est elle qui allaite le bébé et toutes ces choses la rendent faible. C‟est ce qui s‟est passé à Noumbé la première épouse de Moustaphe, « Elle n‟était pas âgée, mais les maternités très rapprochées …. l‟avaient prématurément vieillie». (Voltaïque: 44). Dans une certaine mesure, les règles mensuelles subies par la femme lui donnent tant d‟inconvénients. Pendant la ménopause aussi, il y a bon nombre de femmes qui tombent gravement malade et n‟arrivent plus à travailler pour gagner leur vie. La ménopause arrive vers l‟âge de cinquante ans3 et si une femme n‟arrive plus à travailler, comment peut-elle survivre ? Elle aura besoin de l‟homme et cette situation la subordonne à l‟homme. La femme elle-même est aussi accusée d‟avoir joué un rôle dans son exploitation par l‟homme. Il faut dire que la femme est, des fois, vue comme étant sa propre ennemi. Par exemple, dans les ouvrages comme Une si longue lettre de Mariama Bâ, Sous l‟orage de Seydou Badian, Perpétue de Mongo Béti, Voltaïque de Sembène Ousmane, parmi d‟autres, nous avons vu que les femmes ont joué un rôle capital dans les mariages précoces de leurs filles qui ont privé celles-ci de l‟éducation qui pourrait leur permettre de monter l‟échelle sociale. Par exemple, dans Perpétue de Mongo Béti, c‟est Maria, la mère de Perpétue qui est au centre du mariage entre sa fille et Edouard. Encore, dans 3. Sanders, Stephanie Ann. "Menopause." Microsoft® Student 2009 [DVD]. Redmond, WA: Microsoft Corporation, 2008. 13 Chaque Chose en son temps de Lynn Mbuko, l‟héroïne, Zénabou est poussée au mariage à l‟âge de douze ans au vieil El-hadj Oumar à cause du rôle majeur joué par sa mère, Fatou. Nous voyons que quelques femmes acceptent de se marier avec un homme déjà marié. Entre-temps, très peu d‟hommes accepteront la polyandrie. Ceci montre que c‟est la femme qui rend la vie dure pour sa voisine. La société dans laquelle nous sommes nés est également responsable de la situation de la femme. Elle est perçue d‟avoir été structurée en faveur de l‟homme. Il n‟est donc pas surprenant que Peter Sarpong et certains féministes croient que ce monde est celui de l‟homme (le mâle). La base de ces accusations est claire. D‟abord, la femme a obtenu le droit de vote très tard. Par exemple, en Grande Bretagne on lui a accordé ce droit en 1918 grâce aux efforts des féministes comme Emeline Pankhurst. Ce droit n‟était pas pour toute femme mais une certaine catégorie de femmes : les femmes propriétaires de maisons, les femmes des hommes propriétaires de maisons et les femmes licenciées âgées de plus de trente ans. Aux Etats-Unis d‟Amérique, ce droit a été donné à la femme en 19204. A part le droit de vote, la femme est privée de tant de choses. En Afrique, la situation de la femme est encore pire. Il y a des normes socioculturelles qui font que la femme, le plus souvent, joue un rôle secondaire par rapport à l‟homme. Par exemple, parmi les Akan (une communauté matrilinéaire) du Ghana, la place de la femme n‟est pas comparable à celle de l‟homme. Chez les Akan, si une femme accouche et l‟on veut savoir le sexe du bébé, voici la question que beaucoup de gens posent «כwoo nnipa anaa 4 Encyclopaedia Britannica,Vol 19,15th edition 14 כbaa ? » qui se traduit ainsi « A-t-elle accouché un être-humain ou une femme ? Ici, un être humain se réfère à l‟homme. Cela implique que la femme « n‟est pas un être humain ». La femme est considérée comme faible. Il est donc compréhensible qu‟autrefois, les femmes n‟allaient pas à la guerre. Les proverbes akan, « sε כbaa t כtuo a, εtwene barima dan mu », qui se traduit comme suit : « si la femme achète un fusil, elle le garde chez l‟homme » (notre traduction) et כbaa tכn nyaadowa, כntכn aturo » (la femme vend de l‟aubergine, elle ne vend pas la poudre à canon) expliquent la pensée akan à l‟égard de la femme. Quelques hommes mariés, comme Modou Fall dans Une si longue lettre, flirtent et cela n‟est pas considéré comme anormal par certains gens. En revanche, il est fort étrange de voir une femme mariée qui flirte. Dans cette situation, la famille de l‟homme assurera que la femme soit divorcée. Pour cette cause d‟infidélité, personne n‟y peut intervenir. Un homme qui acceptera de continuer à vivre avec une telle femme est considéré comme étant « imbécile ». Un homme pareil est souvent rejeté par sa famille et ses proches. Cette conduite est discriminatoire à l‟égard de la femme. Un autre constat que l‟on fait dans la société traditionnelle africaine, c‟est qu‟il n‟est pas conventionnel pour la femme de proposer l‟amour à un homme. Dans ce cas, elle aurait besoin de cacher ses sentiments en attendant que l‟homme vienne demander sa main. Une femme qui propose l‟amour à un homme ou accepte facilement la proposition d‟un homme est considérée comme gâtée et la société la méprise. Au niveau des rapports sexuels chez même les couples, c‟est l‟homme qui normalement prend l‟initiative. La femme qui l‟initie est censée être gâtée et même si elle a envie d‟aller « au paradis » comme on le dit, elle doit maîtriser ses sentiments. Au fait, la société en général, surtout la société africaine, a trop discriminé contre la femme. En ce 15 qui concerne la dot aussi, c‟est l‟homme qui doit la payer et cela lui donne autorité sur son épouse et quelques hommes en profitent pour tyranniser leurs femmes comme nous le voyons dans Perpétue ou l‟habitude de malheur de Mongo Béti. Il faut dire qu‟il y a eu du progrès dans la lutte pour l‟émancipation de la femme. Par exemple, il y a des femmes présidents dans des pays, comme l‟Argentine (Cristina E. Hernandez de Kirchner, 2007), l‟Inde (Pratibha Patil, 2007), l‟Allemagne (Angela Merkel 2005), la Finlande (Tarja Halonen, 2000), l‟Irelande (Mary McAleese, 1997), les Philippines (Gloria Macapagal-Arroyo, 2001), parmi d‟autres. Même en Afrique, il y a une femme chef d‟Etat, Ellen Johnson-Sirleaf du Libéria et il y a des femmes qui détiennent de bons postes au sein du gouvernement ghanéen. Il faudrait néanmoins dire que ce progrès est pour très peu de femmes. Au Ghana, parmi les deux-cent-trente députés, il y a juste dix-neuf femmes dans le quatrième parlement de la quatrième république. Il y a des lieux électoraux, surtout musulmans, qui ne veulent pas voter pour une femme, car les gens croient que la femme n‟est pas digne de les diriger. Ceci constitue une marginalisation de la femme. La société Africaine, généralement, se divise en deux : la société matriarcale et la société patriarcale. Dans la société matriarcale, la femme semble être un peu plus reconnue que dans la société patriarcale où la femme est considérée comme une propriété de l‟homme (et sa famille) qui l‟épouse. Dans le présent travail, nous relèverons le défi féminin aux yeux d‟Ama Ata Aidoo (vivant dans un milieu matriarcal) et Mariama Bâ qui est d‟une communauté patriarcale. Nous interrogerons la condition féminine dans leurs œuvres afin de voir si la condition de la femme diffère selon la société dans laquelle elle vit. 16 1.2 CADRE THEORIQUE Il y a bon nombre de théories proposées sur le féminisme. Ces théories comprennent la théorie existentialiste de Simone de Beauvoir, l‟approche féministe, les théories biblique et coranique, la théorie féministe marxiste, la théorie lesbienne, la théorie biologique, la théorie libérale, la théorie psychanalytique basée sur Freud, parmi d‟autres. D‟après Simone de Beauvoir, dans son ouvrage intitulé Le Deuxième Sexe, «On ne naît pas femme, on le devient.5» Ici, le mot « femme » implique la soumission, la dépendance, la docilité et d‟autres qualités qui sont associées souvent avec la faiblesse. Cette citation de de Beauvoir montre que c‟est la société qui impose un statut inférieur à la femme. Cela veut dire qu‟être née femelle ne rend pas quelqu‟un femme, mais il y a une combinaison de facteurs qui rendent la femelle « femme ». Cette théorie laisse entendre que la marginalisation de la femme n‟est pas une chose naturelle et elle peut être évitée s‟il était possible de restructurer et de réorienter la société dans laquelle la femme vit. L‟on peut donc dire que de Beauvoir est l‟une des féministes qui croient que la femme, dans une large mesure, peut se libérer si elle le veut et si certaines structures sociales et économiques changent. D‟après la théorie biblique, Dieu a créé l‟homme (le mâle) et celui-ci s‟est senti incomplet. Dieu a donc éprouvé le besoin de créer quelqu‟un pour l‟aider et c‟est pour cette raison que Dieu a créé la femme à partir de la côte de l‟homme. Cette théorie veut dire implicitement que l‟homme (le mâle) était la première préoccupation du créateur de l‟univers et que la mission de la femme dans ce monde, 5 http://fr.wikipedia.org/wiki/Simone_de_Beauvoir 17 c‟est d‟aider l‟homme. On peut inférer donc que la femme est l‟adjointe de l‟homme. Aux yeux de ceux qui accusent la Bible d‟avoir infériorisé la femme, le destin féminin selon la Bible, est de jouer un rôle secondaire par rapport à l‟homme. Comme nous l‟avons déjà dit, la Bible parle aussi de la soumission exigée de la femme envers son mari, alors que quant à l‟homme, on ne lui dit que d‟aimer sa femme, car l‟homme est le chef de la famille (Ephésiens5 :25, 28,33). Le Coran aussi reconnaît que l‟homme règne sur sa femme. «……Mais les hommes ont cependant une prédominance sur elles ….. (Coran 2 :228). Le saint coran ajoute que « les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des dépenses qu‟ils font de leurs biens …. » (Coran 4 :34). Les théories chrétienne et musulmane, toutes les deux, placent l‟homme au dessus de la femme. La théorie féministe marxiste aussi mérite d‟être mentionnée. Cette théorie prônée par Karl Marx et Friedrich Engels6, des théoriciens sociaux allemands, examine l‟exploitation matérielle et économique des femmes. Elle examine également la division du travail selon le sexe, surtout les travaux domestiques et les soins des enfants, l‟inégalité entre homme et femme dans les lieux de travail. Selon ces théoriciens, il y a des structures sociales et économiques en place qui ne favorisent pas la femme et ces structures doivent être revues si vraiment la société veut aider la femme à s‟émanciper. Il faudrait ajouter qu‟il y a des féministes matérialistes aux Etats Unis d‟Amérique qui partagent le point de vue de Karl Marx et Friedrich Engels. Ces matérialistes argumentent que les femmes, en tant que classe, sont opprimées par des conditions matérielles et des relations sociales. 6 http://translate.google.fr/translate?hl=fr&langpair=en|fr&u=http://en.wikipedia.org/wiki/Feminist_theory 18 Une autre théorie dont nous voulons parler, c‟est la théorie lesbienne prônée par la poétesse américaine Adrienne Riche et d‟autres collègues7. Selon ces théoriciens, l‟hétérosexualité est un phénomène imposé sur la femme au moyen de laquelle les hommes contrôlent les femmes dans la reproduction. Cette théorie s‟inscrit dans le cadre de la théorie biologique selon laquelle l‟homme, par la nature, a certains avantages biologiques sur la femme, ce qui renforce la domination masculine. Les prôneurs de cette théorie croient, par exemple, que la ménopause, les règles mensuelles, les accouchements, parmi d‟autres, subis par la femme, la rendent faible. La dernière théorie dont nous voulons parler est la théorie libérale prônée au dix-septième siècle par des théoriciens comme John Locke8. Ici, une distinction nette est faite entre le droit divin d‟un roi qui paraît être un modèle pour d‟autres relations hiérarchiques entre serviteur et patron, mari et épouse. Cette théorie était aussi dans les œuvres des écrivains et philosophes pendant la seconde moitié du dix-huitième et du dix-neuvième siècles, comme Mary Wollstonecraft, John Stuart Mill et Harriet Taylor. Cette théorie opère sur les principes de la liberté individuelle, de la valeur de rationalité et de la reforme. L‟approche féministe aussi figure bien dans notre travail. Cette approche perçoit le phénomène de la marginalisation et de l‟oppression de la femme comme un problème social et non pas comme un problème individuel. Cette approche vise à transformer la personne et la société qui jouent un rôle important au sujet de l‟infériorisation de la femme. La transformation dont on parle dans ce contexte implique une réorientation de la société en général pour montrer aux gens que ce sont la société et certaines institutions établies qui imposent un statut inférieur sur la femme. 7 http://www.tetu.com.actualites/France/theories-ou-sont-les-lesbienes-radicales-daujourd‟hui 8 http://archivesfemmes.cdeacf.ca/documents/courants0.html 19 1.3 TRAVAUX ANTERIEURS De nombreux écrivains ont travaillé sur le féminisme sous diverses formes. Chacun de ces écrivains parle du féminisme selon l‟expérience vécue dans la société où il/elle était né(e) ou selon l‟expérience faite ailleurs. Il est important de dire ici que les écrivains féministes vivant dans une société matriarcale ou patriarcale sont largement influencés par le milieu où ils/elles vivent. Dans son travail intitulé, Féminisme dans Une si longue lettre de Mariama Bâ et dans Anowa d‟Ama Ata Aidoo (thèse inédite soumise au département de français de KNUST en 2010), Millicent Yengkangyi a étudié les aspects féministes dans les deux ouvrages. Le message clef de son travail est que la femme n‟est pas comparable à l‟homme et que celle-là est comparable à un enfant ou un esclave. Elle discute les causes de la marginalisation de la femme, mais elle ne touche pas au rôle que jouent le matriarcat et le patriarcat dans la marginalisation de la femme. Dans Les ennemis de la femme dans Faceless et Beyond the Horizon d‟Ama Darko (thèse inédite soumise au département de français de KNUST), Daniel Annan-Edufful discute les facteurs qui, selon lui, se coalisent contre la femme dans les ouvrages choisis. Ces facteurs, d‟après son travail, comprennent la tradition, la religion, la femme ellemême, parmi d‟autres. Esi Oduro-Asante, dans son travail intitulé Le mariage traditionnel asante d‟après des Proverbes et des Contes Akan (thèse inédite soumise au département de français de 20 KNUST), parle des chants et des proverbes akan qui présentent le mariage comme une valeur sociale importante, ce qui pousse beaucoup de femmes à vouloir désespérément se marier. Elle croît que la société traditionnelle joue un rôle la subordination de la femme. Nous avons aussi écouté un discours prononcé à Kwame Nkrumah University of Science and Technology (KNUST) par Tanella Boni, poétesse, essayiste et romancière ivoirienne intitulée « De la domination masculine en Afrique ». Dans ce discours, elle parle de la différence entre l‟homme (vu comme le sexe fort) et la femme (vue comme le sexe faible). Les interventions faites au fil des années pour assurer l‟égalité entre les deux sexes, les défis auxquels la femme doit faire face et les traitements inhumains subis par certaines femmes sont aussi discutés dans son discours. Elle remarque qu‟il y a trop d‟inégalités entre l‟homme et la femme et il doit y avoir un effort collectif pour résoudre ce problème. Nous avons lu la thèse doctorale de Cecil Formaglio intitulée Le féminisme de Cecil Brunschvicg9. Dans ce travail, Formaglio, dont le travail avait pour but de donner une vision transversale et thématique des engagements de Cecil Brunschvicg, décrit les rôles divers joués par celle-ci pour lutter en faveur des idées féministes. Au dire de Formaglio, Cecil Brunschvicg, Secrétaire Générale (1909-1924) et Présidente (à partir de 1924) de l‟Union Française pour le Suffrage des Femmes, cherchait sérieusement la participation des femmes dans tous les secteurs de la vie .Autrement dit, elle prônait la doctrine de l‟égalité des sexes. 9 http://thèses.enc.sorbonne.fr/2006/formaglio 21 Dans leur ouvrage intitulé Social Problems : A critical Approach , Kenneth J. Newbeck et Mary Alice Newbeck parlent du fait que les femmes constituent plus de cinquante pour cent de la population américaine et que malgré leur nombre, elles sont dans la minorité au niveau de l‟influence sociale, économique et politique. Ils jettent aussi de la lumière sur la condition de la femme américaine même au vingtième siècle et les lois discriminatoires qui existent aux Etats-Unis d‟Amérique ; « …quand les femmes sont arrêtées pour cause de prostitution leurs clients mâles sont laissés libres » (Notre traduction) (Newbeck, 1997,326). Ceci montre que la condition de la femme ne se limite pas à l‟Afrique. Aili Mari Tripp dans son œuvre intitulée, Women and Politics in Uganda nous parle de la condition féminine ougandaise et le fait que l‟entrée visible de la femme sur la scène politique ougandaise a débuté après le régime du Président Yoweri Museveni et beaucoup de choses ont été faites pour améliorer la condition de la femme en Ouganda. Il admet que malgré cette intervention, la femme ne peut pas se comparer à l‟homme sur l‟échelle socioculturelle, politique et économique. Dans, « Le féminisme dans Une si longue lettre de Mariama Bâ »,10 Amy Strunk analyse les effets de la polygamie (qui selon lui est une pratique de la société patriarcale) sur la vie de deux personnages sénégalaises, Ramatoulaye et Aïssatou. Il montre au lecteur comment Bâ met l‟accent sur l‟importance de l‟indépendance des femmes africaines, surtout celles qui vivent dans la société patriarcale. Il décrit aussi l‟agonie, la jalousie et l‟espoir subtil qui caractérisaient la vie de Ramatoulaye. Il nous montre la domination de la femme par l‟homme dans tous les aspects de la vie. 10 Fu.vt.edu.feuilles05/strunk 22 Dans son travail intitulé, « L‟image de la femme », Ndioum11 nous renseigne sur le statut de la femme dans la société sénégalaise. Analysant l‟image de la femme vue par Mariama Bâ dans « Une si longue lettre », il est de l‟avis que la société africaine, en général, est structurée en faveur de l‟homme(le mâle). Il croit que ce sont la tradition africaine et la religion musulmane qui ont fait que la femme est vouée au silence malgré la gravité de ses peines. Mosé Chimoun, dans son article intitulé, « L‟amour et l‟amitié dans Une si longue lettre de Mariama Ba »12, nous parle du concept africain du féminisme. D‟après lui, le féminisme a été interprété partout en Afrique comme une pensée venue des pays occidentaux afin d‟aliéner les femmes africaines ou détruire les bonnes relations qui existent entre les hommes et les femmes. Il ajoute qu‟il y a des gens en Afrique qui croient que le féminisme est un combat contre l‟autorité patriarcale. Dans « Mariama Bâ, un féminisme né à l‟intersection de deux cultures »13 Arnaud Perret fait une analyse du féminisme sénégalais dans Une si longue lettre et Un chant écarlate de Mariama Bâ. Il montre l‟aspect féministe dans ces ouvrages et en quoi une analyse critique de ces œuvres caractérise Mariama Bâ comme une écrivaine féministe. D‟après lui, Mariama Bâ traditionnelles montre, à travers ses œuvres, que les lois et les coutumes privilégient et protègent le système patriarcal et par conséquent le pouvoir de l‟homme. Perret ajoute que l‟islam qui prédomine dans la société sénégalaise pose un défi à l‟émancipation de la femme sénégalaise, tout en accordant à l‟homme une liberté et une domination certaine. . 11 www.dissertationsgratuites.com/dissertations 12 http:/www.critaaoi.org 13 http://digital.library.unit.edu 23 Jade Maia Lambert dans son travail intitulé « Ama Ata Aidoo‟s Anowa : Performative Practice and the Postcolonial Subject »14 parle de la tragédie de l‟héroïne qui se marie avec Kofi Ako. Lambert décrit la vie tragique vécue par Anowa qui est décrite comme stérile alors que le problème est chez Kofi Ako, son mari impuissant. L‟auteur se demande pourquoi les gens de Yebi accusent Anowa seule et laissent son mari. Il analyse le rôle joué par Anowa, une femme traditionnelle révolutionnaire, qui défie le statu quo établi par la tradition pour faire ce que les femmes ordinaires ne font pas. En fait, tous les ouvrages dont nous avons parlé ne traitent pas de notre sujet en tant que tel. Ce sujet est soit traité à travers des lunettes patriarcales ou matriarcales. CHAPITRE II ARRIERE-PLAN SOCIO-CULTUREL : BIOGRAPHIES, MATRIARCAT, PATRIARCAT ET FEMINISME 2.0. INTRODUCTION Dans ce chapitre, nous allons donner de brèves biographies de nos auteurs choisies. Nous définirons les termes clés du sujet ainsi que l‟historique du matriarcat, du patriarcat et du féminisme. Nous verrons aussi les caractéristiques du matriarcat et du patriarcat et les courants de la pensée féministe. 2.1 BREVE BIOGRAPHIE D’AMA ATA AIDOO Ama Ata Aidoo peut être décrite comme une écrivaine, enseignante, dramaturge, politicienne ghanéenne qui lutte pour l‟émancipation de la femme. Née Christina Ama 14 http//etd.ohiolink.edu 24 Ata Aidoo le 23 mars 194015 à Abeadzi Kyiakor dans la région centrale du Ghana, elle a grandi dans une maison royale traditionnelle et matriarcale fanti. Publié en 1970, Anowa est sa deuxième pièce de théâtre qui a été beaucoup acceptée dans le monde littéraire. Au centre de cette pièce est l‟héroïne, Anowa, qui choisit son propre mari, Kofi Ako, rejetant la tradition ainsi que les conseils de ses parents, Badua et Osam, de ne pas l‟épouser. Anowa est présentée comme quelqu‟un qui veut rester fidèle à ses principes et convictions. Cette conduite est considérée comme inacceptable non seulement par son mari et ses parents, mais aussi par la société en général. Par conséquent, elle ne trouve pas de bonheur dans son mariage et elle trouve la mort plus tard. 2.2 BREVE BIOGRAPHIE DE MARIAMA BÂ Mariama Bâ est romancière, institutrice et militante féministe. Elle est l‟un des grands noms de la littérature africaine et de la lutte pour l‟émancipation de la femme, particulièrement la femme africaine. Née en 1929 et décédée en 1981 à Dakar au Sénégal, Mariama Bâ était la première romancière africaine à décrire la place faite aux femmes africaines dans la société africaine16. Orpheline de mère, elle était élevée dans un milieu musulman traditionnel. Mère de neuf enfants, elle a été divorcée par son mari, le député Obèye Diop. Suite à son expérience dans ses trois mariages différents, Mariama Bâ s‟engage dans beaucoup d‟associations qui prônent l‟éducation et les droits des femmes. Ses œuvres reflètent les 15 Dans beaucoup de biographie de Ama Ata Aidoo, 1942 est donnée comme son année de naissance mais ceci a été corrigé par elle-même durant un programme télévisé appelé PM EXPRESS sur Joy TV 16 http://www.africansuccess.org/visifiche 25 conditions sociales de son milieu immédiat, le Sénégal, et l‟Afrique en général. Une si longue lettre paru en 1979 est la première œuvre de l‟écrivain et l‟un des romans les plus connus dans la littérature africaine du vingtième siècle. Dans ce roman, Mariama Bâ écrit la lettre que Ramatoulaye, qui vient de perdre son mari, Modou Fall, envoie à son amie d‟enfance intime Aïssatou. Au cours de notre lecture de ce roman épistolaire, la narratrice nous plonge dans un monde de joie et de la tristesse. Au fait, les difficultés du couple, Ramatoulaye et Modou Fall, commencent après trente ans de mariage lorsque Binetou, sa coépouse arrive. La jeune fille était la camarade de classe de Daba la fille du couple. Les sentiments qu‟éprouve Ramatoulaye envers son mari défunt sont ambigus : ils sont empreints de tendresse, et à la fois de colère ou de dépit et de nostalgie. Mariama Bâ, à travers son porte-parole Ramatoulaye, finit l‟histoire dans laquelle l‟homme et la femme doivent jouer des rôles complémentaires : « Je reste persuadée de l‟inévitable et nécessaire complémentarité de l‟homme et de la femme » (Une si longue lettre : 129). 2.3. QU’EST-CE QUE LE MATRIARCAT ? Le terme „matriarcat‟ est dérivé du mot latin : « mater » qui veut dire „mère‟ et „arcat‟ qui veut dire „commander17‟. Se basant sur ces mots, le matriarcat est donc un système social où les femmes détiennent les pouvoirs institutionnels, politiques, socioéconomiques, parmi d‟autres. Cette définition est au sens extrême du terme puisqu‟il n‟a jamais existé, et il n‟existe jamais une société ou communauté humaine connue où le 17 http://fr.wikipedia.org/wiki/Matriarcat 26 matriarcat, entendu dans ce sens, ait existé18. Cela serait une gynocratie ou gynécocratie qui est un système social où le pouvoir est détenu par les femmes. Ce sens du mot „matriarcat‟ est aussi employé par Johann Jakob Bachofen 19 pour décrire une société humaine où la domination pourrait être exercée par les femmes et fondée sur le concept du « droit maternel », c‟est-à-dire sur un statut issu de la maternité. D‟après la philosophe allemande, Heide Göettner Abendroth20, le matriarcat est une structure ancienne d‟organisation d‟une société basée sur la non-violence, la prise de décision basée sur le consensus et le respect de la nature. Cette définition n‟est pas trop radicale au sens strict du mot. En terme général, le matriarcat peut être défini comme un système où les femmes ont les mêmes droits économiques, politiques, sociaux, religieux et éducatifs que les hommes. Il est important de dire qu‟une société matriarcale peut être à la fois matrilocale (où l‟époux va habiter dans le village de l‟épouse) et matrilinéaire (où la transmission du statut social avec nom et fortune passe par la lignée maternelle). On doit, en revanche, noter que ce n‟est pas toute société matriarcale qui est matrilocale, car actuellement beaucoup d‟époux vivant dans un milieu matriarcal préfèrent trouver leur propre domicile comme cela est un signe de succès, d‟indépendance et de responsabilité. 18 Ibid 19 Bachofen est un juriste suisse du xIxè siècle qui a dit que le matriarcat a précédé le patriarcat(Microsoft®student 2009{DVD} Redmond.W.A :Microsoft Corporation,2008) 20 http://en.wikipedia.org/wiki/Heide_G%C3%B6ttner-Abendroth 27 2.3.1 BREF HISTORIQUE DU SYSTEME MATRIARCAL D‟après certains anthropologues, le terme „matriarcat‟ a été construit, à la fin du dixneuvième siècle sur le modèle du patriarcat21. Pour eux, le patriarcat a précédé le matriarcat qui initialement était employé dans le sens de « système de parenté matrilinéaire »22 Sur ce point, on doit dire qu‟il y a un autre groupe de scientifiques qui croient que le matriarcat a précédé le patriarcat dans les sociétés de cueillette et de chasse, puis dans celles d‟élevage avec la „Déesse Mère‟.23 Les études matriarcales étaient premièrement faites par Heide Göettner Abendroth, une philosophe et scientifique sociale allemande. Elle s‟est chargée de développer le champ, de le nommer, de formuler une théorie matriarcale et de regrouper des penseurs et activistes mondiaux qui ont travaillé sur le matriarcat, soit individuellement ou en groupe. Deux grandes conférences mondiales ont eu lieu avec le but d‟accorder au terme matriarcat, une identité, une cohérence et un certain niveau de vigueur. La première de ces conférences ou congrès a eu lieu en 2003 à Luxembourg. Suite à ce congrès, le deuxième était tenu deux ans plus tard, en 2005, à San Marcos, Texas, aux Etats-Unis d‟Amérique en septembre. De nombreux délégués (surtout femmes) venant de différentes parties du monde où il existe le système matriarcal ont participé à ce congrès. Il y avait également au congrès (le deuxième) des chercheurs/chercheuses venant des pays occidentaux. Ce congrès a compté environs trois cent cinquante participants venant des Etats-Unis d‟Amérique, du Canada, du Mexique, de l‟Haïti, du Costa Rica, du Brésil, de la Bolivie, du Népal, des Indes, du Pakistan, des Philippines, de l‟Israël, de la 21 http://www.universalis.fr.encyclopedie 22 Ibid 23 http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9minisme#Historique 28 Turkie, de l‟Ouzbékistan, de l‟Allemagne, de la Suisse, de l‟Italie, parmi d‟autres pays. L‟objectif primordial de cette deuxième grande conférence ou congrès était de renforcer et de fortifier les décisions prises au cours du premier congrès et de définir le matriarcat dans le contexte de la société. Selon Heide Göettner-Abendroth, fondatrice de l‟Académie Internationale pour les Etudes des Sociétés Matriarcales Modernes, le matriarcat n‟est pas le contraire exact du patriarcat où les femmes règnent sur les hommes mais c‟est plutôt une société où il y a une sorte d‟égalité, non pas de domination d‟un sexe quelconque sur l‟autre. Il y a certains anthropologues qui croient qu‟il ne peut pas y avoir une société, purement matriarcale24. Dans, „L‟homme‟, une revue française d‟anthropologie, on trouve cette définition: « Matriarcat-Gynécocratie : situation, dont il n‟existe pas d‟exemples attestés, où l‟autorité est exercée exclusivement ou principalement, par les femmes ». Dans une autre revue appelée Histoire (numéro 160, novembre, 1992), une conférencière Stella Georgoudi, a publié un article titré « Le matriarcat n‟a jamais existé.25 » Ces affirmations ne peuvent pas être acceptées comme des vérités générales, comme il y a une preuve que les sociétés matriarcales ont existé et continuent à exister. En fait, il y a un exemple d‟une véritable société matriarcale qui a subsisté dans les vallées reculées de Yunnan, en Chine, chez les Na. Cette communauté ignorait l‟institution du mariage et la notion même de paternité. Les habitants pratiquaient une sexualité plus libre que celle de toutes les sociétés patriarcales. Mais les choses ont commencé à changer dans cette société lorsqu‟à partir des années 1990 des Na ont eu 24 http://www.universalis.fr.encyclopedie 25 fr.wikipedia/wiki/matriarcal 29 contact avec la marchandise moderne et le tourisme de masse. Ceci est parvenu, dans une certaine mesure à ruiner, en quelques années, les fondements de leur société et à généraliser dans les jeunes générations la famille nucléaire et le couple monogamique comme le modèle. Malgré cette intervention, une étude menée par le docteur Cai Hua, chargé de recherche à l‟Académie des Sciences Sociales de Yunnan et chercheur associé au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) à Paris a montré que les Na vivent toujours dans une société matriarcale. Selon les résultats de sa recherche publiés en 1997 aux Presses Universitaires de France, les Na vivent dans une société sans père ni mère. A part les Na, il y a des sociétés qui conservent toujours des caractéristiques matriarcales comme celle des Touareg, des Troquais, des Minangkabau en Indonésie et chez certaines populations comme les îles Comores, les indiennes de Kerala, parmi d‟autres. Le système matriarcal est aussi bien enraciné dans bien des sociétés africaines et ceci remonte à très loin dans le temps. Le matriarcat est à la base de l‟organisation sociale en Afrique noire. L‟historien Bachofen était le premier à étudier le matriarcat en Afrique. Il a constaté que dans l‟organisation de la famille africaine, la femme était l‟élément central de la société ou du foyer familial. C‟est elle aussi qui reçoit la dot lors du mariage, et qui gère les biens familiaux. Ceci explique le choix du matriarcat dans beaucoup de pays Africains26. Par exemple, l‟Ethiopie est le premier pays au monde gouverné par une reine, la reine de Sabah. Après elle était venue la reine Candace reconnue pour sa bravoure et le courage démontré face aux armées de César Auguste quand l‟Ethiopie était en guerre contre Rome. Majaji aussi dirigeait le groupe ethnique 26 netlog.com/diamenteck_platine 30 Lovedu qui faisait partie de l‟Empire Kushite pendant les longs siècles où les Kushites étaient en guerre. L‟Egypte avait aussi des reines guerrières appelées Ahotep, Arsinoe II et Arsinoe III qui étaient des descendantes de la Maison Royale de Kush. Elles régnaient sur l‟Egypte et commandaient l‟armée égyptienne ainsi que leurs flottes navales au cours de l‟ère de la civilisation Romaine. Pendant le dixième et le onzième siècles, les Etats Haoussa (actuellement du Nigeria) étaient gouvernés par les Habe, des reines guerrières. Une autre reine guerrière parmi les Asante du Ghana était la Reine Yaa Asantewaa qui a régné entre 1850 et 1921. Elle était la Reine Mère d‟Ejisu qui faisait partie du Royaume Asante. C‟est elle qui a dirigé l‟armée asante dans des batailles continuelles contre les Britanniques jusqu‟au moment où elle était capturée. En fait, il y a de nombreux cas des femmes qui étaient des reines dans leurs communautés respectives et qui ont joué des rôles significatifs. On ne pourrait pas donner une liste de toutes ces reines et les rôles qu‟elles ont joués faute de temps et d‟espace. Ceci signifie que le sol africain autrefois impliquait la femme dans la gouvernance et que le matriarcat était bien pratiqué en Afrique. 2.3.2 LA SITUATION DE LA FEMME DANS UNE SOCIETE MATRIARCALE Comme on l‟a déjà dit, le matriarcat, au sens moderne, est un système social où il y a les mêmes opportunités pour les hommes que pour les femmes. C‟est un type de société non sexiste comme elle n‟entraîne pas de rapports de domination d‟un sexe sur l‟autre. Ce monde accorde la priorité à l‟homme partout où il vit. La société matriarcale cherche 31 donc à reconnaître la femme non par son sexe, mais plutôt par ce qu‟elle est capable de faire comme le remarque Daouda Dieng dans Une si longue lettre de Mariama Bâ: « Quand la société éduquée arrivera-t-elle à se déterminer non en fonction du sexe, mais des critères de valeur ? » (Une si longue lettre : 90). On devrait néanmoins ajouter que le système matriarcal n‟est pas entièrement une solution au problème de l‟oppression ou la marginalisation de la femme. On constate que même dans les sociétés matriarcales, l‟homme est dominant. Prenons le cas du système asante qui est matrilinéaire. La femme, dans ce système, n‟est pas tellement différente de celle vivant dans le système patriarcal. Il y a des gens qui argumentent que la femme dans cette société joue un rôle capital au niveau de la sélection d‟un nouveau roi ou chef et après elle devient une grande conseillère au roi. Mais de toute façon, c‟est le roi ou chef qui commande et ceci confirme la domination masculine même dans la société matrilinéaire. 2.3.3 LES CARACTERISTIQUES GENERALES D’UNE SOCIETE MATRIARCALE Selon Heide Göettner-Abendroth, la forme matriarcale était la structure originale sociale de l‟humanité27. Elle continue en disant que la société matriarcale est caractérisée par des traits spécifiques à quatre différents niveaux et ces niveaux sont économiques, sociaux, politiques et culturels. D‟ la distribution après elle, sur le plan économique, il y a une sorte de réciprocité ou égalité concernant la distribution des biens et ce sont aux 27 http://en.wikipedia.org/wiki/Heide_G%C3%B6ttner-Abendroth 32 femmes qu‟on accorde le pouvoir de distribution. Au sujet de l‟héritage, cela passe par la lignée matrilinéaire. Au niveau social, le système matriarcal est essentiellement matrilocal et l‟héritage passe par la lignée matrilinéaire. Sur le point culturel, Abendroth postule que les sociétés matriarcales sont caractérisées par des religions dans lesquelles la divinité est perçue comme imminente dans la terre, la nature et l‟univers. A part ces choses, il n‟y a pas de séparation entre ce qui est sacré et ce qui est séculaire et en plus, l‟univers est souvent conçu comme femelle ou une mère divine. Parmi les Akan du Ghana, la terre est femelle. C‟est pourquoi on l‟appelle „Asaase Yaa‟ –La Terre Mère. C‟est la terre qui nourrit tout le monde comme une mère nourrit ses enfants. Si la femme est perçue comme étant femelle, cela nous montre la reconnaissance de la femme dans la société Akan. Au niveau politique, il y a un consensus au cours de la prise de décision. Par exemple, dans le système matriarcal, si un trône devient vacant, la reine Mère joue un rôle très significatif dans la sélection d‟un nouveau roi. Cela ne peut pas se faire sans elle. L‟homme ne s‟impose pas et la femme aussi a la chance de montrer ce qu‟elle est capable de faire. Plus important encore, dans la société matriarcale, la femme ne devient pas „une propriété‟ de l‟homme et membre de la famille de l‟homme, comme on le témoigne dans le système patriarcal. Si jamais l‟homme est décédé, sa femme est libre d‟aller épouser un autre homme de son choix si elle veut, à l‟insu des membres de la famille de son mari décédé. 33 En plus, la dot payée par l‟homme dans le système matriarcal est moins élevée que celle payée dans la société patriarcale, comme la femme appartient toujours à sa famille biologique et ses enfants aussi sont les „biens‟ de la famille de la femme. En fait, ces choses seront discutées en détail dans les prochains chapitres. 2.4 LE PATRIARCAT 2.4.1 QU’EST-CE QUE LE PATRIARCAT ? Le terme patriarcat est aussi une dérivation du mot latin „pater‟ qui veut dire „père‟ et „arcat‟ qui aussi veut dire „commander‟. Le patriarcat est donc « une forme d‟organisation sociale et juridique fondée sur la détention de l‟autorité par les hommes, chefs de famille ».28 L‟homme dans le système patriarcal est suprême, tout-puissant et il est considéré comme „le roi‟ du foyer. Il est libre de faire tout ce qui lui plaît, à savoir flirter même quand il est marié. Dans le système strictement patriarcal, la femme devient „une propriété de l‟homme (et sa famille) qui l‟épouse. Il peut faire d‟elle ce qu‟il désire et quand il veut le faire. En fait, la femme n‟a pas de valeur tellement utile à part la responsabilité de faire des enfants et si une femme n‟arrive pas à accomplir cette tâche, l‟homme se débarrasse d‟elle la plupart du temps. Kofi Ako dans Anowa décide de se débarrasser d‟Anowa, sa femme, car celle-ci n‟arrive pas à lui donner des enfants : « And you can‟t give me the only thing I want from you, a child.Let us part,Anowa » « Et tu ne peux pas me donner la seule chose que je veux de toi, un enfant. Séparons, Anowa » (Anowa : 56). (Notre traduction). D‟après Denise Comane, « on appelle le „patriarcat‟ l‟oppression que les 28 fr.wikipedia.org/wiki/patriarcal 34 femmes subissent en tant que femmes de la part des hommes ».29 Il continue en disant que cette oppression se reproduit de multiples façons au-delà de l‟aspect strictement économique par le langage, la filiation, les stéréotypés, les religions, la culture et d‟autres manières. Les enfants nés dans un foyer patriarcal appartiennent au père et si jamais leur mère décide de ne plus poursuivre le mariage, elle doit d‟abord rembourser la dot payée sur sa tête30 et après cela elle s‟en va seule. Au niveau biblique, les patriarches se réfèrent aux leaders des peuples hébreux pendant la période avant Moïse.31 Le livre de Genèse donne la liste des patriarches comme suit : Abraham, Isaac, Jacob et ses douze enfants qui étaient devenus leaders des douze tribus d‟Israël 2.4.2 BREF HISTORIQUE DU SYSTEME PATRIARCAL Bon nombre d‟historiens, philosophes et économistes ont montré que le système est très ancien. Par exemple, John Stuart Mill (le philosophe et économiste britannique) dans « The subjection of Women » (De l‟assujettissement des femmes), 1859, a montré que le patriarcat n‟est pas un phénomène récent mais que c‟est un système qui a toujours existé.32 29 La dot dans le système patriarcal est grosse et difficile à rembourrer. Cette situation oblige quelques femmes de rester. 30 patriaches‟ Microsoft®student2009,Redmond,W.a 31 Par exemple, la Revue française intitulée l‟histoire (No. 160, Nov. 1992, avait ce titre « Le matriarcat n‟a jamais existé » 35 Cette opinion est aussi partagée par Denise Comane qui croit que l‟oppression des femmes est très ancienne et le patriarcat ainsi que le capitalisme sont les causes de ce problème féminin Ce que dit cette catégorie d‟intellectuels est lié à l‟histoire de la création de l‟humanité. D‟après Genèse chapitre 2 verset 22, la femme était créée à partir de la côte de l‟homme. On pourrait inférer donc que Dieu a donné autorité à l‟homme dès la création. Se basant sur cette histoire, on n‟aurait pas tort de conclure que c‟est Dieu lui-même qui a initié le système patriarcal. Il faudrait, à ce point, ajouter qu‟une partie de l‟anthropologie évolutionniste du dixneuvième siècle dit que le système initial de la société était matriarcal et que le patriarcat aurait succédé à la période de domination des femmes appelé le matriarcat.32 Au dix-septième siècle, les scientifiques politiques ont commencé à comparer le pouvoir du père à celui d‟un roi. Dans ce cadre, le théoricien politique anglais, John Stuart Mill, a argumenté que les fils sont nés pour obéir à leur père donc l‟assujettissement politique à une autorité mâle était une condition naturelle. Il a continué en disant que toute autorité et tout pouvoir remontent au premier homme créé par Dieu, Adam. Ceux qui partagent son point de vue disent donc, que la domination masculine est le destin naturel ordonné par le créateur de l‟univers pour l‟humanité. Au dix-neuvième siècle, l‟économiste politique allemand Friedrich Engels a affirmé que la première société primitive était matriarcale et le transfert de propriété passait d‟une mère aux enfants.33 32 patriarches‟ Microsoft®student2009,Redmond,W.a 33 http://classiques.uqac.ca/classiques/Mill_john_stuart/assujettissement_femmes/ass_femmes.html 36 Il a ajouté que comme la société était devenue plus civilisée, les hommes ont vu la nécessité de transférer leurs biens à leurs enfants biologiques et pour ce faire, ils ont dû remplacer le matriarcat par le patriarcat. Ce point de vue est aussi partagé par Johan Jacob Bachofen un juriste suisse du dix-neuvième siècle. Dans son ouvrage dont le titre est Le Droit Maternel, il dit que ce droit maternel était primitif et indécent que l‟on doit être heureux de le remplacer par le droit paternel, ce qui a posé le jalon pour un grand progrès de l‟humanité. Il y a encore un groupe de personnes (les marxistes comme Evelyn Reed) qui postulent que le matriarcat a précédé le patriarcat et que le système patriarcal a commencé à prendre des racines avec la venue du commerce des métaux et à la fin du nomadisme quand l‟humanité s‟est mise mener une vie sédentaire.34 Selon ces marxistes, la société avait besoin de l‟énergie masculine dans les activités d‟extraction, ce qui a accordé une priorité à l‟homme. Selon Colin Spencer, la fin du nomadisme a nécessité la formation des communautés ou des sociétés pour assurer la protection des personnes et des propriétés. Il était donc utile d‟avoir une armée et les caractéristiques physiques fortes de l‟homme l‟a rendu spécial dans cette nouvelle vie. Ceci explique l‟arrivée du patriarcat. Dans les années 1970, le concept de patriarcat était utilisé et continue toujours à être utilisé par les féministes radicales pour désigner ce qu‟ils estiment être le système social d‟oppression des femmes par les hommes. 34 fr.wikipedia/wiki/patriarcat 37 2.4.3 LES CARACTERISTIQUES D’UNE SOCIETE PATRIARCALE Le système patriarcal a certaines caractéristiques qui lui sont particulières et qui le distinguent du système matriarcal. Tout d‟abord, il faudrait dire que les hommes occupent les postions du pouvoir et des succès ou réussites importants sont surtout attribués aux hommes. Par exemple, dans la Bible, la majorité de grands prophètes étaient mâles. Plus important encore, parmi les douze disciples de Jésus, aucun n‟était femme. Dans le Nouveau Testament de la Bible, Eve est accusée d‟être à l‟origine du péché originel. Ce que l‟on nous a fait comprendre, c‟est que Dieu et son fils aimé, Jésus Christ, sont tous mâles. Ceci suggère que la société juive était, peut-être, patriarcale. D‟après Kenneth J. Neubeck et al, (Social problems : 306), les femmes constituent plus de cinquante pour cent de la population américaine mais elles sont désavantagées. En Islam, une femme ne peut pas être Imam. Dans l‟Eglise Catholique et d‟autres églises orthodoxes, une révérende sœur ne peut pas consacrer le pain et le vin qui symbolisent le corps et le sang de Jésus. C‟est le révérend Père qui est permis de le faire. Il n‟y a jamais eu ni une femme évêque ni une femme pape dans les églises catholiques, méthodistes, presbytériennes et d‟autres églises très réputées. Nous constatons aussi que dans le système patriarcal, la femme est beaucoup plus marginalisée et elle n‟est quasiment rien. C‟est ce que dit Mama Téné dans Sous l‟orage …« C‟est ton père qui décide…auprès de lui, nous ne sommes rien, ni toi ni moi (Sous l‟orage : 75). Dans Trois Prétendants…Un Mari, Abessolo, le grand père de Juliette, pose la question suivante, « Depuis quand est-ce que les femmes parlent à Mvoutessi? » (Trois 38 Prétendants…Un Mari : 28), ce qui montre que la femme n‟est pas égale à l‟homme dans la société camerounaise. Plus important encore, dans le système patriarcal, la femme est chosifiée. Elle devient la propriété de l‟homme qui l‟épouse. L‟homme a donc l‟autorité sur elle et il peut faire d‟elle ce qu‟il veut. Ceci est un phénomène attribué, dans une certaine mesure, à la somme colossale payée par le prétendant pour la femme dans le système patriarcal. «La dot payée par l‟homme prétendant est généralement plus élevée dans la société patriarcale » (The Emancipation of women : 8). (Notre traduction) Encore, dans le système patriarcal, l‟héritage passe d‟un père au fils. C‟est-à-dire, il est tracé à la lignée patrilinéaire. Au Ghana, les régions du nord, du nord-est, du nord-ouest sont presque toutes patriarcales. Il faudrait ajouter que parmi les Ga et les Dangme (sociétés patriarcales du Ghana) l‟épouse ne fait pas partie de la famille de son époux. 2.5 LE FEMINISME 2.5.1 QU’EST-CE QUE LE FEMINISME? Selon le Dictionnaire Universel, le féminisme est« une doctrine, une attitude favorable à la défense des intérêts propres aux femmes et à l‟extension des droits et du rôle dans la société » Le Petit Robert aussi définit le féminisme comme suit « une doctrine, un mouvement qui préconise l‟extension des droits et du rôle de la femme dans la société ». 39 Selon Larousse(1993), le féminisme est « une doctrine qui préconise l‟amélioration et l‟extension du rôle et des droits des femmes dans la société, un mouvement qui milite dans ce sens » Comme on vient de le dire, le féminisme est un ensemble d‟idées politiques, sociales, économiques, juridiques et culturelles cherchant à promouvoir les droits des femmes et leurs intérêts dans la société civile. La plupart du temps, lorsque l‟on parle du féminisme, il y a une certaine notion d‟agression associée au terme. Il y a donc beaucoup de personnes qui perçoivent une femme féministe comme une femme agressive qui cherche à s‟imposer sur les hommes. Il est nécessaire, à ce point, de dire que cette notion ou perception du féminisme pourrait être parallèle aux objectifs féministes libéraux. Le féminisme peut être décrit comme un mouvement de personnes qui cherchent le bienêtre des femmes. Ces personnes veulent que les mêmes droits accordés aux hommes soient également accordés aux femmes. Ces droits sont socioculturels, comprenant l‟accès à l‟éducation formelle jusqu'à un niveau appréciable, la libération des pratiques fatales comme la mutilation génitale, le viol, la lapidation pour adultère, les violences conjugales, les rites de veuvage et d‟autres droits comme le droit de pratiquer le type de mariage qui arrange la femme au sein de la polyandrie ou la monogamie ou d‟autres. Elles luttent aussi pour les droits économiques, ce qui leur permettra d‟être autonomes et donc indépendantes. Notons que position de l‟homme (mâle) dans la société lui a donné beaucoup de pouvoir par rapport à la femme et les mariages précoces et la polygamie sont dûs largement aux raisons financières. Sur le plan économique, la femme cherche à avoir une formation professionnelle dans l‟industrie, l‟armée, l‟académie, la médecine, 40 parmi d‟autres. Elle cherche à être payée comme l‟homme pour le même travail fait avec la même compétence. Le droit politique que cherchent les féministes concerne le droit de voter et d‟être votée, le droit d‟occuper une position importante dans la société. Ceci mettra les femmes dans le bain de la prise de décision qui leur concerne. Il est incompréhensible que la société traditionnelle et l‟islam permettent la polygamie à l‟homme alors que ceci est nié à la femme. Les féministes cherchent qu‟il y ait un changement dans la société traditionnelle et certaines religions structurées en faveur de l‟homme. 2.5.2 BREF HISTORIQUE DU FEMINISME Le féminisme, en tant que mouvement visible, a débuté dans l‟Occident mais il s‟est manifesté dans d‟autres parties du monde après sous diverses formes avec le but de lutter pour l‟intérêt de la femme qui est perçue comme marginalisée. La première preuve de résistance contre la domination masculine était en Europe, spécifiquement à Rome, en Italie pendant le troisième siècle avant Jésus Christ.35 C‟était une manifestation par les femmes contre les autorités romaines demandant qu‟elles soient traitées comme les hommes. Ceci ne veut pas néanmoins dire qu‟il n‟y avait aucun effort par certains féministes pour trouver l‟égalité entre homme et femme. Par exemple, de la fin du quatorzième siècle jusqu‟au début du quinzième siècle, la philosophe féministe française, Christine de Pisan a questionné le traitement de la femme par la société française. Ce débat sur la condition féminine s‟est trouvé vers la fin du seizième siècle en Angleterre. Jane Anger (au 35 fr.wikipedia/wiki/feminisme_historique 41 seizième siècle) et Mary Astell (au dix-septième siècle) ont beaucoup contribué à ce débat sur le féminisme en Angleterre. Au fait, l‟affaire du féminisme a pris de diverses formes dans de différents pays mais ces efforts n‟ont pas tellement eu d‟effet que pendant le siècle des Lumières. C‟était à cette époque que les féministes ont commencé à demander pour elles aussi ce que cherchait ce mouvement intellectuel du dix-huitième siècle : la liberté, l‟égalité et les droits naturels. Par exemple, Olympe de Gouge, une dramaturge française a publié Déclarations des droits de la femme et de la citoyenne en 1791.36 Dans cet ouvrage, Olympe de Gouge a affirmé que la femme est non seulement égale à l‟homme, mais elle est aussi son partenaire. Un an après cette publication, Mary Wollstonecraft, féministe anglaise, a sorti A Vindication of the Rights of Women37 en Angleterre. Elle a proposé dans cet ouvrage que les hommes et les femmes soient accordés les mêmes opportunités éducatives, politiques, et dans le monde du travail. D‟autres publications étaient sorties pour renforcer le débat sur le féminisme. La pensée féministe se divise en deux vagues. La première a débuté vers la fin du dixhuitième siècle jusqu‟au début du vingtième siècle. Pendant cette période, les féministes se sont focalisés sur les droits légaux, surtout les droits de vote qui était dénié à la femme. Il y avait donc des mouvements formés dans le but de réclamer ce droit. En juillet 1848, une conférence sur le féminisme a eu lieu dans une petite ville dans l‟état de 36p://www.google.fr/#hl=fr&output=search&sclient=psyab&q=declaration+de+droiits+de+la+femme+et +de+la+citoyenne&oq=decl 37 .http://en.wikipedia.org/wiki/A_Vindication_of_the_Rights_of_Woman 42 New York appelée Seneca Falls pour demander le droit de vote. En 1869, l‟ « Association Nationale du Suffrage Féminin » était fondée par Susan B. Anthony (1820-1906) et Elizabeth Cady Stanton (1815-1902), des réformistes américaines. Ces féministes ont basé leur argument de droit de vote sur les principes de l‟ « Age de la Lumière »38 du dix-huitième siècle et la « Déclaration de l‟Indépendance Américaine ». Il y avait d‟autres efforts par de différents groupes de féministes et ceci a abouti au droit de vote accordé à une catégorie de femmes anglaises par le Parlement britannique en 1918. En 1922, le suffrage féminin était obtenu aux Etats-Unis. Ceci était reproduit dans d‟autres pays plus tard. La deuxième vague qui est toujours en cours a commencé en 1949 avec la publication d‟un ouvrage par Simone de Beauvoir dont le titre est «Le Deuxième Sexe ». Cette fois-ci, la préoccupation des femmes était et reste toujours sur les choses personnelles, surtout les relations quotidiennes entre hommes et femmes ; la structuration de la société humaine en faveur de l‟homme et comment ces défis pourraient être surmontés. La deuxième vague a provoqué un débat théorique sur l‟origine de l‟oppression féminine et la nature du sexe afin de trouver une solution correspondante au problème. Il importe, à ce moment, de dire qu‟il y a eu d‟importantes interventions au fil des années pour „libérer‟ la femme. Par exemple, la quête pour une Journée Internationale des Droits de la Femme a commencé au début des années 1900. En 1908, environ mille cinq cent femmes ont fait une manifestation à New York pour demander moins d‟heures de travail, un bon salaire ainsi que le droit de vote. En 1901, il y a eu une déclaration par 38 http://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8cle_des_Lumi%C 43 le Parti Socialiste américain et par la suite la première Journée Internationale des Droits de la femme était observée dans toute l‟Amérique. En 1901, bien des femmes venant de treize pays et représentant de différentes unions, des partis socialistes, des clubs de femmes ouvrières et trois députées du Parlement finnois se sont assemblées à Copenhague en Danemark pour discuter comment la femme peut se libérer de la domination masculine. Lors de cette réunion Clara Zetkin la leader du Bureau des femmes en Allemagne a proposé aux délégués qu‟il y ait une journée spécialement dédicacée aux droits des femmes. Cette proposition était acceptée unanimement. En 1975, l‟Organisation des Nations Unies (l‟ONU) a adopté cette Journée Internationale. Actuellement, cette Journée est observée dans bien des pays. Le siècle pour les droits des femmes était lancé par l‟ONU en 1975 pour pousser en avance, le droit féminin. Cette déclaration a posé le jalon pour une série de conférences organisées autour du thème : égalité, développement et paix. En 1995, la quatrième conférence mondiale sur le féminisme était organisée à Beijing en Chine. Plus de 17,000 peuples dont des délégués venant de deux cent pays étaient présents. La plate-forme d‟action sortie de ces congrès s‟est focalisée sur l‟élimination de tous les obstacles qui empêchent la quête pour la participation des femmes dans tous les domaines de la société. Actuellement la majorité des personnes dans le monde reconnaissent qu‟il y a une inégalité entre les hommes et les femmes, mais ce qui doit être fait pour rectifier la situation reste un défi. 44 2.5.3.0 LES COURANTS DE LA PENSEE FEMINISTE Le féminisme peut prendre de diverses formes selon l‟objectif du mouvement et ce qu‟il souhaite rectifier dans la société. En effet, il y a au moins cinq types de féminisme, à savoir les mouvements féministes socialistes, psychanalytiques, postmodernes, radicaux et libéraux. Il faudrait dire que, quel que soit le type de féminisme, l‟objectif reste le même : la recherche de l‟égalité entre les hommes et les femmes ou les mâles et les femelles. Ceci veut simplement dire que le but de tous les mouvements féministes est le même mais c‟est la démarche pour atteindre l‟objectif qui diffère. A cause de l‟objectif de notre travail, nous allons nous concentrer sur le féminisme radical et le féminisme libéral 2.5.3.1 LE MOUVEMENT FEMINISTE LIBERAL Ce mouvement cherche la liberté de choix et l‟égalité des opportunités. Ce que cherchent les féministes de ce groupe, c‟est un changement pragmatique, surtout aux niveaux institutionnels et gouvernementaux. L‟objectif primordial est de faire en sorte que les femmes soient intégrées dans les structures de pouvoir et qu‟elles aient accès égaux aux positions traditionnellement occupées par les hommes. Ce qui différencie ce groupe du mouvement radical c‟est que, bien qu‟il cherche l‟égalité entre les hommes et les femmes, il croit que cela doit se faire étape par étape mais pas comme une révolution. Une femme qui veut jouer son „rôle traditionnel‟ de femme est libre de le faire. En revanche, celle qui veut s‟émanciper est encouragée à le faire. 45 En nous basant sur ce qui s‟est passé lors du congrès en Copenhague, Danemark, en 1980, nous pourrions dire que les féministes occidentaux sont plus radicaux que ceux des pays en voie de développement, comme les pays africains, asiatiques et AmériquesLatines. Au cours de cette conférence, les occidentaux et les représentants des pays mentionnés ci-dessus étaient tous d‟accord que les pratiques traditionnelles, telles que la polygamie, la dot payée par le prétendant qui lui donne autorité sur la femme, ainsi que les mutilations génitales devraient être éliminées. C‟était la méthode d‟arrêter ces pratiques qui différaient. Les Occidentaux voulaient une législation immédiate interdisant ces pratiques, alors que ceux des pays moins développés étaient de l‟avis qu‟on a besoin du temps pour éradiquer ces pratiques. 2.5.3.2 LE MOUVEMENT FEMINISTE RADICAL Ce mouvement aussi cherche l‟intérêt de la femme. C‟est juste sa démarche qui est différente. Il croit que les problèmes des femmes sont énormes et par conséquent, on a besoin de mesures draconiennes pour pouvoir résoudre ces problèmes. Le but premier de ce mouvement est de reformer la société traditionnelle et aussi de restructurer les institutions socio-économiques, politiques et religieuses qui sont patriarcales. Il croit que le moment de changement est maintenant et il soutient une révolution dans la société. 2.5.6 CONCLUSION Nous avons vu, à travers ce chapitre, qu‟en dépit du fait que l‟homme est privilégié partout dans le monde, il y a un peu de variation dans la condition féminine d‟une 46 société à l‟autre et que les deux sociétés, matriarcale et patriarcale, ont des caractéristiques qui peuvent influencer la perception de la société à l‟égard de la femme. Nous avons vu également que tout mouvement ou association féministe cherche à promouvoir l‟intérêt de la femme et qu‟il y a de différents types de féminisme parce que chaque mouvement ou association féministe a une approche différente pour atteindre cet objectif. Dans le chapitre suivant, nous verrons comment la femme est représentée par Ama Ata Aidoo dans son œuvre. CHAPITRE III LE FEMINISME A TRAVERS L’ŒUVRE D’AMA ATA AIDOO 3.0. INTRODUCTION Ce chapitre examinera le féminisme aux yeux d‟Ama Ata Aidoo, qui est d‟une communauté matriarcale. Nous analyserons le statut de la femme dans la société Akan qui est largement matriarcale et chrétienne. Nous verrons les opportunités qui existent pour la femme ainsi que les défis auxquels elle doit faire face. 47 3.1 L’ARRIERE-PLAN SOCIO-CULTUREL Dans l‟œuvre de cet auteur, nous voyons que, malgré le fait que c‟est dans le contexte matriarcal, la femme n‟est pas égale à l‟homme dans presque toutes les situations de la vie, dont le mariage. Le mariage, en fait, semble être une condition préalable pour une acceptation dans la société, surtout la société traditionnelle. Pour commencer, nous voyons que le système matriarcal ne rend guère la femme immunisée aux défis auxquels elle est obligée de faire face concernant le mariage. Par exemple, il n‟est pas traditionnellement accepté que la femme propose le mariage à l‟homme. C‟est l‟homme qui normalement a cette prérogative. Une femme qui est follement amoureuse d‟un homme aurait besoin de dominer ses sentiments et garder cela comme un secret jusqu‟au moment où l‟homme en question viendra demander sa main en mariage si elle est chanceuse. Une femme qui prend cette initiative est censée être sorcière ou elle a un pouvoir surnaturel, Comme le croyait la vieille femme : „„She is a witch, She is a devil, She is everything that is evil‟‟ (Anowa: 40) Le „crime‟ d‟Anowa est qu‟elle veut contribuer à la société comme Kofi Ako, son mari. Kofi Ako n‟est pas sorcier, mais Anowa est perçue comme sorcière. C‟est la croyance de Badua et Osam aussi, les parents d‟Anowa lorsque celle-ci se conduit comme un „homme.‟ Les habitants de Yebi et même les parents de l‟héroïne croient qu‟elle n‟est 48 pas un être normal et doit être donc donnée comme apprentie à la féticheuse afin de la calmer. Les paroles suivantes d‟Osam, le père d‟Anowa explique ceci : „I have always asked to apprentice her to a priestess to quieten her down….‟ (Anowa: 11). Il est également important de dire que même si l‟homme propose à la femme et elle accepte mais sa famille, surtout ses parents, refusent, le mariage ne peut point avoir lieu. La fille peut être amoureuse de l‟homme en question mais cela ne compte pas et c‟est le préféré des parents qu‟elle doit accepter. Au cas où les deux amants négligent le consentement préalable des parents, ils sont souvent rejetés et ils n‟osent pas vivre dans le village ou la ville des parents. C‟est ce qui est arrivé à Kofi Ako et Anowa lorsque celle-ci ignore les conseils de ses parents de ne pas épouser Kofi Ako, „Why should it be my daughter who would want to marry that good-for-nothing cassava-stick‟(Anowa:17) Pour éviter la colère des parents d‟Anowa, les deux amants –Kofi Ako et Anowa-ont dû quitter le village pour ne plus retourner, « …because we shall not be coming back here to Yebi……. » (Anowa: 17) Un autre aspect du mariage qui ne favorise pas la femme, d‟après l‟histoire d‟Anowa, c‟est que le rapport sexuel doit être normalement initié par l‟homme. Suposons qu‟une femme mariée ait envie d‟en faire, comme voulait Anowa l‟héroïne, „…we have not seen each other‟s bed for far too long…‟ (Anowa : 57) et son mari n‟en a pas besoin, que ferait-elle ? La réponse, c‟est qu‟elle aurait besoin d‟attendre jusqu'à ce que son époux ait envie de le faire. Nous devons aussi dire que ce n‟est pas le cas pour l‟homme. Pour 49 de nombreux hommes, l‟épouse ne doit jamais refuser une requête sexuelle, sinon elle risque de partager son époux avec une autre femme. Une autre condition féminine inadmissible relevée qui mérite d‟être discutée, c‟est que c‟est la femme qui est blâmée lorsqu‟un couple n‟arrive pas à avoir des enfants. Les gens oublient que ce n‟est pas la femme uniquement qui peut être blâmable et que l‟homme aussi pourrait avoir un problème. Par exemple, Anowa est accusée par Kofi Ako, son mari, d‟être stérile « And you can‟t give me the only thing I need from you, a child……… » (Anowa: 56). Ce qui se passe dans de nombreux cas, c‟est que quand une situation pareille arrive, l‟époux se débarrasse de la femme „stérile‟ pour chercher une autre qui sera „capable‟ de lui faire des enfants, une exigence cruciale par la bellefamille de l‟homme. Il n‟est donc pas étonnant que lorsque Kofi Ako décide de chasser Anowa pour épouser une autre femme « Let us part, Anowa‟ (Anowa : 56). Il est important de dire que l‟infertilité est l‟une des causes majeures de rupture du mariage. L‟autre possibilité, c‟est qu‟au cas où un couple n‟arrive pas à avoir des enfants, plus souvent, la famille de l‟homme lui conseille d‟épouser une autre, ou bien on lui trouve une autre femme. Dans le cas d‟Anowa et Osam, c‟est ce dernier qui est impuissant mais c‟est lui plutôt qui accuse Anowa, sa femme d‟être stérile. Ce point s‟ajoute au fait que la société traditionnelle accepte la polygamie alors que la polyandrie n‟a point de place dans tant de communautés. Comme nous l‟avons déjà dit, l‟homme peut avoir plus d‟une femme, une fois qu‟il le veut mais la femme, une fois mariée, est condamnée à vivre avec son époux, malgré les circonstances auxquelles elle aurait besoin de faire face. Il y a aussi des hommes qui croient qu‟il est normal d‟avoir 50 des relations amoureuses extra maritales. Dans Anowa nous voyons que c‟est Anowa même qui suggère à son époux d‟avoir d‟autres épouses, „ why don‟t you marry another woman…….At least she could help us‟ (Anowa : 24). Kofi Ako peut avoir d‟autres épouses, mais est-ce que cette situation peut s‟appliquer à Anowa ? C‟est certainement non, car Anowa est une „femme‟ et Kofi Ako est un „homme‟. A travers bon nombre de documents consultés sur le féminisme, cette décision d‟avoir d‟autres épouses souvent arrive quand la femme a nouvellement accouché et il n‟est pas médicalement approprié d‟avoir des rapports sexuels avec son époux au cours des deux ou trois premiers mois ou quand elle est malade et ne lui permet pas de s‟engager dans l‟acte sexuel. Il y a également des hommes qui sont simplement „gourmands‟ et veulent cultiver des „petits jardins‟ quand ils savent bien qu‟ils ont un „champ‟. Il y a des hommes Ashanti qui justifient cet acte d‟infidélité en citant ce proverbe : „sε wonom abekoro mu nsa a wonom fam39 ». D‟autres emploient ce proverbe pour renforcer l‟acte sexuel hors du mariage, «nam koro ntere nkwan mu »40 pour leur infidélité envers leurs épouses. La question qui mérite d‟être posée, à ce point, est ceci „Est-ce que ces hommes qui justifient cette action permettraient à leurs épouses d‟avoir des relations amoureuses hors du mariage ou d‟avoir accès à cette variété dont ils parlent ? La réponse c‟est absolument non. Mais la femme n‟a-t-elle pas aussi de sentiment, tout comme l‟homme ou elle est un sous-être ? 39 Si tu dépends d‟un seul palmier pour ton vin de palme, tu boiras le sol un jour (Notre traduction) 40 un seul morceau de viande ne rend pas la soupe délicieuse. (Notre traduction 51 Une femme « attrapée » est sûre d‟avoir deux conséquences : soit elle est ridiculisée et divorcée ensuite ou bien tuée pour les hommes qui agissent à l‟extrême. Etroitement lié à ces défis est le fait qu‟en cas de divorce, il y a bien des hommes qui cessent de prendre soin des enfants faits avec l‟ancienne femme et les abandonnent à leur destin. Dans une situation pareille, de nombreuses femmes acceptent la responsabilité de soigner des enfants même si ce n‟est pas facile financièrement. La majorité des femmes dans cette situation vivent toujours une pauvreté incontrôlable afin de pouvoir fournir les besoins de leurs enfants. Ainsi les enfants souffrent. Toujours en mariage, la femme est souvent chosifiée et perçue par certains hommes comme un objet, une bonne ou une esclave, alors que l‟homme se présente comme un patron, un propriétaire à qui la femme appartient. Ce n‟est donc pas surprenant qu‟il y ait des femmes Ashanti qui adressent leurs maris comme „me wura‟ (mon patron). Dans The Marriage of Anansewa, Anansewa (vivant dans une société matriarcale) est décrite comme un objet par Chief of Sapaase à travers son émissaire, « …. That if the object of his interest should need anything… » (The marriage of Anansewa : 32). Le non-dit ici c‟est que la fonction d‟un objet c‟est de servir l‟homme et quand celui-ci n‟en plus besoin, il s‟en débarrasse. Pas mal de femmes sont traitées ainsi ; les hommes font tout pour les avoir et quand ils ont eu tout ce qu‟ils veulent d‟elles, ils les abandonnent. 52 Nous devons dire qu‟aux yeux de certains féministes, le mariage est une forme d‟esclavage ou servitude. Ce qui les motive pour dire une telle chose, c‟est que les travaux domestiques, parmi d‟autres, sont laissés à la femme. Dans Comparaisons, nous voyons un cas pareil, « And my mother ? She would have woken up long time ago », (The Girl Who Can and Other Stories: 38). C'est-à-dire que la femme de la narratrice se réveillait de très bonne heure pour s‟occuper des travaux domestiques alors que l‟homme s‟endormait. L‟homme se lève plus tard. Après avoir pris son bain, il demanderait si sa femme avait repassé des habits pour lui de porter, « He asks me whether I‟d put clothes out there for him » (op. cit, p.39). L‟homme, à travers cette conduite, se présente comme un roi, un patron ou un maître et la femme comme une esclave qui n‟a aucun droit de refuser de travailler pour plaire à son „maître‟ pour avoir de la faveur. La mère de la narratrice obéit et agit selon l‟ordre de son époux ou „maître‟ « …So I‟m now in the bedroom to put socks, pants, trousers, a singlet and a shirt out for him from a batch of clothes…. » (The Girl Who Can and Other Stories: 39). L‟un des obstacles à la lutte féministe, c‟est que même dans l‟enfance, l‟orientation sociale reçue par l‟enfant est très stéréotypée, mettant une claire barrière entre le mâle et la femelle. C'est-à-dire que les rôles des deux sexes sont bien définis et chacun doit respecter le rôle socio-culturel qui lui a été donné. Par exemple, les jouets que les parents donnent souvent aux jeunes femelles montrent leur féminité : «Girls usually receive dolls …, cooking and tea sets…, and cast-off handbags… » (Social Problems : 309). C‟est le contraire de ce qu‟on donne aux jeunes mâles, « ….boys are typically given tool kits and building equipment… And sports paraphernalias » (Ibid, p.309), 53 signes de masculinité et d‟agression. Le jeune mâle est conseillé de rester loin de la cuisine pour ne pas devenir un homme sans barbe, “If Abaka came around the cooking area, Mother or other elderly people would scare him away with the threat „the boy who insisted on stirring the boiling pot was the one who grew into beardless man” (The Girl Who Can and Other Stories: 41). Dans l‟enfance, le mâle est conseillé de ne pas pleurer quand il souffre car c‟est un signe de faiblesse que le mâle ne doit pas cultiver. Entre temps, il est normal pour la femelle de pleurer. Nous devons dire à ce point que dans de nombreux villages, la condition de la femme mariée est encore pire : la femme est quasi esclave. Elle se charge de tous les travaux domestiques avant d‟accompagner son „maître‟ au champ. Elle désherbe, prépare quelque chose à manger là-bas, cherche des aliments, et d‟autres choses. C‟est elle qui porte toutes ces choses à la maison avec des fois, un bébé au dos et l‟homme la suit marchant d‟une façon seigneuriale. Un homme qui décide, peut-être, d‟aider sa femme est appelée. « Kwaadonto », c‟est-à-dire „fou‟. Il y en a même qui diront ceci, « woataba no », c‟est-à-dire, « elle a employé du gris gris sur lui ». Pour éviter ceci, tant d‟hommes se conduisent comme „les autres‟ pour ne pas être ridiculisés. La joie que le mariage devrait apporter au couple échappe à beaucoup de femmes. Toujours dans le mariage, on voit que si les enfants font ce qui n‟est pas de coutume, ou de convention, c‟est la femme qui est blâmée ; ce qui donne l‟impression que l‟homme a toujours raison. Si une fille ou un garçon se conduit d‟une manière inacceptable, ce que l‟homme dit souvent est : « va voir ce que ta fille ou ton fils fait, c‟est toi qui l‟as gâté(e) ». Entretemps, si elle ou il devient quelqu‟un de très responsable dans la société, l‟homme prend toujours le crédit. Ce qu‟on aimerait dire à travers ce point, c‟est que 54 dans la société matriarcale, presque tous les succès ou réussites sont souvent attribués à l‟homme. Par exemple, dans Anowa, la conduite inacceptée de l‟héroïne est blâmée sur sa mère, «...Others think that her mother Badua has spoilt her shamefully…» (Anowa : 8) 3.2 LA CHANCE POLITIQUE DE LA FEMME DANS UNE SOCIETE MATRIARCALE La politique est « relative à l‟organisation et à l‟exercice du pouvoir dans une société organisée, au gouvernement d‟un état41 ». Ceci comprend la prise de décisions qui concernent tous les membres de la communauté en question. Il est fort probable que le groupe bien représenté à ce niveau formulera des lois en sa faveur et le groupe mal représenté pourrait être négligé. On est donc tenté de s‟accorder avec Tanella Boni lorsqu‟elle affirme que toutes les déclarations et conventions qui devraient améliorer le statut de la femme n‟ont abouti à rien car la femme est mal représentée au niveau de gouvernance. Parlant de la chance politique de la femme, nous croyons que la chance de celle-là au niveau de la prise de décision a été éclairée, car on peut compter plusieurs femmes qui occupent des positions très respectées dans le monde donc toute femme qui souhaite monter l‟échelle sociopolitique sera motivée par ces personnes et suivre leurs exemples. Nous avons des femmes puissantes comme la Reine Elizabeth du Royaume Uni de la Grande Bretagne (1952 jusqu'à présent), La Reine Margrette II du Danemark (1972, dirigeante de l‟église Évangélique), Beatrix Wilhelmina Armgard des Pays Bas (1980), 41 fr.wikipedia.org/wiki/polit 55 La Première Sheikh Hasina Wajed de Bangladesh (2009), La Présidente Pratibha Patil des Indes (2007) Angela Merkel d‟Allemagne (2006), la Presidente Dalia Grybauskaite de la Lithuanie, la présidente Ellen Johnson-Sirleaf du Liberia (2006). Rose Francine Rogumbé, Ruth Perry du Liberia (1996), Carman Pereira de la Guinée Bissau (1984), parmi d‟autres pour dire que la situation a changé positivement en faveur de la femme sur le plan politique Il faudrait, néanmoins, dire que ceci est limité surtout aux pays occidentaux et un petit nombre de femmes qui ont eu la chance d‟être éduquées. Il est également crucial d‟ajouter que ce petit nombre de femmes bien positionnées ne peuvent pas changer la vie de toutes les femmes surtout les femmes villageoises africaines. Rappelons que la quatrième conférence mondiale sur les droits de la femme a marqué un tournant important dans la lutte pour l‟égalité des deux sexes. Lors de cette conférence, qui a eu lieu en 1995 à Beijing en Chine, les gouvernements présents ont pris une décision très remarquable. Ils ont fixé à trente pour cent le taux de participation des femmes à des postes de décision à l‟échelle internationale. On aurait espéré que cette décision louable se reproduise partout dans le monde, mais on peut dire, sans aucune contradiction, que cette décision prise n‟est toujours pas en vigueur et que dans de nombreuses sociétés « la femme doit se taire, obéir les yeux baissés ». (De la domination masculine en Afrique : 8). Dans beaucoup de foyers, l‟opinion de la femme ne compte pas et que l‟homme qui décide d‟avoir un certain consensus avec sa femme est perçu comme „imbécile‟. 56 Au fait, dans certaines sociétés matrilinéaires, la femme avait un certain niveau de pouvoir « comme celui d‟avoir des terres » et de sélectionner le successeur, quand un „chef‟ ou „roi‟ traditionnel était décédé. Il paraît que le deuxième rôle reste intact, mais la femme n‟a plus le droit „d‟avoir des terres‟.Ce droit appartient au roi. Franchement parlant, le rôle de sélectionner un nouveau roi en consultation avec les sous-chefs ne lui donne point d‟autorité sur le chef ou le roi comme c‟est le chef ou le roi qui détient le pouvoir traditionnel politique. Ce qu‟il faut noter, c‟est qu‟il y a des circonscriptions électorales au Ghana où une femme aura des difficultés à gagner une élection, comme Aboabo, Sawaba, Asawase, qui sont des circonscriptions dominées par des Musulmans et d‟autres. Dans la société matriarcale traditionnelle, qui est censée favoriser la femme au niveau politique, nous voyons qu‟elle n‟a pas de voix. Badua vivant dans une société matriarcale admet que, « A good woman does not have a brain or a mouth » (Anowa : 33). Ceci est clarifié par la mère d‟Adjoa Moji dans „She-Who-Would-Be-King, “Listen, „I don‟t think the men of this country will ever let a woman be their President” (The Girl Who Can and Other Stories: 55). Cette déclaration faite par la mère d‟Adjoa Moji que les hommes ne permettront jamais à une femme d‟être leur présidente se reflète sur le plan politique ghanéen. Au Ghana, on constate qu‟il y a moins de cinquante pour cent de femmes occupant des positions où des décisions qui concernent tout le monde sont prises. On doit admettre que depuis l‟indépendance et pour la première fois, une femme est la troisième personne la plus importante à l‟échelon national dans la quatrième république. La jurisprudence ghanéenne est aussi dirigée par Madame Georgina Théodora Wood, une femme. Le 57 ministère de l‟éducation a une femme, Betty Mould Iddrisu, à la tête, la région centrale du Ghana est gouvernée par Ama Benyiwa Doe, une femme. En fait, il y a pas mal de femmes dans le présent gouvernement, mais la promesse faite par le président de la quatrième république pendant les campagnes électorales de donner aux femmes quarante pour cent des positions au sein de son gouvernement, n‟a pas été réalisée. Notons que le dernier recensement a confirmé ce que l‟on savait que le nombre de femmes au Ghana dépasse celui des hommes ; les femmes constituent environ cinquante et un pour cent de la population alors que les hommes constituent environ quarante neuf pour cent. Ceci présuppose que normalement on devrait avoir plus de femmes gouvernant que d‟hommes mais, on voit le contraire. 3.3 LE POUVOIR ECONOMIQUE DE LA FEMME DANS UNE SOCIETE MATRIARCALE Pour commencer, il est important de dire que la chance pour la femme de travailler pour gagner sa vie n‟est pas égale à celle de l‟homme dans le monde entier et ceci remonte loin dans le temps. C‟est pour corriger cette inégalité économique que Charlotte Perkins Gilman, dans Women and Economics (1898) a remarqué que les femmes ne seront jamais libérées de la „mythologie domestique‟ du foyer et de la famille, ce qui les rend dépendantes des hommes. Florence Abena Dolphyne parle de l‟importance de l‟indépendance économique féminine dans la mission émancipatrice de la femme. Entre temps, comme le remarque Tanella Boni, les hommes et les femmes n‟ont « ni les mêmes jeux ni les mêmes occupations » (De la domination masculine en Afrique : 7). Le rapport de l‟Organisation des Nations Unies (ONU) en 2007 à propos de l‟Afrique a donné encore une image sombre de la femme africaine au niveau économique, «...la 58 proportion de femmes qui gagnent un salaire en dehors de la culture agraire ne dépassait toujours pas le tiers de la population féminine en 2005 ». L‟enseignement traditionnel non formel attribue à la femme de petits travaux, dont le maintien d‟un foyer Le proverbe akan, « obaa ton nyaadowa, onnton atuduro » (Traduction : la femme vend de l‟aubergine, elle ne vent pas la poudre à canon) tombe précisément dans le cadre de cette croyance. Cet avis que la femme ne doit pas travailler comme l‟homme est partagé par Badua, la mère d‟Anowa, … I want my child to … Marry a man … And be happy to see her … Peppers and her onions grow‟ … Should bear many children, (Anowa: 23) La société considère la femme comme faible et incapable de faire du travail dur. Dans Anowa lorsque Kofi Ako et sa femme, Anowa, ont eu un petit problème, le premier était gêné pour sa femme, «…This life is not good for a woman. No, not even a woman like you. » (op. cit p.23). A cause de cette pensée, quand il y a du travail qui exige un peu d‟énergie et une femme pose sa candidature, elle n‟est pas considérée et ceci constitue une grosse discrimination sexuelle. Il est intéressant que la femme qui décide de défier cette notion conventionnelle sur la faiblesse de la femme est ridiculisée par tout le monde. Il y en a qui vont jusqu‟au point de dire que ces femmes sont des prostituées. D‟autres disent qu‟une telle femme n‟est 59 pas normale, car elle ne se conduit pas comme toutes les autres femmes, « …Can‟t you be like other normal women‟…»? (Anowa : 53). La situation „normale,‟ dans ce contexte, signifie la docilité extrême et la soumission totale qui sont des attributs donnés par la société à la femme. 3.4 LA CHANCE EDUCATIVE DE LA FEMME DANS UNE COMMUNAUTE MATRIARCALE L‟éducation joue un rôle clef dans la quête de l‟égalité entre les deux sexes parce que le manque de savoir tue et l‟on peut dire que tant de femmes sont souvent maltraitées faute de savoir. Florence A. Dolphyne a observé que l‟éducation formelle et non-formelle, toutes les deux, jouent un rôle très significatif dans de l‟émancipation de la femme « …education, both formal and non-formal,……for women are major factors that can enhance the emancipation of women »(The Emancipation of Women :An African Perspective :28). C‟est à cause de ceci que les femmes professionnelles, comme des avocates, des médecins, des ingénieures, des banquières, des administratrices, parmi d‟autres, sont hautement estimées dans nos sociétés. De telles femmes constituent une classe à part et elles sont consultées quand il s‟agit de la prise de décision en famille et ailleurs. Mais est-ce que cette éducation dont on parle est très accessible à la femme surtout la femme villageoise africaine ? La réponse est claire ; c‟est non. Bon nombre de filles et garçons abandonnent l‟école à l‟âge de neuf et douze ans mais la situation est encore pire pour la fille. Ceci arrive à cause de certaines raisons. 60 Tout d‟abord, il est un peu facile pour une fille de trouver une activité économique comme la vente de fruits, de pagnes, de la nourriture, parmi d‟autres. En plus de cela, il y a des parents ignorants qui croient que l‟éducation de la fille est une perte de temps et d‟argent. Les paroles suivantes de Nana expliquent davantage ce que nous disons: « School is another thing…Nana thought it would be a waste of time…. » (The Girl Who Can and Other Stories : 31). Beaucoup de parents illettrés croient que le destin de la femm, c‟est d‟avoir des enfants, «…A woman must have solid hips to be able to have children… (ibid). Badua dans „Anowa‟ partage le même point de vue, « Any mother would be concerned if her daughter refused to get married six years after her puberty. If I do not worry about this, what shall I worry about?‟ (Anowa : 10). Pour être précis, tant de parents traditionnels croient que la place de la femme, c‟est le foyer et que “se obaa to tuo a etwere barima dan mu” (si une femme achète un fusil, elle le garde chez l‟homme). (Notre traduction) Nous devons dire donc que même dans la société matriarcale, qui semble favoriser l‟intérêt féminin dans une certaine mesure, la femme n‟a pas tellement beaucoup d‟opportunités éducatives. Il faudrait, néanmoins, dire qu‟il y a eu des interventions gouvernementales depuis 1960 pour assurer qu‟il y ait accès facile à l‟éducation formelle. Pour ce faire, des subventions gouvernementales ont été introduites pour encourager l‟éducation des enfants ghanéens, surtout les filles. Les filles maintenant ont plus d‟opportunités par rapport au passé et qu‟un bon nombre d‟institutions donnent la priorité à la femme. 61 3.5 CONCLUSION Nous avons vu, au cours de ce chapitre, que le statut de la femme, selon Ama Ata Aidoo, n‟est point comparable à celui de l‟homme dans la société (matriarcale) où elle vit. Nous avons fait le constat selon lequel dans la société matriarcale traditionnelle, la femme semble être vouée au mariage comme certains gens croient que c‟est la loi naturelle ou le destin de la femme. Par conséquent, nous trouvons dans Anowa que la fille qui veut défier cette notion toute faite est empêchée par les normes et les conventions socioculturelles. L‟héroïne de notre ouvrage de référence, Anowa, a eu une telle difficulté. La notion selon laquelle la place de la femme est au foyer se manifeste aussi dans Anowa d‟Ama Ata Aidoo comme beaucoup de gens à Yebi sont de l‟avis que la femme n‟a rien à faire sur le plan de l‟éducation formelle. Dans le chapitre suivant, nous verrons comment Mariama Bâ décrit la condition de la femme dans la société sénégalaise, une société patriarcale musulmane. 62 CHAPITRE IV LA FEMME VUE PAR MARIAMA BÂ 4 .0 INTRODUCTION Ce chapitre examinera le féminisme à travers l‟œuvre de Mariama Bâ. Nous analyserons le statut de la femme dans la société sénégalaise qui est largement patriarcale et musulmane. Nous verrons les opportunités qui existent pour la femme et les défis auxquels elle doit faire face. 4.1 LE STATUT SOCIO-CULTUREL DE LA FEMME De nombreux féministes, surtout les féministes radicaux, s‟accordent à dire que la femme „souffre‟ beaucoup plus dans la société patriarcale que dans le système matriarcal. Comme nous l‟avons dit dans les chapitres précédents, il y a beaucoup de personnes aussi qui croient que ce monde est fait pour l‟homme et que malgré là où elle vit, la femme est toujours opprimée. Les paroles suivantes de Ramatoulaye résument tout ce que nous disons : « Instrument des uns, appâts pour d‟autres, respectées ou méprisées, souvent muselées, toutes les femmes ont presque le même destin que des religions ou des législations abusives ont cimenté » (Une si longue lettre : 129).Nous voyons, à travers ces mots, que Ramatoulaye est convaincue que le destin de la femme est de jouer un rôle secondaire par rapport à l‟homme. Ce n‟est pas Ramatoulaye seule qui croit ainsi mais aussi d‟autres personnes comme les vieilles femmes dans Voltaïque de Sembène Ousmane, « C‟est notre lot de femmes ! …. Les hommes sont nos maîtres après Dieu » (op. cit). 63 Suite à une observation faite de la société patriarcale, une conclusion a été tirée par les féministes radicaux qu‟il doit y avoir une „révolution‟ dans le système patriarcal pour reconnaître la femme en tant que partenaire de l‟homme et qui mérite l‟égalité, la paix et le développement. L‟argument de ceux qui veulent révolutionner le système patriarcal, c‟est que dans ce système, la descendance est tracée à travers la lignée du père et cela comprend toutes les relations paternelles, à savoir les oncles paternels, les tantes, les cousins ou cousines, les neveux ou les nièces et d‟autres membres qui tombent sur la lignée paternelle et il paraît que la femme ne compte pas, surtout la femme pauvre, ordinaire et illettrée. A ce moment, nous voulons voir la situation socioculturelle de la femme à travers les „lunettes‟ de Mariana Bâ et d‟autres écrivains d‟origine patriarcale. La toute première chose que nous voulons toucher est le mariage forcé. Nous avons constaté que la fille n‟a pas le droit de choisir son mari comme ceci semble être la prérogative des parents de la fille surtout son père et le consentement préalable de la fille concernée n‟est pas requise pour donner sa main en mariage. La seule condition qui doit être satisfaite est que cela convient aux parents et sert leur objectif. Par exemple, la main de la petite Nabou est donnée à Mawdo Bâ à l‟insu de celle-là. Les paroles suivantes de la Tante Nabou ce que nous disons. « Mon frère Farba t‟a donné la petite Nabou comme femme pour me remercier de la façon digne dont je l‟ai élevée. Si tu ne la prends pas comme épouse, je ne m‟en relèverai jamais. La honte tue plus que la maladie » (Une si longue lettre : 8). On voit ici que, que Nabou le veuille ou pas, elle doit respecter la décision, car elle n‟a pas de choix. Dans Sous l‟Orage de Seydou Badian, c‟est la même décision qui est prise 64 pour la jeune Kany qui était déjà amoureuse de Samou, « Kany, ton père et ses frères se sont réunis. Ils ont décidé que tu épouseras Famagan. Sache donc te conduire en conséquence » (Sous l‟orage : 71). L‟impression que nous avons, c‟est que la décision des parents est finale et aucune fille ne peut désobéir à leur ordre. C‟est la même expérience que subit Perpétue dans Perpétue ou l‟habitude de Malheur, choquée ou plutôt frustrée, elle crie, « Il faudra me consulter... » (Perpétue : 110). Elle n‟a aucune contribution à faire en ce qui concerne une décision très cruciale qui affecte sa propre vie, « …Elle dut assister impuissante, au bâclage de sa propre vie… » (Perpétue : 112). Dans Trois Prétendants…un Mari, Juliette l‟héroïne est furieuse, car on lui a choisi un mari à son insu, un mari qu‟elle n‟aime pas, « …conclu? Mais vous êtes donc bien décidés à ne faire aucun cas de moi en prenant des décisions qui me concernent… » (Trois Prétendants…un Mari : 58). A travers ces ouvrages, nous voyons que quand il s‟agit du choix d‟époux, le destin de la fille reste dans les mains de ses parents. Même si la fille en question proteste, elle ne sera pas écoutée, car il y en a qui croient que c‟est le destin de la femme et nulle ne peut y échapper, « Tu n‟as pas à pleurer, tu n‟es ni la première, ni la dernière » (Sous l‟orage : 72). Ceci est dit par une femme Mama Téné qui avait subi la même expérience et qui croit maintenant que c‟est normal pour sa fille d‟être traitée ainsi. Il est clair donc que, des fois, la femme peut être ennemi de la femme. 65 Notons que les filles concernées protestent quand elles constatent qu‟elles n‟ont pas été bien traitées. Par exemple, Kany dans Sous l‟Orage proteste contre la décision de ses parents, « Je n‟aime pas Famagan, Je n‟aime pas Famagan, …Je préfère mourir » (Sous l‟orage : 72). Mais qui l‟écoutera? Personne! Perpétue aussi ne voulait pas se marier et elle nous le fait savoir mais au lieu d‟écouter son opinion, sa mère même croit qu‟elle manque d‟égards, « T‟aviseras-tu donc de me désavouer, fille sans cœur…? » (Perpétue : 103). Une autre chose révélée dans ces ouvrages dans le cadre patriarcal, c‟est que la femme est chosifiée et que „marier sa fille à un prétendant est comparable à la vente d‟une marchandise quelconque ou un cadeau qu‟on donne pour remercier quelqu‟un d‟un service rendu. Par exemple, dans Une si longue lettre, nous trouvons que la main de la petite Nabou est donnée à Mawdo Bâ pour « remercier » Tante Nabou «… de la façon digne… » (p.48) dont la Tante Nabou l‟a élevée. Dans Sous l‟orage, nous trouvons un cas pareil. C‟est pour cette raison que le frère de Kany, enragé par ce phénomène, montre sa colère, « Vous agissez comme si Kany était non une personne, mais un vulgaire mouton » (Sous l‟orage : 54). Ce que cherchent les parents c‟est de l‟argent. Pour de nombreux parents, c‟est le moment de s‟enrichir et de s‟assurer qu‟à travers leurs filles, ils mènent une vie agréable qui leur a échappé, faute d‟argent. D‟autres aussi « vendent » leurs filles pour avoir assez d‟argent pour résoudre un problème, comme nous le voyons dans Perpétue de Mongo Béti, « …tu l‟as vendue en faisant des calculs en faveur de ton fils bien aimé… » (Perpétue : 46). Perpétue n‟a pas eu de chance étant donné le fait que son 66 grand-frère était prêt à se marier mais il n‟avait pas de sou. Elle devrait donc être sacrifiée pour lui. Ce que nous voyons, c‟est que comme les parents veulent s‟enrichir, la main de leur fille est donnée à n‟importe qui, sans tenir compte des sentiments de leur fille, « Pour vous ce qui compte c‟est ce que vous recevez » (Sous l‟orage : 54). Ces paroles du frère de Kany, la fille au centre ce mariage forcé montrent sa désapprobation de la „vente‟ de sa sœur au plus offrant. C‟est le plus offrant qui gagne souvent la fille, « …vous la livrez au plus offrant et vous ne vous souciez plus de savoir ce qu‟elle devient… » (Sous l‟orage : 54.). On se demande si avoir de l‟argent égale pouvoir vivre paisiblement avec une femme et entretenir un foyer s‟assurant que la femme ainsi que les enfants obtenus soient protégés contre tout danger interne ou externe. Nous voyons dans ces ouvrages qu‟une fois que ces hommes prétendants ramassent beaucoup d‟argent pour „acheter‟ ces femmes, ce qui suit est plus indésirable et c‟est la raison pour laquelle Anna Maria, a voulu laisser cette consigne avant sa mort, «...surtout ne vendez jamais vos sœurs ni vos filles. Car dès qu‟une enfant aura été échangée contre de l‟or qui pourra encore la sauver…… ? » (Perpétue : 71). Il y a des femmes qui perdent leur chère vie à cause des hommes « tigres » ou « lions » ou encore « serpent » avec qui elles vivent et c‟est ce que prévoit Samou, l‟amant secret de Kany lorsque les parents de celle-là décident de donner sa main en mariage à Famagan, « Kany reléguée au fond d‟une case, abrutie… brutalisée matin et soir… » (Sous l‟orage : 80). Il est normal de faire ce que l‟on veut avec une chose achetée et nous voyons dans ces ouvrages que concernant le mariage, tout ce qui brille n‟est pas or. 67 Dans Perpétue…, l‟auteur nous invite à témoigner du maltraitement qui a été le sort de l‟héroïne même au moment de sa grossesse, une condition très délicate pour toute femme, « Quant à sa troisième grossesse, celle qui devait lui être fatale, ta sœur l‟a vécue dans des conditions atroces: elle était non seulement séquestrée mais battue, par son mari… » (Perpétue : 81). C‟était cette grossesse qui a conduit Perpétue au tombeau. Ce qui est sûr, c‟est qu‟à cause de la grande somme versée, la femme est obligée d‟avoir un „gros ventre‟ pour s‟adapter à toute situation imprévue comme ni elle ni ses parents seront capables de rembourser l‟homme au cas où la femme ne veut plus rester au foyer familial. Nous voyons un cas pareil chez Yacine N‟Doye, l‟épouse de Souleymane lorsque N‟Doye veut quitter le mariage. Cependant son père a ce conseil pour elle, « Souviens-toi, ma fille, Souleymane a énormément fait de dépenses, et si tu le quittais…..il faudrait rembourser… J‟en suis incapable ». (Voltaïque : 148). Pour cette raison et le fait qu‟elles ne veulent pas de disgrâce pour leur famille, tant de femmes restent au foyer, malgré la situation à laquelle elles doivent faire face. Il faudrait ajouter que c‟est un petit nombre de femmes, comme Aissatou dans Une si longue lettre, qui décident de s‟en aller en dépit des inconvénients, « …Tu choisis la rupture, un aller sans retour, avec tes quatre fils… » (Une si longue lettre : 9). Ceci est rare, car un bon nombre de femmes tyrannisées au foyer citent les enfants comme la raison pour laquelle elles continuent de rester dans le mariage. La polygamie est l‟un des défis qui confrontent les femmes, selon Une si longue lettre de Mariama Bâ. Entretemps la polyandrie ne se voit pas dans l‟ouvrage car nous voyons que les deux femmes qui sont au centre de l‟histoire n‟ont point tenté d‟avoir, pour elles aussi, un deuxième époux lorsque Modou Fall et Mawdo Bâ prennent une autre femme. 68 Ce qui est pire, c‟est qu‟il y a même des hommes qui commencent à s‟engager dans des relations amoureuses extra maritales et annoncent cela plus tard sans considérer le choc qui peut en résulter, « Il n‟a fait qu‟épouser une deuxième femme, ce jour. Nous venons de la mosquée du Grand-Dakar où a eu lieu le mariage…. » (Une si longue lettre : 56). Cette nouvelle femme n‟est que Binetou, une jeune fille et amie de Daba, la fille de Modou Fall et Ramatoulaye qui fréquentait la maison pour visiter son amie Daba. Choquée, Ramatoulaye ne comprend pas la motivation de son mari, « Folie? Veulerie? Amour irrésistible? Quel bouleversement intérieur a égaré la conduite de Modou Fall pour épouser Binetou… » (Une si longue lettre : 22). Dans „Sous l‟Orage, nous voyons que Famagan, qui veut épouser Kany, a déjà deux femmes mais il n‟est pas encore satisfait et il en veut des autres. C‟est pourquoi l‟un des frères de Kany proteste en disant ceci : «… Notre sœur n‟aime pas Famagan…elle ne sera jamais heureuse avec lui, ….il a déjà deux femmes…. » (Sous l‟orage : 53). Il y a un cas pareil dans „Souleymane‟ où nous voyons Souleymane, un bilal de la mosquée qui avait déjà trois femmes et les tyrannisait et qui a épousé la jeune Yacine N‟Doye, « Déjà, il avait trois épouses … » (Voltaïque : 140). L‟observation faite jusqu‟ici c‟est que ce n‟est pas facile pour des femmes de vivre avec leurs coépouses et chacune aurait souhaité qu‟elle ait son propre mari à elle, « Pourquoi n‟en serait-il pas ainsi toujours pour toutes les femmes….Avoir un mari à soi….. »(Voltaïque : 48). C‟est ce que demandait Noumbé, victime de la polygamie qui est fatiguée et confuse. Une femme mariée doit satisfaire tous les besoins de son époux y compris le besoin sexuel. Noumbé a dû „quémander‟ pour ce besoin important. Dans une 69 telle situation, la femme est obligée de veiller à ce qu‟elle plaise à son mari, ce qui donne l‟impression d‟une relation entre un esclave et son maître ou patron. Une autre condition féminine relevée dans les ouvrages sélectionnés, c‟est que beaucoup d‟hommes après avoir épousé une nouvelle femme, les autres femmes anciennes deviennent presqu‟inutiles et l‟homme ne veut rien à avoir avec elles. Dans Une si longue lettre, Ramatoulaye nous parle de l‟expérience douloureuse de son amie Aïssatou, « Ton cas, Aïssatou, le cas de bien d‟autres femmes, méprisée, reléguées, dont on s‟est séparé comme d‟un boubou usé ou démodé » (Une si longue lettre : 62). La femme nouvellement épousée devient la plupart du temps la favorite du mari et les autres „anciennes épouses‟ se débrouillent pour être reconnues par leur mari, « Tu m‟avais volé des jours, parce que je suis plus vieille que toi. Maintenant une plus jeune que toi, me venge… » (Voltaïque : 63) Dans une telle situation, ce que de nombreuses femmes pensent, c‟est de divorcer, mais eles pensent aux enfants et où recommencer la nouvelle vie, et cela pose un défi que de nombreuses femmes n‟arrivent pas à surmonter. C‟est la situation dans laquelle Ramatoulaye se trouve, « Partir? Recommencer à zéro, après avoir vécu vingt-cinq ans avec un homme, après avoir mis au monde douze enfants » (Une si longue lettre : 60). Ces paroles prononcées par Ramatoulaye montrent qu‟elle n‟est pas contente que son mari, Modou Fall, ait épousé une deuxième femme et qu‟elle aurait aimé quitter le mariage. Son problème maintenant, c‟est où et comment commencer la nouvelle vie sans Modou Fall. 70 Etroitement lié à ce point, c‟est que la femme est chosifiée dans ces ouvrages. La tendance qui se voit, c‟est que l‟homme dit et fait tout pour avoir l‟amour de la femme et cette même personne qui avait versé tous les mots doux oublie complètement la promesse faite à la femme maintenant vue comme ennemie, « Et pourtant, que n‟a-t-il fait pour que je devienne sa femme! » (Une si longue lettre : 60). Ce qui se passe, c‟est que quand la femme la plus aimée jadis devient vieille et usée, l‟homme veut se débarrasser d‟elle pour en épouser une autre plus jeune et plus attirante, oubliant que les accouchements et les maltraitements sont la cause de leur vieillesse prématurée. Noumbé subit la même expérience dans Ses trois jours de Sembène Ousmane « Elle n‟était pas âgée, mais les maternités très rapprochées….l‟avaient prématurément vieillie… » (Voltaïque : 44). À cause de cette situation, Moustaphe qui a fait cinq enfants avec Noumbé, ne veut rien avoir avec elle et il est attaché à la plus jeune femme, plus jeune qu‟elle… « Noumbé se souvint bien que lorsqu‟elle était nouvellement mariée…Moustaphe ne restait pas un seul jour, sans venir la voir… » (Voltaïque : 60). L‟impression que nous avons ici c‟est que la femme est considérée comme „une chose‟ achetée, quand c‟est nouveau, on l‟admire et quand cela devient usé on la met dans la poubelle, « …En aimant une autre, il a brulé son passé … » (Une si longue lettre : 23). Un autre aspect féminin que nous voyons c‟est qu‟il y a une idée toute faite que la fille est vouée au mariage et ceci détruit la chance de la femme dans tous les aspects de la vie. 4.2 LA CHANCE EDUCATIVE DE LA FEMME Un autre aspect de la vie féminine que nous avons vu dans les ouvrages choisis c‟est qu‟il y a une idée toute faite bien enracinée dans la pensée traditionnelle que la femme 71 est vouée au mariage et la préoccupation numéro un de chaque femme, c‟est de se marier, « car la plus noble aspiration d‟une jeune fille est le foyer, un mari et des enfants: C‟est le plus grand bonheur. » (Sous l‟orage : 71). Dans Une si longue lettre, nous voyons que Ramatoulaye regrette d‟avoir ratée à l‟école et nous le fait savoir, « Aissatou, je n‟oublierai jamais la femme blanche qui, la première voulu pour nous un destin « hors du commun » » (Une si longue lettre : 27). A travers ces paroles de Ramatoulaye, on peut inférer que si elle avait été à l‟école, elle ne se trouverait pas dans sa présente situation malheureuse. C‟est-à-dire qu‟elle reconnaît le fait que l‟éducation peut jouer un rôle pertinent dans l‟émancipation de la femme. Ses paroles suivantes expliquent que c‟est l‟éducation seule qui peut donner à la femme un statut différent de celui prescrit par la société traditionnelle qui ne la favorise pas dans sa mission émancipatrice, « Nous étions de véritables sœurs destinées à la même mission émancipatrice. Nous sortir de l‟enlisement des traditions, superstitions et mœurs ; nous faire apprécier de multiples civilisations sans reniement de la nôtre; élever notre vision du monde, cultiver notre personnalités, renforcer nos qualités, mater nos défauts; faire fructifier en nous les valeurs de la morale universelle… » (Une si longue lettre : 27-28). Malheureusement, la femme n‟a pas d‟accès facile à l‟éducation car beaucoup de gens, y compris la mère de Mawdo Ba, croient que cette éducation a un mauvais effet sur elle. Comme le mariage constitue une vie accomplie, il paraît que beaucoup de parents traditionnels considèrent qu‟envoyer la fille à l‟école est un gaspillage de temps et d‟argent, car, après tout, elle va se marier, comme son destin le dicte. Par exemple, dans Perpétue, nous voyons que la mère de l‟héroïne, Maria, croit que l‟école n‟a aucune 72 importance pour la femme et lorsque Perpétue, très sérieuse et souhaitant être infirmière ou médecin dans le futur s‟attache aux études, Maria devient très énervée, « ….Cette fillette me navre avec ses livres, son école… » (Perpétue : 97). Il n‟est donc pas surprenant qu‟elle est allée à l‟école pour lui annoncer son mariage. Quand Perpétue dit à sa mère de lui donner un peu de temps pour faire ses études jusqu‟à un certain niveau, sa mère croit que Perpétue est un diable qui veut rater sa chance de s‟enrichir et d‟aider son propre frère financièrement à se marier. Pour elle, Perpétue n‟a pas besoin de cette éducation dont elle parle comme on le voit dans les paroles suivantes, « Toi, une femme? Parler d‟examen quand on te propose un mari, et quel mari » (op.cit.). La pensée de cette catégorie de personnes, c‟est que depuis la nuit des temps, la place de la femme c‟est au foyer. En fait, une qualité importante que cherchent beaucoup d‟hommes, surtout l‟homme traditionnel africain, c‟est la docilité de sa femme qui est un signe de respect pour ces personnes, « …la qualité première d‟une femme est la docilité… » (Une si longue lettre : 47). Notons ici que de nombreuses personnes qui n‟ont pas reçu l‟éducation formelle croient que l‟école pour la femme est un ennemi de la société traditionnelle, car quand la fille fréquente l‟école, elle ne se laisse plus manipuler par qui que ce soit, « Fadiga le muezzin….disait…que l‟école était l‟ennemie de la famille…... » (Sous l‟orage : 22). L‟impression créée, ici c‟est que l‟éducation rend la femme indépendante, une femme qui fait ce qu‟elle veut, mais pas ce que la société impose sur elle et ceci est perçu comme une révolution contre la norme ou la domination masculine bien enracinée dans la société traditionnelle africaine, « …les filles qui fréquentent ce milieu cherchent à tout résoudre par elles mêmes et…vont jusqu‟à vouloir se choisir un mari… » (Ibid.). 73 L‟idée générale dans les œuvres étudiées c‟est que l‟école n‟est pas bonne pour les filles, car il y a la croyance que l‟école à la tendance de changer la fille qui aurait été docile, conciliante, tolérante montrant leur “féminité”. Par exemple, Fadigan croit que « L‟école transforme nos filles en diablesses, qui détournent les hommes du droit chemin… » (Sous l‟orage : 30). Pour éviter tous ces problèmes qui mettent en disgrâce la famille de la fille qui y fréquente, il y en a qui ne souhaitent pas que leurs filles aillent à l‟école, « Ma fille à moi ne verra jamais les portes de ce lieu…. » (Sous l‟orage : 22). 4.3 LE POUVOIR POLITIQUE DE LA FEMME Une si longue lettre et d‟autres ouvrages que nous avons lus montrent, dans une large mesure, que la femme n‟a presque pas de voix dans le système patriarcal et comme l‟étymologie du mot „patriarcat‟ l‟indique, les hommes s‟imposent et règnent sur la femme au foyer et au niveau politique aussi, « Les contraintes sociales les bousculent toujours et l‟égoïsme mâle résiste » (Une si longue lettre : 129). Il y a la croyance que quand il s‟agit de la prise de décision, ce sont les hommes qui ont cette responsabilité, mais pas les femmes, même si cela les concerne. Ce que dit Abessolo illustre ce point, « ….Depuis quand est-ce que les femmes parlent à Mvoutessi? » (Trois prétendants… un mari : 28). Ce qu‟il faut ajouter, à ce point, c‟est que la décision que la famille de Juliette prenait concernait la vie même de celle-ci mais on lui dit de se taire, car les femmes doivent fermer la bouche quand les hommes parlent. 74 La notion inculquée dans l‟enfant femelle dès le début, c‟est que la femme n‟est rien devant l‟homme, surtout son mari, « …c‟est ton père qui décide: auprès de lui, nous ne sommes rien, ni toi ni moi » (Sous l‟orage : 75). Ici, la mère de Kany, Maman Téné admet que son mari, le père Benfa, est le patron, et c‟est ce qu‟il dit qui a du poids. En fait, il paraît que l‟homme est adoré par la femme comme les fidèles adorent le Seigneur. Ce n‟est donc pas de la nouvelle lorsque les vieilles femmes dans Souleymane, une histoire en Voltaïque croient que les hommes sont les maîtres des femmes, « …les hommes sont nos maîtres, après Dieu… » (Voltaïque : 141). Il n‟y a aucun doute qu‟il est rare de trouver un maître qui prend une décision importante avec son serviteur. Si la femme est reléguée à ce niveau, comment aura-t-elle le courage requis pour lutter afin d‟avoir le pouvoir ? Ceci explique pourquoi parmi de nombreux pays africains, il y en a deux seulement qui ont eu une femme comme leader, comme on l‟a dit plus haut. Cette tendance gène beaucoup de personnes qui croient que la femme doit nécessairement être bien représentée au niveau où les décisions cruciales qui touchent la vie de tout le monde dont la femme sont prises, «… presque vingt ans d‟indépendance. A quand la première femme ministre associée aux décisions qui orientent le devenir de notre pays… ? » (Une si longue lettre : 90). Daouda, le politicien se référait à la politique sénégalaise à cette époque, mais malheureusement, le Sénégal n‟a pas encore eu une femme comme première ministre ou présidente. Sur le plan politique, Dieng croit que, « La femme ne doit plus être l‟accessoire qui orne… La femme est la racine première, fondamentale de toute nation…» (Une si longue lettre : 90). On a l‟impression, après notre lecture d‟Une si longue lettre et d‟autres ouvrages sélectionnés, que beaucoup reste à faire concernant l‟intégration des femmes au niveau 75 politique ou au niveau de la prise de décision, car on n‟est mieux servi que par soimême. 4.4 LE POUVOIR ECONOMIQUE DE LA FEMME Notre lecture dans des ouvrages tels qu‟Une si longue lettre et Un chant écarlate de Mariama Bâ, Sous l‟Orage de Seydou Badian, parmi d‟autres, nous a montré que la domination économique de l‟homme est l‟une des causes de la domination masculine. En 2007, un document de l‟Organisation des Nations Unies parlant des objectifs du Millénaire pour le développement à propos de l‟Afrique a révélé que, « ….la proportion de femmes qui gagnent un salaire en dehors de la culture agraire ne dépassait toujours pas le tiers de la population féminine en 2005… »42. Ceci arrive parce qu‟il y a une mauvaise orientation dans la société selon laquelle c‟est la responsabilité de l‟homme de fournir les besoins financiers du foyer. Ainsi, il paraît que mêmes les institutions d‟embauche ne sont pas bien conditionnées pour engager les femmes. D‟autres employeurs, des fois, demandent la faveur sexuelle des femmes avant de les embaucher. Selon Tanella Boni, la plupart du temps, les femmes sont utilisées pour « servir à attirer des financements ou sont mises à contribution pour l‟accomplissement de tâches pratiques que les hommes ont du mal à assumer » (De la Domination Masculine : 2). Une fois l‟objectif atteint, elle est mise à l‟écart comme si elle n‟était pas capable de gérer les affaires. 42 http://www.undp.org/content/undp/en/home/ourwork/povertyreduction/overview.htm 76 Il semble que la société oublie que la prouesse économique de la femme se voit à la maison et que ceci devrait être assez de preuve pour mettre en évidence que la femme est aussi économiquement douée, « ….Gérer l‟argent du budget familial nécessite souplesse, vigilance et prudence dans la gymnastique financière… ». (Une si longue lettre : 86). Mariama Bâ veut nous dire, à travers Ramatoulaye, que la femme est aussi financièrement capable que l‟homme. La raison pour laquelle la femme mérite d‟être intégrée au secteur économique, c‟est qu‟elle a un rôle important à jouer au foyer, surtout en l‟absence de son mari. Par exemple, la tante Nabou, mère de Mawdo Bâ, a pu fournir les besoins des enfants après le décès de son mari car elle travaillait, « Elle perdit tôt un mari cher, éleva courageusement son aîné Mawdo… » (Une si longue lettre : 42). 4.5 CONCLUSION PARTIELLE A travers ce chapitre, nous avons vu que la société patriarcale privilégie l‟homme et que la condition de la femme est pire ici. Ce qui empire la condition féminine dans ce système est que la femme est presqu‟une propriété de l‟homme et il peut faire d‟elle ce qu‟il veut. Par exemple, Tamsir le frère de Modou Fall veut épouser Ramatoulaye, la femme de son frère défunt car il croit que celle-ci est leur « propriété » même en l‟absence de son mari. Nous avons constaté aussi que la femme vivant dans une communauté patriarcale n‟a aucun droit politique, ni à l‟éducation formelle .Elle est désavantagée sur le plan économique et doit donc dépendre de l‟homme pour sa survie. 77 CHAPITRE V CONVERGENCES ET DIVERGENCES 5.0 INTRODUCTION Dans notre analyse d‟Une si longue lettre et d‟Anowa, nous trouvons que l‟image de la femme sénégalaise donnée par Mariama Bâ n‟est pas tellement différente de celle donnée par Ama Ata Aidoo de la femme akan. Néanmoins, nous trouvons certaines différences qui existent entre ces femmes. C‟est ce que nous allons discuter à ce point. 5.1. CONVERGENCES 5.1.0 LA SITUATION SOCIO-CULTURELLE Pour commencer, nous voulons dire que les ouvrages que nous avons consultés nous ont montré que l‟homme est plus estimé que la femme partout dans le monde et que le petit nombre de femmes bien positionnées dans la société ne veut point dire que la femme est égale à l‟homme, surtout en Afrique, en Asie et en Amérique Latine, particulièrement dans les zones rurales de ces continents. Selon les ouvrages d‟Ama Ata Aidoo et de Mariama Bâ, que nous avons étudiés, nous trouvons que soit dans la société matriarcale ou patriarcale, le mariage est une chose très exigée et qu‟il occupe un niveau très important dans les deux sociétés. La parole suivante de Badua, la mère d‟Anowa illustre ce que nous disons : « Toute femme serait concernée si sa fille refusait de se marier six ans après sa puberté » (Anowa : 10) (Notre traduction). Ceci montre la frustration de Badua lorsque sa fille, Anowa, remet son mariage à plus tard. Elle (Badua) croit qu‟en tant que fille, son destin est de se marier et d‟avoir des enfants, «Je veux que ma fille soit un être humain …qu‟elle se marie à un 78 homme…qu‟elle mette au monde des enfants…beaucoup d‟enfants... » (Anowa : 12) (Notre traduction). Nous constatons qu‟il y a des cas pareils dans Une Si Longue Lettre de Mariama Bâ. Tante Nabou est fière d‟annoncer à Mawdo Bâ que son frère lui a donné la main de la petite Nabou, « Mon frère Farba t‟a donné la petite Nabou comme femme…. » (Une si longue lettre : 48-49). Dans le même ouvrage, nous voyons que la mère de Binetou joue un rôle remarquable au sujet du mariage entre sa fille et Modou Fall et Binetou, amie de Daba et coépouse de Ramatoulaye. Ce qu‟Ama Ata Aidoo et Mariama Bâ veulent nous dire, à travers ces personnages, c‟est que dans les deux systèmes patriarcal et matriarcal, chaque femme est vouée au mariage. Autrement dit, le mariage est perçu comme étant le destin de la femme. Ce que nous considérons gênant, c‟est que l‟intérêt de la fille n‟est pas considéré, comme nous l‟avons discuté dans les chapitres précédents. Par exemple, dans Une Si Longue Lettre, Farba et Tante Nabou n‟ont point considéré ce que voulait la petite Nabou quand ils donnaient sa main en mariage à Modou Fall. Dans Sous l‟Orage, nous voyons que l‟avis que le mariage occupe la place numéro un pour la femme est partagé par Maman Téné et son mari, le Père Benfa, « Car la plus noble aspiration d‟une jeune fille est le foyer, un mari et des enfants….. » (Sous l‟orage : 72). Dans Perpétue Maria, la mère de l‟héroïne Perpétue, croit que, « Chaque femme est vouée au mariage, c‟est la loi naturelle et nul n‟y peut rien » (Perpétue : 44). Cette observation montre, dans une certaine mesure, qu‟il y a la croyance selon laquelle c‟est 79 Dieu même qui a ordonné cela pour la femme, « Je jure qu‟en mariant Perpétue, je n‟ai consulté que son bonheur et la loi de Dieu », (Perpétue : 44). Il paraît que, dans le monde entier et en Afrique en particulier, toute femme qui a atteint l‟âge de mariage et reste toujours célibataire est censée être irresponsable et bonne à rien. Une autre caractéristique commune dans les systèmes matriarcal et patriarcal, selon nos ouvrages de référence, Une si longue lettre de Mariama Bâ et Anowa d‟Ama Ata Aidoo, est la polygamie. Nous voyons qu‟elle est bien enracinée dans la société traditionnelle africaine et aussi en Islam, or la polyandrie est interdite dans beaucoup de pays, surtout dans les sociétés africaines. Par exemple, dans Une Si Longue Lettre de Mariama Bâ, nous voyons que la polygamie est une chose très normale. C‟est la raison pour laquelle Tamsir, le frère de Modou Fall, croît que ce n‟est pas de la nouvelle si son frère prend une deuxième épouse, Binetou. Après le décès de son frère Modou Fall, Tamsir qui a déjà des épouses demande la main de Ramatoulaye, « Après ta sortie…. je t‟épouse » (Une si longue lettre : 85). Ramatoulaye qui sait que Tamsir a déjà assez de femmes donc lui demande ceci : «Et tes femmes, Tamsir ? »(Ibid.). Tout ceci montre que la polygamie fait partie de la société patriarcale traditionnelle. Dans Anowa d‟Ama Ata Aidoo, nous trouvons que dans la société matriarcale aussi la polygamie est acceptée. Par exemple, c‟est Anowa même qui conseille à son mari, Kofi Ako, de prendre une deuxième épouse. « Why don‟t you want to marry another woman ? (Pourquoi est-ce que tu ne veux pas épouser une autre femme ? (Anowa :24.). En plus 80 de cela, c‟est elle qui propose de chercher une femme pour son mari : « I could find a good one too » (Je pourrais te trouver une bonne femme aussi) (ibid.) Dans The Marriage of Anansena d‟Efua T. Sutherland, nous voyons qu‟il y avait trois prétendants voulant épouser, Anansewa : Chief of Sapaase, Chief Who-Is-Chief, et Togbe Klu mais tous ces chefs ne pouvaient point l‟épouser comme il est anormal dans le contexte ghanéen pour une femme de se marier avec plus d‟un mari. Dans „Trois Prétendants…..un mari‟ de Guillaume Oyônô Mbia, nous voyons un cas pareil. Il y a également trois prétendants qui cherchent la main de Juliette : Mbia, Tchetgen et Oko, mais elle ne peut épouser qu‟un. Voilà pourquoi la famille de Juliette, surtout ses parents, Atangana et Makrita, se trouvent dans l‟embarras lorsqu‟ils ont la responsabilité de donner la main de leur fille en mariage. S‟il était possible pour Anansewa ou Juliette de se marier avec tous ces prétendants, elles l‟auraient fait, mais c‟était impossible. Ceci nous dit que la polyandrie n‟est pas acceptée dans le contexte socio-culturel ghanéen, africain et presque mondial, sauf chez les Na qui habitent à la côte de Malabar et les habitants de Tibet, toujours en Chine, et peut-être quelques autres habitants. Comme nous l‟avons déjà évoqué, la polygamie semble être l‟enfer surtout pour les anciennes épouses dans soit le système matriarcal ou le système patriarcal. Par exemple, dans L‟argent ne fait pas le bonheur de Margaret Kwakwa, Adoma, la femme aînée de Monsieur Kyewu (Polygame) croit qu‟elle ne plaît plus à son mari à cause de l‟arrivée d‟une jeune rivale, Saaba, qui est la cinquième épouse de cet homme, « …Tu ne m‟aimes plus. Depuis l‟arrivée de cette fille je ne suis plus rien à la maison….. » (L‟argent ne fait pas le bonheur : 17). 81 Dans Ses trois jours dans Voltaïque de Sembène Ousmane, Noumbé qui vieillit à cause des maternités rapprochées et une maladie de cœur est rejetée par son mari quand celuici épouse une autre femme. Dans Une si longue lettre de Mariama Bâ, nous voyons aussi que Modou Fall, après avoir épousé Binetou, une jeune fille, a oublié complètement Ramatoulaye, son ancienne épouse, « ….En aimant une autre, il a brulé son passé moralement et matériellement… » (Une si longue lettre : 23). Ce qui est incompréhensible est que dans de nombreux cas, l‟homme polygame n‟a pas ce qu‟il lui faut pour épouser plusieurs femmes, mais il le fait quand même. On aurait espéré que ces hommes considèrent, d‟abord, leurs capacités financières avant de prendre cette décision, mais il paraît que ceci n‟est pas pris en considération. Par exemple, dans Perpétue de Mongo Béti, Edouard, l‟époux de l‟héroïne avait une grande difficulté de fournir les besoins financiers de sa famille, mais cela ne l‟a pas empêché de vouloir avoir une deuxième épouse, Sophie. « Perpétue avait mis longtemps à découvrir que le salaire mensuel de son mari n‟atteignait pas le chiffre de vingt mille francs… » (Perpétue : 145). A part la difficulté financière et d‟autres problèmes émotionnels, il y a aussi le défi de rivalité à cause de la polygamie. Ce que nous avons observé des œuvres littéraires que nous avons lues c‟est que la plupart du temps, c‟est la plus „nouvelle femme‟ qui „possède le „cœur‟ du mari et il y a toujours des querelles entre les coépouses des fois, „les autres‟ contre la nouvelle arrivée, « ….Troisième épouse elle devait faire front à l‟unité de combat et de défense de ses coépouses… » (Perpétue : 145). Dans un tel environnement, il devient très difficile pour 82 les coépouses de cohabiter, certaines mêmes se battent. C‟est à cause de cette mauvaise expérience qu‟Anna-Maria dans Perpétue a conseillé à Perpétue et à Sophie de ne pas se laisser manipuler par un homme, « Tiens c‟est comme Perpétue et toi. Pourquoi accepter qu‟on vous excite l‟une contre l‟autre ? Etes-vous deux chiennes ? N‟est-il pas temps que vous fassiez alliance... ? » (Perpétue : 186). Nous avons vu, dans les ouvrages sélectionnés, que dans les deux systèmes matriarcal et patriarcal, les parents d‟une fille veulent beaucoup profiter de l‟occasion de son mariage pour avoir de l‟argent. Ce qui est gênant, c‟est que, des fois, la fille n‟éprouve aucun sentiment quelconque pour l‟homme à qui on donne sa main. Par exemple, George Kwaku Ananse dans „The Mariage of Anansewa‟ donne la main de sa fille en mariage à un chef à l‟insu d‟Anansewa dont la vie est en jeu. Et très choquée, Anansewa s‟exclame : « Qu‟est-ce que tu m‟as fait, eh ? Qui a parlé de moi à ces vieux chefs? M‟ont-ils jamais vue?” (The marriage of Anansewa : 19) (Notre traduction). Anansewa trouve que c‟est à cause de l‟argent que son père la traite ainsi. Déçue, elle crie, « Oh, mon père est en train de me vendre, il me vend » (ibid.) (notre traduction). Nous avons trouvé qu‟aux yeux d‟Ama Ata Aidoo et de Mariama Bâ, la femme n‟est pas égale à l‟homme sur le plan socio-culturel. 5.1.1 LA CHANCE EDUCATIVE DE LA FEMME Nous avons déjà parlé de l‟éducation formelle dans la mission émancipatrice et égalitaire des féministes. Ce que nous avons découvert c‟est qu‟aucune prime n‟est mise sur l‟éducation formelle de la femme comme on le fait pour les garçons. Il n‟est donc 83 pas tellement surprenant que le nombre de femmes ou de filles dans nos institutions, surtout en Afrique et dans les pays moins développés n‟est pas égal à celui des hommes. Comme nous l‟avons déjà dit dans les chapitres précédents, il y a la fausse impression selon laquelle chaque femme est vouée au mariage et c‟est le destin naturel de la femme. A cause de cette notion, beaucoup de gens croient que l‟éducation formelle pour la femelle est une perte de temps et de ressources comme cette éducation n‟aboutira à rien en fin de compte. Dans The Girl who Can d‟Ama Ata Aidoo, nous voyons que Nana est vivement opposée à l‟éducation formelle pour la jeune fille, « Nana était de l‟avis que ça serait une perte de temps…» (The Girl Who Can : 31) (Notre traduction). Cette pensée est basée sur le fait qu‟en Afrique et au Ghana, particulièrement parmi les Akan, il n‟y a rien de surprenant pour un homme „professeur en lettres‟ ou „docteur‟ ou „licencié‟ de se marier à une femme qui n‟a jamais mis pied à l‟école. Entre temps, la société le trouve bizarre et choquant si une femme bien instruite se marie à un homme analphabète. Ceci constitue une démotivation pour la femme d‟aspirer d‟étudier à un niveau avancé. Comme nous l‟avons dit, l‟une des raisons pour lesquelles bien des personnes, dans le contexte socio-traditionnel, ne veulent pas que la femelle fréquente l‟école, c‟est qu‟il y a la croyance que la fille instruite ne reste plus docile, une qualité positive aux yeux de la société traditionnelle. La frustration de Maman Téné clarifie ce point; « Ma fille est à l‟école. Elle a appris à voir les choses par elle-même…. » (Sous l‟orage : 46). 84 Ceci est vu comme une sorte de révolte contre la norme. C‟est ainsi que l‟école gâte la société, « ...Fadiga...disait que l‟école était l‟ennemie de la famille… » (Sous l‟orage : 22). Quant au muezzin, Fadiga, dans Sous l‟orage de Seydou Badian, les femmes qui fréquentent l‟école n‟acceptent pas qu‟on leur dicte ce qu‟elles doivent faire et il trouve ceci regrettable. Fadiga sait ce qu‟il doit faire pour éviter cette situation ; « Ma fille à moi ne verra jamais les portes de ce lieu…. » (op.cit). Ce que nous devons ajouter à ce point, c‟est qu‟il paraît que ceux qui envoient leurs enfants femelles à l‟école ont un objectif caché: pour qu‟elle „coûte‟ plus cher que d‟habitude quand on donnera sa main en mariage, comme nous le voyons dans les paroles suivantes d‟Atangana, le père de Juliette dans Trois prétendants… un mari ; « ….C‟est que Juliette a été au collège, et ça coûte chère…. » (Trois prétendants… un mari : 129). Dans „Perpétue ou l‟Habitude de Malheur, la mère de l‟héroïne, Maria, croit que l‟éducation n‟est pas utile pour sa fille, Perpétue. Voilà pourquoi elle est allée appeler sa fille à l‟école pour donner sa main à Edouard qui a fini par la tuer indirectement. Ce que nous avons relevé montre, dans une large mesure, que la société traditionnelle ne valorise pas énormément l‟éducation formelle pour la femme. Si c‟est à l‟homme, c‟est nécessaire. Il faudrait, néanmoins, dire qu‟avec le modernisme et la mondialisation, les choses commencent à changer, ce qui fait qu‟actuellement il y a bon nombre de femmes qui 85 sont allées à l‟université. Mais il est important de dire que la notion selon laquelle ça ne vaut pas la peine d‟éduquer la femme persiste toujours dans la société traditionnelle africaine. . 5.1.2 L’OCCASION POLITIQUE POUR LA FEMME Nous avons vu dans Une si longue lettre et Anowa que dans les systèmes matriarcal et patriarcal, l‟homme a plus de pouvoir que la femme. Dans la recherche des moyens de promotion de l‟émancipation de la femme sur l‟échelle mondiale et particulièrement en Afrique, l‟importance d‟avoir des femmes compétentes au niveau de la prise de décisions à tout niveau ne peut pas être sous-estimée. Il est fort possible que telles femmes puissent aider à initier et à mettre en vigueur des programmes et des activités qui amélioreraient le statut de la femme, ce qui encouragerait beaucoup plus de femmes en ce qui concerne le développement du monde entier et leurs pays respectifs en particulier. Ces femmes assureront que les politiques, les projets et les programmes des gouvernements soient structurés en prenant en considération la femme, qui constitue la majorité en termes de nombre, dans bien des pays, dont le Ghana. La possibilité d‟incorporer l‟intérêt de la femme dans le plan national est mince si elle est mal représentée ; « Si les hommes seuls militent dans les partis, pourquoi songeraient-ils aux femmes.. ? (Une si longue lettre : 90-91). C‟est la question posée par Daouda Dieng, politicien et ancien amant de Ramatoulaye. La femme a été sous-estimée à tel point que quelques-uns croient qu‟il n‟est pas bon qu‟elle se présente en public même. Cet avis est partagé par le père Benfa dans Sous l‟orage ; « Le père Benfa riait de bon cœur lorsqu‟on lui disait que les Blancs aimaient se promener avec leur femme » (Sous 86 l‟orage : 26). Ce qui est sûr, c‟est que ceci n‟est pas limité à la société patriarcale, car parmi les Akan du Ghana, une société matriarcale, il y a des proverbes et des adages qui illustrent ce point. Il y a, par exemple, ce proverbe : « akoko bedee nim adekyee nso otwen akokonini…. »,43 qui signifie que la femme doit se taire quand les hommes parlent, car le droit de prendre une décision familiale est la prérogative de l‟homme. Nous avons trouvé dans les ouvrages sélectionnés que dans les deux systèmes, la docilité, est perçue comme une vertu de la femme ; « ...que la qualité première d‟une femme est la docilité… » (Une si longue lettre : 47). On n‟est donc pas surpris d‟entendre Badua, la mère d‟Anowa conseiller à sa fille de se conduire comme une femme, «… une bonne femme n‟a ni un cerveau ni une bouche… » (Anowa : 33). (Notre traduction) Dans le foyer, tant d‟hommes se considèrent tout savants et veulent que tout ce qu‟ils disent soit pris en considération. Ceci est le défi d‟Anowa dans Anowa, « …ce que je n‟arrive pas à comprendre, Kofi, c‟est pourquoi tu veux toujours que les choses se fassent de ta manière. » (Anowa : 53) (Notre traduction). Toute femme qui défie cette règle établie est ridiculisée et Anowa qui remet cette situation en cause est appelée sorcière par son propre mari, Kofi Ako ; « Tout le monde disait que tu étais sorcière et il a fallu les croire » (Anowa : 60) (Notre traduction). Dans une maison traditionnelle typique des Ashanti, par exemple, une femme doit sortir quand son mari est en train de prendre une décision importante soit avec un collègue ou un membre de famille. Un homme qui décide d‟engager son épouse est considéré comme imbécile et un homme qui n‟est pas indépendant. Ce que dit la vieille dame à 43 La poule sait la tombée du jour mais elle attend le coq pour l‟annoncer 87 Kofi Ako et à Anowa explique cette pratique, « L‟homme le plus bête est meilleur qu‟une femme » (Anowa : 42). (Notre traduction) Ce qui n‟est pas désirable, c‟est que cette pensée est portée à l‟échelle nationale et internationale, ce qui explique pourquoi il y a si peu de femmes prêtes à s‟offrir aux fonctions publiques. Celles qui se présentent ne sont pas facilement élues, même si elles ont la même compétence que les hommes. C‟est cette observation que fait Daouda Dieng, «…. mais dans un parti politique, il est rare que la femme ait la percée facile » (Une si longue lettre : 107). Ceci explique la marginalisation de la femme au foyer et au niveau national. 5.1.3 LE POUVOIR ECONOMIQUE DE LA FEMME Comme nous l‟avons déjà dit, bon nombre de personnes, dont Florence Abena Dolphyne, croient que l‟indépendance financière de la femme est un outil crucial pour la libérer de la domination masculine. Il y a l‟impression que l‟homme a ce qu‟il faut pour entrer dans le monde compétitif du travail qui exige tant de responsabilités, une qualité qui, selon eux, manque à la femme. Il y a également la notion que c‟est l‟homme qui a la tâche de fournir les besoins familiaux et d‟autres et la femme doit dépendre de l‟homme pour sa survie. La femme peut aider à l‟accomplissement de cette tâche, si elle le veut, mais elle n‟est pas obligée de le faire. Il n‟est donc pas étonnant que dans de nombreuses sociétés, surtout en Afrique, si un couple a des difficultés financières, c‟est l‟homme qui est accusé et pas la femme, comme Perpétue accusait Edouard, son mari pour leur difficultés financières, 88 On voit qu‟il y a tant de discrimination contre la femme et c‟est à cause de toutes ces choses que Daouda Dieng dit, « Quand la société éduquée arrivera-t-elle à se déterminer non en fonction du sexe, mais des critères de valeur ? ». (Une si longue lettre : 91). Daouda Dieng, croit que la femme a une contribution à rendre à la société, tout comme l‟homme, et que l‟on doit lui donner cette chance. Ce que dit Daouda Dieng se voit chez beaucoup d‟employeurs. Ils préfèreraient embaucher un homme qu‟embaucher une femme même s‟ils ont la même compétence et la même expérience. Il est important de souligner que pas mal de femmes sont bien positionnées dans nos sociétés, soit patriarcale ou matriarcale, mais beaucoup reste à faire. Il faudrait dire que la domination de la femme par l‟homme ne connaît pas de frontières géographiques, mais se trouve presque partout. Voici comment Mariama Bâ décrit le phénomène de la marginalisation de la femme partout dans le monde: « Instruments des uns, appâts pour d‟autres, respectées ou méprisées, souvent muselées, toutes les femmes ont presque le même destin que des religions et des législations abusives ont cimenté » (Une si longue lettre : 20). 5.2. DIVERGENCES Nous avons déjà dit que les ouvrages et d‟autres documents consultés ont montré largement que la femme n‟a pas assez de pouvoir partout dans le monde par rapport à l‟homme. Néanmoins, il importe de dire que la société dans laquelle vit la femme joue un rôle capital concernant la perception formée par la société en question à l‟égard de la 89 femme. On voit que les systèmes matriarcal et patriarcal ont certaines caractéristiques qui leur sont particulières. Nous avons également dit dans les chapitres précédents que dans le système patriarcal, la descendance est tracée à travers la lignée patrilinéaire, c'est-à-dire que les oncles, les tantes, les cousins et cousines, les neveux, les nièces et d‟autres du côté paternel alors que dans le système matriarcal, la descendance est tracée à travers la lignée matrilinéaire, ce qui donne à la femme une certaine mesure de reconnaissance. Être donc mère de famille dans un contexte matriarcal a plus de valeur qu‟être père de famille. Par exemple, dans le système matriarcal traditionnel tel qu‟il est pratiqué par les Akans du Ghana, les enfants appartiennent à leurs mères. Malgré tous les investissements que le père aurait fait pour les éduquer, les protéger ou pour assurer leur avenir, lorsque le père meurt, il est succédé, non par ses enfants, mais par les enfants de sa sœur, car il est supposé que seule la femme connaît au juste le père de son enfant. Autrement dit, le mari qui prétend être le père de l‟enfant pourrait se tromper au cas où la femme aurait été infidèle. Par contre, dans la société qui pratique le patriarcat, comme, par exemple, la société dagati du nord du Ghana, le père est tout-puissant étant le propriétaire des enfants aussi bien que leur maman. En effet, lorsque le mari voyage, il pourrait être succédé par son frère dans tous les domaines jusqu'à ce que celui-ci revienne. En cas du décès du mari, son frère a le droit d‟épouser sa femme. Une autre différence qui existe entre les deux systèmes pour la femme est que dans le système patriarcal, la femme devient une sorte de propriété de l‟homme qui l‟épouse. 90 Elle devient donc membre de la famille de son époux. Dans Une Si longue lettre, nous voyons qu‟après la mort de Modou, c‟est sa famille qui se charge de ses deux femmes Ramatoulaye et Binetou, « Elles ont cotisé l‟exorbitante somme de deux cent mille francs pour nous « habiller » (Une si longue lettre : 15). Ceci nous dit que la femme après son mariage dans le contexte patriarcal, n‟appartient plus à sa famille biologique. Ceci explique pourquoi la dot payée dans le système patriarcal est plus élevée par rapport au système matriarcal. Nous avons vu que donner la main de sa fille dans un système patriarcal peut être comparé à la vente d‟une marchandise quelconque. Juliette dit à ce propos : « Est-ce que l‟argent est une preuve d‟amour ?… » (Trois prétendants…un mari : 77). Ce qui pousse la famille à faire ceci est qu‟une fois mariée, la fille ne leur appartient plus et l‟homme qui veut l‟épouser doit payer une sorte de récompense à la famille de la femme. Le danger que cette situation présente, c‟est qu‟il devient difficile pour la femme de quitter un mari qu‟elle n‟aime pas, un foyer où elle est maltraitée. Par exemple, dans Perpétue ou l‟habitude de malheur, l‟héroïne était maltraitée par son mari, Edouard, au point de mourir, mais sa mère ne pouvait point intervenir, car Edouard l‟avait littéralement achetée. C‟est à cause de cette situation triste qu‟Amougou donne le conseil suivant ; « Surtout ne vendez jamais vos sœurs ni vos filles. Car, dès qu‟une enfant aura été échangée contre de l‟or qui pourra encore la sauver, s‟il faut la sauver ? » (Perpétue : 72) Encore, dans Souleymane, le Vieux Souleymane avait aussi „acheté‟ Yacine N‟Doye ; « … Mais ce vieux t‟offre ce que les jeunes gens n‟ont pas … » (Voltaïque : 146). À cause de cette situation, Yacine ne pouvait rien faire quand elle a constaté que 91 Souleymane n‟était pas puissant au lit, « Si je le quitte c‟est parce qu‟il n‟est plus « homme ». (Voltaïque : 150). Elle voulait désespérément le quitter, mais son père est conscient de l‟énormité de la dot payée pour sa fille. Elle conseille donc à sa fille de ne pas l‟oublier, « …Souviens-toi, ma fille, Souleymane a énormément fait de dépenses, et si tu le quittais sans raison … il faudrait rembourser … J‟en suis incapable… » (Voltaïque : 148). Ce que nous venons de dire montre que la dot payée est plus élevée dans le système patriarcal et ceci entrave la femme dans le mariage. En termes comparatifs, la dot payée par l‟homme prétendant dans le système matriarcal est moins élevée et au cas où la femme veut quitter le mariage, il n‟y a pas beaucoup de difficultés qui l‟empêchent et c‟est possible pour les membres de sa famille de rembourser l‟homme et ceci donne à la femme une sorte de liberté. Dans le système matriarcal aussi, une femme mariée ne devient pas membre de la famille de son époux. Elle continue à être membre de sa famille originale ou biologique et les enfants nés aussi appartiennent à la femme et sa famille. Cela constitue un avantage pour la femme et sa famille et ceci explique pourquoi la dot que l‟homme paie est relativement moins élevée par rapport au système patriarcal. Nous avons aussi vu que dans le système patriarcal, puisque la femme devient une „propriété‟ de son époux, le frère de cet époux peut faire des enfants avec elle en son absence. Ce frère peut aussi se marier avec la femme au cas où son frère meurt. C‟est exactement ce qui s‟est passé après la mort de Modou Fall dans Une si longue lettre. 92 Tamsir, le frère de Modou Fall décide de continuer le mariage commencé par son frère décédé : « Après la « sortie », je t‟épouse…» (Une si longue lettre : 82). Notons aussi que dans un système strictement patriarcal, la femme dont le mari est décédé ne peut épouser un autre homme que par l‟appui ou le consentement de sa bellefamille et dans ce cas, si la belle-famille n‟approuve pas de ce mariage, il ne peut pas avoir lieu, comme nous avons déjà dit. Il est important de dire que dans le contexte matriarcal, une femme ne fait pas partie de sa belle-famille et, par conséquent elle est libre d‟épouser quiconque à l‟insu de son ancienne belle-famille. Ceci donne l‟impression que la femme est plus restreinte dans le système patriarcal que dans la société matriarcale. Même dans le système matriarcal, il y a un rite de veuvage pratiqué souvent par soit la mère ou la sœur de l‟époux, mais après ceci la femme est libre d‟aller où qu‟elle veut. Parlant des différences entre ces deux systèmes, nous avons aussi vu que dans le système patriarcal, c‟est le souhait de beaucoup d‟hommes d‟avoir un garçon qui pourrait le représenter quand il ne sera plus. Plus important encore, c‟est parce qu‟ils croient que quoi qu‟il arrive, la femelle quittera la famille un jour pour s‟attacher à une autre famille pour de bon. Il y a même des hommes dans cette société qui, après avoir mis au monde des femelles, croient qu‟ils n‟ont pas d‟enfants et vont jusqu‟au point d‟épouser d‟autres femmes avec l‟objectif d‟avoir un mâle. Dans le contexte matriarcal, l‟enfant femelle est beaucoup plus valorisée. En ce qui concerne le mariage, on voit que dans le système matriarcal, la femme et sa famille 93 maternelle sont les personnes les plus concernées quand il s‟agit de donner la main d‟une famille en mariage. Voilà pourquoi au début d‟Anowa, nous voyons que Badua est gênée parce que sa fille, Anowa, a refusé de se marier après sa puberté : «Toute femme sera concernée si sa fille refuse de se marier après sa puberté…». (Anowa : 10)(Notre traduction). Badua ne veut pas que son mari, le père d‟Anowa, intervienne mais Osam répond : «Tu sais bien que je suis homme et chercher un époux pour ma fille n‟est pas l‟une de mes responsabilités ». (Anowa : 11). ) (Notre traduction) Ceci explique notre observation que dans le système matriarcal, les enfants appartiennent à leur mère et sa famille. Il n‟est donc pas surprenant qu‟Osam implore Badua de discuter le sujet du mariage de leur fille avec ses frères, «Son oncle, ton frère est ici, il vaut mieux le consulter » (Anowa : 16) (Notre traduction). Ces citations nous montrent que les enfants dans un système matriarcal sont beaucoup plus attachés à leur mère qu‟à leur père. 5.3. CONCLUSION DU CHAPITRE Dans ce chapitre, nous avons vu qu‟en dépit des similarités qu‟on trouve dans les deux sociétés matriarcale et patriarcale, il y a également beaucoup de différences entre les deux. Il paraît que la société matriarcale reconnaît la femme dans une certaine mesure et que la femme est beaucoup plus marginalisée dans le système patriarcal comme elle est chosifiée dans ce système. 94 CONCLUSION GENERALE A travers les ouvrages d‟Ama Ata Aidoo et de Mariama Bâ que nous avons choisis, nous avons vu que la femme est marginalisée par l‟homme dans les sociétés matriarcale ou patriarcale. La discrimination contre elle se voit sur le plan socioculturel, économique, politique, religieux, parmi d‟autres. Néanmoins, il est important d‟ajouter que la femme est un peu plus reconnue dans le système matriarcal que dans le système patriarcal, ce qui lui donne un peu de liberté. Par exemple, dans Anowa nous avons vu qu‟Osam, le père d‟Anowa, dit à sa femme de chercher un mari pour sa femme, car Anowa appartient à elle et sa famille. Osam croît que mettre l‟enfant au monde est sa responsabilité mais il n‟a aucune responsabilité de lui chercher un partenaire. Ceci est le contraire dans le système patriarcal où la femme et ses enfants appartiennent au mari et sa famille. Nous avons aussi vu que les religions chrétienne et islamique, certains facteurs biologiques comme les règles mensuelles et la ménopause, la femme elle-même, la société traditionnelle surtout le système patriarcal, parmi d‟autres, sont responsables de la marginalisation de la femme. Les féministes radicaux en particulier critiquent la société patriarcale comme étant un facteur majeur dans la chosification de la femme, comme elle n‟est pas assez valorisée dans ce type de société. Simone de Beauvoir fait observer à juste titre « on ne naît pas femme, on le devient ». 95 Beaucoup d‟efforts ont été faits pour combler le fossé entre l‟homme et la femme et que pas mal de succès a été témoigné dans le monde entier, en Afrique et au Ghana en particulier comme il y a pour la première fois, après l‟Indépendance en 1957, une femme Madame Joyce Bamford-Addo, comme présidente de l‟Assemblée Nationale ghanéenne. Le système judiciaire ghanéen aussi a une femme, Madame Georgina Théodora Wood, à la tête pour la première fois depuis l‟Indépendance. Néanmoins, il est important de dire que la femme n‟a pas, en pratique, les droits comparables à l‟homme soit dans la société patriarcale ou matriarcale et l‟émancipation totale de la femme, surtout en Afrique va forcément prendre un peu de temps particulièrement dans les zones rurales comme la préoccupation de ces gens est comment combattre la pauvreté, la faim, les maladies parmi d‟autres. Nous avons aussi vu que le problème de l‟émancipation féminine résulte de plusieurs dimensions dont la société qui est perçue d‟avoir été structurées en faveur de l‟homme. On a aussi remarqué qu‟il y a des qualités positives et négatives dans cette société qui est soit matriarcale ou patriarcale et que le système matriarcal semble favoriser la femme dans une certaine mesure. En tout, nous voulons dire que, pour assurer une véritable émancipation féminine, les deux systèmes matriarcal et patriarcal devraient être examinés de près afin de rejeter les mauvais éléments, tout en empruntant les bons aspects de l‟autre système. La société en général doit reconnaître que « la femme ne doit plus être l‟accessoire qui orne » (Une si longue lettre : 90), comme l‟a conseillé Daouda Dieng, le fonctionnaire, dans Une si longue lettre. 96 Enfin, d‟après les résultats des recherches faites, la première hypothèse selon laquelle les deux sociétés matriarcale et patriarcale privilégient l‟homme est validée. La deuxième hypothèse qui dit que la société matriarcale favorise la femme plus que la société patriarcale est aussi validée dans une certaine mesure. L‟hypothèse numéro trois selon laquelle il y a de bons côtés dans tous les deux systèmes matriarcal et patriarcal aussi tient. 97 BIBLIOGRAPHIE Aidoo, A.A. (2002): The Girl Who Can and Other Stories, Oxford, Heinemann Publishers ------------ (1983): Anowa, London, Richard Clay (The Chaucer Press) Ltd. ----------------(1986) : Une Si Longue Lettre, Dakar, Les Nouvelles Editions Africaines. .Annan-Edufful D. 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(2001):La prostitution et l‟image de la femme (http://www.voltairenet.org/Laprostitution-et-l-image-de-la) 101 TABLES DES MATIERES PAGES INTRODUCTION .............................................................................................................................. 1 LA PROBLEMATIQUE ...................................................................................................................... 8 OBJECTIF DU TRAVAIL .................................................................................................................... 8 JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET .............................................................................................. 9 DELIMITATION DU CHAMP DU TRAVAIL ........................................................................................ 9 HYPOTHESES DE DEPART ............................................................................................................. 10 METHODOLOGIE DU TRAVAIL ...................................................................................................... 10 PLAN DU TRAVAIL ........................................................................................................................ 10 CHAPITRE I ................................................................................................................................... 11 CADRE GENERAL, CADRE THEORIQUE ET TRAVAUX ANTERIEURS............................................... 11 1.0. INTRODUCTION ................................................................................................................ 11 1.1 CADRE GENERAL............................................................................................................... 11 1.2 CADRE THEORIQUE ........................................................................................................... 17 1.3 TRAVAUX ANTERIEURS...................................................................................................... 20 CHAPITRE II .................................................................................................................................. 24 ARRIERE-PLAN SOCIO-CULTUREL : BIOGRAPHIES, MATRIARCAT, PATRIARCAT ET FEMINISME ..................................................................................................................................................... 24 2.0. INTRODUCTION ................................................................................................................ 24 2.1 BREVE BIOGRAPHIE D’AMA ATA AIDOO ........................................................................ 24 2.2 BREVE BIOGRAPHIE DE MARIAMA BÂ ............................................................................ 25 2.3. QU’EST-CE QUE LE MATRIARCAT ? .................................................................................. 26 2.3.1 BREF HISTORIQUE DU SYSTEME MATRIARCAL......................................................... 28 2.3.2 LA SITUATION DE LA FEMME DANS UNE SOCIETE MATRIARCALE ....................... 31 2.3.3 LES CARACTERISTIQUES GENERALES D’UNE SOCIETE MATRIARCALE .................... 32 2.4 LE PATRIARCAT ............................................................................................................... 34 102 2.4.1 QU’EST-CE QUE LE PATRIARCAT ? ............................................................................ 34 2.4.2 BREF HISTORIQUE DU SYSTEME PATRIARCAL ........................................................... 35 2.4.3 LES CARACTERISTIQUES D’UNE SOCIETE PATRIARCALE ........................................... 38 2.5 LE FEMINISME ................................................................................................................. 39 2.5.1 QU’EST-CE QUE LE FEMINISME? ............................................................................... 39 2.5.2 BREF HISTORIQUE DU FEMINISME............................................................................. 41 2.5.6 CONCLUSION ............................................................................................................. 46 CHAPITRE III ................................................................................................................................. 47 LE FEMINISME A TRAVERS L’ŒUVRE D’AMA ATA AIDOO ........................................................... 47 3.0. INTRODUCTION ................................................................................................................ 47 3.1 L’ARRIERE-PLAN SOCIO-CULTUREL .................................................................................. 48 3.2 LA CHANCE POLITIQUE DE LA FEMME DANS UNE SOCIETE MATRIARCALE ..................... 55 3.3 LE POUVOIR ECONOMIQUE DE LA FEMME DANS UNE SOCIETE MATRIARCALE ............. 58 3.4 LA CHANCE EDUCATIVE DE LA FEMME DANS UNE COMMUNAUTE MATRIARCALE ....... 60 3.5 CONCLUSION .................................................................................................................... 62 CHAPITRE IV ................................................................................................................................. 63 LA FEMME VUE PAR MARIAMA BÂ .............................................................................................. 63 4 .0 INTRODUCTION .................................................................................................................... 63 4.1 LE STATUT SOCIO-CULTUREL DE LA FEMME .................................................................... 63 4.2 LA CHANCE EDUCATIVE DE LA FEMME ........................................................................... 71 4.3 LE POUVOIR POLITIQUE DE LA FEMME ........................................................................... 74 4.4 LE POUVOIR ECONOMIQUE DE LA FEMME ..................................................................... 76 4.5 CONCLUSION PARTIELLE .................................................................................................. 77 CHAPITRE V .................................................................................................................................. 78 CONVERGENCES ET DIVERGENCES .............................................................................................. 78 5.0 INTRODUCTION .................................................................................................................... 78 103 5.1. CONVERGENCES ................................................................................................................ 78 5.1.0 LA SITUATION SOCIO-CULTURELLE.......................................................................... 78 5.1.1 LA CHANCE EDUCATIVE DE LA FEMME .................................................................... 83 5.1.2 L’OCCASION POLITIQUE POUR LA FEMME ............................................................... 86 5.1.3 LE POUVOIR ECONOMIQUE DE LA FEMME .............................................................. 88 5.2. DIVERGENCES ................................................................................................................. 89 5.3. CONCLUSION DU CHAPITRE ............................................................................................. 94 CONCLUSION GENERALE .............................................................................................................. 95 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 98 SITOGRAPHIE.............................................................................................................................. 100 TABLES DES MATIERES … ………………………… ............................................................................... 102 104