Les mesures d`interdiction provisoire

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Les mesures d`interdiction provisoire
Les mesures d’interdiction provisoire
La pratique française
Réunion de travail de l’AIPPI du 17 juin 2009
Marianne Schaffner
Linklaters LLP
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Article 9 de la Directive No 2004/48
Article 50 de l’Accord ADPIC
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Mesures parmi les plus importantes pour le respect effectif des
droits de propriété intellectuelle
­
Accès désormais facilité à des mesures plus efficaces
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Répondant à l’objectif de la loi du 29 octobre 2007 qui est de lutter
contre la contrefaçon
2
1. Le champ d’application de ces
mesures
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1.1
Les textes
Droit
Article du Code de la propriété
intellectuelle
Brevet
L. 615-3
Marque
L. 716-6
Dessin et Modèle
L. 521-6
Bases de Données
L. 343-2
COV
Indication géographique
L. 623-27
L. 722-3
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1.2 Une procédure ouverte aux titulaires de la quasitotalité des droits de propriété intellectuelle ainsi qu’à
leurs licenciés exclusifs
-
Titulaire de brevet
Titulaire de marque
Avant la loi du 29 octobre 2007
Depuis la loi du 29 octobre 2007 :
- Titulaire de dessin et modèle
- Producteur de bases de données
- Titulaire de COV
- Personne autorisée à utiliser une indication géographique
- Les bénéficiaires d’une licence exclusive sur l’un de ces droits
Est exclu :
- Titulaire de droit d’auteur
 Recours au référé / requête de droit commun
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Question : Le titulaire d’une marque de renommée peut-il solliciter
une mesure d’interdiction provisoire ?
 non pour la marque française, en application de l’article L. 7161 du CPI : l’atteinte à la marque de renommée (article L. 713-5
du CPI) n’est pas visée au titre des actes de contrefaçon
►
­
­
contrariété à la Directive No 2004/48
article 9 : vise « l’atteinte à un droit de propriété intellectuelle »
article 4 : vise « les titulaires de droits de propriété
intellectuelle »
 oui pour la marque communautaire, en application de l’article
L. 717-1 CPI : l’atteinte à la marque communautaire de
renommée (l’article 9.1.c) du RMC) est visée au titre des actes
de contrefaçon
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1.3
-
Un champ étendu de mesures
« toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés
par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon »
 Un exemple d’atteinte imminente : le lancement d’un médicament générique
TGI Lyon ord. réf. 21 juillet 2008 : ne constitue pas une preuve suffisante de
l’atteinte imminente :
- l’AMM délivrée par l’AFSSAPS
- la demande d’inscription sur la liste des médicaments remboursables
auprès du CEPS
En revanche, les éléments suivants démontrent la volonté de commercialiser
avant l’expiration du brevet :
- le médicament est déjà fabriqué et commercialisé dans plusieurs pays
d’Europe
- le médicament est présenté dans un catalogue destiné aux professionnels
français avec la mention « disponible février 2008 »
- le génériqueur a informé le CEPS de son intention de commercialiser dès
la publication de l’inscription sur la liste des médicaments remboursables
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Question : l’exigence d’une action au fond s’applique-t-elle également
aux mesures préventives ?
-
l’article 9(5) de la Directive ne fait pas de distinction
la loi du 29 octobre 2007 semble limiter cette exigence au cas des
mesures curatives
8
Quelques mesures accessoires à l’interdiction provisoire
 L’astreinte :
► est expressément prévue lorsque les mesures provisoires sont
sollicitées par la voie du référé
► incertitude en revanche, lorsqu’elles sont sollicitées par la voie
de la requête
TGI Paris ord. réf. 3 décembre 2008 : confirme une ordonnance
sur requête prononçant une mesure d’interdiction sous astreinte
et une mesure de provision ordonnées au visa de l’article
L. 521-6 du CPI
TGI Paris ord. réf. 8 octobre 2008 : confirme une ordonnance
sur requête prononçant une mesure d’interdiction sous astreinte
ordonnée au visa de l’article L. 716-6 du CPI
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TGI Paris ord. sur requête 17 décembre 2008 : prononce une
mesure d’interdiction sous astreinte et une mesure de provision
au visa de l’article L. 615-3 du CPI
La provision :
Les magistrats de la 3ème chambre du TGI de Paris ont indiqué
être dorénavant hostiles à l’octroi d’une provision, lorsqu’elle
est sollicitée par la voie de la requête
 Le rappel des produits :
TGI Strasbourg ord. réf. 10 mars 2009 : rappel des produits
génériques sous 48 heures et sous astreinte de 30 000 € par
jour de retard
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1.4 Procédure dirigée à l’encontre du prétendu contrefacteur
et des intermédiaires dont il utilise les services
►
Intermédiaire ≠ fournisseur de moyens
►
Question : est-il possible d’obtenir des mesures d’interdiction
provisoire contre les intermédiaires sur simple requête ?
Ces intermédiaires devront être assignés au fond,
même s’ils ne sont pas contrefacteurs, aux fins de
validation des mesures
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2.
Les conditions d’obtention de
ces mesures
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2.1
Suppression de l’exigence de l’engagement préalable
d’une action au fond
Mais obligation d’assigner au fond :
­
dans le délai de 20 jours ouvrables ou 31 jours civils si ce délai
est plus long
­
à compter de la date de l’ordonnance
Justification :
Les mesures sont ordonnées en référé, en sorte que
l’ordonnance n’a pas d’autorité de la chose jugée
13
2.2
La voie du référé et de la requête
 Référé (procédure contradictoire)
­
possibilité de solliciter un référé d’heure à heure
TGI Strasbourg ord. réf. 10 mars 2009 précitée : assignation en référé
d’heure à heure en date du 5 février 2009
 Requête (procédure non contradictoire)
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pas nécessaire de subir les délais de délivrance et de comparution
pas de débat avec la partie adverse
mais obligation de justifier de circonstances particulières exigeant
que les mesures ne soient pas prises contradictoirement,
notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un
préjudice irréparable au demandeur
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 Une procédure recevant un meilleur accueil depuis la loi du
29 octobre 2007 :
-
En cas de piraterie ou de reproduction servile (ou quasi-servile) :
TGI Paris ord. réf. 3 décembre 2008 précitée : contrefaçon d’un
modèle de sac
TGI Paris ord. sur requête 10 novembre 2008 : contrefaçon d’une
marque tridimensionnelle de piles
TGI Paris ord. réf. 8 octobre 2008 précitée : reproduction à l’identique
de la marque CHRISTIE’S
-
En matière de brevet :
TGI Paris ord. sur requête 17 décembre 2008 précitée : contrefaçon
d’un brevet pharmaceutique
15
2.3
Suppression de l’exigence du bref délai
 Les mesures provisoires ne sont plus des mesures d’urgence
TGI Lyon ord. réf. 3 juin 2008 : « l’application de cette disposition, qui
nécessite seulement la constatation de l’existence des droits de
propriété intellectuelle et d’une atteinte à ses droits, n’est nullement
conditionnée à l’existence d’une situation d’urgence »
TGI Paris ord. réf. 9 décembre 2008 : « l’application de l’article L. 716-6
du Code de la propriété intellectuelle, comme celle de l’article 809 du
Code de procédure civile, n’est pas subordonnée à la preuve de
l’urgence »
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2.4
Adoption du critère du « rend vraisemblable »
►
Critère moins lourd que celui du « sérieux » de l’action au fond du
référé-interdiction ancienne loi
►
Il faut et suffit de rapporter la preuve du caractère vraisemblable
de l’atteinte
►
Ne sont exigées que des preuves « raisonnablement accessibles
au demandeur »
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2.4
►
Adoption du critère du « rend vraisemblable »
La pratique de la juridiction lyonnaise très favorable au titulaire
de droit :
TGI Lyon ord. réf. 3 juin 2008 précitée : « il appartiendra ainsi à la
juridiction statuant au fond de statuer sur la validité des
marques litigieuses »
TGI Lyon ord. réf. 17 juin 2008 : « sauf hypothèse de nullité
manifeste du titre invoqué, le juge des référés doit se borner à
vérifier, outre la qualité à agir du demandeur, l’existence ou
l’imminence d’une atteinte aux droits qui lui sont conférés par le
titre »;
« attendu en l’espèce qu’il n’apparaît pas que le brevet litigieux soit
manifestement nul pour défaut de nouveauté »
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TGI Lyon ord. réf. 21 juillet 2008 précitée : « le contrôle du juge saisi
d’une mesure d’interdiction se limite à la constatation de la réalité
des droits dont se prévaut le requérant et [qu’]il n’a pas à se livrer à
une analyse critique et approfondie de la validité de brevet allégué,
laquelle relève de l’appréciation de la juridiction statuant au fond »
N.B. : À propos de ce même brevet, la juridiction parisienne a rejeté la
demande de mesures provisoires (cf. infra)
19
►
Dans la lignée de la juridiction lyonnaise : le TGI de Strasbourg
TGI Strasbourg ord. réf. 10 mars 2009 précitée : « cette revendication
n’est pas manifestement nulle » car :
­
action en nullité pendante ne saurait à elle seule démontrer le
caractère manifeste d’une éventuelle nullité de ladite revendication
­
le défendeur aux mesures provisoires a expressément reconnu les
droits de propriété intellectuelle exclusifs du titulaire devant le juge
des référés du Conseil d’État
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►
La pratique moins favorable de la juridiction parisienne
TGI Paris ord. réf. 9 décembre 2008 précitée : « la vraisemblance
de l’atteinte à la marque communautaire de la société Synergie
n’est pas établie avec suffisamment d’évidence et ses
demandes seront donc rejetées », car :
-
marque Synergie du demandeur est semi-figurative
-
le terme Synergie est employé en association avec le sigle
CIFPA par les défendeurs à titre de dénomination sociale,
nom commercial et nom de domaine
21
TGI Paris ord. réf. 20 janvier 2009 : « le caractère vraisemblable
de la contrefaçon n’est pas établi du fait des contestations
sérieuses élevées par la société Sandoz qui nécessitent un
débat contradictoire au fond »
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arguments d’ordre technique soulevés par la société Sandoz
alléguant la nullité du brevet pour défaut d’activité inventive
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la société Sandoz a invoqué une absence de contrefaçon,
celle-ci n’utilisant pas d’éther de cellulose, à la différence de
l’invention revendiquée
Il est intéressant de noter qu’à propos de ce même brevet pour
des actes similaires, la juridiction lyonnaise avait accordé les
mesures (cf. TGI Lyon ord. réf. 21 juillet 2008 précitée)
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Cour d’appel de Paris 16 janvier 2009 : « dès lors que les droits dont la
société Seba revendique la protection en l’espèce sont susceptibles
d’être annulés, l’atteinte qu’elle allègue n’est pas caractérisée de façon
vraisemblable »
-
antériorités produites par les défenderesses dont la Cour a jugé
qu’elles étaient susceptibles de compromettre la validité du brevet
pour défaut d’activité inventive
Toutefois, si les antériorités citées sont dénuées de pertinence,
l’interdiction provisoire sera prononcée :
TGI Paris ord. réf. 27 octobre 2008 : « l’antériorité opposée n’est pas
destructrice de nouveauté ; elle n’a pas de date certaine et ne présente
pas toutes les caractéristiques de l’invention »
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Question : L’existence d’une opposition pendante devant l’OEB peutelle en soi, empêcher l’obtention d’une mesure d’interdiction provisoire ?
 La réponse devrait être négative et dépend des circonstances
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3.
Les voies de recours
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►
En référé : appel ou tierce opposition dans les 15 jours à
compter de la signification de l’ordonnance (article 490 CPC)
≠ loi ancienne sous l’empire de laquelle le délai était d’un mois,
s’agissant d’un jugement rendu en la forme des référés
►
Sur requête : référé-rétractation qui n’est enfermé dans aucun
délai (articles 496 et 497 CPC)
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Conclusion
Un équilibre doit être trouvé :
­
entre les intérêts du titulaire de droit :
 nécessité d’obtenir rapidement une mesure efficace
 nécessité de prévenir une atteinte qui sera ensuite difficilement
réparable
Ex : en matière de médicaments génériques
-
ceux du prétendu contrefacteur
 conséquences économiques considérables
Ex : rappel des produits
­
sécurité juridique
➨ La recherche de cet équilibre commande que l’appréciation de la
réalité des droits passe également par une appréciation de leur
apparence de validité
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Questions ?
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