Message du frère Yves Granger à l`occasion du - fsc

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Message du frère Yves Granger à l`occasion du - fsc
Message du frère Yves Granger
à l’occasion du départ des Frères du Sacré-Cœur
après 68 ans de présence à Les Eboulements
Monsieur Armand Bégin, curé de la paroisse;
Monsieur Simon Tremblay, président du conseil de fabrique;
Madame Caroline Simard, députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré;
Monsieur Pierre Tremblay, maire des Éboulements;
Gens d’ici et de Charlevoix,
Chers confrères,
Hier, à Victoriaville, nous avons souligné, avec les deux Amicales de la
communauté et la présence de nombreux dignitaires, les 144 ans d’histoire de
notre présence à Arthabaska. C’est le lieu de fondation au Canada où nous
sommes arrivés en 1872 et, le printemps prochain en 2016, nous sommes
appelés à quitter ces lieux tant aimés. Le frère Théodule à son arrivée à
Arthabaska n’avait que 18 ans; en 1874, à la fin d’une retraite de trois jours, il a
posé la question suivante à ses trois confrères : quand est-ce, croyez-vous, que
nous verrons 40 frères au Canada. Les trois confrères répondirent en chœur :
jamais! Pourtant, ce même frère Théodule, verra de son vivant 1100 frères au
Canada.
Nous l’avons entendu, ce matin, c’est Dieu qui s’occupe de la croissance et de
la fécondité. Il nous demande de collaborer, de travailler avec Lui. Il y a une
fécondité spirituelle qui dépasse nos simples efforts humains. L’arrivée de ces
quatre frères en 1872 à Arthabaska s’est développée grâce à de belles
réussites, mais non sans conflits importants et des petites guerres locales et ce,
dans des conditions matérielles plus que modestes. Mais, les résultats, voyezvous sont inédits. Nous avons rayonné au Québec, au Canada, aux États-Unis,
nous avons fondé des missions dans plus de 20 pays. Qui l’aurait cru? Je ne
peux m’empêcher de comparer ces quatre frères au grain de moutarde de
l’Évangile. C’était bien peu de choses. Rien ne prédisait un tel développement.
Mais quelle récolte!
Comment ne pas faire un lien avec les premiers frères qui sont arrivés ici, il y a
68 ans. Ils se sont d’abord établis pour offrir un lieu de formation pour des
jeunes attirés par la vie religieuse. Après, ce furent les années du Camp Le
Manoir, la colonie de vacances, les camps de pastorale de toutes sortes,
différents groupes scolaires, le Camp biblique, et tant d’autres implications dans
le milieu qu’il serait trop long de tout énumérer ici.
Comme j’ai vécu deux étés ici, comme moniteurs, en 1968 et en 1969, je vais
vous partager ce qui est encore vivant en moi, 47 ans plus tard. Même si c’est
une courte expérience, je crois que c’est révélateur d’un esprit particulier, d’une
manière de faire, d’une vision éducative. Et, je ne me suis pas tordu les
méninges. J’ai cueilli tut simplement ce qui est monté en moi :
● La richesse de l’histoire du Manoir, de toute cette époque; de ces lieux
habités, qui me rappellent les mots de Lamartine : « Objets inanimés avezvous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer »;
● Il me revient trois figures de frères parmi tant d’autres. Le frère Raymond
Matte, notre maître au postulat; la manière qu’il avait de nous confier des
responsabilités : il nous laissait faire, nous faisait confiance et si on se
trompait, l’événement devenait un lieu d’éducation où on apprenait quelque
chose. Le frère Dominique Campagna qui racontait ses contes et légendes
au théâtre des « Courants-d’Air » qui intéressaient les petits et les grands.
Mémoires, humour et traditions étaient au rendez-vous. Le frère Rosaire
Bergeron, déguisé en grand chef indien dans l’enceinte, qui parlait avec
des mots pleins de sens et d’images comme savent le faire les grands
poètes. Nous étions tous des amérindiens au bout de quelques minutes; ce
n’était plus un feu de camp, c’était l’univers entier qui était au rendez-vous;
● Le bon goût qui me reste d’avoir donné des moments de bonheur, des
moments de croissance aux jeunes qui nous étaient confiés; la joie
d’apprendre à donner sa vie et de voir que ça porte du fruit;
● L’expérience de fraternité, de solidarité que nous vivions entre nous les
jeunes. Que de fous rires, que de bonheur, que de taquineries. Moi, qui me
préparais à entrer au noviciat, ces moments ont compté positivement dans
l’expérience de la vie fraternelle dans ce qu’elle a de beau et de grand;
●L’expérience d’une prière incarnée et simple avec les frères; on ne passait
pas nos journées dans la prière, il y avait beaucoup de boulot à effectuer;
l’expérience d’une prière qui colle à ce que l’on vit, l’expérience aussi de
prier avec les jeunes le soir avant d’aller dormir qui se vivait comme un court
temps en dehors du temps;
Pardonnez-moi de vous partager ces expériences bien personnelles mais je
crois que l’essentiel de ces valeurs sont encore bien vivantes au Camp Le
Manoir. La culture change, la manière de les vivre et de les incarner, mais il y
avait un cœur à tout cela, une vision, et il était bien normal, je crois, que les
frères du Sacré-Cœur y soient pour quelque chose;
C’était bien peu de choses au début. Mais cette petite semence a porté du fruit
en abondance. Nous pouvons, ce matin, témoigner d’une réelle fécondité
apostolique vécue au cours de ces 68 ans. Vous voyez, c’est comme cela que
se construit le Royaume de Dieu. C’était hier. C’est aujourd’hui. C’est déjà une
semence pour demain.
Alors que nous quitterons ces lieux tant aimés à la fin de l’été, nous ne serons
pas tristes. Oui, il y a un deuil à vivre mais je crois profondément que Dieu nous
a bénis et qu’il a béni nos efforts. La récolte a été abondante et nous en
remercions le Seigneur. Mon cœur est bien davantage à la reconnaissance. Le
mot qui me vient au terme de cette présence des frères du Sacré-Cœur qui
aura duré 68 ans c’est Alleluia! C’est aussi le mot qui nous retourne vers celui
qui nous a appelés à venir ici, Dieu lui-même.
Merci, Seigneur, pout tout le bien réalisé en ces lieux. Pardon pour nos
manquements. Nous te demandons de bénir tous ceux et celles qui croient en
l’avenir du Camp Le Manoir et qui souhaitent le maintenir bien vivant au service
des jeunes.
Alleluia!
Merci.
Yves Granger, s.c.
Frère provincial

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