20 novembre 2016, Actes 6 ou favoriser la responsabilité, Alain
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20 novembre 2016, Actes 6 ou favoriser la responsabilité, Alain
20 novembre 2016, Actes 6 ou favoriser la responsabilité, Alain Wirth Thème : Etre responsable, c’est grogner ; c’est manifester son intérêt pour le vécu des autres Lectures bibliques : Actes 4.32-35 ; Actes 5.42 - 6.7 ; Philippiens 2.4-5 Nous allons nous plonger dans l’ambiance de la première église ; en visitant son histoire avec cette question : « Qu’est-ce que son développement nous dit par rapport à la question de la responsabilité ? » C’est une prédication en deux parties, qui déploiera 7 aspects de la responsabilité. Ce matin, dans une première partie, j’aborderai deux premiers aspects. Vous le verrez, ces deux aspects tombent comme un fruit mûr aujourd’hui, puisque ce matin, nous vivons un culte qui met en avant l’importance de l’accueil. Quand on lit la trajectoire de cette première église, on ne peut être qu’admiratif. Les miracles et les signes étonnants de la faveur de Dieu s’enchaînent : « Les apôtres accomplissaient beaucoup de signes miraculeux et de prodiges parmi le peuple. (…) le peuple tout entier les (les croyants) tenait en haute estime (…) On allait jusqu’à porter les malades dans les rues, où on les déposait sur des lits ou des civières, pour qu’au passage de Pierre son ombre au moins couvre l’un d’eux » (Actes 5.12ss). Dans le récit, on sent ce courant fort qui traverse tout, l’Eglise et la société de Jérusalem. Ce courant est nommé : c’est le Saint-Esprit. Sous son souffle puissant, le nombre de disciples ne cesse d’augmenter. Mais voilà qu’un problème surgit ; dans la communauté. Des femmes veuves sont laissées de côté, par rapport au prendre soin. Ces femmes sont ignorées par rapport à leurs besoins vitaux comme la nourriture, le vêtement ou le logis. Le judaïsme disposait d’un réseau d’assistance qui faisait l’admiration de l’Antiquité ; on savait prendre soin des personnes en précarité. La première Eglise, elle aussi, a mis sur pied un système qui permet à chaque croyant de voir ses besoins de base couverts : les biens étaient partagés et redistribués quotidiennement en fonction des besoins. « On distribuait à chacun selon qu’il en avait besoin » (Actes 4.35b). Mais là, il se trouve des femmes veuves qui passent à côté de cette redistribution. Il y a une défaillance dans le partage, un coup de griffe apporté à la communion fraternelle, pourtant si chère aux premiers chrétiens. Le constat, c’est que l’Eglise idéale n’arrive pas à l’être ou à le rester. Elle faillit à sa mission pour un bout : des femmes veuves sont ignorées. Elles sont « regardées à côté » (Actes 6.1) ; dit autrement, on ne les voit pas. Ma question : comment peut-on être remplis de l’Esprit à ce point, comme les apôtres, et passer à côté de ce soin de base ? Comment peut-on à la fois guérir une personne malade par son ombre, et, en même temps, laisser des femmes veuves dans l’ombre ? J’en déduis qu’une Eglise inspirée n’est pas une Eglise qui voit tout ; c’est impossible de tout voir. Seul Dieu voit tout. Heureusement, ça gueule. C’est le texte qui le dit : le terme employé n’est pas celui du murmure poli ; mais celui du grognement. Ça grogne. Les croyants qui parlent le grec grognent contre ceux qui parlent l’hébreu : « Des tensions surgirent entre les disciples juifs de culture grecque et ceux qui étaient nés en Palestine : les premiers se plaignaient de ce que leurs veuves étaient défavorisées lors des distributions quotidiennes » (Actes 6.1). C’est important, de gueuler. Gueuler, c’est exister. Mais ce n’est pas facile de gueuler ; notamment quand on fait partie des membres fragilisés de la communauté. Une femme veuve qui parle le grec à Jérusalem cumule plusieurs défis : Elle est une femme, dans une société conduite par les hommes ; elle a perdu son homme, et donc pour l’époque, sa principale ressource de soutien et de survie ; elle parle le grec dans un environnement où ce sont les personnes qui parlent l’hébreu qui tirent les ficelles. Ce n’est pas facile de grogner, quand on se sent une petite au milieu de géants. Dans ce cas, la tentation est évidente : sa frustration, on la prend sur soi, on la ravale, on se la coince. Mais pas ici. Et heureusement, parce que c’est la montée de ce grognement qui va sauver toute l’affaire. J’en tire un premier enseignement pour notre sujet : être responsable, c’est gueuler. Il y a une dimension éminemment positive dans la réclamation : c’est le désir, l’envie. Le désir que ça change. On devient grand quand on gueule. Notez que dans le texte, il n’est pas dit que ce sont les femmes veuves qui grognent ; mais des personnes qui appartiennent au même groupe qu’elles, ceux qui parlent le grec, les hellénistes. Ces personnes ont entendu ce délaissement, et elles le font remonter dans la communauté. Paul donnera une belle définition de cette attitude qui consiste à se pencher sur autrui : « Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres » (Philippiens 2.4). Deuxième enseignement pour nous : être responsable, c’est manifester son intérêt pour le vécu des autres. Dans une communauté, vous avez toujours des personnes qui s’identifient facilement à ladite communauté ; elles s’y sentent naturellement chez elles, comme à la maison. Mais vous avez aussi d’autres personnes qui se sentent plutôt à la périphérie ; peut-être que ces personnes ne savent pas trop comment s’y prendre pour se sentir plus au centre de cette communauté, mieux englobées par elle. Comme ces femmes veuves, justement, qui avaient cette douloureuse impression de ne pas faire partie du noyau de la communauté. Dès lors, elles sont précieuses, les personnes qui ont à cœur de ne laisser personne gauger à la périphérie. Je les trouve formidables ces personnes-relais ; je les appelle nos sommelières ou nos sommeliers. Dans un café, un sommelier passe sa journée à faire des allers et retours : entre le bar (le centre du café) et les tables, dispersées dans la salle. Il passe sa journée à demander aux clients si tout va bien, et s’ils désirent encore quelque chose. Dans une communauté, nous avons besoin de sommeliers qui vont et viennent pour vérifier que les personnes vont bien ; et qu’elles sont nourries affectivement et spirituellement. Une remarque tout de même. Le cas échéant, le moment vient où cette périphérie, il faut désirer la quitter ; je dis cela parce qu’il y a aussi une manière de se complaire dans la marge. En effet, rester dans la marge comporte un avantage, un bénéfice secondaire : c’est que vous pouvez tirer sur le centre. Cet état d’esprit porte un nom, c’est le jeu des fléchettes. C’est bonnard, ce jeu : vous vous tenez à une certaine distance. Vous visez le centre, et vlan ! Vous balancez votre fléchette. Dans les Actes, le groupe des hellénistes n’a pas joué aux fléchettes ; il n’a pas cherché à tirer sur le noyau. Il a réclamé pour avoir part au cœur de la communauté. Pourquoi y a-t-il eu ce manque flagrant du prendre soin dans cette si belle communauté des Actes ? A cause du St-Esprit, qui était pourtant dans tous les bons coups, sauf auprès de ces femmes veuves ? … Non, c’est l’inverse. Le Saint-Esprit est justement celui qui va révéler ce manque. Comment ? Par le grognement du groupe lésé. J’ai appris ça, en préparant cette prédication : le Saint-Esprit grogne, il gueule, il réclame. Il révèle les manques. C’est lui qui est là quand une personne se lève pour dire : c’est pas juste ; moi aussi j’existe. C’est la faute aux apôtres alors ! … Point du tout. Au contraire, ils font le boulot pour lequel le Saint-Esprit les a choisis : prier (dans le temple et dans les maisons) et enseigner le Christ : « Chaque jour, dans la cour du Temple ou dans les maisons particulières, les apôtres continuaient à enseigner et à annoncer la bonne nouvelle que le Messie, c’était Jésus » (Actes 5.42). C’est ce qui est dit de l’activité des apôtres, au moment où le texte mentionne la plainte des hellénistes. Les apôtres étaient là où ils devaient être : dans le temple ou dans les maisons, dans la prière ou dans la Parole ; ils sont donc innocentés. La faute à qui, alors ? … Je vous le dirai une prochaine fois, quand je délivrerai la seconde partie de ma prédication. Pour ce matin, pour ce culte accueil, je retiens deux choses pour la question de la responsabilité : Etre responsable, c’est : 1. Oser gueuler. 2. Manifester son intérêt pour le vécu des autres. Questions pour un partage (les questions en gras sont à privilégier): - Oser gueuler pour exprimer un besoin : dans quelle mesure y parviens-tu ? - Entendre la gueulée des autres : en quoi est-ce difficile ? - Manifester son intérêt pour le vécu des autres. En reprenant l’image du sommelier (ou de la sommelière), raconte comment une personne a joué ce rôle pour favoriser ton intégration dans la communauté. - Se sentir au centre de la communauté / se sentir dans sa marge. Si 100 marque le centre de ta communauté et 10 la marge, où te situes-tu dans cet intervalle ? Dis en quoi tu te perçois plutôt proche du centre, et en quoi tu te sens plutôt proche de la marge. - La première Eglise manquait le coche dans la prise en compte d’un soin de base (soutenir les femmes veuves). - Aujourd’hui, dans notre contexte, nomme ce qui pourrait être considérés comme des soins de base. - Dans notre communauté, vois-tu émerger des manques à ce niveaulà ? - « Pourquoi y a-t-il eu ce manque flagrant du prendre soin dans cette si belle communauté des Actes ? » A qui la faute ? En attendant la suite de la prédication, tâche de répondre à la question.