L`alimentation dans l`évolution du cancer de la prostate
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L`alimentation dans l`évolution du cancer de la prostate
reportage Nourrir son esprit L’alimentation dans l’évolution du cancer de la prostate par le Dr Neil Fleshner es particularités du cancer de la prostate nous ont convaincus que le régime alimentaire peut jouer un grand rôle face au développement tumoral. Et qu’en modifiant son alimentation, même après le diagnostic, on peut changer le cours du cancer et ralentir sa croissance. D Ailleurs dans le monde... Des études épidémiologiques sur les risques et les facteurs de protection liés au cancer de la prostate offrent certains indices sur sa véritable cause. On s’est notamment penché sur l’incidence de la maladie à l’échelle mondiale. Fort répandue en Occident, elle se fait plutôt rare Le Dr Neil Fleshner dirige le secteur de l’urologie du University Health Network, à Toronto, ainsi que le Programme du cancer génito-urinaire du Princess Margaret Hospital. ENTRENOUS AUTOMNE 2003 6 sous d’autres cieux — particulièrement en Extrême-Orient. Le Japon, la Chine et la Thaïlande enregistrent très peu de diagnostics de cancer prostatique ou de décès connexes. Deux hypothèses pourraient expliquer ce phénomène. Soit le code génétique des Asiatiques les protégerait du cancer de la prostate, soit leur environnement (alimentation, culture, degré de pollution) s’opposerait au développement de cette maladie. Pour éclairer la question « Gènes ou environnement ? », des chercheurs ont étudié Coupez dans le gras des hommes asiatiques ayant émigré à l’Ouest. Un constat s’est imposé : le risque de cancer prostatique s’accroît considérablement chez ces nouveaux arrivants. Et chez leurs fils, il rattrape pratiquement celui des Occidentaux de souche. Ce qui laisse supposer que les facteurs environnementaux, par exemple l’alimentation, seraient les grands responsables de la plupart des cancers prostatiques. Si l’explication était vraiment d’ordre génétique, les immigrants des 1re et 2e générations continueraient de ne courir qu’un faible risque d’apparition de la maladie. Les scientifiques ont également approfondi leur savoir sur l’origine de ce cancer par des revues d’autopsies décrivant la prostate d’hommes décédés d’autres causes. Ces examens postmortem se sont déroulés dans divers pays et ont permis de conclure que le risque d’être porteur de microscopiques quantités de cellules cancéreuses était bien universel ! Tant dans les pays à risque faible (Chine, Japon) qu’à risque élevé (en Occident), le vieillissement semble s’accompagner de l’émergence d’un petit nombre de cellules prostatiques cancéreuses. La différence, c’est qu’au moment de l’autopsie, et par rapport aux Occidentaux, les Asiatiques en présentent moins. Cela signifierait que la formation d’une première grappe de cellules prostatiques cancéreuses est moins importante que leur vitesse de croissance. En d’autres termes, on retrouve un peu de cellules prostatiques cancéreuses chez la plupart des Asiatiques, mais elles croissent si lentement que la vaste majorité de ces hommes meurent à un âge avancé pour une toute autre raison. On est ce que l’on mange… Selon une récente revue d’autopsies, 30 % des hommes portent déjà des cellules prostatiques cancéreuses dans leur trentaine ! Nous disposerions donc littéralement de décennies pour ralentir, sinon stopper, la multiplication de ces cellules. En outre, la croissance des cellules existantes semble être influencée par le régime alimentaire. Il est parfaitement plausible que la modification des habitudes alimentaires contribue à freiner l’évolution de la maladie une fois le diagnostic de cancer de la prostate établi, ou encore à réduire le risque de récurrence après une prostatectomie ou une radiothérapie. L’une des principales différences alimentaires entre Occidentaux et Asiatiques est leur consommation de gras. Le Nord-Américain moyen tire de 35 à 40 % de son apport calorique total des matières grasses, contre 20 à 25 % pour son vis-à-vis asiatique. Des études montrent que les hommes atteints de cancer prostatique tendent à consommer plus de gras que ceux qui en sont exempts. Et les gras saturés (provenant d’animaux, comme dans la viande et le fromage) élèveraient davantage le risque de cancer que les gras insaturés (d’origine végétale). Une étude menée à Québec auprès d’hommes souffrant du cancer de la prostate et qui consommaient beaucoup de corps gras saturés a démontré que leur tumeur croissait trois fois plus vite. Le message, ici, est très clair: ramenez l’apport calorique provenant des gras à 20-25 %, et consommez moins de gras d’origine animale. r Le sélénium La vitamine E Aussi appelée alpha-tocophérol, la vitamine E est un antioxydant présent à l’état naturel dans les huiles végétales (d’arachides, d’avocat, etc.) ou d’autres huiles de cuisson. Pour consommer suffisamment de cette matière grasse tout en suivant un régime faible en gras, il faut parfois recourir à des suppléments (extraits naturels). On n’a établi la relation entre la vitamine E et la prévention du cancer prostatique que dans les années 1990, lors d’un vaste essai misant sur cette vitamine pour réduire l’incidence du cancer du poumon. Ce fut un échec, mais on a observé que le risque de cancer de la prostate, lui, avait reculé de 30 % au bout de quatre ans. Mieux encore, le risque d’en mourir avait chuté de 41 % après six ans. Ces données sont particulièrement crédibles puisqu’il s’agissait d’un essai randomisé — les participants qui prendraient la vitamine E ou un placebo (sans aucun médicament) étaient sélectionnés de façon aléatoire, « au hasard ». Une recherche torontoise a également montré que la vitamine E inhibe la croissance des cellules prostatiques cancéreuses. Plusieurs essais examinent présentement la vitamine E sous l’angle de la prévention. En attendant leurs conclusions, si vous n’êtes pas admissible à de tels essais, vous pourriez prendre de la vitamine E à raison de 400 à 800 UI (unités internationales) par jour. Comme les terres agricoles ne renferment pas toutes des concentrations égales de sélénium, il est difficile de maintenir un apport régulier de cet oligo-élément dans l’assiette. Tel légume poussé au Brésil peut avoir une forte teneur en sélénium alors que le même légume produit au Canada en contiendrait bien peu. Les sols canadiens sont pauvres en sélénium. En fait, seules les noix du Brésil en contiennent toujours abondamment, mais on peut en trouver sous forme de supplément vitaminique. L’utilité du sélénium dans le cancer de la prostate a émergé d’une étude portant sur la prévention du cancer de la peau, auprès de 1 200 hommes. Dix ans plus tard, on a constaté que le sélénium ne prévenait pas le cancer cutané mais que le risque de cancer prostatique était de 66 % inférieur chez les hommes qui avaient reçu cet oligo-élément plutôt que le placebo. Ici encore, l’intérêt et la validité des résultats tiennent au fait qu’il s’agissait d’un essai randomisé. Par ailleurs, des études en laboratoire, dont certaines menées à Toronto, ont démontré que le sélénium ralentissait la croissance des cellules prostatiques cancéreuses. On considère qu’à 200 microgrammes par jour, les suppléments de sélénium ne présentent aucun danger. ENTRENOUS AUTOMNE 2003 7 Le soya Les lycopènes Manger des tomates abaisse le risque de cancer, tous types confondus. Celui du cancer de la prostate, en particulier, diminue de 33 %. Les tomates sont riches en lycopène — ce pigment qui leur donne leur couleur rouge est aussi un antioxydant puissant. D’autres fruits à chair rouge (melon d’eau, goyave, etc.) en contiennent aussi, mais pas les tomates jaunes. Les tomates cuites ou préparées — en sauce, jus, soupe ou pâte — offrent beaucoup plus de lycopènes biodisponibles que les tomates crues. C’est que la cuisson, en brisant leurs membranes cellulaires, facilite leur absorption. Un rien d’huile dans la sauce ou la soupe aidera aussi la digestion. La plupart des suppléments dont on vante la teneur en lycopènes n’en renferment en réalité que très peu : de 2 à 5 mg, bien loin du compte de 30 à 50 mg dont vous avez besoin tous les jours, de source alimentaire ou sous forme de supplément. Les Asiatiques sont de grands consommateurs de soya, lequel contient des estrogènes naturels appelés phytoestrogènes ou isoflavones. Étant donné la sensibilité du cancer de la prostate aux androgènes, la consommation d’estrogènes serait théoriquement bénéfique. Les isoflavones inhibent également les mécanismes de formation des nouveaux vaisseaux sanguins nécessaires à la croissance de la tumeur ou à l’apparition de métastases (d’autres sites du corps où les cellules prostatiques cancéreuses essaient de s’enraciner). Les épiceries et les magasins d’aliments naturels offrent maintenant différents produits à base de soya, y compris des suppléments en poudre. La vitamine D Stéroïde plutôt que vitamine à proprement parler, la vitamine D est importante pour le métabolisme du calcium et la santé osseuse. De plus en plus de données indiquent qu’elle contribue à combattre plusieurs cancers, dont celui de la prostate, en détruisant les cellules cancéreuses et en freinant leur prolifération. L’exposition au soleil et les produits laitiers enrichis en sont les principales sources. De nombreux Canadiens âgés présentent une certaine carence en vitamine D, surtout durant l’hiver. En outre, les aliments riches en calcium nuisent à la production naturelle de vitamine D par le corps. Et bien que le calcium soit bénéfique, il ne faut pas en abuser... C’est pourquoi l’exposition raisonnable aux rayons solaires est recommandée ! Vous pourriez aussi prendre des suppléments de vitamine D, à raison de 400 à 1000 UI par jour. Et la liste continue… Remplacer le bœuf gras par du tofu dans votre hamburger, consommer des tomates sans restriction, bonifier votre alimentation quotidienne par des suppléments de vitamine D ou de sélénium : ces indications aident à prévenir l’apparition ou à ralentir la croissance du cancer de la prostate, comme l’ont confirmé de solides recherches scientifiques. D’autres aliments, moins étudiés, n’en méritent pas moins une mention honorable: le vin rouge (avec modération), le thé vert, l’ail et les crucifères tels que le brocoli et le chou-fleur. Pas de miracle instantané Les études à venir permettront de prouver hors de tout doute la valeur anticancéreuse de ces nutriments. Et la participation à un essai clinique portant sur la nutrition intéressera quiconque veut mieux comprendre le lien entre cancer et alimentation. Mais aucun aliment ou supplément, à lui seul, ne peut compenser des habitudes de vie déplorables pour la santé. Un mode de vie sain comporte certainement d’arrêter de fumer et de ENTRENOUS AUTOMNE 2003 8 faire de l’exercice. Le bon sens exige aussi de porter attention à la dose et à la qualité des suppléments que l’on prend. Tenez-vous-en aux marques reconnues, et évitez les excès — la surconsommation de certains aliments ou vitamines peut entraîner des effets nocifs. Finalement, parlez donc de vos suppléments de vitamines et minéraux avec votre médecin pour éviter toute mauvaise interaction avec les médicaments que vous prenez peut-être pour le cancer ou une autre maladie.