Atelier Ados Entre accompagnement et laisser-faire
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Atelier Ados Entre accompagnement et laisser-faire
Les ateliers de la journée Les jeunes dans la ville, quelles politiques en direction des 15/30 ans, ont été des espaces participatifs qui ont pris différentes formes et les comptes rendus en sont le reflet. Atelier Ados Entre accompagnement et laisser-faire Animateur de l’atelier : Damien Berthilier, Conseiller municipal délégué, Villeurbanne (69), membre du CA de l'Anacej Expert : Yaëlle Amsellem-Mainguy, chercheure à l’INJEP Témoignages : Hélène Vincent, maire adjointe chargée de la jeunesse, Grenoble (38) Christian Yvetot, Responsable de la Coordination, Animation Jeunesse Citoyenneté, Région BasseNormandie Rémi Cousin, directeur service jeunesse, Tourcoing (59) Intro – pistes pour lancer la discussion, par Yaëlle Amsellem-Mainguy L’adolescence est un public spécifique, même si les problématiques liées aux adolescents dépassent largement leur tranche d’âge. C’est d’ailleurs une étape qui échappe largement aux politiques publiques, entre l’enfance et le moment du passage à l’âge adulte. Entre 10 et 17 ans, autrement dit de la période collège/lycée, les jeunes passent d’un environnement marqué par l’importance du cadre familial, où les valeurs sont prescrites par les parents et l’école, à un environnement marqué par les amis, qui imposent petit à petit des nouvelles normes et nouveaux codes sociaux. Dès lors, on doit s’interroger sur la difficulté de se construire entre ce que valorisent les parents, la famille et l’école d’une part et les amis d’autre part. Si, de 12 à 14 ans, les rythmes et les préoccupations scolaires sont primordiaux et les occupations de loisirs vécues davantage comme une contrainte, après 15 ans, les jeunes sont partagés entre les amis qui prennent plus de place dans la vie sociale et les activités extrascolaires. Sortir entre amis, aller au cinéma, dans les centres commerciaux ou rester dehors sans rien faire de particulier, aller à des fêtes chez des amis sont les activités les plus prisées par les jeunes, à condition d’avoir de l’argent de poche. Lorsqu’ils sont avec leurs amis en semaine après les cours ou le week-end, les occupations les plus fréquentes consistent pour près d’un adolescent sur deux à surfer ou à discuter sur Internet. Dans la vie quotidienne, les parents peuvent influencer les fréquentations amicales de leurs enfants (en contrôlant les sorties, en émettant des avis négatifs sur untel ou untel, etc.) ; en colonie de vacances les jeunes sont plus libres de tisser des liens avec ceux qu’ils veulent. Contrairement aux idées reçues, les adolescents ne rejettent pas l’encadrement de leurs activités par les adultes, mais ils ont une idée assez précise de la forme qu’il doit prendre. (extrait de l’Atlas des jeunes en France, p.50). Les enquêtes sociologiques soulignent qu’il est important que les jeunes soient accompagnés, avec des « glissières de sécurité » et que l’adulte ne soit pas seulement un gardien du temps ni qu’il cherche à tout prix à occuper les jeunes. Les adolescents souhaitent choisir librement leurs activités tout en étant encadrés. Il y a là une sorte d’attraction/répulsion envers la responsabilité : il en faut mais pas trop, le dosage étant très complexe et fluctuant selon les ages, le sexe, les milieux sociaux et le degré d’autonomie déjà existant dans la famille. Dans le cadre des activités de loisirs encadrées, les ados reconnaissent l’animateur dans son rôle d’accompagnement. « Les travaux de recherche sur l’éducation non formelle et informelle montrent que le jeu, le farniente, voire l’ennui sont des dimensions utiles à la construction de soi et à l’imaginaire. Faire des choix, décider de ses activités nécessite que ces dernières soient proposées de manière à pouvoir donner son avis ou refuser d’y participer. Des plages horaires sans contraintes fortes en termes de vie de groupe et d’activités sont des moments clés pour distinguer le temps scolaire du temps de vacances. À plusieurs reprises, jeunes et animateurs ont insisté sur le fait qu’il s’agit d’abord de vacances au sein desquelles les contraintes doivent être allégées. Dans ces temps où ils ne font « rien », les jeunes improvisent des jeux, lisent, ou encore écoutent de la musique, la difficulté pour les animateurs étant de laisser faire, d’éviter toute récupération éducative. En effet, « si l’on s’accorde à dire que le jeu éduque, la condition pour qu’il le fasse vraiment, c’est que l’on se garde de l’organiser, de le vouloir, de l’exploiter, de l’éduquer », sinon la « colo » reste prisonnière de la forme scolaire. Le jeu libre est un temps constructif et riche en apprentissages informels ; il permet notamment de tester le pouvoir de décision et d’organisation. La maîtrise du temps libre est un enjeu essentiel pour les adolescents dans la construction et l’affirmation d’eux-mêmes. Si en « colo », ils jouent le jeu de participer aux activités prévues et pensées par les animateurs, ils revendiquent aussi le droit de pouvoir avoir du temps pour eux, être maîtres de leur temps libre, temps pendant lequel ils ne font parfois « rien » à part être là, ensemble, à discuter. » (extrait de Jeunesses études et synthèses, n°10, INJEP) Les adolescents sont prêts à prendre part à la société. Ils attendent qu’on leur donne une place et qu’on les implique. Il y a un réel besoin de lieux pour échanger entre eux et avec des plus âgés et de sortir aussi du temps scolaire qui a tendance à s’allonger et qui les enferme dans leur seule dimension identitaire d’élève. Région Basse-Normandie Le Conseil régional de Basse-Normandie a souhaité engager un dialogue avec les adolescents (15/16 ans) au sujet de leurs pratiques des TIC, des discussions ont eu lieu sur leurs pratiques, attentes, transmissions, repères. La Région a impulsé en 2012 la mise en place d’un dispositif expérimental d’éducation aux usages des écrans pour les jeunes bas-normands. Elle a en effet considéré que la responsabilisation des jeunes dans leurs usages numériques était un enjeu majeur d’éducation qui répondait en outre à un besoin fortement exprimé par la communauté éducative. Ce dispositif est animé par les CEMEA, membres du comité de pilotage du programme européen « Internet Sans Crainte ». 3200 jeunes ont été sensibilisés à des ateliers numériques, à terme, ils seront 19.000. A l’issue de ces ateliers, 60% des jeunes ont modifié les paramètres de leurs profils. Tourcoing et la mobilité internationale La ville de Tourcoing organise un mois de la mobilité internationale des jeunes. La ville souhaite ainsi poursuivre avec ses partenaires le développement de départs de jeunes à l’étranger que ce soit pour travailler, réaliser un stage professionnel, étudier, apprendre une autre langue, découvrir une autre culture ou encore s’engager dans une action de solidarité internationale. De plus, depuis trois ans la ville a mis en place le dispositif « move to work » pour permettre à des jeunes de vivre une première expérience professionnelle à l’étranger. Ainsi, elle développe un site internet pour aider la mobilité professionnelle des jeunes. Pour permettre à des jeunes de partir à l’étranger, mais qui ne sont pas en capacité de travailler vu leur âge, la Ville propose aussi des départs collectifs pour dédramatiser la mobilité. Elle s’appuie également sur les programmes PEJA et sur l’association de jumelage, ville amie, qui permet aux jeunes de vivre une expérience collective à l’étranger. La vie compte environ 150 départs par an, aujourd’hui 180. Il y a une coopération entre la mission locale et la maison de l’emploi pour les plus de 18 ans. Ville de Grenoble Le constat est que l’adolescent est pris en charge par personne, il ne fréquente pas les MJC ou associations. Il faut aménager des équipements pour les 12/25 ans et les accompagner vers l’autonomie et la prise de risque. Afin de ne pas laisser tomber les jeunes qui décrochent à l’école, la ville a mis en place un service civique pour les 16 ans. On constate que 6 à 9 mois plus tard, ils font un retour vers la formation. Le problème qui se pose sur les territoires, c’est celui de la coordination des professionnels. Chaque structure, association, éducation national, travaille seule, sans tenir compte du jeune dans les autres milieux, et un jeune qui décroche peut se retrouver sans aide du fait du manque de transversalité et de collaboration entre les différentes structures. La Ville de Grenoble a mis en place des correspondants jeunesse pour renouer la confiance entre la Ville et les jeunes, et que ce lien ne passe pas par des intermédiaires. Ville d’Argenteuil Un territoire sans association ne peut pas vivre. La Ville a mis en place des ambassadeurs jeunes dans les quartiers qui sont également un lien vers les autres jeunes. Ce dispositif permet à des jeunes rejetés de reprendre confiance et de toucher également les familles. On valorise des jeunes qui ont mis en place des projets dans la Ville. Cela permet de donner une image positive des jeunes, du territoire et même au-delà. Il est important d’aménager des lieux d’accueil afin que les possibles se croisent et aident à se découvrir. Ville de Strasbourg Les jeunes ne sont pas sur des lieux ou des thèmes sur lesquels on les attend. Par exemple, ils sont très pointus dans le domaine des cultures urbaines. Ils se mobilisent quand il y a un idéal humanitaire. La réglementation peut également être un frein à l’autonomie des jeunes. Quand il s’agit de l’adolescence, il s’agit d’accompagner dans le laisser-faire. Il faut donner une impulsion pour ne pas faire à la place mais être armé dans sa vie tout court. Ville de Reims Pour l’été, la Ville de Reims propose aux jeunes une carte d’été au prix de 40 euros où 159 activités sont possibles autour de la culture, du sport, de l’environnement, et l’accés gratuit aux transports pulics. Pour l’achat de la carte, les jeunes viennent accompagnés de leurs parents. Ensuite, ils viennent eux même s’inscrire dans leur atelier. S’ils ne viennent pas 3 fois à une activité où ils se sont inscrits, la ville les rencontre et fait le point avec eux. Ils bénéficient donc d’une autonomie dans leurs choix d’activités. Ville de Paris La Ville a constaté une déperdition de l’offre pour les adolescents qui consistait soit en occupationnel soit en projets. Le choix a été fait de laisser place à la sociabilité pour s’approprier les lieux (des centres d’animation) avec des ouvertures en soirées. Après, il s’agit aussi que cette modalité d’accueil ne devienne pas une offre. Yaëlle Amsellem Mainguy Le constat a été fait que les filles disparaissent des activités de loisirs après 13-14 ans et ce n’est pas toujours plus facile si une animatrice est là. Les garçons sortent plus que les filles. Argenteuil : dans certains quartiers difficiles, on a parfois 1 à 2 filles et une trentaine de garçons. Souvent un public chasse l’autre. Il y a un problème de sécurisation de l’espace dans les quartiers populaires. Les Eclaireuses et Eclaireurs de France L’autonomie est réelle chez les adolescents puisqu’ils peuvent partir en camp et en exploration et donc intervenir auprès de plus jeunes. Ville de Versailles (La Ville a mis en place un label 11-17 ans, avec une équipe d’encadrement mixte, des horaires d’ouverture le soir, et en prenant soin de développer une relation aux pairs. Conseil général du Val-de-Marne Le Département a mis en place un projet éducatif département avec un important volet sur la parentalité, en favorisant ces dynamiques. Il est important de créer des passerelles entre l’école élémentaire, le collège et le lycée. On peut remarquer que lorsque le collège est ouvert hors temps scolaire, les adolescents y viennent et s’y sentent bien. Le lien entre l’éducation nationale et la ville n’est pas toujours évident. Ville de Grenoble La Ville s’efforce de mettre en place des dispositifs pour répondre au mieux aux attentes des jeunes. Mais force est de constater que l’opération Collège ouvert rencontre un fort succès et ce dispositif ne coûte pas cher ! Ville d’Hellemmes La ville a mis en place le développement d’un projet éducatif pour les enfants et les jeunes de 0 à 25 ans. Au conseil de sécurité et au conseil éducatif local, personne n’est là. Cela ne rentre dans aucun cadre, donc la Ville fait toute seule/ Le lien est réalisé avec le Département car cela permet d’avoir une passerelle avec la politique jeunesse. Conseil général du Nord Le Département a mis en place des Ateliers citoyens envers les 200 collèges. L’ensemble des publics des collèges a été réunis : parents ; élèves, délégués, villes, associations. Cette concertation avait pour but de construire un projet éducatif, référent du département. Certains chefs d’établissement motivés ont soutenu des projets, qui au fil du temps ont essaimé. On constate qu’il n’existe souvent pas d’offre pour les jeunes. Il n’y a pas d’offres spécifiques pour les adolescentes et souvent, leur « trace » est perdue jusqu’à l’enseignement supérieur, si elles y arrivent. L’offre culturelle n’est également pas prévue pour les adolescents. Conclusion par Yaëlle Amsellem-Mainguy : La tentation d’uniformiser la jeunesse est forte, et pourtant inefficace puisqu’elle viendrait à ne pas rendre compte de la réalité. Pourtant les jeunes de 10-13 ans n’ont pas les mêmes pratiques ni les mêmes attentes que les jeunes de 14-16 ans et encore moins que ceux qui sont plus âgés. Idem si on prend les milieux sociaux : le processus d’autonomie dans la construction identitaire n’est pas identique, puisqu’on le voit la question des responsabilités ne se posent pas pareil dans les milieux populaires ou les milieux les plus aisés. De même dans le cadre des loisirs, ils n’attendent pas une offre uniforme mais bien au contraire, des espaces divers et pas toujours avec des activités programmées mais parfois du temps et un espace pour se retrouver comme on a pu le voir dans diverses villes. Tout cela pour dire que les expériences de terrain dont nous avons pu avoir connaissance dans l’atelier soulignent qu’il faut partir des attentes des jeunes, de leurs pratiques pour adapter l’offre et non pas plaquer ce qu’en tant qu’adulte on aimerait que les jeunes soient. Ce qui n’est pas sans difficulté puisqu’il s’agit largement de déconstruire les représentations que l’on a des jeunes sur son territoire, et plus globalement, des jeunes en général. Enfin, et c’est peut être là qu’il y a consensus dans toutes les interventions, c’est sur la question et les enjeux liés à la mobilité des jeunes sur leur territoire où l’on voit bien qu’ils n’identifient pas toujours les lieux à leur disposition mais aussi qu’ils n’ont pas toujours les moyens de s’y rendre. Ce qui pose une question sur les déplacements des jeunes, les limites qu’ils se fixent, celles qui sont fixées par leurs parents et celles qui sont fixées par les modes de transports notamment. Ces échanges, fructueux, ne sont qu’un début et invitent acteurs de terrain, décideurs politiques et chercheurs à continuer de réfléchir ensemble. Reste des pistes ouvertes notamment sur la place des parents et leur implication sur la vie hors scolaire de leurs enfants : une partie de la question de l’accès et de la fréquentation passe peut être par une meilleure reconnaissance des parents ? la question reste ouverte mais mérite d’être posée. La question des parents a été également au cœur des interrogations sur les raisons du décrochage des filles à partir de 12 ans des structures de loisirs… par ailleurs la question de la mixité, et des rapports sociaux de sexe a été posée et mériterait d’être poursuivie sur le terrain notamment pour voir comment éviter qu’un public n’en chasse pas un autre.