Escale à Cobh - Association Française du TITANIC

Transcription

Escale à Cobh - Association Française du TITANIC
Nous passons la nuit dans une cabine de 6 couchettes
dans laquelle il n’y a ni table, ni miroir, ni hublot.
Hormis la petite salle de bain dont nous disposons
l’enssemble n’est pas beaucoup plus confortable
que les installations de troisième classe sur le Titanic. Je m’endors en espérant qu’un steward ne
viendra pas nous réveiller au milieu de la nuit pour
nous annoncer une mauvaise nouvelle. Drôle de réveil toutefois, lorsque dans le haut-parleur la voix
du capitaine répéte par deux fois « évacuation, évacuation ! » Rien d’alarmant cependant, il s’agit simplement de prévenir ceux qui font la grasse matinée
qu’il est grand temps de quitter les lieux afin que le
personnel puisse faire le ménage dans les cabines.
Escale à Cobh
Quelques heures plus tard nous débarquons enfin à
Rosslare sous un grand soleil. C’est notre deuxième
voyage en Irlande et nous sommes heureux de retrouver l’ambiance de l’île verte. Après une nuit dans
l’auberge de jeunesse de Cashel et la matinée passée
à Cork, nous mettons le cap sur Cobh (prononcer «
Cove »).
Bien qu’elle ait été appelée « Queenstown » à partir
de 1849 suite à ma visite de la Reine Victoria, la ville
se réapropria son nom d’origine dès la déclaration
d’indépendance de l’Irlande en 1922.
Maisons colorées, petit port de pêche et grand soleil,
Cobh nous apparaît sous son plus beau jour. C’est une
ville à taille humaine, tournée sur la mer. Quant au
Titanic, impossible de passer à côté car ici il est partout. Sur les murs et aux fenêtres des maisons, dans
les vitrines des commerçants et des pubs, jusque sur
les voitures !
par Tiphaine Hirou
T
rois jours après avoir commémoré le centenaire du Titanic à Cherbourg en compagnie
d’autres membres de l’association, je me trouvais à
bord du Celtic Horizon qui quittait lentement la rade
en direction de l’Irlande. À quelques jours près, notre ferry empruntait la même route que le Titanic
100 ans plus tôt, à la différence que nous allions à
Rosslare, à quelques miles au nord-est de Cobh.
Bien sûr quand on est passionné du Titanic et que l’on
se trouve à bord d’un bateau, on regarde tout ce qui
nous entoure d’un autre oeil. Sans être inquiétée par
la traversée (que je préfére mille fois à l’avion), je
ne peux cependant m’empêcher de consulter le plan
d’évacuation afin de repérer où se trouvent les gilets
de sauvetage. Une balade nocturne sur le pont me permet d’appercevoir les lourds canots pouvant accueillir
120 personnes. Je me penche par dessus la rambarde
pour regarder les eaux noires, et à cet instant précis je
n’aurais aucune envie de descendre dans un canot...
Nous nous installons face au port pour pique-niquer,
et juste à côté de nous se trouve un grand et beau
bâtiment blanc qui arborde les couleurs familières de
la White Star Line. Ce sont les anciens locaux de la
compagnie, désormais transformé en un musée du Titanic tout juste inauguré pour le centenaire : le Titanic
Cobh Experience.
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Comme nous sommes attendu dans le Kerry à heure
précise et que la route est encore longue, je n’aurais
pas l’occasion de visiter ce musée. Ce n’est que partie
remise, il faut en garder pour la prochaine fois.
Néanmoins, nous avions le temps de voir l’autre musée situé quelques mètres plus loin : le Cobh Heritage
Centre. Il s’agit de l’ancienne gare maritime où arrivaient les immigrants, dont les quatorze futurs passagers du Titanic qui venaient du village d’Addergoole
(comté de Mayo). Ils prirent le train à Castlebar pour
arriver ici cent ans plus tôt. Onze d’entre eux trouvèrent la mort quelques jours plus tard.
Devant l’entrée de la gare, trois personnages sont
tournés vers la mer. C’est Annie Moore et ses deux
frères, Anthony et Phillip, âgés de 11 et 7 ans.
Ils embarquèrent sur le SS Nevada le 20 décembre
1891 en vue de rejoindre leur parents qui avaient immigré quelques années plus tôt à New York. Arrivés à
Ellis Island le 1er janvier 1892, le jour de l’ouverture
officielle du centre (et aussi du quinzième anniversaire d’Annie) la jeune fille fut la première enregistrée et
reçut à cette occasion une pièce d’or d’une valeur de
10$ par les officiels. Annie se maria par la suite avec
un employé de boulangerie a qui elle donna onze enfants, et mourut le 6 décembre 1924 d’une crise cardiaque. Aujourd’hui, une copie de cette statue figure
également dans le hall d’Ellis Island. Elle représente
tous les immigrants qui se lancèrent sur les mers en
quête d’une vie meilleure.
Nous pénétrons dans la gare de justesse pour échapper
à la pluie, et l’intérieur nous plonge dans l’ambiance
des départs pour l’autre monde, même s’il est un peu
vide et un peu trop propre pour ressembler exactement à ce que devaient découvrir les immigrants en
descendant des trains.
Dans le hall les visiteurs peuvent s’assoir pour prendre une collation à la cafétaria, ou bien s’approcher
d’un des murs de briques sur lequel sont accrochés
des panneaux décrivant la vie de Francis Browne, le
réverend à qui l’on doit les dernières photos connues
du Titanic, et qui débarqua du navire à contrecoeur
lors de l’escale à Queenstown en compagnie de la famille Odell.
Après cette petite introduction, nous nous présentons
à l’entrée du musée où l’on nous délivre des tickets
d’embarquements. Malheureusement les photos ne
sont pas autorisées à bord et je suis contrainte de ranger
mon appareil dans son sac. Pour le récit qui va suivre
il vous faudra donc faire appel à votre imagination...
Ambiance sombre et bruit de foule en fond sonore,
nous entrons dans le musée comme si nous étions des
immigrants arrivant sur le port. Il y a des sacs et des
bagages par terre, nous voilà transporté en 1845 à
l’époque de la grande famine. Un intérieur de bateau
est reconstitué pour nous montrer les conditions de vie
à bord. Des hommes en guenilles sont attablés à une
table et se tiennent la tête dans les mains, d’autres sont
allongés sur leurs bannettes ou bien roulés en boule à
même le sol... Les visages sont fatigués, sales, et certains semblent souffrir du mal de mer. En 1848, au plus
fort de la crise, le voyage vers l’Amérique durait 6 à
8 semaines selon les conditions météorologiques. En
raison du grand nombre de morts, ces bateaux étaient
surnomés les « Coffin-Ships » (bateaux cercueils).
L’exposition se poursuit à la façon d’une frise chronologique. Peu à peu les années passent et les navires
évoluent. En plus des voiles, ils ont à présent des cheminées, et tandis que l’immigration continue à battre
son plein, l’ère des grands vapeurs se profile à l’horizon. Des noms de compagnies émergent : Cunard
Line, White Star Line... Je reste plusieurs minutes en
admiration devant une magnifique maquette du City
of New York, et je me prends à penser qu’il est heureux que le Titanic ne l’ait pas abimé...
Nouveau siècle. Désormais l’exposition parle des
paquebots et décrit la course au Ruban Bleu tout en
présentant le Lusitania et le Mauretania.
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Sur les panneaud, les noms et les visages me deviennent familiers. Ici Bruce Ismay, là Thomas Andrews...
Le visiteur entre ensuite dans une petite salle dont les
murs représentent une coque noire rivetée...et bien
sûr l’intérieur est dédié au Titanic. On y présente les
installations autour d’une maquette du paquebot. Un
coin est également amménagé pour visioner un film
sur les chantiers d’Harland & Wolff. Dans les murs,
des niches de verre servent d’écrins à des objets et
photos ayant appartenu à des passagers Irlandais.
C’est ici que ce trouve la fameuse petite fiole avec
le message que Jeremiah Burke aurait jeté à la mer
depuis le Titanic, et qui fut découverte sur une plage
durant le mois de mai 1913. Que l’histoire soit vraie
ou fausse, cet objet est particulièrement émouvant.
du naufrage, mais juste après son départ, comme une
sorte d’adieu à l’Irlande. Mais dans ce cas là, me
direz-vous, la date devrait être le 11, et non pas un
10 ! Qui sait, peut-être Jeremiah s’est-il simplement
trompé d’un jour en jetant sa bouteille à la mer dans
l’euphorie du départ... Il était en tout cas bien loin de
se douter du débat qu’elle provoquerait encore des
années plus tard.
Kate Burke mourut quelques jours après que la fiole
fut découverte, certaine d’avoir reçu un message de
son fils depuis l’au-delà.
~
Retour au musée... De l’autre côté de la pièce, sur un
mur, se trouve la longue liste des Irlandais qui étaient
à bord. Une petite croix blanche figure devant les
noms des victimes.
Pour terminer, et en ressortant de la salle, les panneaux décrivent cette fois l’après naufrage en présentant les unes des journaux de l’époque publiés dans
le pays.
~
Pour la petite histoire... Jeremiah Burke était le plus
jeune d’une famille de 9 enfants, dont deux moururent en bas âge. Ses parents, William et Kate, étaient
de simples paysans du comté de Cork, et deux de ses
sœurs avaient déjà immigrées en Amérique. Elles
lui envoyèrent de quoi payer sa traversée pour qu’il
puisse les rejoindre à Charlestown (Massachusetts).
Sa cousine, Nora Hegarty, décida de l’accompagner
dans cette aventure. Le père de Jeremiah accompagna les deux jeunes gens (19 et 18 ans) à Queenstown
en charrette. Il rapporta par la suite qu’en attendant
d’embarquer ils sympathisèrent avec un passager qui
avait une cornemuse (Eugene Daly, qui survécut au
naufrage). Jeremiah et Nora n’eurent pas sa chance et
vinrent grossirent les rangs des disparus.
Un an plus tard, au début de l’été 1913, la Royal Irish
Constabulary contacta la famille Burke pour leur annoncer qu’un homme qui promenait son chien sur la
plage de Dunkettle (un village voisin au leur) venait
de découvrir une bouteille contenant un message...
Kate Burke reconnut ausitôt la petite fiole d’eau bénite qu’elle avait donné à son fils le jour de son départ
sur le Titanic. Elle affirma également qu’il s’agissait
bien son écriture. Sur le petit bout de papier jauni, il
est écrit :
L’exposition dérive ensuite sur le rôle du port de
Queenstown pendant la première Guerre Mondiale.
Un grand espace est également dédié à l’histoire du
Lusitania, coulé par un sous-marin allemand le 7 mai
1915 au large de Kinsale (à 45 minutes de Cobh). Ce
navire est ici tout aussi important que le Titanic.
Le visiteur découvre dans des vitrines plusieurs photos et documents originaux liés au paquebot, ainsi
qu’un film avec des images d’époque. Il y a également des reconstitutions grandeurs natures, dont une
scène particulièrement touchante qui reprèsente le salon d’une maison irlandaise où l’on voit près d’un feu,
un homme et une femme se tiennent la tête entre leurs
mains. Ils viennent d’apprendre la catastrophe et pleurent sans doute un proche disparu dans le naufrage.
Fin de la guerre. Années 20, années 30...
L’immigration et les paquebots changent. Je découvre
avec joie qu’un paneau est consacré au RMS Celtic.
Navire de la White Star Line qui, rappelons-le, s’était
échoué non loin de Cobh en 1928. Sont également
mentionés, le Queen Mary, le Queen Elizabeth, etc.
From Titanic. Good bye all.
Burke of Glanmire, Cork.
La date, qu’il aurait été bien utile de connaitre, est
quant à elle presque illisible, et personne n’est d’accord sur le chiffre. Est-ce un 10, un 12 ou un 13 ?
L’ayant eu devant mes yeux, je pencherais en ce qui
me concerne plutôt pour un 10... il est possible que
Jeremiah ait envoyé ce message non pas au moment
Enfin, la dernière partie de l’exposition se penche sur
l’arrivée des immigrants aux Etats-Unis et aborde les
conditions de vie miséreuses qui les attendaient dans
les « tennements » de New York, Boston, et autres
grandes villes du nouveau monde tant espéré.
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On découvre également les métiers qu’ils étaient
contraints de faire pour survivre.
Il nous aura fallu deux heures pour tout voir. Une très
belle exposition que je vous conseille à tous si vous
avez l’occasion de vous y rendre un jour !
Avec ma famille, nous avons poursuivi notre séjour
Irlandais pendant deux semaines à travers le Kerry et
la péninsule de Dingle. Plusieurs fois il me sera donné l’occasion de revoir le Titanic dans les magasins
au rayon des cartes postales, ou bien dans les vitrines
des librairies, et même dans le journal, juste à côté
d’une page dédiée aux présidentielles françaises...
A Cork, une publicité géante pour un hors-série de l’Irish Examiner.
Nous sommes également passés à Tralee, capitale du
Kerry et également lieu de naissance du médecin du
Titanic, William O’Loughlin. On y trouve un grand
musée dédié à l’histoire irlandaise, dont une partie
consacrée à l’histoire de Tom Crean, un explorateur
de l’Antartique qui s’était engagé dans la Royal Navy.
En 1912, il faisait partie de l’expédition Terra Nova
menée par Robert Scott.
Cependant, rien ne mentionne William O’Loughlin,
dont la carrière au sein de la White Star Line mériterait pourtant d’avoir elle aussi sa propre salle comme
celle de Tom Crean. Un oubli regrettable qui, je l’espère, sera corrigé un jour.
Le hall du Cobh Heritage Centre, à gauche l’expo sur F. Browne
Le vieil embarcadère est toujours là, c’est ici que les passagers
du Titanic embarquèrent à bord des transbordeurs Ireland et
America. Pour le voir de plus près il faut payer son entrée au
Titanic Cobh Experience.
Dans la vitrine d’un coiffeur de Cobh.
Le prochain navire en partance est le Titanic...
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Une librairie à Kilkenny.