Billy Elliot Stephen Daldry

Transcription

Billy Elliot Stephen Daldry
Septembre
2004
Stephen Daldry
Le combat d’être soiune femme
Fiche d’analyse de film
Jamie BELL
Gary LEWIS
Julie WALTERS
Jamie DRAVENS
Billy Elliot
Grande-Bretagne ���2000 ���Couleur ���1h50
Scénario
Image
Montage
Musique
Chorégraphie
Lee HALL
Brian TUFANO
John WILSON
Stephen WARBECK
Peter DARLING
124
L’HISTOIRE
L’histoire
En 1984, à Durham au nord de l’Angleterre,
Jackie et son fils Tony, tous les deux mineurs,
se préparent à participer à la grève qui agite la
petite ville.
De son côté, le jeune Billy, âgé de 11 ans,
après s’être occupé de sa grand-mère, se met
à jouer du piano sous l’œil réprobateur de son
père qui lui demande d’arrêter. La musique
semble exercer une attraction très forte sur
le jeune garçon. Mais c’est à la boxe que Jackie
pousse son fils même s’il est évident que celuici montre peu de disposition pour ce sport viril.
En effet, le jour où Billy découvre l’existence
d’un cours de danse classique, à côté de la salle
de boxe, il est comme aimanté.
Le professeur, madame Wilkinson, perçoit
immédiatement la puissance de cette
attraction et aide Billy à en prendre conscience
en lui proposant de suivre son cours. Ainsi, en
dépit des difficultés que représente ce choix,
l’abandon de la boxe à l’insu de son père et le
paiement de cinquante pences à chaque cours,
Billy continue.
Des semaines s’écoulent où seuls sa grandmère et son copain Michael connaissent
la nouvelle activité de Billy. Un jour, Jackie
apprend par l’entraîneur de boxe que Billy
n’est pas venu aux cours depuis des mois.
Puis, il découvre que son fils s’est mis à la
danse. L’idée lui est insupportable, la danse ne
pouvant être pour lui qu’une activité féminine.
Les explications entre Billy et son père
virent très rapidement aux insultes. Aucune
compréhension n’est envisageable pour Billy
qui déconcerté par ce conflit s’ouvre à Mme
Wilkinson. Il doit désormais faire un choix :
obéir à son père ou continuer la danse malgré
son désaccord.
Alors qu’il est sur le point de renoncer, Mme
Wilkinson lui raconte le rêve qu’elle a imaginé
pour lui : lui faire passer le concours d’entrée
à l’École Royale de Ballet de Newcastle. De
telles perspectives redonnent courage à
Billy. Et tandis que les mouvements sociaux
continuent à se durcir entraînant sa famille
dans des combats violents, Billy poursuit
son chemin en cachette. Le souvenir des
recommandations que sa mère lui a laissées
avant de mourir, dans une lettre qu’il lit à Mme
Wilkinson, achève de le rassurer dans son
choix. «Sois toi-même» lui avait-elle écrit.
La route n’est pas pour autant facile. Billy
doit assumer l’exigence de son professeur
désireuse de le voir se surpasser et faire face à
la colère de sa famille. En effet, le jour où Mme
Wilkinson doit l’emmener à l’audition Tony est
arrêté par la police. Billy manque le rendezvous avec son professeur qui accourt chez
lui. La rencontre entre Mme Wilkinson et sa
famille est houleuse et source de déchirement
pour le jeune garçon qui ne peut qu’expulser
sa rage à travers la danse.
Un soir de Noël, Billy est avec son ami
Michael dans la grande salle de sport, en tenue
de danse. Les deux garçons donnent libre
cours à leur imaginaire lorsqu’ils sont surpris
par Jackie. Face à l’intransigeance de son
père, Billy n’a plus qu’une solution : affirmer
l’ampleur de son talent dans un numéro de
danse énergique et frontal. Abasourdi, Jackie
s’incline et se rend immédiatement chez
Mme Wilkinson. Puis contre toute attente,
il décide de reprendre le travail à la mine
pour payer le voyage de Billy à Newcastle,
suscitant l’incompréhension des grévistes et
en particulier celle de son fils Tony.
Entre Tony et son père, il reste un terrain
d’entente à trouver pour que leur combat
ne soit pas réduit à néant par le retour à la
mine de Jackie. Tony propose le recours à la
solidarité pour collecter la somme d’argent
nécessaire au voyage de Billy.
L’audition, l’attente des résultats, puis le
départ, sont autant d’étapes que Billy va
franchir avec succès et qui l’amèneront une
fois adulte à pouvoir exécuter le merveilleux
saut du cygne de Tchaïkovski. Entre temps,
Jackie et Tony ont repris le chemin de la mine.
Pistes
réflexion
PISTES
DEde
REFLEXION
A la fois conte et récit initiatique, Billy Elliot
de Stephen Daldry décrit les étapes que va
devoir franchir un garçon de 11 ans pour
grandir et devenir danseur. Il aborde aussi chez
l’adulte le passage par le renoncement, en toile
de fonds des tensions sociales qui secouent
l’Angleterre dans les années 80.
L’enfance
• L’enfance
Grandir n’est pas facile, «être soi-même»
encore moins malgré l’apparente facilité qui
semble découler de cette expression.
Daldry nous montre les différentes phases
que va traverser Billy. Il lui faut tout d’abord
découvrir deux choses : ce qu’il aime et
jusqu’où il est prêt à s’engager pour défendre
sa passion. Mme Wilkinson joue un rôle
essentiel car elle incite Billy à faire des choix
et à les assumer. Dès le premier cours, elle lui
réclame cinquante pences, le prix de la leçon.
Plus tard devant l’hésitation de Billy, elle
l’oblige à se déterminer : «Si tu ne reviens pas,
donne-moi les chaussons». «Non, je les garde»
répond-il. Ainsi progressivement, à travers
ces petits actes d’engagement, Billy découvre
combien la danse est importante pour lui. Elle
se révèle une véritable passion qui le pousse
à prendre des risques : abandonner la boxe à
l’insu de son père.
Plus tard, l’opposition de Jackie est
l’occasion pour Billy de franchir une nouvelle
étape. Il doit faire face à un choix difficile :
renoncer à la danse ou désobéir à son père.
La décision n’est pas aisée et sans le soutien
de Mme Wilkinson, Billy n’y serait peut-être
pas parvenu. «Tu devrais désobéir à ton père»
lui suggère-t-elle tout en lui ouvrant les
perspectives d’une carrière de danseur.
Stephen Daldry ne remet pas en cause
l’autorité parentale dont on voit par ailleurs
qu’elle existe entre Debbie et sa mère. Il
pointe néanmoins le fait que le désir de
l’enfant ne peut rester assujetti à celui des
parents et doit passer
par une séparation, une
différenciation. Un acte
va
symboliser
cette
nécessaire affirmation de
soi. Pour Billy, ce sera ce
magistral numéro de danse
au cours duquel il affronte
l’incompréhension de son
père. Plus tard, son départ
pour Londres accomplira
définitivement cette séparation. Le fils va vers
son devenir. Certes, cela ne s’effectue pas
sans peur. Lorsque Billy reçoit la confirmation
de son admission à l’école royale de ballet,
un petit geste – il serre un coussin contre
lui – montre combien la crainte se mêle à
la joie. Mais cette peur de l’inconnu qui se
retrouve au moment de son départ sera facile
à déjouer. Lorsqu’il demande à son père s’il
pourra revenir, Jackie lui répond «Tu rigoles. Ta
chambre est déjà louée». Tous les deux éclatent
alors d’un rire complice. Billy est prêt.
Dans ce premier film, Daldry nous donne
sa vision de l’enfance. Il n’est pas question de
considérer l’enfant comme une sous-personne
mais bien comme un interlocuteur à part
entière. Les paroles que la mère a laissé à Billy
«Je suis fier de t’avoir connu. Je suis fière que tu
sois mon fils» sont remarquables. La distance
qu’elle instaure entre elle et son fils met en
valeur le fait que Billy est une personne libre.
Il en émane un profond respect, une noblesse
qui rend d’autant plus émouvante l’affection
qu’elle porte à son fils. Plus loin, le regard
lucide de Debbie sur la situation de couple de
ses parents montre la compréhension que les
enfants ont très tôt de leur entourage.
Passage par la mort
• Passage par la mort
Daldry dépeint brièvement le milieu de
mineurs. Certes, il s’agit d’hommes rustres
mais non dépourvus de générosité. Lorsque
Billy s’étonne que son père ne soit jamais
allé à Londres et que ce dernier lui répond
«Tu sais, il n’y a pas de mines à Londres», nous
comprenons que toute leur vie s’est articulée
autour du travail. Un travail rude, physique,
où les conditions de vie se sont améliorées à
force de combats. A partir de ce quotidien, des
valeurs se sont construites. Pas étonnant si le
langage des mineurs est peu châtié, souvent
grossier, car on est plus habitué à s’exprimer
avec son corps qu’avec des mots. Pas étonnant
non plus si la danse paraît
suspecte. Avoir des muscles
et savoir donner des coups
sont sans doute plus utiles
que la grâce d’un danseur. Ils
sont la preuve d’une virilité.
Le réalisateur montre
aussi le respect dont est
capable la famille de Billy.
Un des plus beaux moments
du film est celui où ils
reçoivent la réponse de l’École de Ballet. La
caméra cadre la lettre posée sur la table, dans
l’attente de l’arrivée de Billy, et c’est dans un
silence fiévreux que toute la famille attend,
patiemment, la réaction du garçon enfermé
dans sa chambre.
Quoi qu’il en soit, ce monde ne semble pas
promis à un grand avenir. La fin de la grève
signe un échec. Vaincus, les ouvriers n’ont
d’autres choix que de redescendre à la mine.
C’est un passage par la mort qu’ils vont devoir
traverser en attendant que la vie emprunte
d’autres chemins. Mort aussi pour Jackie qui
renonce à son combat pour aider son fils et
reprend le travail sous l’humiliation de ses
collègues. Pas d’existence sans sacrifice semble
nous dire Daldry. C’est par le don de soi que
se transmet la vie. Le sacrifice vécu comme
une offrande donne sens à la mort et à la vie.
Ainsi au moment où Billy part vers son destin
de danseur, Tony et Jackie redescendent dans
les profondeurs de la mine. Plus tard, ils seront
gratifiés par le succès de Billy.
Mort aussi chez Mme Wilkinson
entièrement vouée à la danse parce que, selon
le témoignage de Debye, sa vie de couple
n’est que frustration. Une fois le départ de
Billy, Mme Wilkinson disparaît. Nous ne la
reverrons plus. Seuls Tony, Jackie et Michael
seront présents à l’opéra. Cette absence est
à rapprocher de celle de la mère toujours
présente dans l’esprit de Billy et sans doute à
l’origine de son amour de la danse. Au travers
de ces femmes, la vie continue.
Une histoire
histoiredederevenant
revenant
• Une
Nous contacter
Billy est celui qui va prendre le relais. Toute
la mise en scène révèle son aspiration vers le
ciel et contraste avec le monde sous-terrain
des mineurs. Le montage en alternance
souligne cette opposition. L’affrontement
entre les grévistes et la police donne à voir
des groupes d’hommes sombres souvent
écrasés par une plongée. Tandis que Billy
apparaît perché sur les murs mitoyens
des maisons ou sur les hauteurs de la ville,
cadré dans une direction ascensionnelle.
La lumière blanche de la salle de danse, sa
dominante de bleu contrastent avec la brique
du coron. L’espace des maisons est exigu
et, fait étonnant, pour entrer chez lui Billy
doit descendre des marches, tout comme
les hommes doivent descendre sous terre
pour aller travailler. A l’inverse, la scène où
Billy avance sur la route en compagnie de
sa grand-mère montre un bandeau de terre
étroit au profit de l’immensité du ciel. Ce plan
est superbe, il nous dit là où se situe Billy.
Cette opposition si marquée soulève des
questions. Daldry a-t-il voulu nous signifier
que les combats collectifs sont dépassés au
profit de destins individuels ? A moins qu’il
nous montre comment un destin individuel
peut aussi rencontrer celui d’une collectivité.
On ne peut pas douter de la joie et de la fierté
que la réussite de Billy apporte à tout son
environnement. Il porte les aspirations d’une
génération condamnée à une vie difficile.
Au moment où Billy et Mme Wilkinson
traversent la Tamise cette dernière raconte
une histoire. Il s’agit d’une princesse
transformée en cygne par une sorcière
et de son désir d’être délivrée. L’univers
métallique de la barge, bien que filmé avec
esthétisme, évoque une prison. La musique
de Tchaïkovski et l’histoire racontée par Mme
Wilkinson nous disent que cela a à voir avec
la vie de Billy. Cette scène préfigure l’image
finale du saut du cygne symbole de la liberté
à laquelle le jeune homme est parvenu. Une
histoire de revenant, selon l’expression de
Mme Wilkinson, où la mort est vaincue.
Christine FILLETTE
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