Révision lien entre élections Israel et attaques

Transcription

Révision lien entre élections Israel et attaques
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Révision par l’ombudsman de Radio-Canada d’une plainte à propos
d’analyses établissant un lien entre la proximité d’élections en Israël et les
attaques contre le Hamas.
LA PLAINTE
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La plaignante est M Michelle Whiteman, directrice régionale pour le Québec de l’organisme
HonestReporting Canada. Celui-ci s’est donné comme mission de s’assurer que les médias
canadiens font une couverture juste et impartiale d’Israël et du Moyen-Orient.
Elle déplore que plusieurs analystes aient émis sur les ondes de Radio-Canada l’opinion selon
laquelle la proximité des élections législatives pouvait avoir motivé le premier ministre israélien
Benyamin Netanyahou à lancer des attaques contre le Hamas en novembre 2012.
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M Whiteman donne d’abord l’exemple d’une analyse du journaliste de Radio-Canada,
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M. François Brousseau, diffusé sur le RDI vendredi le 16 novembre , puis de deux entrevues
diffusées à la Radio de Radio-Canada.
La première de ces entrevues a été réalisée vendredi le 16 novembre avec le journaliste
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Mouhssine Ennaimi , correspondant de Radio France International à Rafah, dans la bande de
Gaza, par l’animateur de l’émission C’est bien meilleur le matin, M. René Homier-Roy.
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La seconde a été menée dimanche le 18 novembre par M Joane Arcand, animatrice de
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l’émission Dimanche magazine avec M. Frédéric Encel , entre autres professeur de relations
internationales de l’École supérieure de gestion à Paris, et auteur de l’Atlas géopolitique d’Israël.
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Voici ce qu’écrit M
Whiteman dans sa plainte :
« Il est assez étonnant que vos commentateurs ont laissé entendre, sans
que l'animateur ne s’y oppose, que Netanyahou mène son peuple à la
guerre afin de gagner les prochaines élections.
(…)
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Les deux (Encel et Ennaimi) suggèrent que Netanyahou fait cela en vue des
élections. »
Et elle ajoute que Radio-Canada aurait dû faire en sorte que ces « théories » soient
« vigoureusement contestées ».
Et elle conclut ainsi :
« Est-ce que Radio-Canada croit que les tirs de roquettes quotidiens sur
Israël sont choses normales? »
LA RÉPONSE DE LA DIRECTION DE L’INFORMATION
M. André Dallaire, directeur, Traitement des plaintes et Affaires générales, a répondu à la
plaignante au nom de la direction de l’Information.
Voici en quels termes :
« Nous tentons de laisser s’exprimer un large éventail de vues sur les
causes du conflit et nous ne dictons pas aux analystes (ceux à l’emploi de
Radio-Canada) et aux commentateurs extérieurs ce qu’ils doivent dire ou ne
pas dire. C’est ainsi qu’une explication apportée par un analyste un jour
peut différer de celle d’un autre analyste le lendemain.
M. Brousseau donnait son explication vendredi. Je vous invite à revoir
l’édition du lundi 19 novembre du Téléjournal 22 h. Vous verrez que
Raymond Saint-Pierre ne souscrit pas à la thèse d’un plan préélectoral de
Netanyahou et, à son tour, il explique très bien pourquoi. »
Quant à M. Encel, M. Dallaire précise qu’il est un spécialiste du Proche-Orient reconnu qui
s’exprimait comme expert dans une émission d’affaires publiques.
Pour ce qui est de M. Ennaimi, il indique qu’il intervenait à titre de collaborateur dans une
émission de la Radio générale, C’est bien meilleur le matin, et témoignait de la situation sur le
terrain dans la bande de Gaza.
Et M. Dallaire ajoute que la même émission a aussi interviewé, depuis Tel Aviv, un porte-parole
du gouvernement israélien, M. Avi Pazner, et que celui-ci a pu donner son point de vue sur le
rapport entre les mesures prises par Israël et la proximité d’élections législatives.
Enfin, M. Dallaire rappelle que j’ai, à titre d’ombudsman, statué par le passé sur des cas
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similaires, et que j’avais conclu que les Normes et pratiques journalistiques (NPJ) de
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http://cbc.radio-canada.ca/fr/rendre-des-comptes-aux-canadiens/lois-etpolitiques/programmation/journalistique/
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Radio-Canada permettent aux experts et aux commentateurs invités dans les émissions
d’information d’émettre des opinions personnelles, en autant que celles-ci s’appuient sur leur
expertise.
LA RÉVISION5
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M
Whiteman n’a pas été satisfaite de la réponse de M. Dallaire et m’a demandé de réviser le
dossier.
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Je rappelle d’abord que la valeur d’impartialité , une des cinq valeurs sur lesquelles reposent les
NPJ, établit que le jugement professionnel de ses journalistes « se fonde sur des faits et sur
l’expertise ». Tout comme les normes encadrant l’expression d’opinions, le texte définissant cette
valeur dans les NPJ empêche également les journalistes d’exprimer des opinions personnelles
en ondes et dans l’espace public. « Nous ne défendons pas un point de vue particulier, peut-on y
lire, dans les questions qui font l’objet d’un débat public. »
Ces exigences placent les journalistes qui ont comme mandat particulier de faire de l’analyse,
que ce soit dans le domaine judiciaire, politique, culturel, économique ou international, dans une
situation délicate. Une analyse, contrairement à une chronique d’humeur ou dans une moindre
mesure un éditorial, tente de décortiquer un événement ou une situation en les plaçant dans leur
contexte, afin d’en identifier les éléments qui permettent de l’expliquer et de la comprendre.
M. Brousseau n’a rien fait d’autre sur les ondes du RDI lorsqu’il a émis l’hypothèse que la
proximité des élections législatives du 22 janvier 2013 en Israël pouvait peut-être avoir joué dans
la décision du gouvernement israélien de répondre à ce moment-là aux tirs de roquettes du
Hamas.
Il n’était d’ailleurs pas le seul à évoquer cette possibilité. Il se faisait l’écho d’observateurs, de
politologues, de journalistes, de spécialistes du Moyen-Orient ou des relations internationales, qui
l’ont eux aussi exprimée aux États-Unis comme en Europe, et même en Israël.
C’était le cas de M. Frédéric Encel, qui, à Dimanche magazine, en a parlé comme d’un facteur
parmi plusieurs ayant pu inciter Israël à agir. Pour contexte, je précise que l’impartialité du
professeur Encel peut difficilement être mise en doute; son ouvrage, l’Atlas géopolitique d’Israël,
fait en effet référence sur le conflit israélo-palestinien.
Quant au journaliste Mouhssine Ennaimi, qui est intervenu dans l’émission C’est bien meilleur le
matin, c’est un grand reporter de Radio France International. Son intervention était un compte
rendu de ce qui se passait dans la bande de Gaza, où il se trouvait. Lorsqu’il a abordé le contexte
électoral israélien, c’est en réponse à une question de l’animateur René Homier-Roy.
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http://blogues.radio-canada.ca/ombudsman/mandat
http://cbc.radio-canada.ca/fr/rendre-des-comptes-aux-canadiens/lois-etpolitiques/programmation/journalistique/
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Il a alors rapporté que plusieurs analystes, tant israéliens que palestiniens, avaient soumis que la
proximité d’une élection pouvait avoir été un des facteurs influençant la décision israélienne
d’intervenir militairement à Gaza.
Par ailleurs, les NPJ permettent que Radio-Canada invite dans ses émissions des
commentateurs ou des experts qui ne font pas partie de son personnel journalistique, afin que
ses émissions puissent offrir « toute une gamme de commentaires et d’opinions sur des sujets
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importants ».
Les règles de pratiques de Radio-Canada indiquent aussi que l’équilibre de ces opinions est
atteint avec le temps par la présentation sur l’ensemble de ses plateformes d’une diversité de
points de vue.
M. Dallaire a rappelé avec raison que Radio-Canada avait fait place à des opinions divergentes
sur cette question, entre autres au Téléjournal de 22 heures avec l’analyse de son journaliste
Raymond Saint-Pierre; et à C’est bien meilleur le matin avec l’entrevue de M. Avi Pazner, un
représentant du gouvernement Israélien.
CONCLUSION
Radio-Canada n’a pas enfreint ses Normes et pratiques journalistiques en diffusant l’opinion de
plusieurs analystes et experts selon laquelle la proximité des élections législatives pouvait avoir
été un des motifs incitant Israël à lancer des attaques contre le Hamas en novembre 2012.
Pierre Tourangeau
Ombudsman des Services français
Société Radio-Canada
Le 13 décembre 2012
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http://cbc.radio-canada.ca/fr/rendre-des-comptes-aux-canadiens/lois-etpolitiques/programmation/journalistique/opinion/ (invités et commentateurs)