Association France Union Indienne Le Bulletin de l`AFUI n°26

Transcription

Association France Union Indienne Le Bulletin de l`AFUI n°26
Association France Union Indienne
Le Bulletin de l’AFUI n°26
Pondichéry et les comptoirs de l'Inde après Dupleix par Jacques Weber,
Ed. Denoël, coltl L'aventure coloniale.
Voici un sujet sur lequel on a peu écrit. Le magistral ouvrage de Jacques Weber, qui a résumé
pour un public élargi les cinq gros volumes de sa thèse, vient heureusement combler cette lacune. En
400 pages savamment documentées, mais d'un style si aisé et si clair qu'elles restent agréables à lire,
est décrite la vie difficile des comptoirs recouvrés en 1815, minuscules enclaves dans l'énorme Inde
britannique qui ne cesse d'entraver leur développement, tellement elle se méfie des Français.
De son côté, le gouvernement de Paris s'obstine à détourner certaines recettes de Pondichéry (la
rente de l'Inde) à son profit ou à celui d'autres colonies. Les comptoirs profitent pourtant de l'embellie
économique qui marque le Second Empire. Sous l'autorité intelligente du gouverneur Verninac et de
ses successeurs, on allège les lourds impôts, on réforme la propriété, on construit des routes.
Pondichéry devient une escale sur le route d'Extrême-Orient, le commerce prospère, certains
Pondichériens s'enrichissent. Parfois de manière plus ou moins critiquable en transportant une main
d'oeuvre misérable et exploitée vers la Réunion ou les Antilles : c'est le fructueux "coolie tracte". Cette
émigration (décrite aussi de façon plus romantique dans le dernier roman de Le Clézio) n'est pas
propre aux enclaves françaises et amène bien des querelles avec les Anglais avant d'être supprimée
dans tes années 80. La prospérité, du reste, ne dure pas. A la suite de sécheresses et d'inondations,
la colonie sombre dans le déficit et la misère dus aussi aux intrigues politiciennes.
Le suffrage universel, qui vise "à faire du paria l'égal d'un brahmane" est détourné par le chef des
hautes castes Chanemougan, puissant Machiavel hindou. Il fabrique les députés, "conduit le peuple
aux urnes comme un troupeau", et fait prêcher "la guerre sainte contre tout ce qui est français" : la
fraude électorale prend des proportions inégalées, au milieu des violences. Même après sa mort, la
tentative de démocratie se révèle un échec. Jusqu'au rattachement à l'Inde au milieu du XXè siècle,
après des négociations parfois pénibles, les comptoirs restent la proie de querelles politiciennes
aggravées par des affrontements de caste.
Car le plus intéressant peut-être de cette longue étude me semble l'analyse de la confrontation
de deux civilisations, de deux sociétés, de deux philosophies de la vie. La devise de la France prône
l'égalité et la fraternité. La société indienne est obsédée par l'ordre (image de l'ordre cosmique, les
hiérarchies et les classifications. Contradiction absolue. Dés qu'on semble toucher au "mamoul",
ensemble des traditions qui règlent la vie pondichérienne, les plus doux des Indiens s'enflamment. La
politique assimilatrice de la Troisième République, qui croyait à l'universalité de ses principes, ne
pouvait réussir. L'erreur, conclut Jacques Weber, a été de tenter le rapprochement par des mesures
administratives et non par la culture.
Association France Union Indienne
Le Bulletin de l’AFUI n°26
Copyrights AFUI/2005