Fusions-acquisitions : la stratégie payante des

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Fusions-acquisitions : la stratégie payante des
Le magazine Option Droit & Affaires a réalisé son classement annuel des cabinets
d’avocats d’affaires sur le secteur des fusions et acquisitions
Fusions-acquisitions : la stratégie payante
des cabinets d’avocats d’affaires français
Classement
Entre fin 2013 et début 2014, les gros « deals »
ont recommencé à irriguer le marché. Publicis-Omnicom, Lafarge-Holcim, rachat de SFR
par Altice, acquisition du pôle énergie d’Alstom par General Electric et augmentation de
capital de PSA avec entrée au capital de l’Etat
et de Dongfeng… Les importantes opérations
de fusions et acquisitions sont de retour. Cela
a relancé la compétition entre les stars
de la place parisienne… Et permis aux
acteurs français de se distinguer. Les plus
petites opérations, impliquant des cabinets
moins en vue, sont moins nombreuses, mais
pour autant, les stratégies des boutiques
françaises ont bien fonctionné.
Emmanuelle Ducros
Le marché des fusions et acquisitions est un
marché à deux vitesses pour les cabinets d’avocats d’affaires. Le segment des grosses opérations, supérieures à 100 millions d’euros, a été
animé ces douze derniers mois, ce qui a permis
à une quinzaine d’acteurs (listés dans le tableau
ci-dessous) de revenir à une activité soutenue.
Les cabinets pouvant faire valoir des compétences en matière boursière ont été particulièrement bien servis : c’est le cas de Freshfields
Bruckhaus Deringer (où officie Hervé Pisani) et
d’Orrick Rambaud Martel. Le segment des opérations plus petites est, lui, toujours en berne.
Le nombre de « deals » reste limité, du fait de
problèmes de financement des opérations et de
frilosité des investisseurs étrangers, réticents
à prendre des positions en France. Les avocats
susceptibles d’intervenir sur ce genre de sujets
sont moins optimistes que leurs collègues des
cabinets-stars du barreau d’affaire français.
Mais dans un cas comme dans l’autre, une
tendance se dégage : dans un monde dominé
de la tête et des épaules par les firmes anglosaxonnes, les acteurs français ont fait du bon
travail au cours de l’année écoulée. Là où, il y
a quelques années, on ne venait pas chercher
les « petits français » sur les grosses opérations,
parce qu’ils n’étaient pas crédibles et pas assez
rompus aux opérations transfrontalières, ils
sont désormais partie intégrante du système.
« On voit émerger des “boutiques de niche”
françaises, explique Ondine Delaunay, rédactrice en chef d’Option Droit & Affaires, qui a coordonné l’enquête. Elles ne se spécialisent pas
« Du fait de structures
jeunes et réduites,
leurs honoraires
sont plus abordables »
dans les “due deal”, là où les gros cabinets américains sont dominants. Mais elles sont fortes en
accompagnement des conseils d’administration ou des présidents des groupes. Les structures étant plus jeunes et plus petites, les honoraires sont aussi inférieurs. Leur succès tient
autant à la qualité des équipes – souvent des
transfuges des grands cabinets anglo-saxons –
que des relations très proches qu’elles ont avec
les clients. Les associés sont très présents, en
personne, auprès des entreprises et mettent
eux-mêmes les mains dans le cambouis… Et du
fait de structures jeunes et réduites, leurs honoraires sont, sinon bon marché, au moins plus
abordables. »
Parmi ces jeunes cabinets plein de succès,
on peut citer BDGS, quie vient de rejoindre
Marc Loy, un des ex-grands noms de Linklaters
et Lacourte Raquin Tatar, constitué d’anciens
avocats de Gide Loyrette Nouel.
Le marché des énormes M & A a le vent en
poupe, celui des opérations sur les petites et
moyennes capitalisations, moins. Les cabinets
qui vivent de ce marché sont loin d’avoir réalisé
une année incroyable et n’envisagent pas vraiment d’amélioration à court terme. Cependant,
plusieurs cabinets français s’en sont, là encore,
très bien tirés, mieux que les grands cabinets
anglo-saxons. Parmi ceux-ci, Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral (CVML), Racine ou encore
De Pardieu Brocas Maffei et Reinhart Marville
Torre (qui a défendu la Société générale dans
l’affaire Kerviel). Ils réussissent souvent à s’imposer sur des dossiers internationaux.
« On leur reprochait autrefois d’être trop
franco-français, constate Ondine Delaunay. Plutôt que de combler ce handicap en développant
un réseau intégré à l’étranger, ce qui est très
coûteux et pas toujours efficace, car les équipes
sont parfois de niveaux disparates selon les
implantations, ils ont été pragmatiques. Ils ont
développé un réseau de “best friends”, des
cabinets partenaires. » Une stratégie futée, car
si elle est plus économique, elle permet aussi
de choisir les meilleurs correspondants. « Mais
pour cela, il faut être bons à la base et jouir
d’une bonne réputation internationale. C’est le
cas de ces cabinets », conclut Ondine Delaunay.
@emma_ducros
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Classement des cabinets d'avocats en fusions-acquisitions dont la majorité des opérations
est supérieure à 100 millions d'euros (Les cabinets sont classés par ordre alphabétique au sein
de chaque catgéorie. Les responsables de pratique sont indiqués en gras)
Allen & Overy
Frédéric Moreau, Alexandre Ancel, Marcus Billam, Marc
Castagnède, Frédéric Jungels, Jean-Claude Rivalland
Darrois Villey
Maillot Brochier
Olivier Diaz, Jean-Michel Darrois, Alain Maillot, Emmanuel
Brochier, Bertrand Cardi, Pierre Casanova, Ben Burman, Hugo
Diener, Olivier Huyghues Despointes, Christophe Vinsonneau,
Forrest Alogna
Bredin Prat
Didier Martin, Olivier Assant, Elena Baxter, Philippe Beurier,
Alexander Blackburn, Sophie Cornette de Saint Cyr, Barthélémy
Courteault, Patrick Dziewolski, Benjamin Kanovitch, Brigitte
Leclerc, Emmanuel Masset, José Maria Pérez, Matthieu
Pouchepadass, Sébastien Prat, Kate Romain, Olivier Saba
Linklaters
Fabrice de la Morandière, Bruno Derieux, Alain Garnier, Marc
Petitier, Vincent Ponsonnaille, Thierry Riguet, David Swinburne,
Pierre Tourres
Cleary Gottlieb Steen
& Hamilton
Pierre-Yves Chabert, Jean-Marie Ambrosi, Jean-Pierre Vignaud, Weil Gotshal &
Manges
Andrew Bernstein, John Brinitzer, Fabrice Baumgartner,
Marie-Laurence Tibi, Valérie Lemaitre, Anne-Sophie Coustel,
Barthélémy Faye, Amélie Champsaur, Charles Masson
BDGS Associés
Antoine Bonasse, Youssef Djehane, Jean-Emmanuel Skovron,
Max Baird-Smith, Marc Loy
Orrick Rambaud
Martel
Clifford Chance
Gilles Lebreton, Mathieu Rémy, Laurent Schoenstein, Catherine
Astor-Veyres, Aline Cardin, Dessislava Savova, Thierry Schoen,
Yves Wehrli, Xavier Comaills, Fabrice Cohen
Shearman & Sterling Nicolas Bombrun, Guillaume Isautier, Hervé Letréguilly, Sami
Toutounji
Davis Polk & Wardwell Jacques Naquet-Radiguet, Christophe Perchet, Arnaud Pérès,
Georges Terrier
Skadden Arps Slate
Meagher & Flom
Freshfields
Bruckhaus Deringer
Hervé Pisani, Jean-Claude Cotoni, Alan Mason,
Yannick Piette, Patrick Tardivy, Olivier Rogivue
Gide Loyrette Nouel
Paul Hastings
Jean-Marc Desaché, Didier G. Martin, Christophe Eck, Hugues
Scalbert, Guillaume Rougier-Brierre, Nadège Nguyen, Antoine
Lelong, David Boitout, Axelle Toulemonde, Jean-Gabriel Flandrois,
Pierre-Antoine Dubecq, Karl Hepp de Sevelinges, David-James
Sebag, Antoine Tézenas de Montcel
Claude Serra, David Aknin, Arthur de Baudry d'Asson, Jean
Beauchataud, Frédéric Cazals, Alexandre Duguay, Emmanuelle
Henry, Agathe Soilleux, Frédéric Salat-Baroux
Saam Golshani, Etienne Boursican, Yves Lepage, Jean-Michel
Leprêtre, Jean-Pierre Martel, Alexis Marraud des Grottes, George
Rigo, Véronique Roualet, David Syed
Armand Grumberg, Pierre Servan-Schreiber, Pascal Bine
Guillaume Kellner, Edith Boucaya, Olivier Deren, Etienne Mathey,
Pascal de Moidrey, Aline Poncelet, David Revcolevschi, Alexis
Terray
Herbert Smith Freehills Bruno Basuyaux, Hubert Segain, Frédéric Grillier, Frédéric
Bouvet, Edouard Thomas, Alex Bafi
White & Case
Hugues Mathez, François Leloup, Vincent Morin, Eric Laplante,
Nathalie Nègre-Eveillard, Guillaume Vallat, Franck De Vita
Latham & Watkins
Gaëtan Gianasso, Alexander Benedetti, Pierre-Louis Cléro, Denis
Criton, Thomas Forschbach, Charles-Antoine Guelluy, Patrick
Laporte, François Mary, Olivier du Mottay
Willkie Farr
& Gallagher
Eduardo Fernandez, Daniel Hurstel, Annette Péron, Cédric Hajage,
Grégoire Finance, Christophe Garaud, Daniel Payan
Dechert
Alain Decombe, Ermine Bolot, Matthieu Grollemund, Olivia
Guéguen, François Hellot, Anne-Laure Marcerou
McDermott Will
& Emery
Jacques Buhart, Thibaud Forbin, Jonathan Wohl, Bertrand
Delafaye, Nicolas Lafont, Lionel Lesur, Emmanuelle Trombe
Lacourte Raquin Tatar
Serge Tatar, Nicolas Jullich, Renaud Rossa, Cyrille Bailly
Ginestié Magellan
Paley-Vincent
Philippe Ginestié, Anne Dabezies, François Devedjian, Stéphane
Bénézant
Olswang
Guillaume Kessler, Vanina Paolaggi, Christophe Gaschin
Norton Rose Fulbright
Poupak Bahamin, Jon Harry, Stéphane Sabatier, Bénédicte Denis,
Alain Malek
Méthodologie : Option Droit & Affaires a mis en place une méthodologie transparente garante de la légitimité et de l’impartialité de ses classements annuels. L’étude s’appuie sur l’envoi d’un questionnaire aux cabinets d’avocats spécialisés en la
matière, auquel s’ajoute un entretien obligatoire avec chacune des équipes répondantes pour détailler l’activité présentée et ainsi confronter les réponses. Une enquête est ensuite menée auprès des clients de chaque cabinet pour obtenir leur avis,
confidentiel, sur le travail du cabinet avec lequel ils ont collaboré. Le Cercle Montesquieu (association des directeurs juridiques des groupes implantés en France) vérifient ensuite le respect de la méthodologie de l’enquête et plusieurs membres de
l’association, experts de la matière, confrontent leurs points de vue sur les classements réalisés. Les critères pris en compte pour l’établissement des classements sont l’innovation juridique apportée au dossier, la qualité de l’assistance au client,
les compétences techniques mises en œuvre, le nombre de dossiers traités et la croissance de l’activité par rapport à l’année précédente, la taille des dossiers traités, la taille et l’autonomie de l’équipe par rapport aux autres départements du cabinet.
Seuls les cabinets ayant respecté ce parcours méthodologique sont classés.
SOURCE : OPTION DROIT & AFFAIRES
8 l’Opinion lundi 13 octobre 2014
« La concurrence
s’accroît entre
les cabinets »
Pour Jean-Guillaume d’Ornano,
PDG du groupe Option Finance, les
clients des avocats d’affaires sont de
plus en plus attachés à la qualité du
service qu’ils reçoivent, plus qu’à la
taille du cabinet.
Il y a eu de gros dossiers sur le
marché ces derniers mois, pour
les cabinets d’avocats. On imagine
qu’ils ont été très disputés ?
La compétition s’est intensifiée
entre les équipes pour remporter les
contrats. Les cabinets ont compris
que le gagnant emporte tout : pas
seulement les bénéfices d’une grosse
affaire, mais aussi le succès d’estime,
qui a une valeur. Le magazine American Lawyer n’expliquait-il pas récemment que les “Super Rich Get Richer”, en substance, qu’on ne prête
qu’aux riches ? Le cabinet Cleary
Gottlieb, par exemple, qui a toujours
fait partie des stars, a réalisé une très
belle année en emportant la fusion
Lafarge-Holcim. Pas seulement financièrement. Il a assis un peu plus
sa réputation. Quand on gagne ce
genre d’opération, on gagne très fort
et sur tous les tableaux.
La bataille a-t-elle été aussi
financière, pour se positionner
sur les grosses opérations ?
Pas forcément pour les plus
grosses, qui continuent à faire vivre
bien les grands cabinets. Mais ce que
l’on voit, plus globalement, c’est que
l’époque des « fees » à plusieurs millions d’euros n’est pas revenue. Les
tarifications au forfait se sont généralisées. Les cabinets dimensionnent
le coût global de leurs prestations
avant de les proposer aux clients. On
a vu aussi beaucoup de boutiques de
dimension plus modeste émerger.
Elles proposent des tarifs plus raisonnables pour un service de bonne
qualité.
Ce qui a changé, avec la crise,
c’est aussi cette notion de service.
Oui. C’est d’ailleurs une des
choses qui remontent de façon très
nette des questionnaires que nous
avons soumis aux clients des cabinets d’avocats. Ils attachent de plus
en plus d’importance au service, à
la relation, à la disponibilité que leur
accorde leur conseil. Ils attachent
beaucoup d’importance à être considérés comme des clients privilégiés.
Depuis quelques années, la notion
« d’intuitu personae » est devenue
centrale. Des cabinets de taille modeste peuvent se faire une place sur
de belles opérations à condition de
développer des rapports très étroits
avec leurs clients et de mettre l’accent sur un service « haute couture ».
Le cabinet Skadden, par exemple,
avec 3 associés et une quinzaine de
collaborateurs seulement, se classe
très bien dans notre étude à ce titre.
Cela signifie aussi que les personnalités des avocats comptent beaucoup. Cette ressource humaine est
précieuse et les cabinets le savent.
Un homme comme Marc Billam, par
exemple, a été central dans le succès
du cabinet Allen & Overy dans le dossier Vivendi. On a vu, cette année,
une intensification du mercato : des
mouvements d’avocats passant avec
toute leur équipe – et probablement
leurs clients – d’un cabinet à l’autre.
Interview
Emmanuelle Ducros
@emma_ducros
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