Le document qui peut sauver Platini

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Le document qui peut sauver Platini
www.lejdd.fr I 6 décembre 2015 I N° 3595 I 1,80 € (JDD + Version Femina)
élections : la France dans
le miroir des régionales
COP21
Six jours
pour
trouver
un
accord
Notre dossier Pages 2 à 9
OffErT
Supplément
vin de
44 pages
Pages 18 à 25
ExCLuSif
Le document
qui peut
sauver Platini
M 00851 - 3595 - F: 1,80 E
3’:HIKKSF=VUV]UZ:?d@f@j@p@k";
b Un rapport officiel de l’UEFA
de 1998 accrédite la réalité
d’un contrat entre Sepp Blatter
et Michel Platini
b Ce rebondissement
permettra-t-il au Français
de se présenter à la présidence
Pages 26-27
de la Fifa ?
Le président de l’UEFA, ici en 2014, a été suspendu le 8 octobre pour 90 jours. Depuis, sa candidature à la présidence de la Fifa est compromise. AlAin mounic/Presse sPorts
ROBYN BECK/AFP
ABACA
PROd
San Bernardino
Bernard Tapie
Lelouch, 50 ans après
Page 15
Page 28
Pages 40-41
Aux états-Unis,
le « djihad
de voisinage »
France métropolitaine : 1.80 €
Ses confidences
après le verdict
à 404 millions
Pèlerinage en Inde
pour un homme
et une femme
2|
L’événement
jdd | 6 décembre 2015
régionales 2015
Sur fond d’angoisse sécuritaire, le premier tour des élections s’annonce très incertain
Le scrutin qui inquiète
L
doMiniQue de MontVaLon
@Demontvalon1
es régionales, dont le
premier tour a lieu aujourd’hui, sont importantes, imprévisibles,
pas capitales. Ces élections sont importantes, très importantes même, parce que chaque fois
qu’on donne la parole au peuple et
qu’on écoute, loin du microcosme
politico-médiatique, son (ou ses)
message(s), ce n’est pas anodin.
C’est même l’acte central qui fonde
une démocratie. Cela aidera à voir,
même si c’est éventuellement dérangeant, où en sont les Français – y
compris dans leurs hantises – alors
que se profile la présidentielle de
2017, et qu’au bipartisme cher à
la Ve République (gauche-droite)
est en train de succéder, provisoirement ou pas, un tripartisme
(gauche-droite-FN) qui bouscule
les lignes. En plus, pour ne pas oublier l’objet premier de ce scrutin,
ce n’est pas rien de désigner celles
et ceux qui, pendant six ans, vont
administrer les 13 régions (plus 4
régions et territoires outre-mer)
dont la France est désormais dotée.
Ces élections sont imprévisibles
car, au rejet de la classe politique
et à la coupure forte, sur fond de
chômage, entre France d’en haut
et France d’en bas, s’ajoute un
traumatisme national : des Français kamikazes ont tiré sur d’autres
Français. Et nous voici tous entrés
dans un monde différent : celui du
terrorisme de proximité qui nourrit
la peur, la tentation du repli et la
méfiance de l’autre. Dans un climat anxiogène, la sécurité devient
la priorité des priorités, devant le
chômage. À la clé : un dérèglement
généralisé des boussoles politiques.
« Le système est en voie
de déstabilisation »
En même temps, ces élections
ne sont pas capitales, au sens où
elles engageraient radicalement
– comme ce sera le cas en 2017 –
l’avenir d’un pays qui se cherche
et, pour l’heure, se droitise. Comment, il est vrai, pourraient-elles
l’être quand les instituts de sondage
laissent prévoir une abstention
légèrement inférieure à celle de
2010 (lors des précédentes régionales) mais proche – un peu plus,
un peu moins – de 50 % ? Ce sont
donc 50 % de Français qui disent
ne pas se sentir « concernés », à qui
aucune des offres ne convient ou
bien qui choisissent – cela existe –
de laisser faire « les autres » pour
voir ensuite si le paysage politique
bouge, se recompose et sur quelles
bases.
Trois questions auront ce soir
un début de réponse, mais un début
seulement car, politiquement, le
second tour, dimanche prochain,
comptera au moins autant que le
premier. Le FN – proportionnellement très soutenu dans l’électorat
populaire et chez les 18-24 ans – se-
ra-t-il dans les urnes à la hauteur de
ce que lui promettent les sondages ?
L’union de la droite et du centre, à
qui tout paraissait sourire il y a trois
mois, va-t-elle résister au rouleau
compresseur frontiste ? La gauche,
partie divisée, va-t-elle s’en sortir
mieux que prévu ou s’effriter, voire
s’effondrer ? « Le système est en voie
de déstabilisation », dit froidement
le politologue rocardien Gérard
Grunberg, en observant la France
dans le miroir des régionales. g
sécurité renForcée autour des bureaux de Vote
si Le minisTère de l’Intérieur affirme
ne pas avoir donné de consignes
particulières, les électeurs pourraient
être invités aujourd’hui à présenter
sacs et manteaux ouverts à l’entrée
de certains bureaux de vote dans le
cadre du plan Vigipirate. Toute
personne qui refuserait pourrait se
voir interdire l’accès par le président
du bureau de vote, seul habilité à
gérer la sécurité dans ce lieu.
Le plan Vigipirate alerte attentat
prévoit en effet « la mise en place
d’un filtrage systématique et
rigoureux aux accès des bâtiments ou
espaces recevant du public », comme
le rappelle le préfet des Yvelines,
dans une note transmise aux maires
du département. Frappé par les
attentats du 13 novembre, Paris a
pris les devants et va « multiplier par
quatre les effectifs sur le terrain »
pour assurer la sécurité des
élections, avec 125 agents privés
mobilisés en plus des agents
municipaux, selon un communiqué
de la mairie. De son côté, le préfet de
police « mobilisera les forces de
police et les forces armées » : les
bureaux de vote « seront intégrés
dans les points de passage des
patrouilles dynamiques » veillant
à la sécurité publique. c.o.
Régionales, mode d’emploi
Les Français sont appelés
aux urnes, deux dimanches de
suite, pour élire leurs conseillers
régionaux. c’est la première fois
qu’ils votent dans le cadre
des 13 nouvelles régions
christine oLLiVier
@CoLL7533
b 1.757 conseiLLers régionaux
Les Français doivent élire, les
6 et 13 décembre, 1.757 conseillers régionaux en métropole, en
Guadeloupe et à La Réunion, ainsi
que 153 conseillers territoriaux en
Corse, Guyane et Martinique. C’est la
première fois que le scrutin est organisé dans le cadre des 13 nouvelles
régions – contre 22 auparavant – issues de la réforme territoriale votée
l’an dernier. Pas moins de 171 listes
ont été déposées pour le premier
tour, soit un total de 21.456 candidats. Les conseillers régionaux sont
élus pour six ans. Leur mandat sera
toutefois légèrement écourté cette
fois-ci, le terme ayant été fixé par
la loi à mars 2021, et non décembre,
pour retrouver le rythme normal
des élections.
b désisteMent, Fusion… Les
règLes de L’entre-deux-tours
Les conseillers régionaux sont
élus au scrutin proportionnel à
deux tours avec prime majoritaire. Le scrutin est régional mais
les électeurs votent pour des
listes départementales : en Île-deFrance, par exemple, ils voteront
pour des candidats différents selon
qu’ils habitent dans les Yvelines ou
en Seine-Saint-Denis. Ces listes
sont, par ailleurs, strictement
paritaires : elles sont composées
alternativement d’un candidat de
chaque sexe. L’électeur ne peut ni
rayer des noms ni panacher, sauf à
voir son bulletin frappé de nullité.
À l’issue du premier tour ce soir,
ne pourront se maintenir que les
listes ayant atteint au moins 10 %
des suffrages exprimés. Mais celles
qui auront recueilli au moins 5 %
des voix auront la possibilité de
fusionner avec une liste qualifiée
pour le second tour. À partir de
ce soir et jusqu’à mardi 18 heures,
date limite pour le dépôt des nouvelles listes, s’ouvrira donc une
intense période de tractations. Si
la droite a opté pour l’union dès
le premier tour et ne devrait donc
pas modifier ses listes, la gauche
aborde le scrutin de façon dispersée. Socialistes, écologistes et communistes devront donc s’entendre
avant mardi 18 heures pour éventuellement fusionner en une liste
unique. Se posera, par ailleurs, la
question d’éventuels retraits de
listes pour faire barrage au FN
dans les régions où il semblerait
en mesure de l’emporter.
b Le graaL de La priMe
Majoritaire
Au soir du second tour, les
sièges du conseil régional seront
répartis à la proportionnelle entre
toutes les listes ayant obtenu au
moins 5 % des suffrages exprimés.
Mais la liste arrivée en tête bénéficiera d’un avantage majeur sur les
autres : une « prime majoritaire »
qui lui accorde automatiquement
un quart des sièges du conseil régional, en plus de ceux auxquels
lui donne droit son score au second tour. En cas de duel comme
en cas de triangulaire, la liste qui
décroche la première place est assurée de détenir la majorité absolue. En cas d’égalité de suffrages
entre les listes arrivées en tête, la
prime sera accordée à la liste dont
les candidats ont la moyenne d’âge
la plus élevée.
b Le troisièMe tour : L’éLection
du président de La région
Après le scrutin, les nouveaux
conseillers régionaux élisent leur
président pour six ans à la majo-
Vendredi, à Nantes. FRANCK TOMPS/ATELIER DU JOUR POUR LE JDD
rité absolue. Ce vote doit avoir lieu
le vendredi 18 décembre dans les
cinq régions métropolitaines dont
le périmètre n’a pas été modifié.
Pour les régions fusionnées, les
présidents de région seront élus
le 4 janvier. Une commission per-
manente et des vice-présidents
seront ensuite élus. Ils composent,
avec le président, l’exécutif de la
région. Le conseil régional fixe le
nombre de vice-présidents, qui ne
peut toutefois pas être supérieur
à 30 % de l’effectif du conseil. g
L’inconnue de L’abstention
Trois semaines après les attentats de Paris et Saint-Denis,
le choc du 13 novembre va-t-il avoir un effet sur la
participation et pousser davantage d’électeurs à se rendre
aux urnes ? C’est une des grandes inconnues du premier
tour des élections régionales, d’autant que c’est la première
fois depuis la présidentielle de 1965 que les Français sont
appelés à se prononcer au mois de décembre, période
plus propice aux courses de Noël qu’aux campagnes
électorales. Les spécialistes ne croient guère à un sursaut
civique et prédisent une participation stable : l’institut Ifop
table sur un taux d’abstention d’environ 54 %, soit un
niveau équivalent à celui du premier tour des régionales
de 2010 (53,6 %), mais bien plus élevé qu’au premier
tour des régionales de 2004 (37,88 %). c.o.
l’événement | 3
jdd | 6 décembre 2015
Île-de-FrANCe
NOrd-PAs-de-CAlAis-PiCArdie
Le match s’annonce serré entre l’ancienne ministre
Valérie Pécresse, tête de liste de la droite et du
centre, et son adversaire socialiste, le président de
l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, dans une
région tenue par la gauche depuis dix-sept ans.
Marine Le Pen, présidente du FN, a fait la course en tête dans les sondages,
face à l’ancien ministre Xavier Bertrand (LR) et à Pierre de Saintignon (PS),
adjoint de Martine Aubry à la mairie de Lille. L’état de la gauche et son choix
– maintien ou retrait – devraient être au cœur des débats ce soir.
AlsACe-ChAmPAgNeArdeNNe-lOrrAiNe
Favori du scrutin jusque-là, Philippe Richert (LR)
est désormais au coude-à-coude dans
les sondages avec le Front national, conduit
par le numéro 2 du parti, Florian Philippot.
La tête de liste PS, Jean-Pierre Masseret,
hériterait de la troisième place au premier tour.
NOrmANdie
La Normandie paraissait promise au
candidat centriste Hervé Morin, soutenu
par Les Républicains. Mais le Front
national, conduit par Nicolas Bay, a
repris du terrain dans les enquêtes
d’opinion. Leur bras de fer pourrait faire
les affaires du candidat PS, Nicolas
Mayer-Rossignol.
BretAgNe
Seul ministre en exercice tête de
liste aux régionales, Jean-Yves Le
Drian fait la course en tête en
Bretagne face au candidat (LR)
Marc Le Fur et à l’ancien « bonnet
rouge » Christian Troadec (DVG).
S’il est élu, le socialiste restera au
gouvernement « tant que le
président de la République le
jugera nécessaire ».
BOurgOgNe-FrANChe-COmté
=
L’ancien ministre François Sauvadet (UDI)
emmène les troupes de la droite et du centre
face à la socialiste Marie-Guite Dufay,
présidente de Franche-Comté. Au coude-à-coude,
tous deux doivent faire face à la percée
potentielle du Front national.
=
=
PAys de lA lOire
Le patron des sénateurs Les Républicains,
le Vendéen Bruno Retailleau, est donné
favori. Mais la droite pourrait pâtir de la
poussée de la liste FN conduite par
Pascal Gannat. En embuscade, le PS
représenté par Christophe Clergeau
compte limiter les dégâts.
=
Limites
des anciennes régions
AuvergNe-rhôNe-AlPes
Convoitée par le numéro 3 des Républicains,
Laurent Wauquiez, et par le président
sortant de la région Rhône-Alpes, le
socialiste Jean-Jack Queyranne, la région est
le théâtre d’un duel droite/gauche à l’issue
très incertaine, sur fond de poussée du FN.
=
Patron de l’Aquitaine depuis 1998, le
socialiste Alain Rousset reste bien placé dans
le Sud-Ouest. Mais il a vu son avance fondre
dans les sondages. Il est désormais talonné
par une nouvelle venue en politique :
Virginie Calmels (LR), première adjointe
d’Alain Juppé à Bordeaux.
13 régions,
13 batailles
La droite, emmenée par le centriste Philippe Vigier,
patron du groupe UDI à l’Assemblée, espérait
conquérir haut la main la présidence du Centre-Val
de Loire. Mais l’écart se resserre dans les sondages
avec la tête de liste socialiste François Bonneau.
=
AquitAiNe-limOusiNPOitOu-ChAreNtes
Limites
des nouvelles régions
CeNtre-vAl de lOire
PrOveNCe-AlPesCôte d’Azur
=
lANguedOC-rOussillONmidi-PyréNées
Malgré les divisions et une forte poussée
attendue du FN, la liste de l’ex-secrétaire d’État
Carole Delga est favorite dans une nouvelle
région perçue comme un bastion de gauche.
Nouveau venu en politique, Dominique Reynié
(LR) risque d’en faire les frais.
Majorités sortantes
PS
LR
DVG
La droite emmenée par Christian Estrosi (LR)
doit faire face à la pression de Marion
Maréchal-Le Pen (FN). Le sort du candidat
socialiste Christophe Castaner, entre
maintien ou désistement, devrait faire
l’objet dès ce soir d’intenses discussions.
COrse
Le premier tour fera office de primaire à droite entre José Rossi et Camille de Rocca Serra.
À gauche, Emmanuelle de Gentili (PS) est concurrencée par le président sortant
de l’assemblée de Corse, Paul Giaccobi, et par Jean Zuccarelli. La division pourrait profiter
aux régionalistes.
Les régions qui pourraient
passer au FN
Les régions qui pourraient
passer à droite
qui pourraient
= Lesresterrégions
à gauche
Des partis sous pression
L’issue du premier tour va provoquer ce soir un branle-bas de combat dans tous les états-majors
Arthur NAzAret
ChristiNe Ollivier
NiCOlAs Prissette
Les Républicains
et le centre
Objectif : faire
mieux que le FN
Il y a quelques semaines, la droite
rêvait du « grand chelem » : voir la
France des Régions se colorer en
bleu comme elle avait rosi en 2004
dans sa quasi-totalité. L’impopularité record de François Hollande
et l’interminable progression du
chômage lui donnaient de sérieuses
raisons d’y croire. C’était compter
sans le Front national. Trois semaines après le choc des attentats
du 13 novembre, les instituts de
sondage comme les candidats sur
le terrain témoignent d’une poussée
de fièvre FN qui menace de priver
Les Républicains de toutes les victoires annoncées. La fuite d’une partie des électeurs LR vers le FN, si elle
se confirmait, pourrait redonner des
espoirs à la gauche là où la partie
semblait perdue d’avance pour elle.
A contrario, la droite commence à
croire en ses chances dans des
Régions où le match paraissait compliqué pour elle : en Île-de-France
et même en Aquitaine.
Nicolas Sarkozy balaie d’un
revers de main les pronostics des
sondeurs : « Mensonges, mensonges et
mensonges ! », a-t-il martelé mercredi
soir au sujet des enquêtes d’opinion
lors d’un meeting près d’Orléans. Et
de rappeler que le parti de Marine Le
Pen était, déjà, donné vainqueur en
mars dans plusieurs départements.
Au final, il n’en a conquis aucun, et
c’est bien la droite qui était sortie grande gagnante du scrutin en
prenant le contrôle de deux-tiers
des départements. Un scénario
que Sarkozy espère voir se répéter.
D’autant qu’il sait que ses rivaux à
l’intérieur du parti l’attendent au
tournant s’il trébuche face au FN.
Nul doute que l’ex-président, qui doit
s’exprimer dès ce soir, examinera de
près les résultats du premier tour.
Un bureau politique extraordinaire
est prévu demain à 11 heures pour
fixer la ligne de l’entre-deux-tours
et éviter toute cacophonie.
Nicolas Sarkozy s’est d’ores et
déjà prononcé contre tout « front
républicain » pour faire barrage au
FN. Pour lui, il est hors de question
de voir un candidat LR fusionner
avec une liste PS. « On ne peut pas
dire avant le premier tour : on est en
total désaccord avec la politique de la
gauche, et entre le premier et le deuxième tour, dire “mais dans le fond,
marions-nous !”», s’est-il exclamé.
De même, « nous maintiendrons
nos listes partout où nous serons en
position de les maintenir », a prévenu
le patron des Républicains. Reste
à savoir s’il sera suivi par tous ses
rivaux à la primaire en cas de vague
FN et quelle sera l’attitude des têtes
de liste, dont certaines pourraient
être tentées de faire bande à part.
Le FN
Objectif : être en tête
Marine Le Pen a fixé l’objectif de
son parti : remporter « quatre à
cinq Régions ». Les sondages ont
donné corps à cette hypothèse
inédite, pour le Nord- ggg
=
Incertain
4 | l’événement
JDD | 6 décembre 2015
régionales 2015
ggg Pas-de-Calais-Picardie,
Provence-Alpes-Côte d’Azur et
Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, provoquant des réactions
en chaîne chez Les Républicains
et au PS en vue du second tour.
L’extrême droite espère aussi être
en bonne position en BourgogneFranche-Comté et en Normandie.
Les intentions de vote pour le FN
ont augmenté après les attentats
du 13 novembre, poursuivant
sur leur tendance initiale. Les
dirigeants du parti lepéniste ont
terminé leur campagne en exacerbant des thèmes identitaires
et sécuritaires. Marine Le Pen a
déclaré en meeting à Ajaccio que
« pour mériter la nationalité française, il faut parler français, manger
français, vivre français ». Sa nièce
Marion Maréchal-Le Pen a estimé
sur France Info qu’« être français,
c’est respecter des mœurs et un
mode de vie », sans dire lesquels.
Le Front national a lancé
dans la course ses principaux
dirigeants : ses vice-présidents,
Louis Aliot (Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées) et Florian
Philippot (Alsace-ChampagneArdenne-Lorraine), son secrétaire
général, Nicolas Bay, en Normandie… Le parti lepéniste n’a jamais
conquis de Région, pas plus que
de département. Dans le passé, il
a permis à la droite de constituer
des majorités Régionales contre la
gauche en 1998, quand cinq présidents (UDF) ont été élus grâce à
ses voix, suscitant de fortes tensions avec le RPR et les condamnations unanimes à gauche.
Cette fois-ci, il serait en mesure
d’arriver premier à l’échelle nationale ce soir, et en tête dans une
moitié des 13 Régions. Dans un
scénario de second tour, il serait
donc favorisé en cas de triangulaire. La partie serait plus compliquée pour l’extrême droite en
cas de duel, si la gauche appelle
Emmanuelle Cosse, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls et Marine Le Pen. Gilles ROlle/ReA ; PAscAl PROust/MAXPPP ; liONel uRMAN/BestiMAGe ; AlAiN ROBeRt/APeRcu/siPA
à voter pour les listes LR-UDIMoDem ou si celles-ci intègrent
des candidats PS.
La force d’un tel « front républicain » est la principale hantise des dirigeants frontistes. Ils
peuvent échouer au second tour
après avoir franchi le premier tour
en tête. Comme lors des départementales de mars, où ils pensaient conquérir au moins l’Aisne
et le Vaucluse. Dans 17 cantons
où il était arrivé troisième, le PS
s’était désisté au profit de l’UMP,
qui l’avait emporté dans chacun
d’entre eux.
Le PS
Objectif : résister
Il reste au Parti socialiste un peu
d’humour. Alors que la gauche, qui
détenait 21 Régions sur 22, s’apprête
à vivre une très mauvaise soirée électorale, un conseiller ministériel sourit : « Des Régions ? On n’en perdra pas
plus de 13. » De fait, après la réforme
territoriale, le nombre de Régions
métropolitaines a été ramené à 13.
Après avoir enchaîné trois défaites (européennes, municipales,
départementales) depuis 2012, le
Parti socialiste s’attend à une nouvelle débâcle. Malgré le regain de popularité du chef de l’État, les déçus
du hollandisme boudent les urnes.
Le PS le sait et tente de mobiliser
son électorat. « Réveille-toi peuple de
gauche », a lancé Claude Bartolone,
le candidat en Île-de-France, lors de
son dernier meeting. « Votez pour
transformer un geste en une grande
manifestation nationale pour la
République », a appuyé jeudi soir
Manuel Valls dans un discours où
il fut beaucoup question des attentats du 13 novembre et de leur suite.
Les socialistes espèrent conserver au moins trois Régions : Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes,
Bretagne et Languedoc-RoussillonMidi-Pyrénées. Dans trois autres
Régions, Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Provence-Alpes-Côte d’Azur et
Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, ils semblent définitivement
distancés. C’est là où le FN pourrait
l’emporter. Le PS est ainsi plongé
dans un abîme de perplexité. Que
faire ? Le retrait des listes, avec un
appel à voter à droite, signerait une
disparition Régionale pendant six
ans, sans avoir pour autant l’assurance de faire battre le FN. Le maintien ? C’est prendre le risque d’être
désigné comme faiseur de roi FN.
Manuel Valls a, un temps, défendu
une fusion des listes avec la droite,
provoquant une levée de boucliers
dans son camp.
Dans la nuit de dimanche à
lundi, Jean-Christophe Cambadélis,
l’exécutif et les candidats concernés
essaieront de trouver une position
commune. « Il faut tout faire pour
faire battre le FN. Après, pour les
modalités, c’est une question de circonstance et de créativité », explique
le secrétaire d’État Jean-Marie Le
Guen, un brin énigmatique. Vu le
casse-tête, le Premier ministre,
qui d’habitude intervient dès le dimanche soir pour tirer un premier
bilan des élections, devrait attendre
lundi pour s’exprimer.
Hormis ces six Régions, difficile
de se projeter sur les autres. « La
situation est complexe, incertaine et
illisible et ne nous permet pas d’anticiper. Il y a six Régions qui vont se jouer
dans un mouchoir de poche entre la
droite et la gauche », estime Le Guen.
Parmi celles-ci, une concentre les attentions : l’Île-de-France. La conserver pourrait servir de cache-misère.
« Je sens un petit frémissement. On
va passer devant au second tour,
ça va se jouer à 10.000 voix », veut
croire Benoît Hamon, candidat en
Essonne. La clé, ici comme ailleurs,
sera le report des voix de gauche.
L’équipe de Bartolone a déjà prévu
un meeting unitaire mercredi.
EELV et
le Front de gauche
Objectif : subsister
Pour le Front de gauche, les ingrédients semblaient réunis : des
électeurs socialistes déçus, un PS
isolé, des écologistes hors gouvernement et disposés à faire alliance
çà et là… De quoi nourrir l’espoir
de faire jaillir une alternative au
Parti socialiste et d’impulser une
dynamique en vue de 2017. Mais
le soufflet n’a pas eu le temps de
prendre qu’il est déjà retombé.
L’Île-de-France l’illustre. JeanLuc Mélenchon et le Front de
gauche se disaient prêts à soutenir
la patronne d’EELV, Emmanuelle
Cosse. Elle n’a pas voulu de cette
main tendue, poussant le chef du
PC, Pierre Laurent, à se jeter dans
la bataille, au prix de remous au sein
d’un Front de gauche déjà mal en
point. Cosse et Laurent risquent
d’être sous la barre des 10 % ce soir.
La stratégie du Front de gauche
et d’EELV paie son ambiguïté. Un
« éparpillement puéril sans vision
d’ensemble », relève Mélenchon
sur son blog. « Un gâchis total ! Un
boulet au pied pour des mois et des
mois », poursuit celui qui craint
que cela ne débouche sur le « néant
groupusculaire assuré ».
Les résultats, globalement,
s’annoncent mauvais. Seules deux
Régions, Provence-Alpes-Côte
d’Azur avec Sophie Camard et Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées
avec Gérard Onesta, ont réussi à
présenter des listes de rassemblement. Louchant sur les pratiques
et les scores de Podemos, la liste
tirée par Onesta a attiré les regards.
« C’est mon laboratoire », expliquait
les yeux gourmands Jean-Luc
Mélenchon. Mais passer devant
la candidate socialiste au premier
tour est devenu illusoire.
Côté écologistes, la campagne
aura été un champ de ruines. En
tournant le dos au PS et en privilégiant un compagnonnage avec
le Front de gauche, EELV s’est
fracturée, entraînant le départ de
Jean-Vincent Placé, François de
Rugy et d’autres. Avec une élection
en pleine COP21, EELV espérerait
un climat porteur. Mais les attentats
du 13 novembre ont amené la campagne sur le thème de la sécurité.
Alors qu’ils avaient atteint plus de
10 % des voix en 2010, le risque est
grand pour les écologistes de ne
pas dépasser les 5 % dans plusieurs
Régions. Avec deux conséquences :
pas d’élus et pas de remboursement
des frais de campagne pour un parti
déjà fragile financièrement. g
lejdd.fr Retrouvez tous
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électorale en direct
6 | l’événement
JDD | 6 décembre 2015
régionales 2015
Pascal Perrineau, professeur à Sciences-Po, relativise le poids politique des futurs 13 grands « barons » locaux
« La Région est rarement
un tremplin politique »
Les Français connaissent mal
les hommes et les femmes qui dirigent les Régions. Leur notoriété
il n’y aura plus que
reste très locale. La plupart d’entre
eux accomplissent des mandats
13 régions. cela
remarquables sans que leur pardonne-t-il un poids
cours régional ne transforme leur
politique majeur aux
capital local en capital national.
futurs présidents ?
Je ne le crois pas. Pour plusieurs
Les compétences d’Alain Rousset
raisons. Parmi les collectivités lo(Aquitaine) en économie ou de
cales, la Région est la dernière-née.
François Patriat (Bourgogne) dans
Elle n’a ni l’épaisseur historique
la formation n’ont pas été utilisées
ni la légitimité, bien ancrée, des
à plus grande échelle. La Région a
départements et
souvent été prédes communes.
sentée comme
Or les grandes « Se rendre au
la collectivité
carrières se font bureau de vote, c’est de l’avenir, alors
souvent à partir
qu’elle a pu servir
d’une implan- faire communauté
de point de chute à
t a t i o n s o l i d e, civique »
des hommes policomme pour
tiques qui avaient
Jacques Chirac à
déjà fait leur
carrière comme
la mairie de Paris
ou François Mitterrand dans la
Valéry Giscard d’Estaing, Jacques
Nièvre. Le premier scrutin régioChaban-Delmas, Olivier Guichard,
nal remonte seulement à 1986,
René Monory, etc.
c’est-à-dire hier. Le moment de
Pourtant, cette fois-ci, des
la naissance est toujours important
présidents de parti, d’éventuels
en politique. Or la région est née
candidats à l’Élysée, d’ex-ministres
dans l’ombre des communes et des
encore jeunes, des quadras se
départements, dont les réseaux
présentent…
sont puissants et qui n’ont que peu
La réforme donne une nouvelle
lâché leurs pouvoirs. Par exemple,
envergure aux Régions. Cela attire
les listes soumises aux électeurs
des personnalités de rang national.
aujourd’hui restent segmentées
Une thèse voudrait que les barons
par département. Et le poids écolocaux deviennent des poids lourds.
nomique des Régions est plus
Il faut raison garder : nous les verfaible que celui des autres strates.
rons à l’épreuve lorsque ceux-ci
cette élection ne serait pas
devront faire un choix avec d’autres
fonctions. Dans l’Histoire, la scène
un tremplin ?
N. MARQUES
IntervIew
Nicolas Prissette
@NICOLASPRI7
régionale est rarement une rampe
de lancement. Seule Ségolène Royal
est parvenue à être identifiée fortement au Poitou-Charentes avant
d’être candidate à la présidentielle,
tout comme Jean-Pierre Raffarin
avant de devenir Premier ministre.
les Français ont-ils la tête
aux régionales ?
Les Français ne se sont pas
approprié cette collectivité. On le
voit dans les enquêtes d’opinion :
certains ne connaissent pas le nom
de leur région. Cela se traduit par
un relatif désintérêt. L’abstention
avait atteint 54 % en 2010. Mais la
participation était plus forte par le
passé, quand l’élection se déroulait en même temps que d’autres
scrutins, législatives ou cantonales.
pour ne pas avoir besoin de passer
des accords. Il n’y a plus de troisième tour. La liste arrivée troisième peut se désister en appelant à
voter pour une autre. Ou proposer
une fusion autour d’un contrat de
gouvernance régionale, ce que per-
met la loi. D’ailleurs, les assemblées
régionales dégagent souvent des
majorités d’idées, on constate dans
certaines Régions que 70 % des
votes dépassent le clivage droitegauche. Il n’y a pas 36 manières de
gérer des TER. g
Des candidats surprises
en plein état d’urgence,
la campagne s’est terminée autour
de thèmes nationaux. s’agira-t-il
d’un vote local ou national ?
Les sondages laissent attendre
une remontée de la participation.
Les électeurs savent que c’est la
dernière fois qu’ils vont aux urnes
avant la présidentielle de 2017. Se
rendre au bureau de vote, c’est faire
communauté civique. Participer au
rituel électoral, c’est un signe d’engagement citoyen au moment où
l’état d’urgence interdit de défiler.
Que change le mode de scrutin ?
La proportionnelle a été instaurée pour éviter que le Front national
ne perturbe le jeu de formation des
majorités. La liste arrivée en tête
aura une prime de 25 % des sièges,
De gauche à droite : le champion olympique Gwendal Peizerat, le chanteur du groupe
Émile et Images, l’ex-patron de la police Frédéric Péchenard et la ministre Christiane
Taubira. TIBOUL/MAXPPP ; V. VOEgTLIN/MAXPPP ; N. MARQUES POUR LE JDD ; B. BISSON
les listes recèlent des noms
inattendus de tous horizons.
inventaire non exhaustif
cHristiNe olliVier
artHUr NaZaret
@Coll7533 et
@ArthurNazaret
On peut faire partie d’un gouvernement impopulaire et décider
d’aller se frotter aux urnes. Le
ministre de la Défense, JeanYves Le Drian, qui brigue la Région Bretagne, en est le meilleur
exemple. Il n’est pas le seul : le
secrétaire d’État au Commerce extérieur, Matthias Fekl (AquitaineLimousin-Poitou-Charentes), et
la ministre du Logement, Sylvia
Pinel (Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées), sont tous les deux
têtes de liste départementales.
Membre des radicaux de gauche,
cette dernière devrait, en cas de
victoire, quitter le gouvernement
pour devenir vice-présidente de
la Région.
Laurence Rossignol (secrétaire d’État à la Famille) et Pascale
Boistard (secrétaire d’État aux
Droits des femmes) occupent des
places éligibles en Nord-Pas-deCalais. En Aquitaine, sur la liste
d’Alain Rousset, on trouve, en
plus de Fekl, un autre membre de
l’équipe Valls : Martine Pinville,
secrétaire d’État à l’Artisanat.
Deux autres candidatures
sont plus symboliques : celles de
la ministre de la Justice, Christiane Taubira, pour l’élection à
la collectivité unique de Guyane
(CTG) et celle de la ministre de
la Fonction publique, Marylise
Lebranchu (Bretagne), toutes
deux en position non éligible.
L’Élysée aussi est concerné.
Christophe Pierrel, chef adjoint
de cabinet de Hollande, est sur la
liste de Christophe Castaner en
Paca. Conseiller du président, Vincent Feltesse est candidat sur la
liste d’Alain Rousset en Aquitaine.
Double vainqueur de la Route
du rhum, Roland Jourdain figure
en Bretagne sur la liste de Le
Drian. Gwendal Peizerat, champion olympique de patinage artistique, conseiller régional PS du
Rhône, brigue un nouveau mandat sur la liste que conduit JeanJack Queyranne dans la Région
Auvergne-Rhône-Alpes.
À droite, plusieurs personnalités ont aussi sauté le pas de la candidature. C’est le cas de Frédéric
Péchenard, ex-patron de la police
nationale et désormais bras droit
de Sarkozy. Conseiller municipal
dans la capitale depuis 2014, il est
candidat en septième position sur
la liste de Valérie Pécresse à Paris.
La tête de liste de la droite et du
centre en Île-de-France a enrôlé
la cuisinière de l’émission C à vous
sur France 5, Babette de Rozières,
qui se présente dans les Yvelines.
Elle devra y affronter Sophie de
La Rochefoucauld, actrice de la
série télévisée Plus belle la vie,
membre de la liste du Front de
gauche.
Proche de Sarkozy dont il a
géré la communication pendant
près de vingt ans, le président de
Publicis Events Franck Louvrier,
conseiller régional sortant, se
représente en Loire-Atlantique.
Conseiller municipal à Verdun,
Pierre Régent, ancien responsable pour la presse internationale
à l’Élysée, est, lui, candidat dans
la Meuse. Les candidats de droite
ont également convaincu quelques
sportifs de se lancer : Carole Montillet, championne olympique de
ski, défend les couleurs de Laurent Wauquiez en Isère et Pierre
Durand, champion olympique de
saut d’obstacles en 1988 avec le
légendaire Jappeloup, celles de
Virginie Calmels en Gironde.
Émile Wandelmer, chanteur
du groupe Émile & Images, est
candidat pour sa part en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées sur les listes de Dominique
Reynié. C’est symbolique : il occupe la dernière place de la liste
du Tarn. g
8 | l’événement
JDD | 6 décembre 2015
régionales 2015
Les vrais pouvoirs des treize
réforme territoriale Les fusions de Régions créent des ensembles plus puissants. Mais la loi leurs donne peu de nouvelles
Nicolas Prissette
@NicolasPri7
Ils ne seront plus que 13 « barons »
au lieu de 22. À la tête de fiefs plus
grands, plus puissants, plus peuplés. Avec la réforme territoriale
adoptée l’an dernier, les futurs
patrons des Régions vont régner
sur des zones élargies, dans les sept
nouveaux ensembles fusionnés.
Le nombre d’habitants passe en
moyenne de 2,9 à 5 millions, les
budgets moyens gérés de 1,2 milliard d’euros à 2 milliards. Mais
au fond, la loi leur a confié peu de
nouvelles missions. Dans le millefeuille territorial français, les
Régions représentent toujours
la strate la moins épaisse. Leurs
dépenses, en fonctionnement
comme en investissement, sont
globalement inférieures à celles
des départements et des communes. Explications.
b Que chaNge la réforme ?
Seize Régions sont rassemblées
en sept nouvelles entités (AlsaceChampagne-Ardenne-Lorraine,
les deux Normandie, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées,
Nord-Pas-de-Calais-Picardie,
Bourgogne-Franche- Comté,
Auvergne-Rhône-Alpes, Aquitaine-
Un poids économique
relatif (en milliards d’euros)
Les dépenses des Régions
en 2013 (en euros/habitant)
Dépenses de fonctionnement
Missions prioritaires :
89,4
59,3
Départements
Communes
et groupements
Dépenses d’investissement
9,4
Régions
102,5 €
92,3 €
81,3 €
30,8 €
Frais :
17,8
Régions
- Transports :
- Lycées :
- Formation professionnelle :
- Aide aux entreprises :
11,3
Départements
33,4
Communes
et groupements
Limousin-Poitou-Charentes) et
les autres demeurent inchangées.
Les futurs conseils régionaux
conservent leurs prérogatives : la
gestion des lycées, la formation professionnelle, les TER… Nouveauté,
ils auront désormais la responsabilité des liaisons interurbaines
par autocar et celle du transport
scolaire, auparavant du ressort
des départements. Toutefois, ils ne
sont pas obligés de tout prendre
en charge. Ils peuvent laisser les
- Services généraux :
- Remboursement de la dette :
35,3 €
37,8 €
Autres:
Culture, sport, aménagement
du territoire, santé, etc. :
55 €
Source : ministère de l’Intérieur
conseils départementaux continuer
de s’occuper du ramassage scolaire.
L’État leur transfère, par ailleurs, la protection du patrimoine,
ses ports et aérodromes, les plans
de qualité de l’air et de classement
des réserves naturelles. Mais ils ne
gagnent pas les collèges, comme
initialement prévu, qui restent aux
départements.
Surtout, la nouvelle loi leur
donne un rôle de chef de file économique : c’est à l’échelon régio-
nal que doivent être décidées les
politiques d’aides aux entreprises.
Les futurs élus devront voter des
schémas régionaux de développement économique, d’innovation et
d’internationalisation (SRDEII)
ainsi que des schémas régionaux
d’aménagement, de développement
durable et d’égalité du territoire
(SRADDET).
b les imPôts PeuveNt-ils
baisser ?
Pas sûr. De nombreux candidats promettent qu’ils n’augmenteront pas les impôts voire
qu’ils les baisseront. Or, les futurs
élus n’auront que peu de pouvoir
en matière fiscale. Les taux des
impôts locaux (taxe d’habitation,
taxe foncière…) dépendent des
communes, des agglomérations
et des départements. Les Régions,
elles, ne peuvent jouer que sur deux
prélèvements indirects. D’une part,
la taxe sur les cartes grises, qui leur
a rapporté 2,1 milliards d’euros en
2014. D’autre part, un volant limité
de la taxe sur l’essence et le gazole.
Elles ont le droit de prélever jusqu’à
2,5 centimes d’euro sur chaque litre
de carburant. Toutes utilisent cette
possibilité, sauf la Corse et Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes
(où Ségolène Royal s’y est toujours
opposée). Cette ressource représente environ 1,1 milliard d’euros,
selon l’Association des Régions de
France.
In fine, les Régions glanent
moins de 15 % de leurs recettes
globales par ces biais. L’essentiel
de leurs moyens financiers provient
d’autres impôts (notamment la
contribution sur la valeur ajoutée
des entreprises). Mais elles n’en
décident ni les assiettes ni les taux,
qui sont votés par le Parlement.
Elles touchent aussi une enveloppe
de l’État prélevée sur les impôts
nationaux. Cette dernière constitue
la fameuse dotation globale de fonctionnement que le gouvernement
réduit chaque année pour pousser
les collectivités à rationaliser leur
gestion et supprimer les dépenses
jugées inutiles. Les conseils régionaux perdent à ce titre 451 millions
d’euros en 2015 après une coupe de
184 millions en 2014. L’enveloppe
pour 2015 s’élève à 4,8 milliards
d’euros.
b les fiNaNces
soNt-elles saiNes ?
Oui. L’agence Standard & Poor’s
a délivré en septembre la note
double A à toutes les Régions sauf au
l’événement | 9
jdd | 6 décembre 2015
futurs « barons » régionaux
missions. Leurs finances sont bien notées.
Nord-Pas-de-Calais, simple A. Les
finances des provinces françaises
sont bien cotées, un peu moins
que celles des Länder allemands
mais beaucoup mieux que celles
de leurs homologues italiennes
ou espagnoles. La comparaison
s’arrête là : les Régions de nos voisins pèsent économiquement plus
lourd, elles ont davantage de missions à remplir. En 2014, le budget
de l’ensemble des Régions tricolores
atteignait 25,5 milliards d’euros,
contre 23,1 milliards pour la seule
Lombardie ou 23,3 milliards pour
la Catalogne.
Mais la dette des Régions
grimpe. Elle s’est élevée à 21,9 milliards d’euros l’an dernier, un montant équivalent à leurs recettes de
fonctionnement (97 %). Ce taux
d’endettement a bondi de 8 points
en 2014, alors qu’il augmentait de
plus de trois points par an depuis
2010. Se voulant rassurant, Standard & Poor’s rappelle qu’elles
comptent pour 1 % seulement de
la dette totale de la France.
b Des éConomies
seront-elles faites ?
Rien ne permet de le dire avec
certitude. Les économies potentielles engendrées par la réforme
sont évaluées à 2 milliards d’euros
sur le long terme, soit 10 % environ
des dépenses de fonctionnement.
« Nous n’anticipons pas de larges
économies d’échelle ni d’optimisation importante », considère pour
sa part l’agence S & P’s. Elle prévoit
au contraire une hausse des crédits
la première année, pour couvrir les
frais des fusions et des nouvelles
compétences.
Symbole éclairant, le nombre
d’élus ne change pas malgré les
regroupements. Les nouvelles
assemblées sont constituées par
l’addition des sièges de chacune
des Régions mariées (voir carte).
Les électeurs les mieux représentés seront ceux de BourgogneFranche-Comté (un élu pour
28.000 habitants). À l’opposé se
trouvent les Franciliens (un élu
pour 57.400 habitants).
Pour sa part, la Cour des comptes
a déploré dans son rapport d’octobre
des dépenses de personnel « trop
dynamiques », en hausse de 4,2 %
sur un an en 2014. Les 82.000 agents
des Régions représentent environ
5 % des effectifs de fonctionnaires
territoriaux. Par ailleurs, rapportées
à leurs populations, les budgets des
Régions affichent de grands écarts.
La plus dépensière est le Nord-Pasde-Calais-Picardie, avec 550 € par
habitant. La plus économe est Pays
de la Loire, avec 405 € par habitant.
La Corse fait exception dans ce
tableau. L’assemblée territoriale est
celle qui présente le ratio du nombre
d’élu par habitants le plus serré (un
pour 5.900) et le budget par habitant
le plus élevé (2.000 € par an). Cette
assemblée ne va durer que deux ans.
En janvier 2018, elle fusionnera avec
les deux conseils départementaux
actuels, pour former une instance
unique, la collectivité de Corse. De
nouvelles élections y sont donc
attendues fin 2017. g
Choisir un nom, quelle histoire !
Attention, dossier sensible.
Dans les Régions fusionnées, la
première décision que devront
prendre les nouvelles assemblées
promet de beaux débats : choisir
un nom. Elles ont six mois pour
s’entendre. L’affaire a bien avancé
en Languedoc-Roussillon-MidiPyrénées, où le label Occitanie
a obtenu la première place dans
un sondage de la presse régionale,
devant Occitanie-Pays catalan et
Languedoc. En 2005, les Catalans
avaient manifesté contre le nom de
Septimanie, imposé par Georges
Frêche, alors président de Région,
pour remplacer LanguedocRoussillon, il dut y renoncer.
En Alsace-Champagne-ArdenneLorraine, les hauts fonctionnaires
utilisent pour l’instant l’acronyme
« Alca », que d’aucuns jugent
abscons. La loi a, en effet, prévu,
très administrativement et fort
diplomatiquement, que les noms
de Régions composés soient rangés
dans l’ordre alphabétique des
Régions d’origine… De façon plus
heureuse, Grand Est s’est imposé
dans les conversations, reléguant
Austrasie. Mais les futurs élus
pourraient lui préférer Cœur
d’Europe, Centre-Europe…
La réflexion ne semble guère
avancer en revanche en
Aquitaine-Limousin-PoitouCharentes. Certains historiens
recommandent Aquitaine,
simplement, au regard des
frontières du Moyen Âge. De quoi
vexer les Poitevins ou les Rochelais…
Il y a d’autres options :
Sud-Ouest-Atlantique, par exemple.
Seul le nom Normandie
figure dans la loi
Mêmes interrogations dans
le Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Nord de France ? Terres du Nord ?
Flandres-Artois-Picardie ? Aucun
Picard ne semble vouloir être
confondu avec un ch’ti…
Et réciproquement. Nord-Picardie
pourrait mettre tout le monde
d’accord.
Peu d’éclats de voix remontent
de Bourgogne-Franche-Comté ou
d’Auvergne-Rhône-Alpes, où certains
préconisent toutefois d’inverser
le tout en Rhône-Alpes-Auvergne.
Pas de débat pour la Normandie
réunie, dont le nom s’impose
et figure même à l’article 2
de la loi qui réforme les Régions.
La dénomination des provinces doit
être confirmée par un décret en
Conseil d’État le 1er octobre 2016.
Un autre dossier promet une de ces
belles joutes dont les Français ont
le secret : la répartition dans les
Régions des services du conseil
régional et l’établissement de son
assemblée… Les élus doivent
se décider dans le même délai que
pour les noms. La loi a fixé des
chefs-lieux provisoires à Bordeaux,
Dijon, Lille, Lyon, Rouen et Toulouse.
Elle a d’ores et déjà désigné
Strasbourg pour Alca… pardon,
pour le Grand-Est. n.P.
Que pèsent
les nouvelles
Régions ?
Île-de-France
Nord-Pas-de-CalaisPicardie
12 millions
4,9 milliards
209
6 millions
3,3 milliards
Normandie
170
3,3 millions
Bretagne
3,3 millions
1,4 milliard
83
Alsace-Champagne Ardenne-Lorraine
1,7 milliard
102
Pays de
la Loire
3,7 millions
1,5 milliards
93
5,5 millions
Île-de-France
2,3 milliards
CentreVal de Loire
2,6 millions
169
Bourgogne-Franche-Comté
1,2 milliard
77
2,8 millions
1,2 milliard
100
Aquitaine-LimousinPoitou-Charentes
Auvergne-Rhône-Alpes
5,9 millions
2,6 milliards
183
Midi-PyrénéesLanguedoc-Roussillon
5,7 millions
2,4 milliards
158
Nombre d’habitants en janvier 2014
Budget en 2015 (budgets cumulés pour les Régions fusionnées)
Nombre d’élus au conseil régional
7,8 millions
3,2 milliards
204
Provence-AlpesCôte d’Azur
5 millions
2,1 milliards
123
300.000
0,6 milliard
51
Corse
Source : Insee, conseils régionaux
10 | instantanés
JDD | 6 décembre 2015
Les indiscrets
Le top 5 twitter
il n’était pas seul à tourner le dos
Nous avons publié, dimanche dernier, la photo d’un homme qui, lors
de la cérémonie des Invalides, avait tourné le dos pendant le discours de
François Hollande. Selon nos informations, deux ou trois autres proches
des victimes du 13 novembre ont adopté la même attitude en protestation
contre l’absence de mesures antiterroristes après les attentats de janvier.
C’est aussi la raison pour laquelle deux familles ont boycotté la cérémonie.
schwarzy à vélib’
Invité de la COP21 comme de nombreuses autres personnalités, l’ancien
gouverneur de Californie Arnold
Schwarzenegger devrait faire une
balade à Vélib’ ce matin dans le quartier de la tour Eiffel.
après le Bataclan,
on a oublié les oreilles
dénonce les attitudes de plusieurs
casseurs qui ont lancé sur les CRS
dimanche des bougies déposées
place de la République.
@Anne_Hidalgo
La place de la République est devenu
un lieu de recueillement. L’attitude
de quelques uns, est indigne pour
la mémoire des victimes.
3 L’astronaute américain Scott Kelly
soutient un accord pour le climat en
ouverture de la COP21, lundi.
@StationCDRKelly
De l’espace, nous avons le privilège
de voir la beauté de la Terre mais
aussi notre impact sur l’environnement.
#COP21 #YearInSpace
La base de toulon
se protège
Au lendemain des attentats de Paris, il a été
décidé d’interdire le port de la tenue militaire
à l’extérieur de la base navale de Toulon.
L’amiral Frédéric Renaudeau, patron
de la DPID (direction de la protection des
installations militaires) veut instaurer la
reconnaissance faciale pour l’accès au site.
4 L’ex-sélectionneur du XV de France
teresa cremisi au cinéma
Elle a été la patronne toute-puissante des éditions Flammarion, l’éditrice de Michel Houellebecq et
de Christine Angot. Teresa Cremisi va remplacer à la présidence de l’avance sur recettes Serge
Toubiana, l’actuel directeur de la Cinémathèque française. Cette nomination décidée par la présidente du CNC, Frédérique Bredin, est tout sauf honorifique. L’avance sur recettes aide chaque année
à la production d’une cinquantaine de films pour un montant global de près de 30 millions d’euros,
avec une attention particulière pour les premiers longs métrages. Teresa Cremisi prendra ses fonctions en janvier pour un mandat d’un an renouvelable. Jean-chrisTophe MarMara/leFiGarophoTo
Fillon déménage
Le roux rêve
de la santé
Selon plusieurs députés, Bruno Le Roux vise le
ministère de la Santé en cas de remaniement.
Le patron des députés PS s’est beaucoup
impliqué lors du débat sur le projet de loi santé
de Marisol Touraine. Il a notamment sonné le
rassemblement de ses collègues pour faire
voter, in extremis, l’adoption du paquet neutre.
Papin-rufin,
une affaire de ruban
Le romancier et ancien ambassadeur au Sénégal Jean-Christophe Rufin remettra le 17 décembre la Légion d’honneur à Serge Papin,
patron de Système U. Pour l’occasion, le groupe
Gallimard, éditeur de Jean-Christophe Rufin,
ouvre les portes de son salon parisien.
macron à l’expo
vuitton
Arrêt de la cour
d’appel de Paris au
procès d’Uber, jugé
pour « pratique
commerciale
trompeuse » avec son
offre UberPop.
g Le New York Times
organise le dîner « Energy
for Tomorrow » à Paris
en présence de Laurent
Fabius et de l’ancien
vice-président américain
Al Gore (photo).
Les enfants de « charlie »
Il est
arrivé
en fin de
journée
pour
rester près
d’une
heure et
demie. Emmanuel Macron a visité
l’exposition « Volez, voguez, voyagez
– Louis Vuitton », qui se tient au Grand
Palais jusqu’au 21 février, avant son
vernissage jeudi. Le ministre de
l’Économie voulait saluer la trentaine
d’artisans maroquiniers venus à Paris
depuis les douze ateliers que compte la
maison de luxe en France. Avant de
poser avec eux, en compagnie de
Bernard Arnault, le président de LVMH,
et Patrick-Louis Vuitton (à gauche), le
directeur des commandes spéciales et
descendant de la 5e génération.
à suivre cette semaine
Lundi
campagne et trois mojitos, Christian
Estrosi s’affiche en terrasse et
s’enflamme contre l’État islamique.
@cestrosi
Fuck Daech. En
terrasse après une
grosse journée
de campagne
2 La maire de Paris, Anne Hidalgo,
Dans la précipitation après le 13 janvier, les autorités ont oublié certaines des recommandations
contenues dans les études publiées en 1997 par
SOS Attentats et la Direction générale de la santé.
Aucune information n’a notamment été fournie
aux centaines de rescapés du Bataclan : après
avoir eu les tympans percés, ils auraient dû
consulter dans les trois jours et entamer un traitement à base de cortisone. Conséquence : ces
personnes devront suivre des rééducations pour
apprendre à vivre avec des acouphènes.
L’ex-Premier ministre inaugure le 16 décembre
ses nouveaux locaux à Paris. Candidat à la primaire de 2016, François Fillon s’installe au 241,
boulevard Saint-Germain, à deux pas de l’Assemblée nationale. C’est de là qu’il doit (re)lancer sa
campagne lors de la présentation de ses vœux, le
12 janvier. Alain Juppé a aussi prévu de s’installer
dans son nouveau QG parisien en janvier.
1 Fatigué après une journée de
g Lancement de la
campagne des
Pères Noël Verts
2015 par le
Secours populaire.
Mardi
La Fête des lumières de
Lyon est remplacée par un
hommage aux victimes
des attentats de Paris.
g PSG-Shakhtar Donetsk,
dernier match de poule de
la Ligue des champions de
football, à Paris.
Philippe Saint-André rend hommage
à Thierry Dusautoir, qui a annoncé
vendredi sa retraite internationale.
@PSaintAndre
Un grand joueur et surtout un grand
Monsieur du rugby international
prend sa retraite.
Merci @TitiDusautoir #
5 Venue soutenir Sandrine Rousseau
au meeting à Hénin-Beaumont,
Cécile Duflot achève la campagne
EELV samedi.
@CecileDuflot
Campagne du
1er tour terminée...
Lever de soleil sur
les pyramides
avant de rentrer ;)
Pour l’anniversaire de l’attaque du 7 janvier, Charlie
Hebdo publiera aux éditions Les Échappées un livre
composé de 150 dessins d’enfants reçus par la
rédaction après les attentats. Dans toute la France,
des milliers d’enfants, seuls ou en groupe, en
famille ou en classe, avaient exprimé en dessin leur
émotion. La sélection des meilleurs dessins sera
préfacée par un texte de Boris Cyrulnik.
Le top 5 Google
Lang et les deux présidents
tendances de recherches du 28 nov. au
4 déc. (plus fortes progressions)
En même temps qu’il tresse les lauriers de l’ancien
président dont on fêtera l’an prochain le centenaire de la naissance, Jack Lang s’associe à cet
hommage (Dictionnaire amoureux de François
Mitterrand, Plon) : « J’ai été le partenaire de François Mitterrand dans cette entreprise de transformation des mentalités et des attitudes d’un pays qui
avait besoin de s’émanciper, de se moderniser. » Et
l’œcuménique patron de l’IMA n’oublie pas de féliciter « l’homme d’État » François Hollande, dont il
salue la « dureté au mal étonnante », « l’empathie », le « courage intellectuel » et la « stature ».
N’en jetez plus !
Tous les sujets
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Personnalités
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Nos classements et analyses sur lejdd.fr
retrouvez à suivre cette semaine ce matin entre 6 h et 10 h dans Week-end Première sur
g 32e conférence
internationale de la
Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge, à
Genève. g Journée
mondiale du climat.
Mercredi
Présentation en Conseil des
ministres du projet de loi
République numérique, sur
la régulation d’Internet.
g 110e anniversaire de la
séparation de l’Église et de
l’État en France.
g Journée de la laïcité.
g 12e édition du Festival
international du film de
Dubai. g Remise du prix
Wolinski (photo) de la
BD du Point à Paris, en
présence de sa femme,
Maryse Wolinski.
g Concert de Madonna
à Paris.
Jeudi
Le nouveau
président de
l’Argentine, Mauricio
Gilles BassiGnac/DiverGence ; sophie roUX ; JacKY naeGelen/reUTers ; Éric Dessons/JDD ; vincenT leloUp poUr le JDD
Macri, prend ses fonctions
trois semaines après son
élection. g Cérémonie de
remise des différents prix
Nobel, à Stockholm et
Oslo. g Journée mondiale
des droits de l’homme.
Vendredi
Procès à Troyes
d’un proche
d’Osmar Ismaïl
Mostefaï, l’un
des assaillants du
Bataclan, poursuivi
pour apologie du
terrorisme.
g Première vente
aux enchères de
la bibliothèque
personnelle de Pierre
Bergé (photo), comprenant
1.600 livres, partitions et
manuscrits rares.
Samedi
Tirage au sort des
groupes de l’Euro 2016
de football, à Paris.
g Élections municipales
en Arabie saoudite,
avec la première
participation
des femmes, qui
ont acquis le droit
de vote et l’éligibilité.
Dimanche
Deuxième tour
des élections régionales
en France. g Ouverture
du congrès du parti
chrétien-démocrate
allemand, la CDU,
à Karlsruhe.
12 |
InternatIonal
jdd | 6 décembre 2015
Moyen-orient En abattant un bombardier russe près de sa frontière avec la Syrie et en niant ses
sujet de Daech, la Turquie a ouvert une boîte de Pandore qui mine ses positions internationales.
Erdogan affaibli
sur tous les fronts
I
istanbul (turquie)
CorrespondanCe
nicolas cheviron
ls étaient autrefois unis
par un même goût pour un
pouvoir sans partage, et
pourtant rien ne va plus désormais entre le président
turc Recep Tayyip Erdogan et son
homologue russe Vladimir Poutine. Onze jours de bras de fer, de
défiance, de guerre verbale depuis
que la chasse turque a abattu un
bombardier russe le 24 novembre
aux abords de la frontière turcosyrienne. N’est-ce pas le président
russe qui dénonçait jeudi la « complicité avec les terroristes » d’une
« clique au pouvoir en Turquie » qui
n’a, selon lui, d’autre objectif que
de « s’en mettre plein les poches »,
promettant aux dirigeants turcs
qu’ils allaient « regretter ce qu’ils
ont fait » ?
La veille, le vice-ministre russe
de la Défense, Anatoli Antonov,
s’en était déjà pris à la personne
du président turc, l’accusant lui et
sa famille d’être impliqués dans un
vaste trafic de pétrole vendu par
l’organisation État islamique (EI).
Démentie avec véhémence par
Erdogan et rejetée par le département d’État américain, la mise en
cause n’a pas convaincu non plus
les spécialistes. « Il n’y a rien de
probant dans les allégations russes.
Alors que des camions d’armes pour
la Syrie ont été aperçus en Turquie,
personne n’a jamais vu de camionsciternes. Et pourtant, il en faudrait
beaucoup pour un trafic d’envergure », a déclaré au JDD un expert
occidental en questions énergétiques basé en Turquie. « Il faut
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, jeudi, à Ankara. Yasin BulBul/aP/siPa
aussi des pétroliers dans le port turc
de Ceyhan pour l’exportation. Des
agences suivent les mouvements des
navires et, là encore, personne n’a
rien constaté », a poursuivi cette
source parlant sous le couvert de
l’anonymat, sans exclure la persistance d’une petite contrebande
locale de pétrole, endémique le
long de la frontière.
Suspension des négociations
sur un gazoduc vers la Russie
Au-delà des mots, Moscou
est passé à l’action en décrétant
un embargo sur les produits alimentaires turcs et en mettant en
place des sanctions contre les
entreprises turques travaillant
en Russie. Elle a annoncé jeudi la
suspension des négociations sur le
projet de construction d’un troisième gazoduc raccordant la Turquie au gaz russe, le TurkStream.
Et les Russes ne devraient pas
s’arrêter là. Ceux qui pensent
que les conséquences de cet incident « vont se limiter aux tomates
ou à quelques restrictions dans la
construction et d’autres secteurs se
trompent lourdement », a prévenu
jeudi Vladimir Poutine.
Les responsables turcs avaientils pleinement conscience des
conséquences de leur geste
lorsqu’ils ont donné à leur armée,
le 22 novembre, l’ordre « d’agir
immédiatement » à la moindre
« menace » à la frontière ? Depuis
plusieurs jours déjà, Ankara était
excédé par l’attitude de Moscou qui, sous prétexte de lutter
contre l’EI, avait multiplié les
raids aériens contre des groupes
djihadistes syriens alliés de la
Turquie, près de la frontière de
cette dernière, les avions russes
violant à plusieurs reprises son
espace aérien.
Vendredi, le Premier ministre
Ahmet Davutoglu a confirmé
que l’intervention de la chasse
turque répondait à une obligation
« morale » à l’égard des populations syriennes bombardées par
l’aviation russe. Mais pour Kadri
Gürsel, spécialiste de la politique
étrangère turque et chroniqueur
du site Al-Monitor, ce recours aux
armes face à une superpuissance
militaire telle que la Russie était
« une décision irrationnelle ». « Les
tergiversations du gouvernement
turc après l’incident montrent qu’il
n’avait rien anticipé, alors que les
Russes avaient déjà planifié ce qu’ils
allaient faire, qu’ils suivaient un
plan d’action tous azimuts avec
un objectif : l’anéantissement de la
politique syrienne de la Turquie »,
commente l’analyste, interrogé
par le JDD.
Un journaliste écroué
pour « espionnage »
Face aux menaces de Poutine,
Ankara s’est en effet empressé
de rechercher le soutien de ses
alliés occidentaux, réclamant
une réunion d’urgence de l’Otan
et autorisant mercredi la France
à utiliser son espace aérien pour
frapper l’EI. Or cette solidarité
Des combattants des Unités de protection du peuple kurde (YPG) à Khamail, un village
syrien repris à Daech en novembre. ChristoPhe Petit-tesson
devrait avoir un prix : la fin de
l’ambivalence turque à l’égard de
Daech. Depuis plus de deux ans,
la Turquie, résolue à faire feu
de tout bois contre le régime de
Damas, fait face aux reproches de
ses alliés et aux affirmations de
la presse concernant le passage
des combattants venus rejoindre
l’EI et les trafics d’armes à travers
sa frontière. La justice turque a
cadenassé l’information sur ce
sujet ultrasensible, n’hésitant pas
à écrouer pour « espionnage », le
26 novembre, une star nationale du
journalisme, Can Dündar, directeur du quotidien d’opposition
Cumhuriyet, après la publication
par son journal d’images montrant
l’arraisonnement de camions remplis d’armes et de munitions, acheminées vers la frontière syrienne
sous la protection d’agents du MIT,
les services secrets.
L’aviation turque a certes lancé
ses premières frappes contre l’EI
en juillet, après un attentat sur le
sol turc imputé aux djihadistes.
Mais ces attaques sont restées
limitées, sans commune mesure
avec les bombardements intensifs
menés au même moment contre
les rebelles kurdes du Parti des
travailleurs du Kurdistan (PKK),
avec qui Ankara a repris les hostilités durant l’été, mettant fin à deux
ans et demi de pourparlers de paix.
En septembre, Ahmet Davutoglu a
clairement affiché ses préférences
en prévenant que le franchissement de l’Euphrate par les milices
kurdes de Syrie, proches du PKK,
pour repousser les djihadistes des
abords de la frontière turque serait considéré comme une « ligne
rouge » par son pays et serait suivi
de frappes contre les Kurdes.
« Ce sont les Américains
qui sont les plus contents »
Si elle veut compter sur la protection des Occidentaux, l’administration turque devra rentrer dans
le rang. « La Turquie doit faire plus
pour contrôler sa frontière, qui est
souvent trop poreuse », a prévenu
mardi le secrétaire américain à la
Défense, Ashton Carter. En réponse, Davutoglu a assuré jeudi
que son pays « continue de travailler
de diverses façons » au contrôle de
ses 98 km de frontière commune
avec les zones sous contrôle de l’EI,
tout en se plaignant de la difficulté
de la tâche. Dans cette crise avec
Moscou, « ce sont les Américains
qui sont les plus contents », résume
Kadri Gürsel : « La Turquie s’est
éloignée de la Russie, elle a fait
saigner du nez Poutine, et l’incident a totalement anéanti les plans
d’Ankara en Syrie. » g
InternatIonal | 13
jdd | 6 décembre 2015
ambivalences au
Enquête
à la reconquête du pétrole de Daech
outre les bombardements
des Américains, des Français,
et désormais des Britanniques,
sur les installations pétrolières
de l’état islamique,
une nouvelle force au sol,
appuyée par la coalition,
tente de reprendre les champs
syriens d’or noir
HAssAkeH (syrie)
Envoyé spécial
CHArles MArlot
Près de Hassakeh, en Syrie, fin novembre.
Des raffineries sont improvisées
à proximité des champs de pétrole afin
de pourvoir aux besoins en essence
de la population. Christophe petit-tesson
Khamail n’est qu’un village vide,
tombé sans résistance, à la minovembre, aux mains des forces
kurdes syriennes. Un fantassin
kurde s’affaire sur le toit de la
dernière maison, face à la grande
plaine vide qu’habite, invisible,
l’État islamique. Dalil et Ahmed,
en bas, nettoient leur Doshka, une
mitrailleuse lourde de 14,5 mm
montée à l’arrière d’un pick-up
– la cavalerie légère des Unités
de protection du peuple kurde
(YPG). La lutte fut-elle rude ?
« Non, pas vraiment. Daech avait
fui. Il fallait simplement faire attention aux mines et aux pièges
explosifs. Les civils étaient partis
depuis plus d’un an », dit Ahmed,
sur le pick-up. À Khamail, une
ligne de front s’installe. En face,
rien. Pas de drapeau noir, ni de
tranchées, ni de blindés appartenant à l’État islamique. Pourtant,
Shaddadeh, le prochain bastion
de Daech, n’est qu’à 20 km vers
le sud, dans cet horizon incertain qu’habitent, invisibles, les
djihadistes de Daech.
Dans cette région, la reconquête se fait pas à pas. Les choses
sérieuses ont commencé cet
été par la prise de Hassakeh,
200.000 habitants avant la
guerre, qui avait subi depuis le
printemps et jusqu’en juillet les
assauts furieux de Daech. Fin
octobre, les Kurdes syriens ont
avancé vers l’est jusqu’à Al-Hol,
à une dizaine de kilomètres de
la frontière irakienne, une zone
conquise par l’État islamique durant l’été 2014, et se sont emparés
au passage de ses puits de pétrole.
Depuis la fin novembre, les combattants kurdes progressent vers
Shaddadeh, village par village.
Les djihadistes commencent
à fuir les combats déjà perdus
Le filet se resserre donc
dans une partie qui semble
presque facile : les djihadistes
fuient maintenant les combats
déjà perdus. Harcelés par les
frappes aériennes de la coalition
internationale, ils ont perdu une
grande partie de leurs capacités offensives. Derrière eux, les
djihadistes piègent les maisons,
laissent des partisans la nuit
dans les villages pour miner les
routes et monter ici et là des
embuscades-suicides derrière
les lignes kurdes. La frontière
syro-irakienne, effacée par l’État
islamique en 2014, se reforme
peu à peu, comme une blessure
cicatrise. L’objectif ne consiste
plus seulement à couper Daech
de sa ligne de communication
entre ses bastions syriens de
Raqqa et Deir ez-Zor et sa « capitale » irakienne à Mossoul. Mais
de mettre la main sur d’autres
champs pétrolifères, ceux-là
mêmes qui assurent à Daech
plus de la moitié de ses revenus. Shaddadeh, une ville de
70.000 habitants avant le conflit,
a été occupée successivement
par l’Armée syrienne libre, par
le Front Al-Nosra et par Daech.
Sa conquête pourrait ainsi
faciliter les affaires de Souleiman
Khalaf. Le ministre de l’Énergie
de l’Administration autonome
du Rojava, le nom du Kurdistan
syrien, attend avec hâte de récupérer le champ de pétrole de la
ville, qui produit aussi quelque
1,2 million de mètres cubes de
gaz par jour. « Le gaz de Shaddadeh pourrait alimenter une
usine électrique qui couvrirait, à
elle seule, la moitié de nos besoins
en énergie. Et prendre Shaddadeh
nous mettra en position de force
avec le régime pour négocier notre
place dans la future Syrie », explique le ministre.
Mais Shaddadeh se trouve
nettement en territoire arabe.
Pour mener à bien ces conquêtes,
et sous la pression des ÉtatsUnis, les autorités kurdes syriennes ont inauguré le dernier
avatar des groupes rebelles antiDaech : les Forces démocratiques
syriennes (FDS). Créées à l’instigation des autorités kurdes syriennes le 12 octobre et appuyées
financièrement et en armement
par les États-Unis et leurs alliés,
elles mêlent désormais combattants arabes et kurdes. Les
troupes arabes sont formées
essentiellement par l’Armée
Al-Sanadid, un rassemblement
de volontaires de la tribu arabe
des Chammar.
Les FDS, une force arabo-kurde
Ali Selo est le porte-parole
des FDS. Colosse glabre au
ventre immense, il explique les
buts de cette nouvelle unité :
« Il ne s’agit pas de Kurdes qui
prennent des territoires arabes.
C’est une force arabo-kurde qui
prendra Shaddadeh et la laissera
aux habitants locaux », expliquet-il. Pas un hasard, donc, si Dalid
et Ahmed combattent côte à
côte. Ahmed est un Arabe et
parle parfaitement kurde. Dalil
est kurde et s’exprime couramment en arabe. Tous deux sont
originaires de Hassakeh, une
ville où les mariages mixtes
sont plus courants qu’ailleurs.
Un modèle de cohabitation que
Daech veut éradiquer. g
14 | InternatIonal
JDD | 6 décembre 2015
Le Venezuela se prépare au pire
dans les rues pour lutter avec le
peuple, comme je l’ai toujours fait,
et nous passerions à une nouvelle
étape de la révolution », a-t-il déclaré
récemment. Depuis plusieurs mois,
le régime donne d’ailleurs des signes
sérieux de raidissement. En 2014,
des manifestations de l’opposition
avaient été durement réprimées, faisant 43 morts. Ces derniers mois,
plusieurs chefs de l’opposition, dont
Leopoldo López, ont été aussi jetés
en prison. Fin novembre, l’un d’eux,
Luis Díaz, était même assassiné en
marge d’une réunion publique.
« Dans ce contexte, on voit mal comment une transition démocratique
peut être possible, s’inquiète Frédérique Langue. Il y a un vrai risque
d’ingouvernabilité et de violences. »
Amérique lAtiNe Deux ans
et demi après la mort de Hugo
chávez et l’arrivée au pouvoir
de Nicolás maduro, les élections
législatives organisées
aujourd’hui vont faire entrer
le pays dans une zone de graves
turbulences politiques
ANtoiNe mAlo
@AntoineMalo2
Le Venezuela s’apprêterait-il à
tourner la page du chavisme ?
Le scrutin législatif organisé
aujourd’hui s’annonce comme
historique. « Pour la première fois
depuis dix-sept ans, l’opposition peut
remporter une élection », explique
Frédérique Langue, du CNRS. Les
derniers sondages donnent entre
14 et 35 points d’avance à la Table
pour l’unité démocratique (MUD),
vaste coalition d’opposition, sur le
PSUV (Parti socialiste unifié du
Venezuela) au pouvoir. La révolution bolivarienne initiée en 1999
par Hugo Chávez et poursuivie
par celui qui lui a succédé en 2013,
Nicolás Maduro, ne fait plus rêver ;
même pas au sein de l’establishment chaviste, où les défections se
sont multipliées ces derniers mois.
Maduro menace de prendre la rue
La principale raison de ce
désamour ? Une situation économique catastrophique. Ultradépendant de sa production pétrolière – il
en tire 96 % de ses revenus –, l’État
vénézuélien a pris de plein fouet la
baisse du prix du baril entamée il y
a un an et demi. « Aujourd’hui, on
assiste à des pénuries sur certains
produits de première nécessité,
l’inflation explose, les gens sont découragés », explique Jean-Jacques
Kourliandsky, chercheur à l’Iris
(Institut de relations internationales
L’opposition, qui défilait mercredi dans les rues de Caracas, pourrait remporter le scrutin. Carlos GarCIa raWlINs/rEUTErs
et stratégiques). Le gouvernement
n’arrive plus à maintenir la kyrielle
de programmes sociaux qui lui garantissaient le soutien des classes
populaires. « Un certain nombre
de missions sociales ont été arrêtées. Le pouvoir n’a plus les moyens
de cette redistribution », confirme
Olivier Compagnon, directeur de
l’Iheal (Institut des hautes études de
l’Amérique latine). Il est tout aussi
incapable de juguler la criminalité
qui ravage le Venezuela : le taux
d’homicides – 54 pour 100.000 habitants en 2012 – est le deuxième plus
élevé au monde. Enfin, le pouvoir
ne peut plus vraiment compter sur
ses amitiés régionales : l’Argentine a
élu il y a trois semaines un président
conservateur ; au Brésil, Dilma Rousseff est totalement paralysée par une
menace de destitution ; quant au
grand frère cubain, son ouverture
récente vers les États-Unis et l’Europe montre que le partenariat avec
le Venezuela n’est plus la priorité.
Reste à connaître l’ampleur de
la défaite pour le PSUV : le découpage électoral, très complexe et
très avantageux pour le pouvoir
en place, pourrait la rendre moins
cuisante qu’annoncé. Selon Olivier Compagnon, Nicolás Maduro
pourrait « gouverner par décrets et
court-circuiter ainsi l’Assemblée ».
« L’essentiel des pouvoirs restera
entre ses mains, complète JeanJacques Kourliandsky. Il conservera
notamment le contrôle de PDVSA,
la compagnie pétrolière nationale. »
Si, toutefois, l’opposition obtient
une majorité absolue à l’Assemblée,
alors c’est tout l’édifice chaviste qui
pourrait être ébranlé. « L’opposition
n’exigera pas seulement la libération
de la cinquantaine de contestataires
aujourd’hui en prison, elle pourrait
initier un référendum de destitution
à l’encontre de Maduro », poursuit
Jean-Jacques Kourliandsky.
Le successeur de Hugo Chávez,
ancien chauffeur de bus, a d’ores et
déjà promis, qu’en cas de défaite, il
vendrait chèrement sa peau. « J’irai
Que fera l’armée ?
Un noir scénario est aussi
envisagé par Olivier Compagnon :
« À coup sûr, Maduro ne reconnaîtra
pas sa défaite. Sans parler de guerre
civile, le spectre d’affrontements est
à envisager. » Maduro pourra notamment compter sur une partie de son
électorat populaire, qui ne supportera pas de voir l’opposition, perçue
comme blanche, élitiste, libérale et
corrompue, revenir au pouvoir.
Du côté de cette opposition totalement hétéroclite, il existe aussi une
frange, incarnée par María Corina
Machado ou Leopoldo López, qui
croit davantage au pouvoir de la rue
qu’à celui des urnes. Dans ce cas de
figure, il faudra alors surveiller l’attitude d’un autre acteur clé : l’armée.
« Chávez en était issu, pas Maduro,
qui, lui, vient du monde syndical,
note Olivier Compagnon. Il n’est
pas certain qu’elle continuerait à le
soutenir si la situation devenait trop
conflictuelle. » g
Tsipras au pied du mur
Grèce Alors qu’une nouvelle salve
de mesures d’austérité devait être
votée cette nuit, Athènes est
critiqué pour la mauvaise gestion
de ses frontières face à l’afflux
de migrants
cAmille Neveux
@camille_neveux
Les précédentes manifestations
contre l’austérité, Alexis Tsipras les
avaient vécues dans la rue, en tant
que leader du parti d’opposition
Syriza. Jeudi, lors d’une nouvelle
grève générale – la deuxième en
un mois –, le Premier ministre grec
a regardé les siens, « humiliés » et
« trahis », défiler, pancartes à la
main, contre les mesures drastiques
acceptées en juillet par son propre
gouvernement, en contrepartie de
86 nouveaux milliards d’euros de
prêts par la zone euro.
Vers une sortie de l’espace
Schengen ?
Le budget 2016 devait être
voté dans la nuit de samedi
à dimanche, avec d’importantes
hausses d’impôts. Un « crash test »,
selon la presse grecque, qui fait
état d’éventuelles défections de
députés dans la majorité… et du
soutien de députés de l’opposition
Mais le pays, exsangue après
six années de crise financière et
de coupes budgétaires drastiques,
notamment chez les fonctionnaires, est aujourd’hui en difficulté
sur un nouveau front : la sécurité
de ses frontières.
Plus de 776.000 migrants ont
transité sur son territoire depuis
janvier, souvent dans le chaos,
dont deux djihadistes auteurs des
attentats de Paris. À tel point qu’un
scénario a affleuré mercredi dans
différents médias : la Grèce pourrait
sortir de l’espace Schengen si elle
ne contrôle pas mieux le flux de
réfugiés…
La Macédoine édifie un mur
L’hypothèse a été formellement écartée vendredi par la
présidence du Conseil de l’UE.
« Il n’est pas juridiquement possible d’exclure un État de la zone
Schengen », a rappelé le ministre
luxembourgeois de l’Immigration,
Jean Asselborn, demandant plutôt
l’accélération de la « relocalisation »
des réfugiés. Face à cette pression,
Athènes s’est décidé jeudi à activer
le « mécanisme européen de protection civile », pour recevoir de l’aide
matérielle et humaine. Et à accepter
des renforts de Frontex.
L’image du mauvais élève,
enfant martyr de l’Europe, lui colle
à la peau. Inquiète, la Macédoine
vient d’édifier un mur de 3 km à sa
frontière avec la République hellénique, où près de 6.000 migrants
sont bloqués. De violents heurts ont
éclaté jeudi le long de la barrière
après la mort d’un Marocain. Le
ministre grec chargé de la politique
migratoire a promis « une solution
dans les dix prochains jours » pour
gérer ce nouveau point chaud. g
InternatIonal | 15
jdd | 6 décembre 2015
États-uNis Trois jours après la fusillade sanglante de San Bernardino perpétrée par un couple radicalisé,
l’Amérique découvre la notion de « terrorisme de voisinage »
Le djihad
made
in USA
saN berNardiNO (caliFOrNie, États-uNis)
Envoyé spécial
Guillaume seriNa
À quelques centaines de mètres
de l’Inland Regional Center, où a
eu lieu la tuerie, Austin Barber et
son amie Isina Garcia, la vingtaine,
viennent discrètement déposer une
gerbe sur un mémorial improvisé.
Après quelques secondes de recueillement, ils confient : « Nous avons
été bouleversés par les attaques à
Paris. Mais nous ne pensions pas que
cela pouvait arriver ici, à la maison. »
« Reculez, s’il vous plaît. Ceci
est une propriété privée. » L’imam
assistant, Roshan Abbassi, tente de
juguler les journalistes qui commencent à arriver, une demi-heure
avant la prière du vendredi. La mosquée Dar Al-Uloom Al-Islamiya,
à San Bernardino, peut accueillir
quelques centaines de fidèles.
Coiffée d’un dôme apparemment
en contreplaqué, elle est nichée
au cœur d’un quartier défavorisé
de la ville californienne, au milieu
de quelques friches et de maisons
peu reluisantes. C’est ici que Syed
Farook venait. « Pas tous les vendredis, mais très régulièrement, dit
un habitué, sous le choc. Jamais
je n’aurais pensé qu’il puisse faire
quelque chose comme cela. »
Le massacre qui a fait mercredi
matin 14 morts et 21 blessés est
désormais qualifié d’« acte de terrorisme » par le FBI. « Nous avons de
bonnes raisons de le faire », a résumé
David Bowdich, directeur adjoint
du FBI à Los Angeles, à quelques
dizaines de mètres du lieu du
drame. Outre l’accumulation des
armes de guerre assorties de plus
de 6.500 munitions, c’est bien l’allégeance à l’État islamique sur Facebook de la part de Tashfeen Malik,
juste avant la tragédie, qui a décidé
les agents fédéraux à franchir le pas.
Et si pour l’instant « le mobile n’est
pas connu » et qu’il n’y a « pas de
preuve de l’existence d’une cellule
terroriste » en Californie du Sud,
la trajectoire des deux assaillants
renforce cette piste terroriste.
Les États-Unis ont déjà connu le
terrorisme intérieur d’inspiration
djihadiste. Le 5 novembre 2009, à
Fort Hood, au Texas (Sud), le commandant Nidal Malik Hasan, américain d’origine palestinienne, avait
tué 13 soldats de sa base. Le 15 avril
2013, les frères Tsarnaev, d’origine
tchétchène, endeuillaient Boston,
dans le Massachusetts (nord-est),
en faisant exploser deux bombes
à l’arrivée du marathon. Bilan :
3 morts et 269 blessés. Hasan et
Djokhar Tsarnaev ont été condamnés à mort.
La famille de Malik connectée
à des radicaux au Pakistan
Tashfeen Malik, 27 ans, est née
au Pakistan. Elle et ses parents ont
emménagé en Arabie saoudite il y
a une dizaine d’années. Selon une
source pakistanaise citée par le Los
Angeles Times vendredi, la famille
Malik, de classe privilégiée, aurait
bien des liens avec des groupes
islamistes depuis très longtemps.
Le cousin du père de Malik serait
ainsi connecté avec cette mouvance.
Courtisée l’année dernière par Syed
Farook, à qui elle s’est promise après
une rencontre sur Internet, elle a
immigré aux États-Unis en juillet
dernier avec un visa « fiancée ».
Après leur mariage à La Mecque
(Arabie saoudite), Tashfeen Malik
a obtenu une carte de résidente
permanente et donné naissance,
il y a six mois, à une petite fille. À
San Bernardino, elle ne conduit
pas et porte une burqa. C’est elle
qui, via un post sur Facebook il y a
quelques jours, a prêté allégeance
à l’État islamique. « Nous ne savons
pas encore si elle a influencé Farook »,
a prudemment dit David Bowdich.
Mais il semblerait que cette hypo-
Obama, le radicalisme et les armes
« NOus Ne NOus laisserONs
pas terroriser. » Dans son
discours hebdomadaire à la
radio, hier matin, le président
des États-Unis s’est montré
prudent sur les motivations de
couple tueur de San Bernardino.
Mais pour lui, même si ce
massacre a été « salué » par un
communiqué de Daech rendu
public sur les réseaux sociaux,
il a été commis avec des armes
et des munitions en vente libre
et sans contrôle. « Vous
rendez-vous compte que des
passagers interdits de voyager
en avion peuvent malgré tout
acheter des armes librement
et s’en servir sur le sol américain ?
C’est insensé… », s’est interrogé
Barack Obama, le ton à la fois
las et exaspéré. Le New York
Times a évoqué hier des
discussions à la Maison-Blanche
entre conseillers du président
et responsables d’associations
hostiles aux armes à feu pour
envisager de décréter des
contrôles supplémentaires
sur les clients des armureries
sans passer par une législation
au Congrès et au risque d’être
poursuivis devant la Cour
suprême. F.c.
Syed Farook
et Tashfeen
Malik,
soupçonnés
d’avoir tué
14 personnes
dans un centre
de services
sociaux, en
Californie, ont
été abattus
par la police.
Le couple,
fraîchement
marié, venait
d’avoir
un bébé.
afp
thèse tienne désormais la corde.
D’ailleurs, les autorités du Pakistan enquêtent actuellement sur
son passé.
Syed Farook, 28 ans, est, pour
sa part, né à Chicago (Midwest)
et est donc citoyen américain.
D’origine pakistanaise, sunnite, il
a été qualifié de « très religieux »
par son père, un homme au passé
d’alcoolique qui frappait son
épouse avant qu’ils ne se séparent. Travaillant dans les services
sanitaires du comté de San Bernardino (il inspectait les restaurants
et hôtels), le FBI a confirmé qu’il
avait voyagé « à l’étranger » l’année
dernière, revenant avec Tashfeen
Malik. Bien que ses connaissances
le décrivent comme « normal » et
« vivant le rêve américain », Syed
Farook aurait été en contact avant
l’attaque par téléphone et sur les
réseaux sociaux avec un Américain
surveillé par les autorités pour
radicalisme. Vendredi soir, le Los
Angeles Times avançait même que
Farook aurait eu des communica-
tions avec le Front Al-Nosra, une
branche d’Al-Qaida en Syrie, et avec
des shebab somaliens.
« La Detroit de la Californie »
La ville de San Bernardino est
l’un de ces ghettos où l’extrémisme
croîtrait plus vite qu’ailleurs ? Surnommée la « Detroit de la Californie », la grande agglomération du
Nord abritant l’une des plus importantes communautés musulmanes
aux États-Unis, la municipalité avait
officiellement déposé le bilan en
2012. Le plus grand comté – en
superficie – des États-Unis était
sorti exsangue de la grande crise
financière de 2008, étant régulièrement classé dans le top 5 des régions
ayant connu le plus de foreclosures,
ces saisies immobilières à la suite de
prêts immobiliers toxiques accordés
à des particuliers. San Bernardino,
c’est aussi la violence des gangs
et le trafic de méthamphétamine.
La série Breaking Bad devait être
tournée là-bas, avant que le Nouveau-Mexique ne l’emporte pour
des questions de crédits d’impôts
avantageux pour la production. La
ville demeure racialement divisée,
avec un quartier nord résidentiel et
un quartier sud pauvre à majorité
latino.
Cependant, sa faillite a paradoxalement sonné son renouveau.
« L’aide financière fédérale a permis de refaire une autoroute, par
exemple », avance Lissa Washburn.
Cette institutrice française vit à San
Bernardino depuis dix ans. « C’est
une ville tranquille. Il ne se passe
pas grand-chose. Jamais je n’aurais
pensé qu’il puisse se produire ce genre
de tragédie », confie-t-elle au JDD
autour d’un café au lait. Originaire
du 11e arrondissement de Paris,
très touchée par les attaques du
13 novembre, Lissa est choquée que
le terrorisme se soit rapproché si
près d’elle. Ce qui en dit long sur le
voisinage cloisonné à l’américaine
qui vient de voler en éclats. « Honnêtement, dit-elle, je ne savais pas
qu’il y avait ici une mosquée et une
communauté du Proche-Orient. » g
*
16 | Autour du monde
AllemAgne
Comment
Angela Merkel
trouve-t-elle
son chemin
sans boussole ?
lejdd.fr Le grand angle diplo
de François Clemenceau :
« Pourquoi l’Arabie saoudite
est incohérente »
JDD | 6 décembre 2015
Les deux partis de la grande coalition au pouvoir
vont tenir leur congrès annuel cette semaine. Le
SPD dès jeudi à Berlin et la CDU de la chancelière
Merkel dimanche prochain à Karlsruhe. L’occasion
de clarifier les débats internes alors que la crise
des réfugiés a illustré des divergences criantes ces
dernières semaines entre les deux formations et
au sein même de la CDU. 953.000 demandeurs
d’asile rien que depuis le mois de janvier, un vote
du Bundestag pour aller aider la coalition antiDaech en Syrie : qui aurait pu croire il y a encore
quelques mois que ces deux faits majeurs passeraient comme une lettre à la poste ?
« Elle a péché par optimisme »
Angela Merkel a été très critiquée dans la
presse, au sein de l’opinion et jusque dans son
propre parti pour avoir osé ouvrir les bras au flot
ininterrompu des réfugiés syriens depuis l’été
dernier. Après avoir déclaré que tous les réfugiés
syriens seraient acceptés en bloc, voilà qu’un
examen de leur demande d’asile sera effectué
au cas par cas. Les attentats du 13 novembre à
Paris sont passés par là. Et après avoir dit fin
septembre qu’il fallait « parler avec Bachar ElAssad », la chancelière arrive à faire voter mas-
Angela Merkel au Bundestag, la semaine dernière.
ReuteRS
sivement un soutien militaire, certes limité et
non offensif, aux pays « frappeurs » en Syrie.
Autant de zigzags qui ne semblent pas remettre
en question le soutien de l’opinion à la chancelière.
Selon les derniers sondages, la CDU remonte dans
les intentions de vote, avec 12 points d’avance
sur le SPD, tandis que le parti europhobe et
anti-immigration Alternative für Deutschland
(AFD) atteint le score de 10 %, une source de
préoccupation pour la droite gouvernementale
proeuropéenne. « Merkel a péché par optimisme,
pas par naïveté, confie au JDD Joachim Bitterlich,
ancien conseiller diplomatique du chancelier
Helmut Kohl. Elle a beau naviguer à vue, sans
boussole, elle sait admettre qu’elle se trompe. »
Il pronostique un quatrième mandat d’affilée
pour la chancelière en 2017. Selon lui, Merkel
saura tirer profit du congrès de dimanche prochain et rassembler un parti au sein duquel le
puissant Wolfgang Schäuble « n’a jamais essayé
d’aller au putsch, même s’il est allé jusqu’aux
limites de la loyauté ». Il faut dire aussi que l’alternative à Merkel, à gauche cette fois, n’existe
toujours pas. « Pour le SPD, la tentation de se
regauchiser n’est pas majoritaire au sein du parti,
analyse Barbara Kunz, spécialiste de l’Allemagne
à l’Institut français des relations internationales
(Ifri). Ils savent que ce n’est pas non plus avec un
programme de fond que l’on s’oppose à Merkel. »
Bitterlich confirme : « Merkel, c’est l’Allemagne
tranquille. Elle est modeste, normale, pragmatique,
et les Allemands se disent qu’au fond “c’est l’une
des nôtres”. La recette de la longévité au pouvoir ?
FRANÇOIS CLEMENCEAU
dernière heure
@Frclemenceau
Milo Djukanovic s’est
converti au logiciel
« pro-occidental » dès la fin
des années 1990.
LAfIte/WoStok PReSS/MAXPPP
le leAder de lA semAine
grande-Bretagne
Trois personnes ont été blessées
hier soir, dont une sérieusement,
dans une attaque à la machette dans
le métro de Londres, selon plusieurs
médias britanniques. La police évoque
un « incident terroriste », alors que
les premières frappes aériennes
britanniques contre Daech ont
eu lieu la veille. L’assaillant a crié « c’est
pour la Syrie » en poignardant une des
victimes à la station Leytonstone, avant
d’être neutralisé avec un taser par
les forces de police. En mai 2013, deux
individus avaient tué à la machette
un soldat en plein Londres.
ItW NeWS
60
C’est le montant, en milliards de dollars, de l’aide promise
par le président chinois Xi Jinping au continent africain.
Annoncée lors de l’ouverture du sommet Chine-Afrique, vendredi,
à Johannesburg, cette enveloppe exceptionnelle, accordée
principalement sous forme de prêts, signe une vaste offensive
de la Chine, premier partenaire commercial de l’Afrique.
De ses années lycée, il n’a pas hérité du
sobriquet de « rasoir droit », en hommage
à ses qualités rhétoriques, pour rien. À la
tête d’un petit pays de 630.000 habitants,
le Premier ministre monténégrin Milo
Djukanovic, au pouvoir depuis vingt-cinq
ans, a réussi à irriter cette semaine un
« tsar » d’une tout autre envergure :
Vladimir Poutine. Ce chef de clan de
53 ans, qui n’a rien connu d’autre que
l’exercice du pouvoir, s’est converti au
logiciel « pro-occidental » à la fin des
années 1990. Depuis, il s’est employé
à diriger cette ancienne république
yougoslave vers l’intégration européenne
et l’adhésion à l’Otan. Un pari aujourd’hui
en bonne voie.
Les 28 ministres des Affaires
étrangères de l’Otan ont invité mercredi
cet État des Balkans occidentaux,
indépendant depuis
sa séparation d’avec
la Serbie en 2006, à
rejoindre l’Alliance de
Le Premier ministre l’Atlantique Nord. Le
monténégrin a troisième à franchir
entamé mercredi le pas, après la
les négociations Croatie et l’Albanie en
d’adhésion de son pays 2009. Le troisième à
à l’Otan, qui continue courroucer la Russie,
son expansion dans les alors que les relations
Balkans au grand dam avec l’Alliance n’ont
de Moscou jamais été aussi
froides du fait de la
crise ukrainienne… Ravi de jouer le garant
de la stabilité au nez et à la barbe de la
Serbie, Milo Djukanovic savoure l’instant.
« Adhérer à l’Otan est une puissante
contribution à la sécurité de la région »,
plastronnait-il mercredi soir.
Reste que son régime, entre corruption
endémique et liens avec le crime organisé,
est loin d’être exemplaire. Des milliers
de personnes ont manifesté cet automne
pour dénoncer ses positions pro-Otan,
réclamer sa démission et demander des
élections « libres et démocratiques »…
avant que ces mouvements de
prostestation soient violemment
réprimés. L’Alliance a bombardé la Serbie
en 1999, un événement douloureux dans la
mémoire collective, et l’opinion est donc
divisée sur l’adhésion à l’Otan. Celle-ci
est loin d’être acquise. Le processus doit
durer de dix-huit mois à deux ans et,
en cas de succès, devra être ratifié par
les Parlements nationaux des 28 pays
membres.
CAMILLE NEVEUX
MILO
DJUKANOVIC
pérou Le président péruvien
Ollanta Humala a placé vendredi en
état d’urgence la province de Callao,
voisine de la capitale, pour combattre
l’explosion des violences liées au
crime organisé (trafic de drogue,
extorsion, assassinats). La déclaration d’état d’urgence, qui doit durer
quarante-cinq jours, était réclamée
par des responsables politiques et des
représentants de la société civile. La
province de Callao abrite les principaux ports et l’aéroport international
Jorge-Chávez.
ReuteRS
Tchad Trois kamikazes se sont fait exploser hier sur le marché d’une île
du lac Tchad, tuant au moins 27 personnes. Cette région – partagée entre le
Nigeria, le Niger, le Cameroun et le Tchad – a été placée le 9 novembre par
le gouvernement tchadien sous le régime de l’état d’urgence, à la suite de
précédents attentats-suicides perpétrés par les islamistes nigérians de Boko
Haram, qui ont rallié l’organisation de l’État islamique (EI). AP/SIPA
lA phrAse
« Tout le monde a compris depuis longtemps que
Vladimir poutine n’écoute que ses amis »
evguéni staritsine, chauffeur routier russe, alors qu’une grogne sociale – très rare dans la russie actuelle et ignorée
des médias – monte depuis trois mois contre une hausse des tarifs de péage censés financer l’entretien des routes
fédérales, mais dont la collecte a été confiée à la société d’un milliardaire partenaire de judo de Vladimir poutine.
*
18 |
cop21
jdd | 6 décembre 2015
Climat Chaud et froid sur la COP21. À mi-parcours, le compte n’y est pas. Les négociateurs ont
Au Bourget, un petit
pas pour l’humanité…
N
RiChaRd Bellet
@richardbellet1
ous devons réussir,
et nous devons réussir ici. » Peu avant
20 heures hier, lors de
la séance plénière qui
clôturait la première semaine de la
conférence climat de Paris, Laurent
Fabius, son président, a martelé ce
devoir : trouver ici, à Paris, l’accord
universel et contraignant tant attendu, celui censé limiter le réchauffement de la planète à 2 °C à la fin
du siècle. Et ce n’est pas gagné, tant
cette COP21 est une épreuve de fond
comme de formes.
Au terme d’une semaine de discussions, les négociateurs ont remis
hier leur copie. Ce projet de texte
doit dès demain servir de base aux
ministres, qui prennent le relais et
doivent aller au plus vite. Mais il y a
encore loin de l’ébauche à l’accord
parfait… « Nous pourrions avoir
mieux, nous pourrions avoir pire,
l’essentiel est que nous ayons un texte
et que toutes les parties veuillent un
accord la semaine prochaine », estime
Laurence Tubiana, ambassadrice
chargée des négociations. Un avis
partagé par l’acteur Sean Penn, qui
comme Leonardo DiCaprio a hier
foulé le sol de la COP : « C’est peutêtre le moment le plus excitant de
l’histoire de l’humanité ! »
Le projet d’accord, lui, l’est
beaucoup moins. Car s’il a un
peu minci depuis l’ouverture de
la conférence avec une quarantaine de pages, il compte encore
750 crochets (contenant mots et
phrases non validés) et une centaine d’options. Il s’est même lesté
de 5 pages de commentaires placés
en annexe. Or, à l’arrivée, il faudra
bien zéro crochet et zéro option !
Collectivés et entreprises
s’engagent
Côté contenu, quelques points
sont salués par les ONG. En premier
lieu celui des « pertes et dommages »
liés aux conséquences irréversibles
du changement climatique déjà à
l’œuvre. « Jusque-là, les États-Unis
ne voulaient même pas en entendre
parler, remarque Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation
Nicolas Hulot. Mais là, l’option no
text a disparu. » Si le projet restait
en l’état, la communauté internationale reconnaîtrait donc que le sujet
existe. Autre satisfaction : l’accord
comprendra une clause stipulant que
les pays doivent se revoir tous les
cinq ans pour faire le point sur leurs
engagements de réduction des gaz à
effet de serre. Peu probable toutefois
que l’obligation d’une révision à la
hausse de ces engagements (version
haute dans le projet) soit retenue.
Les énergies renouvelables (EnR)
Hydroélectricité
(Eau)
Pompes à chaleur
(Chaleur terrestre
ou de l’air)
Eolien
(Air)
Solaire
5,4 %
5,6 %
Total d’énergie
consommée
par les transports
Transports
Agriculture
4%
Bureaux
En 2013, les EnR, c’est
Industrie
20,9 %
Bâtiments résidentiels
OBJECTIF 2020 :
14,2% detotalela consommation
d’énergies en France
Deuxième mi-temps :
la « séquence ministérielle »
La partie qui se joue à la COP
n’est pas terminée. Après une
première mi-temps menée par
les négociateurs des 196 parties
(195 pays + l’Union européenne),
c’est un autre processus de négociations qui s’ouvre demain. Place
à la « séquence ministérielle ».
Les techniciens s’éclipsent, les
politiques entrent sur le terrain.
Sauront-ils être à la hauteur des discours souvent très ambitieux tenus
lundi par les quelque 150 chefs
d’État et de gouvernement réunis
à Paris ? C’est toute la question, et
il est au cœur de la machine.
Chef de file des négociateurs du
maroc (qui accueillera la COP22),
mohamed Benyahia a passé
sa semaine dans le « groupe
de contact » qui, hier, a remis un
projet d’accord à laurent Fabius
En France, quel secteur utilise le plus d’énergies renouvelables ?
5,5 %d’EnR
des dizaines de pays – dont l’Inde,
3e pollueur mondial – ont ainsi lancé
l’Alliance solaire internationale,
qui vise à réduire les coûts de cette
énergie renouvelable pour la rendre
plus accessible, notamment dans les
pays du Sud. Vendredi, le nouveau
Premier ministre du Canada, Justin
Trudeau, annonçait que son pays
allait « mettre un prix sur le carbone »,
et ainsi tenter de réduire la pollution.
Par ailleurs, de plus en plus d’acteurs
non étatiques s’engagent, collectivités ou entreprises. Un millier de
maires et d’élus locaux viennent
d’annoncer à Paris qu’ils allaient
mettre le cap sur 100 % d’énergies
renouvelables d’ici à 2050.
ils vont vite devoir y répondre. Car
Laurent Fabius l’a répété, « la conférence doit se clore vendredi soir ». Et
pour cela, le président de la COP
veut l’accord final sur son bureau
dès mercredi, afin que les futurs
signataires puissent entre-temps
étudier les implications juridiques
du texte. Que la négociation et les
tractations continuent. Le plus dur
reste à faire. g
Annick Girardin,
Laurent Fabius,
François Hollande
et Ségolène
Royal,
hier au Bourget.
WiTT/sipa
La folle semaine d’un négocia
Spécial COP21
avec
Biomasse
(Bois,
biocarburant)
« On aimerait aussi que la date de
première révision, au plus tôt, soit
indiquée », ajoute Matthieu Orphelin.
Au registre des déceptions, la plus
grosse crainte et le plus gros défi
portent toujours sur le financement
de la lutte contre le réchauffement,
en particulier pour l’après-2020, date
de l’entrée en vigueur du futur accord de Paris. Car là, les pays en développement exigent des engagements
fermes des « développés ». Lundi, le
Premier ministre indien déclarait en
substance dans le Financial Times
qu’à ses yeux la justice climatique
exigeait que les pays riches, ayant
déjà émis beaucoup de gaz à effet
de serre, devaient maintenant payer
pour les conséquences du réchauffement, sans empêcher les victimes de
celui-ci de croître. Or, pour l’heure,
les options finance dans le projet de
texte sont multiples ; et l’objectif d’un
apport « plancher » de 100 milliards
par an après 2020 est loin d’être
gagné, même si les États-Unis ont
indiqué hier qu’ils étaient prêts à
faire un effort. « Des consultations
informelles sur des points durs de la
négociation comme le financement
doivent avoir lieu dès ce dimanche »,
confiait-on hier soir dans l’entourage
de la présidence de la COP.
Bouffée d’air frais, le « climat »
du Bourget est aussi propice à des
annonces hors conférence. Lundi,
23%
Source : Rapport ADEME «Chiffres clés climat, air, énergie 2014»
À 55 ans, il a l’expérience des grandsmesses climatiques. Entouré d’une
dizaine de négociateurs, Mohamed
Benyahia a, cette semaine, représenté le Maroc au sein du « groupe de
contact » – l’ADP en terme onusien –,
dont les travaux se sont clôturés hier
avant que les ministres prennent le
relais. « Je suis comme un tableau de
bord, une boussole. Chaque jour j’ai
fait la synthèse de tout ce qui s’est dit
dans l’ensemble des groupes de travail
et j’ai rendu compte à ma ministre.
Je lui ai donné des photos de l’état
d’avancement des négociations. Car
ici tout change, sans arrêt… »
b meRCRedi midi, les CRisPatiOns
Ce qui coince ce mercredi, c’est
l’argent. « Là, il y a un sérieux problème », reconnaît Mohamed Benyahia. « Les négociations n’avancent
pas. » Or sans un accord sur les financements, pas d’accord du tout. Ils
sont le nerf de la guerre climatique,
« ils irriguent tout, pour l’avant et
l’après-2020 », date de l’entrée en
vigueur du futur accord de Paris.
Le blocage est tel qu’une « consultation informelle » est déclenchée
par la présidence française de la COP.
Mohamed Benyahia. B. Bisson pour le jdd
Le G77 – coalition de 134 pays – rappelle alors les obligations d’assistance
des pays développés à l’égard de ceux
en développement. « Cette question
est déterminante, elle permettra de
débloquer le reste. Mais pour cela, il
faut rebâtir la confiance car des engagements, pris lors de précédentes
conférences, n’ont pas été honorés.
Certains ont quitté le navire. »
Retrouver la confiance ? C’est
compliqué, tant les points de crispation sont nombreux. Les 100 milliards de financement attendus
pour 2020 ? « Tout le monde est
d’accord pour augmenter la part
qui ira à l’adaptation, mais les pays
en développement veulent que cette
part monte à 50 %. » Et là, ça coince.
Autre problème : cet argent viendra-t-il de prêts, de dons ; sera-t-il
privé, public ? Et ces 100 milliards,
devront-ils être obligatoirement
revus à la hausse après 2020, comme
le demandent les pays en développement ? Côté « développés », personne ne veut vraiment s’engager
sur un chiffrage à long terme. Les
grands pollueurs bottent en touche ;
la porte-parole du G77 se dit déçue ;
l’opposition Sud-Nord se cristallise.
Une vingtaine de spin-off – sousgroupes spécialisés, thématiques
et informels – se répartit le travail.
Chaque jour, de 8 heures à
21 heures, parfois tard dans la nuit, le
négociateur enchaîne les réunions :
G77, groupe Afrique, groupe arabe,
groupe de contact. « Le rythme est
plus intense que dans les COP précédentes. C’est indispensable pour
essayer d’avancer mais cela peut
aussi être contre-productif. Un thème
comme la finance est dispersé dans de
nombreux groupes. Il devient difficile
de synthétiser tout ça. » Nouveaux
comités, réunions d’experts, les
instances en tout genre prospèrent.
« On atteint la limite du gérable. Les
petites délégations ne peuvent pas
être partout à la fois. »
b meRCRedi sOiR, la sOmmatiOn
Laurent Fabius, président de
la COP, est annoncé devant le
groupe de contact. La moisson
des travaux de la journée dans
les groupes et sous-groupes n’est
pas bonne. Très peu de progrès ont
été réalisés. Quelques « crochets »
(passages du projet de texte pour
lesquels un accord n’a pas encore
été trouvé) ont bien disparu par-ci
par-là, quelques phrases ont certes
été réécrites, mais rien de plus.
Le rythme est trop lent. « Il nous
Cop21 | 19 *
jdd | 6 décembre 2015
remis hier à Laurent Fabius une ébauche de texte. Il reste une semaine pour sauver la planète
Hollande : « Nous sommes tout près d’un accord »
au Bourget, le chef de l’État est
venu hier, pour un point d’étape,
remercier ceux qui ont obtenu une
ébauche d’accord : « Vous avez
très bien travaillé »
CÉCile amar
Il s’assied et saisit le texte de sa main
droite. François Hollande se tient en
face de l’équipe française de négociation sur le climat. Dans ce qui lui
fait office de bureau au Bourget, où
se tient la COP21, le président de la
République tient à remercier ceux
qui viennent d’obtenir une ébauche
d’accord. « Vous avez très bien travaillé. Je voulais vous dire combien
nous sommes reconnaissants de votre
engagement. Nous en voyons les pre-
miers fruits, non pas qu’on puisse dire
que la récolte est là, mais on avance »,
dit d’emblée Hollande à Laurence
Tubiana et à la dizaine de négociateurs qui l’accompagnent.
Le chef de l’État veut savoir où
on en est, ce qui pourrait empêcher
un « accord ambitieux, universel et
contraignant », comme il l’a toujours souhaité, d’être adopté en fin
de semaine. « Nous n’avons plus de
temps à perdre. Jeudi ou vendredi,
nous devrons dire :“Nous avons ou
nous n’avons pas d’accord.” Nous ne
devrons pas avoir de regrets », lance
Hollande. Laurent Fabius, qui préside la COP, prend la parole : « On
a maintenant un texte légèrement
plus court, qui contient un peu moins
teur
a demandé d’accélérer, d’innover
dans la méthode de travail. »
Le G77 propose alors de réduire
le nombre de sous-groupes, qui
épuise les négociateurs. Mais prévient : le délai de remise de la copie à
Laurent Fabius, samedi midi, ne doit
pas être un obstacle aux débats. Les
pays en développement veulent que
le temps soit laissé à la négociation.
b Jeudi, le sursaut
Au chapitre des financements,
une lueur apparaît enfin. « On est
encore loin d’un accord, mais d’après
notre équipe de négociateurs répartis
dans les spin-off, ça avance, se réjouit
Mohamed Benyahia. Il n’y a plus deux
blocs face à face, le G77 et les autres.
Nous sommes passés de deux positions
inconciliables à un mix, et là on peut
commencer à négocier. » Restent les
« crochets », qu’il faut « décrocheter » au maximum…
Une autre question semble se
débloquer, celle du devenir du
groupe de contact. Sa mission était
de préparer l’accord de Paris. Fautil alors l’enterrer après la COP21 ?
Lui donner un autre mandat ? La
rebaptiser ? « Un principe est acquis,
nous allons vers un “new ADP”, sûrement nommé “APO”, qui va préparer l’entrée en vigueur de l’accord de
Paris. » Mais il reste encore à préciser le mandat du nouvel organe…
Et à trouver des convergences,
d’ici à la fin de semaine, sur des
points-clés comme la différencia-
tion entre pays, la forme juridique,
le suivi du futur accord. « Il nous
reste quelques heures pour présenter
demain matin à la présidence une
première ébauche de texte. »
b Vendredi, des Compromis
Surprise au petit matin : les coprésidents du groupe de contact,
aidés par des « cofacilitateurs »,
sortent de leur chapeau non pas un
mais deux textes : une compilation
de l’ensemble des idées avancées,
et un texte de compromis qui établit des ponts entre les options.
Respectivement, 48 et 38 pages.
« Nous avons finalement retenu le
texte de compromis. Le groupe de
contact travaille maintenant dessus
pour l’améliorer et le remettre demain
à Laurent Fabius, c’est une avancée
importante », explique Mohamed
Benyahia. Pas suffisante aux yeux
de Laurence Tubiana, bras droit du
président de la COP, qui invite « avec
insistance » les délégués à avancer
encore plus vite.
Lorsqu’on lui fait remarquer que
le système de négociation onusien,
à 195, est peut-être dépassé, incompréhensible au plus grand nombre,
Mohamed Benyahia accepte la critique : « Je comprends les gens qui,
à l’extérieur, parlent de conclave,
d’initiés, d’usine à gaz. Mais enfin
les problèmes auxquels nous sommes
confrontés sont graves, et nous n’avons
pas jusqu’à présent inventé mieux
pour tenter de les régler. »
r.B.
d’options et qui, sur deux ou trois
points, est une nette avancée. Ce texte
demande un travail politique. » Celui
qui va passer la semaine à discuter
avec les ministres ou les négociateurs
des 196 délégations développe sa méthode et conclut : « On n’aura jamais
une conjonction de planètes comme
on l’a aujourd’hui. L’état d’esprit est
bon. Le risque n’est pas qu’il n’y ait pas
d’accord, mais qu’il y ait quelque chose
de dégradé », termine le président de
la République.
« Être à la hauteur de la planète »
« Laurence, alors ? », s’enquiert
le chef de l’État, désireux de se
faire raconter la négociation par
celle qui suit ces questions depuis
1997. « Tout le monde connaît le capital politique qu’on a accumulé,
alors qu’on est un pays développé,
ce qui constitue un handicap. Il faut
utiliser ce capital, ça va être difficile », raconte Laurence Tubiana.
Pendant plus de trente minutes,
Hollande échange avec ces Français qui lui permettront peut-être
d’obtenir une victoire environnementale. Après avoir discuté avec
Al Gore, le chef de l’État rejoint la
tribune de la salle plénière pour
clore l’Action Day, cette journée
de mobilisation des entreprises,
des ONG, des syndicats, des institutions financières pour le climat.
« Je lance devant vous un appel
pour que nous soyons capables de
dépasser les intérêts des régions, des
pays […] pour que nous puissions
être à la hauteur de la planète »,
affirme Hollande.
Alors qu’il ne reste plus que six
jours pour se mettre d’accord, le
Président proclame : « Je demande
à ceux qui voudraient viser trop
haut de faire attention de ne pas
avoir raison tout seuls. » Quant à
« ceux qui voudraient se contenter
du minimum, ils risquent d’avoir le
maximum de catastrophes ». François Hollande, optimiste, conclut :
« Nous y sommes presque. Nous
avons fait l’essentiel du chemin, il
nous reste quelques foulées pour y
arriver. Nous sommes tout près d’un
accord. » Verdict vendredi soir. g
20 | Cop21
JDD | 6 décembre 2015
« C’est aux politiques de trancher »
Alix MAzounie est chargée
des politiques internationales
au Réseau Action Climat
IntervIew
RiChARd Bellet
@richardbellet1
et Juliette deMey
@juliettedemey
DR
Comment
jugez-vous le texte
remis hier
à laurent Fabius ?
To u t e s l e s
bonnes idées sont
encore entre parenthèses ou sous
forme d’options entre crochets ; sur
la question de la transparence, des
engagements, de la vérification de
ceux-ci… Or ce ne sont pas que des
mots. Entre un réchauffement de
1,5 °C ou de 2 °C, il n’y a peut-être
qu’une virgule, mais celle-ci représente une question de vie ou de mort
pour certaines populations.
et renvoie tous les amendements
avancés la dernière nuit dans une
nomenclature à part. Cela permet
de montrer aux ministres que chacun a été entendu. Mais les pièces
du puzzle demeurent nombreuses.
tout reste à trancher
par les politiques ?
Oui, et ce qu’ils ont sur la table est
très complexe à gérer. Sur la question du financement, il reste une
vingtaine d’options, dont certaines
contradictoires. Si on ne retrouve
pas l’impulsion politique donnée
lundi par les chefs d’État, on peut
encore avoir un accord au rabais.
Il ne permet pas de savoir si le
résultat final sera bon ou non. Il a
intégré des options de compromis
proposées par les négociateurs,
CHRISTOPHE PETIT
TESSON/EPA/MAXPPP
une des rares avancées selon vous :
la mention de la question
des « pertes et dommages »
dans l’accord. expliquez…
Elle devrait y figurer quoi qu’il
arrive, et c’est un vrai progrès.
Reste à savoir sous quelle forme.
L’idée, c’est que le réchauffement
le timing imposé a jusque-là été
entraîne déjà des impacts irréversibles, économiques et humains,
respecté. le contexte des attentats
malgré des meà Paris a-t-il joué ?
sures d’adaptaLe sentiment
de solidarité a pu « On n’a aucune
tion. Par exemple
influer. Sans doute certitude sur la part après le passage
les négociateurs
d’un typhon. Que
ont-ils voulu évi- qui sera allouée
cette notion figure
ter de mettre la à l’adaptation
dans l’accord,
France en diffic’est une police
culté. Il faut aussi au changement »
d’assurance-vie
reconnaître que la
pour les petites
présidence de la
îles menacées : un
COP a bien joué son rôle, en multijour, elles pourront demander des
pliant les réunions en amont pour
compensations. C’est une graine
créer un climat de confiance.
semée vers la justice climatique.
le texte des experts laisse-t-il
présager un accord ambitieux ?
Samedi, au Bourget,
lors de la journée
d’action en marge de
la COP21. Sean Penn,
engagé dans une
association pour
soutenir Haïti suite
au tremblement
de terre de 2010,
plaide pour
la préservation
des forêts.
Qu’est-ce qui a permis
cette évolution ?
Avant la COP, il y avait deux
lignes rouges. Celle des pays en développement, qui jugeaient inconcevable que l’accord n’inclue pas cette
notion. Et celle des Américains, qui
refusaient qu’elle y figure. Les ÉtatsUnis ont tendu la main aux premiers,
en échange de leur soutien sur le fait
que tous les États aient les mêmes
systèmes de transparence et de vérification de leurs engagements.
la fourchette de réchauffement
maximal « entre 1,5 °C et 2 °C »
pourrait figurer dans l’accord.
C’est une surprise ?
Oui, ce n’était pas attendu. La
priorité d’un réchauffement limité
à 1,5 °C, portée par les pays vulnérables et soutenue par la France,
l’Allemagne et l’Union européenne,
a été entendue et a émergé comme
un élément incontournable. Ce n’est
pas qu’un affichage, l’accord est un
outil pour faire ensuite levier.
Reste une grande inconnue :
le financement. Se limite-t-on
à 100 milliards de dollars par an
après 2020 ?
Le type d’engagement, l’objet et
la valeur de ce financement, tout
est encore ouvert. Les États et les
banques de développement sont en
train d’accroître leurs financements
climat pour essayer d’atteindre
100 milliards de dollars en 2020.
Mais on n’a aucune certitude sur
la part qui sera allouée à l’adaptation
au changement. Aujourd’hui, elle
représente 16 %, bien en deçà des
besoins des pays en voie de développement. Cette semaine, le groupe
Afrique a émis une proposition raisonnable : quadrupler ces financements pour atteindre 32 milliards
de dollars.
les ministres pourront-ils résoudre
cette équation ?
Elle est très politique. Ce qui va
sous-tendre cette semaine, c’est la
nécessité de créer un pacte de solidarité avec les pays en voie de développement. Comment différencier
les responsabilités ? Qui donne quoi,
qui reçoit quoi ? Par exemple, l’Inde
a besoin d’investissements publics et
privés dans les renouvelables, alors
que l’Afrique doit d’abord recevoir
de l’argent public pour l’adaptation.
une déception, les droits humains
et des peuples autochtones ne sont
pas mentionnés.
Les ministres tenteront peutêtre de sauver la face en les inscrivant dans le préambule. Pourtant,
enclencher une transition énergétique mondiale implique des
choix technologiques, et donc un
risque pour les travailleurs et les
populations. Reconnaître le rôle
des peuples autochtones et leur
vulnérabilité, ce n’est pas inventer
la roue, juste faire référence à des
droits reconnus par des conventions internationales.
l’Arabie saoudite, qui s’y est
opposée, apparaît comme
le cancre de cette CoP.
Oui et c’est très assumé. Mais elle
est aussi l’arbre qui cache la forêt
des autres pays pétroliers et d’un
certain nombre d’États qui estiment
que l’objectif de 1,5 °C n’est pas atteignable, comme l’Inde et la Chine.
et la France ?
Elle joue un rôle plutôt positif.
Hollande et Fabius ont marqué leur
territoire et pris des risques en martelant leur ambition et l’objectif des
1,5 °C. Mais le décalage avec ce qui se
passe sur le territoire, que l’on parle
de Notre-Dame-des-Landes ou de
l’aide publique au développement
qui n’augmente pas, est inquiétant !
Si tous les pays font pareil…
une bonne nouvelle ?
L’initiative des Africains sur les
énergies renouvelables : un programme destiné à produire 300 gigawatts d’ici à 2030. C’est énorme,
l’équivalent de la capacité électrique
actuelle de l’Afrique. Cette semaine,
les Français, les Américains, les Allemands et la Banque africaine de développement se sont mis d’accord pour
aider à financer l’électrification du
continent. La France compte investir
4 milliards d’euros dans les quatre
prochaines années. La COP sert aussi
à lancer des initiatives concrètes en
marge des négociations. g
déCRyPtAge
d’une négoCiAtion
CONCRÈTEMENT, comment
les formulations ont-elles évolué
entre la version initiale
du projet de 55 pages et la
version raccourcie remise hier ?
Pour saisir l’ampleur du travail
de fourmi des négociateurs,
le cas de l’article 5 consacré
à la question des « pertes
et dommages » est éloquent.
Dans la version d’origine,
celui-ci mentionnait deux
options possibles. L’option I,
portée par le G77 (coalition
de 134 pays en développement),
soulignait en six points
la nécessité de ce mécanisme
tout en évoquant les impacts
concrets du réchauffement sur
les populations. L’option II,
aux antipodes, entendait bannir
toute référence aux « pertes
et dommages » !
Résultat à l’issue du marathon
de négociations ? Une nouvelle
version comportant toujours
deux options mais qui offre
une perspective très différente
aux ministres appelés à trancher.
Un texte unique en quatre points,
qui reprend de manière épurée
la vision du G77 des « pertes
et dommages ». Désormais,
l’option I plaide pour que ce texte
fasse l’objet d’un article à part
entière dans l’accord. L’option II,
défendue par les États-Unis,
souhaite l’intégrer à l’article 4
consacré à l’adaptation aux
changements climatiques.
Deux choix pour deux visions
politiques aux impacts différents.
Mais plus question que
les « pertes et dommages »
soient oubliés. Une victoire
diplomatique. R.B. et J.d.
22 | Cop21
JDD | 6 décembre 2015
Diana, la gardienne de la forêt
Témoignage Elle est venue du fin fond de l’Amazonie. Au nom des Ashéninka, elle défend leur territoire
contre les « coupeurs de bois ». Pour elle, venir à Paris, c’est aussi risquer sa vie…
de perdre la vie sur le chemin du
retour. Pour quel crime ? S’être
« Nous vivions en paix sans penser que
battue contre les coupeurs de bois
cela changerait un jour. On pouvait
clandestins qui grignotent chaque
pêcher à la rivière ou marcher dans
jour la forêt amazonienne, le « poula forêt sans avoir peur de mourir.
mon de la planète », mais aussi le toit
Aujourd’hui, mes pieds foulent le
et le garde-manger des Ashéninka.
chemin sur lequel mon père a été
Comme ses ancêtres, le groupe de
tué. Et nous pensons tous que cela
Diana mêle grands-parents, papeut arriver de nouveau. Personne
rents et enfants. Ils se nourrissent
ne peut nous enlever notre peur. »
de poissons, de volailles, de petits
Ainsi parle Diana Ríos, un petit bout
animaux et de plantes de la forêt.
de femme de 21 ans. Elle a quitté la
Dans les années 2000, le gouverneforêt amazonienne, marché des
ment péruvien a accordé une série
heures, fendu le fleuve en pirogue
de concessions forestières à des
et pris l’avion jusqu’à Paris pour venir
sociétés, dont trois empiétaient sur
dire au monde le danger que court sa
leur territoire ancestral, rapporte la
communauté. Celle des Ashéninka
Rainforest Foundation américaine.
d’Alto Tamaya-Saweto, un groupe
Mais cela a surtout attiré les cland’une trentaine de
destins venus de la
familles indigènes
capitale régionale,
vivant dans une Tué « parce qu’il a
Pucallpa, ou du
zone reculée de refusé de signer un
Brésil voisin.
l’Ucayali, au Pérou,
« Nous n’étions
près de la frontière papier qui aurait
pas seulement
brésilienne.
laissé les bûcherons exploités mais aussi
Assise dans
oppressés », ral’un des halls du piller nos terres »
conte Diana. « Dès
Bourget, Diana ap- Diana Ríos
2003, mon père et
Edwin Chota ont
paraît à l’image de
décidé de s’orgason peuple : déterminée et vulnérable. Un regard noir
niser en communauté et d’obtenir la
création d’une école pour apprendre
étincelant tantôt de colère, tantôt de
tristesse. Des pommettes ornées de
à parler espagnol, pour mieux nous
motifs rouges. Son père, Jorge Ríos
défendre. » Pendant dix ans, les
Pérez, a été assassiné le 1er septembre
chefs indigènes vont multiplier les
2014 dans une embuscade avec trois
démarches auprès des autorités
autres chefs des Ashéninka, dont l’acpour obtenir ce titre de propriété
tiviste Edwin Chota. Pour sa fille, la
qui les protégerait. Parfois, toutes les
raison est claire : « C’est parce qu’il a
générations sont du voyage jusqu’à
refusé de signer un papier qui aurait
Pucallpa, à quatre jours de bateau.
laissé les bûcherons piller nos terres. »
« Le trajet est éprouvant, nous avons
Ses proches l’ont mise en garde :
souvent eu faim et soif. Nous avons
aller à Paris, c’est risquer à son tour
réclamé des droits sur nos terres
JulieTTe Demey
@juliettedemey
Jeudi, Diana Ríos
était au Bourget
pour la COP21.
En mémoire de son père,
elle se bat pour sauver
leurs terres ancestrales.
Bernard BISSOn pOur le Jdd
ancestrales. Nous avons dénoncé les
menaces de mort des bûcherons illégaux auprès de toutes les institutions
régionales et de l’organisme qui gère
l’exploitation des forêts. Ils ne nous ont
jamais écoutés. On nous répondait :
“Revenez demain !” Le lendemain,
rien. Au niveau régional, tout le monde
est corrompu. »
Une victoire au goût de sang
Alors que la menace s’amplifie,
Jorge Ríos Pérez, Edwin Chota
et les autres représentants vont
jusqu’à interpeller le gouvernement, à Lima, avec le soutien d’une
avocate, d’Alexander Soros et de la
Rainforest Foundation américaine.
C’est sur le chemin du retour, raconte
Diana, que les quatre chefs de la communauté Ashéninka ont été tués…
Leurs veuves réclament alors leurs
dépouilles, ainsi qu’une enquête.
« L’État, sous la pression, a envoyé
un hélicoptère avec le corps de mon
père, retrouvé démembré. On nous a
promis plein de choses mais rien n’a
changé », souffle Diana.
À l’approche de l’ouverture de la
COP20, en décembre 2014 à Lima, le
gouvernement péruvien décide de
retirer les concessions forestières
des territoires Ashéninka. En septembre 2015, il accorde les titres de
propriété des 80.000 hectares de
forêt à la communauté, désormais
dirigée par les veuves. Une victoire
au goût amer de sang. Entre-temps,
quelques membres du groupe, apeurés, ont quitté le village. « Mais nous
sommes une trentaine à rester, et nous
sommes encore plus forts ! », s’empresse d’ajouter Diana.
Il y a quelques semaines, les
clandestins sont revenus couper
des arbres. « Ceux qui participent
au crime organisé continuent à nous
encercler. Ils veulent se venger. Ils nous
disent : « À tout moment, vous pouvez
mourir si vous continuez à vous opposer. Nous avons payé l’État. ». Selon
un rapport de la Banque mondiale,
en 2012, 80 % du bois péruvien exporté était issu de coupes illégales…
La médiatisation de leur combat a
engendré de nouvelles menaces.
C’est pourtant pour le raconter
encore que Diana est venue à Paris.
Et pour réclamer « la justice et la
sécurité » : « Si les titres de propriété
ne servent à rien, où est la justice ? En
France, à l’aéroport, j’ai dû enlever
mes chaussures, passer mes affaires
aux rayons. Chez moi, il n’y a aucun
contrôle : quand les trafiquants voient
la police, ils passent la frontière vers
le Brésil. »
Un peu déconnectée des débats
Au Bourget, cette semaine, Diana
s’est sentie un peu déconnectée des
discussions auxquelles elle a assisté
en tant qu’observatrice. Comment
parler de « monitoring » des territoires si le sien – la partie de l’Amazone péruvien abritant le plus de
biodiversité – n’est pas respecté ?
Mais la jeune femme a aussi perçu
combien le sort des Ashéninka est
partagé par les peuples autochtones
du monde entier. « La différence, c’est
que nous avons des forêts capables
d’atténuer le changement climatique.
Mon père a lutté pour elles et il ne sera
pas mort en vain. En tant que femme
indigène, je me battrai toute ma vie
en son nom pour garder la forêt. Cela,
personne ne me l’enlèvera. » g
les peuples en première ligne
EllEs sont à la fois lEs plus
vulnérables et les plus impactées :
les populations autochtones
représentent 5 % de la population
et comptent parmi les 15 % des plus
pauvres de la planète, selon
l’association Rights and Resources
Initiative, qui œuvre à leur côté pour
l’inscription de leurs droits dans
l’accord de Paris. Le problème
numéro un est de faire reconnaître
leurs droits de propriété : ainsi,
les indigènes du bassin amazonien
attendraient des titres pour environ
20 millions d’hectares de terres.
« Ces populations incarnent pourtant
une solution prometteuse : dans les
forêts qu’elles gèrent et où leurs droits
sont reconnus, la déforestation est
en baisse, et le taux de CO2 absorbé
augmente. En Amazonie brésilienne,
ces forêts contiennent 36 % de plus
de CO2 par tonne qu’ailleurs, et un
taux de déforestation 11 fois inférieur.
Dans le Yucatán au Mexique, il est
350 fois inférieur ! », argumente
Claire Biason, de Rights and
Resources. Environ 1,6 milliard
de personnes dépendent de la forêt
pour subsister. Mais la surface
mondiale de forêts se réduit
de l’équivalent de 50 terrains de foot
par minute à cause de projets
de construction, de l’exploitation de
l’huile de palme, du bois, du pétrole
ou des ressources minières…
D’après la Rainforest Foundation,
le Pérou, avec la Bolivie, souffre
d’un des pires taux de déforestation
d’Amérique du Sud. J.D.
© Alexandre LEGLISE - MOVEMOVIE - CRÉDITS NON-CONTRACTUELS
*NOTE MOYENNE DES SPECTATEURS SUR ALLOCINÉ LE 3 DÉCEMBRE 2015: 4,5/5
MOVEMOVIE ET MARS FILMS PRÉSENTENT
PARTOUT DANS LE MONDE, DES SOLUTIONS EXISTENT.
DEMAIN-LEFILM.COM
/DEMAIN.LEFILM
/@DEMAIN_LEFILM
ACTUELLEMENT AU CINEMA
24 | Cop21
JDD | 6 décembre 2015
Côté coulisses… une ruche
pour sauver la Terre
En marge des négociations, le site du Bourget accueille des militants associatifs du monde entier
mais aussi des entreprises françaises qui innovent. Leur point commun ? La vie sur Terre
Juliette Demey
@juliettedemey
Créer
de nouveaux sols
En attendant de stopper le
dérèglement climatique, il faut s’y
adapter… Laisser la Terre respirer,
c’est l’idée qui a guidé le Taïwanais
Jui Wen Chen pour mettre au point
un système de pavement de sol (JW
Eco-Technology) qui minimise les
variations de température. Soit des
structures cubiques en plastique
recyclé sur lesquelles se posent de
petites dalles de bitume perforées
aux quatre coins pour drainer l’eau
de pluie. Sous ce damier de plastique, deux couches de graviers, les
plus fins en contact avec la terre, les
moins fins au-dessus, de manière à
laisser l’air circuler. Le procédé s’appuie sur l’effet Venturi, mis à profit
dans les cheminées : larges à la base
et effilées en haut, elles permettent
la circulation de l’air chaud. « Les
structures sur lesquelles les dalles
sont posées laissent passer l’air froid
de la surface tandis que l’air chaud de
la terre remonte. Ainsi, le revêtement
ne givre pas. À l’inverse, il refroidit
lorsque l’eau du sol s’évapore. Avec
une température de 60 °C en extérieur, le revêtement n’atteint que
40 °C », détaille Olivier Lavastre,
directeur de recherche CNRS à
l’Institut d’électronique et de télécommunications de Rennes. En novembre, ce spécialiste des capteurs
de qualité de l’air a signé un « memorandum of understanding » avec
la société taïwanaise pour l’aider
à se développer. « Jusqu’à présent,
nous ne faisions que du monitoring
de la pollution, mais nous n’avions
pas de solutions. Ce système tourne
depuis dix ans à Taïwan et en Chine,
et il n’est pas plus cher. » En laissant
l’air circuler, le CO2 et les particules
fines seraient en outre « digérés »
par les bactéries du sol… Médaillé
d’or du concours Lépine en 2015,
commercialisé à 60 € du m², le procédé peut se coupler avec un système de récupération d’eau pour
alimenter des plantes. « On pourrait
créer des îlots dans des cours d’école,
des parcs, des places, des rues… »,
s’enthousiasme Olivier Lavastre.
En bon VRP, il a pris rendez-vous
avec le conseil régional de Bretagne.
Une « plage
artificielle »
nettoyeuse
Comment éviter les marées de
déchets sur nos côtes ? La société
Manufacture à Besançon (MaB) a
combiné plusieurs systèmes existants avec une de ses machines de
traitement des déchets par séchage
pour imaginer une « plage artificielle mécanique ». Elle se présente
sous la forme d’une plaque formée
de lattes en inox perforé qui coulissent les unes à côté des autres
de manière décalée, à la manière
de skis de fond. Placée à l’avant
d’un bateau sur un plan incliné, ce
« convoyeur à bandes » est plongé
dans l’eau pour ramener les déchets
à bord. « En combinant la vitesse du
bateau et le déplacement des bandes,
ils remontent mécaniquement, tandis
que l’eau de mer est évacuée grâce
aux perforations des plaques »,
explique Luis Ernesto Ruiz Funes,
chez MaB. Pour l’instant au stade
du prototype, le projet va subir différents essais pour évaluer son efficacité et ses limites, avant de partir
en quête d’investisseurs.
Rouler sur des
panneaux solaires
Pourquoi ne pas mettre à profit
l’ensoleillement des routes, souvent
inoccupées, pour produire de l’énergie ? De petits carrés bleus de 15 cm
pourraient relever ce défi. Il s’agit de
cellules photovoltaïques assemblées
en un millefeuille de quelques millimètres d’épaisseur qui se « colle »
sur tout type de revêtement routier. Baptisée Wattway, cette route
solaire peut produire en moyenne
110 W d’électricité localement, et se
raccorder au réseau via un câblage
encapsulé dans le bitume. « À l’origine, nous visions des collectivités
locales, de l’éclairage public, des
entreprises, des zones isolées… Mais
des particuliers sont intéressés. Avec
20 m², on alimente un foyer », assure
Julien Ripoche, qui coordonne
ce projet pour la société d’insfrastructures de transport Colas.
Un kilomètre de chaussée éclairerait une ville de 5.000 habitants…
Conçu en partenariat avec l’Institut
national de l’énergie solaire (Ines)
après cinq ans de recherches, ce
revêtement a été recouvert d’une
résine comportant de petits granulés de verre (recyclé) pour faciliter
l’adhésion des pneus. Reste à tester le comportement de cette route
hors labo et dans la durée. Dès cette
année, Wattway sera expérimentée
sur « dix à vingt chantiers tests », sur
des portions de 20 à 100 m en haute
montagne ou dans le désert. Le coût
sera estimé début 2016 lorsqu’un
industriel français sera choisi pour
produire le concept.
Éclairer les villages
isolés en Afrique
Apporter la lumière dans des
zones reculées non raccordées
au réseau électrique, et permettre
aux habitants de recharger leurs
téléphones et tablettes, le tout à un
coût abordable. C’est l’ambition du
système d’éclairage autonome que
Sunna Design va lancer via un système de prêt participatif. La société
bordelaise, qui commercialise déjà
des lampadaires solaires d’éclairage public au Sénégal, au Mali ou
au Cameroun, a mis au point un
modèle adapté aux villages isolés.
Un grand lampadaire à Led solaire
pour la place du village, auquel
peuvent se raccorder cinq foyers
différents. Dans chacun d’eux, le
système alimente trois ampoules
et une « Sunnabox » destinée aux
chargeurs. L’opération de prêt participatif rétribué à hauteur de 6 %,
toujours en cours, a déjà permis de
réunir 175.000 € grâce à près de
200 prêteurs anonymes. De quoi
réaliser une première installation
dans un village de Casamance, au
Sénégal. À l’autre bout du fil (électrique), explique Nicolas Mercadal
chez Sunna Design, « les villageois
achèteront du crédit d’électricité par
un système de sms, pour un coût estimé moitié moindre qu’aujourd’hui,
car ils doivent marcher longtemps
pour gagner un point de charge. » La
société compte équiper 500 villages
pilotes dans les six prochains mois.
Une déléguée
du Panama
Coiffée d’un turban blanc, elle
sillonne les allées d’un pas alerte.
« Nous essayons de faire appel au
sens de l’urgence pour finaliser le
mécanisme international Redd+, qui
a pour but d’aider les pays en développement à sauver leurs forêts. Nous
sommes sept délégués sur ce sujet.
C’est très complexe car cela recouvre
les finances, le transfert de technologie, le développement, le monitoring des écosystèmes… À Paris, nous
espérons avoir un accord et surtout
le financement de cet accord. Mais
les délégations sont habituées à procéder d’une certaine façon, ce n’est
pas évident de les faire changer ! »
le fossile Du Jour est….
C’EST L’UN DES RITES désormais
courus de la COP « non officielle ».
Chaque soir à 18 heures, le « fossile
du jour » est attribué par le Climate
Action Network (CAN) – qui réunit
900 ONG dans le monde – lors
d’une cérémonie haute en couleur.
Les lauréats ? Des pays ou des
organisations qui, par leur action
du jour ou récente, ont fait très fort
pour entraver l’action contre
le réchauffement climatique.
Récemment promus champions,
entre autres : la Belgique, « qui veut
rallumer une centrale nucléaire »,
et la Nouvelle-Zélande, ex aequo
lundi ; l’Organisation maritime
internationale et l’Organisation
mondiale de l’aviation civile qui
« freinent toute tentative de réduire
les émissions de gaz à effet de serre »
dans leur secteur (mercredi),
le Danemark (jeudi) ou encore
l’Arabie saoudite (vendredi), qui fait
tout pour éviter qu’un objectif
de 1,5 °C maximum de hausse
de la température – souhaité par
certains – ne figure pas dans le futur
accord de Paris.
Des ONG peuvent opposer un veto
à la nomination de tel ou tel pays
lorsqu’elles y travaillent et estiment
que ce déshonneur « peut mettre en
danger leur action », explique Célia
Gautier, responsable des politiques
européennes au CAN. Le fossile
du jour n’a semble-t-il pas du tout
le même impact selon les pays.
« Au Japon, qui en a reçu beaucoup
depuis 1999, la presse y est très
sensible. En Pologne par contre, rien,
comme si ça n’existait pas. »
Exception à la règle du mauvais
élève, les ONG ont décerné mardi
un « Rayon de soleil » à un groupe
de pays parmi les plus vulnérables
« qui s’engagent à atteindre une
énergie 100 % renouvelable ». r.B.
Cop21 | 25
jdd | 6 décembre 2015
Très sobre pavillon des Comores
ÎLES Petit pays, petits moyens. Les
Comores sont quasi impuissantes
face au réchauffement. Le salut ?
Un bon accord
RiChaRd BELLEt
@richardbellet1
Une table basse, un canapé deux
places, une machine à café, un ordinateur, une station météo automatique, un pluviomètre… Le pavillon
des Comores fait dans la sobriété.
Face à son homologue français et
voisin de celui des pays du Golfe,
1.000 m² chacun, difficile de soutenir la comparaison. Qu’importe, la
petite république de l’océan Indien
– à peine 800.000 habitants –, dont
le président s’est fait remarquer lundi
au Bourget lors de la traditionnelle
photo de famille des chefs d’État en
masquant la poignée de main « historique » entre Mahmoud Abbas et
Benyamin Netanyahou, est bien là.
« Avec le changement climatique,
nous cumulons les problèmes, constate
Youssouf Hamadi, 50 ans, négociateur. Inondations inconnues auparavant, énormes précipitations ou années
complètement sèches, salinisation
des eaux souterraines, on a tout… Il
y a même des villages côtiers où l’eau
est devenue complètement saumâtre,
imbuvable », poursuit le négociateur.
« Mais que peut-on faire ? Rien ! Nous
n’avons pas les moyens de dessaler. »
Aux Comores, le coût de l’atténuation
et de l’adaptation au réchauffement
est d’ores et déjà estimé « à 216 millions de dollars », affirme Youssouf
Hamadi. Un tiers du PIB du pays !
Atteindre « l’objectif garde-fou »
des 2 °C
Seul espoir aujourd’hui pour l’archipel comorien : que le sommet de
Paris débouche sur un « bon accord ».
Soit, pour le négociateur comorien,
un texte contraignant qui permette
d’atteindre « l’objectif garde-fou »
des 2 °C de hausse de la température
et, aussi, apporte aux pays les plus
vulnérables l’argent leur permettant
d’atténuer les effets du réchauffement et d’y faire face. « C’est peutêtre utopique d’y croire, mais ce qu’il
faudrait pour nous, aux Comores et sur
les îles, c’est 1,5 °C maximum d’augmentation, pas plus. Parce qu’avec
2 °C en moyenne mondiale on aura
en réalité 3 à 4 °C sous les tropiques ! »
Pour parvenir, au moins, à ne pas
dépasser ces 2 °C devenus totem,
Youssouf Hamadi veut faire payer les
plus gros pollueurs, Chine et ÉtatsUnis en tête. « Qu’ils fassent cet effort
pour ceux qui, comme nous, souffrent
et sont souvent les plus démunis face
au changement climatique. » Vendredi ou samedi, en fin de sommet, il espère applaudir à un accord. Mais pas
n’importe lequel : si les financements
annoncés ne sont pas « accessibles,
équitablement, aux régions et pays les
plus pauvres », alors le négociateur
comorien s’abstiendra. g
UnE toUR EiffEL… En ChaiSES
Au Bourget, la COP21 accueille les officiels mais aussi la société civile, créant ainsi un vaste lieu de
débats, de savoirs, d’échanges et de convivialité... mais aussi de protestation ! B. Bisson pour le JDD
L’immersion
dans la forêt
Au pavillon du Pérou, le visiteur
peut s’immerger dans la forêt amazonienne en chaussant un casque de
simulation. Le son de la jungle vous
fait oublier illico que vous êtes dans
un hall, au Bourget. Vous voilà posté
sur un promontoire au-dessus de la
canopée, d’où vous pouvez tourner
le regard à 360 °, mais aussi vers le
ciel ou le sol. Pour les personnes
sujettes au vertige, une séquence se
déroule à l’intérieur de la forêt, au
pied d’arbres gigantesques. g
POUR LES CAMERAMEN et photographes venus du monde
entier au Bourget, c’est devenu un spot. Tout au bout des
« Champs-Élysées », l’allée centrale qui traverse le parc
des expositions, se dresse une tour Eiffel rouge pétard
fabriquée avec… des chaises pliantes ; 324 au total, clin
d’œil à la hauteur (antennes comprises) du plus célèbre
des monuments parisiens. Une réplique éphémère de
13 m de haut dont le « propriétaire » n’est pas peu fier.
« Les services du Quai d’Orsay nous ont contactés pour
l’avoir, explique Bernard Reybier, PDG de Fermob,
fabricant de la célèbre chaise Bistro dont le brevet a été
déposé en… 1889, année d’ouverture de la tour Eiffel. Ils
voulaient un symbole de Paris, de la créativité industrielle
française. » Déjà installée l’an dernier sur le
Champ-de-Mars à l’occasion du 125e anniversaire de la
Dame de fer et de la chaise en acier, cette tour miniature
pourrait après la COP découvrir de nouveaux horizons.
« Je rêve qu’elle soit installée à New York, où 12.000 de nos
chaises de rue sont installées, notamment à Times Square
et Bryant Park », lance Bernard Reybier. R.B.
26 |
société
jdd | 6 décembre 2015
Exclusif Le destin du président de l’UEFA se joue cette semaine. Un document inédit prouve
Platini, la note qui relance
L
laurEnt Valdiguié
@Valdiguie
e rapport fait 23 pages.
En apparence anodines.
Mais une ligne pourrait
bel et bien sauver l’ancien n° 10 des Bleus des
soupçons de corruption. À la clé,
cette ligne pourrait aussi éloigner
la menace d’un bannissement à vie
des affaires sportives. « There has
been talked about Sfr. I million as
salary », dit le texte qu’a pu consulter le JDD, dans le plus grand secret. « On entend parler d’un salaire
d’un million de francs suisses. »
Pourquoi cette phrase sauverait
à elle seule Michel Platini ? Tout
simplement parce que, pour la
première fois depuis le début de
l’affaire, son salaire suspect à la
Fifa est évoqué en clair dans un
document de 1998.
Interrogé par le JDD, Me Thibaud d’Alès, l’un des avocats du
Français, « confirme l’existence »
de ce rapport, dont il a également
reçu une copie « vendredi ». « Cette
pièce vient démontrer, contrairement
à la thèse sur laquelle repose toute
l’accusation, que le contrat de Michel
Platini avec la Fifa n’avait aucun caractère occulte, et que de nombreuses
personnes, y compris à l’UEFA et à
la Fifa, en avaient connaissance dès
1998 », analyse l’avocat, qui refuse
d’en dire plus sur l’utilisation judiciaire qu’il compte faire de ce document. « Je peux juste vous dire qu’il
est en lieu sûr », ajoute-t-il.
Le document est précisément
daté du 12 novembre 1998. On est un
jeudi, à Stockholm, dans un salon de
l’hôtel Sheraton. Il est 10 heures du
matin. Celui qui est alors président
de l’UEFA, l’instance européenne
du football, le Suédois Lennart
Johansson, réunit son comité exécutif. Pour resituer le contexte de
l’époque, on est au lendemain de
la Coupe du monde en France : le
Suédois vient d’être battu à la présidence de la Fifa par Sepp Blatter, qui
a reçu le soutien de Michel Platini.
Le Français est sa bête noire…
Un rapport comme ceux
des services de renseignements
Autour de la table et de Johansson, les Allemands Egidius Braun et
Gerhard Aigner, l’Italien Antonio
Matarrese, le Turc Senes Erzik et le
Norvégien Per Ravn Omdal, les six
barons de l’UEFA. Trois d’entre eux
sont également membres de la Fifa
(Johansson, Matarrese et Erzik).
Le comité exécutif est prévu pour
durer jusqu’à 15 heures, à la fin du
déjeuner. Il va se poursuivre jusqu’à
17 h 30. À l’ordre du jour, une série
de décisions à prendre sur la vie
de l’organisation. Des questions de
marketing de la Ligue des champions, la Coupe intercontinentale et
le projet Méridien… Mais aussi, sous
la rubrique « les questions clés », les
« affaires de la Fifa ».
Pour préparer ce comité exécutif, plusieurs « mémos » ont été
rédigés. Au total, chacun des six participants a donc reçu une dizaine de
pages, agrafées à l’ordre du jour, notamment sur les « sujets Fifa ». L’une
de ces pages est intitulée « Key issue :
role of Michel Platini ». Le JDD en
détient un script. Il est, avec le recul,
édifiant. « Michel Platini était impli-
qué dans la campagne de l’élection de
JSB [trois initiales désignant Joseph
Sepp Blatter], commence le texte.
Ce dernier a déjà annoncé que Platini deviendrait le futur directeur des
sports de la Fifa. Platini deviendrait
donc impliqué dans la Fifa », poursuit la note, qui ressemble à une
des notes d’un service de renseignements. Un peu comme si l’instance du football européen avait en
son sein une équipe d’enquêteurs
chargés de suivre discrètement les
affaires du foot…
« C’est une bénédiction
tombée du ciel »
À lire cette note, il est donc clair
pour tout le monde à l’époque que
Platini, coprésident du comité
d’organisation du Mondial 1998,
va rentrer à la Fifa dans le sillage
de Blatter. La note poursuit sur
des « doutes sur les qualifications
de Platini pour devenir directeur des
sports », ce qui en dit long sur l’état
d’esprit des hommes de Johansson
concernant le Français. « Il y a des
rumeurs selon lesquelles Platini souhaite travailler depuis Paris », continue le document, avant d’en venir à
sa rémunération : « On entend parler
d’un salaire d’un million de francs
suisses », dit la note en toutes lettres.
Avec le recul, et dans le contexte
de l’affaire actuelle, c’est cette
phrase qui vaut aujourd’hui de
l’or pour le triple Ballon d’Or. Elle
confirme noir sur blanc que, dès
1998, il était question d’un salaire
d’un million de francs suisses
pour Platini à la Fifa. Et que les
six membres du comité exécutif,
parmi lesquels trois siègent alors à
la Fifa, étaient au courant… Pourtant, Johansson, battu par Platini
lors de l’élection à la présidence de
l’UEFA en 2007, a déclaré récemment qu’il ignorait tout de cette
rétribution. Cette note prouve au
contraire qu’il en avait été informé
dès novembre 1998…
« Ce rapport déniché dans les archives de l’UEFA est une bénédiction
tombée du ciel », résume un proche
de Platini, persuadé qu’il va enfin lui
permettre de démontrer sa bonne
foi. « De 1999 à 2007, il avait des bureaux à côté du Palais-Royal. Tous
les matins, il était au boulot. Et il y
restait jusque tard le soir », appuie un
intime. Pour le camp de l’actuel président de l’UEFA, l’enquête conduite
depuis le 28 septembre par le comité
d’éthique de la Fifa est jusque-là
« exclusivement à charge ». « Cette
enquête constitue une sorte de grand
chelem de toutes les violations imaginables dans une procédure, peste le
professeur de droit Thomas Clay,
qui conseille Platini. Bienvenue au
musée des horreurs de la procédure ! »
La thèse Allard repose
sur une série de « possibilités »
En ligne de mire, Vanessa Allard,
la juriste de Trinité-et-Tobago, mandatée par le comité d’éthique de la
Fifa pour mener les investigations.
C’est elle qui a entendu Platini, en
visioconférence, le 1er octobre, qui
lui a demandé de produire des
pièces pour le 7, mais a entre-temps,
dès le 5, demandé contre lui une
suspension maximale de quatrevingt-dix jours. C’est aussi elle qui
a déposé un rapport de 1.420 pages
au terme duquel elle accuse le Français de corruption et de déloyauté
notamment, le soupçonnant d’avoir
été « acheté » par Blatter. C’est enfin
elle qui a requis le bannissement à
Ses soutiens y croient
Alain Cayzac, publicitaire,
ancien président du PSG
et ami de Platini
« Un ASSASSinAt PoLitiqUe »
« J’ai toujours estimé que c’était
une cabale. Je n’arrive pas à
comprendre pourquoi tant
d’acharnement. Au début, je
pensais que seul Sepp Blatter
était derrière tout ça. Je me dis
aujourd’hui que c’est peut-être
plus large. On voit les États-Unis
partout… Peut-être se sentent-ils
floués par rapport à l’attribution
de la Coupe du monde 2022 au
Qatar ? Peut-être veulent-ils
faire un grand ménage à la Fifa
sans faire beaucoup de distinction ? Le problème, c’est la
course contre la montre. Le droit
sera pour lui, mais j’ai l’impres-
sion que tout est fait tout pour
retarder sa candidature. Oui, ça
ressemble à un assassinat politique. Ce qui m’agace, c’est qu’il
est moins soutenu en France que
ce que je pensais. C’est très dur
à vivre pour lui. Michel Platini
n’a jamais été pris la main dans
le sac, il n’est pas malhonnête,
même s’il a peut-être été négligeant. Je crois qu’il va s’en sortir
car le TAS est indépendant. Pour
moi, il peut encore être élu. »
noël Le Graët, président
de la Fédération française
de football
« J’AimerAiS qU’iL Soit
AU tirAGe de L’eUro »
« La semaine prochaine est
cruciale avec cette procédure
Michel Platini, Sepp Blatter et leur rival de l’époque, Lennart Johansson, le 13 octobre 1997, lors
vie de l’ancien n° 10, provoquant « la
stupeur » de tout son camp.
Pourtant, si elle réclame la peine
maximale, celle réservée aux cas
de corruption avérée, toute la
thèse Allard repose sur une série
de « possibilités » ou de « probabilités » (« possible » dans son texte
en anglais). Vanessa Allard estime
que les 2 millions de francs suisses
perçus par Platini en 2011 sont « possiblement » la contrepartie de sa
non-candidature à la présidence
de la Fifa cette année-là et de son
soutien à Blatter. « Cette enquête est
une construction intellectuelle fon-
au TAS. Puis il sera entendu à
la Fifa et il va enfin pouvoir se
défendre avec ses arguments.
J’aimerais qu’il soit là pour le
tirage au sort de l’Euro 2016,
samedi prochain. Il faudrait
pour cela que le TAS annule la
décision. C’est sa seule chance.
C’est possible… J’aimerais tellement qu’il puisse se présenter. »
Charles Biétry, journaliste
et ami de Platini
« iL eSt PLUS innoCent
qUe SeS JUGeS »
« Michel peut s’en sortir, la justice et la vérité peuvent triompher. Une chose est sûre, c’est
qu’il est plus innocent que ses
juges. Je fréquente les prétendus
hauts dirigeants du sport depuis
dée sur des doutes et des hypothèses,
et à pour but d’éliminer Platini du
football mondial, insiste Me d’Alès.
Nous soutenons qu’elle n’a aucun
sens et qu’elle est démentie par tous
les faits. »
De son côté, Michel Platini
affirme que si, de 1998 à 2002, il
a été conseiller du président de
la Fifa avec un salaire officiel de
300.000 francs suisse annuels, il
avait avec Blatter un « accord verbal » pour percevoir au total un
million annuel. « C’est ce qui avait
été convenu en 1998, comme vient
le prouver aujourd’hui le rapport de
des dizaines d’années, ceux de la
Fifa comme du CIO d’ailleurs.
J’ai été témoin d’un nombre
considérable de turpitudes de la
part de ces gens-là, même si certains sont très bien. J’ai couvert
toutes leurs élections lorsque
j’étais à l’AFP (1966-1984). Je
n’ai pas souvenir d’une seule qui
ne m’a pas laissé un goût amer.
Mon intime conviction, c’est que
Platini ne peut pas avoir volé de
l’argent à la Fifa. On entend beaucoup parler de grand complot
contre lui, et même trop, je n’ai en
tout cas aucune preuve pour en
dénoncer un. Que Blatter ait tout
orchestré paraît invraisemblable.
Mais cet acharnement est effectivement extrêmement bizarre. »
s.c. Et s.co.
société | 27
jdd | 6 décembre 2015
que son salaire d’un million de francs suisses à la Fifa était connu des dirigeants dès 1998
l’affaire
huit dates clés
8 juin 1998 Le Suisse Sepp Blatter
est élu à la présidence de la Fifa
devant le favori, le Suédois Lennart
Johansson. Michel Platini est
nommé conseiller spécial. Il reçoit
un salaire de 300.000 francs suisses
annuels de 1998 à 2002. Platini et
Blatter assurent qu’ils avaient un
« accord oral » pour un salaire d’un
million annuel.
17 janvier 2011 Michel Platini
réclame à la Fifa quatre
compléments de salaire pour les
années 1998-2002. Le 1er février, il
perçoit 2 millions de francs suisses
« pour solde de tout compte ».
1er juin 2011 Sepp Blatter est réélu
à la présidence de la Fifa.
du tirage au sort des matches de barrage pour le Mondial 1998. PETER LAUTH/KEYSTONE/AFP
l’UEFA », insiste un de ses proches.
Platini, devant Vanessa Allard, a
soutenu que Blatter lui avait dit
qu’il ne voulait pas, dans un premier
temps, lui verser plus que son secrétaire général, mais qu’il lui réglerait
le complément par la suite. Ce n’est
qu’en 2010 que le Français a entamé
des démarches pour récupérer son
« solde impayé » de rémunération.
Sur le papier, il aurait dû demander
700.000 francs suisses multipliés
par quatre ans. Dans les faits, selon
une facture que le JDD a pu consulter, en date du 17 janvier 2011, il a
réclamé 2 millions de francs suisses,
soit 500.000 francs suisses par an.
La décision du TAS
attendue ces jours-ci
La facture à en-tête de Michel
Platini est adressée à Markus
Kattner, à la Fifa. « Je vous remercie de bien vouloir payer les salaires
suivants… Ils font un total de 2 millions… pour solde de tout compte. »
La Fifa règle le 1er février 2011. Un
« habillage », selon l’enquête de
Vanessa Allard. « Absurde de penser
cela », jure Me Thibaud d’Alès. Cette
année-là, le Français est réélu à
l’UEFA le 22 mars. « Il aurait ensuite
eu dix jours, jusqu’au 1er avril, pour
se porter à la présidence de la Fifa,
cela n’a pas de sens », dit un proche.
A-t-il monnayé son soutien à Blatter ? « Absolument rien ni personne
ne vient étayer cette thèse », jure
l’avocat de Michel Platini.
Dans les faits, quand ce dernier
est payé par la Fifa en février 2011,
il n’y a aucune autre candidature
déclarée face à celle de Blatter…
« On est persuadés à l’arrivée que
tout le château de cartes de l’accusation s’effondrera », soutient le
camp Platini, qui, par deux fois, a
demandé la récusation de Vanessa
Allard puis celle d’Eckert, le président de la chambre de jugement
de la commission d’éthique. Triple
refus.
Pour l’heure, le dossier Platini
est devant les trois juges arbitres
composant le Tribunal arbitral du
sport (TAS) de Lausanne. Selon nos
sources, le TAS doit se prononcer
cette semaine sur la suspension
provisoire de quatre-vingt-dix
jours infligée par la commission
d’éthique. S’il annule la suspension, Michel Platini pourra présider
la cérémonie de tirage au sort de
l’Euro 2016, samedi au Palais des
Congrès de Paris. Mais surtout, le
Français pourrait encore espérer
valider sa candidature à la présidence de la Fifa d’ici au 26 janvier,
un mois avant le congrès électif.
En clair, c’est cette semaine
que le TAS peut ou non remettre
Platini dans la course, même si le
temps joue contre lui. En revanche,
si le TAS entérine sa suspension,
l’ancien n° 10 prendra la direction
des vestiaires. Entre le 16 et le
18 décembre, il devrait être entendu
par la chambre de jugement de la
commission d’éthique, qui compte
rendre sa décision d’ici à la fin de
l’année. Il risque la radiation à vie.
Sauf si le document du 12 novembre
1998 change radicalement la donne.
Y compris dans les couloirs de la
Fifa. Et sauve Platini sur la ligne…
(avec solen cherrier)
28 septembre 2015 A la suite de
la justice suisse qui a entendu
Michel Platini comme témoin
assisté, la chambre de l’instruction
du comité d’éthique de la Fifa lance
une enquête sur ces 2 millions
perçus en 2011. Le dossier est
confié à la juriste Vanessa Allard.
1er octobre Michel Platini est
entendu pendant quatre heures en
visioconférence.
5 octobre Vanessa Allard
demande sa suspension pour une
durée maximale de quatre-vingt-dix
jours. La sanction tombe le
8 octobre. Elle empêche
mécaniquement Michel Platini,
jusqu’au 5 janvier 2016, de valider
sa candidature à la présidence de la
Fifa, dont la limite est le 26 janvier.
20 novembre Michel Platini saisit
le Tribunal arbitral du sport pour
qu’il lève sa suspension. Décision
cette semaine.
23 novembre Vanessa Allard remet
son rapport d’enquête, qui demande
le bannissement à vie de Michel
Platini, notamment pour corruption.
M. Eckert, le président de la chambre
d’instruction de la Fifa, décide de
porter l’affaire en jugement. Michel
Platini doit être entendu « entre le
16 et le 18 décembre ». Ses proches
dénoncent « une enquête bâclée et à
charge dans le but de lui barrer la
route de la Fifa ».
*
28 | société
JDD | 6 décembre 2015
Tapie, et
maintenant ?
télex
Lyon
Une mère et ses
quatre enfants
retrouvés morts
Bernard
Tapie :
« Je n’ai
plus
rien à
perdre. »
JuStice Ruiné et estomaqué par la décision de la
cour d’appel de jeudi, Bernard Tapie se confie
au JDD. Le bras de fer avec Bercy commence
ABACA
extrêmes », celui de sa ruine complète comme du milliard d’euros
espérés. À la veille de la décision,
Paradoxalement, il va mieux. Un tout
l’ancien patron de l’OM semblait
petit peu mieux. « Je remonte sur le
cheval, maintenant, je n’ai plus rien
persuadé que la cour prendrait « une
à perdre », confie-t-il vendredi au
voie entre les deux », condamnant le
JDD. De fait Bernard Tapie, jeudi
Crédit lyonnais mais lui accordant
à 14 heures, a littéralement tout
des dommages et intérêts moindres
perdu. La cour d’appel de Paris l’a
que ceux de l’arbitrage et surtout lui
condamné à remsupprimant son
préjudice moral.
bourser l’intégralité des sommes « C’est tellement
« La question sera
perçues lors de gros ce qu’on vient
de savoir combien… », confiait
l’arbitrage Adidas
un Tapie inquiet,
en 2008 : 404 mil- de me faire que
lions d’euros, plus je suis certain
affichant plusieurs
les intérêts. Soit
nuits blanches
que
des
magistrats
une vingtaine de
au compteur, et
millions d’euros indépendants
« 100 bornes à
supplémentaires.
vélo » la veille.
diront le droit »
Il écope aussi
Jeudi, 14 heures.
d e 3 0 0.0 0 0 €
L’homme d’affaires
d’amende pour frais de justice. En
avait décidé d’attendre la décision
revanche, au titre du préjudice
dans le bureau de son avocat, Me Emmoral, la cour d’appel lui octroie un
manuel Gaillard. « L’arrêt s’est affiché
euro symbolique de dommages et
sur le téléphone de mon avocat. Il a
intérêts… Une sorte de pied de nez.
“non”, puis “non, c’est pas vrai”, puis
« De coup de pied de l’âne ! », dit Tapie.
“non”, une troisième fois, et j’ai eu la
Mercredi, vingt-quatre heures
sensation de voir le plafond de la pièce
avant la décision, Bernard Tapie
descendre. J’ai tout compris, en voyant
était comme transi de trouille… La
sa tête se décomposer », raconte
voix rauque, il avait du mal à parBernard Tapie. En réunion de crise
depuis jeudi 14 heures et jusqu’à ce
ler. Il excluait les « deux scénarios
LAurent VALdiguié
@Valdiguie
lundi 9 heures, le staff de 11 avocats
du camp Tapie planche désormais
sur la riposte. « Toutes les bornes sont
dépassées. Mon avocat me dit qu’il n’a
jamais vu un truc pareil, aussi partisan, aussi à charge, aussi injuste, aussi
démoniaque… Un déni de justice. »
Tapie dénonce « le machiavélisme de
la sentence ». « Franchement, j’ai reçu
des coups dans ma vie, notamment
la prison, l’affaire OM-VA, je croyais
avoir tout connu, mais ce coup-là, il
dépasse toutes les bornes. »
Tous les biens de la famille
sont déjà sous hypothèque
Et maintenant ? Première ligne de
front : le montant à rembourser. Pour
Bernard Tapie « on ne pourra pas me
prendre plus que ce que j’ai touché ».
L’homme d’affaires « limite » donc
à « 240 millions, plus 45 millions de
préjudice moral », soit 285 millions
brut, les fonds qu’il aurait perçus sur
les 404 millions versés par le CDR en
2008 à son liquidateur. La différence
serait passée dans différents « frais
de liquidation » et autres « compensations » notamment fiscales. En
face, selon nos sources à Bercy, on
conteste ce calcul. Bercy estime à
« environ 380 millions d’euros », hors
intérêts, les fonds qui « pourraient
être réclamés aux époux Tapie ». « Il
n’y a pas de raison que les frais de
compensation ne soient pas pris en
compte, indique cette source. Si vous
devez 1.000 € à quelqu’un et que lui il
vous doit 100 € et que vous compensez
à 900 €. Si l’accord tombe, il ne vous
doit pas 900 €, mais les 1.000 € du
début », résume cette source haut
placée aux Finances. Quoi qu’il en
soit, l’équivalent d’une centaine de
millions, notamment sa maison du
Var, est déjà saisi par la justice dans
le cadre de l’affaire pénale encore en
cours. Le paradoxe de la situation
actuelle est que ces saisies pénales
empêchent toute vente de ces biens
d’ici à la fin de l’affaire.
Ce n’est qu’au terme du dossier
pénal que ces biens sous séquestre
pourront alors être vendus aux enchères… pas avant plusieurs années.
En revanche, l’hôtel particulier de
Bernard Tapie rue des Saints-Pères
à Paris, « et deux ou trois autres appartements familiaux acquis avant
l’arbitrage de 2008 », indique Bercy,
ne font pas l’objet de saisies pénales.
Selon nos informations, une étude a
été lancée par l’État sur tous les biens
de la famille Tapie. Sa conclusion ?
Tous sont déjà sous hypothèque.
« Il faudra voir la nature de chacune
de ces hypothèques, voir si elles sont
abusives ou non, pour éventuellement les contester », indique-t-on
aux Finances.
Dans le passé la Cour de cassation
a déjà sauvé l’homme d’affaires
Selon cette même source, l’État
devrait rapidement délivrer à
Bernard Tapie un commandement
de payer avant de déclencher des
procédures de saisie. Côté Tapie,
tous les scénarios sont à l’étude, et
pour chacun, les ripostes possibles.
« Il va falloir être créatif, résume Bernard Tapie au JDD. Qu’ils fassent ce
qu’ils ont à faire, on verra », soupire
l’homme d’affaires, s’admettant
« ruiné ». « Je ne leur demande rien
d’autre que de se comporter comme
une banque avec son client. Rien de
moins, rien de plus. Que leurs avocats rencontrent les miens et qu’ils
discutent de la façon de faire. C’est
l’intérêt de tout le monde. »
Côté justice, l’ancien ministre de
la Ville se raccroche aux deux pourvois en cassation qu’il a déposés. La
haute juridiction, à terme, peut-elle
relancer l’affaire en cassant l’arrêt de
« ruine » de jeudi ? Dans le passé, à
deux reprises, la Cour de cassation
a déjà sauvé Tapie. Il veut donc encore y croire. « C’est tellement gros
ce qu’on vient de me faire que je suis
certain que des magistrats indépendants diront le droit », espère-t-il.
Mais d’ici là ? « Aujourd’hui, je n’ai
plus à être prudent vis-à-vis du pouvoir, ni de quiconque, conclut Tapie.
Donc je vais laisser passer les régionales, puis les fêtes de Noël, et on va
ensuite rentrer dans le grand tunnel
de la présidentielle. Je n’ai plus rien
à perdre… » Un avertissement ? Non,
un programme. g
Les corps d’une femme et de
quatre enfants ont été
découverts, cachés sous une
couverture, dans un appartement
du 8e arrondissement de Lyon
hier soir. Les enfants avaient 6 et
18 mois, 3 et 7 ans. L’aîné de
la fratrie, 14 ans, se trouvait
chez ses grands parents.
Les pompiers, appelés pour
une ouverture de porte par
des proches, inquiets, ont aussi
découvert un homme, prostré
dans le salon, vraisemblablement
le père des enfants. Il a été placé
en garde à vue.
Saisie de cocaïne
Le chef d’escale clame
son innocence
L’employeur du chef d’escale
Juan Alberto Chirino, jugé au
Venezuela à la suite de la saisie
de 1,4 tonne de cocaïne en 2013
à Roissy (JDD du 29 novembre),
est convaincu de son innocence,
prenant en charge
financièrement sa défense.
Selon son avocat français,
Me Alex Ursulet, l’enquête le met
hors de cause : « Il ne devait pas
travailler ce jour-là ; les images
vidéo de l’enregistrement des
bagages le dédouanent ;
l’examen de la téléphonie apporte
la preuve que les autres mis en
cause sont en contact avant,
pendant et après l’opération,
alors que mon client n’a jamais
été en contact avec eux ! »
Meurtrier d’Agen
Suicide en prison
Mis en examen vendredi
soir pour le meurtre d’un
couple, abattu sous les yeux
de ses enfants, mercredi
à Foulayronnes (Lot-etGaronne), Jean-Claude Petitfaux
s’est pendu, hier, dans sa cellule.
Cet homme, qui encourait la
réclusion criminelle à perpétuité
était passé aux aveux. Selon
une source proche du dossier,
Jean-Claude Petitfaux n’aurait
pas eu l’intention de tuer Éric
Simon mais aurait projeté de
le séquestrer dans une grotte
de la région. En arrivant devant
le domicile des victimes,
il aurait été surpris de les
trouver ensemble. Pris de
panique, il aurait fait feu
sans avoir vu les enfants.
Manifestation
« contre le chômage »
650 personnes selon la police,
1.500 selon les organisateurs,
ont défilé hier à Paris « contre le
chômage et la précarité » et
« pour la justice sociale ».
Rassemblés place de Stalingrad
(Paris 10e), ils ont rejoint la place
de Clichy (18e) sous surveillance
policière. Selon l’Insee, le taux de
chômage a atteint au troisième
trimestre 10,2 % de la population
active, le plus haut niveau depuis
dix-huit ans.
30 | société
JDD | 6 décembre 2015
L’insaisissable Salah
enQUÊte Des dix membres du commando des attentats du 13 novembre à Paris, il est le seul « rescapé ». La trace du terroriste se
Stéphane Joahny
La piste est froide. Malgré la
large diffusion de son visage dans
les médias du monde entier, le
seul « rescapé » parmi les dix
membres du commando présents
à Paris le 13 novembre est parvenu jusqu’à aujourd’hui à échapper à la traque planétaire qui le
vise. La trace de Salah Abdeslam
se perd en effet à Schaerbeek,
dans le nord de Bruxelles, le dimanche 14 novembre en début
d’après-midi, au moment où il
fait ses « adieux » à ses copainscomplices de Molenbeek. Lors de
ses derniers échanges, le Français
de 26 ans né à Bruxelles aurait,
comme l’a rapporté Le Monde,
confirmé son implication – « J’ai
mis mon nom dans tout, je suis
cramé » –, annoncé qu’il allait
« changer de tête », avant de
conclure : « On ne va plus jamais
se revoir »…
Une photo datant du 14 novembre, tirée d’une caméra de
surveillance et où on le verrait à
Amsterdam aux côtés d’un certain Ahmed Dahmani, a un temps
laissé penser que le fugitif avait
pris l’avion depuis les Pays-Bas.
« Des vérifications ont été faites »,
indique une source proche de
l’enquête, « notamment sur un
vol vers le Qatar, mais ça n’a rien
donné ». Dahmani, en revanche
s’est bien envolé ce jour-là pour
Antalya, en Turquie, où il a été
arrêté deux jours plus tard par les
Turcs alors qu’il était rejoint par
deux envoyés de Daech dans le but
de lui faire franchir la frontière
syrienne. « Un mandat d’arrêt à
son intention est en préparation »,
indique au JDD le porte-parole
du parquet fédéral belge à propos
de ce Belge de 26 ans condamné
en mars pour une série de vols.
Mission de liaison en Grèce
Ahmed Dahmani a-t-il participé à la préparation des attentats de Paris ? Rien ne permet de
l’affirmer, mais son nom figure bel
et bien dans le dossier en raison
d’un curieux voyage. Le 4 août,
Dahmani et Salah Abdeslam figuraient en effet parmi les passagers
du ferry qui relie le port grec de
Patras à celui de Bari, en Italie.
Salah Abdeslam. AFP
Un séjour touristique ? Selon une
source proche de l’enquête, les
deux « touristes » belges avaient
embarqué à l’aller à Bari le 1er août.
Ils ont donc traversé la moitié
de l’Europe en voiture de location pour passer au final à peine
quarante-huit heures en Grèce.
Quarante-huit heures pendant
lesquelles ils n’ont pas utilisé la
carte de crédit prépayée qui permettra de « tracer » Salah Abdeslam jusqu’aux attentats de Paris.
« Cela ressemble à une mission
de liaison », suggère une source
policière. Que sont venus faire
en Grèce les deux Belges ? Qui
sont-ils venus rencontrer ? Impossible de ne pas penser à Abdelhamid Abaaoud, le leader présumé
du commando de Paris. Le BelgoMarocain de 28 ans, mort dans
l’assaut du Raid à Saint-Denis,
n’en serait pas à son premier séjour dans la capitale grecque. Il a
même laissé ses empreintes génétiques dans deux appartements,
dans les quartiers de Pangrati et
Sepolia à Athènes.
Aussi incroyable que cela
puisse paraître, il a fallu attendre
les attentats de Paris et l’envoi par
la France des empreintes du terroriste pour que des comparaisons soient effectuées avec celles
relevées par la police grecque lors
des investigations menées à la
demande de la justice belge dans
le cadre du démantèlement de la
cellule terroriste de Verviers en
janvier. Selon nos informations,
les enquêteurs belges s’étaient
contentés de remonter jusqu’au
téléphone utilisé par Abaaoud
depuis la Grèce. « Pas de commentaire », répond le parquet fédéral
aux demandes d’éclaircissement
du JDD. Selon la presse grecque,
La Belgique se prépare à demander l’extradition d’Ahmed Dahmani, arrêté le 16 août à Antalya (Turquie). DePo Photos/ABACA
Un an après « Charlie », où en sont les réformes ?
attentatS onze mois après
les massacres de janvier, le Jdd
a enquêté auprès des ministères
et des experts pour savoir ce que
sont devenues les 60 priorités
sociales annoncées en mars
Marie QUenet
C’était le 6 mars, deux mois après
les attentats de Charlie Hebdo. Pour
combattre « l’apartheid social, territorial et ethnique », le Premier ministre,
Manuel Valls, convoquait un Comité
interministériel à l’égalité et à la citoyenneté (Ciec). Éducation, emploi,
logement, sécurité, numérique… Pas
moins de 16 ministres et secrétaires
d’État étaient mobilisés. Soixante mesures annoncées. Que sont devenues
ces 60 priorités sociales* ? Dix mois
après, une quinzaine de mesures
semblent déjà réalisées. Plus d’une
trentaine sont « en cours de déploiement ». Une bonne dizaine sont encore au stade du lancement. Certains
objectifs sont flous, d’autres déclinés
en sous-mesures très techniques. État
des lieux.
b école: la réServe citoyenne
S’iMpatiente…
Au lendemain des attaques,
l’Éducation nationale a proposé, à
elle seule, un tiers des 60 mesures du
Ciec. C’est d’ailleurs le ministère qui
exceptionnel de formation visant à
a mis le plus de temps à répondre à
former 300.000 enseignants sur les
nos nombreuses questions. La réserve
questions relatives à la citoyenneté et
citoyenne, une des mesures les plus
à la laïcité d’ici à la fin 2015, les prinmédiatisées après les attentats, « est
cipaux syndicats de profs interrogés
en place ». Elle compte aujourd’hui
le jugent embryonnaire.
En revanche, la scolarisation des
5.429 réservistes, de 18 à 94 ans. Une
charte. Des « stars » comme Edgar
enfants de moins de 3 ans en Rep+
Morin, Serge Klarsfeld… Mais aussi
a progressé (20 %) mais reste loin
des 50 % visés
des anonymes
pour 2017. La
prêts à intervenir
Le grand testing
lutte contre le
bénévolement
devant des classes visant à mieux
décrochage scoà la demande des
laire donne des
résultats (20 %
profs. Reste aux « lutter contre les
de décrocheurs
enseignants à discriminations à
s’emparer du disen moins en cinq
positif ! À Paris, l’embauche » a pris
ans), mais leur
où les réservistes un peu de retard.
nombre n’est pas
étaient accueillis
près d’être divisé
jeudi, l’impatience
par deux, comme
des volontaires virait à la frustrale promettait le Président. Conditiontion : « Je me suis inscrite en février.
ner l’accès des enseignants à un grade
Quand va-t-on passer à l’action ? »
fonctionnel plus élevé à l’exercice en
Dans l’académie de Toulouse, une
éducation prioritaire fait partie des
des premières à se lancer, on compte
discussions avec les syndicats.
déjà une dizaine d’interventions. Le
D’autres mesures, comme la
1er décembre, un e-mail a été envoyé
création de secteurs communs à
plusieurs collèges, seront expérià l’ensemble des enseignants pour les
inciter à y recourir.
mentées. Cette réforme de la carte
Le parcours citoyen, lui, reste
scolaire doit être testée à la rentrée
encore à bâtir. Il ne pourra pas se
2016 dans 17 départements. En réalimiter à l’« enseignement moral et
lité, dans un ou deux secteurs pilotes
civique » dispensé depuis la rentrée,
par département. Et encore, certains
du CP à la terminale. Quant au plan
comme la Haute-Savoie visent plutôt
2017, profitant de l’ouverture d’un
nouveau collège.
b habitat : MUScler la loi
Un an après la loi Alur, qui tentait
de résoudre l’épineux problème du logement, le Ciec annonce de nouvelles
mesures pour « favoriser la mixité sur
les territoires ». Depuis, le nouveau
plan de renouvellement urbain a bien
été accéléré : des opérations de démolition devraient débuter dès 2016 dans
une cinquantaine d’agglomérations
(Évry, Meaux, Nantes, Angers)…
En matière de logement social,
la volonté semble manifeste. Pour
preuve, les réponses longues et
argumentées fournies au JDD. De
fait, un délégué interministériel a bien
été nommé pour « mieux répartir le
parc social sur les territoires ». La liste
des 36 communes récalcitrantes a été
publiée récemment. Et les préfets ont
enfin saisi les moyens existants pour
tacler les mauvais élèves : au moins
18 préemptions de terrain depuis
mars, et un permis de construire
signé à la place du maire à Menton.
Le projet de loi égalité et citoyenneté, qui doit être présenté en février,
devrait muscler le tout : en fixant un
pourcentage de ménages pauvres
parmi les attributions de logements
sociaux en dehors des quartiers
politique de la ville, en permettant
aux préfets d’attribuer le contingent
HLM des maires récalcitrants et en
revoyant la politique des loyers HLM
pour les rendre accessibles aux plus
modestes dans les quartiers favorisés.
Mais les bailleurs semblent déjà juger
le mécanisme proposé pour cette dernière mesure impossible à appliquer.
b eMploi : le Service civiQUe
dopé
Le grand testing visant à mieux
« lutter contre les discriminations à
l’embauche » a pris un peu de retard.
Prévu cet automne, il sera finalement
mené début 2016 auprès de 50 à
100 grandes entreprises.
Le service civique, lui, n’est pas
encore universel comme le promettait le Président. Mais de grands
programmes ont été lancés. Résultat : 60.000 à 70.000 jeunes auront
été recrutés cette année, deux fois
plus qu’en 2014. « Le souci, ce ne sont
pas tant les moyens, ni les jeunes, que
de trouver des missions et des structures d’accueil », estime François
Chérèque, qui préside l’Agence du
service civique.
Au-delà, le Ciec annonçait un
contrat Starter pour les jeunes décrocheurs employés dans le secteur marchand (objectif de 13.000 dépassé), le
développement du parrainage pour
les jeunes (5.000 en plus en 2015), de
société | 31
jdd | 6 décembre 2015
Abdeslam
perd à Bruxelles le 14 novembre. Ses précédents voyages en Europe intriguent
d’autres empreintes génétiques et
digitales non identifiées avaient
été relevées et des permis de
conduire français, faux ou falsifiés, avaient été saisis.
Deux ou six faux réfugiés
à Leros ?
C’est également par la Grèce
qu’une partie du commando
a transité. On savait déjà que
deux des kamikazes du Stade de
France, porteurs de vrais passeports syriens falsifiés, avaient
mis le pied sur l’île de Leros le
3 octobre. Faut-il revoir ce chiffre
à la hausse ? « Je ne sais pas s’ils
se connaissaient tous, mais celui
qui a payé m’a acheté six billets »,
confirme au JDD Dimitri Kastis,
le patron de l’agence de voyage
qui a vendu au faux réfugié les
tickets du ferry Leros-Le Pirée.
« Des vérifications sont en cours »,
commente-t-on à Paris.
Avant d’aller dépenser 399 €
en liquide dans l’achat de dix
« mécanismes électriques d’allumage » fin septembre dans une
société spécialisée du Val-d’Oise,
Salah Abdeslam a également loué
à Bruxelles deux véhicules qui
Appel à temoins diffusé par la police belge pour retrouver ces deux hommes. AFp
Le philosophe Edgar
Morin, le recteur de
l’académie de Paris
François Weil
et la ministre
de l’Éducation
nationale Najat
Vallaud-Belkacem,
jeudi, à la cérémonie
d’accueil
des réservistes.
éRIC BAUDet/DIVeRGeNCe
poUR Le JDD
dispositifs deuxième chance (plus de
30.000 jeunes ont, par exemple, bénéficié de la garantie jeunes consistant
à accompagner les plus éloignés de
l’emploi).
b l’apprENTissagE dU FraNçais
poUr lEs primo-arrivaNTs
Pas moins de sept mesures
concernent la langue. Lectures
publiques, mallette pédagogique,
kit d’activités… 146 projets au service de la maîtrise du français ont
déjà été sélectionnés. Concernant
les nouveaux arrivants, le ministère
de l’Intérieur évoque une refonte des
dispositifs de formation, effective au
cours du premier semestre 2016, pour
« offrir des formations systématiques
aux primo-arrivants ». Pierre Henry,
le directeur général de France Terre
d’asile, reste perplexe : « Actuellement,
seul un cinquième des primo-arrivants
en situation régulière ont accès à une
formation linguistique à leur arrivée. À ce que je sache,
il n’y a même pas les moyens financiers
pour en former deux cinquièmes ! »
b NUmériQUE : la baTaillE
dEs idéEs rEsTE à mENEr
Il y a des avancées très pratiques :
la « grande école du numérique », par
exemple, regroupera bientôt 160 formations innovantes, labellisées, destinées aux jeunes. Mais la bataille des
idées sur Internet, autre mesure du
Ciec, n’est pas encore gagnée. Le gouvernement vient d’ailleurs de lancer,
jeudi, des travaux avec cinq géants
de l’Internet et des réseaux sociaux
(Apple, Facebook, Google, Microsoft,
Twitter). Parmi les objectifs, « élaborer des outils qui faciliteront l’implication de la société civile dans la lutte
contre la propagande terroriste ». g
* En dehors des questions liées
à la sécurité et à la justice.
seront tous deux localisés dans
la capitale hongroise, autour du
9 puis du 17 septembre. Dans un
appel à témoins lancé vendredi,
la police fédérale belge indique
qu’Abdeslam « a été contrôlé le
9 septembre 2015 à la frontière
entre la Hongrie et l’Autriche à
bord d’un véhicule Mercedes. Il
était en compagnie de deux personnes utilisant de fausses cartes
d’identité belges au nom de Samir
Bouzid et de Soufiane Kayal. »
Deux identités qui seront utilisées, avant et après les attentats
de Paris, par des complices des
tueurs du vendredi 13. Kayal pour
louer une « planque » à Auvelais
près de Charleroi qui sera perquisitionnée le 26 novembre 2015.
Bouzid qui servira à transférer
750 € via Western Union le 17 novembre à Hasna Ait Boulahcen, la
cousine d’Abdelhamid Abaaoud.
Une mise en détention à Paris,
une naissance en Syrie
Hier, un homme de 25 ans a
été mis en examen et écroué à
Paris. Mohamed S…, connu notamment pour trafic de stupéfiants et fournisseur occasionnel
d’Hasna, est soupçonné d’avoir
servi d’intermédiaire entre cette
dernière et Jawad Bendaoud, qui,
contre rémunération, aurait fourni l’appartement de Saint-Denis
à Abaaoud et à son complice non
identifié. À quelques kilomètres
de Saint-Denis, place MarcelPaul à Drancy (Seine-SaintDenis), les proches de Samy Amimour ont appris cette semaine
que Kahina, la compagne de l’un
des kamikazes du Bataclan, avait
donné naissance à un enfant,
quelque part en Syrie.
(avEc chrisTEl dE TaddEo)
32 |
économie
jdd | 6 décembre 2015
AutomoBile Vendredi se tiendra un conseil d’administration décisif chez Renault.
Le ministre de l’Économie calme le jeu face aux revendications du partenaire Nissan
Macron prêt aux concessions
D
Sylvie AnDreAu
@SylvieAndreau
ans la partie de poker à laquelle
se livrent depuis des mois l’État,
Renault et son partenaire Nissan,
l’heure est venue d’abattre les
cartes. Des heures de réunion, de
négociations, d’allers-retours Paris-Tokyo prendront fin cette semaine avec le conseil d’administration de Renault, vendredi. La proposition
d’Emmanuel Macron, le ministre de l’Économie,
pour désamorcer la crise ouverte au printemps
sera alors sur la table.
L’État est prêt à négocier son lot de droits
de vote, pour des mesures non-stratégiques, à
condition qu’il conserve une minorité de blocage.
« L’État doit pouvoir peser sur les décisions stratégiques dans les assemblées générales de Renault.
Ma préoccupation est de lui assurer une minorité
de blocage lors de ces votes. Bien évidemment,
l’État continuera à ne pas faire d’ingérence dans
la gestion opérationnelle de Renault et a fortiori
de Nissan », assure Emmanuel Macron au JDD.
Les prétentions japonaises pourraient aller
au-delà de ces bonnes intentions françaises.
« Nous sommes ouverts à la discussion, prêts à
étudier toutes les propositions », commentent les
représentants de Nissan, qui seront de retour
à Paris en début de la semaine. Un point leur
tient à cœur : disposer, eux aussi, de droits de
vote chez Renault. Ce scénario est aujourd’hui
juridiquement impossible. Renault détient 44 %
de Nissan. Une situation dite d’autocontrôle qui
empêche son partenaire japonais de s’exprimer.
« Il suffirait que Renault vende 3 à 4 %. Nous
pourrions alors avoir des droits de vote », insiste
un représentant japonais. Mais cette revendication n’a pas l’assentiment d’Emmanuel Macron.
« La consolidation de l’alliance est dans l’intérêt
de Renault et de Nissan. Toutes les parties prenantes sont d’accord là-dessus. L’État a veillé à
ne jamais modifier l’équilibre de l’alliance, qui
n’est pas lié à la participation de l’État au capital
de Renault. Tout détricotage ou affaiblissement
des liens entre les deux entreprises ne peuvent
pas être des solutions », écarte le ministre. La
partie n’est pas gagnée. g
F1 : un retour à 150 millionS
Ce n’eSt pAS le rugissement des mécaniques,
l’effervescence des paddocks et l’ambiance
des grands prix qui ont décidé Carlos Ghosn.
Il faut surtout voir dans un alignement
des chiffres favorable l’annonce officielle,
tombée jeudi, du retour de Renault en F1. Le
résultat net du constructeur français, en hausse
de 83 % sur le premier trimestre, à 1,4 milliard
d’euros a rendu acceptable le projet de rachat
de l’écurie Lotus, à l’étude depuis des mois.
Renault n’a qu’un lointain souvenir de ces
belles années où la Formule 1 lui rapportait de
l’argent. « Il faudra un gros travail commercial
pour être à l’équilibre, peut-être en 2017 »,
reconnaît un des membres de l’équipe actuelle.
Pour se hisser sur le podium, ou juste à ses
pieds, Red Bull ou Ferrari disposent d’un budget
annuel proche de 250 millions d’euros. À côté,
Mercedes passe pour un champion de la
performance sportive et financière grâce à ses
résultats et à un budget serré d’à peine plus
de 100 millions d’euros. Renault a budgété
150 millions pour relancer la machine, soit
autant que ce qu’il dépensait y a dix ans. « Avoir
une écurie de Formule 1 coûte beaucoup moins
cher que par le passé », avance un spécialiste.
Un argument qui a su convaincre Carlos Ghosn.
S.A.
BernarD BaKaLian/Divergence
Carlos Ghosn et Emmanuel Macron lors de l’inauguration de la nouvelle chaîne de montage de Trafic à Sandouville (Seine-Maritime), en septembre 2014. Bassignac/Divergence
Des alliances à géométrie variable
Dans les années 1990, les plus
optimistes assuraient que quatre
marques seulement résisteraient
aux cycles économiques...
Quinze ans plus tard, les survivants
sont bien plus nombreux que prévu.
À l’image de Renault et Nissan, les
constructeurs auto ont su faire preuve
d’opportunisme, de détermination et
de pragmatisme pour construire des alliances ou des partenariats sur mesure.
Un mouvement que le redressement
du marché va relancer.
b PSA Prêt
Pour une grAnDe AlliAnce
Après leur mariage, scellé en 1974,
Peugeot et Citroën ont mis vingt-cinq
ans à vraiment travailler ensemble.
Aujourd’hui, le groupe PSA multiplie
les partenariats en attendant le grand
jour. Son divorce avec l’américain GM
l’a précipité dans les bras du chinois
Dongfeng, il y a dix-huit mois. Mais le
français est désormais prêt à « une opération transformante ». Le redressement
de ses résultats et son « retour dans la
course », comme dit son président Carlos
Tavares, lui permettent de prétendre à
une alliance qui le propulserait enfin au
rang de titan, celui d’un groupe vendant
plus de 10 millions de voitures par an.
« Tous nos partenariats ont la même philosophie, insiste Patrice Lucas, directeur
des programmes et de la stratégie du
constructeur français, équilibre dans la
relation et création de valeur. » Exemple ?
De nouveaux véhicules avec GM lancés
fin 2016, des usines partagées avec Toyota en République tchèque et Fiat en Italie, la fabrication de moteurs avec Ford,
de systèmes électriques avec Mitsubishi,
des coentreprises en Chine avec Dongfeng et Changan, en Iran avec Khodro,
ou encore la production de la Bluesummer pour Bolloré…
b merceDeS, BmW et HonDA
Peuvent-ilS reSter SeulS ?
Course à la taille, chasse aux coûts
et aux nouveaux marchés confrontent à
la même problématique les champions
allemands du premium, Mercedes et
BMW et le japonais Honda. « L’heure
n’est plus forcément aux mégafusions
mais à des alliances stratégiques sur
certains marchés ou autour de nouvelles technologies, notamment dans les
moteurs », insiste Hadi Zablit, spécialiste auto au Boston Consulting Group.
Même les constructeurs aux résultats
solides sont concernés. Le rythme de
développement de nouveaux modèles
s’est accéléré ; 46 lancements sont attendus l’an prochain outre-Atlantique,
puis 54 en 2017. Les investissements
pour faire face aux contraintes environnementales en Europe, aux ÉtatsUnis et en Chine sont aussi de plus en
plus lourds. L’affaire Volkswagen et son
trucage au contrôle antipollution ont
rappelé que même pour le numéro un
mondial, ces coûts sont considérables.
« Il faut ajouter à cela de lourds efforts
d’innovation pour embarquer toujours
plus de technologie à bord, et développer la voiture connectée », explique
Guillaume Crunelle, associé responsable de l’industrie automobile chez
Deloitte.
b FiAt-cHrySler SAuvé
PAr leS étAtS-uniS
Sergio Marchionne a été le premier à défendre le modèle du titan,
en formant le couple italo-américain
Fiat-Chrysler. Cette diversification
géographique porte enfin ses fruits.
Face à un marché compliqué en Italie
et en chute libre au Brésil, ses ventes
explosent aux États-Unis depuis le
début de l’année, grâce à un nouveau
rush des automobilistes vers les SUV,
spécialité notamment de sa marque
Jeep. Les économies d’échelle, elles,
tardent à venir. Un classique pour
ces fusions transatlantiques comme
celle de l’allemand Opel. Entré dans la
galaxie General Motors en 1929, il a dû
attendre les années 1970 pour profiter
à plein de son actionnaire américain.
Même à l’intérieur de l’Europe, les
rapprochements prennent du temps.
Conclu en 1991, celui entre Skoda
et Volkswagen a mis huit ans à produire ses premiers effets. Le groupe
allemand (VW, Skoda, Seat, Audi) n’a
démontré la puissance de ses synergies
industrielles qu’en 2012, avec la mise
sur le marché de la Golf 7, issue de sa
nouvelle plateforme. « Il y a autant de
configurations que de situations », rappelle Patrice Lucas de PSA. S.A.
économie | 33
jdd | 6 décembre 2015
Les monnaies locales
nous veulent du bien
FINANCE Il existe en France 31 monnaies en circulation dans des communes
ou sur des territoires. Objectif : dynamiser l’économie et créer des circuits courts
nancières. En 1929, les entreprises
suisses créèrent ainsi le Wir pour
Ses billets vert pomme mettent
se faire crédit entre elles et elles
à l’honneur des personnages
sont encore 65.000 à l’utiliser. En
célèbres de Lyon, comme la
France, c’est principalement la
résistante Lucie Aubrac, et des
crise de 2008 qui a servi de déclic.
citoyens anonymes. En gestation
« La panne de liquidités subie par
depuis quatre ans, la gonette a eu
commerçants et artisans a laissé
droit à un baptême festif il y a un
des traces. Nous avons conçu le somois, hommage aux enfants des
Nantes, introduit en avril, comme
rues lyonnaises, les gones. « Notre
un levier de développement écodevise est : la transition est entre
nomique. Afin que les entreprises
vos mains », appuie Nicolas Briet,
du territoire puissent se passer du
un des porteurs du projet. Trente
crédit bancaire et alléger leur tréet unième monnaie locale comsorerie », résume Pascal Bolo, preplémentaire (MLC), la gonette,
mier adjoint au maire de Nantes
qui cible le « Grand Lyon et auet cheville ouvrière de cette inidelà » est pavée de bonnes intentiative. À terme, les promoteurs
tions. Comme ses devancières
de ces devises parallèles rêvent
tricolores, l’eusko au Pays basque,
d’impliquer, outre les commerle soNantes à Nantes, l’abeille à
çants, producteurs et consomVilleneuve-sur-Lot ou encore la
mateurs du cru, les collectivités
pêche à Montreuil.
locales. « Pourquoi pas demain des
Les MLC visent à créer du
fonctionnaires, des impôts locaux
lien social entre adhérents, à
ou des services publics payés en
dynamiser l’économie locale
gonettes ? », s’enthousiasme Nicoet l’emploi en favorisant les
las Briet.
échanges en circuits courts, ainsi
Pour autant, le grand soir
qu’à promouvoir des pratiques
monétaire n’est pas pour demain.
environnemenParmi la trentaine de MLC
tales vertueuses.
Aux antipodes de « Nous avons conçu de l’Hexagone,
seules quatre
l’euro, monnaie le soNantes comme
ont atteint une
transfrontière,
ou du bitcoin, un levier de
taille honorable.
c e m o y e n d e développement
Le basque eusko
paiement digital
revendique
et mondialisé, économique »
une circulation
monétaire de
elles ont reçu une Pascal Bolo, premier adjoint
500.000 € avec
onction législa- au maire de Nantes
2.500 usagers,
tive avec la loi
Hamon de 2014
500 prestataires
sur l’économie
et six salariés.
sociale et soliLoin devant les
daire. Leur mécanique est simple.
100.000 € du sol-violette à TouUne banque, de type Crédit coolouse et les 40.000 € du galléco
pératif ou municipal, assure la
d’Ille-et-Vilaine. « Il faut un dispomise en circulation et l’échange
sitif simple et compréhensible pour
sur une base paritaire d’un euro
tous les citoyens, un gros réseau
contre une monnaie locale. Le
d’acteurs et une assise territoriale
plus souvent, ces coupons-billarge pour que cela fonctionne »,
lets sont distribués par des
préconise l’adjoint au maire de
associations à leurs adhérents.
Grenoble, Pascal Clouaire, qui
Ces mêmes banques conservent
planche sur le cairn, après l’échec
un fonds de garantie (constitué
du sol-alpin il y a quatre ans.
d’ordinaire de cotisations et de
Reste à mesurer l’impact de ces
subventions publiques) pour
monnaies. « On peine à quantifier
rembourser, sur demande, la
leur apport en termes de PIB ou
monnaie locale en euros.
de réduction d’émissions de CO2 »,
analyse Erwan Audouit, du Crédit coopératif. Pour le bureau de
En France, c’est la crise de 2008
qui a servi de déclic
recherche Vertigo Lab, spéciaPresque toutes ces devises – on
lisé en économie de l’environneen dénombre environ 5.000 dans
ment, la mesure économique de
le monde – sont nées d’un sursaut
leur influence reste à inventer.
idéologique contre les crises fi« Il faudrait introduire une équiBruNA BAsINI
@BrunaBasini
L’eusko basque
revendique
une circulation
monétaire
de l’équivalent
de 500.000 €,
avec 2.500
usagers.
DR
valence entre un comportement
vertueux et sa valeur en monnaie
locale », propose Blandine Chenot
de Vertigo Lab.
Des effets économiques
peu quantifiables
Signe que le sujet intéresse,
l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de
La gonette est utilisée dans l’agglomération de Lyon
depuis septembre 2015. DR
l’énergie) vient de lancer une
étude pour quantifier l’impact
environnemental des MLC. Par
exemple, celui d’un système
de covoiturage compensé en
monnaie locale utilisable chez
des commerçants partenaires.
Laurent Davezies, spécialiste du
développement territorial, met
aussi en garde contre des effets
pervers : « Elles vous font gagner
de l’argent avec des billets de Monopoly puisqu’elles ne supportent
aucun impôt et charges sociales,
mais elles ne font pas obstacle
aux circuits longs dans les biens
et services que nous consommons.
Et si elles étaient au service d’une
idéologie du repli sur soi, le pire
serait à craindre. » g
34 | économiE
JDD | 6 décembre 2015
Le chiffre
Henri de Castries vise
la présidence de HSBC
Sa nomination, le jour des
attentats de Paris, est passée
inaperçue. Mais l’entrée du
PDG d’AXA au conseil
d’administration de HSBC,
à partir d’avril 2016, marque
le début d’une nouvelle
carrière. Depuis quinze
ans qu’Henri de
Castries dirige le
premier assureur
mondial, jamais
il n’avait siégé
dans une autre entreprise.
Dans son entourage, tout le
monde s’attend à ce qu’il
devienne, à la fin de son
mandat chez AXA en 2018,
président de la banque
britannique. Le poste lui aurait
déjà été proposé. À 61 ans,
son expérience internationale
et sa connaissance de l’Asie
en font un candidat unique
alors que HSBC a besoin
de renforcer sa gouvernance
depuis les affaires de fraudes
fiscales en Suisse. M.P.
39,97
C’est symbolique mais
le signal est là. Le pétrole
continue de baisser. Vendredi,
il a fini la séance à 39,97 $ le
baril à New York après avoir
longtemps oscillé au-dessus
du seuil de 40 $. Dans
l’après-midi, l’Organisation
des pays exportateurs de
pétrole (Opep) avait annoncé
Coulisses
qu’elle relevait son plafond de
production poussant les cours
à la baisse. Elle a surtout
balayé l’idée d’une remontée
des cours en resserrant les
vannes de l’or noir. Les pays
exportateurs continuent leur
guerre avec les États-Unis,
devenu indépendant
énergétiquement avec l’essor
du pétrole de schiste. Depuis
l’été 2014, les prix du brut
ont été divisés par près
de trois, passant
de 110 à 40 $. M.P.
Qui s’invitera
chez B & B Hôtels ?
C’est bientôt la fin du
suspense pour l’enseigne
d’hôtellerie économique
B & B Hôtels mise en vente
par le fonds Carlyle. Les
acheteurs intéressés ont
jusqu’à demain
pour déposer
leurs offres.
Il s’agirait
de la société
française
de capital-
investissement PAI, d’une
branche de la banque
américaine Goldman Sachs,
et du chinois Green Tree en
partenariat avec le Crédit
agricole. En revanche, un
autre chinois, le groupe Jin
Jang ne serait plus en lice.
Le montant de la transaction
est estimé à plus
de 900 millions d’euros. La
chaîne B & B Hôtels, créée
en Bretagne en 1990, aligne
plus de 320 établissements
en France et en Europe. M.N.
VInCEnT ISORE/IP3/MaXPPP XaVIER TESTELIn/CIT'IMagES
Il ose
« Nous serons bientôt la plus grosse
compagnie au monde »
AÉrIeN Temel Kotil, PDG de Turkish Airlines, dévoile comment le groupe turc
veut s’imposer sur tous les continents
ISTANBUL (TUrQUIe)
IntervIew
SyLVIe ANdreAU
@SylvieAndreau
Turkish Airlines s’achemine-t-elle vers
une nouvelle année record ?
notre nombre de passagers a été
multiplié par six en vingt ans, pour atteindre 123 millions. il va encore tripler
dans les deux décennies à venir. Cela
fera de nous la plus grosse compagnie
aérienne du monde ! nous sommes déjà
les premiers au regard du nombre de
pays que nous desservons : 111. et personne ne propose plus de destinations
internationales que nous : 233.
Comment vous imposez-vous,
notamment face aux compagnies
du Golfe ?
notre marché intérieur est l’une de
nos forces. 47 millions de Turcs seront
montés dans un avion cette année.
C’est une hausse de 860 % en moins de
dix ans ! et cela va continuer à croître.
C’est un socle solide qui nous permet de
grandir de façon naturelle. Quand je suis
entré dans la compagnie en 2003, c’était
une entreprise d’État. aujourd’hui, elle
est cotée en Bourse. Tous les trimestres,
nous publions les informations relatives
à notre activité. notre développement
ne s’est pas fait du jour au lendemain. il
n’y a rien de toxique chez nous.
Comment expliquez-vous la croissance
de votre trafic international ?
Regardez où se trouve la Turquie
sur la carte du monde. La croissance
du trafic aérien se déplace vers le
moyen-Orient et l’asie. nous sommes
en position idéale pour constituer un
hub entre tous les continents, surtout
quand seront achevés les travaux de
notre nouvel aéroport, le plus grand du
monde. enfin la destination Turquie,
avec istanbul, reste attractive. Quelque
83 millions d’étrangers ont pris un vol
pour la Turquie cette année.
La Turquie est aussi dans une zone
géopolitique très sensible…
ma petite fille de 6 ans, elle, c’est
à Paris qu’elle m’a demandé de ne pas
aller, parce qu’elle trouvait la ville
dangereuse ! Vous savez que partout
dans le monde, les hommes d’affaires
continuent à se déplacer. On ne voit
aucun ralentissement sur ce segment
de clientèle, qui assure la rentabilité
des compagnies comme les nôtres.
Que faites-vous de différent par rapport
aux compagnies traditionnelles ?
Par rapport aux américaines,
exactement le contraire ! nous avons
appris de leurs erreurs. Face aux européennes, nous rattrapons notre retard
en termes de capacités : notre flotte
compte 299 appareils et nous en avons
219 supplémentaires en commande.
nous allons aussi améliorer nos services et faire baisser nos coûts. il est
plus facile de réduire ses charges
quand on est gros. notre marge est
déjà à plus de 26 % depuis le début
de l’année.
Arrivez-vous à attirer des pilotes ?
nous avons lancé le recrutement
de 700 à 800 pilotes par an, et il y aura
des Français parmi eux. nous étions
d’ailleurs à Paris pour une opération
de présentation de la compagnie ces
derniers jours. nos conditions d’embauche sont très avantageuses, malgré
ce que l’on peut penser. g
La justice se prononce
sur UberPop
TAXIS Le service de transports entre
particuliers d’Uber constitue-t-il
une pratique commerciale
trompeuse ? Verdict demain
MArIe NICoT
@marie_nicot
Le chemin de croix judiciaire
d’Uber France continue. Demain,
la cour d’appel de Paris dira si
UberPop, l’application qui permet
à m. Tout-le-monde de s’improviser chauffeur moyennant une
rémunération, relève de la « pratique commerciale trompeuse ».
Lors de l’audience en octobre,
l’avocate générale Élisabeth Honorat a estimé que l’entreprise
devait être reconnue coupable,
« le covoiturage n’étant pas une
pratique à but lucratif ». L’avocat
d’Uber France, Hugues Calvet,
a demandé la relaxe, arguant
qu’« aucun texte législatif ne permet
d’affirmer qu’UberPop était illicite
à l’époque des faits ». Le Conseil
constitutionnel s’est prononcé le
22 septembre sur l’interprétation
de la loi Thévenoud en matière de
covoiturage. Selon lui, ce service
de transport ne saurait être une
activité commerciale.
Uber reste prisé des financiers
L’affaire est sensible. en juillet,
le service UberPop a été suspendu
après un mouvement de colère des
taxis. Le gouvernement avait dû
saisir des véhicules et procéder
à des gardes à vue. Six mois plus
tard, la tension reste palpable.
« Si la cour déclare que l’on peut
travailler sans payer de charges ni
respecter le Code du travail, ce sera
la fin du système social français »,
avertit alain Griset, président de
l’Union nationale des taxis (UnT),
qui exclut pourtant toute manifestation en raison de l’état d’urgence.
Les 11 et 12 février, les deux
dirigeants d’Uber France, Pierre-
« Notre marché intérieur est l’une de nos forces. 47 millions de Turcs
seront montés dans un avion cette année. » JOE SKIPPER/REUTERS
L’Europe veut réglementer les drones
Un chauffeur Uber. FRanCK DUbRay/MaXPPP
Dimitri Gore-Coty et Thibaud
Simphal, seront de nouveau dans
les prétoires. ils répondront cette
fois-ci d’accusations pénales
devant la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris. UberPop sera au
cœur du débat, mais cette fois-ci
les deux managers encourent de
lourdes peines s’ils sont condamnés. Ce énième bras de fer judiciaire stoppera-t-il le rouleau
compresseur Uber ? Rien n’est
moins certain. Le géant californien devrait bientôt lever 2,1 milliards de dollars, ce qui le valoriserait à 65 milliards de dollars, un
record mondial dans le secteur
des sociétés non cotées. g
Demain, la Commission européenne dévoilera ses propositions pour encadrer l’usage des
drones. elle réagit au succès des
mini-machines volantes dotées
de caméra qui font un tabac. Le
cabinet Xerfi estime que le marché français (95 millions d’euros
en 2014) va doubler d’ici à 2017.
La Fnac, Conforama, amazon,
Carrefour ou encore JouéClub
sont dans les starting-blocks pour
en vendre un maximum à noël.
Les amateurs de drones
doivent déjà respecter des règles
précises, qui varient en fonction
des pays. en France, par exemple,
il est interdit de survoler les zones
urbaines et sensibles. Bruxelles
souhaite créer un ciel européen
avec trois objectifs : simplifier
la vie des fabricants qui
n’auront plus à s’adapter à un puzzle législatif, assurer
la sécurité
physique des individus, les protéger
des photos volées à
partir du ciel. Parrot, champion
du secteur, apprécie « ce compromis entre développement de
l’activité économique et respect
de la vie privée ».
Selon Karima Delli, eurodéputée eeLV, « la Commission devrait
notamment exiger l’immatriculation des engins les plus performants afin de tracer leur usage, et
insister sur la formation des propriétaires. L’agence européenne
de la sécurité aérienne devrait
jouer les gendarmes ». Reste à
savoir si la Commission agira via
une directive, ce qui prendra du
temps, ou un simple règlement,
beaucoup plus rapide. M.N.
Drone
Bebop
Parrot.
DR
business | 35
jdd | 6 décembre 2015
Puressentiel veut devenir leader mondial
STRATéGIE Numéro 1 en Europe dix ans après sa création, le laboratoire d’aromathérapie espère conquérir les États-Unis et l’Asie
SYLVIE AnDREAU
On avait laissé Marco Pacchioni,
patron de Puressentiel, soufflant les
cinq premières bougies de sa jeune
société. Déjà satisfait de l’accueil
de ses produits à base de plantes,
plutôt fier de l’engouement des
consommateurs pour son spray
assainissant aux 41 huiles essentielles, le blockbuster certifié par
des dizaines de tests cliniques. Cinq
ans plus tard, l’entrepreneur, qui a
fondé la marque avec son épouse
Isabelle en 2005, est plus convaincu que jamais : Puressentiel peut
devenir l’un des grands succès du
secteur de la santé bio et naturelle.
La gamme s’est déployée autour
de la minceur, du solaire, du sommeil, de l’anti-chute de cheveux…
« Nous avons démocratisé l’usage des
huiles essentielles avec des produits
prêts à l’emploi, commente Marco
Pacchioni. Ils sont arrivés sur le
marché à un moment où les gens
avaient envie de produits naturels. »
Une percée remarquée
chez le distributeur Boots
La présence de Puressentiel
dans les rayons des pharmacies et
parapharmacies est devenue incontournable. Le chiffre d’affaires devrait atteindre 80 millions d’euros
cette année, avec une croissance
annuelle de 20 %. Déjà leader français et numéro un en Europe, rien
Jean-Claude Biver a choisi New York pour lancer la première montre connectée suisse. R. FAUX
L’horloger suisse
qui s’attaque à Apple
HORLOGERIE En présentant
la première Tag Heuer connectée,
Jean-Claude Biver, qui dirige
la division montres de LVMH,
veut répondre au géant américain
IntervIew
HERVé BORnE
Parrain charismatique de l’horlogerie suisse, Jean-Claude Biver s’est
vu consacrer un livre : L’homme
qui a sauvé la montre mécanique
(Eyrolles). À 66 ans, les jalons marquants de sa carrière suffiraient :
la position de numéro 2 mondial
d’Omega, c’est lui ; les résurrections
de Blancpain et de Hublot, aussi.
Autant de succès qui l’ont imposé
au poste de président de la division
montres du groupe LVMH. Il veut
faire maintenant de Tag Heuer
une marque d’avant-garde, tournée vers les nouvelles générations,
avec un premier modèle de montre
connectée. Vendue 1.350 €, c’est une
réponse luxueuse à l’Apple Watch.
Pourquoi avoir lancé votre modèle
Tag Heuer Connected à new York ?
Demandez à Apple ! C’est ici qu’il
se vend le plus de montres connectées. Tag Heuer est aussi chronométreur officiel du marathon de New
York, ce qui a boosté notre notoriété.
Les États-Unis représentent un
énorme marché pour nous.
En quoi votre modèle est-il
un produit horloger de luxe ?
C’est la première montre connectée qui ne ressemble pas à une
montre connectée. Je l’ai portée en
test pendant trois mois, personne
n’a deviné qu’elle était intelligente.
Elle est manufacturée dans un maté-
riau noble, du titane, elle est riche
du savoir-faire suisse et signée d’une
marque qui a 150 ans. Développée
avec Intel et Google, compatible avec
Android et iOs, dotée du Wi-Fi et
du Bluetooth, elle sait tout faire. On
peut télécharger directement de la
musique sur la montre et partir courir en laissant son smartphone à la
maison. Et sa batterie tient plus de
vingt-quatre heures…
n’est-ce pas une réponse tardive
à l’Apple Watch ?
Absolument pas. Six mois en
horlogerie, ce n’est rien. Je dépose
tous les matins un cierge à l’église
pour qu’Apple vende encore plus
de montres, cela ouvre le marché.
L’Apple Watch n’est pas notre adversaire, elle doit nous aider à surfer sur
le tsunami que peut représenter la
montre connectée sur l’industrie horlogère. On parle aujourd’hui de 4 millions d’Apple Watch vendues. Si nous
pouvons prendre entre 3 et 5 %, de ce
volume, ce serait génial ! Aujourd’hui,
Tag Heuer produit 700.000 montres
par an. Avec la montre connectée,
j’espère passer à 800.000.
Une livre raconte votre parcours.
De quoi êtes-vous le plus fier ?
De certains de mes coups…
Le contrat entre Omega et James
Bond, par exemple, vingt ans déjà.
Celui signé avec la Coupe du monde
de football pour Hublot, une médiatisation très efficace : cette marque
du groupe vend aujourd’hui plus de
40.000 montres par an, à un prix
moyen de 23.000 €. Maintenant,
je suis motivé par le défi de lancer
Tag Heuer dans l’aventure de la
connectivité sans tourner le dos
au savoir-faire traditionnel suisse. g
ne semble l’empêcher de devenir
bientôt un champion mondial. Déjà
distribuée dans 50 pays, l’entreprise familiale indépendante s’est
structurée pour conquérir d’autres
marchés à l’étranger : elle compte
assurer son développement par la
création de filiales en propre. En
juin, l’ouverture d’une entité au
Canada a permis à la marque de
prendre pied sur le continent américain avant le grand saut vers les
États-Unis programmé pour 2017.
En 2014, Rocco Pacchioni, fils
des fondateurs, s’est installé au
Royaume-Uni pour piloter depuis
Londres les projets dans les pays
anglo-saxons. Puressentiel, qui
s’affichait récemment dans le
métro de la capitale britannique,
a déjà fait une percée remarquée
chez le distributeur Boots, géant
européen du drugstore. Aux ÉtatsUnis, la marque pourra compter sur
son ambassadeur depuis 2013, le
basketteur Tony Parker. La famille
Pacchioni lorgne déjà le Japon, gros
consommateur de cosmétiques
made in France. Les Japonais devraient apprécier le 100 % naturel
de Puressentiel.
La marque s’est donné quatre
ans pour conquérir le pays : en 2019
justement, le Japon accueillera la
Coupe du monde de rugby, un sport
que Marco Pacchioni a pratiqué. L’un
des tout premiers partenaires de
l’événement sera… Puressentiel. g
Marco et Isabelle Pacchioni, fondateurs
du laboratoire Puressentiel. J.-C. FRAnColon
*
36 | regards
JDD | 6 décembre 2015
Dictons électoraux
Rouge vif
Anne Roumanoff
Dictons de
décembre
– Si les sondages toujours se vérifiaient,
à quoi ça servirait d’aller voter ?
– Qui pratique l’abstention ne doit pas
ensuite râler contre le résultat des élections.
– Pendant les soirées électorales, tous
les partis prétendent avoir gagné.
– Pour savoir qui dit vrai, regarde celui qui
a l’air le moins dépité.
Dictons pour Bernard
– Bien mal Tapie ne profite jamais.
– Tapie touché mais pas encore coulé, car
Tapie même à terre jamais ne se laisse faire.
– Celui qui croit que Tapie lessivé
est un paillasson qu’il foulera aux pieds
peut toujours aller se brosser.
– Plutôt que de te lamenter d’avoir, à 72 ans,
404 millions d’euros à rembourser,
pense à tous ceux qui, à ton âge, touchent
404 € par mois comme retraités.
Dictons footballistiques
– Pour garder ta tranquillité, évite de copuler
en te faisant filmer.
– Benzema qui croyait prendre.
– Un footballeur tire comme un roi, réfléchit
comme un pied et parle comme un âne.
– Faute avouée à moitié pardonnée. Faute
niée jamais totalement oubliée.
– Footballeur qui n’a pas un bon entourage
subit bien des dommages.
– Difficile de préserver l’esprit du sport
quand les sportifs ont tellement peu
d’esprit.
– Proverbe platinien : quand ton ennemi
t’offre deux millions d’euros,
méfie-toi, ça n’est pas forcément un cadeau.
Dictons du Téléthon
– Il n’y a jamais de petits donneurs, juste
des gens qui agissent selon leur bon cœur.
– Qui donne au Téléthon fait une bonne action.
– 3 637 raisons de donner, c’est 3 637 raisons
d’espérer.
– Le Français, on peut compter sur lui pour
râler mais aussi pour faire preuve
d’une grande générosité, surtout dans
l’adversité.
Il était 8 heures, vendredi,
le jour n’était pas
entièrement levé. Rue de la
Fontaine-au-Roi, la Bonne
Bière a rouvert ses portes.
C’est la première
des terrasses meurtries
à accueillir à nouveau
des clients. La devanture
a été refaite, un peu
de peinture a été passée
pour tenter d’effacer
l’ineffaçable. Il y avait
de nombreuses caméras
vendredi mais aussi
des clients attablés pour
avaler un café et en même
temps affirmer par leur
présence que la vie
continue. »
C. PETIT TESSON/EPA/MAXPPP
La photo
de la
semaine
D
Opinion
Laurence
Tiennot-Herment
Présidente de l’AFM-Téléthon
DURAND FLORENCE/SIPA
Après
le Téléthon,
la solidarité
continue !
Cette nuit, à 0 h 15,
les promesses
de dons atteignaient
73,6 millions d’euros.
epuis des années, nous entendons parler
du lien social déconstruit, de solidarité
en crise, de vivre-ensemble impossible. Et
pourtant, plus que jamais, la solidarité et la
générosité s’expriment. Dans notre domaine,
celui de la recherche médicale, de l’innovation
et de l’accompagnement des malades et de leurs
familles, nous contribuons depuis près de trente
ans à cette France qui avance. Les heures que
nous venons de vivre avec le Téléthon en sont
la meilleure preuve et je rappelle que pendant
toute la semaine, les Français pourront continuer à donner
via le 3637 et sur
telethon.fr.
ChAqu e jou r ,
transformés, comme c’est le cas pour le syndrome de Wiskott-Aldrich, maladie génétique
qui altère les défenses immunitaires, qui touche
un enfant sur 200.000, et pour laquelle nous
avons développé un médicament qui a permis
de rétablir le système immunitaire des enfants
traités. Ce succès de thérapie génique ouvre la
voie aux traitements d’autres maladies du sang.
Ces formidables avancées ne sauraient toutefois masquer la réalité des besoins qui restent
très importants : 3 millions de Français sont
concernés par 6.000 à 8.000 maladies rares,
dont 99 % sont
aujourd’hui encore sans traitement. Et la moitié
des malades ont
moins de 19 ans.
Pour ACCéLérer LA Mise à disPosiTion des traitements pour les malades et demain, guérir,
nous adaptons nos méthodes et nos habitudes,
en nous réinventant en permanence. C’est notre
devoir vis-à-vis de chaque donateur et partenaire de notre combat, que je veux ici remercier.
C’esT Le sens même de la plate-forme dédiée
à la production de médicaments innovants
que nous lancerons prochainement. Ce nouveau centre permettra de mener à son terme
le développement et la commercialisation à
grande échelle de thérapies géniques et cellulaires et de répondre aux besoins actuels des
laboratoires de l’AFM-Téléthon ainsi qu’à ceux
d’autres acteurs des biotechnologies pour la
production de leurs thérapies. C’est un nouveau chapitre dans l’histoire de notre combat
pour la guérison du plus grand nombre de
malades. g
« Les Français peuvent continuer à
donner toute la semaine via le 3637 »
nous voyons combien la volonté
d’être ensemble est forte. Le don est naturellement l’une des composantes de cette mobilisation qui permet de passer du statut d’observateur à celui d’acteur de notre société. La
générosité des Français est le levier essentiel
pour préparer un avenir que nous appelons
de toutes nos forces : celui de la guérison des
malades. Cette générosité qui permet à notre
association de dépasser les limites pour lutter
contre encore plus de maladies génétiques longtemps considérées comme incurables.
Les résuLTATs sonT ConCreTs quand on lit la
joie, la combativité, le courage, l’enthousiasme
et la ténacité des malades, des bénévoles et des
chercheurs. En 2014, l’AFM-Téléthon a financé
230 projets de recherche et elle soutient actuellement 37 essais cliniques pour 27 maladies du
système immunitaire, de la vision, des muscles,
du sang, du foie, du cœur… Et ces essais sont
Dictons de la COP21
– Il faut polluer pour vivre et non vivre pour
polluer.
– Qui veut trop ménager les lobbys pétroliers
finira par ne plus pouvoir respirer.
– Dans une réunion au sommet, plus
les dirigeants sont nombreux à participer,
plus ils auront tendance à s’accorder
pour dire qu’il est urgent de ne rien décider.
– La pollution de la pensée est la plus
difficile à juguler.
– Plus une idée est facile, plus elle se propage
dans des cerveaux fragiles.
Dicton de Parisien
Malgré ce contexte inquiétant,
profitons de l’instant présent :
sortons, rions, pleurons,
marchons, mangeons, buvons.
Respirons à pleins poumons malgré
la pollution et surtout dansons, discutons,
vivons…
– Ceux qui pour l’avenir se font trop de souci
ne profitent pas pleinement des beautés
de la vie.
Déchiffrage
Axel de Tarlé
Mini smic,
maxi courage
P
as de coup de pouce. Le gouvernement fait le « minimum syndical »
concernant le smic, qui n’augmentera
que de 0,6 % au 1er janvier. Soit à peine
6 centimes de plus par heure, à 9,67 €.
Pourtant, à un an des élections, il était
très tentant de lâcher les vannes en
fixant – pourquoi pas ? – le smic à 10 € !
On aurait alors applaudi une vraie mesure de « justice sociale », une mesure
« de gauche » – ou « frontiste », c’est
selon –, une mesure de « soutien à la
consommation, à même de relancer
la croissance », et blablabla…
MAnueL VALLs A Tenu bon. C’est tout
à son honneur. Il faut dire qu’on a
vu les ravages causés par les fortes
hausses du smic dans les années
2000. Cela a laminé la compétitivité
de nos entreprises. Car on oublie trop
souvent de dire que quand le gouvernement augmente le smic, c’est avec
l’argent du patron qu’on doit ensuite
régler la facture. Le gouvernement
est « généreux » avec l’argent des
autres ! Deuxième conséquence : les
hausses de smic des années 2000 ont
fait disparaître les emplois les moins
qualifiés qui ont été remplacés par des
machines, condamnant les travailleurs
peu qualifiés à vivre du RSA.
resTe une quesTion : comment vivre
dignement avec 1.136 € net par mois ?
Comment ne pas se sentir insulté
quand on augmente votre salaire de
6 centimes de l’heure ? Réponse : la
prime d’activité. Elle sera mise en
place le 1 er janvier. Cela représente
132 € de plus par mois pour une personne seule au niveau du smic. Objectif : donner un « coup de pouce » à ceux
qui travaillent par rapport à ceux qui
vivent des minima sociaux. En clair, il
s’agit de subventionner le travail. Mais,
après tout, dans un pays où l’on subventionne le logement, le cinéma, la
presse, l’amicale de la pétanque, pourquoi ne pas subventionner le travail ?
Bravo donc au gouvernement de ne
pas céder aux sirènes du populisme…
qui ne tarderont pas à dénoncer une
décision « honteuse et insultante ». g
38 | RegaRds | Portrait
Yannick Rousselet
L’irréductible
antinucléaire
Cet enfant du Cotentin milite depuis
toujours contre l’atome. Activiste, il ne
veut pas s’éloigner de son village gaulois
même si son naturel et son expertise
le propulsent comme tête d’affiche
C
Matthieu Pechberty
@mpechberty
e lundi 16 novembre, la
France est en deuil après
les attentats de Paris.
Yannick Rousselet, lui,
court à l’usine de la Hague
vérifier si le convoi d’uranium va bien
rejoindre le sud de la France. Quels que
soient les événements, le militant de
Greenpeace ne dévie pas de sa mission :
lutter contre le nucléaire. Une obsession qui l’éloigne parfois des autres
sujets. La COP21, ces jours-ci, n’est
pas sa priorité. Quand on lui parle de
l’essor des énergies renouvelables, il
approuve mais revient rapidement à
son obsession, la fin de l’atome.
Yannick Rousselet est tombé dans
le chaudron atomique quand il était
petit. En octobre 1959, quelques jours
après sa naissance, de Gaulle annonce
la construction de l’usine de la Hague, à
deux pas de Cherbourg, où il vit depuis
toujours. Une provocation qui jette les
bases de son engagement. « J’étais là
avant elle, en parle-t-il comme d’un
ennemi. Je la fermerai un jour. » À la
vie, à la mort.
Ce colosse à la carrure d’Obélix, sans
couettes ni moustache, qu’il a coupée
il y a peu, se bat depuis quarante ans
pour protéger le Cotentin, son village gaulois
devenu la « presqu’île
du nucléaire » avec la
centrale EDF de Flamanville, à quelques
kilomètres. Il refuse
de capituler. « Cette
usine nous a colonisés,
lâche-t-il. On a menti
à la population. » À
l’époque, le gouvernement avait promis que
la Hague fabriquerait
des Cocotte-minute…
Le mensonge et le secret, son autre combat,
moral celui-là.
Le parcours militant de Yannick
Rousselet, loin des clichés, emprunte un
chemin plein de contradictions. Il grandit dans une famille nourrie à l’atome.
Ses grands-pères, oncles et père ont
travaillé aux chantiers navals de Cherbourg, où se construisaient les sousmarins nucléaires. Il y entre à son tour
à l’âge de 15 ans. Bien noté au concours,
il refuse « l’élite » de l’électronique et
préfère devenir chaudronnier pour fréquenter le milieu ouvrier, son monde. Il
en garde aujourd’hui le goût du savoir
technique de l’industrie nucléaire que
personne ne lui conteste. « Il est un puits
de connaissance remarquable », estime
le scientifique Bernard Laponche, qui
lui voue une admiration sans bornes.
Sa première manifestation à 17 ans,
face aux dizaines de CRS protégeant
le chantier de la centrale de Flamanville, devient l’acte fondateur de sa
lutte contre la « société secrète et policière ». L’ancien enfant de chœur de la
paroisse de Cherbourg se fond dans
l’ambiance antimilitariste des années
1970. Le plutonium est l’objet de toutes
ses actions. Une obsession qui lui a
valu avec une bande de militants le
surnom de « pluto boys » qu’il a repris
sur son compte Twitter « plutonyck ».
« Cette matière est dangereuse, sinon
il n’y aurait pas tous ces gardes et ces
barbelés, s’énerve-t-il en montrant les
kilomètres de grillage de la Hague.
Mais il y a aussi une fascination pour
la technologie et la puissance de cette
matière. » Toute son histoire est là :
Yannick Rousselet et le nucléaire, c’est
attraction et répulsion. Presque un
syndrome de Stockholm.
« Je comprenais la cohérence
gaullienne de la dissuasion nucléaire »
Cultivant la différence, il se syndique à la CFDT, qui n’avait aucun militant à Cherbourg, bastion de la CGT.
« Les communistes sont productivistes
et tout le monde ne lisait que L’Huma, se
défend-il. On était deux au départ et on
est monté rapidement
à 40 personnes. » Pendant vingt ans, il multiplie les coups d’éclat :
stopper un convoi de
déchets nucléaires ;
arraisonner un bateau
d’Areva ; bloquer le
port de Cherbourg
pour l’inauguration
d’un sous-marin. En
1980, il embarque sur le
célèbre Rainbow Warrior pour une action qui
lui coûtera une garde à
vue. « 3.500 personnes
étaient dans les rues de
Cherbourg pour demander ma libération », s’emballe-t-il, enivré par la nostalgie.
Les années 1990 marquent un tournant. Un divorce et des doutes sur son
combat. Il ne digère pas que la France
exporte le retraitement de l’uranium
et ses sous-marins. « Je comprenais
la cohérence gaullienne de la dissuasion nucléaire pour l’indépendance
nationale, explique-t-il encore plein
de déception. Mais pas à des fins commerciales. » Son éducation judéo-chrétienne lui rappelle qu’il doit garder la
foi. « Son engagement est total, même
en cas de coup dur, explique Adélaïde
Colin, ancienne directrice de la communication de Greenpeace France.
C’est presque un sacerdoce. »
Son compte
Twitter ?
“Plutonyck !” Pour
lui, le plutonium
est une matière
dangereuse et
en même temps
fascinante
Yannick Rousselet, spécialiste de l’atome, devant l’usine de retraitement de la Hague (Manche). THOMAS JOUANNEAU pOUr lE JDD
17 octobre 1959
Naissance à
Cherbourg dans une
famille catholique,
son père travaille
aux chantiers navals
1976
Première
manifestation
antinucléaire contre
l’usine de la Hague
et la construction
de la centrale
de Flamanville
1978
Devient militant
pour Greenpeace
à Cherbourg
2000
Épouse Nathalie en
secondes noces qui
le suit sur toutes ses
actions militantes
2002
Démissionne
de la DCN et
devient salarié de
Greenpeace, chargé
de campagne
sur le nucléaire
Le militantisme de terrain recule,
la bataille des idées est en plein essor.
Greenpeace emprunte cette voie et
l’embauche comme permanent. Sa
connaissance pointue du nucléaire le
propulse comme tête d’affiche. Conférences, médias et comités Théodule,
tout le monde se l’arrache. Le Cherbourgeois devient la référence pédagogique avec le franc-parler d’un
passionné. Il force le respect de tous,
même de ses ennemis. « Il a grandi
dans l’industrie, sait de quoi il parle
et travaille ses dossiers », reconnaît
Dominique Minière, le patron du parc
nucléaire français chez EDF, qui désapprouve ces actions illégales. « Il a des
arguments de fonds. »
Activiste et expert, Yannick
Rousselet navigue entre les deux
camps, quitte à s’attirer les critiques.
« Il siège dans des commissions d’information de centrales et pour certains,
c’est déjà une compromission », note
Pierric Duflos, de l’ONG Sortir du
nucléaire.
« Un pied dedans, un pied dehors » :
il a fait sienne la règle de Greenpeace
pour justifier actions de terrain et participation aux débats politiques. Mais
il rechigne à la vie de bureau, même
deux jours par semaine. « Il est ingérable, car il veut tout faire à la fois et
a du mal à prioriser ses actions », sourit sa directrice de campagne Sophia
Majnoni, pleine d’admiration pour
celui qui a été son mentor. « C’est un
émotionnel qui a du mal à prendre du
recul. » Elle raconte amusée ses « rousselades », petites actions imprévues
qu’il réalise seul dans son coin. Son
ami Yves Marignac a bien cerné le
bonhomme. « Il est comme Depardieu,
trop grand pour rentrer dans une case »,
résume le patron du think tank antinucléaire Wise.
Le duo Rousselet & Rousselet
Du coup, sa femme, Nathalie, joue
les intermédiaires pour arrondir les
angles avec Greenpeace. De petite
main, elle est vite devenue son bras
droit sur le terrain. « Je gère tout ce
qui l’entoure afin qu’il puisse bien travailler, reconnaît-elle humblement. Il
ne fait pas les courses mais il rencontre
les ministres. » Parfois lassée d’être la
« femme de Yannick », Nathalie se ravise, estimant qu’avec lui, « [sa] vie est
trépidante ». Seule cette benjamine de
huit enfants peut vivre dans l’ombre
de cet aîné de trois frères, chéri par
sa mère.
Le duo Rousselet & Rousselet,
une PME au service de son maître.
Quand s’arrêtera-t-il ? « Jamais, il est
trop optimiste pour ça », lâche-t-elle.
Chez Greenpeace, certains le voient
intégrer l’Autorité de sûreté nucléaire
pour finir en apothéose sa carrière de
spécialiste de l’atome. « On s’est posé
la question, reconnaît le président de
l’ASN, Pierre-Franck Chevet. Il a des
compétences qui nous manquent. »
Flatté, Rousselet refuse à demi-mot.
Quitter Cherbourg est impossible
pour lui. « Je suis un contre-pouvoir
à l’extérieur, là-bas je serais noyé dans
la masse », reconnaît-il comme un dernier pêché d’orgueil. g
Les livres
de la semaine
P
o u r b i e n f a i r e, i l
conviendrait de lire en
mode stéréo : dans une
main, le livre du poète
Adonis ; dans l’autre celui de
Jean-Pierre Filiu. Le premier
fait le procès d’une violence
constitutive de l’islam depuis
ses origines. Le second raconte
les tentatives d’émancipation,
cette nahda (renaissance)
arabe telle qu’elle s’est manifestée au XIX e siècle, et les
forces qui l’ont jusqu’à maintenant contrecarrée.
L’islam
en
questions
Adonis est, depuis la disparition de Mahmoud Darwich,
le plus grand poète arabe vivant. Né en 1930 en Syrie, il a
tout connu, la proximité jeune
avec le pouvoir, les geôles,
l’exil au Liban, aujourd’hui
en France. C’est au nom de
cet immense parcours, de son
statut d’intellectuel mais surtout en tant que poète (donc
esprit essentiellement libre)
qu’il construit au long de ses
conversations avec la psychanalyste Houria Abdelouahed
son implacable réquisitoire
contre l’islam.
Pour lui, dès le VIIe siècle
de notre ère, l’islam s’est fondé
sur la violence et contre la
liberté. Pour deux raisons
parfaitement intriquées : 1)
Historiquement, l’islam fut la
croyance d’une tribu en guerre,
météo | 39
regards
jdd | 6 décembre 2015
à La Mecque, à Médine puis
sur le chemin de ses conquêtes,
de Bagdad à Cordoue et même
au-delà. 2) Théologiquement,
l’islam se présente comme le
troisième monothéisme qui
délivre des vérités ultimes
auxquelles le croyant n’a rien
à ajouter, encore moins à modifier.
Dans un texte moins simple
qu’il n’y paraît, Adonis s’oppose à l’idée que la violence serait marginale
dans le Coran
et qu’un islam
sectaire serait
le fait d’interprétations
ultérieures,
notamment
wahhabites.
Pour lui, c’est
une fermeture
originelle qui
explique l’impossibilité de
toute réforme spirituelle (à la
différence des autres monothéismes). Seule la mystique,
la poésie et les croyances préislamiques offrent la possibilité d’un humanisme.
Alimentée par l’apport
psychanalytique de Houria
Abdelouahed, la démonstration est brillante (notamment
sur les rapports de domination
hommes-femmes) mais il faut
la lire avec prudence. Ce dialogue n’a pas la prétention d’un
ouvrage total incluant les différentes nuances des nombreux
schismes de l’islam, il s’en tient
d’ailleurs pour l’essentiel au
courant dominant sunnite, tellement sûr de sa domination
spirituelle qu’à la différence
du chiisme, il ne se sentit pas
tenu d’instaurer un clergé.
Lire en même temps ou
dans la foulée Jean-Pierre
Filiu ne conduit pas, bien au
contraire, à atténuer l’appel
à la liberté de penser d’Adonis ; c’est se donner la possibilité de compléter la lecture
idéologique de l’islam par les
conditions concrètes de son
exercice. L’historien rappelle
comment de nombreuses tentatives de renaissance politique du monde arabe ont été
systématiquement ruinées
sous l’effet de forces diverses
(pas uniquement les puissances dominantes, France,
Angleterre, Turquie mais aussi
des forces politiques arabes).
C’est d’abord en Égypte et
en Tunisie (la première Constitution du monde arabe adoptée en 1861) que les premières
ouvertures virent le jour. En
Algérie, même après l’atroce
guerre qui opposa les troupes
françaises à celles de l’émir
Abdelkader, Napoléon III
envisagea l’instauration d’un
royaume arabe dont la destinée
aurait été confiée à Abdelkader. Un soulèvement arabe
parallèle à la
Commune de
Paris ruina le
projet et ouvrit la voie de
la répression
et de la colonisation systématiques.
De ces balbutiements jusqu’au démembrement actuel de la Syrie et
de l’Irak, le récit très complet
de Jean-Pierre Filiu donne le
vertige : tant de manœuvres,
tant de malheurs pour les
populations ! L’utilisation du
fondamentalisme à des fins
politiques (notamment dans
les rapports complexes entre
l’Égypte et l’Arabie) est loin
d’être une donnée récente. Et
l’idée que les dictatures civiles
ou militaires seraient d’utiles
remparts contre le djihadisme
ne résiste pas à l’examen.
On peut sortir accablé de la
lecture de ces deux ouvrages
et pourtant, Adonis et JeanPierre Filiu conservent l’espoir
(la certitude ?) qu’une renaissance spirituelle et politique
est possible dans ce MoyenOrient aux précipitations
explosives.
Malgré tout, Adonis
et Filiu conservent
l’espoir
qu’une renaissance
est possible
Patrice traPier
@patricetrapier
Violence
et islam,
adonis, Seuil,
190 p., 18 €
Les arabes, leur
destin et le nôtre,
Jean-Pierre Filiu,
La Découverte,
262 p., 14,50 €.
À lire aussi Le Livre III (Al-Kitâb),
d’Adonis, Seuil.
« Un nuage était venu, le soleil s’était caché,
la photo ratée. »
Extrait de « La Vie d’une vamp »
Hommage à Musidora,
décédée le 7 décembre 1957
5 Lille
13
Abbeville
7
13
Dimanche 6 décembre
Indice de confiance 5/5
10
14
11
15
Cherbourg
5
12
Brest
9
14
8
14
Rennes
Nantes
7
16
9
18
5
12
Dijon
Besançon
3
3
11 13
Tours
Clermont-Ferrand
5
14
Bordeaux
Biarritz
Toulouse
7
15
Ensoleillé Éclaircies Nuageux Couvert
- 10°/0° 1°/5°
Lundi 7
5/5
7
Nord 13
Sud
7
15
Mercredi 9
4/5
5
Nord 10
Sud
6
12
Vendredi 11
3/5
6
Nord 10
Sud
5
14
Nancy Strasbourg
4
4
11
12
Paris
Lyon
6
Grenoble
14
1
12
9
16 Nice
Marseille
11
Bastia
15
8
17
Pluie Orages
Neige
6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°
Mardi 8
5/5
7
Nord 12
Sud
7
15
Jeudi 10
3/5
Nord
Sud
4
9
4
13
Samedi 12
3/5
Nord
Sud
5
9
5
12
40 |
dimancheCulture
jdd | 6 décembre 2015
Claude Lelouch revient avec une formidable histoire d’amour, cinquante ans après « Un homme et
« Je suis un homme libre »
I
IntervIew
StéPhAniE BELPêChE
@StephBelpeche
l n’a pas changé. À 78 ans, Claude
Lelouch a toujours une étincelle
dans le regard, et une acuité rare
quand il s’agit d’évoquer le sentiment amoureux, sa spécialité
depuis cinquante ans. Il revient
avec Un + Une, comédie romantique
qui met en scène la rencontre entre
Jean Dujardin et Elsa Zylberstein
en Inde. L’occasion d’une interview
sans tabous sur la vie et la mort, les
tourments de la passion et les jeux
du hasard, la spiritualité et même
les attentats.
Encore une histoire d’amour ?
Oui, car ils sont soudain seuls
au monde et ne se comportent pas
de la même manière. Le voyage
force à regarder les autres. En
France, ils ne se seraient jamais
rencontrés… Jean incarne le dernier des machos, un type qui ne
pense qu’à sa gueule. Compositeur de musique de films à succès,
récompensé aux Oscars, il a tout.
À un moment donné, il faut payer
l’addition, c’est inévitable. Le personnage d’Elsa prend tout à cœur,
je lui donne raison : le courage des
femmes ne cesse de m’épater. Jean
et Elsa se courent après pendant
deux heures, mais le temps sait des
choses que nous ignorons. Il faut
lui faire confiance.
Je n’y suis pour rien ! Jean DuUn + Une, c’est une formule
jardin et Elsa Zylberstein, durant un
mathématique ?
trajet en avion, ont passé leur temps
Celle de l’humanité.
à parler de mon cinéma. Après l’atUn + Une = 7 milliards de gens. Il
terrissage, ils m’ont appelé pour me
y a cinquante ans, je tournais Un
demander si je n’avais pas un film à
homme et une femme. Je revisite
leur proposer. J’ai trouvé l’idée force sujet, auquel j’ai consacré ma
midable pour une raison : je ne les
carrière. Pour voir si j’ai appris
voyais pas ensemble. Les plus belles
quelques trucs entre-temps. Je me
histoires d’amour ne sont pas éviconsidère comme un reporter de
dentes. Je voulais montrer le coup
la vie, qui est la plus grande scéde foudre entre
nariste du monde.
deux personnes
Et je suis à sa disheureuses en méposition. Depuis
nage : lui avec une
ma mère, j’ai propianiste, elle avec
fondément aimé
un ambassadeur.
les femmes, elles
On peut assurer
m’ont façonné et
sa voiture, pas
fait grandir. J’ai la
son couple. Il faut
chance d’avoir eu
entretenir une
sept enfants avec
relation comme
cinq compagnes
un trésor. Ça de- « dePuis ma mère,
différentes.
mande du travail.
Croyez-vous
L’amour fonc- j’ai Profondément
au hasard ?
tionne comme une aimé les femmes,
Il joue un rôle
drogue dure, on en
essentiel. Plus fort
veut toujours plus. elles m’ont
que l’intelligence,
On est fidèle tant façonné et fait
trop pragmatique,
qu’on n’a pas dénitrouillarde, raigrandir »
sonnable et
ché mieux.
Avez-vous déjà
chiante. L’inconscient m’emmène ailleurs. Ce que
connu ce type d’attirance
je préfère ? Partir à l’aéroport et
irrépressible ?
Bien sûr, c’est chimique. Les
prendre le premier avion, quelle
promesses qu’on s’est faites à soique soit la destination. J’arrive
même, la morale qu’on peut avoir
dans un pays où je n’ai pas réservé
en tête et les clichés s’écroulent.
et c’est la fête. Pour ne pas m’enOn oublie tout. On a beau se dire
nuyer, j’ai décidé qu’il en serait
que ce n’est pas bien, on y va. Je
ainsi. J’ai eu le déclic après Itinésuis un homme libre. Comme mes
raire d’un enfant gâté (1988). Le
héros, qui ne s’interdisent rien. Je
héros quitte sa femme, ses enfants,
veux être témoin de tous les ricoson travail, tout ce qu’il a construit.
chets de l’amour qui n’a pas de
Il ressent un manque. Aller vers
mémoire. On redevient des adol’inconnu crée la surprise. L’avenlescents, on croit toujours que c’est
ture, c’est l’aventure ! [Rires.] Le
la première fois. Même en maison
hasard est le grand inventeur de
de retraite et en chaise roulante,
l’amour. Les sites de rencontres
on se pomponne ! J’ai souffert mais
en ligne sont contre-nature. Y aj’ai aussi connu le bonheur. La vie
t-il une part de divin là-dedans ?
est une forêt d’emmerdements. Il
êtes-vous mystique ?
faut profiter du présent. Plus on
Cela faisait des années que
se rapproche de la ligne d’arrivée,
mon entourage me conseillait de
plus on en a conscience.
me rendre en Inde. Là-bas, les
Vous aviez envie de faire le portrait
gens font preuve d’une générosité
extraordinaire, ils sourient tout
de Français à l’étranger ?
Un + Une iiii
De Claude Lelouch, avec Jean Dujardin,
Elsa Zylberstein, Alice Pol et Christophe
Lambert. 1 h 53. Sortie mercredi.
En Inde, Antoine, célèbre compositeur
de musique de films, rencontre Anna,
la femme de l’ambassadeur de
France. Il souffre de maux de tête,
elle désespère de tomber enceinte.
Ensemble, ils partent en pèlerinage
pour voir Amma, une femme capable
de faire des miracles… Claude Lelouch
marque son grand retour avec une
histoire d’amour, dont il a le secret,
en écho à Un homme et une femme
(1966) et Un homme qui me plaît
(1969). Avec une délicatesse inouïe,
le cinéaste nous emporte dans
un tourbillon de sentiments
authentiques, portés par un duo
À l’occasion d’un tournage en Inde, Antoine (Jean Dujardin), un compositeur insouciant, rencontre Anna (Elsa Zylberstein), en mal d’enfant.
le temps et expliquent pourquoi
ils acceptent leur condition sans
se plaindre : la prochaine vie sera
meilleure. En Occident, on rêve
tous d’aller au paradis. Mais on y
est ! On ne trouvera pas mieux que
la Terre, ses mers, ses montagnes,
un chef-d’œuvre qu’on a transformé en enfer. La vie est trop maligne
pour avoir inventé un truc aussi
stupide que la mort. Pas possible
que d’un seul coup tout s’arrête,
ça ne tient pas la route.
Comment avez-vous appréhendé
le tournage ?
J’ai réalisé Un + Une comme un
premier film, en prenant tous les
risques et sans avoir forcément
toutes les autorisations. J’étais
enthousiasmé par la photogénie
incroyable de l’Inde. Mais c’est
compliqué car les gens ne disent
jamais ni oui ni non. À tout moment
ils auraient pu nous renvoyer à Paris.
Le pays a senti que j’étais là pour de
bonnes raisons. Je suis tombé amoureux de l’Inde comme d’une femme.
Et toutes les portes se sont ouvertes.
d’acteurs qui n’ont jamais été
aussi bons : Jean Dujardin
et Elsa Zylberstein, saisissants de
naturel. Ce récit résolument positif
touche au cœur par les questions
qu’il soulève, tout en évitant
les écueils du genre. Une invitation
au voyage pleine d’humanité et de
tolérance, au souffle romanesque
qui fait du bien à l’âme. S.B.
J’ai tourné dans la continuité façon
reportage : Jean dans l’avion, attendant ses bagages, passant la douane.
Pas maquillé, il avait vingt heures de
vol dans les pattes et ça se voyait sur
son visage !
On sent une
improvisation
constante
à l’écran…
à hauteur des yeux, où se trouve
la vérité. Tout le reste, c’est du
pipeau. L’étreinte d’Amma est un
cadeau qui permet de faire le plein.
Ce qu’on ressent est indescriptible.
Après, on se met à réfléchir.
Un + Une arrive dans une France
meurtrie par les
attentats…
« Plus ça va mal,
Plus on a besoin
de s’administrer
une Piqûre de
comédie. Pour
retrouver le goût
de la vie et dire
merde à ces cons »
J’ai travaillé
avec une équipe
réduite et en
toute discrétion
grâce aux nouvelles technologies. J’avais plus
l’air d’un touriste
que d’un cinéaste.
Malgré un scénario très écrit,
j’autorise les sorties de route. Quand les acteurs
perdent le contrôle, c’est sublime.
Ils cessent de faire semblant et me
donnent accès à leurs cicatrices.
Vous avez rencontré Amma, cette
femme qui consacre son existence
aux autres.
La personne qui m’a le plus
impressionné au monde. Les
gens viennent la voir avec leurs
problèmes et leurs maladies, mais
la tête haute. Elle commence par
leur sourire, puis elle les serre dans
ses bras. Sa religion, c’est l’amour.
J’y suis allé un peu à reculons, il y a
tellement d’escrocs et de gourous.
Mais quand j’ai croisé son regard,
j’ai su qu’il n’y avait pas d’arnaque.
Voilà pourquoi je filme toujours
Et le drame de
Charlie Hebdo est
survenu au début
du tournage !
Deux malheurs
encadrent ce projet, je n’arrive pas
à l’analyser. Le
7 janvier, bizarrement, des forces
invisibles m’ont
donné l’envie de
me battre. C’est
maintenant que le long métrage
doit sortir, que le public a besoin
d’aller au cinéma. Pendant la
guerre, petit garçon, c’est ce que
je faisais. Dès que l’alerte retentissait, je me rendais dans un abri
ou le métro, j’y restais une heure
ou deux, je revenais et la séance
reprenait là où elle s’était arrêtée.
Les spectacles n’ont jamais autant
marché que sous l’Occupation.
Plus ça va mal, plus on a besoin
de s’administrer une piqûre de
comédie. Pour retrouver le goût
de la vie et dire merde à ces cons.
Où étiez-vous le 13 novembre ?
À Beaune. Je venais d’inaugurer mon école de cinéma et
de présenter en avant-première
Cinéma | culture | 41
jdd | 6 décembre 2015
On aime Passionnément iiii Beaucoup iiif Bien iiff Un peu ifff Pas du tout ffff
une femme »
Voyage L’impossible retour
au bout
de l’enfer
Back Home iiff
De Joachim trier, avec isabelle Huppert,
Gabriel Byrne et Jesse eisenberg. 1 h 49.
Sortie mercredi
Un film d’animation pour
adultes épique qui mêle
fiction et réalité
Cafard iiif
De Jan Bultheel, avec Benoît Magimel,
Jean-Hugues Anglade, Julie Gayet.
1 h 26. Sortie mercredi.
BAptiSte tHion
À l’origine du film, il y a une histoire vraie. Celle d’une odyssée
sur fond de tragédie. Pendant la
Première Guerre mondiale, les
engagés volontaires du régiment
d’élite belge ACM (Autos-CanonsMitrailleuses) n’affrontèrent pas
seulement l’ennemi. Ils assistèrent
à la révolution russe, traversèrent
la Sibérie, puis rallièrent les ÉtatsUnis en bateau avant d’enfin rentrer
chez eux. Une épopée que le réalisateur Jan Bultheel a découvert dans
l’ouvrage Voyageurs de la Grande
Guerre, d’August Thiry et Dirk Van
Cleemput. Elle lui a inspiré Cafard,
son premier long métrage : l’aventure, fictive cette fois, du lutteur
Jean Mordant. Elle débute en 1914,
à Buenos Aires, où l’athlète savoure
son titre de champion du monde
fraîchement acquis. Un bonheur
de courte durée : il apprend bientôt
qu’à Ostende, en Belgique, sa fille a
été violée par des soldats allemands.
Fou de rage, il rejoint le bataillon
ACM avec son entraîneur et son
neveu pour se venger.
La traversée du pays va se révéler épique. Prod
mon film. Nous étions en train de
dîner quand Jean a vu les nouvelles
sur son téléphone. J’ai cru à une
plaisanterie de très mauvais goût.
Notre époque est plongée dans la
confusion. On ne sait même plus
à qui on fait la guerre, où se situe
l’ennemi, on ne l’a pas cerné, on lui
donne des noms abstraits comme
Daech. D’habitude, des soldats se
battent contre d’autres soldats. Là,
ce sont les idées qui s’affrontent et
en plus elles ne sont pas claires.
L’univers a donné un coup d’accélérateur dans tous les domaines,
de l’écologie à la communication.
Les SMS et les e-mails, des armes
de lâches, tuent le contact humain.
Notre société est devenue très susceptible, dépourvue d’humour.
On ne peut plus parler des Juifs
et des Arabes, de la gauche et de
la droite, sans se mettre en colère.
La crise, globale, va être longue
et faire beaucoup de dégâts. Je
reste optimiste. Derrière les plus
grandes catastrophes il y a eu des
progrès majeurs.
Un graphisme très BD
À l’instar du dernier Tintin
ou d’Avatar, Cafard a été tourné
en motion capture, technique qui
permet de restituer les émotions
des acteurs en enregistrant leurs
mouvements et expressions. Benoît
Magimel, Jean-Hugues Anglade
et Julie Gayet n’ont donc pas seulement prêté leurs voix aux personnages, ils les ont incarnés. Mais
le style graphique qui habille le
film est bien éloigné de celui d’un
Spielberg ou d’un Cameron. Les
références du réalisateur belge sont
plutôt Muñoz & Sampayo, Tardi ou
Hugo Pratt, maîtres de la BD pour
adultes. Le résultat : un mélange de
réalisme et d’abstrait, de fluidité et
d’imperfections qui peut dérouter
de prime abord, avant d’hypnotiser par les aplats de couleur et les
formes improbables qui rehaussent
le romanesque du récit. Celui d’un
héros ordinaire, témoin et acteur
d’un monde en pleine mutation,
dont les idéaux sont mis à mal par
la guerre et l’absurdité des hommes.
« De Borges, j’ai appris à raconter
la vérité comme si c’était un mensonge », disait Hugo Pratt. Avec
Cafard, Jan Bultheel perpétue la
tradition tout en innovant. g
De quoi nourrir un prochain long
métrage ?
La Treize Intime Conviction,
douze sketches de dix minutes
qui n’ont rien à voir les uns avec
les autres et qui se retrouvent
tous dans l’épilogue qui donne la
solution de l’énigme. Je m’interroge sur ce qui reste en chacun de
nous après avoir écouté tous les
discours. Dans une cour de justice,
malgré les preuves, doit-on se fier
à son instinct ? g
Benoît Magimel, Jean-Hugues Anglade
et Julie Gayet prêtent leurs voix aux
personnages de « Cafard ». Prod
Peu de temps après avoir renoncé
à son métier de reporter de guerre,
Isabelle meurt dans un accident de
voiture. La célèbre photographe,
qui a parcouru le monde, laisse
un mari et deux fils inconsolables.
Trois ans plus tard, ils tentent toujours de se reconstruire. Une galerie
consacre une grande exposition au
travail d’Isabelle… Sept mois après
L’Épreuve, de son compatriote Erik
Poppe, avec Juliette Binoche, qui
abordait à peu près le même sujet,
Joachim Trier s’interroge sur
l’explosion de la cellule familiale
lorsqu’un de ses membres est soumis à une passion, et en l’occurrence
Isabelle Huppert et Gabriel Byrne. Prod
à une vocation aussi dangereuse que
couvrir les zones de conflit. Ironie
du sort, Isabelle ne disparaît pas
sur le terrain, mais de retour à la
maison, où elle ne se sentait visiblement pas à sa place. Le réalisateur
norvégien parle avec délicatesse des
dommages collatéraux de l’absence,
du travail du deuil, de la communication difficile entre un père
(Gabriel Byrne, très digne) et ses
enfants, avec lesquels il cherche à
se réconcilier. En fantôme du passé,
Isabelle Huppert est magnétique.
Dommage que ce drame manque à
ce point d’émotion. S.B.
42 | culture | cinéma
JDD | 6 décembre 2015
On aime Passionnément iiii Beaucoup iiif Bien iiff Un peu ifff Pas du tout ffff
Des Américains à Marrakech
Sous haute surveillance policière, le Festival de cinéma marocain fait le plein d’invités
avec Francis Ford Coppola, président du jury, sa fille Sofia, et l’hommage à Bill Murray
En sallEs
mErcrEdi
Au cœur de l’océan
ifff
De Ron Howard. 2 h.
Danielle aTTali
Vendredi, lors
de la cérémonie
d’ouverture
de sa quinzième
édition,
le festival
marocain a
honoré Bill
Murray pour
sa carrière,
en présence du
président du jury
Francis Ford
Coppola,
sous le regard
amusé de sa fille
Sofia.
@danielleattali
« Un acte de foi politique et culturel. » C’est ainsi que Daniel Toscan
du Plantier le considérait. Ces mots
résonnent toujours avec une acuité
particulière, presque un mois après
les attentats de Paris. Le Festival
de Marrakech a bien ouvert ses
portes vendredi soir sous haute
surveillance, à peine deux semaines
après celui de Carthage en Tunisie. « Il y a toujours eu beaucoup de
sécurité à Marrakech, et plus encore
cette fois, explique Mélita Toscan du
Plantier, directrice de la manifestation depuis la disparition de son
mari, Daniel, en 2003. C’est normal.
La sécurité est primordiale. Des procédures ont été mises en place. Pour
autant, il faut que le festival, ouvert
au public, reste fluide et accessible. »
L’événement cinématographique
le plus important de l’Afrique
Vendredi soir donc, l’ambiance
était plutôt sereine, les personnalités nombreuses, dont Francis
Youssef Boudlal/
reuters
Ford Coppola, président du jury,
entouré de son équipe dont Naomi
Kawase, Sergio Castellitto, JeanPierre Jeunet et Sami Bouajila.
« J’ai appelé chaque membre du
jury un par un pour les rassurer,
explique-t-elle. Beaucoup de gens
nous ont téléphoné. Mais il y a eu
très peu de désistements, environ 5
pour 400 invités. Le roi du Maroc,
qui prône un islam modéré, tient
énormément à ce festival, qui ac-
UnE cEntainE dE films En UnE sEmainE
c’Est lE film dE de Barry Levinson
Rock The Kasbah (ne pas confondre
avec deux autres films avec le
même titre, sortis en 2012 et 2013)
qui a ouvert vendredi soir les
festivités, et dans lequel joue Bill
Murray. L’occasion de lui rendre
hommage par la voix de Sofia
Coppola, avec qui il a tourné Lost in
Translation. Pour Bruno Barde,
coorganisateur et sélectionneur de
la manifestation depuis onze ans :
« On est là pour affirmer la culture
face à des terroristes qui n’en veulent
pas. Aujourd’hui, l’important est de
présenter des films qu’on aime,
venus du monde entier, dont le
Maroc. Mais la géographie passe
après la qualité. » Une centaine de
longs métrages seront donc projetés
cette semaine, et parmi les 15 en
compétition, sept sont des premiers
films. Le pays invité, le Canada, a
débarqué, fort d’une délégation
présidée par le cinéaste Atom
Egoyan, dont le remarquable
Remember sortira le 24 février
en France.
Du 4 au 12 décembre :
festivalmarrakech.info
cueille toutes les nationalités, toutes
les cultures. »
La chance, cette fois, est sans
doute d’avoir eu affaire à Francis
Ford Coppola. « Après les attentats, il est resté droit dans ses
bottes, poursuit Mélita. Nous nous
sommes appelés et il m’a déclaré :
“Tant que vous me dites qu’il n’y a
pas de danger, je n’ai aucune raison
d’annuler. Non seulement, je vais
venir, mais en plus avec ma fille
Sofia, qui veut absolument être là
pour rendre hommage à Bill Murray.” Du coup, il a rassuré tout le
monde. Les autres jurés se sont
dit : “Si lui qui est américain n’a
pas peur, nous non plus.” Quant
à moi, je suis fière de défendre cet
événement cinématographique,
qui est le plus important de toute
l’Afrique. Il était impensable d’annuler. On n’y a même pas pensé. »
Il faut dire que la manifestation
a affûté sa résistance puisqu’elle
est née quelques jours après les
attentats du 11 septembre 2001.
« Défendre des valeurs
universelles »
« Je me souviens à l’époque de
l’horreur et de la sidération qui
nous avaient submergés pendant
48 heures, explique la directrice.
On ne savait pas quoi faire, quoi
dire. Les événements internationaux étaient bien plus importants
que notre festival, sur lequel on
avait travaillé pendant un an. »
Cette année-là, Marrakech enregistre une vague d’annulations sans
précédent. Tous les Américains,
en état de choc, se désistent. Mais
le roi décide de le maintenir. « Sa
décision d’alors nous a fascinés par
ce qu’elle montrait de sa volonté politique, et agréablement surpris car
nous n’étions plus sûrs de rien. Nous
avons alors activé tous nos réseaux,
téléphoné aux cinéastes, acteurs,
actrices jour et nuit. Jeremy Irons
est venu, mais aussi Omar Sharif,
Youssef Chahine, Claude Lelouch,
Charlotte Rampling… Ça a été un
moment de très forte solidarité entre
les participants. On voulait montrer
qu’en terre musulmane, toutes les
nationalités se retrouvaient pour
parler de cinéma et défendre des
valeurs universelles. » Pour preuve,
en 2003, elle reprend le flambeau
à la tête du festival : « J’étais une
femme, une Française, je n’avais
que 34 ans. Les Marocains m’ont
fait confiance. C’était de leur part
un message très fort. » g
Thomas Nickerson, dernier
rescapé du baleinier Essex,
raconte à l’écrivain Herman
Melville la tragédie vécue en
1820 par tout l’équipage,
obligé d’abandonner le navire
coulé par un énorme cachalot
et poursuivi à travers toutes
les mers par la bête. Ron
Howard revisite l’histoire qui a
inspiré Moby Dick sans
parvenir à nous faire chavirer
d’émotion, hésitant entre le
spectaculaire et le film de
survie. Les flash-back
n’arrangent pas les choses. Et
puis le sort réservé aux
pauvres cétacés à l’époque est
tellement horrible qu’on est
immédiatement du côté de
Moby Dick ! B.T.
Belle et Sébastien :
l’aventure continue
iiff
De Christian Duguay. 1 h 37.
Sébastien a 10 ans désormais,
et l’affection qu’il voue à Belle,
son amie à poils blancs,
demeure indéfectible. La
Seconde Guerre mondiale
terminée, Angelina, sa
cousine, rentre au village,
mais son avion se crashe. Tous
sont convaincus du décès de la
jeune femme, sauf le garçon
et son grand-père, César
(Tchéky Karyo, parfait en
montagnard bourru). La
recette est rodée : un héros
intrépide, de nombreuses
péripéties, beaucoup de
naïveté et une pincée
d’humour. La montagne, trop
sublimée, donne parfois
l’impression d’un décor factice.
Reste un conte à l’intrigue un
peu convenue mais charmant,
qui séduira les plus jeunes.
Bap.T.
Vue sur mer ifff
De et avec angelina Jolie. 2 h.
Un couple d’Américains passe
ses vacances dans une ville
balnéaire du sud de la France.
Tandis que lui tente de trouver
l’inspiration pour son prochain
roman au bistrot du coin, elle
s’ennuie dans sa chambre
d’hôtel. Jusqu’au moment où
elle découvre un trou dans le
mur qui lui permet d’assister
aux ébats du jeune couple de
la chambre voisine. Dix ans
après leur rencontre sur le
tournage de Mr & Mrs Smith,
Angelina Jolie et Brad Pitt
s’amusent à jouer les voyeurs
libidineux dans ce drame
conjugal faussement
sulfureux, qui lorgne du côté
de l’ambiance délétère d’un
film de Bergman mais ne
raconte rien d’intéressant.
B.T.
jdd | 6 décembre 2015
cinéma | musique | culture | 43
en salles
mercredi
Béliers iiff
De Grímur Hakonarson. 1 h 33.
Dans une vallée oubliée
d’Islande, deux frères ne
se parlent plus. Ils sont
pourtant voisins et liés par
la même activité, l’élevage
de moutons, soudain
menacé par une épidémie
de tremblante… Paysages
magnifiques, colosses barbus,
bêtes attendrissantes : avec
ses ingrédients inattendus, ce
drame rural ne crée vraiment
la surprise que sur sa toute
fin. Mais le dépaysement est
garanti. Al.C.
Comment c’est loin
iiff
De et avec Orelsan et Gringe. 1 h 30.
FANNY LAToUr LAMBErT
La révélation
Feu ! Chatterton
Rabibochant slam et électro,
ironie et poésie, le jeune combo
rock parisien fait sensation
sur scène et sur disque
AlExiS CAMpiOn
Orelsan et son compère Gringe. Prod
À Caen, Aurélien et Gringe
vivotent entre glande intensive
et rap. En panne d’inspiration,
le duo n’a plus enregistré un
seul morceau depuis cinq ans.
Jusqu’au jour où leur
producteur lance un
ultimatum : ils ont 24 heures
pour écrire un tube, ou il leur
coupe les vivres. Le rappeur
Orelsan adapte dans ce
premier long métrage son
excellent et drolatique album
concept enregistré avec son
complice Gringe (Casseur
Flowters). Si l’humour est
toujours présent, il se fait plus
feutré pour laisser place à une
chronique douce-amère sur
une jeunesse coincée entre
immaturité chronique et
difficulté à assumer ses
ambitions artistiques comme
ses rêves de gloire. Touchant,
malgré quelques maladresses.
E.M.
Suburra ifff
De Stefano Sollima. 2 h 15.
Elio Germano. Prod
À Suburra, quartier mal famé
de Rome, le monde de la nuit,
le pouvoir politique, la mafia
et l’Église s’entrecroisent de
façon incestueuse sur fond de
projet immobilier. Déjà
réalisateur des séries Gomorra
et Romanzo Criminale, Stefano
Sollima signe une saga
criminelle noire et austère, où
la violence et la corruption
avancent masquées.
Malheureusement, on s’y perd
un peu et la mise en scène
manque d’ambition. B.T.
Leurs influences communes vont
de Radiohead à Léo Ferré en passant par Led Zeppelin, le slam et le
jazz. Leur formule, elle, est résolument unique, affranchie de tout
cliché rock ou pop. Elle se cristallise autour du personnage d’Arthur
Teboul, auteur chanteur des textes
ensorceleurs et accidentés d’Ici le
jour (a tout enseveli), leur premier
album tout juste paru chez Barclay.
Ledit disque, enregistré dans les
conditions du live sur une console
ayant servi à David Bowie dans
un studio de Göteborg, en Suède,
baigne dans une ambiance rétrofuturiste. À lui seul, il rassemble
une douzaine de chansons oscillant
librement du rock tarabusté à la
poésie précieuse, évoquant en
vrac le lamentable naufrage du
Concordia en Italie, début 2012, une
Ophélie trucidée, des amoureux
suicidés, un Boeing d’une grande
majesté, DSK et le triple A, mais
encore les rives de Léthé chères à
Baudelaire, des « ecstas merdiques »
ou… une coloquinte au fond d’un
bocal. Le résultat est joyeusement
foisonnant, un poil désenchanté
mais plutôt énergisant. Et surtout
intrépide et disert, à l’image du
jeune Arthur Teboul.
Avec Éric Reinhardt
au Festival d’Avignon
Moustache fine, œil polisson
et voix éraillée, l’apprenti rocker
assume ses airs de dandy Belle
Époque, dont il joue avec humour,
conciliant avec naturel éloquence
et sauvagerie. « L’élan très pur de
l’adolescence, on a ça en nous mais
après, on en connaît les limites. Alors
il faut passer de la nécessité d’idéaliser cette impulsion à celle de s’en
moquer, en somme passer du premier
degré à l’ironie, du grave au léger. »
Il raconte s’être trouvé poète sur
les bancs du lycée, au moment où
il est devenu l’ami de Clément et
Sébastien, les deux guitaristes compositeurs de ce qui deviendra leur
groupe, « notre forteresse », plus
tard rejoints par Raphaël le percussionniste, et Antoine le bassiste.
« J’arrivais d’un collège du 20e arrondissement dans un prestigieux
lycée du 6e, où je devais m’accrocher,
Louis-Le-Grand. J’aimais le français et le mystère dans l’écriture. »
Il se souvient d’une nouvelle de
Vercors à laquelle il n’avait « rien
pigé », mais qui eut le don d’éveiller
sa curiosité. Sébastien, lui, se rappelle avoir savouré les premières
stances de son impétueux copain
en cours. « Il me chuchotait ses trucs
d’érotisme et de mort. On se sentait
subversifs, ça nous faisait marrer. »
Diplômés de haut vol dix ans après
– l’un en commerce, l’autre en physique –, les compères restent plus
que jamais liés et engagés dans
leur projet musical. « Mes études
de commerce m’ont servi à savoir ce
que je voulais éviter, et donc à précipiter les choses pour faire exister
le groupe », dit Arthur. Le choix fut
moins conflictuel pour Sébastien :
« La rigueur et la pensée exigées par
la physique m’ont sans doute aidé à
me rapprocher de la musique. »
Une semaine au Bataclan
En 2011, Feu ! Chatterton se
lance et trouve son drôle de nom
au détour d’une expo, tombant par
hasard face à un fameux tableau
préraphaélite anglais, La Mort de
Chatterton. Le parangon du poète
maudit, un jeune rouquin androgyne tout juste suicidé, semble
y dormir. On y sent comme une
odeur du poison, et des émanations
romantiques liant Alfred de Vigny,
Gainsbourg et Bashung, qui tous
ont chanté Chatterton.
Dès les premiers concerts, fort
des morceaux d’emblée cultes tels
Bic Medium, La Mort dans la pinède
et Harlem, leur réputation est sur
des rails. Elle les mène vite au Bataclan, où ils jouent une semaine
en première partie de Fauve, mais
aussi au Festival d’Avignon, où
ils créent un « concert littéraire »
autour du roman L’Amour et les
Forêts, d’Éric Reinhardt et en sa
présence au micro. Une expérimentation qu’ils aimeraient répéter. À condition qu’Arthur fasse
attention à sa voix : « Je me suis
découvert un kyste sur une corde
vocale en août, en pleine répétition.
On est inquiets mais l’opérer exige
trois mois d’arrêt. Alors on n’a rien
fait pour l’instant. » Si dangereux
soit-il, le succès n’attend pas. g
Ici le jour (a tout
enseveli) iiii.
CD, Barclay, 13,99 €.
Actuellement en tournée française et
une fois par mois à paris, au Trianon,
80 bd de Rochechouart (75018),
les 11 décembre, 27 janvier, 17 février,
7 mars, 4 avril, 11 mai. 22 € la place.
Rens. : 01 44 92 78 00.
44 | culture | art
JDD | 6 décembre 2015
La revanche de l’art
contemporain africain
Coffrets DVD, Blu-ray, CD…
Plein
Oubliés à la Fiac mais présents à Venise, les artistes contemporains africains ont le vent en poupe
et font parler d’eux, notamment à la fondation Cartier avec l’exposition « Beauté Congo »
Marie-anne KleiBer
@Makleiber
Tôt ou tard, le monde changera.
C’est le titre d’un grand tableau de
Monsengo Shula, exposé à la fondation Cartier, à Paris. Le peintre
congolais a réalisé une métaphore
« de l’Afrique qui va émerger, peutêtre pas tout de suite, mais elle va
émerger ».
Le peintre congolais fait partie
des artistes kinois présentés à la
fondation, dans la très jubilatoire
exposition « Beauté Congo » (19262015). L’événement a attiré plus
de 110.000 visiteurs depuis cet
été. En raison de son succès, il a
été prolongé de deux mois. « Ce
monument historique, esthétique
et politique », selon le commissaire
d’exposition, le galeriste et expert
André Magnin, devrait marquer
les esprits, comme l’ont fait « Les
Magiciens de la Terre » au Centre
Pompidou, en 1989, le sculpteur
Ousmane Sow sur le pont des Arts
en 1999, ou en 2005 à Beaubourg,
« Africa Remix ».
Qualité et diversité
de la production artistique
« Beauté Congo » ? Le signe d’une
plus grande visibilité et reconnaissance de la vitalité de l’art contemporain africain, pas du tout représenté
à la dernière Fiac mais bien présent
à la Biennale de Venise. Cet été, une
trentaine d’artistes venus du conti-
« Ata Ndele Mokili Ekobaluka » (Tôt ou tard le monde changera), du peintre congolais
Monsengo Shula. Florian KleineFenn
nent africain (sur 136 créateurs)
étaient invités. Sur la lagune également, le Ghanéen El Anatsui, qui
vit depuis des décennies au Nigeria,
a reçu un Lion d’or pour l’ensemble
de sa carrière. Ce tisseur-recycleur
de 73 ans crée de grandes tapisseries
miroitantes à base de capsules aplaties. Il est devenu l’artiste africain le
« plus cher » au monde, depuis la
vente en mai 2014 chez Sotheby’s
d’une de ces tentures ondoyantes
pour 1,2 million d’euros.
La très influente foire de Bâle
n’est pas en reste : en juin, le Béninois Georges Adéagbo présentait
un solo-show (une exposition
personnelle) de ces constellations arborescentes d’objets trouvés dans la rue. Enfin, à Paris, le
grand photographe-portraitiste
malien Seydou Keita (1921-2001)
sera à l’honneur au Grand Palais
en mars 2016.
« Une exposition comme “Beauté
Congo” génère de l’attention, et at-
tise même des convoitises de la part
de nouveaux acheteurs », explique
André Magnin, qui a commencé
à s’intéresser à ce continent, et
à Kinshasa, en particulier, il y
a plus de trente ans, lorsqu’il a
conseillé l’homme d’affaires Jean
Pigozzi, devenu depuis l’un des
plus grands collectionneurs d’art
africain. « Depuis cinq ans, poursuit ce spécialiste, il y a un engouement. Ce qui manque cruellement,
ce sont des foires dédiées, où l’on
apprend à reconnaître des noms.
Dans une grand-messe comme Bâle,
les artistes émergents disparaissent
dans la masse. Or il faut du temps
pour regarder une œuvre, l’argent
ne suffit pas. »
Depuis 2013, en même temps
que la Frieze de Londres, se tient
1:54, une foire d’art contemporain africain, lancée par Touria El
Glaoui, qui avait calculé que « dans
la Frieze, 0,05 % des artistes exposés venaient du continent ». « Une
aberration lorsqu’on connaît la qualité et la diversité de la production
artistique en Afrique, où des scènes
artistiques se développent de façon
enthousiasmante comme au Nigeria
ou au Maroc », juge-t-elle. 1 : 54 se
tient depuis cette année également
à New York.
Les artistes se font connaître
via les réseaux sociaux
À Paris, un événement de la
même ambition, « AKAA » (Also
Known as Africa), annulé à la suite
des attentats du 13 novembre,
est reporté d’un an. En 2014,
une vente d’art contemporain
africain s’est tenue chez Piasa,
avec un succès mitigé (60 % des
lots vendus). Pour l’écrivain,
cofondateur de la Revue noire et
curateur notamment d’« Africa
Remix », Simon Njami, il n’y a pas
« d’évolution soutenue en France ».
« Des moments de grande visibilité, comme en ce moment, puis le
désert pendant des années. Pour
que la tendance soit à long terme,
il faudrait qu’elle s’inscrive dans
une quotidienneté véhiculée par les
critiques, les musées et les galeries
(sur ce point, cela commence). »
La collectionneuse Gervanne
Leridon, à l’origine de l’exposition
« Lumières d’Afrique », qui s’est
tenue à Chaillot jusqu’à fin novembre *, estime que « la première
reconnaissance de l’art contemporain du continent viendra des collectionneurs africains, et ils ont commencé à jouer un rôle. Les artistes,
de leur côté, utilisent les nouveaux
médias et se font connaître grâce à
Facebook et aux réseaux sociaux. »
Et la jeune femme, qui vit entre
Paris et l’Afrique du Sud, d’ajouter : « Il est plus que temps que l’on
s’intéresse au gigantisme culturel
de l’Afrique, à l’art, mais aussi à
la mode et à Nollywood, le cinéma
produit au Nigeria ! Tout cela est
en train d’exploser. » g
Beauté Congo, fondation Cartier, Paris.
Jusqu’au 10 janvier.
rens. : fondation.cartier.com
* Une partie des œuvres est actuellement
exposée dans le salon eurostar, à la gare
du nord, Paris (75010).
CinÉMa
Xavier Dolan
Coffret, 5 DVD, TF1 Vidéo, 32,44 €
Il est l’un des réalisateurs
les plus doués de la nouvelle génération. Depuis sept ans et en cinq films,
le Canadien Xavier Dolan, 27 ans,
invente un cinéma à fleur d’émotion
aux sujets ambitieux et à la mise en
scène inventive et audacieuse.
Les frères Coen
Coffret, 7 DVD, StudioCanal, 34,99 €
Une sélection qui montre le
talent caméléon de ces deux frères
touche-à-tout. Ils revisitent le polar
avec leur premier film, Blood Simple ;
se font les spécialistes de la comédie
loufoque avec The Big Lebowski et
Burn After Reading ; explorent les
affres existentielles avec Barton
Fink et A Serious Mind ; se prennent
pour Frank Capra avec Intolérable
Cruauté, et s’essaient même au film
musical avec Inside Llewyn Davis.
Jane Campion
Coffret, 12 DVD, TF1 Vidéo, 119,99 €
Elle méritait bien ça ! En plus de
vingt-cinq ans, elle s’est imposée
comme l’une des cinéastes les plus
audacieuses. Faisant jouer du piano
à Holly Hunter sur la plage dans
La Leçon de piano ; transformant
Nicole Kidman en aristocrate dans
Portrait de femme ; tâtant de la perversion dans In the Cut et s’essayant
avec brio à la série télé avec Top of
the Lake. Tous ses courts en bonus.
Andreï Zviaguintsev
Coffret, 4 DVD, Pyramide Vidéo, 40 €
Avec Le Retour (2003, Lion d’or
à Venise), Le Bannissement (2007,
prix d’interprétation masculine à
Cannes), Elena (2011, prix Un certain regard) et Léviathan (2015, prix
du scénario à Cannes), Andreï Zviaguintsev a illuminé le cinéma russe
des années 2000. Ces quatre films
essentiels, ici présentés avec des
entretiens et des making-of, constituent déjà une œuvre de référence,
profondément lucide et actuelle.
Belmondo par Belmondo
Coffret, 10 DVD, StudioCanal, 69,99 €
On n’est jamais mieux servi que
par soi-même ! C’est donc notre
Bébel national qui a choisi les dix
films, à ses yeux, emblématiques
de sa carrière, d’À bout de souffle à
Itinéraire d’un enfant gâté, en passant par Un singe en hiver, L’Homme
de Rio et L’As des as. Il confie ses
souvenirs de tournage dans un
livret illustré de 16 pages.
Charlie Chaplin
Coffret, 18 DVD, TF1 Vidéo, 99,90 €
Les 11 longs métrages du réalisateur anglais réunis pour la première
fois dans un coffret ! Enrichis de
quinze heures d’archives rares, de
scènes coupées et d’un documentaire retraçant la vie et le travail du
cinéaste.
Lumière !
Coffret, France Télévisions, 19,99 €
Cent quatorze films restaurés
des frères Lumière racontent la
naissance du cinéma. Un bonheur
absolu pour cinéphiles. Interviews,
inédits, documents rares. Les commentaires de Bertrand Tavernier et
Thierry Frémaux accompagnent
cet ensemble exceptionnel.
cadeaux | culture | 45
jdd | 6 décembre 2015
Les Revenants
Notre sélection à mettre sous le sapin
les hottes !
Coffret, 6 DVD, StudioCanal, 39,99 €
Une sélection
du service culture
L’une des meilleures séries
françaises. Plongez dans l’atmosphère glauque et addictive de ce
village où les morts affrontent les
vivants et tentent de retrouver leur
place dans la communauté.
Game of Thrones
Coffret, 16 DVD, Warner Video, 79,99 €
L’occasion de retrouver la série
dans son intégralité et de saisir tous
les enjeux politiques et de pouvoir
qui agitent les multiples personnages de cette saga d’heroic fantasy.
Sherlock
Coffret, 6 DVD, France Télévisions, 29,99 €
Pour le jeu tout en finesse de
Benedict Cumberbatch, qui a su
moderniser le détective créé par
Arthur Conan Doyle, et ses rapports
un brin tordus avec Watson.
MUSIQUE
Arthur H - Mouvement
perpétuel
Polydor, 18 CD, 69,99 €
Jacques Graf pour le JDD
Sacré Graal
Coffret Blu-ray, édition limitée, Sony,
49,99 €
Il y a quarante ans, ils faisaient
exploser de rire la planète en revisitant les aventures des Chevaliers
de la Table ronde. Pour fêter l’événement, les Monty Python ont
ajouté quelques bonus hilarants
au DVD : une session inédite de
questions-réponses, un bêtisier
en version longue, un petit film
éducatif restauré, Que faire de
vos noix de coco, une catapulte et
des animaux de la ferme en caoutchouc pour rejouer l’inoubliable
attaque du château fort.
Le Corniaud
Édition limitée, StudioCanal, 89,99 €
Depuis cinquante ans, la scène
de l’accident entre Bourvil et Louis
de Funès amuse des générations de
spectateurs. Un tel anniversaire
méritait bien une version restaurée du film de Gérard Oury et un
documentaire inédit de Dominique
Maillet sur le tournage. Le tout
réuni dans un coffret exceptionnel
comprenant en plus un scénario
original annoté par le réalisateur,
une lettre que François Truffaut
lui avait adressée et une sélection
d’articles de presse assemblés par
sa maman.
Amy
Coffret collector, TF1 Vidéo, 29,99 €
Un bel hommage à la « diva
de la soul » avec ce documentaire
riche en archives inédites et présentant des films de famille jamais
vus. En bonus : Amy Winehouse
en studio interprétant trois titres
en version acoustique, un tee-shirt
exclusif et un livret de 36 pages.
Sorcerer
Édition ultime Blu-ray, Wild Side Video/
La Rabbia, 39,99 €.
Après sa ressortie en salles
en juillet, le chef-d’œuvre de
William Friedkin fait l’objet d’un
magnifique coffret comportant
la reproduction du scénario original annoté par le réalisateur
américain et un livret retraçant
le tournage apocalyptique. Côté
bonus, sa conversation avec un de
ses plus fidèles disciples, Nicolas
Winding Refn.
POUR LES PETITS
Shaun le mouton, le film
Coffret collector, StudioCanal, 19,99 €
Après Wallace & Gromit et les
poulets de Chicken Run, les studios Aardman nous embarquent
dans les aventures de Shaun,
un petit mouton débrouillard,
qui, avec ses compagnons de la
ferme, se retrouve pourchassé
par un agent de la fourrière. Le
making-of du film et la figurine
dotée d’une tête à ressort feront
rigoler sous le sapin.
Le Petit Prince - Voyage vers
les étoiles
Ludonaute, 28 €
Pour retrouver l’intemporelle
aventure du héros d’Antoine
de Saint-Exupéry, découvrez
le long métrage d’animation de
Mark Osborne, qui revisite avec
poésie les péripéties du garçonnet de l’astéroïde B612 (Paramount, 19,99 €), relisez le roman
illustré par les images du film
(Le Petit Prince raconté aux enfants,
Gallimard Jeunesse, 8,90 €) et envolez-vous à la rencontre du héros
avec un jeu de parcours où l’aviateur le plus malin l’emportera !
Le Roman de Renart
INA, 19,99 €
L’INA a eu la bonne idée de
rééditer le magnifique Roman de
Renart réalisé par Richard Rein en
1974. En 18 épisodes de cinq minutes,
il figure à travers de belles marionnettes filmées en stop motion (image
après image) les aventures de maître
Renart et ses multiples ruses face à
son terrible ennemi, le loup Ysengrin. Une série culte avec Maxime
Le Forestier au générique et un duo
de voix mythiques : celle grinçante
et enveloppée d’Henri Virlogeux
pour le Goupil et celle caverneuse
et claudélienne d’Alain Cuny.
Tex Avery
Coffret, 5 DVD, Warner, 33 €
L’intégralité des cartoons réalisés par le créateur de Droopy
entre 1942 et 1955. Avec, en bonus,
des dessins originaux, un documentaire et un livret expliquant
le travail de l’artiste.
Trotro
Coffret, 4 DVD, 19,99 €
Les aventures du petit âne gris
qui ne manque pas une occasion de
faire des bêtises avec ses meilleurs
amis Lili et Boubou.
L’ours Paddington
Coffret, 3 DVD, StudioCanal, 19,99 €
L’intégrale de la série anglaise
avec ses personnages en papier et
son héros à poils qui ne se sépare
jamais de son manteau bleu et de
son chapeau noir. Sans oublier le
film à succès sorti l’an dernier.
SÉRIES
Downton Abbey
Coffret, 40 DVD, Universal, 69,99 €
Dans quelques semaines, le
manoir des Crawley aura définitivement fermé ses portes, la
sixième et ultime saison s’achevant samedi prochain sur TMC. Il
n’est pas trop tard pour découvrir
l’univers délicieusement suranné
de l’aristocratie des années 1920 et
les intrigues entre domestiques de
cette série anglaise élégante.
En plus d’une intégrale de
11 albums studio et 4 live, ce
coffret comporte 3 CD inédits :
Surprises, Retrouvailles et Transformations. Pour les amateurs de
la poésie rauque d’Arthur H. On y
trouve un livret de 48 pages avec
des textes de Brigitte Fontaine et
Jean Fauque, mais surtout les notes
du compositeur sur la quarantaine
d’inédits qu’il dévoile ici.
Au cœur de Téléphone
Coffret, 10 CD, Parlophone, 84 €
Un coffret réunissant 10 CD publiés entre 1977 et 1984, soit l’intégrale du groupe. Avec en bonus deux
live, trois volumes d’inédits et des
raretés exhumées des archives du
groupe. Un livret retrace l’épopée du
quartet, reformé sans Corinne Marienneau sous le nom des Insus. g
46 | culture | lire
Leurs
guerres
JDD | 6 décembre 2015
Joyce Carol Oates Owen Sheers
Fred Kihn/adoc-photos ; patrice norMand/opale/leeMage
Les deux romanciers
s’interrogent sur les conflits
internationaux en racontant
l’histoire de familles confrontées
à la disparition de leur enfant
Marie-Laure DeLorMe
D
eux romans contemporains
sur la guerre. La porosité des
vies à l’heure de la mondialisation, les balles invisibles,
la complexité morale des
situations. Les styles respectifs
sont à l’opposé. L’auteur de Blonde
est dans le souffle, l’énergie, la folie
alors que l’auteur de Résistance est
dans la retenue, l’ellipse, la névrose.
Le héros d’Owen Sheers est passepartout ; l’héroïne de Joyce Carol
Oates est d’emblée bizarre. Mais la
trajectoire de leurs personnages est
similaire : ils fuient avant d’affronter.
Joyce Carol Oates (née en 1938, dans
l’État de New York) et Owen Sheers
(né en 1974, aux îles Fidji) sont dans
la fiction pure pour dire le réel. La
Cressida Mayfield de Carthage et le
Michael Turner de J’ai vu un homme
sont des caractères troubles. Ils sont
des observateurs à la fois proches et
loin des autres.
La violence et l’amour
Dans le roman de Joyce Carol
Oates, une enfant disparaît. Nous
sommes durant l’été 2005. La fille
cadette de l’ancien maire Zeno
Mayfield s’est volatilisée dans la nuit.
Les recherches battent leur plein
pour retrouver Cressida Mayfield,
19 ans, disparue aux alentours de la
ville de Carthage. « Tous les parents
le savent : il y a des enfants faciles à
aimer et des enfants qui réclament des
efforts. » Elles sont deux sœurs. Cressida Mayfield, renfermée, laide, intelligente, demande des efforts alors
que Juliet Mayfield, aimable, belle,
normale, ne demande aucun effort.
Le caporal Brett Kincaid, ancien
fiancé de la jolie Juliet Mayfield, est
le principal suspect. Il est un héros de
retour de la guerre en Irak. Le 11-Septembre a déterminé son engagement.
Il est revenu de la guerre, à 26 ans,
brisé physiquement et moralement.
Brett Kincaid a été retrouvé, dans un
semi-coma éthylique, au volant de
sa Jeep. Cressida Mayfield en était
secrètement amoureuse. La violence
et l’amour. Chacun des membres de
la famille réagit, à sa manière, à la
disparition de la fille mal-aimée.
C’est la guerre
qui a tué leur enfant
Dans le roman d’Owen Sheers,
une enfant disparaît. L’écrivain
Michael Turner a vendu le cottage
du pays de Galles, pour emménager à Londres, lorsque sa femme est
morte à l’âge de 34 ans dans le cadre
de son métier de reporter de guerre.
Caroline Marshall a été tuée par un
pilote de drone, alors qu’elle était en
reportage au Pakistan. Les jeunes
mariés avaient en commun un intérêt
apparentes. Ses personnages sont
pour la vie des autres. Explorer le
rongés par le remords. Michael Turmonde et raconter une histoire : une
ner se souvient à la fin des propos de
vocation, un métier, une nécessité.
son épouse sur la vérité : « Une histoire qu’on ne raconte pas demeurait
Mais là où le mari trouvait qu’il fallait
peser les conséquences de ses mots ;
enfouie, invisible mais bien présente,
l’épouse trouvait qu’il fallait ne s’intéimprégnant le sol autour. »
resser qu’à la révélation de la vérité
brute. À Londres, le veuf Michael
Comment devient-on adulte ?
Turner loue un appartement dans
Les deux romanciers s’attachent
un immeuble surplombant le parc de
aux séismes psychologiques de la
Hampstead. Il noue alors une solide
guerre pour dire : il n’y a jamais
amitié avec Josh et Samantha Nelde retour à la vie normale. Ils anason. Le couple habite une maison
lysent les effets souterrains de la
voisine de son appartement et a de
guerre sur les amours, la famille,
deux petites filles, Rachel et Lucy.
les proches. La construction est
Nous sommes durant l’été 2008. Le
virtuose. Ça se diffracte à l’infini.
couple Nelson explose quand Lucy
Un feu de brousse : on introduit la
est retrouvée morte à la suite d’une
souffrance dans une vie qui, à son
chute. Michael Turner était dans la
tour, l’introduit dans d’autres vies.
maison quand le drame a eu lieu, à
La violence, les souvenirs, le déséla recherche d’un tournevis prêté.
quilibre. La culpabilité d’y être allé,
Il aimerait dire au couple ce qu’il ne
la culpabilité de ne pas y être allé.
peut pas dire : c’est la guerre qui a
On peut avoir une lecture politique
tué l’enfant.
de ces deux romans sur les ravages
Joyce Carol Oates visite les couinfinis et concrets des conflits interloirs de la mort de la prison de haute
nationaux. Mais Carthage et J’ai vu
sécurité d’Orion, fait le portrait d’une
un homme sont, au final, des œuvres
héroïne passionécartelées sur le
née par les œuvres
de renonceUn feU de broUsse : désir
minimalistes de
ment, d’expiation,
M.C. Escher, suit on introdUit la
d’anéantissement.
une étrange sil- soUffrance dans
Les personnages
se sentent couhouette de retour
pables et leur
à Carthage sept Une vie qUi, à son
véritable guerre
ans après la dispa- toUr, l’introdUit
rition. Son grand
est là. Le journathème est là : la dans d’aUtres vies
liste et écrivain
Michael Turner
fuite, la rupture, la
fugue. Son héroïne se bat pour avoir
s’interroge : est-ce qu’il y a vraiment
une vie. « Elle n’avait pas d’existence
deux manières pour un homme de
propre. Depuis toute petite, c’était sa
venir au monde, avoir des enfants et
conviction. Elle était une surface réfléperdre ses parents ? Il va découvrir
chissante, réfléchissant la perception
qu’il y a bien d’autres manières de
devenir un adulte, comme d’assuque les autres avaient d’elle, et leur
mer la responsabilité de ses actes.
amour pour elle. » Owen Sheers
s’intéresse au dysfonctionnement
Joyce Carol Oates et Owen Sheers
du couple, donne un visage au comfont leur travail d’écrivain. Sous la
peau, ailleurs, au-delà des limites,
mandant Daniel McCullen coupable
dans le cœur du trouble. Les deux
d’avoir assassiné Caroline Marshall
avec un missile Fire and Forget sur
romanciers racontent une histoire.
une montagne du Pakistan, mainDes hommes et des femmes se reconstruisent, autrement, à la suite
tient le suspense jusqu’au bout. Sa
d’une perte. g
palette habituelle est là : le pays de
Galles, les traumatismes cachés de
la guerre, la question de la responCarthage, Joyce Carol Oates,
sabilité. Les protagonistes de J’ai vu
trad. Claude Seban,
un homme sont écrivain, banquier,
Philippe Rey,
pilote de drone, journaliste. Le ro600 p., 24,50 €.
mancier et poète britannique analyse
J’ai vu un homme, Owen
un monde déshumanisé où l’on peut
Sheers, trad. Mathilde Bach,
saccager la vie des autres derrière
Rivages, 352 p., 21,50 €.
un écran à l’abri des conséquences
lire | culture | 47
jdd | 6 décembre 2015
Les herbes
des dieux
chardon, le lierre, le noyer, le
rhododendron. La grenade est un
roman à elle seule, le pin parasol
Bernard Pivot
une tragédie. Le coquelicot
de l’académie Goncourt
symbolise la mort du guerrier.
Pourtant, en français, son nom
ébé, Zeus pleure, crie, hurle
rappelle le chant du coq.
si fort que Cronos, son père,
Explication : à Rome, un berger
alerté, viendra le dévorer.
poussait un cocorico chaque fois
Comment l’apaiser et le rendre
qu’un dieu possédait une nymphe
silencieux ? L’une des nourrices
dans la rivière. Agacé, Jupiter
court sur le mont Ida pour y
l’a transformé en coquelicot…
cueillir de petits fruits délicieux.
Pas de quinoa dans Le Jardin
Ils se colorent de son sang quand
des dieux. Normal, puisque c’est
les ronces égratignent les aréoles
une plante d’Amérique du Sud
de ses seins. C’est ainsi que les
précolombienne. Si le quinoa a
framboises sont devenues rouges.
nourri une mythologie, ce serait
Zeus aime leur couleur et leur
celle des Incas. Produit
goût. Les framboises lui ont
essentiellement par la Bolivie et
sauvé la vie.
le Pérou, il est l’une des quatre
Les mythologies grecque
grandes plantes alimentaires
et romaine font une place
du continent avec le maïs, les
considérable aux plantes, aux
haricots et les pommes de terre.
arbres, aux fruits. À travers eux
Seuls ces trois-là ont conquis le
la nature est associée à la vie
monde. Les grains de quinoa ne
des dieux et des déesses quand
faisaient pas le poids, si l’on peut
elle n’en est pas l’alliée ou le
dire, à côté des graines de riz.
handicap. Laure de Chantal s’est
On aurait donc pu croire à sa
faite l’historienne du Jardin des
disparition
dieux. Excellente
quand, « sorte
idée car, hormis
Deux livres
d’Edmond Dantès
Dionysos
au pays des
ou Bacchus
pour apprenDre
», il est
et la vigne, on est
comment associer céréales
réapparu en
bien en peine
force sur le
d’associer
végétation et
marché mondial.
spontanément
mythologie ainsi
C’est pourquoi
végétation et
Jean-Philippe
mythologie.
que l’histoire
Il y a des
Du quinoa avec ses Derenne
(L’Amateur de
« plantes
vertueuses »,
multiples recettes cuisine en 3
volumes) lui
comme le bleuet,
consacre un livre
qui guérit les
novateur et utile
blessures des
pour Tout savoir sur le quinoa.
immortels ; l’oignon, « aliment
Son histoire, sa composition,
démocratique » des hommes et
ses vertus. Son nouveau statut
des dieux ; ou le pavot, qui
de star de la cuisine mondiale.
redonne à Déméter le sommeil
Car c’est pour leurs qualités
qui l’avait fuie depuis la mort de
nutritionnelles que les grains
sa fille. « En souvenir de ce seul
minuscules du quinoa son
moment de calme dans ses
aujourd’hui tant appréciés.
tourments, la déesse des céréales
Protéines, lipides, glucides,
[…] accepte que le pavot pousse
vitamines, acides aminés
dans les champs avec les blés. »
essentiels, oméga 3… Pas de
Parmi les « plantes magiques »,
gluten. Ce vieux jeune homme
l’ail, grâce auquel Ulysse peut
latino-américain vient de
repousser la séduction mortelle
s’installer sur 1.000 hectares en
de Circé ; et la truffe, d’origine
Anjou et dans les pays de Loire.
mystérieuse, donc divine,
Mais comme il existe plus de
puisqu’on ne lui connaissait ni
3.000 variétés de quinoa, il faut
graine ni racine. Il y a aussi de
bien choisir celle qui sera
la magie dans le gui, la groseille,
le mieux adaptée au terrain
l’aubépine…
et au climat. L’auteur en a planté
Ah, l’amour ! Les plantes ne
dans son jardin…
sont pas toujours un gage de
Encore faut-il que le quinoa
félicité. L’héliotrope, par
conquière la gastronomie
exemple. La nymphe Clytie aime
française. Jean-Philippe
Hélios, le dieu du Soleil. Hélas !
Derenne s’y emploie en
C’est un séducteur, un amant
proposant 200 recettes de
volage. Il l’abandonne. Elle
soupes, salades, légumes farcis,
dépérit. Pris de pitié, les dieux lui
risottos, boulettes, viandes,
donnent la forme d’un héliotrope.
poissons, etc. Plus les
« Devenue fleur, elle regarde
préparations de quelques dieux
toujours en direction de celui
de la table, comme Alain
qu’elle aime encore, le Soleil. »
Ducasse, Akrame Benallal et
Se rappeler, quand on mange
Alain Passard. Le quinoa est un
une laitue, que sous ses feuilles
migrant auquel ce livre fournit
– c’étaient des laitues
papiers d’identité et carte
géantes ? – Aphrodite cachait son
étoilée. g
amant Adonis pour le soustraire à
la concupiscence de Perséphone,
Calliope et Apollon.
Le Jardin des dieux,
Enfin, Laure de Chantal
Laure de Chantal, préface
a recensé, sur les quelque
d’Alain Baraton,
80 plantes de son herbier
Flammarion, 225 p., 35 €.
mythologique magnifiquement
Tout savoir sur le quinoa,
illustré par Djohr, 18 plantes
Jean-Philippe Derenne,
dites « infernales ». On ne sera
Fayard, 572 p., 24 €.
pas surpris d’y trouver la ciguë, le
B
Beuriot et Richelle
La fin d’un monde
Le septième album de la série
« Amours fragiles » suit le
lieutenant Mahner, hostile
au régime hitlérien
JeAn-MAurice de MontreMy
Début 1944, le lieutenant Martin
Mahner, 33 ans, revient d’Ukraine,
où il a été blessé. Affecté à des
tâches administratives comme officier d’ordonnance, il ne se bat plus
au front. Comme la plupart des soldats allemands, Mahner éprouve
un soulagement – même s’il reste
marqué par ce qu’il a vu et vécu làbas. Hostile au régime depuis ses
années de lycée à Berlin, l’ancien
étudiant en lettres rêve d’en finir…
En finir avec la sale guerre qu’il sait
perdue ; en finir avec le Führer ;
en finir aussi avec le sentiment de
compromission que beaucoup de
militaires éprouvent : les doutes
et la dissidence intérieure n’ont
jamais ébranlé la discipline, y compris dans les combats les plus douteux. Aussi Mahner accepte-t-il
d’entrer dans le complot contre
Hitler dont son supérieur, le lieutenant-colonel Voigt est l’un des
participants.
En finir… se situe entre Berlin,
à moitié en ruines, et les paysages
du Brandebourg dans le magnifique domaine où vit la famille
sélection
JDD
5 Livres frAnçAis
un amour impossible,
Christine Angot, Flammarion.
Prix Décembre
La cache, Christophe Boltanski,
Stock. Prix Femina
ce cœur changeant,
Agnès Desarthe, L’Olivier.
Boussole, Mathias Énard,
Actes Sud. Prix Goncourt
Les Prépondérants,
Hédi Kaddour, Gallimard.
Prix de l’Académie française
5 Livres étrAngers
L’imposteur, Javier Cercas, Actes
Sud.
L’intérêt de l’enfant, Ian McEwan,
Gallimard.
sable mouvant, fragments
de ma vie, Henning Mankell, Seuil.
en toute franchise,
Richard Ford, L’Olivier.
délivrances, Toni Morisson,
Christian Bourgois.
Hors Liste
sauve qui peut la vie,
Nicole Lapierre, Seuil.
Prix Médicis Essai
(Liste composée par : Anne-Julie Bémont,
Marie-Laure Delorme, Nicolas Demorand,
Laëtitia Favro, Alexandre Fillon, Ilana
Moryoussef, Augustin Trapenard.)
d’un camarade de Fredi, caractéristique de la haute bourgeoisie
prussienne cultivée. Le père de
Fredi, un ancien général, partage,
lui aussi, l’état d’esprit des conjurés, mais pas tous les membres du
clan. Lorsque l’opération Walkyrie
échoue, Mahner doit fuir Berlin
sous une fausse identité. Ce dernier bel été est aussi la fin d’un
monde…
D’un bout à l’autre
de l’Europe en guerre
Le septième album de la série
« Amours fragiles » – dessins de
Jean-Michel Beuriot et scénario de
Philippe Richelle – confirme, s’il
le fallait, la qualité visuelle et littéraire d’un cycle commencé en 2011
et dont les albums paraissent à des
intervalles assez longs, témoignant
du perfectionnisme des auteurs.
En suivant Martin Mahner, le lecteur aura visité Berlin au temps
de l’ascension de Hitler ; Paris à
l’époque où de nombreux intellectuels allemands ont fui le nazisme ;
la Côte d’Azur, où Mahner se voit
affecté après l’invasion de la zone
« libre » et l’Ukraine, où la vraie
nature de la guerre se révèle.
La justesse de la documentation
historique et la finesse de l’analyse
politique n’empêchent pas cette
série d’être aussi, comme son titre
l’indique, une grande et belle histoire d’amours : celles de Mahner,
hanté par son amie Katarina, qui
s’est réfugiée en France dès 1933 et
qu’il y retrouve ; celles des autres
personnages, garçons et filles devenus hommes et femmes dont les
destins s’entrecroisent d’un bout à
l’autre de l’Europe en guerre.
À l’instar de Mahner, la narration
prend son temps, méditative, reflétant la perplexité de ce héros introverti qui observe plus qu’il n’agit et
dont les émotions maîtrisées, indignations ou chagrin, donnent à cette
fresque des années noires, paradoxalement lumineuse, sa richesse et
sa gravité. Le récit va et vient dans le
temps. Cette structure très élaborée
se confond au rythme du dessin et
des couleurs qui visent toujours à
l’essentiel et dont l’élégance soutient
la force du propos. Même si En finir…
comme chacun des albums, se suffit
à lui-même, on voit mal comment le
lecteur résisterait à l’envie de lire ou
relire l’ensemble depuis le premier
volume. g
En finir… Jean-Michel
Beuriot et Philippe
Richelle, 56 p.,
Casterman, 13,95 €.
48 | personnalités
JDD | 6 décembre 2015
Pierre Perret
« Henri IV serait très populaire »
Son texte « Ma France à moi »,
écrit dans la foulée des attentats
du 13 novembre, en a fait
une star de Facebook.
Rencontre avec le chanteur de
notre enfance, qui publie une
anthologie espiègle des grands
personnages de notre histoire
INTERVIEW
LUDOVIC PERRIN
@LPJDD
b FaCEbOOk
Un journaliste m’avait posé
la question : « C’est quoi, votre
France ? » J’ai couché ces quelques
lignes à la main et les ai données à
ma secrétaire : « Voilà, on met ça sur
Facebook. » Ça m’a pris un quart
d’heure. J’étais loin de penser que
ça intéresserait des millions de personnes. D’habitude, je postais des
nouvelles de mon chien Philou, mon
boxer, qui est né le même jour que
moi, le 9 juillet, quand il bouffe mon
gâteau d’anniversaire. Là, c’était un
cri du cœur. Je voulais parler de ma
France à moi, qui n’est pas celle qui
est en train d’advenir. C’est la France
des créateurs, des poètes, des surréalistes.
b bOURRE-PIF
J’avais 7 ans. C’est le premier
coup de poing que j’ai donné, alors
que je suis non-violent. Un gamin
avait traité un copain de « sale
macaroni ». Il avait dû entendre
ça chez lui. Ma France est celle
de l’intégration. Quand j’étais à
l’école, il y avait des Italiens, des
Espagnols, qui, tous, avaient fui le
fascisme. On se retrouvait dans une
configuration fraternelle. Je sais
le poids des mots. C’est une force
incontrôlable. Certains les manient
n’importe comment et d’autres
sciemment avec une mauvaise
intention, surtout dans les partis
extrémistes. Je ne conseillerais à
personne pour qui voter, mais il faut
faire gaffe avec certaines idées. Ça
pourrait nous coûter très cher. J’ai
eu peur pendant la guerre et j’ai de
Pierre Perret, fin novembre, à l’hôtel San Régis, à Paris. Jérôme mArs Pour le JDD
nouveau peur aujourd’hui. À mon
âge, je n’ai pas envie de devoir faire
mes valoches.
b À La CLaIRE FONtaINE
Les Animaux malades de la peste,
c’est une fable qui illustre bien notre
époque. Y a la peste, mais ce n’est pas
moi. Personne n’est responsable. On
pourrait aussi relire Molière (Tartuffe) ou bien 1984, Le Meilleur des
mondes… Et puis Cent Ans de solitude, de Gabriel García Márquez. Il
y a tout dedans : la guerre, l’amour,
la saga… Tous les maux de la terre.
Pour ma part, Lily me semble plus
que jamais d’actualité, avec tous
ces pauvres gens en transhumance
qui meurent en cours de route, La
bête est revenue ou bien Au nom de
Dieu : « Depuis la nuit des temps /
On s’étripe gaiement / Au nom de
Dieu/On continue pourtant / En
faisant toujours mieux / Il est jamais
content. »
b ROIS Et REINES
J’ai fait le portrait des grands
potentats qui nous ont gouvernés
pendant dix siècles. Aucun ne serait
allé se commettre sur les réseaux
sociaux. C’était des intouchables,
des dieux. Ils ne seraient pas allés
chez Ruquier ou Bourdin. Mais ils
avaient les mêmes travers que ceux
d’aujourd’hui : ils étaient dépendants de leur bonne femme. Les
trois quarts du temps, c’est elles
qui tiraient les ficelles. De Clovis
au dernier Napoléon, tous ont été
menés braguette ouverte : « Suismoi, Pépère, tu m’écoutes. » Et ils
écoutaient, même s’ils changeaient
souvent de cap. Celle qui réussissait
à détrôner la précédente reprenait
les rênes du pouvoir.
b UN ROI « LIké »
De nos jours, incontestablement,
Henri IV serait très populaire. C’était
un fédérateur terrible qui a su avec
intelligence tirer son épingle du jeu
dans un tas de situations délicates.
Il était débonnaire. Il aimait les
femmes, le pouvoir, la bonne chère.
Il était considéré, aimé. Il a fait des
choses pour son pays. Il reste le mec
le plus populaire de toute notre histoire, je crois. g
Les Grandes Pointures de l’Histoire,
Le Cherche-Midi, 384 p., 22 €.
lejdd.fr Notre interview vidéo
perso
Vanessa Paradis pense à la retraite
DANS LE DERNIER NUMÉRO
de Vogue, l’interprète de Joe le taxi
se livre longuement. Elle y évoque
son amour pour ses parents,
son amitié avec François-Marie
Banier (« Quand j’ai le moral à zéro,
ou si j’ai le sentiment de perdre pied
dans mes capacités d’artiste,
il me remonte le moral comme
personne ») ; ses dents du bonheur,
qu’elle a refusé de refaire justement
parce qu’elles lui portaient chance ;
le conseil que lui donna un jour
Johnny (« Ne crois jamais à ta
propre publicité, qu’elle soit bonne
ou mauvaise ») ainsi que la paire
d’escarpins, la robe que Marilyn
portait le jour de son divorce
et le petit mouchoir que la star
hollywoodienne avait brodé
adolescente pour sa mère, qui était
en hôpital psychiatrique, et qui
appartiennent désormais
à sa plus fervente fan française.
À 42 ans, l’ex-lolycéenne n’oublie
pas non plus de faire le point sur
l’amour et le boulot. L’amour :
« J’apprécie aussi le cœur en jachère,
les vacances de l’amour. Ça doit
m’être supportable parce que j’ai ai
été servie intensément. » Le boulot :
« Je suis professionnellement en
plein chantier. Pas en reconstruction
parce que rien n’est détruit mais
en plein chantier. J’ai besoin
de partager des aventures avec
d’autres artistes, de challenges […]
Concrètement, je ne suis pas une
Vanessa Paradis, cet été, lors
de la présentation des collections
haute couture de Chanel.
Domine-Poree-Wyters/ABACA
artiste qui écrit toutes ses chansons,
je ne réalise pas de films, je dépends
du talent et du désir des autres.
Peut-être qu’on désire moins un
artiste qu’on a sous les yeux depuis
près de trente ans. C’est comme
un vieux mariage. Seulement moi,
je veux continuer à susciter le désir
et à vibrer. Je sais que j’ai été pourrie
gâtée et que j’ai eu la chance
jusqu’ici de vibrer très fort. Je ne
supporterais pas de vibrer moins
fort. Je préférerais encore faire tout
autre chose. D’un autre côté, même
si je suis passionnée, je ne sais pas
si je me vois sur scène, derrière
un micro, à 60 ans. » Un peu tôt
pour y songer, non ? L.P.
téléVision | 49
jdd | 6 décembre 2015
On aime Passionnément iiii Beaucoup iiif Bien iiff Un peu ifff Pas du tout ffff
Ciné dimanChe
Sélection
de la semaine
JÉsus et l’islaM
Cette ambitieuse série documentaire
de sept épisodes met en lumière les
nombreuses passerelles qui relient
l’islam et le christianisme. Fidèle à
la veine sobre de leurs précédentes
séries (Corpus Christi, L’Apocalypse),
Gérard Mordillat et Jérôme Prieur
remontent le fil d’une histoire religieuse complexe. Face caméra, théologiens, historiens et scientifiques
révèlent les emprunts, influences,
interprétations communes mais
aussi les différences fondamentales
entre les deux religions du Livre. Un
document à la fois pointu et accessible, indispensable en ces temps de
crispations religieuses.
Richard Burton et Liz Taylor, qui ont tant défrayé la chronique, dans « Cléopâtre ».
Flic ou voyou iiff Pour mettre fin
aux crimes organisés à Nice, un policier
aux méthodes de voyou (Belmondo)
s’oppose à des flics ripoux. 20.55, W9.
Flashdance iiff L’un des films cultes
des années 1980. 20.45, Arte.
Jésus et l’islam, mardi à 20.55,
mercredi à 23.00, jeudi à 22.25, arte.
SIlvER SCREEn CollECtIon/Hulton ARCHIvE/GEtty ImAGES
Ils se sont
tant aimés…
Un documentaire foisonnant revient sur les destins
et les amours croisés des stars du 7e art
Éric Mandel
Il est un peu le Monsieur Loyal des
vedettes du cinéma et de la jet-set
internationale des glorieuses années 1950 et 1960. Un peu comme
Stéphane Bern incarne le chroniqueur des têtes couronnées souvent décapitées par les soubresauts
de l’Histoire. Avec Destins secrets
d’étoiles, Henry-Jean Servat livre
un documentaire à la fois léger
et plaisant à regarder, même s’il
souffre parfois de certaines longueurs et d’un ton à l’emphase
trop appuyée. Mais le journaliste
nourrit une passion sincère pour
ses étoiles toujours scintillantes
dans l’inconscient collectif et
l’imaginaire populaire.
Durant presque deux heures,
il raconte les destins croisés de
rois volages et de princesses célibataires en quête de chevaliers, de
comédiennes aussi glamour que
talentueuses : Grace Kelly, Marilyn
Monroe, Elizabeth Taylor, Brigitte
Bardot… Certaines ont démarré
leur carrière ensemble, ont été
complices, amies et rivales, se
sont croisées dans les mêmes
soirées et les studios de légende
(de Cinecittà à la Fox). Elles ont
aussi souvent aimé les mêmes
hommes. Ava Gardner et Grace
Kelly, les meilleures amies dans
la vie, s’étaient amourachées de
Clark Gable. Le milliardaire grec
Onassis avait pour maîtresses la
Calas et Ava Gardner. Grace Kelly
aima Gary Cooper, lequel eut une
aventure parisienne avec Gisèle
Pascal, ex-amoureuse du prince
Rainier…
Amours et intrigues autour
du Rocher
La liste est longue de ces
chassés-croisés amoureux. Elle
donne parfois le tournis. S’il se
délecte à conter les amours multiples et les intrigues de cœur, Servat alimente également son récit
d’anecdotes sur l’époque, les petites
manies de nos stars, ressuscite des
figures oubliées du 7e art. Il exhume
des images d’archives rares, comme
celles du prince Rainier de Monaco
filant le parfait amour, sans protocole ni paillettes, avec la fameuse
Gisèle Pascal, jeune et pimpante
comédienne qui avait deux défauts :
elle était roturière et accusée par
les autorités monégasques d’être
« polonaise, juive et stérile ». Après
des campagnes de dénigrement, le
Rainier fut contraint de rompre. Il
trouva finalement l’âme sœur grâce
aux émissaires d’Aristote Onassis.
Du glamour
et de la cruauté
Ce dernier, actionnaire principal de la Société des bains de mer
de Monaco, savait tout le bénéfice
que pourrait tirer la Principauté
d’un mariage princier avec une
star de cinéma. Le récit des prétendantes se révèle assez croustillant (Marilyn Monroe fut même
approchée, mais elle était baptiste
et non catholique). La suite est
connue : Grace Kelly en quête d’un
nouveau rôle allait devenir princesse et se faner peu à peu sous les
ors des palais monégasques. Côté
coulisses et petites intrigues, on
découvre les rivalités à couteaux
tirés entre Marilyn Monroe et
Elizabeth Taylor. Ces deux-là se
livrèrent une guerre sans merci
pour décrocher le rôle principal
dans Cléopâtre. Point commun,
elles s’étaient toutes deux converties au judaïsme pour épouser respectivement Arthur Miller et le
producteur Mike Todd.
Cette chronique en noir et blanc
d’un temps révolu, mais toujours
aussi fascinant, nous entraîne dans
une époque figée : chic, snob, superficielle, élégante à l’extrême et
voluptueuse. En un mot, glamour.
Cruelle aussi… Notamment quand
Henry-Jean Servat relate cette sentence d’Alfred Hitchcock au sujet
de Marilyn Monroe, désireuse de
travailler avec le maître pour enfin
décrocher un rôle dramatique. Il
dira simplement « ne pas aimer
tourner avec des actrices qui ont
le sexe affiché sur la figure ». g
destins secrets d’étoiles, demain
à 20.50, France 3.
cotillard pour
l’environneMent
Après Mélanie Laurent avec son
film Demain, c’est au tour de
Marion Cotillard de s’engager
pour la cause environnementale.
La comédienne prête sa voix et son
image à ce documentaire tourné
dans un archipel des Philippines
frappé en 2013 par un supertyphon
(6.000 morts, des villages entiers
rasés, disparition de la faune et
de la flore aquatiques). Face à ce
cataclysme, une jeune femme,
Marinel Ubaldo, 18 ans, refuse le
statut de simple victime et choisit
de s’engager. Elle rencontre des
scientifiques qui établissent le lien
entre réchauffement des océans
et catastrophes naturelles. On la
suit dans des écoles pour sensibiliser les jeunes sur les enjeux
écologiques. En filigrane se noue
un dialogue entre Marinel et
Marion Cotillard aux Philippines
mais aussi à Paris à la veille de la
COP21. Une belle leçon de vie.
la Jeune Fille et les typhons,
mercredi à 20.40, ushuaïa tv.
L’archipel des Philippines a été frappé
en 2013 par un supertyphon. C SCHWAIGER
anne sinclair, le retour
Elle signe son grand retour à la télévision avec Fauteuils d’orchestre,
une nouvelle émission conçue rendez-vous culturel autour d’une
éminente personnalité du monde
des arts. Pour ce premier numéro,
Anne Sinclair reçoit donc le légendaire chanteur d’opéra Ruggero
Raimondi, interprète inoubliable
du Don Giovanni (1979) de Joseph
Losey. Autour du baryton-basse,
lequel aurait accepté de chanter,
des invités de marque issus de la
musique classique (Julia Migenes,
Nora Gubisch...) mais aussi Patrick Bruel ou le directeur de la
Comédie-Française Éric Ruf. Le
service public aurait-il enfin trouvé
son nouveau Grand Échiquier ?
Réponse vendredi prochain.
Fauteuils d’orchestre. 20.55. France 3.
Le Trou normand iiff Un naïf (Bourvil)
hérite d’une auberge. Mais il doit se méfier
de sa cousine (Brigitte Bardot). 20.55, D8.
Le Jour d’après iiff Un climatologue découvre
les catastrophes du réchauffement de la planète.
20.50, France 4.
Votre soirée
18.05 Sept à huit. 19.30 Journal. 19.50 Élections régionales. 21.15 Ocean’s Eleven iiff
Film américain de Steven Soderbergh (2001). En prison, Danny
Ocean a mijoté le coup du siècle : dévaliser dans la même soirée
trois casinos de Las Vegas. Libéré sur parole, il renoue avec son
bras droit. Avec George Clooney et Brad Pitt. 23.35 Les Experts.
17.30 Stade 2. 18.20 Vivement dimanche prochain :
Linda de Suza. 19.30 Journal. 19.40 Élections régionales et D’art d’art. 21.25 Meurtres sous les tropiques.
Série française (2015). L’Entrepôt aux esprits ; Un bon jour pour
mourir. Avec Kris Marshall et Sara Martins. 23.35 Faites entrer
l’accusé. Sophie Berkmans, le meurtre de la rhumatologue.
D8 20.55 Le Trou normand
iiff Film français de Jean
Boyer (1952)
W9 20.55 Flic ou voyou iiff
Film français de Georges
Lautner (1979)
TMC 20.55 Banzaï ifff
Film français de Claude Zidi
(1982)
NT1 20.55 Sissi impératrice
iiff Film autrichien d’Ernst
16.15 Du côté de chez Dave. 17.15 Personne n’y avait Marischka (1956)
pensé ! 17.50 Le Grand Slam. 18.50 Élections régionales;
19.00 Le 19/20. 19.35 Élections régionales. En direct, France 4 20.50 Le Jour d’après
présenté par Carole Gaessler et François Letellier. 0.00 Les iiff Film américain de
Misérables : l’évadé du bagne iiff Film italien de Riccardo Roland Emmerich (2004)
Freda (1947). Avec Gino Cervi.
D17 20.50 King David ifff
16.15 Rugby. Brive-Clermont-Auvergne. En Film français de et avec Pierredirect. Top 14. 10e journée. 18.10 Canal rugby François Martin-Laval (2009)
club. 19.10 Canal football club. 20.55 Saint-Étienne-Rennes.
Championnat de France de Ligue 1. 17e journée. En direct de stade Numéro 23 20.45 Poupoupidou
Geoffroy-Guichard. 22.55 Canal football club. 23.15 L’Équipe du iiff Film français de Gérald
dimanche. 0.00 Le Journal des jeux vidéo.
Hustache-Mathieu (2011)
17.05 Juger Pétain. 19.05 L’Énigme de l’île de Pâques. 19.00
On n’est pas que des cobayes ! 20.00 In vivo, l’intégrale.
20.40 Chauffage, le piège électrique. Documentaire français
de Stéphane Manier et Raphaël Rouyer (2015). En France, plus de
huit millions de logements sont chauffés à l’électricité, un système peu
efficace et très cher. 21.30 Gel douche, peaux sensibles, s’abstenir.
22.25 La Séparation. 23.50 États-Unis, le pays le plus dangereux
du monde.
RTL 9 20.40 Les Fils de l’ombre
iiif F i l m a m é r i c a i n
d’Alfonso Cuaron (2005)
Paris Première 20.45 Vikings
Série
TCM Cinémas 20.40 Will Penny,
le solitaire iiff Film améri18.40 Personne ne bouge. 19.15 Cuisines des cain de Tom Gries (1968)
terroirs. 19.45 Arte Journal. 20.00 Karambolage.
20.10 Vox Pop. 20.45 Flashdance iiff Film américain d’Adrian Polar 20.50 Les Accusés
Lane (1983). Une jolie danseuse qui officie dans un night-club et iiif Film américain de
travaille comme soudeuse rêve d’intégrer l’Opéra. Avec Jennifer Beals Jonathan Kaplan (1988)
et Michael Nouri. 22.15 Forever Crazy. 23.35 Ballet de Maurice
Béjart : 9e de Beethoven.
FX 20.50 Le Loup-Garou de
Londres iiif Film américain
16.25 66 Minutes : Le doc. 17.15 66 Minutes. 18.40 de John Landis (1981)
66 Minutes : grand format. 19.45 Le 19.45. 20.40
Sport 6. 20.50 Zone interdite. Magazine. L’Incroyable OCS Géants 20.40 Bagdad Café
Vie des gens du cirque. 23.00 Enquête exclusive. La Face cachée iiif Film américain de Percy
de Rungis.
Adlon (1987)
session de rattrapage du Jdd aVec
Le top des 3 programmes à revoir aujourd’hui sur Internet
a Série
Une Famille
formidable
a Doc.
Technosexe
a Doc.
Ma Vie
zéro déchet
TF1
France 4
France 2
50 | JEUX
mots croisés
JDD | 6 décembre 2015
Jean Marny
[email protected]
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
si ici l’aveuglement est de
mise, là, il
faudrait une
vision
Y
U
1
2
3
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6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
mots fléchés
Albert Varennes
les hautes
sphères
pour le
ballon
métier de
bouche
joint le
geste à
la parole
ça sent
le sapin !
zeste
d’orange
d
d
d
d
[email protected]
Y
du temps
des
shoguns
redouble,
voire triple
dans le
secondaire
Y
Y
dont fait
usage la
copropriété
d
des affaires
qui peuvent
faire
pschitt
d
bouffon
bluffeur
breton
anonyme
ou italien
notoire
le coq vu
par les
anglais
b
goût pour
les effets
spécieux
b
U
bluffé
d
b
tombe et
se casse
b
en tenue...
ou sans
b
recettes
à base de
patates
il en
contient
un !
deux d’une
troïka
stade
antique
d
d
d
b
U
tarte à
la poire
beautés
intérieures
d
b
kil
s’en sortir
avec du
sursis
dont l’homonyme envie la
profondeur
b
U
il a la cote
avec les
moins de
10 ans !
états unis
mot pour
cambronne
ou titre de
chateaubriand
d
b
d
futur
souverain
africain
b
en mer ou
en cieux
b
est à
l’écoute
des autres
n’est pas
tenu de
cracher
d
a non sans os
a
prendre du
temps pour
agir
moins en
mer qu’en
cieux
elle s’est fait
larguer
banlieue du
sud au nord
b
tout
d’une traite
noir ou
des noirs
morte à
jérusalem
d
d
U
tigre
d’europe
d
monstre
s’exposent
avant que
qu’un an de d’être
peints
plus rend
à autrui
meilleur
d
affection
pour les
anglophones
U
d
pour les
navigateurs
de plaisance
grecque
U
b
d
sudoku
difficile
b
rites dont
elles sont
frites
b
solution des jeux
Mots croisés
Keno
Loto
horizontalement.
1. Obscurcissement. 2.
Iléon. Inachevée. 3. Sentiers. Fart. 4. Emet. Neurula. Vu. 5. Aï. Este. Etoilée. 6. Ure. Piste. Trous.
7. Tachée. Altiers. 8. Rio.
Crasser. Gel. 9. Osseuses.
Taon. 10. Sil. Redescend.
11. Pied-à-terre. Trié. 12.
Erre. An. Asti. As. 13. Ta.
Restai. Admis. 14. Tissus.
Inouïe. 15. Eté. Terreux.
Ris.
verticalement.
1. Oiseau-trompette. 2.
Blêmirais. Irait. 3. Séné.
Ecosser. Se. 4. Cotte.
Eiders. 5. Uni. Spécula.
Eut. 6. Entiers. Tasse. 7.
Cirées. Aèrent. 8. Insu.
Tasser. Air. 9. Sa. Réels.
Drainé. 10. Scout. Tétées.
Ou. 11. Eh. Lotiras. Taux.
12. Méfaire. Octidi. 13.
Eva. Lorgner. Mer. 14.
Nerveuse. Niai. 15. Têtues. Là-dessus.
Mots fléchés
Sudoku
u
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f
a
b
courte
vue
c
retournée
plusieurs
fois à la
campagne
b
a
n T
o o k
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lettres
de rappel
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Travail exécuté
par les ouvriers
syndiqués
b
d
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s
Diffusion Presstalis Réassortiments
06 68 08 16 67.
Imprimé en France par Paris Offset Print
parler du
bon vieux
temps
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v e r n e
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Gérant-Directeur de la publication Philippe
Pignol. Président d’honneur Daniel Filipacchi.
éditeur édouard Minc. éditrice adjointe
Anne-Violette Revel de Lambert.
Communication Nawal Hocine,
Anabel Echevarria.
Ventes Frédéric Gondolo
et Katia Parent 01 41 34 64 78.
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plutôt à
gauche mais
attirés par
le milieu
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mou que
ne goûte le
minou
au goût
du minou
93120 La Courneuve, CIMP Toulouse, MOP
Vitrolles, CILA Nantes, CIRA Lyon et Nancy Print.
N° de Commission paritaire 0420 C 86 368.
Numéro ISSN 0242-3065.
Dépôt légal : à parution.
© HFA 2015 Hachette Filipacchi Associés
est une filiale de Lagardère Active SAS.
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Tirage du 29 novembre 2015 :
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LE JOURNAL DU DIMANCHE est édité par :
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octogone
dans
l’hexagone
elle a joué,
lui aussi
Solution la semaine prochaine
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de la rédaction Patrice Trapier. Rédacteurs
en chef François Clemenceau, Dominique
de Montvalon, Cyril Petit (éditions), Guillaume
Rebière, Brigitte Suffert (directrice artistique),
Laurent Valdiguié.
Secrétaire général adjoint Robert Melcher.
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Danielle Attali, Richard Bellet, Stéphane Joby,
Pierre-Laurent Mazars, Didier Siberchicot.
Chef du service économie Bruna Basini.
Chef du service photo Aurélie Chateau.
géant du
far west
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b
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verticalement
1. Fait des pointes en courant. Montée dans un lit. - 2. Vieille
cloche. - Font la vie. - 3. Menait
carrosse. - Apre au grain. - Tête de
Turcs. - 4. Son existence est assurée. - Attaque de train. - 5. Pris à la
gorge. - Courus sans but. - Attrapemouches. - 6. Réussit une introduction. - A contribué au développement des puces. - Pige. - 7. Il peut
conseiller des ministres. - Repose
sur cinq piliers. - 8. On ne désire pas
y instaurer l’horaire flexible. - Coule
en Bourgogne. - Renvoi, même en
raccourci. - 9. Comme des boules
qui cognent. - A la fibre américaine.
- 10. Point fixe. - Spécialité rémoise.
- Avec un frère ou une sœur, ça n’a
rien d’insultant. - 11. Courant de
faible intensité. - Cherche l’inspiration. - Brin d’oseille. - 12. Le bleu lui
va bien. - Transmit. - Fin de partie.
- 13. Ferai des relations. - Bord de
disque. - 14. Sortie d’un gros lot.
- Collera. - Petites annonces matrimoniales. - 15. Retirer du liquide.
- Pare-feu.
article
prend feu
s’il prend
l’air
Y
horizontalement
1. Il est payé pour trinquer. - 2. Ses
tours n’amusent personne. - Telle
une vue qui porte très loin. - 3. Organiserai une collecte. - Beaucoup
trop vieux pour faire le singe. - 4.
Contrainte par corps. - Tables des
matières. - 5. Variété de cassis. Couvert de voyage. - 6. Exemple
à suivre. - Tire sur la caravane. C’était déjà une grille sélective. - 7.
Vider les magasins. - Guindé. - Mine
de surface. - 8. Elève au plus bas. Enfant du premier lit. - Combine.
- 9. Donna signe de vie. - Bahut. Feu sacré. - 10. Arrivé à temps. Monsieur mis à l’honneur. - C’est
vraiment la dernière des cloches.
- 11. Bronches. - Il en est question. 12. Montré du doigt. - Ne fait pas le
même bruit que des claques. - Deux
doigts de pieds. - 13. Proche du violon. - Fait chanvre à part. - Filent à
toutes jambes. - 14. On s’y intéresse
à plus d’un titre. - Au Japon, peut
se montrer grand seigneur. - Est dit
de façon différente. - 15. A la base
de la langue. - Reçoit souvent des
marrons. - Renvoie à l’auteur.
a
sans trèfle,
ni cœur, le
pique ou
reste sur le
carreau
d
b
tendances | 51
jdd | 6 décembre 2015
Des labels font
bouger les lignes
en s’affichant en
La collection
printemps-été
2016 du
collectif
Andrea Crews
dirigée par
la créatrice
Maroussia
Rebecq.
groupes de créateurs.
Une démarche
pluridisciplinaire qui
propose un vestiaire
mixant luxe et culture
alternative
Q
CharLotte Langrand
ChantapitCh
@Chalangrand
uel est le point commun entre Le Dépôt,
une boîte gay historique de Paris, et Le
Président, un restaurant chinois mythique de Belleville ? Les deux endroits ont
récemment accueilli tout le
gotha de la mode venu découvrir un nouveau phénomène :
le collectif Vêtements. Né en
mars 2014, ce groupe de créateurs alternatifs, qui préfèrent
garder l’anonymat, défile dans
des lieux populaires et dessine
des looks « couture » à partir de
fripes savamment retravaillées.
Vêtements ne fait rien comme
les autres. Personne ne vient saluer
à la fin de ces shows atypiques,
auxquels ont assisté le rappeur
Kanye West ou l’acteur Jared
Leto. Leurs mannequins sortent
de l’underground (des Djettes, des
barmaids…) plutôt que des agences
de modèles. À peine sait-on que ce
groupe, finaliste du prix LVMH
consacré aux jeunes labels, est
constitué de sept anciens de chez
Martin Margiela (premier adepte
de l’anonymat), qui s’ennuyaient
dans l’industrie de la mode, devenue saturée et mimétique sous
l’emprise d’un calendrier de défilés
toujours plus chargé.
Le style vient de la rue
Dans leur concept, tout dit l’envie de se recentrer sur l’essentiel :
le vêtement. De suivre un modèle
différent de celui des grandes maisons, centré autour d’un créateur
star. La nouvelle génération de la
mode serait-elle en train d’éclore
en réaction à ses aînés, décidée à
ne pas suivre (toutes) les règles
du métier ? Ainsi, Coperni, Jour/
Né, Études Studio ou plus anciennement Andrea Crews tirent joliment leur épingle du jeu. « On
assiste depuis cinq ans à une vraie
dans l’air
l’autre thé
Le rouge et le noir
La jeune maison de thé
parisienne, fondée en 2003 par
Arnaud Dhénin, propose
Stendhal, le bien nommé.
Un thé noir bio parfumé aux
fruits rouges (framboise, fraise,
groseille, cassis) et rehaussé
d’épices : cardamome, poivre du Brésil,
clous de girofle, poivre noir. Il est aussi
agrémenté de morceaux de fruits pour
une dégustation fine avec une belle
longueur en bouche.
lautrethe.com
rituals
Intérieur, extérieur
La mode des
collectifs
effervescence de jeunes marques en
France, confirme Nathalie Dufour,
présidente de l’Andam (Association nationale de développement
des arts de la mode). Cette jeunesse
est consciente que, pour réussir, il
faut à la fois une vision créative et
managériale. Ils s’organisent donc
en binôme ou en groupe, comme
Yves Saint Laurent et Pierre Bergé
dans les années 1970. »
Après une formation dans les
groupes de luxe, les jeunes créateurs s’associent par affinités et
complémentarités de compétences. Face à une demande devenue globale, ils se positionnent
dans les bons réseaux et les boutiques branchées (Colette, Opening Ceremony…). Ils maîtrisent
aussi avec maestria le digital.
« Leurs compétences sont transversales, observe encore Nathalie
Dufour. Ils veulent être inventifs
à tous les niveaux, cherchent
un nouveau système de mode. »
Leurs créations sont étiquetées
« streetwear couture » : le style,
portable, vient de la rue. Vendu
au prix du luxe abordable, leur
vestiaire se fabrique souvent à
partir de fripes ou d’anciens costumes d’officiers, soigneusement
recoupés, détournés et accessoirisés. Il fait le lien entre une culture
underground et un savoir-faire
d’atelier haut de gamme.
« C’est un positionnement par
rapport au système de la consommation et de la mode, estime
Maroussia Rebecq, fondatrice
d’Andrea Crews. Je m’intéresse
aux gens de la rue, pas au glamour.
Je cherche des alternatives au luxe,
je suis touchée par des gens aux
particularités différentes de celles
d’un top-modèle. » En 2002, elle a
créé sa marque autour de projets
qui touchent à la mode, à l’art et
au design. « J’ai inventé ce personnage fictif pour qu’on puisse
travailler autour de valeurs plutôt
qu’autour de quelqu’un, expliquet-elle. Le collectif a une organisation horizontale, les compétences
et les envies de chacun sont sur la
même ligne. »
Ces labels séduisent
les designers débutants
Ces groupes doivent certainement leur liberté d’organisation
à la diversité de leurs parcours,
parfois éloigné de la mode. Études
Studio, un label de mode masculine et urbaine, a été fondé par
Jérémie Égry, graphiste, et Aurélien Arbet, qui a fait les BeauxArts. « Pour notre génération,
le collectif est naturel, explique
Jérémie. L’organisation verticale
avec un créateur star ne nous parlait pas vraiment, même si notre
fonctionnement, avec des défilés,
présente beaucoup de similitudes
avec la mode. » Ayant déjà monté
une première marque en 2000 et
une maison d’édition en 2007, les
deux trentenaires fondent Études
Studio en 2012, rejoints par quatre
autres personnes. Après avoir ouvert leur première boutique dans
le Marais cette année et accueilli
un fonds d’investissement, ils travaillent à leur implantation aux
États-Unis.
Modernes, ces labels séduisent
les designers débutants, qui postulent en nombre aux castings
de recrutement. « Ils aiment
toujours Dior tout en se sentant
plus proches de notre démarche »,
constate Maroussia Rebecq. Les
maisons de luxe sont attentives à
ces changements. « Leurs futurs
directeurs artistiques seront repérés dans ces collectifs, observe
Nathalie Dufour. Ils sont appréciés
pour leur capacité à avoir aussi une
vision globale. » Kenzo et maintenant Carven sont dirigés par
des binômes alors que des designers stars quittent des grandes
marques pour se recentrer sur
leur propre griffe. D’autres
plongent dans le grand bain. Le
Géorgien Demna Gvasalia, porteparole du collectif Vêtements,
peut oublier l’anonymat : il vient
de succéder à Alexander Wang
chez Balenciaga. g
La marque de
cosmétiques décline
des produits de
beauté pour soi et
pour l’intérieur.
On trouve aussi bien
des soins pour le
visage et le corps et du maquillage que
du thé, des bougies parfumées voire
même des vêtements de détente. La
collection limitée de cet hiver décline
le thème Oriental Nights, aux senteurs
épicées et aromatiques.
rituals.com
chanel
Écrin de beauté
Un espace masculin,
des parfums exclusifs,
des make-up stations
avec conseils de
maquilleurs, les produits
cultes… Les
indispensables de Chanel
ont trouvé leur écrin, fait
de meubles laqués et de miroirs ronds :
la toute première boutique beauté
Chanel vient d’ouvrir dans le Marais à
Paris (40, rue des Francs-Bourgeois).
chanel.com
stadiumBox
Vis ton match
C’est un cadeau original :
offrir des places pour un
match de foot, de rugby
ou de basket dans une
box cadeau. Le concept
de la StadiumBox est
simple : c’est celui qui
la reçoit qui choisit
l’événement auquel
il veut assister. L’OM, le RC Toulon, la SIG
Strasbourg, mais aussi les 24 Heures
du Mans ou l’Open 13 en tennis, il existe
29 propositions à partir de 29,90 €.
stadiumbox.net
52 |
dimanchesport
jdd | 6 décembre 2015
HANDBALL Nikola et Luka Karabatic, qui rêvent d’offrir la Ligue des champions au PSG,
ont pris leurs repères dans la capitale. Visite guidée
Le Paris des
Karabatic
Luka et Nikola Karabatic, vendredi à la halle Carpentier, à Paris. Bernard Bisson pour le jdd
L
MICKAËL CARON
@CARONJDD
e PSG handball a frappé fort cet été pour
atteindre enfin son
objectif, le Final Four
de la Ligue des champions. Le meilleur joueur du monde,
Nikola Karabatic, et son frère Luka,
désormais l’un des pivots les plus
performants de la planète, ont débarqué pour reproduire en club leurs
nombreux succès avec l’équipe de
France. Pour le plaisir, aussi, de vivre
dans une ville qu’ils adorent et dont
ils profitent à la moindre occasion.
b Le sOIR Des AtteNtAts,
LuKA Au CINé, NIKO INquIet
Prendre un abonnement illimité
au cinéma a été l’un des premiers
réflexes parisiens de Luka. Sa salle
favorite : le Pathé Beaugrenelle, un
complexe ultramoderne posé le long
des quais de Seine, dans le 15e arrondissement. Avec sa compagne,
Jeny, c’est là qu’il a passé la soirée
du vendredi 13, celle des attentats
dans la capitale, devant Spectre 007,
le dernier James Bond. Vers la fin
du film, ils ont vu des écrans de téléphone s’allumer un peu partout,
puis des spectateurs sortir dans la
précipitation. À son tour, la jeune
femme a reçu des alertes l’informant des fusillades. « Nous avons
attendu la fin de la séance mais je
suis incapable de raconter la fin du
film », souffle Luka.
Au même moment, Nikola est
chez lui, dans le 16e arrondissement . Il appelle son frère,
tombe sur le répondeur, commence
à s’inquiéter. « Ce con n’avait plus
de batterie ! Heureusement, sa
copine a fini par répondre. Ils sont
1
vite rentrés. D’autres
un coup de cœur pour
joueurs du PSG
d’anciennes chambres
n’étaient pas loin du
de bonne réunies. « Je
Trocadéro
Bataclan. Ça a été
ne l’avais vu qu’en
1
Les Mauvais Garçons
une longue nuit,
photo avant de signer
4
Musée
6
avec le sentile
bail ! » L’ami Luc
d’Orsay
5
ment d’être
Abalo n’habite pas
Restaurant
au milieu
loin, Noka Serdarusic,
Stade Pierre- 3 Aux Prés
d’une guerre. » 2 de-Coubertin Hôtel
coach et mentor des
Concorde Montparnasse
De longue date,
deux frères, non plus.
Nikola avait acheté des billets
b LIgNAC, COLette et ORsAy
pour l’un des concerts parisiens de
U2, à l’AccorHotels Arena, deux
« Sans la proximité de la salle,
jours plus tard. Un concert finaj’aurais choisi un quartier plus cenlement annulé.
tral », dit Nikola, qui a profité de
l’été indien pour rouler à vélo sur
b POP ARt et vue
les quais de la Seine, traverser les
suR LA tOuR eIffeL
Tuileries et découvrir les tables en
Au printemps, dès que leur
vogue pour le brunch. Le dernier,
arrivée au PSG s’est précisée,
c’était Aux Prés, le restaurant de
Nikola et Luka ont missionné
Cyril Lignac
. Tout aussi gourleurs compagnes respectives pour
met, le grand Luka (2,02 m) a
trouver un logement. Géraldine
retenu l’adresse de La Cantine du
et Jeny, qui ont vécu à Paris avant
Troquet, non loin du Champ-dede les rencontrer, ont choisi le
Mars. Il se dit aussi impatient de
16 e arrondissement, où le PSG
s’encanailler à Pigalle.
joue ses matches de championnat,
S’ils passent beaucoup de temps
au stade Pierre-de-Coubertin .
ensemble, notamment en soirée,
Parce qu’il louait un meublé en
chaque couple a ses loisirs. Nikola
Catalogne, Nikola a dû racheter
apprécie les boutiques du Marais et
tous ses meubles et une biblioles grands magasins du boulevard
thèque pour ses beaux livres sur le
Haussmann. Il a fait ses courses de
pop art. Le couple achève à peine
Noël chez Colette, la boutique chic
la décoration de son appartement
et fric de la rue Saint-Honoré. Les
de style haussmannien, haut sous
musées parisiens l’attirent, mais les
plafond, aux teintes bois et camel.
files d’attente dominicales beaucoup
Ne manquera que la chambre de
moins. Il veut se renseigner sur les
leur premier enfant, qui naîtra
sessions en nocturne. La foule n’a
en avril.
pas dissuadé Luka et Jeny, qui ont
Pour Luka, qui avait eu le coup
déambulé dans les collections perde cœur pour les gratte-ciel de
manentes du musée d’Orsay
Doha, c’est d’abord la vue qui
dimanche dernier. L’ancienne gare a
prime. Son nid au dernier étage,
fasciné le plus jeune des Karabatic.
proche du Trocadéro, donne sur
« Dommage que l’impressionnisme
les toits de Paris et un bout de
soit le courant pictural qui me touche
tour Eiffel. Son amie, Jeny, a eu
le moins », sourit-il.
5
2
4
Un tour au Salon de la moto et
du scooter a tenté ces deux titulaires du permis deux roues, mais
il ferme ses portes ce dimanche en
fin de journée, à l’heure où le PSG
accueille Celje en Ligue des champions (17 heures). Le PSG dispute
ses matches européens à la halle
Carpentier, une salle municipale
du sud-est de Paris, particulièrement sombre et froide. « Pour le
confort et la logistique, ce n’est pas
le top. On a parfois l’impression de
jouer à l’extérieur. Heureusement,
on a réussi à se l’approprier à force
de bons matches », positive Nikola,
qui a joué dans les plus belles salles
d’Allemagne et d’Espagne.
b LA gALèRe Des tRANsPORts
Pour honorer le rendez-vous
avec le JDD, vendredi après-midi,
les frères les plus célèbres du sport
français ont fait cinquante minutes
de métro, comme de vrais Parisiens.
« Connaître cette vie, c’est ce que je
voulais. Mais quand il faut faire le
trajet jusqu’ici, je ne saute pas de
joie. Les gens sont agréables dans
les transports même si certains nous
fixent car ils doivent nous prendre
pour des footballeurs du PSG.
D’autres fois, on utilise l’Autolib’. »
Ça ne sera peut-être plus nécessaire la saison prochaine car
les joueurs ont reçu la promesse
de jouer tous leurs matches à Coubertin. La salle historique du club
vient d’être aménagée avec tout le
confort possible. « Des consoles de
jeu, des canapés en cuir, une salle
de soins, énumère Luka. On y fête
aussi les anniversaires. Benoît
Kounkoud y a payé un coup il y a
quelques jours pour son nouveau
contrat. »
Par manque de temps, un seul
restaurant a réuni l’effectif au complet, en début de saison, Le Matignon. C’était le traditionnel repas
des nouveaux. Les footballeurs ont
leurs habitudes chez Volver, une
table argentine, mais les handballeurs n’y ont pas encore été conviés.
Les calendriers n’aident pas. Une exception mercredi : Nicolas Douchez
a assisté à la victoire contre CessonRennes au lendemain du nul des
footballeurs à Angers (0-0).
b « MARCOussIs »
et ANNuAIRe Des BARBIeRs
Mais Nikola et Luka n’ont pas
attendu de signer au PSG pour
avoir des repères à Paris. L’équipe
de France s’y réunit avant chaque
rassemblement. D’abord au Novotel
de la porte d’Italie puis au Concorde
Montparnasse
, à deux pas de
la tour (16e). « Un lieu intimiste où
l’on se sent chez nous. C’est notre
Marcoussis », compare Nikola. Les
deux frères n’ont pas oublié l’ancien
manager de l’hôtel, lui aussi d’origine serbe, qui était aux petits soins
avec eux.
L’année dernière, Nikola avait
posté un tweet pour connaître
l’adresse d’un barbier proche de l’hôtel. Un follower lui en avait donné
une proche de la Bastille. Depuis, les
hipsters multimédaillés ont écumé
les barbiers de Paris. Nikola est fidèle
aux Mauvais Garçons
, sur l’île
Saint-Louis (4e), tandis que Luka
alterne entre La Barbière de Paris
(9e) et David Mallett (2e). À raison
d’une taille toutes les trois ou quatre
semaines, il reste des salons à découvrir. « On a signé pour quatre ans,
lancent-ils de concert. Paris n’aura
bientôt plus de secret pour nous. » g
3
6
sport | 53
jdd | 6 décembre 2015
TéLEX
Rugby
Camou dégaine
en rase campagne
À un an des élections à la FFR,
son président Pierre Camou,
70 ans, en poste depuis 2008,
a annoncé être candidat pour
un troisième mandat. Il s’en
est violemment pris à son
concurrent Bernard Laporte,
épinglant ces « grands
préconisateurs […] qui font de
la défaite du XV de France [en
quarts de finale de la Coupe du
monde] le lit de leurs ambitions
personnelles. » Il a rappelé que
la « plus large défaite du XV de
France face aux All Blacks »
n’avait pas été celle d’octobre
(62-13) mais celle de
juin 2007 (61-10), alors que
Laporte était sélectionneur.
Top 14 : Bordeaux
rince Paris
L’Union Bordeaux Bègles s’est
imposée à la dernière minute
sur la pelouse du Stade
Français, alors qu’elle évoluait
à quatorze (21-24). Les
champions de France en titre
sont plus fébriles que jamais et
à la traîne au classement (11e).
Résultats : Vendredi
Pau-Racing 15-15.
Hier : Toulon-Agen 53-23,
La Rochelle-Grenoble 33-16,
Castres-Montpellier 34-19,
Stade Français-UBB 31-24,
Toulouse-Oyonnax 27-3.
Aujourd’hui : Brive-Clermont
(16 h 15, Canal+).
Classement : 1. Toulon 32 pts;
2. Toulouse 32; 3. Racing 30 ;
4. Clermont 29 ; 5.
Bordeaux-Bègles 28 ; 6. Brive
27 ; 7. Montpellier 26; 8.
Castres 24 ; 9. La Rochelle 21 ;
10. Grenoble 19 ; 11. Stade
Français 18 ; 12. Pau 15 ; 13.
Agen 10 ; 14. Oyonnax 10.
Biathlon
Fourcade marque
son territoire
AFp
Martin Fourcade a remporté
le sprint d’Östersund (Suède),
première étape de la Coupe
du monde 2015-2016,
signant la 40e victoire de sa
carrière. « C’est une bonne
dynamique, ça fait du bien de
démontrer qu’on est en
forme », s’est réjoui le
champion olympique sur
l’Equipe21. Quentin
Fillon-Maillet a pris la 4e place.
Handball
Balade bleue
L’équipe de France féminine a
réussi son entrée dans le
Championnat du monde.
À Kolding, au Danemark, elle
a battu l’Allemagne (30-20).
Dans les cordes
BOXE Sans stars ni diffuseurs,
le noble art peine à s’imaginer
un avenir en France.
Un rapport ministériel
cristallise les divergences
DamiEn BURniER
@initialsDB
partir de 2017 risquent d’être suspendues par l’AIBA, et ainsi privées
d’olympisme. Asloum, qui a fait une
carrière lucrative dans l’ancien système, est partie prenante du nouveau. Il a même été nommé à la tête
de la commission APB. Logique
qu’il ne voit pas d’avancée dans le
rapport Tiozzo, qui parle « d’ouvrir
une négociation » et de « trouver le
meilleur compromis avec l’AIBA ».
« C’est comme si au foot, on se mettait en travers de la Fifa, tranchet-il. Pourquoi ne se penche-t-on pas
sur cette réforme ? Pourquoi vouloir
créer une ligue alors qu’il faut une
ligue APB nationale ? Avec des droits
TV qui seraient vendus par la Fédé,
des boxeurs au centre de l’activité, et
non plus les promoteurs. Au final, on
va encore sacrifier une génération. »
Pour les fans, c’était l’affiche de l’année. Sauf que les attentats de Paris
l’ont déchirée, elle aussi. Adversaire
de Hassan N’Dam en demi-finale
mondiale, le Géorgien Khurtsidze
ne voulait plus se déplacer pour
monter sur le ring de Levallois le
21 novembre. L’annulation de la
réunion a été un rude coup pour
l’organisateur Malamine Koné, qui
se lance là où beaucoup ont échoué.
Le but du patron d’Airness ? « Redonner du prestige à la boxe. » Pas simple
tant la discipline périclite en France.
En résumé : on manque de grands
champions, de grands combats et
Mormeck cogne sur la fédération
de grands diffuseurs TV, chacun se
Pas simple de faire bouger les
nourrissant de l’autre.
lignes, même si le système touche
Commandé l’an passé par le
ses limites depuis le retrait de Canal
ministère et rendu en octobre, le
+, qui en était l’argentier. Pour Jeanrapport de l’ancien champion du
Marc Mormeck, champion du
monde Fabrice Tiozzo a reçu un
monde des lourds-légers entre 2002
accueil très mitigé. Seule préconiet 2007, le ver est dans le fruit depuis
sation tangible : la création d’une
longtemps. Sa cible principale ? Une
Ligue professionnelle, via l’octroi
Fédération française jugée immobide « licences club », qui serait détenliste. « Elle est restée figée sur la boxe
trice de droits télé. Un vieux seramateur, c’est-à-dire sur ce qu’elle
pent de mer. Sauf
maîtrise. Le reste
ne l’intéresse pas.
que cette ligue « On continue
est censée voir le
Les boxeurs pro ne
jour dès le mois le bricolage »
sont pas protégés,
prochain. Si l’idée Brahim Asloum
notamment sur le
se concrétisait, ce
plan juridique, et
serait déjà un pas
se retrouvent sans
comparativement au rapport de
le sou la plupart du temps. Or, c’est
Mahyar Monshipour (2008), vite
le monde pro qui fait briller la boxe
enterré. Pour Thierry Braillard, qui
amateur, pas l’inverse », pose JMM,
regrette que « personne ne connaisse
qui a endossé la casquette de proles visages » des quatre champions
moteur à la fin de sa carrière.
d’Europe actuels (Soro, Vitu, MoEt de rappeler son expérience :
houmadi et Masson), le rapport
« Quand ça s’est terminé pour moi
Tiozzo est « une révolution ».
D’autres n’y voient qu’un coup
d’épée dans l’eau. Au premier rang,
Brahim Asloum. Le dernier champion du monde français (WBA mimouche en 2007), vice-président
de la Fédération (FFB) depuis 2013,
ne « cautionne pas le travail de cette
commission, qui ne servira à rien.
On continue le bricolage, les effets
de manche. J’en veux au ministre
et je lui ai dit directement. On met
de la lumière là où il ne peut plus
y en avoir. » Selon le champion
olympique 2000, le curseur doit
accompagner la réforme du système mondial, mise en place par la
Fédération internationale (AIBA).
L’APB, nouveau modèle
économique ?
Celle-ci, désireuse de mettre la
main sur le secteur pro cornaqué
par quatre fédérations commerciales (WBA, WBC, WBO, IBF), a
lancé le programme APB (AIBA
Pro Boxing). Une compétition qui
permet aux boxeurs pro (moins
de 20 combats) de rester éligibles
pour les Jeux olympiques, jusque-là
réservés aux amateurs. Classés « au
mérite », et non plus selon des arrangements en coulisses, ils bénéficient
d’un nombre de combats garantis
par contrat. Les rémunérations sont
modestes (de 25.000 à 70.000 $ par
an, 7.000 la prime de victoire, 4.000 la
défaite) mais le programme n’en est
qu’à ses débuts. En France, il a déjà
permis à Khedafi Djelkhir, médaillé
d’argent aux JO 2008, de relancer sa
carrière pro. L’été prochain, à Rio, il
reverra le drapeau olympique.
Les fédérations nationales qui
ne suivraient pas le mouvement à
Une soirée de combats, baptisée Apocalypse, organisée par Malamine Koné
au Cirque d’Hiver, à Paris. André FerreirA/icon Sport
avec Canal, j’ai convaincu trois télés
de diffuser mes combats [Orange,
MCS, L’Équipe 21]. Avec des bonnes
audiences à la clé. Est-ce que la Fédé
a contracté avec la moindre chaîne ?
Non. En a-t-elle au moins démarché ?
Pas sûr… Au département marketing,
soit il n’y a personne, soit ils sont
mauvais. On n’a ni travaillé avec les
entreprises pour voir comment la
boxe peut les mettre en avant, ni sur
l’image du boxeur. Du coup, le cliché
demeure : ‘‘En boxe, il n’y a que des
bourrins !’’»
À l’évidence, la discipline a besoin de personnalités et son public
de s’attacher à des champions.
Dans la sinistrose actuelle, Mala-
mine Koné tente donc de fabriquer
des vedettes. Avec un postulat : les
meilleurs doivent s’affronter, et non
plus s’éviter. « C’était la condition
pour m’investir. J’ai réussi à vendre
cette idée aux boxeurs. On a vu trop
de combats courus d’avance. » En
corollaire, il s’agit pour lui d’instaurer un suivi avec les diffuseurs, avec
ses soirées baptisées Apocalypse.
Le volet 2, prévu à Levallois, a été
reporté au 17 décembre au Cirque
d’Hiver. « Il faut soutenir Malamine,
glisse Mormeck. Ce qu’il fait est courageux. Surtout dans un milieu où l’on
fait semblant d’être unis alors que
les intérêts individuels continuent
de primer. » g
54 | sport | football
JDD | 6 décembre 2015
« Plus grave que Knysna »
JAMEL SANDJAK
Le patron du foot
francilien raconte
les ravages de l’affaire
Benzema-Valbuena
sur le monde amateur,
et la société en général
IntervIew
SoLEN ChErriEr
Lyon en danger
Lyon
0
Angers
2
N’Doye (17e, 81e)
@SolenJDD
Depuis trois ans, il est le président
de la Ligue Paris Ile-de-France,
une des plus puissantes de l’Hexagone. De Noisy-le-Sec à la place
de Valois (1er arrondissement), des
terrains aux fauteuils du pouvoir,
Jamel Sandjak, 56 ans, a tout connu
dans le foot. Une ascension qui lui
taille un costume de présidentiable
à la Fédération française (FFF). Ce
raccourci le fait sourire. D’autres
beaucoup moins…
17e Journée Quatrième défaite en cinq matches.
Aulas maintient Fournier
Le président de la Ligue Paris Île-de-France, jeudi dans son bureau de la place de Valois.
JÉRÔME MARS POUR LE JDD
que la FFF s’est portée partie civile.
Mais c’est une affaire insoluble. Il
Pour moi, le coup de tête de
faudra prendre la décision la moins
Zinédine Zidane en 2006 a été le
mauvaise. Les condamnations par
déclencheur d’un système qui part
prévention, ça n’existe pas en droit
à vau-l’eau. On peut se dire que
français. La seule piste possible,
Zidane, exemplaire par ailleurs, a
c’est la commission de discipline
juste « pété un câble » ; je pense que
qui devra se saisir du dossier. À
c’est plus prol’image de ce
fond que ça. Il « Le communautarisme
qui s’est passé
y a une forme
avec Nasri,
d’impunité in- est très présent, mais pas Didier Desconsciente. La dans le sens qu’on croit » champs peut
performance
aussi ne pas
passe avant
sélectionner
l’exemplarité pour des intérêts école joueur parce qu’il considère que
nomiques. Ce n’est pas acceptable.
ce n’est pas bon pour le groupe.
Les dérapages qui ont suivi ne sont
Mais il faut l’expliquer.
pas liés aux origines sociologiques,
Dans le contexte actuel,
mais au fait que le sport perd la
craignez-vous l’exploitation
tête à cause de la course effrénée à
politique de cette affaire ?
l’argent… On laisse faire des choses
On ne pourra pas l’empêcher,
contraires aux principes républinotamment sur les régionales. Il y
cains et aux fondements de notre
aura des conséquences, bien sûr.
vie en société. On a été trop complaiIl faut que les gens prennent du
sant. Le sport professionnel ne peut
recul, évite de faire des raccourcis.
pas toujours se sentir en dehors de
Il faut séparer l’acte et sa gestion
la société. Le football vit dans une
médiatique. Mais oui, au-delà de
bulle en suspension.
ça, j’ai peur. Je suis très fatigué de
L’affaire Valbuena-Benzema
tout cela. Le jour où les personnes
qui s’investissent dans le tissu asen est le reflet ?
Elle montre le degré d’isolement
sociatif vont s’arrêter, ce sera la
de nos acteurs et de nos structures
guerre civile. Il y a une scission
dans le foot de haut niveau ; les
dans la société, et je ne parle pas
médias y participent aussi. Elle est
de gens qui sont capables de perplus grave que Knysna en ce sens
pétrer le 13 novembre. Et si moi,
qu’elle oppose des gens qui portent
Jamel Sandjak, qui baigne dedans
le même maillot. Celui de la France,
depuis des années même si je le
avec tous les symboles derrière et
suis un peu mois aujourd’hui, j’ai
l’Euro 2016 à l’horizon. C’est le fonl’impression que ça va aller très
dement même de l’esprit du sport
mal, il faut vraiment être inquiet.
collectif : se battre ensemble pour
Quel est l’impact sur le monde
un même objectif.
amateur ?
La Fédération doit-elle sanctionner
C’est surtout le cumul d’affaires
qui pèse. Et le problème part de làKarim Benzema ?
Sanctionner Valbuena, c’est
haut, de la Fifa. La conséquence
impossible ou alors je ne comdirecte, c’est le rejet des élus loprends plus rien. Pour Karim, il
caux. Des clubs nous racontent que
faut en savoir plus et c’est pour ça
lorsqu’ils réclament 2.000 € ou un
Quel regard portez-vous sur les
affaires qui salissent le foot français ?
BENzEMA rEpASSE à L’ATTAQuE
EN LigA, il n’avait plus marqué depuis deux mois et un jour, contre
l’Atletico. Hier, contre une autre équipe madrilène, Getafe (4-1),
Karim Benzema a retrouvé le chemin du but après quatre minutes
et marqué le doublé au quart d’heure de jeu. Souriant et très entouré
par ses partenaires. Une performance éclatante pour le joueur englué
depuis des semaines dans l’affaire de la sextape de Mathieu Valbuena.
Après la rencontre, Rafael Benitez a expliqué avoir eu une conversation
avec son attaquant. « Il avait très envie de jouer et de mettre des buts.
Nous avions évoqué le fait de mettre un doublé. Qu’il se fixe des objectifs
et les atteigne me prouve qu’il est suffisamment concentré, s’est satisfait
l’entraîneur merengue. Il sait qu’il doit bien faire au niveau du foot
parce que ça va l’aider à affronter n’importe quel problème.
C’est un joueur très important pour nous. » Il a été ovationné à sa sortie.
car pour une sortie d’enfants, on leur
remet en pleine face que le foot est
pourri. C’est un amalgame prétexte,
politiquement facile à utiliser. Et
puis les bénévoles en ont marre. Or,
le foot amateur ne vit que par eux.
Et sur les terrains ?
Quand les images de problèmes
chez les professionnels tournent
en boucle, vous pouvez être sûr
d’avoir des répliques le dimanche.
On l’a vu quand Ibrahimovic a
défié les arbitres. Les mômes sont
dans le mimétisme, positif comme
négatif. Ça impose d’être exemplaire. Ça devrait même être un
motif de rupture de contrat.
Plus les résultats de l’OL se dégradent, plus la parole de Jean-Michel
Aulas est d’or. Une heure après
avoir subi la loi du promu angevin,
le président lyonnais a diffusé son
sang-froid pour commencer : « Il
n’y aura pas de décision à chaud. On
pense souvent qu’en se défoulant
sur l’entraîneur, on peut trouver des
solutions. Est-ce qu’on va améliorer
les choses ou les faire empirer en faisant évoluer l’encadrement ? » Puis
il s’est montré protecteur avec ses
joueurs, dépassés. « Ce sont de bons
mecs mais ils ne se sont pas rendu
compte, après notre grande saison
dernière, que la situation était fragile. » Avant que l’on entende un
début d’ultimatum dans ces mots
lâchés aux derniers micros tendus : « Le coach sera là à Valence
et Paris. » Ce qui ne représente
qu’une semaine de sursis.
L’appel du pied de Juninho
Aulas n’est pas sourd aux échos
d’une rupture dans le vestiaire.
Lui qui ne dit jamais rien sans
raison a rappelé hier qu’il y avait
quatre entraîneurs diplômés dans
le staff lyonnais… Il se murmure
d’ailleurs que Bruno Genesio, son
adjoint le plus ancien au club, aurait toujours l’oreille des jeunes,
lui. Il n’est pas absurde de l’imaginer en recours si JMA finissait
par trancher dans le vif.
Hubert Fournier se dit prêt à
assumer ses responsabilités, tout
en assurant que « l’énergie n’est pas
un souci ». Il a trouvé en Mathieu
Valbuena, qui a touché la transversale, un défenseur plus vif que
Baky Koné, devancé par Cheikh
N’Doye sur les deux buts, quasi
identiques. « On est au plus mal
mais c’est la responsabilité des
joueurs à 100 %, a-t-il assumé au
micro de Canal+. C’est facile de
tirer sur un entraîneur alors que nos
performances sont catastrophiques.
On peut dire ce qu’on veut sur le
coach, la tactique… Pour moi, c’est
de la foutaise. » Voilà un homme
capable de positions courageuses,
et pas seulement en vidéo. Il en
faudra d’autres pour interrompre
la vilaine série lyonnaise.
Deux heures plus tôt, la légende Juninho avait offert ses
services pendant l’hommage
rendu aux anciennes gloires de
l’OL, réunies pour l’ultime match
de championnat à Gerland. Pas
frontalement, après avoir passé
ses diplômes d’ici un an ou deux,
certes. Mais il y a des timings plus
heureux. La fête n’est peut-être
pas gâchée pour tout le monde.
M.C.
Y a-t-il plus de violence aujourd’hui
sur les pelouses d’ile-de-France ?
Il y a moins d’actes, mais ils sont
plus « chauds ». C’est trois cas pour
5.000 matches par semaine, soit
0,06 %. Il faut en parler, certes,
mais il faut aussi mettre en avant
les choses positives parce qu’il y
en a énormément. On concentre
les maux de la terre alors qu’on
se bat comme des chiens pour
accompagner les mômes. J’aimerais bien qu’on mesure la casse
sociale si on arrêtait les compétitions pendant un mois : les statistiques d’abribus cassés, de vols…
On verrait ce qu’apporte le foot
amateur en termes d’animation
et de prise en charges, sans parler de structuration de l’individu.
On imagine ce que ça représente
180.000 jeunes dans la rue ?
récemment, une note du service
central du renseignement territorial
(SrCT) a pointé la radicalisation
dans le monde amateur. Avez-vous
été confronté à ça ?
Radicalisation, c’est un mot à la
mode. Si on parle de prosélytisme, là
on a eu deux ou trois cas. On a essayé
d’en savoir plus, de comprendre. On
m’a beaucoup sollicité pour parler
de la communautarisation dans le
football. Mais je ne connais pas de
club communautaire en France. Si
j’avais des cas, j’agirais immédiatement mais je ne ferais pas de pub
afin d’éviter l’instrumentalisation.
Question : comment peut-on avoir
265.000 licenciés [en Ile-de-France]
avec des milliers d’Ibrahima, et pas
un dans les instances ou les commissions ? Je suis le seul. Et à la
Fédération, le Comité exécutif estil représentatif de l’ensemble des
licenciés français ? J’ai demandé à
participer à des commissions, on ne
m’a jamais rien proposé. Alors oui, le
communautarisme est très présent,
mais pas dans le sens qu’on croit. g
Mathieu Valbuena se tient la tête mais continue de soutenir son entraîneur
Hubert Fournier. LAUREnt CiPRiAni/AP/SiPA
Toulouse
2
Caen
1
Lorient
3
Lille
2
Ajaccio
1
Nantes
1
Kana-biyik (40e), Ben Yedder (58e)
Jeannot (47e,48e), Mesloub (76e)
Tshibumbu (84e)
Sala (57e)
Delort (70e sp)
Benzia (28e, 57e)
Vendredi
Nice-Paris-SG
0-3
Aujourd’hui
Bastia
1
Bordeaux-Guingamp
Monaco
2
Saint-Étienne-Rennes
Romain (90e)
Traoré (72e, 84e)
Stade Geoffroy-Guichard (21h, Canal+)
reims
1
Troyes
1
De Préville (36e)
Pi (47e)
Stade Matmut Atlantique (17 h, beIN)
Tous les résultats du week-end sur
Football | sport | 55
jdd | 6 décembre 2015
Classement (17e journée)
G
N
p bp bc diff.
1 Paris SG
45 17 14
3
0
40
8
32
Pts
J
2 Angers
30 17
8
6
3
16
9
7
3 Caen
29 17
9
2
6
20 18
2
4 Monaco
28 17
7
7
3
24 23
1
5 Lyon
26 17
7
5
5
21 16
5
6 Nice
25 17
7
4
6
30 22
8
7 Lorient
25 17
6
7
4
27 23
4
8 Saint-Etienne
25 16
8
1
7
20 20
0
9 Marseille
22 16
6
4
6
24 17
7
10 Rennes
22 16
5
7
4
21 19
2
11 Nantes
22 17
6
4
7
13 16
-3
12 Lille
20 17
4
8
5
11 12
-1
13 Reims
20 17
5
5
7
18 21
-3
14 Gazélec-Ajaccio 20 17
5
5
7
17 20
-3
15 Guingamp
19 16
5
4
7
16 22
-6
16 Montpellier
18 16
5
3
8
18 21
-3
17 Bordeaux
18 16
4
6
6
20 26
-6
18 Bastia
18 17
5
3
9
17 23
-6
19 Toulouse
15 17
3
6
8
19 31 -12
20 Troyes
6
0
6
11
9
17
34 -25
Meilleurs buteurs
12 buts : Ibrahimovic +2 (Paris SG) ; 11 buts :
Moukandjo (Lorient) ; 10 buts : Batshuayi (Marseille) ; 9 buts : Cavani + 1 (Paris SG) ; 7 buts : Ben
Arfa (Nice) ; 6 buts : Delort +1 (Caen), Lacazette
(Lyon), Germain (Nice), Braithwaite (Toulouse) ; 5
buts : N’Doye +2 (Angers), Jeannot +2 (Lorient),
Alessandrini (Marseille)...
18 journée
e
Vendredi 11 décembre
Rennes-Caen (20 h 30, beIN).
Samedi 12
Reims-Nice (16 h, Canal+); Lille-Lorient, NantesToulouse, Troyes-Bastia, Montpellier-Guingamp
(20 h, beIN).
Dimanche 13
Monaco-St-Étienne (14 h, beIN), Angers-Bordeaux,
Marseille-Ajaccio (17 h, beIN), PSG-Lyon (21 h, Canal+).
Le casse-tête de Michel
Marseille
Stade Vélodrome (14 h, beIN)
Montpellier
TRANSFERTS L’entraîneur de l’OM
espère un défenseur et un
attaquant. Mais la remontée
actuelle pourrait inciter sa
direction à ne pas bouger
MICKAËL CARON
@CARONJDD
Pendant la trêve internationale qui
a suivi la défaite face à Nice (0-1, le
8 novembre), la direction a tenu une
réunion sur le mercato. Michel a eu
le temps d’analyser tout son effectif.
À présent, ses désirs sont connus :
un défenseur et un attaquant. Avec
ses 10 buts, Michy Batshuayi brille,
mais il est le seul avant-centre de
l’OM. Il manque un profil complémentaire pour revenir au 4-3-3, le
schéma favori de l’entraîneur espagnol. Il est donc passé au 4-5-1, qui
profite de l’éclosion de Nkoudou
(5 buts) et a permis une belle série
(6 victoires, 1 nul, 1 défaite). Mais à
l’inverse de Bielsa, il ne croit pas à
Ocampos en pointe et souhaite un
renfort offensif.
Sportivement, Vincent Labrune
partage son analyse. Il se renseigne
sur les attaquants sans temps de
jeu chez les grands d’Europe. Déjà
approché en août, Simone Zaza
(Juventus) a le profil, mais prendrat-il le risque d’un prêt à six mois de
Michel au Vélodrome lors de la
15e journée contre l’AS Monaco. MAXPPP
l’Euro ? Le dirigeant phocéen espère
que ses bonnes relations avec Nelio
Lucas, le patron du fonds d’investissement Doyen Sports, ou encore
avec Daniel Levy, le président de
Tottenham, l’aideront à trouver la
perle. De son côté, Michel suit toujours le Suédois Marcus Berg (Panathinaikos). Mais l’argent manque,
et la fréquentation catastrophique
du Vélodrome a creusé les finances.
Nkoulou va partir,
Mandanda peut rester
Du coup, la stratégie de janvier va
dépendre du classement à la trêve.
Le calendrier (Montpellier, Ajaccio, Bordeaux) rend la remontée
possible. Si l’OM s’est rapproché
des cinq premiers avec son effectif
actuel, l’effort consenti ne sera pas
important pour cette saison de transition économique. À mi-exercice,
aucun objectif n’est compromis : la
qualification pour les 16es de finale de
la Ligue Europa sera dans la poche
à la faveur d’un nul à Liberec, jeudi.
Dans le même temps, Labrune
avance sur les cadres en fin de
contrat en juin. Il ne se fait plus
beaucoup d’illusions sur une prolongation de Nicolas Nkoulou, qui possède déjà l’un des meilleurs salaires
de l’effectif (1,8 million d’euros net
par an) et ne peut espérer plus. Il
s’en ira libre, comme Ayew et Gignac
avant lui. « C’est confidentiel », coupe
court son agent, Maxime Nana, sans
admettre qu’il négocie déjà une
somptueuse prime à la signature
avec la Lazio Rome…
S’il est aussi en fin de contrat,
Steve Mandanda, lui, a une chance
de rester. L’été dernier, Besiktas et
la Roma s’étaient manifestés mais
aucune piste n’avait abouti. À bientôt
31 ans, il pourrait accepter un bail
de longue durée contre un salaire
légèrement revu à la baisse. Labrune,
qui l’adore et en parle comme du
« Maldini de l’OM », se dit en tout
cas confiant dans ce dossier symbolique. La question ne se posera
même pas si l’équipe accroche le
podium : depuis trois ans, le contrat
du capitaine comporte une clause
de prolongation automatique d’une
saison à chaque qualification pour
la Ligue des champions. g
télex
Ribéry, retour
triomphal
mais gâché
Neuf mois après sa blessure
à une cheville, Franck Ribéry
a rejoué en Bundesliga.
À Mönchengladbach,
le Français a remplacé
Robert Lewandowski à
quinze minutes de la fin.
Surtout, six minutes lui ont
suffi pour retrouver le
chemin des filets, un numéro
dans la surface après une
passe d’Arturo Vidal.
Malheureusement,
le come-back tant attendu
a été éclipsé par la première
défaite de la saison des
Bavarois (1-3). Dortmund,
vainqueur à Wolfsburg (1-2),
ne pointe plus qu’à cinq
unités.
Chelsea
a le blues
La situation de José
Mourinho à Chelsea
ne s’arrange pas après
la défaite à domicile contre
le promu Bournemouth
(0-1). Déjà le huitième
revers de la saison pour
le champion d’Angleterre
qui glisse à la 14e place.
dimancheparis
jdd | 6 décembre 2015
|i
eXcLUSIF Un vœu, voté à l’unanimité par les élus du 9e arrondissement, propose de
piétonniser et végétaliser les abords du palais Garnier. La mairie de Paris pourrait accepter
L’Opéra veut changer de place
Vue d’artiste
de la place
de l’Opéra
débarrassée
du trafic routier.
Bertrand Gréco
I
l veut « libérer » l’Opéra Garnier
et « le rendre aux Parisiens ».
Jonathan Sorel, élu EELV du
9e arrondissement, a élaboré
un projet assez ambitieux de
piétonnisation et de végétalisation
des abords du célèbre monument
parisien. Il a même fait réaliser par
un architecte des perspectives,
que le JDD publie en avant-première. Déterminé à faire aboutir
son idée, l’écologiste a déposé un
vœu en conseil d’arrondissement
le 2 novembre, adopté à l’unanimité, gauche et droite confondues.
Le texte réclame une « étude de
préfiguration pour le réaménagement du quartier ». Etape suivante :
le même vœu, porté cette fois par
le maire du 2e, Jacques Boutault
(EELV), sera discuté au conseil de
Paris des 14-15 décembre.
À droite, la maire du 9 e ,
Delphine Burkli (Les Républicains), soutient le projet sans
état d’âme : « C’est normal : ce
réaménagement était dans mon
programme pendant la campagne
des municipales. Et je suis tout
sauf sectaire. » Candidate, elle
promettait une « piétonnisation
partielle de la place » et « l’installation d’un miroir d’eau devant les
marches », ainsi que la création
d’un « boulevard [Haussmann]
semi-piéton ». Mais elle reconnaît
que son arrondissement n’a pas
la « surface financière » pour se
lancer seul dans ce chantier. Lors
du conseil de Paris, elle s’associera donc « pleinement » à la
démarche des écologistes.
« Haussmann s’était opposé
aux jardins »
« Tout le monde s’accorde à dire
que la place de l’Opéra est un carrefour extrêmement inhospitalier,
voire dangereux, une jungle urbaine
chaotique qui ressemble souvent à
un parcours du combattant pour les
piétons et les cyclistes. C’est aussi
un parking géant pour les autocars
des grands magasins boulevard
Haussmann. Un immense gâchis
pour ce bijou architectural ! », vitupère Jonathan Sorel. Il propose
donc d’interdire la circulation
automobile non seulement sur
la place, jusqu’aux boulevards
des Capucines et des Italiens,
mais aussi sur le losange formé
par les rues alentour – Auber,
Halévy, Gluck et Scribe –, ainsi
que sur la place Daghiliev, qui
borde le boulevard Haussmann
En bas à gauche,
le projet vu
du palais
Garnier.
Ci-dessous,
l’actuelle place
avec son flux de
trafic très dense.
DORian RigaL
et eRic DessOns/
jDD
derrière le palais Garnier. Seuls
les bus y auraient droit de cité.
Pas moins de quatorze lignes de
la RATP se croisent ici, dont le
Roissybus ou l’OpenTour, à vocation touristique.
Le conseiller d’arrondissement suggère également de
« poursuivre le rêve de Charles
Garnier », l’architecte qui remporta le concours de l’Opéra en
1861 : « Ce précurseur du style Second Empire voulait entourer son
palais de jardins, mais Haussmann
Lifting prévu pour sept Lieux embLématiques
La maire de paris a acté le
réaménagement de sept places
d’ici 2020 : Bastille, Nation,
Italie, Panthéon, Madeleine,
Gambetta et place des Fêtes.
Un budget de 30 millions d’euros
a été débloqué à cette fin, alors
que la mue de la République
avait coûté à elle seule
24 millions. Le mot d’ordre
désormais est « sobriété ». Pas
de gros travaux, pas de
remplacement du pavement.
Anne Hidalgo n’ambitionne pas
d’« inscrire [sa] marque ». Mais
« les voitures auront une place
résiduelle », avait-elle prévenu
lors du lancement de la
consultation (de juin à fin
septembre). La place de la
République, elle, devrait être
bientôt légèrement modifiée,
afin d’accueillir une installation
en hommage aux victimes de
Charlie Hebdo, et des attentats
du 13 novembre. B.G.
s’y est opposé. Garnier espérait
que les immeubles environnants
seraient un jour démolis. Je ne vais
pas aussi loin… » Son initiative se
contente d’envisager une végétalisation massive des espaces
publics, des toits et des façades,
à grand renforts de plantes grimpantes. Enfin, il imagine de « thématiser les nouveaux espaces »,
c’est-à-dire de dédier chacune
des quatre rues piétonnisées à
la danse, à la musique, aux arts
et aux enfants. « Des lieux populaires et citoyens, respectant et
démocratisant la vocation culturelle du quartier », décrit-il.
Autant de propositions qui,
malgré l’unanimité politique locale, risquent de faire des vagues
auprès des automobilistes. Pas
sûr non plus que les commerces
du boulevard Haussmann fassent
preuve d’un enthousiasme débordant. Les grands magasins
attirent 120 millions de visiteurs
par an, quand la gare Saint-Lazare voisine enregistre plus de
100 millions de voyageurs en
douze mois. « Dès qu’il s’agit
d’améliorer le quartier, les grandes
enseignes sont parties prenantes,
c’est aussi leur intérêt », objecte
Delphine Bürkli. L’édile « travaille beaucoup depuis un an »,
dit-elle, sur le problème des cars
de tourisme : « À l’été 2016, nous
allons expérimenter de nouveaux
itinéraires », explique-t-elle.
Élargir le périmètre
sans voitures à Saint-Lazare
Reste à convaincre Anne Hidalgo. La maire de Paris s’est déjà
engagée à réaménager sept places
parisiennes – sur le modèle de
la République – au cours de la
mandature [lire encadré]. La place
de l’Opéra viendra-t-elle s’ajouter
à la liste ?
« La Ville va apporter une
réponse favorable à ce vœu »,
annonce au JDD Christophe
Najdovski, adjoint EELV de la
maire en charge des transports et
de la voirie : « Avec mon collègue
Jean-Louis Missika [chargé de
l’urbanisme], nous allons même
aller plus loin, puisque nous proposerons d’élargir le périmètre
de l’étude urbaine aux secteurs
des grands magasins et de la gare
Saint-Lazare, qui subissent de très
fortes pressions automobiles. Les
trottoirs sont trop étroits, il est
nécessaire de rééquilibrer l’espace
public. »
Jean-Louis Missika confirme,
mais se montre plus prudent :
« Il est hors de question de rejeter
ce vœu. Soit nous le reprendrons à
notre compte tel quel, soit nous proposerons un vœu de l’exécutif un peu
moins radical. Car l’endroit ne nécessite peut-être pas une intervention
d’envergure. Il me paraît compliqué de piétonniser complètement
les rues adjacentes, il faut pouvoir
transporter les décors de l’Opéra.
» L’étude-diagnostic, associant
les grandes enseignes, la SNCF et
l’Opéra national de Paris, pourrait
être lancée dès 2016. Ce qui ne
signifie pas qu’elle débouchera
automatiquement sur un projet
concret. Le Plan d’investissement
de la mandature (PIM) est acté,
mais une « clause de revoyure »
est prévue à mi-mandat, en 2017,
indique Christophe Najdovski. En
attendant, la mairie de Paris a d’ores
et déjà provisionné 100.000 € pour
un « petit réaménagement » visant à
faire disparaître l’actuel rond-point
et à « créer un vrai parvis devant les
marches de l’Opéra ». g
ii | paris
JDD | 6 décembre 2015
Redonner du souffle aux orgues
PatriMoine La Ville de Paris compte 290 orgues, dont seulement 14 sont en bon état. La Fondation du patrimoine lance
deux souscriptions populaires pour en rénover deux dans les 5e et 8e arrondissements
Hervé Guénot
La Fondation du patrimoine a ouvert
deux souscriptions afin de restaurer
deux orgues à Paris. L’association
ouvre ainsi une « boîte de Pandore
culturelle » car le patrimoine parisien de ces vénérables instruments
de musique est aussi impressionnant
qu’il est en péril. Il y a, d’après le
ministère de la Culture, 290 orgues à
Paris, dont 32 classées, mais 14 seulement en bon état. « C’est un patrimoine unique, probablement sans
équivalent dans le monde », estime
François Montel, délégué pour Paris
de la Fondation du patrimoine. Mais
ces orgues exigent des soins coûteux. Ainsi, pour relever l’orgue de
Saint-Merry, près du Centre Pompidou, dont Saint-Saëns fut titulaire,
il faudrait 1,5 million d’euros. Les
gros travaux d’entretien (10.000 à
50.000 €) concernent 49 orgues
parisiennes. Or le budget d’investissement de la Ville de Paris pour
ces orgues s’élève à (seulement)
150.000 €. Il faut donc faire appel
au mécénat populaire. C’est l’objet
des deux souscriptions, actuellement ouvertes.
Il « établit un dialogue »
durant la messe
La première concerne les
grandes orgues de l’église SaintAndré-de-l’Europe (rue de SaintPétersbourg, 8e arrondissement) et a
réuni à ce jour 43.000 €. L’église néogothique abrite un instrument des
frères Delmotte, construit en 18601870. Buffet, soufflerie, alimentation, console, tuyauterie doivent être
restaurés pour un montant de près
de 180.000 €. Doté de deux claviers
et de 20 jeux, l’orgue est démonté
depuis juillet. Après restauration,
il sera remonté en août 2016. « Il
sonne magnifiquement. On peut
tout jouer, jusqu’à Olivier Messiaen
et les contemporains », explique Bertrand Ferrier, l’organiste titulaire *.
Avant restauration, l’orgue avait le
souffle court, ses jeux souffraient.
Il rencontrait des problèmes d’harmonie entre les jeux, et était même
asphyxié par la pollution. « Notre
orgue établit un dialogue lorsque je
célèbre la messe », souligne AlainChristian Leraitre, curé de SaintAndré de l’Europe. Des « concerts de
remontage » seront organisés.
Trois instruments déjà rénovés,
dont « la Rolls »
Autre souscription, pour l’orgue
de la chapelle des Spiritains, rue
Lhomond, dans le 5e arrondissement.
« Construit dans la première moitié du
XIXe siècle par un facteur anonyme,
l’orgue – 2 claviers, 21 jeux – est installé
dans une chapelle conçue dans les années 1770 », précise François Montel.
« On l’utilise tous les dimanches pour
les offices. Notre orgue a besoin d’une
sérieuse mise à niveau », témoigne le
Père Gabriel Vuittenez, supérieur
de la maison des Spiritains de la rue
Lhomond : « Un bon commencement :
au total, les dons dépassent 20.000 €.
Mais il reste encore du chemin pour
atteindre la totalité de la somme du
chantier : 57.126 € [la Fondation du
patrimoine abonde 5.800 €] »
Depuis 2008, trois instruments
ont été tirés d’embarras grâce aux
souscriptions populaires et à la
Fondation du patrimoine. L’orgue
du temple des Batignolles (1898),
œuvre du facteur Joseph Merklin, a
retrouvé son souffle. Quant à l’orgue
du temple du Foyer de l’âme, à la
L’orgue de la chapelle des Spiritains, rue Lhomond, dans le 5e arrondissement, a besoin « d’une sérieuse mise à niveau ». fondation du patrimoine
Bastille, il dispose désormais d’une
nouvelle palette sonore dans l’esprit
des orgues du XVIIIe siècle allemand à l’époque de Jean-Sébastien
Bach. La facture des travaux a été
salée : 245.000 €. Enfin, l’orgue
Cavaillé-Coll (1912) – « la Rolls »
de l’instrument – de l’église luthérienne Saint-Jean, rue de Grenelle,
a, lui aussi, retrouvé tout son éclat.
Ces souscriptions, témoins de
l’intérêt du public, constituent une
première prise en compte d’un patrimoine instrumental oublié. Les
orgues vont-elles connaître le sort
heureux des églises parisiennes,
certes en grand danger (JDD, 13 novembre 2013), mais qui bénéficient,
depuis avril 2015, de 80 millions
d’euros d’investissement sur cinq
ans ? À ces crédits de la Ville de
Paris s’ajoutent une participation
de l’État de 11 millions et du mécénat privé. Le patrimoine musical
des orgues parisiennes mériterait
bien, lui aussi, un plan d’investissement. La Fondation du patrimoine
a dans ses projets d’autres restaurations d’orgues, celles de l’église
Saint-Merry et de Saint-Bernard
de la Chapelle, un autre précieux
instrument Cavaillé-Coll. g
* L’homme qui jouait de l’orgue,
Bertrand Ferrier, éd. Max Filo,
248 p., 18 €.
Rosa Parks s’est fait
un nom dans le 19e
Histoire La pionnière des droits
civiques aux états-unis est
honorée à Paris soixante ans
après avoir refusé de céder
sa place dans un bus
en alabama
Marie-anne KLeiBer
@Makleiber
Le 1 décembre étaient célébrés
aux États-Unis les 60 ans d’un acte
de résistance, fondateur dans la
lutte des droits civiques : c’est
en effet en 1955 que Rosa Parks,
une quadragénaire noire, refusa
de céder sa place à un passager
blanc dans un bus à Montgomery,
dans l’Alabama. Cette semaine, rue
d’Aubervilliers à Paris (19e), des
artistes femmes (et un homme)
travaillaient sur une grande
fresque en plein air, en hommage
à la couturière américaine. Cette
paroi de béton de 400 m de long
sera terminée et transformée à
temps pour l’ouverture de la gare
Rosa-Parks (ligne du RER E), le
dimanche 13 décembre, près de
la porte d’Aubervilliers.
Un événement en soi : il n’y a
plus eu de nouvelle gare construite
dans Paris depuis celle de Biblioer
thèque-François-Mitterrand en
2001. Mais en raison de l’état
d’urgence, la transparente station Rosa-Parks, dessinée par les
architectes Jean-Marie Duthilleul et François Bonnefille, accueillera ses premiers passagers
dimanche 13 décembre, sans tambour ni trompette. Elle devrait être
officiellement inaugurée plus tard,
au premier trimestre 2016, par le
nouveau président du conseil régional, la Région ayant financé la
moitié du chantier, d’un montant
de 130 millions d’euros.
À terme, 85.000 passagers
doivent emprunter chaque jour
cette nouvelle gare et pourront
se rendre à Saint-Lazare en sept
minutes, contre vingt-cinq minutes
en métro actuellement. Jusqu’en
2011, la gare en projet s’appelait
gare Évangile, comme la rue qui
la jouxte. En 2011, la Ville de Paris
cherche à nommer les nouvelles
stations du tramway le long des
Maréchaux. « Nous voulions donner au moins 50 % de noms féminins, se rappelle la députée Annick
Lepetit, qui était alors adjointe
de Bertrand Delanoë chargée des
Rosa Parks et une vue d’artiste de la gare à son nom qui ouvrira dimanche prochain. WiLLiam pHiLpott/reuterS et arep/SerGio CapaSSo
transports, on a parfois beaucoup
débattu, notamment avec la RATP,
qui privilégie les noms de lieux déjà
existants, mais pour Rosa Parks,
il y a eu consensus : cela s’impose
pour une station de tramway, c’est
un symbole fort. »
Une gare et un centre social
portent son nom
Dans le même temps, les habitants des quelque 1.800 logements
de la cité Curial furent appelés à
voter pour trois noms de voies
dans une liste de dix, dont celui
de Rosa Parks (comme la station
de tramway). Plusieurs centaines
de personnes votèrent : le nom d’un
médecin très aimé dans le quartier,
Bernard Tétu, arriva en tête, suivi
de peu par celui de la couturière de
l’Alabama. « On a eu alors l’idée de
switcher le nom d’Évangile par celui
de Rosa Parks, qui faisait consensus
et qui avait du sens », explique-t-on
au cabinet du maire du 19e, François
Dagnaud. « Ce nom plébiscité localement a depuis irrigué largement
dans le coin. » Le conseil de ce nouveau quartier s’appelle Rosa-Parks/
Macdonald. Un nouveau centre
social qui doit ouvrir début 2016
a aussi pris le nom de la militante
américaine.
« Les jeunes ne connaissent
pas tous l’histoire de Rosa Parks,
ou vaguement, mais ils jugent avec
bienveillance ce nom qui n’est pas
clivant, et en sont même fiers »,
raconte Martial Buisson, président
de l’association GFR, à l’origine de
la fresque murale. Martial Buisson a organisé des rencontres et
des ateliers artistiques pendant
deux mois, avec les artistes de la
rue d’Aubervilliers et les habitants
de Curial et de La Chapelle, sur le
thème du vivre-ensemble et de la
non-violence. Grâce notamment
à une aide de l’ambassade américaine, deux militants des droits
civiques sont venus s’exprimer et
échanger, en octobre : les deux
avaient participé aux freedom
rides, (des voyages de « la liberté
en bus » jusque dans le sud ségrégationniste en 1961). « Ils ont parlé
durant trois heures, de leur passé
de “petites frappes” dans la rue,
puis de leur engagement politique,
raconte Martial Buisson, et ils nous
ont montré que les communautés
peuvent dialoguer, agir ensemble
pour des droits, un message fort
dans un quartier où vivent des juifs
et des musulmans. » Les graffs rue
d’Aubervilliers seront effacés d’ici
à l’été prochain, mais de nouvelles
œuvres devraient être réalisées,
toujours autour des valeurs de résistance pacifique qu’affectionnait
Rosa Parks. g
paris | iii
jdd | 6 décembre 2015
La péniche de Le Corbusier renaît à Austerlitz
aurélie chaigneau
PATRIMOINE Le célèbre architecte a aménagé un asile flottant en béton,
en cours de rénovation
MARIE-ANNE KLEIBER
Entre Palais-Royal et Palais Brongniart, la brasserie La Bourse et la vie.
Julien De FOnTenAY POuR le JDD
la découverte de la semaine
la Bourse et la vie (2e),
adage confirmé
Un vrai bistrot comme on les
espère, presque touchant dans
son décor en boiserie ; typique
avec sa banquette et ses tables
rapprochées ; sympathique
dans son service, classique et
copieux dans sa cuisine. On
démarre gentiment avec un
tendre poireau vinaigrette
(9 €) ; une salade de betterave,
anguilles fumées et raifort au
top (12 €) ou encore une
bonne soupe de chou (9 €).
Ensuite, le filet de rouget est
bien délicat, servi avec une
bonne salade tiède de pommes
de terre et une crème de
romarin (30) ;
le pot-au-feu de veau 7/10
ravigote, tête
croustillante, herbes
et citron vert est revigorant
(28 €). En dessert : mousse au
chocolat (8 €) ; coupe Vienne
(9 €) ou crème caramel (6 €).
Autour, arrosé par une belle
carte des vins, on parle parigot
mais aussi anglais. Et surtout
on apprécie le tout dans une
ambiance chaleureuse.
Le bémol : le prix des plats qui
grimpent très vite.
La Bourse et la vie, 12, rue
Vivienne (2e). Fermé samedi
et dimanche. Tarifs : entre 40 et
55 € (hb). Tél. : 01.42.60.08.83.
l’adresse du dimanche
le Pigalle (9e),
picorer branché
Derrière les grandes baies
vitrées, voici le Pigalle sexy,
tamisé, à la fois café, bar,
restaurant et hôtel. Sur
banquette, sur chaise ou sur
canapé, les jolies filles viennent
partager quelques assiettes
avec leur amoureux. Ou bien
alors, c’est l’inverse. Au Pigalle,
pas de cuisine, c’est plutôt un
assemblage de bons produits
servis dans des petites
assiettes. Le pain vient de chez
le chef Thierry Breton ; les
terrines de chez Rodolphe
Paquin ; la tarte de saison de
chez Sébastien Gaudard et le
café de chez Télescope… Et
dans les assiettes, on déguste
une belle burrata
6,5/10
bien crémeuse
servie avec citron
confit, fleurs de thym
et huile d’olive (18 €) ;
des arancini, des petites
boulettes au fromage (8 €) ;
une bonne terrine de
campagne servie avec des
pickles de mini-betteraves pour
le peps (10 €) ; une poignée de
haricots blancs à la bergamote,
un peu chiche mais l’accord
fonctionne (8 €). Pour les
oiseaux de jour ou de nuit,
amateurs de picore. Le bémol,
la carte des vins et certains
plats au prix trop élevé.
Le Pigalle, 9, rue Frochot (9e).
7j/7. Tarifs : à la carte, 40 à 50 €
environ (hb). Tél. : 01.48.78.37.14.
retour chez…
Julien De FOnTenAY POuR le JDD
Schwartz’s Deli (4e), burger
Schwartz’s Deli, c’est une des
valeurs sûres du burger.
Copieux, généreux, tendre. Un
réconfort les jours gris d’hiver.
À dévorer avec les doigts dans
un décor
à l’américaine.
Nappes à carreaux, 6,5/10
banquettes et photos
made in USA. Dans
les assiettes, pas
d’entourloupe, on commande
et on obtient des burgers de
compèt’, maousse costauds
pour appétit d’ogre : veggie
(12 €) ; poulet (15 €) ; fish
(16 €) ; ou le Parisien avec
steak tartare en aller retour
(16 €) ; le Rossini avec foie gras
poêlé (24 €) ou alors le
classique cheeseburger
(14,50 €). Selon l’envie, le
temps et l’heure. Votre choix
sera le bon. Allez, on dit
« cheese » avec le sourire.
Schwartz’s Deli, 16, rue des Écouffes
(4e). 7j/7. Tarifs : entre 15/20 €
environ. Tél. : 01.48.87.31.29.
@Makleiber
L’architecte Charles-Édouard
Jeanneret dit Le Corbusier, est
mort il y a cinquante ans. En hommage à ce penseur et bâtisseur, le
13e arrondissement organise exposition, visites et conférences*.
« Le Corbu », comme on l’appelle
parfois, a en effet construit trois
édifices dans le 13e, Le Palais du
peuple de l’Armée du salut, La Cité
Refuge, la Maison Planeix. Ce que
le grand public sait moins, c’est
que ce visionnaire a transformé
totalement une péniche en béton,
toujours amarrée non loin de la
Cité de la mode et du design, à
Austerlitz.
Cette barge, datant de 1919,
servait à transporter le charbon
de Rouen à Paris. En 1929, l’Armée
du salut la rachète et Le Corbusier
est chargé de l’aménager pour en
faire un asile flottant. Il perce des
fenêtres, crée des dortoirs, des
casiers, des terrasses, ouvre des
portes et une perspective dans les
cloisons étanches. La péniche, bap-
ATelieR CAnTAl-DuPART
Bonnes taBles
tisée Louise-Catherine, sera fermée
en 1994 pour raisons de sécurité. En
2006, des amis passionnés d’architecture l’acquièrent, la font classer
monument historique en 2008.
Depuis, des travaux de rénovation
ont été entrepris par l’association
Louise-Catherine, présidée par
l’architecte Michel Cantal-Dupart.
« Dans un an, le chantier devrait
être fini et la péniche sera alors un
nouveau lieu culturel du 13e, dédiée
notamment à des expositions d’architecture », annonce-t-il. Et des jardins
devraient même refleurir sur les
trois terrasses de la barge en béton. g
Du 15 décembre au 6 janvier.
mairie13.paris.fr. Visite de la péniche sur
inscription, [email protected]
iV | Paris | que faire aujourd’hui
JDD | 6 décembre 2015
En famille
gratuit
unique
À l’extérieur
CouP de Cœur
À l’intérieur
en famille
artillerie militaire
Pour les gourmets
films d’animation
la fête de la street culture
pour les démonstrations d’artillerie militaire
ancienne à l’occasion de la fête de la
Sainte-Barbe (4 décembre). Catapulte
du Moyen Âge, canons du XVIIIe et obusier
de 1945.
Hôtel des Invalides (7e), M° Invalides.
De 14 h 30 à 17 h. Gratuit. musee-armee.fr
pour goûter les spécialités
des 350 exposants du salon Saveurs.
Dégustation et vente de produits fins : foie
gras, poissons fumés, thés, confitures, etc.
Espace Champerret (17e),
M° Porte-de-Champerret. De 10 h à 20 h.
Tarif : 10 €. salon-saveurs.com
pour un panorama des nouvelles productions
du cinéma d’animation indépendant. Sept
séances dont un ciné-concert à 17 heures
avec des classiques du dessin animé.
Forum des images (1er), M° Les Halles.
À partir de 14 h. Tarifs : 6 € par séance,
5 € (réduit). forumdesimages.fr
pour découvrir la danse hip-hop dans
des ateliers d’initiation (à partir de 8 ans),
un skatepark géant (BMX, skate, trottinette),
et des spectacles de plusieurs compagnies.
Grande Halle de la Villette (19e) De 11 h
à 21 h. Gratuit (coupe-file à imprimer
sur lavillette.com)
9e
Belle Brocante
Avenue de Trudaine,
M° Anvers.
Environ 150 exposants,
professionnels
de l’antiquité-brocante,
s’installent avenue de Trudaine.
Mobilier ancien, objets d’art,
vaisselle, etc.
5e
De 7 h à 19 h. Gratuit. spam.fr
trésors d’égypte
Institut du monde arabe,
M° Jussieu.
Découvrez des trésors engloutis
en mer depuis le VIIe siècle
et retrouvés après sept années
de fouilles sous-marines. Parmi
les pièces, des monuments,
statues, instruments rituels
et autres vestiges de la cérémonie
secrète des Mystères d’Osiris.
4e
De 10 h à 20 h. Tarifs : 15,50 €,
10,50 €. imarabe.org
18e
la Bd au top
19e
Espace de glisse parisien,
M° Porte-de-la-Chapelle.
Épreuve de freestyle en skate au programme
des Trophées parisiens de la glisse. Pour les
participants, possibilité de s’inscrire entre 12 h
et 13 h 30. Animations DJ, expo photo, graffiti…
De 12 h à 17 h. Gratuit. paris.fr
Le Zénith de Paris, M° Porte-de-Pantin.
Après la sortie de leur album en duo, les deux
compères Alain Souchon et Laurent Voulzy
se produisent ensemble en concert. Nouvelles
chansons et tubes indémodables des deux
répertoires.
À 17 h. Tarifs : de 45 € à 75 €. le-zenith.com
Belles cylindrées
Parc des expositions,
M° Porte-de-Versailles.
Les plus grandes marques dévoilent
leurs dernières motos au Salon
de la moto. Gros plan sur
les modèles vintage
et néo-classiques, ainsi que sur
les deux-roues urbains, high-tech
et écolos.
chanson jeune puBlic
Scène du Canal, M° Château-Landon.
Dans le cadre du festival Only French, le chanteur
Barcella présente son premier spectacle jeune public.
Les péripéties de Tournepouce, tantôt contées, tantôt
chantées, invitent au rêve et au voyage. À partir
de 8 ans.
À 16 h. Tarif : 8 €.
Casino de Paris, M° Liège.
La compagnie Antonio Gades
présente Carmen et Suite
flamenca. Un spectacle de
flamenco qui reprend l’histoire
de la nouvelle Carmen,
de Prosper Mérimée,
un hommage aux danses
endiablées andalouses.
souchon & Voulzy
5e
De 10 h à 19 h. Tarifs : 16 €,
8 € (réduit). lesalondelamoto.com
10e
ViVa flamenco
À 17 h 30. Tarifs : de 35 € à 80 €.
casinodeparis.fr
De 11 h à 19 h. Gratuit.
sobd2015.com
glisse urBaine
15e
9e
Halle des Blancs-Manteaux,
M° Hôtel-de-Ville.
Dessinateur du magazine Fluide
glacial, Daniel Goossens présente
50 planches et dessins au salon
SoBD. Une quarantaine
d’éditeurs attendus. Gros plan
sur les dessinateurs taïwanais
et performance de création sur
une planche de 10 m.
salon du dVd
Cinéma La Clef,
M° Censier-Daubenton.
Une vingtaine d’éditeurs participent
au salon de l’édition DVD
indépendante. Des centaines
de fictions et de documentaires pour
tout public, des grands classiques
aux films de série B, des idées
de cadeau à dénicher…
De 14 h à 20 h. Gratuit. salondvd.fr
18e
noël des papilles
Co, M° Porte-de-Clignancourt.
Le restaurant Co, situé 15, rue Esclango, propose
un marché de Noël dédié à la gastronomie. Produits
à déguster et idées de cadeaux autour de la cuisine :
livres de recettes, accessoires de service, épicerie
fine, etc.
20e
De 11 h à 19 h. Gratuit. co18.fr
cirque pour enfants
Cirque électrique, M° Porte-des-Lilas.
Acrobaties, marionnettes décalées et dressage
de peluches au programme du spectacle de cirque
enfantin AbaDaba, jusqu’au 27 décembre. À partir
de 2 ans. Après le spectacle, accueil des enfants au bar
à sirop.
À 15 h. Tarifs : 16 €, 12 € (réduit). cirque-electrique.fr
en Île-de-france
91
92
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95
mozart et l’amour
les rouart, famille
d’artistes
liVre jeunesse
100 % polar
Théâtre de Longjumeau
La soprano Sandrine Piau
et l’Orchestre national
d’Île-de-France proposent
le concert Amoureuses. Le
thème de l’amour chez
Mozart, avec des extraits
des Noces de Figaro, Don
Giovanni, etc.
À 15 h. Tarifs : de 17 € à
25 €.
theatre-longjumeau.com
Atelier Grognard,
Rueil-Malmaison.
Trois générations d’artistes
à découvrir à l’exposition
« Les Rouart »,
de l’impressionnisme au
réalisme magique. Cent
trente œuvres signées de
Henri, Ernest ou Augustin
Rouart, confrontées
à celles de maîtres de
l’impressionnisme comme
Degas ou Morisot.
De 13 h 30 à 18 h. Tarifs :
6 €, 4 € (réduit).
mairie-rueilmalmaison.fr
Espace Paris-Est,
Montreuil.
Le 31e Salon du livre
et de la presse jeunesse
présente un panorama
de la littérature jeune
public. Nombreux temps
forts : lectures, rencontres
avec des auteurs,
performances autour
du dessin et de la BD,
contes, marionnettes, etc.
De 10 h à 19 h. Tarif : 4 €,
gratuit (– 18 ans). slpj.fr
Espace Léonard-de-Vinci,
Montigny-lès-Cormeilles.
Environ 70 auteurs
de roman et de BD
attendus au Salon
du polar, dont le parrain
est le réalisateur Xavier
Durringer.
Au programme :
rencontres, débats
et dédicaces. À 11 h 30,
dictée polar. Également,
espace consacré aux livres
jeunesse.
De 11 h à 18 h. Gratuit.
salondupolar.montigny95.fr