La Brigade (franco)-allemande

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La Brigade (franco)-allemande
La Gazette de Berlin
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La Brigade (franco)-allemande
Repos pour la dernière unité française stationnée en Allemagne. Les 1000 hommes du
110e Régiment d’infanterie (basé à Donaueschingen dans le Bade-Wurtemberg) seront
rapatriés avant l’été 2014. Composante substantielle de la Brigade franco-allemande, le
110e RI fait les frais des coupes budgétaires décidées par le ministère de la Défense. Une
décision unilatérale qui suscite de nombreuses réactions en Allemagne.
La déception allemande
La couleuvre passe mal côté allemand. Thomas de Maizière (CDU), le ministre de la Défense
« regrette » la décision française. Il redoute la fin d’une unité « qui a contribué durant de
nombreuses années et avec succès à l’amitié franco-allemande ». En 2007, la chancelière
Angela Merkel et l’état-major allemand craignaient déjà le démantèlement de la BFA.
Le quotidien régional Badische Zeitung rappelle l’impact de cette décision pour
Donaueschingen – où est actuellement basé le 110e RI. « Le régiment faisait vraiment partie de
la ville. Remarque Bernhard Kaiser, maire sans parti de ce petit bourg de 22 000 habitants.
Nous avons 3 écoles françaises et une crèche franco-alllemande ». Sans parler des
conséquences économiques de ce retrait : « le pouvoir d’achat des familles de militaires n’est
pas négligeable ». Toutefois, le ministre-président Winfried Kretschmann (Vert) a assuré que
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Donaueschingen resterait une ville de garnison grâce au maintien des 650 hommes du
Jägerbataillon 250.
Malgré la décision française, la maire de Müllheim, Astrid Siemens-Knoblich (CDU), reste
confiante. « Il n’y a aucune raison de s’inquiéter quant à l’avenir de l’état-major basé dans
notre ville » .
Selon le député Matthias Pröfrock , spécialiste des questions militaires et chef du groupe CDU
au Landtag du Bade-Wurtemberg, « Il serait dommage que le projet d’Union européenne de la
Défense soit sacrifié sur l’autel de la rigueur budgétaire ».
L’austérité contre la brigade binationale intégrée
Le tournant de la politique extérieure française s’est produit dès 2007. Conformément aux
promesses de campagne de Nicolas Sarkozy, des coupes budgétaires ont été menées par
Hervé Morin (UDI). Le ministre de la Défense avait alors décidé de rapatrier le 3e régiment de
Hussards à Metz – auparavant basé à Immendingen. Une décision unilatérale prise sans
discussion préalable avec l’état-major de Müllheim. Au même moment, le gouvernement
allemand avait pourtant donné des gages de sa bonne volonté en envoyant le 291e
Jägerbataillon à Illkirch-Graffenstaden (dans les environs de Strasbourg).
Yves Le Drian, ministre de la Défense du gouvernement Ayrault, mène la même politique que
ses prédécesseurs: Il suit à la lettre le rapport de la Cour des Comptes qui recommande « la
refonte, la réorganisation voire la suppression des corps européens permanents ». « La BFA
doit également être soumise nouveaux besoins » estime M. Le Drian. Dans cette optique, le
110e RI devrait être remplacé par une unité « aux capacités d’actions supérieures ». Le
ministre de la Défense n’a toutefois pas donné d’échéance ni de calendrier précis. Pour
Raymond Couraud, éditorialiste au journal l’Alsace , « le gouvernement français a choisi de
supprimer un régiment « européen » pour sauver une garnison hexagonale ».
L’interventionnisme français contre la non-ingérence allemande
Au-delà des impératifs budgétaires, des raisons stratégiques et idéologiques empêchent le
développement d’une Union européenne de la Défense. Le projet d’armée intégrée dépend en
grande partie des décisions diplomatiques.
Ces divergences sont apparues au grand jour lors de la crise lybienne de 2011. L’armée de
l’air était alors intervenue aux côtés de la Royal Air force en faveur des rebelles de Benghazi.
Au contraire, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Guido Westerwelle (FDP), prônait
la non-ingérence. Une vision partagée par la plupart des chanceliers de RFA et d’Allemagne.
Le même schéma peut être appliqué à la guerre au Mali.
Les seules interventions notables de la Bundeswehr des 20 dernières années ont été réalisées
au Kosovo, au Congo et en Afghanistan dans le cadre d’un mandat international ou pour
participer à « la guerre contre le terrorisme ». La convergence des politiques extérieures franco-
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allemandes apparaît pourtant comme la conditionsine qua non à la mise en place d’une Union
européenne de la Défense.
Un Conseil européen devrait aborder la question au mois de décembre.
Christopher Falzon
Le 05/11/2013
Bref historique de la Brigade franco-allemande
Formée en 1987 par Helmut Kohl et François Mitterrand, la Brigade franco-allemande
(ou BFA) est la seule brigade binationale de l’histoire du Vieux Continent. Sa première
intervention d’envergure remonte à 1996 en Bosnie. En 2004, les Jägerbataillon
allemands brillèrent également en Afghanistan.
Au-delà des opérations militaires, les troupes de la Brigade ont rempli des missions
humanitaires. En juin 2013, une trentaine d’hommes du 110e RI avaient été envoyés en
renfort des militaires allemands pour secourir les habitants de Dresde, alors sinistrés par
une grande inondation.
Actuellement, la BFA est composée d’environ 5000 hommes. La Bundeswehr est déjà
bien plus présente que l’Armée française (plus de 3000 soldats allemands contre moins
de 2000 Français). Au total, on compte 2 régiments français (le régiment de Hussards
stationné à Metz et le 110e RI basé à Donaueschongen) et quatre bataillons allemands
(basés à Immendingen et Donaueschingen dans la Forêt-Noire et à IllkirchGraffenstaden dans le Bas-Rhin). Depuis 1992, l’état-major de la Brigade est basé à
Müllheim dans le pays de Bade. Avec la dissolution du 110e RI, la BFA perd donc près
d’un cinquième de ses effectifs et plus de la moitié des soldats français. Une décision
qui intervient 50 ans après la signature du traité de l’Elysée.
C.F.
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