mémoire en texte intégral version pdf (à télécharger)

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Je remercie M.Benoît pour m’avoir dit oui, alors que mon projet de mémoire était pour le moins
original et légèrement en marge de sa discipline, mais également pour son encadrement et les
bases qu’il a fourni à ma réflexion sur le travail de l’historien.
Je remercie le personnel du fonds ancien de la bibliothèque municipale de Lyon, aimable et
serviable, qui m’a permis de farfouiller à ma guise parmi de vieux papiers poussiéreux et
fragiles.
Je remercie M.Marot de l’université de Toulouse – le Mirail, pour son cours touffu et
brillant sur le roman historique, qui m’a permis d’affiner ma réflexion.
Je remercie Emile Zola pour le fond et pour la forme, pour les heures de lecture et pour
l’enrichissement personnel que m’a apporté son roman, comme tant d’autres.
Enfin je remercie tous ceux qui m’ont aidée, moralement ou dans mes recherches, et je leur
dédie ce modeste opuscule.
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« L’armée française entrerait la première en campagne, elle culbuterait les
prussiens sur le Rhin ; enfin, avec la neutralité et peut-être la complicité des
Allemands du Sud, elle rejoindrait les Autrichiens avec lesquels, par la Saxe, elle
irait jusqu’à Berlin porter un coup décisif à la monarchie prussienne. » 8
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« Le plan de l’empereur était clair : jeter quatre cent mille hommes sur le Rhin,
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Nord de l’Allemagne du Sud par une pointe vigoureuse ; et, grâce à quelque
succès éclatant, forcer tout de suite l’Autriche et l’Italie à se mettre avec la
France. […] Une simple promenade militaire, de Strasbourg à Berlin. » 9
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« « Ecoutez bien, monsieur… Si les Prussiens osent venir, nous les reconduirons
chez eux à coups de pied dans le cul… Vous entendez, à coups de pied dans le
cul, jusqu’à Berlin ! » Et il eut un geste superbe, la sérénité d’un enfant, la
conviction candide de l’innocent qui ne sait rien et ne craint rien. » 10
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« Le 12ème péniblement complété au camp, à l’aide de régiments de marche et
d’une division d’infanterie de marine ; le 1er, dont les débris arrivaient débandés
depuis le 14, et dont on reformait tant bien que mal les cadres ; enfin, le 5ème,
défait sans avoir combattu, emporté, disloqué dans la déroute, et le 7ème qui
débarquait, démoralisé lui aussi, amoindri de sa première division, qu’il venait
seulement de retrouver à Reims, en pièces ; au plus, cent vingt mille hommes, en
comptant la cavalerie de réserve » 11
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« Le Chesne, 27 août 1870, 3 heures 25 du soir. Maréchal Mac-Mahon prévient
maréchal Bazaine que l’arrivée du prince royal à Châlons le force à opérer, le 28,
sa retraite sur Mézières, et de là à l’ouest, s’il n’apprend pas que le mouvement
de retraite du maréchal Bazaine soit commencé. » 12 « Le Chesne, 27 août 1870,
huit heures trente du soir. Maréchal Mac-Mahon à guerre, Paris. Les Ire et IIe
armées, plus de 200 000 hommes bloquent Metz, principalement sur la rive
gauche ; une force évaluée à 50 000 hommes serait établie sur la rive droite de la
Meuse, pour gêner ma marche sur Metz. Des renseignements annoncent que
l’armée du prince royal de Prusse se dirige aujourd’hui sur les Ardennes avec
50 000 hommes ; elle serait déjà à Ardeuil. Je suis au Chesne avec un peu plus de
100 000 hommes. Depuis le 9, je n’ai aucune nouvelle de Bazaine, si je me porte à
sa rencontre, je serai attaqué de front par une partie des Ire et IIe armées […] ; en
même temps, attaqué par l’armée du prince royale de Prusse, me coupant toute
ligne de retraite. Je me rapproche demain de Mézières d’où je continuerai ma
retraite, selon les évènements, vers l’ouest. » 13
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« Paris, 27 août, 11 heures soir. Guerre à Empereur, Quartier impérial. Si vous
abandonnez Bazaine, la révolution est dans Paris et vous serez attaqué
vous-même par toutes les forces de l’ennemi. […] Il me paraît urgent que vous
puissiez parvenir rapidement jusqu’à Bazaine. […] Le prince royal de Prusse,
sentant le danger auquel votre marche tournante explose et son armée et l’armée
qui bloque Bazaine, aurait changé de direction et marcherait vers le nord. Vous
avez au moins trente-six heures d’avance sur lui, peut-être quarante-huit
heures.[…] » 14
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Saint-Martin-l’Heureux (2ème division) et à Prosnes (3ème division) ; « Le 1er
corps, entre Saint-Hilaire et Bétheniville ; « Le 5ème corps, à Pont-Faverger et
Selles ; « Le 12ème corps, à Saint-Masmes et Heutrégiville ; « La division de
cavalerie Bonnemain, couvrant la droite de l’armée, à Vaudesincourt et Aubérive ;
« Le général Margueritte, avec les chasseurs d’Afrique, à Monthois, surveillant
les défilés de Grand-Pré et de la Croix-au-Bois. » 15
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« Enfin, comme il redoutait l’embarras de l’interminable convoi de vivres, qui
avait rallié le corps pendant la nuit, et qu’il traînait de nouveau à sa suite, il le fit
remettre en branle sur-le-champ, il le dirigea au petit bonheur, du côté de
Chagny » 16
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« Grande victoire, on ne savait. Mais les journaux débordaient d’enthousiasme,
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« On ne se repliait plus sur Paris, on allait marcher sur Verdun, à la rencontre de
Bazaine. Le bruit circulait d’une dépêche de ce dernier, arrivé dans la journée,
annonçant qu’il opérait son mouvement de retraite » 18
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« Le 22 août, il reçoit à Reims un télégramme de Bazaine, daté du 19 août et
libellé ainsi : « Je compte toujours prendre la direction du nord et me rabattre sur
Montmédy ». Ce télégramme unique et qui ne sera suivi d’aucun autre, puisque à
partir du 20 août Metz ne communique plus avec l’extérieur, le décide, semble-t-il,
à obéir au gouvernement. » 19
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« Deux dépêches nouvelles étaient arrivées coup sur coup : les Prussiens
n’avaient point passé le Rhin à Markolsheim, […] tous ces récits alarmants
étaient simplement un cauchemar, une hallucination inexpliquée du sous-préfet
de Schelestadt. Et quant au corps d’armée qui menaçait Huningue, le fameux
corps d’armée de la Forêt-Noire, devant lequel tremblait l’Alsace, il n’était
composé que d’un infime détachement wurtembergeois, deux bataillons et un
escadron, dont la tactique habile, les marches, les contremarches répétées, les
apparitions imprévues et soudaines, avaient fait croire à la présence de trente à
quarante mille hommes. » 20
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« Où étaient donc les armées allemandes ? Il semblait qu’on les eût perdues. […]
la troisième armée, celle du prince royal de Prusse, l’armée victorieuse à
Wissembourg et Froeschwiller, et qui poursuivait le 1er corps et le 5e, où
était-elle réellement, au milieu du gâchis d’informations contradictoires ?
Campait-elle encore à Nancy ? Arrivait-elle devant Châlons, pour qu’on eût quitté
le camp avec une telle hâte, en incendiant les magasins, les objets d’équipement,
des fourrages, des provisions de toutes sortes ? » 21
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« Maurice, plus tard, […] demeura convaincu que cet homme était un de ceux qui
renseignèrent le grand état-major allemand sur la marche exacte de l’armée de
Châlons, et qui décidèrent le changement de front de la troisième armée. Dès le
lendemain, le prince royal de Prusse quittait Revigny, l’évolution commençait,
cette attaque de flanc, cet enveloppement gigantesque […] au travers de la
Champagne et des Ardennes. Pendant que les Français allaient hésiter et osciller
sur place, comme frappés de paralysie brusque, les Prussiens faisaient jusqu’à
quarante kilomètres par jour, dans leur cercle immense de rabatteurs, poussant
le troupeau d’hommes qu’ils traquaient, vers les forêts de la frontière. » 22
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« Les Prussiens étaient là, maintenant ! On les avait attendus deux jours, pour
leur donner le temps d’arriver. Obscurément, au fond des plus bornés, montait la
colère de l’irréparable faute commise, cette attente imbécile, ce piège dans lequel
on était tombé : les éclaireurs de la IVè armée amusant la brigade Bordas,
arrêtant, immobilisant un à un tous les corps de l’armée de Châlons, pour
permettre au prince royal de Prusse d’accourir avec la IIIème armée. Et, à cette
heure, […] la jonction se faisait, le 7ème corps et le 5ème allaient être harcelés »
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« L’attaque débuta vers huit heures, alors que nos troupiers se mettaient à laver
leur linge, à faire la soupe, à nettoyer leurs fusils. […] A onze heures, les Français
demeuraient maîtres du terrain. Mais les renforts ennemis ne cessaient
d’augmenter, tandis que la division française ne recevait aucun soutien. Le
général Abel Douay fut tué entre onze heures et midi par l’explosion du caisson
de munitions d’une batterie de mitrailleuses. » 24 « « Moi, je lavais ma chemise,
tandis qu’on faisait la soupe… […] Alors, à sept heures, voilà que les obus se
mettent à tomber dans nos marmites. Nom de Dieu ! ça n’a pas traîné, nous
avons sauté sur nos flingots, et jusqu’à onze heures, vrai ! on a cru qu’on leur
allongeait une raclée dans les grands prix… Mais faut que vous sachiez que nous
n’étions pas cinq mille et que ces cochons arrivaient, arrivaient toujours. […]
Pour lors, voilà notre général, le pauvre bougre de général Douay, pas une bête ni
un capon, celui-là, qui gobe une prune et qui s’étale, les quatre fers en l’air. » » 25
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« Les débris des uns et des autres ont, il est vrai, traversé Reichsoffen…
plusieurs heures après avoir chargé, les uns à 7, les autres à 5 kilomètres environ
de là. » 26
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« Les Prussiens montaient donc d’Holy sur Illy, que domine le calvaire. C’est le
point qui inquiétait Douay, ainsi que le mamelon au-dessus de Floing, un
mamelon boisé, Hattoy, plus haut encore que le calvaire. Dès qu’il a été pris et
qu’une batterie y a été installée, elle a balayé tous les terrains où se trouvait le
7ème corps. Et c’est cette batterie qui a permis de prendre Illy. » 27 « C’était,
comme il en avait eu le sentiment, une chose grave, que la prise par l’ennemi de
cette position, dont le général Douay avait dû abandonner la défense. Elle
commandait les plateaux environnants. » 28
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« « Comprenez donc, disait Weiss, en répétant son geste, ses deux bras élargis et
ses mains rejointes, ça va être comme ça, si vos généraux n’y prennent pas
garde… On vous amuse à Bazeilles… » » 29 « « L’ennemi nous amuse là, pendant
qu’il manœuvre pour envelopper nos ailes » » 30
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« « Fichez-nous la paix !... Nous allons les flanquer à la Meuse vos Bavarois, et ils
verront comment on nous amuse ! » » 31 « « Nous allons d’abord nous occuper de
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notre nouvel ennemi » » 32
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« Vers six heures et demie environ une garde d’honneur de cuirassiers se place
près de nous. Peu après apparaît le général Reille, parlementaire de Napoléon,
montant lentement la colline. A dix pas du Roi, il descend de cheval et, ôtant son
képi, il lui remet une grande enveloppe scellée de cire rouge. Ce général était un
homme assez âgé, de taille moyenne, vêtu d’une tunique bleue déboutonnée,
d’épaulettes, d’un gilet noir, d’un pantalon rouge, et de bottes vernies. Il ne porte
point d’épée ; il tient une canne à la main. […] Le Roi délibère avec le Chancelier
qui donne à Hatzfeld l’ordre de rédiger une réponse à la lettre impériale. Hatzfeld
l’apporte quelques instants après et le roi la copie, assis sur une chaise et
écrivant sur le dossier d’une seconde chaise que le major d’Alten, un genou en
terre, tenait sur l’autre genou. » 33
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« Mais, tout d’un coup, Delaherche aperçut, gravissant les pentes de la Marfée, un
général français, vêtu d’une tunique bleue, monté sur un cheval noir, et que
précédait un hussard, avec un drapeau blanc. C’était le général Reille[…]. Et
Delaherche vit le général Reille s’arrêter à dix pas du roi, descendre de cheval,
puis s’avancer pour remettre la lettre, sans arme, n’ayant aux doigts qu’une
cravache. Le soleil se couchait dans une grande lueur rose, le roi s’assit sur une
chaise, s’appuya au dossier d’une autre chaise, que tenait un secrétaire, et
répondit qu’il acceptait l’épée en attendant l’envoi d’un officier qui pourrait traiter
de la capitulation. » 34
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« C’est un diplôme de capacité militaire que vous me délivrez »
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« Il est peu probable que, dans la Débâcle, le spécialiste trouve beaucoup à
reprendre dans la description de la mise en position de tir d’une batterie de
campagne ou d’une amputation d’un bras par désossement de l’épaule » 35
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ventre, la poitrine ou la tête. Des flancs saignaient par des déchirures affreuses,
des nœuds d’entrailles s’étaient faits sous la peau soulevée, des reins entamés,
hachés, tordaient les attitudes en contorsions frénétiques. De par en part, des
poumons étaient traversés, les uns d’un trou si mince, qu’il ne saignait pas, les
autres d’une fente béante d’où la vie coulait en un flot rouge ; et les hémorragies
internes, celles que l’on ne voyait point, foudroyaient les hommes, tout d’un coup
délirant et noirs. Enfin, les têtes avaient souffert plus encore : mâchoires
fracassées, bouillie sanglante des dents et de la langue ; orbites défoncées, l’œil
à moitié sorti ; crânes ouverts, laissant voir la cervelle. Tous ceux dont les balles
avaient touché al moelle ou le cerveau, étaient comme des cadavres, dans
l’anéantissement du coma ; tandis que les autres, les fracturés, les fiévreux,
s’agitaient, demandaient à boire, d’une vois basse et suppliante. » 36
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« Cette fois, il s’agissait de la désarticulation d’une épaule, d’après la méthode de
Lisfranc[…]. Déjà, on chloroformait le patient, pendant qu’un aide lui saisissait
l’épaule à deux mains, les quatre doigts sous l’aisselle, le pouce en dessus.
Alors, Bouroche, armé du grand couteau long, après avoir crié « Asseyez-le ! »
empoigna le deltoïde, transperça le bras, trancha le muscle ; puis, revenant en
arrière, il détacha la jointure d’un seul coup ; et le bras était tombé, abattu en
trois mouvements. L’aide avait fait glisser ses pouces, pour boucher l’artère
humérale. […] Il ne restait plus qu’à rabattre le lambeau de chair sur la plaie, ainsi
qu’une épaulette à plat. » 37
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« Les vastes étendues de terre crayeuse continuaient, se succédaient sans fin.
Pas une ferme, pas une âme, rien que des vols de corbeaux tachant de noir
l’immensité grise. A gauche, très loin, des bois de pins, d’une verdure sombre,
couronnaient les lentes ondulations qui bornaient le ciel ; tandis que, sur la
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droite, on devinait le cours de la Vesle, à une ligne d’arbres continue. […] Enfin,
vers quatre heures, le 106ème s’arrêta à Dontrien, un village bâti au bord de la
Suippe. La petite rivière court parmi des bouquets d’arbres, la vieilles église est
au milieu du cimetières, qu’un marronnier immense couvre tout entier de son
ombre. Et ce fut sur la rive gauche, dans un pré en pente, que le régiment dressa
ses tentes. » 38
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« Il regardait la petite maison blanche, à deux étages, qui faisait l’angle de la
place et de la rue de Vouziers, une maison d’aspect bourgeois et calme, dont il
évoquait l’intérieur, l’allée centrale en bas, les quatre pièces de chaque étage[…].
En haut, vers l’angle, la fenêtre du premier, ouvrant sur la place, se trouvait
éclairée déjà ; et la femme du pharmacien lui expliquait que cette chambre était
celle de l’empereur. » 39
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« Les Français occupaient, dans Bazeilles, une position très forte. Bâti aux deux
bords de la route de Douzy, le village dominait la plaine ; et il n’y avait, pour s’y
rendre, que cette route, tournant à gauche, passant devant le château, tandis
qu’une autre, à droite, qui conduisait au pont du chemin de fer, bifurquait à la
place de l’Eglise. Les Allemands devaient donc traverser les prairies, les terres de
labour, dont les vastes espaces découverts bordaient la Meuse et la ligne
ferrée. » 40
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« Le chemin tournait, et l’on descendant dans le Fond de Givonne, un faubourg
encaissé entre des coteaux, où la route qui montait vers les bois, était bordée de
petites maisons et de jardins. » 41
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« Deux points surtout semblaient menaçants, le mamelon du Hattoy, au-dessus
de Floing, à gauche, et le calvaire d’Illy, une croix de pierre entre deux tilleuls, à
droite. […] Les terres s’étendaient entre Sedan et la forêt des Ardennes, vastes et
nues, profondément vallonnées, et la clef de la position était visiblement là, au
pied de cette croix et de ces deux tilleuls, d’où l’on balayait toute la contrée
environnante. » 42
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1
« Maintenant, ils ne pouvaient plus avancer, au milieu de la foule inextricable des
arbustes. Les tiges minces les liaient aux épaules ; les hautes herbes se nouaient
à leurs chevilles ; des murs brusques de broussailles les immobilisaient, pendant
que les feuillages volaient autour d’eux, sous la faux géante qui fauchait le bois.
[…] L’horreur s’était encore accrue, parmi ce peuple d’arbres bombardés, tués à
leur poste, s’abattant de tous côtés comme des soldats immobiles et géants.
Sous les frondaisons, dans le délicieux demi-jour verdâtre, au fond des asiles
mystérieux, tapissés de mousse, soufflait la mort brutale. Les sources solitaires
étaient violées, des mourants râlaient jusque dans les coins perdus, où des
amoureux seuls s’étaient égarés jusque-là. » 43
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« une bande de terre rougeâtre, longue de trois kilomètres, descendait en pente
douce du bois de la Garenne à la Meuse, dont des prairies le séparaient. » 44
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« Le château de Bellevue, ce riant castel bourgeois, dominant le fleuve » 45
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« La propriété, avec son petit parc, s’étageait en trois larges terrasses ; et c’était
sur une de ces terrasses que le corps de logis se dressait, une grande maison
carrée, à laquelle conduisait une allée d’ormes séculaires. En face, séparaées par
l’étroit vallon, profondément encaissé, se trouvaient d’autres propriétés, à la
lisière d’un bois. » 46
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« Dans la rue Maqua, il fut surpris du nombre de soldats qui rentraient, sans
armes, l’uniforme en lambeaux, souillé de poussière. […] Machinalement alors, il
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se dirigea de nouveau vers la Sous- Préfecture, avec la pensée que toutes les
nouvelles affluaient là. Comme il traversait la place du Collège, deux canons,
sans doute les deux seules pièces qui restaient d’une batterie, arrivèrent au
galop, s’échouèrent le long d’un trottoir. Dans la Grande- Rue, il dut s’avouer que
la ville commençait à s’encombrer de fuyards […]. Sur la place de Turenne, un
sous-lieutenant lui conseilla de ne pas s’attarder, car des obus y tombaient
fréquemment, un éclat venait même d’y briser la grille qui entourait la statue du
grand capitaine, vainqueur du Palatinat. Et, en effet, comme il filait rapidement
dans la rue de la Sous- Préfecture, il vit deux projectiles éclater, avec un fracas
épouvantable, sur le pont de Meuse. » 47
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« La Débâcle constitue à cet égard un document d’Histoire d’une valeur non
contestable et dont, si ce n’est sur quelques points subalternes, dans les
polémiques qui ont suivi la publication, aucun argument, aucune critique
factuelle ne sont réellement venus mettre en cause l’exactitude essentielle. » 48
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« Le premier auteur important à avoir volontairement intégré 1870 dans un cycle
romanesque est Emile Zola. La Débâcle paraît en 1892, soit vingt ans après les
évènements. C’est la bataille de Sedan qui est au cœur du récit. Zola s’est
soigneusement documenté : visite des lieux, interrogation de multiples témoins.
Aujourd’hui encore le livre frappe par sa précision, sa capacité d’évocation. » 49
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« Les facteurs passionnels ont joué un rôle essentiel. Le plus dangereux a été
l’appel à l’opinion publique. […] Ce qui aurait pu être réglé dans le calme des
chancelleries a tourné à un affrontement entre deux peuples. » 50
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« On discutait sur cette candidature d’un prince allemand au trône d’Espagne ;
dans la confusion qui, peu à peu, s’était faite, tout le monde semblait avoir tort ;
si bien qu’on ne savait plus d’où partait la provocation, et que, seul, debout,
l’inévitable demeurait, la loi fatale qui, à l’heure marquée, jette un peuple sur un
autre. » 51
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« « Ah ! la guerre avec la Prusse, nous la désirions, il y avait longtemps que nous
attendions paisiblement de régler cette vieille querelle. […] Et nous, si calmes, si
résolus, voilà plus de quinze jours que l’impatience et l’inquiétude nous
prennent, à voir comment tout va de mal en pis. » » 52
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« Mais un grand frisson avait traversé Paris, il revoyait la soirée ardente, les
boulevards charriant la foule, les bandes qui secouaient des torches en criant : A
Berlin ! A Berlin ! » 53
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« la mobilisation et la concentration faites d’un seul coup pour gagner du temps,
aboutissant à un gâchis inextricable » 54
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1
« Il aurait été logique que les unités se forment dans les dépôts et qu’elles soient
embarquées vers les lieux de rassemblement une fois leurs effectifs et leurs
équipements au complet. Or il n’en est rien. Les unités partent très vite, telles
qu’elles sont, puis les réservistes sont envoyés les rejoindre par petits paquets
au fur et à mesure de leur arrivée à la caserne. » 55
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Lyon, par crainte d’un mouvement populaire ; et trois batteries s’étaient égarées,
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réservistes convoqués aient rejoint leurs unités. […] Beaucoup de feuilles de
routes sont inexactes […]. Ces négligences ont été aggravées par
l’encombrement des voies ferrées et principalement celle de Paris-Strasbourg.
[…] Dans les années qui ont suivi la défaite, on a cité d’innombrables exemples
de gabegie, d’ordres contradictoires, absurdes ou inapplicables. » 57
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« D’ailleurs, pour manger, il aurait fallu une distribution de l’intendance ; et
l’intendance, qui attendait le 7ème corps à Besace, n’était pas à Oches. Dans
l’abandon et le relâchement de tout, on ne sonnait même plus au caporal. Se
ravitaillait qui pouvait. A partir de ce moment, il n’y eut plus de distributions, les
soldats durent vivre sur les provisions qu’ils étaient censés avoir dans leur sac ;
et les sacs étaient bien vides, bien peu y trouvèrent une croûte » 58
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« Puis, c’était un dénuement extraordinaire, les magasins de Belfort qui devaient
tout fournir, étaient vides : ni tentes, ni marmites, ni ceintures de flanelle, ni
cantines médicales, ni forges, ni entraves à chevaux. Pas un infirmier et pas un
ouvrier d’administration. Au dernier moment, on venait de s’apercevoir que trente
mille pièces de rechange manquaient, indispensables au service des fusils » 59
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« Pour occuper ses troupes, le général Douay les fit travailler aux ouvrages de
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« Contrairement à ce que l’on a souvent écrit, vivres et munitions existaient,
l’intendance avait rassemblé des stocks en quantité suffisante. Seulement ils
étaient trop rarement là où il l’aurait fallu. Ils n’ont pas été distribués en temps
utile et une partie de ces réserves tombera facilement entre les mains de
l’ennemi. » 61
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« Le général parlait librement devant cet homme, commentait la marche de
l’armée, puis l’interrogeait sur la route et les distances, oubliant qu’il n’était point
des Ardennes. L’ignorance absolue que montraient les questions, finit par
émouvoir le colonel. Lui, avait habité Mézières. Il donna quelques indications
précises, qui arrachèrent ce cri au général : « C’est idiot tout de même ! Comment
voulez-vous qu’on se batte dans un pays qu’on ne connaît pas ? ». Le colonel eut
un vague geste désespéré. Il savait que, dès la déclaration de guerre, on avait
distribué à tous les officiers des cartes d’Allemagne, tandis que pas un,
certainement, ne possédait une carte de France. » 62
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« Le bruit courait qu’il venait d’avoir avec le général Ducrot une discussion
violente, chacun soutenant son plan, attaquant le plan contraire, l’un déclarant
que la retraite par Mézières n’était plus possible depuis le matin, l’autre
prophétisant qu’avant le soir, si l’on ne se retirait pas sur le plateau d’Illy, l’armée
serait cernée. Et ils s’accusaient mutuellement de ne connaître ni le pays, ni la
situation vraie des troupes. Le pis était qu’ils avaient tous les deux raisons. » 63
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« Bien souvent, les armées allemandes ont l’impression de s’avancer en
territoire ennemi un peu à l’aveuglette, et cependant elles ont été mieux
informées que leurs adversaires. De toute façon, l’officier allemand, grâce aux
cartes dont il dispose, a d’emblée une meilleure connaissance du terrain et des
lieux que l’officier français. » 64
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« « Ils ne savent rien, ils ne prévoient rien, ils n’ont ni plan, ni idée, ni hasard
heureux…[…] » Et il n’était pas un homme, si borné fût-il, qui n’éprouvât pas le
malaise d’être mal conduit, attardé à tort, poussé au hasard dans la plus
désastreuse des aventures » 65
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« La mise au point d’un outil de combat suppose une réflexion stratégique. Or
sur cet aspect essentiel, la préparation française est fragile et à la limite
inconsistante. Certes, les plans les mieux élaborés ne sont jamais réalisés ; mais
il y a une indigence de réflexion et de pensée qui contraste avec l’effort mené par
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« Des officiers se plaignaient amèrement de l’ordre de retraite qui leur avait fait
abandonner Bazeilles, dès huit heures un quart, lorsque le général Ducrot,
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succédant au maréchal, s’était avisé de vouloir concentrer toutes les troupes sur
le plateau d’Illy. […] Puis, maintenant que le général Wimpffen succédait au
général Ducrot, le premier plan de nouveau l’emportait, l’ordre arrivait de
réoccuper Bazeilles coûte que coûte, pour jeter les Bavarois à la Meuse.
N’était-ce pas imbécile de leur avoir fait abandonner une position, qu’il leur fallait
à cette heure reconquérir ? On voulait bien se faire tuer, mais pas pour le plaisir,
vraiment ! » 67
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« A l’inverse de la Prusse, il n’y a pas en France d’état-major général chargé de la
sélection des officiers […]. De même, la formation de l’officier français, sauf pour
les armes savantes, se fait sur le terrain […]. Il a cette mentalité chevaleresque
qui s’accompagne de préjugés à l’égard de la formation technique et
intellectuelle. » 68
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« Dans tous ces combats, les Allemands sont toujours les attaquants. Les
Français, pourtant sur leur territoire national, s’établissent sur des positions
défensives difficiles à prendre de vive force. C’est le cas à Spicheren, à
Froeschwiller, à Gravelotte-St Privat, à Sedan. On a souvent avancé que les
Français avaient succombé sous le nombre après s’être vaillamment battus. A
Wissembourg, Woerth, Beaumont, Sedan, les Français ont été en situation grave
d’infériorité numérique ; à Spicheren et à Saint-Privat, cette infériorité était aisée
à corriger si le commandement l’avait voulu ; à Sedan, ce n’est pas ce
désavantage réel qui les a acculés à la capitulation. A Borny-Colombey (14 août)
et à Rezonville-Mars-la-Tour (16 août), les Français avaient une supériorité
numérique qu’ils n’ont pas su exploiter. C’est pourquoi, à l’exception de
Wissembourg et de Froeschwiller, les Français ont été vaincus pour d’autres
raisons que le nombre. » 69
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« « Ah ! dit Prosper, devenu grave, ce n’est pas ici comme là-bas, on se bat
autrement. » » 70
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« On changeait tout, même la façon de se battre. […] Qu’est-ce que c’était que
cette fichue guerre, où l’on se rassemblait dix pour en écraser un, où l’ennemi ne
se montrait que le soir, après vous avoir mis en déroute par toute une journée de
prudente canonnade ? » 71
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« Un terrible homme, ce général de Moltke, sec et dur, avec sa face glabre de
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d’algèbre ! » 73
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« Et un soldat s’avança, un Bavarois trapu, à l’énorme tête embroussaillée de
barbe et de cheveux roux, sous lesquels on ne distinguait qu’un large nez carrés
et que de gros yeux bleus. Il était souillé de sang, effroyable, tel qu’un de ces
ours des cavernes, une de ces bêtes poilues toutes rouges de la proie dont elles
viennent de faire craquer les os. » 74
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« Aux deux bords, une haie de soldats portaient des torches de résine, éclairant
la chaussée d’une lueur rouge d’incendie. Et, au milieu, coulait le fleuve des
chevaux, des canons, des caissons, menés d’un train d’enfer, en un galop
furieux. C’était la hâte enragée de la victoire, la diabolique poursuite des troupes
françaises, à achever, à écraser, là-bas, dans quelque basse-fosse. Rien n’était
respecté, on cassait tout, on passait quand même. Les chevaux qui tombaient, et
dont on coupait les traits tout de suite, étaient roulés, broyés, rejetés comme des
épaves sanglantes. Des hommes, qui voulurent traverser, furent renversés à leur
tour, hachés par les roues. Dans cet ouragan, les conducteurs mourrant de faim
ne s’arrêtaient même pas, attrapaient au vol des pains qu’on leur jetait ; tandis
que les porteurs de torches, du bout de leurs baïonnettes, leur tendaient des
quartiers de viande. Puis, du même fer, ils piquaient les chevaux, qui ruaient,
affolés, galopant plus fort. Et la nuit s’avançait, et l’artillerie passait toujours,
sous cette violence accrue de tempête, au milieu des hourras frénétiques. » 75
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« Et l’empereur, au passage, leva la tête, très pâle, la face déjà tirée, les yeux
vacillants, comme troubles et pleins d’eau. […]C’était le conspirateur, le rêveur à
qui l’énergie manque au moment de l’action. On le disait très bon, très capable
d’une grande et généreuse pensée […]. Mais il semblait frappé de stupeur dans
les grandes crises, comme paralysé devant l’accomplissement des faits,
impuissant dès lors à réagir contre la fortune, si elle lui devenait adverse. Et
Maurice se demandait s’il n’y avait pas là un état physiologique spécial, aggravé
par la souffrance, si la maladie dont l’empereur souffrait visiblement n’était pas la
cause de cette indécision, de cette incapacité grandissantes qu’il montrait depuis
le commencement de la campagne. Cela aurait tout expliqué. Un gravier dans la
chair d’un homme, et les empires s’écroulent. » 76
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« Ainsi, quelques heures avaient suffi, c’était maintenant le désastre décidé,
accepté. […] l’empereur, qui ne commandait plus, attendait le destin. On leur
demandait leur vie et la vie de l’armée : ils les donnaient. Ce fut la nuit du crime,
la nuit abominable d’un assassinat de la nation ; car l’armée dès lors se trouvait
en détresse, cent mille hommes étaient envoyés au massacre. » 78
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« Napoléon III se trouvait, il est vrai, dans une situation de santé peu favorable à
l’héroïsme. Il était parti de Paris atteint, comme on sait, d’une maladie grave des
voies urinaires, et cette maladie ne pouvait que s’aggraver par le voyage qu’on lui
faisait entreprendre pour des raisons politiques. […] Il était plus voûté et sa
marche lourde et pénible lui faisait avoir recours constamment au bras d’un aide
de camp ou d’un serviteur ; il ne circulait pas autrement qu’étendu dans une
calèche ; et ce personnage à la figure morne, aux paupières retombant sur des
yeux hébétés, produisait une pénible impression dans l’esprit des populations
qui le voyaient passer et qui s’étaient fait une toute autre idée d’un empereur
chargé de diriger les destinées d’un grand peuple. Un silence glacial l’accueillait
partout sur son passage. » 79
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« Tous des incapables, depuis leur maître Napoléon ; tous au-dessous de leur
tâche. » 80
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« Mais qu’exiger de troupes mal commandées, démoralisées par l’attente et la
fuite, mourantes de faim et de fatigue ? » 83
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« Ils n’étaient guère disciplinés, ils volaient et buvaient. Mais que de souffrances
déjà, et que d’excuses, dans l’effondrement de la nation entière ! » 84
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« Dans la victoire, il se serait senti si brave et triomphant ! Dans la défaite, d’une
faiblesse nerveuse de femme, il cédait à un de ces désespoirs immenses, où le
monde entier sombrait. Il n’y avait plus rien, la France était morte. » 85
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« Les erreurs stratégiques des généraux n’ont pas été des fautes individuelles
mais des crimes de lèse-patrie commis par la nation entière. […] Nous nous
étions laissé devancer, vivant dans la vaniteuse confiance de notre vieille gloire.
Et voilà comment la France, qui avait promené ses drapeaux victorieux par toutes
les capitales de l’Europe, quand elle était la force et l’intelligence, a failli mourir
de la routine et de la sottise, dans la basse-fosse de Sedan. » 86
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« Et, s’il se trouvait là, engagé volontaire, c’état à la suite de grandes fautes, toute
une dissipation de tempérament faible et exalté, de l’argent qu’il avait jeté au jeu,
aux femmes, aux sottises de Paris dévorateur, lorsqu’il y était venu terminer son
droit et que la famille s’était saignée pour faire de lui un monsieur. […]Et Maurice
se croyait bien corrigé, dans sa nervosité prompte à l’espoir du bien comme au
découragement du mal, généreux, enthousiaste, mais sans fixité aucune, soumis
à toutes les sautes du vent qui passe. » 88
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« Et il était gai, et il semblait repris d’une confiance immense. Il n’y avait pas eu
de défaites. Cette poignée d’hommes, en face de lui, c’étaient les armées
allemandes, qu’il allait culbuter d’un coup, très à l’aise. Son grand corps maigre,
sa longue figure osseuse, au nez busqué, tombant dans une bouche violente et
bonne, riait d’une allégresse vantarde, la joie du troupier qui a conquis le monde
entre sa belle et une bouteille de vin. » 89
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« Il poussait son cheval, barrait le chemin aux fuyards, trouvait des paroles pour
chacun, parlait de la France, d’une voix où tremblaient les larmes. […] « Non, non,
lieutenant, ils vont tous me suivre… N’est-ce pas, mes enfants, vous n’allez pas
laisser votre vieux colonel se débarbouiller tout seul avec les Prussiens ? … En
avant, là-haut ! » Et il partit, et en effet tous le suivirent, tellement il avait dit cela
en brave homme de père, qu’on ne pouvait abandonner, sans être des pas
grand-chose. » 90
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« Il avait donc daigné quitter enfin l’hôtel de la Croix d’Or ; et sa mauvaise
humeur disait assez son ennui de s’être levé si tôt, dans des conditions
d’installation et de nourriture déplorables. Sa voix tonnante arriva, distincte.
« Eh ! Nom de Dieu ! La Moselle ou la Meuse, l’eau qui est là, enfin ! » » 91
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« Tous rigolèrent de la faim du capitaine, qui n’avait pas su se faire aimer de ses
hommes, trop jeune et trop dur, un pète-sec, comme ils l’appelaient. […] Quant au
lieutenant Rochas, galopé également d’une terrible fringale, il tournait, avec un
rire de brave homme, autour de la bienheureuse escouade. Lui, ses hommes
l’adoraient, d’abord parce qu’il exécrait le capitaine, ce freluquet sorti de
Saint-Cyr, et ensuite parce qu’il avait porté le sac, comme eux tous. » 92
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« C’était le pervertisseur, le mauvais ouvrier de Montmartre, le peintre en
bâtiments flâneur et noceur, ayant mal digéré les bouts de discours entendus
dans les réunions publiques, mêlant des âneries révoltantes aux grands
principes d’égalité et de liberté. » 93
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« D’une main prompte, il arracha le binocle, le remplaça par des lunettes ; et ce
gros bourgeois en paletot, à la bonne face ronde que la colère transfigurait,
presque comique et superbe d’héroïsme, se mit à faire le coup de feu, tirant dans
le tas des Bavarois, au fond de la rue. Il avait ça dans le sang, disait-il, ça le
démangeait d’en descendre quelques-uns, depuis les récits de 1814, dont on
avait bercé son enfance, là-bas, en Alsace. » 94
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« des commis de magasin, des ouvriers de toute sorte, des marchands
ambulants, qui profitent de la paix, pour explorer le pays, l’apprendre par cœur,
s’y créer des ramifications. […] La Prusse sait qu’elle a là une riche pépinière
d’espions, et pour le moment du besoin, des guides incomparables. » 95
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« Il n’était pas midi encore, le roi constatait la marche mathématique, inexorable
de ses armées, depuis neuf heures. […] Celle de gauche, venue par la plaine rase
de Donchery, continuait à déboucher du défilé de Saint-Albert, dépassait
Saint-Menges, commençait à gagner Fleigneux ; et il voyait distinctement,
derrière le XIème corps violemment aux prises avec les troupes du général
Douay, se couler le Vème corps, qui profitait des bois pour se diriger sur le
calvaire d’Illy ; […] L’armée de droite occupait désormais tout le vallon de la
Givonne, le XIIème corps s’était emparé de la Moncelle, la garde venait de
traverser Daigny, remontant déjà le ruisseau, en marche également vers le
calvaire, après avoir forcé le général Ducrot à se replier derrière le bois de la
Garenne. […] D’un mot, le roi avait demandé un renseignement. Sur l’échiquier
colossal, il voulait savoir et tenir dans sa main cette poussière d’hommes qu’il
commandait. » 96
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« Lorsqu’on ferme ce livre massif, touffu, où la vie déborde, où fourmillent les
foules, où grouille, saigne et gémit un monde agonisant, on est poursuivi par
l’angoisse d’une vision affreuse et ineffaçable ; on a vu crouler une dynastie, une
société, une nation : on a été emporté dans le tourbillon d’un des cyclones les
plus épouvantables qui aient jamais déraciné et émietté les ambitions et les
espérances humaines. » 97
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« J’ai envisagé la guerre telle qu’elle est, avec ses hideurs, ses charniers
ensanglantés, ses épouvantes, ses privations, et je crie aux peuples : « Voyez la
guerre, la voilà ! » » 98
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« C’était l’armée de la désespérance, le troupeau expiatoire qu’on envoyait au
sacrifice, pour tenter de fléchir la colère du destin. Elle allait monter son calvaire
jusqu’au bout, payant les fautes de tous du flot rouge de son sang, grandie dans
l’horreur même du désastre. » 99
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« Puis à son tour, il dit son idée, péniblement, au petit bonheur des mots. On
avait reçu une sacrée roulée, ça c’était certain ! Mais on n’était pas tous morts
peut-être, il en restait, et ceux-là suffiraient bien à rebâtir la maison, s’ils étaient
de bon bougres, travaillant dur, ne buvant pas ce qu’ils gagnaient. [...] Même il
n’est pas mauvais, parfois, de recevoir une bonne gifle : ça fait réfléchir. Et, mon
Dieu, si c’était vrai qu’on avait quelque part de la pourriture, des membres gâtés,
eh bien ! ça valait mieux de les voir par terre, abattus d’un coup de hache, que
d’en crever comme d’un choléra. » 100
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« Moi, je le trouve superbe, ce fard digne d’un des grands héros de Shakespeare,
haussant la figure de Napoléon III à une mélancolie tragique d’une infinie
grandeur […] Sur ces petits détails de l’histoire, quand les témoignages sont
partagés, quand il y a doute, le poète a le droit de choisir la version dont il a
besoin pour la grandeur de son œuvre. […] Donc, je supplie M. de Cassagnac de
ne pas insister. Très certainement, si je l’écoutais, la figure de son empereur en
serait diminuée. Le fard y est et il y restera. » 102
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« « Mais enfin, pourquoi tire-t-on toujours, puisque j’ai fait hisser le drapeau
blanc ? » » 103
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« « Comment se fait-il donc, mon cher général, que le feu n’ait pas cessé et que
la lutte se continue ? Il y a plus d’une heure que j’ai fait hisser sur la citadelle un
drapeau blanc, pour faire cesser cette lutte qu’il est absolument inutile de
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davantage. J’ai fait hisser le drapeau blanc pour demander un armistice. » » 104
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