Démissionner, la solution face au harcèlement

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Démissionner, la solution face au harcèlement
1501222 IRP
Démissionner, la solution face au
harcèlement ?
Poussés à bout, de plus en plus de salariés préfèrent partir d’eux-mêmes.
Comment se défendre même si on démissionne et qu’est-ce que cette décision implique ?
Nos experts vous guident dans cette douloureuse situation.
La déprime est parfois mauvaise conseillère.
Vous vous sentez à bout et harcelé ?
Peut-être faut-il d’abord s’assurer de quoi on parle.
« Attention, il n’y a harcèlement que s’il y a faits répétés, insiste Didier Schneider, auteur du
livre Salariés, comment déjouer les pièges du licenciement.
Un mot de travers, sous le coup de l’énervement, de la fatigue ou de toute autre raison n’est
pas en soi du harcèlement. »
Christian Gury, auteur du livre Les 5 clés pour rebondir et piloter sa carrière recommande un
état des lieux préalable avant d’agir.
« Si vous êtes constamment dénigré par votre manager par exemple, il faut d’abord vérifier,
auprès de vos collègues, que ce n’est pas qu’une impression. »
Et sinon, mieux vaut prendre quelques mesures et vite…
"C’est bien de se battre, mais on peut aussi choisir de tourner la page et saisir une
opportunité ailleurs."
Se protéger… tout de suite
Avant toute décision hâtive, Didier Schneider conseille d’aller parler au principal intéressé.
« Face à un harceleur malgré lui, le simple fait de lui en parler, idéalement avec la présence
d’un délégué du personnel ou à défaut autre témoin, peut s’avérer suffisant pour calmer le
jeu. »
Mais cet ancien représentant du personnel sait que c’est rarement aussi facile.
« Après, si on tape "dans le dur" et qu’il s’agit d’un mode de management, de
fonctionnement dans l’entreprise, ce sera plus difficile.
Mieux vaut alors avoir de bons syndicats, de bons délégués, des instances comme le CHSCT
qui agissent efficacement, un médecin du travail vigilant et actif. »
« Si les symptômes persistent, il faut s’adresser à la direction générale par écrit », abonde
Christian Gury.
Avec un conseil : si le manager ne change pas, il peut être sain de négocier une mutation en
interne par exemple.
Réunir des preuves en pensant à l’avenir
« Car quoi qu’il arrive, il faut se protéger, explique Loïc Scoarnec, président de l’association
Harcèlement Moral Stop.
Et quelle que soit la décision que l’on prend pour son avenir, il faut essayer de réunir un
maximum de preuves. »
Cet ancien cadre dans la banque sait de quoi il parle. « Un jour, j’ai été déménagé dans un
bureau seul, au fond d’un couloir pour me pousser à bout. »
Il raconte que ses collègues avaient interdiction de lui parler ou que son imprimante n’était
jamais réparée par exemple.
« Je ne pouvais plus travailler et on ne me donnait plus aucune mission pour me pousser à
démissionner.
Mais j’ai tenu bon et j’ai compilé des preuves pour mon futur dossier. »
« Idéalement, même si on envisage de démissionner, il faut réunir des preuves de ce que
l’on vit, ajoute l’avocat Éric Rocheblave, avocat en droit social au barreau de Montpellier.
Si les témoignages de collègues sont délicats à obtenir, d’autres éléments peuvent être
utiles, notamment des échanges de mails, des mémos.
Ainsi, même si on part, on peut avoir un début de dossier… »
Démissionner pour se reconstruire
Loïc Scoarnec a tenu sept ans avant de négocier son départ dans de bonnes conditions.
Mais il refuse d’ériger son cas en exemple. « J’étais syndicaliste ce qui m’a aidé à tenir.
Il faut penser à son bien-être d’abord. Inutile de rester si c’est pour être broyé.
Beaucoup préfèrent démissionner ou accepter des ruptures conventionnelles au rabais. »
Les inconvénients de la démission sont en effet nombreux, notamment auprès de
l’assurance chômage qui risque de ne pas considérer cette démission forcée comme une
perte de travail involontaire…
« C’est bien de se battre, mais on peut aussi choisir de tourner la page et saisir une
opportunité ailleurs.
Nous accompagnons ceux qui veulent lutter, mais tous n’en ont pas la force. »
« Chacun voit midi à sa porte, confirme Didier Schneider.
La démission peut être vue comme un échec, une reddition.
Mais plutôt que d’y laisser sa santé, cela reste une solution. »
Faire condamner son harceleur après la démission
D’autant que sur le papier, rien n’empêche un salarié harcelé de se battre… après.
« Toute démission peut faire l’objet d’une demande de requalification en prise d’acte de
rupture du contrat de travail du fait de l’employeur, comme si c’est ce dernier qui avait
licencié, avec toutes les conséquences juridiques qui vont avec », confirme Patrick Le
Rolland, auteur du guide Gagner aux prud’hommes.
Ancien conseiller aux prud’hommes de Paris, il explique que le dossier se plaide comme la
contestation des motifs d’un licenciement.
« L’une des demandes concernera la requalification de la démission donnée en rupture du
contrat de travail aux torts de l’employeur.
Suivront toutes les demandes indemnitaires relatives à cette situation. »
Restera cependant à prouver devant la juridiction, y compris en Appel, voire jusqu’en Cour
de cassation, qu’il s’agissait bien de harcèlement.
« 80 % des dossiers n’aboutissement pas, déplore Éric de Rocheblave.
Ce sont des affaires difficiles à prouver mais on y arrive quand même parfois.
Même en ayant démissionné. »
Céline Chaudeau
Qu'il est difficile d'échapper à la
requalification en contrat à temps plein du
temps partiel irrégulier !
Cour de cassation - chambre sociale - 15 mai 2014
La Cour de cassation rappelle régulièrement la sévérité des dispositions applicables aux
contrats à temps partiel. Cet arrête en est un bon exemple.
Un salarié avait été embauché en contrat à temps partiel, sans précision écrite de la
répartition des heures en contravention avec les dispositions de l'article L.3123-14 du code
du travail
Il sollicitait la requalification du contrat en contrat à temps plein avec paiement du
complément de salaire y afférent sur la période non prescrite (aujourd'hui de 3 ans).
La Cour d'appel l'avait débouté au motif qu'il ne rapportait pas la preuve de ce qu'il avait pu
travailler à temps plein pour son employeur.
La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel en lui rappelant que l'absence de mention de la
répartition des horaires ouvre le droit à requalification à temps plein, sauf pour l'employeur
à prouver la durée et la répartition du temps de travail convenue entre les parties.
C'est donc à l'employeur de prouver les horaires convenus à la signature et appliqués
ensuite et non au salarié. Si la répartition et le volume horaire a varié, il sera difficile pour
l'employeur d'échapper à la requalification à temps plein...
Antoine Bon
CHSCT obligatoire pour les entreprises d’au
moins 50 salariés
La Cour de cassation (17 décembre 2014) vient de réaffirmer que tout salarié d’une
entreprise dont l’effectif est au moins égal à 50 salariés doit relever d’un CHSCT, même s’il
travaille dans un établissement de moins de 50 salariés.
Didier FORNO
Harcèlement moral : si les tâches confiées au
salarié dépassent ses capacités
Direction de l'information légale et administrative (Premier ministre)
Constitue un harcèlement moral le fait pour l’employeur de confier de manière habituelle à
une salariée des tâches qui dépassent ses capacités.
C’est ce que vient de juger la Cour de cassation. Suite à deux arrêts de travail, une salariée,
affectée à un poste consistant notamment à approvisionner une cabine de peinture, avait
été déclarée apte à la reprise par le médecin du travail avec recommandation d’éviter le port
et les manutentions de charges lourdes de plus de 17 kilos.
Malgré ces recommandations, l’employeur avait laissé cette salariée à un poste de travail qui
comportait, de manière habituelle, un port de charges d’un poids excessif contraire aux
préconisations du médecin du travail et nuisant ainsi à la santé de celle-ci.
La Cour de cassation a considéré que l’attitude réitérée de l’employeur avait entraîné la
dégradation des conditions de travail de la salariée par le refus d’adapter son poste de
travail et que le fait de lui confier de manière habituelle une tâche dépassant ses capacités
mettait en jeu sa santé.
Rappelons que, selon le code du travail, il y a harcèlement lorsque des agissements répétés
ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible
de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de
compromettre son avenir professionnel.