SEISMES – ERUPTIONS – GLISSEMENTS DE TERRAIN

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SEISMES – ERUPTIONS – GLISSEMENTS DE TERRAIN
SEISMES–ERUPTIONS–GLISSEMENTSDETERRAIN
Phénomènestelluriquessurleterritoirefrançais:
ObservaEon,recherche,surveillance,alerte.
Quelsrôlespourlacommunautéacadémique?
Livre blanc de la communauté scientifique académique
__________________________________
Novembre 2017 – Document de travail
INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES DE L’UNIVERS
Mise en garde
Ce document n’est pas encore achevé à ce stade et demeure au stade de document
de travail.
Il est soumis jusqu’au 31 décembre 2016 à l’avis de la communauté scientifique des
spécialistes du domaine Terre solide du CNRS-INSU.
Après avoir reçu les remarques et recommandations des spécialistes, le groupe de
travail achèvera la rédaction de ce document pour aboutir à la version finale qui sera
éditée et transmise en premier lieux aux autorités et tutelles, aux organismes
partenaire, à la direction du CNRS, à la communauté scientifique .
Il est demandé aux scientifiques qui souhaitent contribuer à cette réflexion de
transmettre leurs remarques à une (ou la) personne du groupe de travail de leur
laboratoire.
Pour les laboratoires qui n’ont pas de représentant dans le groupe de travail, merci
d’adresser vos remarques simultanément à :
[email protected] (coordinatrice)
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SOMMAIRE
AVANT PROPOS
p. 4
GROUPE DE TRAVAIL
P. 5
SYNTHESES DES RECOMMANDATIONS
p. 6
PREAMBULE , Observation, surveillance, alerte, aléas et enjeux associés
p. 11
CHAPITRE I. Institutions impliquées ou en charge de la recherche, de
l’observation, de la surveillance, de la prévision et de l’alerte
p. 13
CHAPITRE II. Les grands processus à l’origine des catastrophes telluriques et
implications pour la prévision
A. La dynamique terrestre à l’origine des séismes et des éruptions volcaniques
B. Les séismes et le cycle sismique
C. Eruptions volcaniques : types, précurseurs, approches prédictives
D. Tsunamis
p. 18
CHAPITRE III.
Les phénomènes sismiques en France
A. Le cas de l'hexagone et des zones limitrophes
B. Le cas des Antilles
C. Autres régions : Nouvelle-Calédonie et Vanuatu
p. 35
CHAPITRE IV. Les phénomènes volcaniques en France
A. Le volcanisme en France
B. La Réunion et le Piton de la Fournaise
C. Soufrière et Montagne Pelée : les volcans français des Antilles
p. 70
CHAPITRE V. Les phénomènes gravitaires en France
A. Contexte phénoménologique
B. Typologie et exposition historique et contemporaine
C. Quel dispositif vis-à-vis des autorités en cas de crise, quelles autorités ?
p. 89
CHAPITRE VI. , Situation de crise, responsabilité, information, communication
p. 96
A. Comment définir l’évolution d’une crise, décider de son début et de sa fin ?
B. L’information des autorités en cas de crise intérieure et en cas de crise extérieure pouvant
impacter le territoire français
C. La communication vers les media et le public
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AVANT PROPOS
A la suite du séisme de L’Aquila (Italie 2009) et des événements judiciaires qui ont suivi
impliquant la communauté des sismologues italiens, la communauté scientifique françaises
concernée par les risques telluriques et la direction de l’Institut national des sciences de
l’Univers du CNRS (INSU) se sont interrogés sur le degré de préparation de la communauté
scientifique française en cas de catastrophe majeure survenant sur le territoire métropolitain
ou dans les départements d’outremer.
Après le travail d’un groupe d’experts mis en place par la direction de l’INSU et l’auto
saisine du Comité d’éthique du CNRS, la Commission spécialisée du domaine Terre Solide
de l’INSU a organisé une table ronde sur le thème des risques telluriques en France dans le
cadre de son travail de prospective, qui s’est conclu à Cabourg en novembre 2014, lors
d’un colloque de restitution.
La conclusion de cette table ronde a été d’énoncer la nécessité de faire un état des lieux
complet, sous la forme d’un livre blanc destiné principalement à informer les autorités, sur :
l’avancée des connaissances concernant les processus telluriques (séismes, éruptions
volcaniques, glissement de terrain) ; l’état des moyens mis oeuvre pour l’observation, la
recherche, et dans certains cas la surveillance et la prévision des catastrophes telluriques ;
la responsabilité et l’implication de la communauté académique en cas de catastrophe
majeure, la communication des scientifiques en cas de crise.
La préparation de ce livre blanc a été confiée, sous l’égide de l’INSU, à un groupe de travail
comprenant volcanologues, sismologues, géophysiciens issus d’une dizaine de laboratoires
concernés dont le CNRS est co-tutuelle. Elle s’est donc effectuée dans le cadre du CNRS.
Les tsunamis ayant précédemment fait l’objet d’un travail de réflexion inter-organismes qui
a conduit à la mise en place du CENALT en 2009, les tsunamis n’ont pas été traités
spécifiquement dans ce document.
Le document présent marque la fin d’une première étape, celle de l’état des lieux réalisé par
le groupe de travail. Ses conclusions et recommandations doivent maintenant être
soumises à l’avis de la communauté scientifique concernée afin d’achever ce travail et
d’éditer le livre blanc demandé. La journée atelier-débats, prévue le 17 novembre 2016 à
l’Institut de physique du globe de Paris sera le moment, pour le groupe de travail, de
recueillir l’avis et l’engagement à ses côtés de la communauté scientifique en charge des
aléas telluriques avant d’achever sa mission.
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GROUPE DE TRAVAIL
AGRINIER Pierre (Institut de physique du globe de Paris),
BACHELERY Patrick (Laboratoire magmas et volcans/OPGC, Clermont-Ferrand),
BERNARD Pascal (Institut de physique du globe de Paris),
DELOUIS Bertrand (GéoAzur, Sophia Antipolis),
DEVERCHERE Jacques (Laboratoire Domaine Océanique/IUEM, Brest),
DIAMENT Michel (Institut de physique du globe de Paris),
GIBERT Dominique (Institut de physique du globe de Paris),
GRASSO Jean-Robert (Institut des sciences de la Terre/OSUG, Grenoble),
HUMLER Eric (Institut national des sciences de l’Univers),
JAUPART Claude (Institut de physique du globe de Paris),
MARTEL Caroline (Institut des sciences de la Terre d’Orléans/OSUC),
VERGNE Jérôme (Institut de physique du globe de Strasbourg/EOST),
VIGNY Christophe (Laboratoire de géologie de l’ENS, Paris).
Avec la contribution de :
CLOUART Valérie (Institut de physique du globe de Paris, OVSM, Martinique),
DESSERT Céline (Institut de physique du globe de Paris, OVSG, Guadeloupe),
GUEGUEN Philippe (Institut des sciences de la Terre/OSUG, Grenoble),
LE FRIANT Anne (Institut de physique du globe de Paris),
MANGENEY Anne (Institut de physique du globe de Paris),
PELTIER Anne (Institut de physique du globe de Paris, OVSR, La Réunion),
SCAILLET Bruno (Institut des sciences de la Terre d’Orléans/OSUC),
SCHLUPP Antoine (Institut de physique du globe de Strasbourg/EOST),
VILLENEUVE Nicolas (Institut de physique du globe de Paris, OVSR, La
Réunion).
Coordination
GRAPPIN Christiane (Institut national des sciences de l’Univers),
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SYNTHESE DES RECOMMANDATIONS
Chapitre I. Institutions
•
Rendre publiques sans limitation les données récoltées par les opérateurs et œuvrer
pour une conscience commune des opérateurs et des structures académiques.
•
-
Pour les tâches de surveillance et d’alerte réalisée par les labos académiques :
Etablir des textes « stables » et raisonnés qui lient les instances de recherche en
charges des réseaux d’observations et de l’alerte avec les « opérateurs » du risque ; en
fixent les attributions et définissent les responsabilités de chacun.
Donner aux structures, qui en sont chargées, les moyens nécessaires à
l’accomplissement de leurs missions/tâches d’observation et d’alerte, c’est-à-dire :
régler notamment les problèmes d’astreintes) ; les protéger des aléas budgétaires tant
que leur contribution à la sécurité publique est avérée.
Ne pas couper les structures de surveillance et d’alerte de celles « chargées » de la
fonction recherche d’excellence qui est indispensable pour progresser dans la
connaissance du risque, de sa gestion, et de l’alerte…
-
-
•
Mettre les Antilles, région la plus active de France au centre des préoccupations en
matière de risque tellurique.
Chapitre II. Les grands processus
•
Les études sur les processus physiques, là où ils s’expriment de part le monde, et
sur les méthodes d'observation et de caractérisation des phénomènes telluriques
(séismes, éruptions volcaniques, mouvements gravitaires, tsunamis) sont
essentielles pour faire progresser notre connaissance de ces phénomènes et la
chaîne détection-analyse-prévision. Ces approches fondamentales et
observationnelles doivent être maintenues, encouragées, intensifiées.
Chapitre III. Les séismes
•
Pérenniser le dispositifs d’observation sismologiques et géodésiques en assurant leur
fonctionnement long terme et leurs indispensables évolutions, de manière à faire
progresser les connaissances fondamentales nécessaires à une meilleure estimation de
l’aléa sismique.
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•
Poursuivre les actions initiées dans l’axe transverse « Sismicité » de RESIF afin de
mettre en place des produits issus des données des observatoires (catalogue et bulletin
de référence de la sismicité, cartes d’intensités, ShakeMap, …), et favoriser leur
utilisation par d’autres acteurs que ceux de la recherche académique.
•
Renforcer des actions de recherche fondamentale et appliquée impliquant
significativement la communauté académique sur l’estimation de l’aléa, la vulnérabilité et
le risque associés aux séismes naturels et induits, et allant de l’échelle locale à celle de
tout le territoire.
•
Développer et favoriser les interactions entre les acteurs de la recherche académique et
ceux des autres organismes fortement impliqués dans l’estimation de l’aléa et du risque
sismique et sa gestion pendant et hors périodes de crise.
•
Chapitre IV. Les éruptions volcaniques
•
Il faut toujours avoir présent à l’esprit qu’aucune éruption volcanique n’est vraiment
inoffensive. Même les coulées de lave peuvent se révéler mortelles.
•
La prévision ne peut se limiter à une déclaration sur la probabilité d’une éruption. Il faut
aussi donner des informations sur son intensité, son régime, sa durée potentielle.
•
Il est indispensable de prendre en compte le fait qu’en volcanologie les crises peuvent
être longues (plusieurs mois/années). Ceci doit être anticipé.
•
La prévision des éruptions nécessite une bonne connaissance des modes de
fonctionnement propres à chaque édifice volcanique. Cela implique que chaque volcan
soit l’objet d’études géologiques et volcanologiques (au sens de l’étude des
dynamismes et régimes éruptifs passés), et qu’il soit l’objet d’une observation à long
terme de son activité géophysique, géochimique et magmatologique.
•
Les observatoires volcanologiques sont au cœur du dispositif en matière de prévision et
de suivi des éruptions. Ils assurent une observation (surveillance) instrumentale continue
du volcan. Ils constituent le centre de décision et de diffusion de l’information.
•
En revanche, ils ne disposent pas des moyens pouvant être consacrés aux missions
d’alerte et de communication de l’alerte.
7
•
L’absence d’organisation préalable du système de communication en période de crise
est une faiblesse.
Chapitre V. Phénomènes gravitaire
•
Dans le contexte, nous proposons ci dessous les bases de propositions d’actions
scientifiques qui ont pour objectifs d’améliorer la compréhension de la physique des
instabilités gravitaires et son impact sur la gestion des aléas associés. Il est important
que ces actions couvrent les 3 volets initiation – déclenchement - propagation tant pour
la physique de ces phénomènes que pour les impacts sur la gestion de l’aléa.
•
Nécessité d’augmenter (et de pérenniser) le nombre de bases de données quantitatives
partagées (de préférence multidisciplinaires) sur des épisodes (y compris de courte
durée) représentatives de cas spécifiques dans les alpes françaises. Cet effort doit
couvrir les 3 phases précédemment citées comme, phase d’initiation du mouvement
gravitaire, phase de déclenchement et phase de propagation de ce dernier.
•
Nécessité d’évoluer depuis une notion d’aléa spatial statique (carte), vers un aléa
probabiliste indépendant du temps, puis dépendant du temps (sur la base des mesures
de réseaux de déformations et d’endommagement au sol et via l’imagerie satellitaire
régionale, couplées à des mesures hydro-météorologiques). Par ce dernier aspect on
doit ici pouvoir accéder au couplage multi-aléas où par exemple la réponse à de fortes
pluies (ou séisme) peut déclencher une cascade d’événements gravitaires, ces derniers
induisant des lac-barrages. Dans le contexte volcanique, la cascade gonflement du
volcan, instabilités de flanc, avalanches de débris fait émerger le phénomène tsunami
local avec les impacts associés.
Ces thémes soulignent l’importance du
développement d’axes de recherche transversaux.
•
Prise en compte quantitative d’un couplage multi-aléa, en particulier réponses aux
séismes et changement climatiques. Ici encore dans le contexte de modifications des
propriétés hydro-mécaniques du sous sols à différentes échelles de temps
(endommagement lié aux séismes ou éruption volcaniques ; épisode pluvieux ; cycle
annuel gel-dégel ; réchauffement climatique) la transversalité des analyses doit être
renforcée entre spécialistes de terre interne et ceux des enveloppes externes, pour
aboutir vers des arbres de décisions opérationnels concernant ces phénomènes rares,
tant pour l’analyse de la robustesse des phénomèmes précurseurs, que pour les larges
fluctuations des distances de propagations liées aux variables mécaniques de
l’écoulement gravitaire.
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•
Amélioration des liens entre recherches académiques et gestionnaires du risque, qui au
delà du partage des mesures doit permettre des transferts de méthodologies et des
interactions sur des axes de recherche pour répondre à des problématiques de gestions
opérationnelles.
Chapitre VI. Situation de crise, responsabilité, information,
communication,
•
Demander la participation des scientifiques à la rédaction des dispositifs spécifiques
ORSEC « Volcan », « Séisme » et « Tsunami » avec les autorités départementales ou
zonales.
•
Afin de tisser des liens pérennes au plus haut niveau entre responsables des tutelles,
(ministère de l’intérieur, ministère de l’environnement de l’énergie et de la mer, ministère
en charge de la recherche), des organismes de recherche, de la protection civile, et des
opérateurs du risque, organiser une rencontre annuelle des responsables de toute la
chaîne du risque qui permette de dresser régulièrement un état des lieux concernant les
moyens, l’avancée des connaissances et des circuits de transfert d’information en
période de crise, ainsi qu’en dehors des crises.
•
Au niveau régional, des liens étroits sont à établir ou renforcer entre les responsables
scientifiques, les acteurs locaux des collectivités territoriales et des gestionnaires des
crises.
•
Pour l’information de tous les publics et une meilleure connaissance partagée de tout ce
qui concerne les processus, aléas, risques telluriques, proposition d’une « Journée
nationale annuelle de sensibilisation et d’information sur les risques telluriques »,
mobilisant les organismes de recherche, les autorités, les acteurs du risque et les media,
les scolaires.
•
Proposition d’édition d’un corpus de fiches/affiches ou livret guide/affiches, en partenariat
avec les ministères, les organismes et acteurs du risque, donnant (à diffuser via des sites
d’information) aux médias, enseignants, public, préfectures, pompiers… regroupant les
notions de base que chacun devrait connaître, à actualiser régulièrement.
•
Poursuite des actions volontaires des scientifiques en période « calme » pour sensibiliser
les médias et le public, lors de conférences ou visites de laboratoires, sur le rôle et les
attributions des observatoires.
•
Formation des autorités, acteurs du risque, media, à proposer par les scientifiques à
l’échelon local.
9
•
Pour le CNRS, écrire et mettre à la disposition des scientifiques et laboratoire les
procédures de communication en cas de crise, ainsi que les recommandations de base
sur la manière de gérer une requête des media et de se préparer à une interview.
•
Pour répondre aux mieux aux sollicitations médiatiques en temps de crise il est proposé
de mettre en place un réseau d’experts scientifiques communicants, inter organismes,
volontaires et habilités à s’exprimer dans les médias en cas de crise, et formés à la
communication de crise. Chacun étant identifié pour un type d’expertise particulière.
•
Proposer aux scientifiques du domaine, dans le cadre de la formation permanente, une
formation à la communication de crise.
•
Il n’existe pas en volcanologie de structure équivalente à la cellule post-sismique, il est
conseillé que le SNOV mette en place un dispositif équivalent.
•
Devront être examinés la question des applications grand public, de l’utilisation des
réseaux sociaux, de portail d’information unique, inter-organismes.
•
Solliciter la Mission Interdisciplinaire du CNRS pour développer des programmes dans ce
domaine sur les scénarios de crise et leurs impacts sociaux économiques.
10
PREAMBULE
Observation, surveillance, alerte, aléas et enjeux associés
Les progrès dans la compréhension des processus telluriques naturels, séismes et volcans,
requièrent l'intégration de plusieurs approches, observationnelles, théoriques, numériques,
et expérimentales. Dans ce contexte, les équipes de recherche associées au CNRS-INSU
ont en particulier fortement développé les réseaux d'observation denses, sur le territoire
français mais aussi à l'international sur des « sites instrumentés », qui nourrissent une
recherche académique de pointe.
Ces recherches, qui visent à caractériser tant les processus actifs que les structures
géologiques dans lesquelles elles se développent, permettent aussi de préciser les aléas
associés, estimant la probabilité d'occurrence d'événements destructeurs à différentes
échelles de temps : à long terme, en recherchant et en analysant les données géologiques,
historiques, géophysiques et instrumentales ; et à court terme, par la détection de
phénomènes « précurseurs ». En particulier, le caractère continu des mesures
sismologiques, géodésiques, et géochimiques, permet de suivre dans le temps, sans
interruption, l'évolution du système complexe étudié. Ces mesures peuvent ainsi révéler le
processus complet de la préparation et de l'initiation des épisodes extrêmes – grands
séismes, éruptions, glissement de terrain. Ainsi, par exemple, l'évolution spatio-temporelle
de la sismicité de faible niveau, pour l'essentiel non ressentie, apporte des informations
importantes sur les transferts d'efforts mécaniques dans la croûte terrestre et sur le taux de
chargement des failles menaçantes.
Pour ces mesures continues des réseaux d'observations, dont une grande part est
accessible en temps réel aux chercheurs, on peut parler de surveillance : par exemple, la
détection d'essaims micro sismiques dans une zone de faille ou un volcan déclenche des
réponses rapides des équipes académiques, qui vont réaliser des analyses spécifiques sur
les mesures, voire densifier temporairement les réseaux locaux permanents, pour mieux
cerner le processus en cours. Mais cette surveillance à but de recherche à partir de réseaux
académiques est à distinguer de la surveillance opérationnelle. Cette dernière est menée
contractuellement par les organismes d’État ayant pour mission l'alerte publique, informant
les autorités, dans un délai très court, en cas d'événement dépassant un certain niveau
critique pour la sécurité des populations.
En France métropolitaine, pour les séismes, c'est le CEA qui est chargé de cette
surveillance opérationnelle, et non les opérateurs des réseaux sismologiques académiques,
maintenant unifiés dans l'infrastructure RESIF. Par contre, aux Antilles françaises, pour les
aspects sismiques et volcaniques, il n'y a pas d'organisme missionné pour l'alerte
opérationnelle, et c'est de fait un institut de recherche académique, l'Institut de Physique du
Globe de Paris (IPGP), qui informe les autorités sur les crises en cours, grâce aux réseaux
d'observation de ses Observatoires de Guadeloupe et de Martinique. Il en va de même pour
11
l'activité volcanique du Piton de la Fournaise à La Réunion. Il est important de noter que
l'exigence « opérationnelle » de l'alerte signifie un suivi 24h/24h avec un personnel
permanent et dédié – ce que ne peuvent assurer actuellement les laboratoires de recherche
académique. Pour les volcans, comme il sera détaillé au chapitre IV, les réseaux multi
paramètres (sismologie, géodésie, géochimie) à la base de l'alerte restent cependant dans
le giron de la recherche académique, en raison de la complexité des processus éruptifs qui
nécessitent, pour leur interprétation, une expertise multidisciplinaire de haut niveau.
Au delà de leur mission première de surveillance en temps réel, il est important que les
réseaux opérationnels (publics, privés, nationaux, régionaux, locaux) diffusent et archivent
leurs données auprès de la communauté académique. L'utilisation des données après coup
permet d'une part de valider ou invalider des hypothèses scientifiques, et donc participe au
progrès à la fois de la recherche et de la surveillance, et permet d'autre part de valider,
maintenir et développer la qualité des données acquises. Enfin, l'utilisation de données
dans un cadre scientifique continu en dehors des périodes de crises permet de s'assurer
que les réseaux d'instruments fonctionnent correctement et fonctionneront au moment de
la crise.
En période d'alerte volcanique, les chercheurs sont donc très impliqués auprès des
autorités pour la gestion de crise. Mais c'est aussi le cas pour l'alerte sismique, car la
mobilisation rapide des sismologues et géodésiens après un grand séisme, leurs réseaux
d'observation continue, leur connaissance de l'aléa, et leur expertise du terrain leur
permettent des interprétations rapides, et l'élaboration de scénarios d'évolution de la crise,
prenant en compte les fortes incertitudes inhérentes à la dynamique des instabilités
crustales. Que ce soit pour les éruptions, les séismes et mouvements gravitaires, les
centres de recherche sont ainsi des partenaires indispensables des autorités pour la gestion
des crises.
Ces temps de crise sont aussi des temps où l'information et la communication du monde
académique aux médias sont à la fois indispensable, urgente… et très délicate. L'absence
d'évènement majeur en France depuis des décennies n'a pas incité la communauté à
réfléchir à des protocoles et des modes d'organisation bien définis, qui permettraient une
coordination très rapide de chercheurs experts pour l'élaboration de scénarios, et au niveau
institutionnel (CNRS, direction d'Instituts), pour la publication de communiqués et la
diffusion d'une parole publique consensuelle pour les chercheurs. C'est un chantier
important à ouvrir rapidement.
En résumé
De par leurs recherches de pointe sur les systèmes telluriques, les centres de recherche
académiques associés au CNRS-INSU développent et renforcent une expertise qui ne se
limite pas à la compréhension et à la modélisation des processus naturels à l'œuvre, mais
vise aussi des applications sociétales de première importance, tant par la détermination des
aléas, à la base des évaluations de risque, que par l'appui aux autorités en cas de crise. Il
apparaît donc essentiel de maintenir cette capacité de recherche à haut niveau, tout en
soutenant sur le territoire et à l’international les réseaux d'observation académiques, qui
nourrissent cette recherche.
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CHAPITRE I.
Institutions impliquées ou en charge de la recherche,
de l’observation, de la surveillance, de la prévision et de l’alerte
La recherche en sciences de la Terre Solide est essentiellement conduite dans les unités
propres ou mixtes du CNRS, placées sous la tutelle ou cotutelle d’universités et
d’établissements publics à caractères scientifique et technologique (EPST) tels que le
CNRS, l’IRD, l’IFFSTAR ou l’IRSTEA, mais aussi dans des établissements publics à
caractères industriel et commercial (EPIC) comme l’ANDRA, le BRGM, le CEA, l’Ifremer,
l’INERIS ou l’IRSN, voire dans des établissements publics à caractère administratif (EPA)
comme le CEREMA, l’IGN et le SHOM.
Les travaux menés dans ces établissements s’appuient directement ou indirectement sur
l’observation de l’activité du système Terre actuel, ou passé, pour en comprendre le
fonctionnement et prédire l’évolution. Cela passe par la construction de modèles des
processus telluriques, avec conscience, que parfois, l’activité de la Terre conduit à des
évènements catastrophiques. Les opérations d’observation nécessitent la mise en place, la
maintenance et l’exploitation de réseaux au sol (locaux, régionaux ou mondiaux organisés
en services d’observatoire/ANO pour l’INSU-CNRS et ses partenaires) de capteurs
sensibles (sismomètres, stations GPS, gravimètres, magnétomètres, caméras, analyseurs
de gaz,…); comme l’exploitation des données acquises en mer et depuis l’espace. Elles
impliquent un travail d’experts pour traiter/archiver les données et établir des diagnostics,
tout cela sur des durées longues, cohérentes avec le développement, souvent lent, des
processus telluriques.
Lorsque que les risques sont importants (séismes, éruptions volcaniques, instabilités
gravitaires, tsunami) des fonctions de surveillance et d’alerte sont établies. En principe, elles
sont du domaine de responsabilité de la Direction générale de la prévention des risques
(DGPR du MEEM). Son programme « Prévention des risques » élabore et met en œuvre les
politiques relatives notamment à la connaissance, l’évaluation et la prévention des risques
naturels. Elle mobilise au niveau local les Directions régionales de l’environnement, de
l’aménagement et du logement (DREAL), Directions de l’environnement de l’aménagement
et du logement (DEAL et les Directions départementales des territoires et de la mer (DDTM),
les établissements publics sous tutelle ou cotutelle du MEEM comme l’IRSTEA, le BRGM,
l’INERIS, l’IFSTTAR et hors de ce cadre des établissements académiques pour des
opérations ponctuelles. Cependant des situations contrastées existent par exemple :
- Sur le territoire métropolitain, le suivi de la sismicité naturelle (tectonique et volcanique)
est assuré par plusieurs opérateurs de réseaux sismologiques académiques, maintenant
unifiés dans l'infrastructure RESIF. Un organisme opérationnel, le Commissariat à l’Energie
13
Atomique (CEA) est chargé de la gestion de crise, et de l’alerte pour le Ministère de
l’Intérieur. Les ministères concernés par la gestion de crise (Intérieur) ou par les risques
telluriques (MEEM) participent au financement de ces actions pour le CEA. Le suivi de la
sismicité induite est assuré par des pas toujours accessibles.
- Dans les Départements outre mer, les Observatoires Volcanologiques et Sismologiques
(OVS) gérés par l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), sont les seuls structures
opérant de réseaux d’observation en Sciences de la Terre et disposent de l’expertise pour
établir un diagnostic en cas d’évènement. Ils sont, bien sûr, engagés dans des partenariats
internationaux pour observer et suivre l’activité des structures géologiques à leur échelle
propre (Subduction des Antilles). Les Préfectures, les Services de l’Etat, les Collectivités,
s’appuient naturellement l’expertise des OVS pour la sécurité des populations: gestion de
crise et gestion des risques sismique et volcanique. Cependant ces observatoires sont
sous-dimensionnés en terme de personnel et ont grand mal à assurer ces fonctions qui
viennent s’ajouter à leurs nombreuses tâches statutaires (Assurer le fonctionnement des
réseaux de capteurs, réaliser le traitement et l’archivage des données, développer des
travaux de recherche fondamentale, enseigner).
Les données récoltées par les opérateurs sont rendues publiques avec un embargo plus ou
moins long. Dans de nombreux cas des limitations à l’accès aux données sont déterminés
pour chaque acteur par des logiques propres : politique et sociale pour l’état et les
collectivités locales, en charge de la gestion de crise, qui subissent la pression sociale ; de
moyens disponibles et mobilisables, voire commerciale, pour les opérateurs et les
partenaires du réseaux de collecte de données, dont certains sont non-nationaux comme
par exemple aux Antilles.
La prévision est un exercice difficile en sciences de la Terre profonde où les objets ne sont
pas simples à observer. Les modèles prédictifs ne sont pas encore aussi élaborés que pour
d’autres domaines dans lesquels les échelles et constantes de temps des processus sont
souvent plus restreintes, et où l'observation massive, plus facile, offre une description plus
complète de l'objet. En Terre profonde, les lieux potentiels d'évènements sont assez bien
identifiés grâce aux divers dispositifs d’observation et aux travaux sur les paléo-marques
(failles, édifices volcaniques, … ). Ils aboutissent à l'identification et la reconstruction des
évènements (localisation dans le temps et dans l'espace, amplitude). Ce corpus de
connaissances conduit à des prédictions nécessairement probabilistes de certaines
caractéristiques des évènements à venir (localisation, instant, amplitude, fréquence des
événements). A noter que le niveau de probabilité d’événements majeurs est généralement
faible, ce qui pose le problème de leur perception sociale et exploitation sociétale,
(préparation de la gestion de crise).
La surveillance et l'alerte en matière d'activité tellurique sont très exigeantes en termes de
moyen d’observation, de détection et de diagnostic rapides. Elles requièrent de mettre en
place et de maintenir : i) des réseaux de capteurs, de transmission et de traitement de
données « temps réels » ; ii) des moyens d’expertise à haute disponibilité pour l’analyse des
signaux ; iii) la genèse et la transmission d’un message vers les autorités et populations
concernées par le risque qui mettront en place les mesures conservatoires prédéfinies (plan
14
ORSEC, … ). Ces exigences imposent de garantir robustesse et fonctionnement H24
(systèmes à tolérance de panne et secourus, des redondances, des astreintes, … ) qui ne
sont pas nécessaires pour réaliser des observations à des fins de recherche et qui ont des
coûts très élevés.
Ces opérations de surveillance et d’alerte n’ont de sens que si un catalogue des risques
potentiels et de leurs signaux spécifiques (description des caractéristiques des évènements
et de leur géologie) est préalablement établi. À ce titre, les établissements académiques où
la connaissance fondamentale est produite sont essentiels. Cette connaissance
fondamentale est acquise en particulier dans toutes les régions du globe où ces
mécanismes sont à l’œuvre, et souvent plus actifs que sur notre territoire.
Si les établissements académiques portent les dispositifs et réseaux d'observation et de
détection des événements telluriques dont la mesure et l'interprétation permet de
progresser dans la connaissance fondamentale de ces phénomènes, ils ne peuvent assurer
la surveillance et l'alerte opérationnelle, pour laquelle ils n'ont pas été missionnés et ne
disposent pas des moyens financiers et humains nécessaires.
De plus, il est très important de comprendre que nos capacités de prévision et d'alerte ne
sont pas figées. Elles doivent être remises à jour régulièrement parce que la connaissance
de l'objet (codée dans les catalogues), qui découle de la recherche scientifique, devient
meilleure. L'expérience montre que les transferts de connaissance entre les producteurs
scientifiques, quels qu’ils soient, et les "opérateurs du risques" ne sont pas optimaux.
En termes contractuels, la fonction de surveillance/alerte/prévision est bien établie pour
certains organismes (CEA, BRGM, CEREMA, … ) ; elle l’est considérablement moins pour
les Universités et le CNRS-INSU où les « textes » qui décrivent les engagements, souvent
hérités de situations passées, sont anciens, fluctuants et peu ou pas renégociés avec les
tutelles (MESR) et les instances en charge des risques naturels (DGPR, MEEM, Ministère de
l’Intérieur, autorités locales, … ). De plus, les établissements académiques sont évalués et
leurs moyens (dotations d’équipements, de fonctionnements) déterminés suivant des
critères essentiellement scientifiques par les tutelles, MESR généralement et CNRS, ou les
instances de financement sur projet (ERC, ANR, programmes CNRS-INSU, …). Les
fonctions de surveillance et d’alerte restent toujours des éléments non fondamentaux, voire
masqués, lors de ces évaluations. Les dotations sont attribuées pour des durées (contrat
quinquennal, contrat ANR pour cinq années maximum) qui ne sont pas compatibles avec la
nécessité de l’observation et de la surveillance qui imposent le maintien de l’observation sur
des durées beaucoup plus longues. Ceci d’autant plus que ces financements régressent et
ne sont pas garantis. La dotation en personnel pour ces fonctions est contrainte par le jeu
des fluctuations des capacités des tutelles et des politiques de déploiement des personnels
des établissements académiques.
15
En résumé
•
La compréhension du fonctionnement du système Terre et la prédiction de son
évolution passe par la construction de modèles des processus telluriques basés sur
l’observation. Ceci nécessite la mise en place, la maintenance et l’exploitation de
réseaux au sol/mer/espace de capteurs sensibles pour l’acquisition de données. Pour
les processus telluriques, les localisations, amplitudes et fréquences des événements ne
peuvent être que probabilistes.
•
Les fonctions de surveillance et d'alerte sont très exigeantes en termes de moyen
d’observation, de détection et de diagnostic rapides. Ces exigences ont des coûts très
élevés, elles imposent de garantir robustesse et fonctionnement 24/24 qui n’est pas
nécessaire pour des observations à des fins de recherche.
•
Ce sont les établissements académiques qui acquièrent la connaissance fondamentale
nécessaire au développement de nos capacités de prévision et d'alerte. Ces capacités
ne sont pas figées et doivent être remises à jour régulièrement en fonction de l’avancée
des connaissances. L'expérience montre que les transferts de connaissance entre
producteurs scientifiques et "opérateurs du risques" ne sont pas optimaux.
•
Pour les Universités et le CNRS-INSU, les textes qui décrivent les engagements,
souvent hérités de situations passées, peu ou mal renégociés avec les tutelles et les
instances en charge des risques naturels. De plus, les moyens (dotations
d’équipements, de fonctionnements) des établissements académiques sont évalués et
déterminés suivant des critères essentiellement scientifiques par les tutelles, MESR
généralement et CNRS, ou les instances de financement sur projet (ERC, ANR,
programmes CNRS-INSU, …).
Recommandations
•
Rendre publiques sans limitation les données récoltées par les opérateurs et œuvrer
pour une conscience commune des opérateurs et des structures académiques.
•
Mettre les Antilles, région la plus active de France au centre des préoccupations en
matière de risque tellurique.
16
•
Pour les tâches de surveillance et d’alerte réalisée par les laboratoires académiques :
•
Etablir des textes stables et raisonnés qui lient les instances de recherche en charges
des réseaux d’observations et de l’alerte avec les « opérateurs » du risque; en fixant les
attributions et les responsabilités de chacun.
•
Donner aux structures, qui en sont chargées, les moyens nécessaires à
l’accomplissement de leurs tâches d’observation et d’alerte ; notamment régler les
problèmes d’astreintes; les protéger des aléas budgétaires tant que leur contribution à
la sécurité publique est avérée.
•
Assurer des liens forts entre les structures de surveillance et d’alerte avec celles «
chargées » de la fonction recherche d’excellence. C’est indispensable pour progresser
dans la connaissance du risque, de sa gestion, et de l’alerte…
17
CHAPITRE II.
Les grands processus à l’origine des catastrophes telluriques
et implications pour la prévision
Afin de bien situer la problématique des risques liés aux phénomènes telluriques (séismes,
éruptions volcaniques, phénomènes gravitaires, tsunamis), nous résumons ici les principaux
processus qui en sont la cause, en focalisant sur ce que nos connaissances actuelles
impliquent quant au caractère “prédictible” ou non, à court et moyen termes, de ces
phénomènes.
A. La dynamique terrestre à l’origine des séismes et des éruptions
volcaniques
La surface de la Terre solide est constituée d’un nombre limité de grandes plaques mobiles
qui peuvent être considérées en première approximation comme rigides (déformation
interne des plaques très faible comparée à la déformation à leurs limites). En première
approximation, les mouvements des plaques sont l'expression de surface des grands
courants de convection qui animent le manteau terrestre. Dans un régime convectif dominé
par le refroidissement de la planète et par l'énergie libérée par la désintégration radioactive
des roches, les mouvements sont en grande partie dus à des courants descendants au
niveau des subductions, l'écoulement de retour ascendant qui est responsable des dorsales
étant quasiment à la même température que le manteau avoisinant. Les panaches
ascendants qui coexistent avec les grandes cellules de subduction contribuent au bilan
thermique et au mouvement des plaques. Les continents contraignent la géométrie des
mouvements convectifs en surface et sont responsables de grandes réorganisations de
mouvements à la suite de collisions entre eux. Les modèles numériques actuels
18
reproduisent les mouvements des plaques en surface et le champ de gravité terrestre à
partir des anomalies thermiques qui convectent au sein du manteau. La tectonique des
plaques, qui était encore un postulat dans les années 1960, est maintenant attestée par les
mesures géodésiques, comme VLBI (Very Long Baseline Interferometry), DORIS, SLR
(Satellite Laser Ranging), mais surtout GPS (Global Positioning Sytem).
Figure 1. Champ de vitesse à la surface de la Terre, mesurée par les stations géodésiques permanentes GPS. Ces
mouvements sont représentés dans le référentiel des géodésiens, l'ITRF (donc sans référence à une plaque particulière) et
atteignent des valeurs de 10 cm/an (carte actuelle: ITRF2008, Source LAREG-IGN : http://itrf.ensg.ign.fr/).
Aujourd'hui, le champ de vitesse à la surface de la Terre est connu avec une remarquable
précision, de l’ordre du mm/an (Figure 1). Loin des frontières de plaques, il est très stable
aux échelles de temps qui concernent l’Humanité (quelques dizaines de milliers d’années), à
l'exception des réajustements visco-élastiques liés aux très grands séismes, au rebond
post-glaciaire ou encore aux variations de charges hydrologiques. Le fait que des vitesses
instantanées infimes (quelques centimètres par an) correspondent très bien aux
déplacements cumulés sur des temps géologiques (des centaines de kilomètres par million
d'années) est un résultat remarquable. Grâce à la densification des mesures de déformation
à la surface, les modèles actuels de plaques permettent de décrire avec précision la
cinématique de 25 à 56 plaques de tailles très diverses. Les séismes se produisant là où de
la déformation accumulée doit être relâchée, ce sont donc sur les frontières des plaques
que se trouvent la majorité des régions à fort aléa sismique (Figure 2).
19
Figure 2. Carte des séismes de magnitude supérieure ou égale à 6 répertoriés dans le monde de janvier 1900 à mars 2016
(près de 11 000 séismes), représentée à partir de la plateforme cartographique de l’UMR Géosciences Montpellier
(http://submap.gm.univ-montp2.fr/). La couleur des cercles dépend de la profondeur des séismes (jaune: superficiels, rouge:
intermédiaires; noire: profonds) et la taille de leur magnitude. Source des données: United States Geological Survey
(USGS: http://earthquake.usgs.gov).
Les enjeux en terme de prévision consistent donc à préciser ces frontières (localisation,
géométrie,...) ainsi que la quantité de déformation qui s'y accumule. Pour autant, il est
important de ne pas négliger la sismicité qui existe à l'intérieur des plaques. Plus rares, ces
séismes peuvent atteindre des magnitudes importantes et leur mécanisme n'est pas encore
bien compris. La plupart des édifices volcaniques sont, quant à eux, localisés soit sur les
frontières de plaques où divers mécanismes conduisent à la fusion des roches et à la
formation de magma, soit à l'aplomb des points chauds qui “émergent” en surface
indépendamment de l'existence d'une plaque (Figure 3). D’autres volcans apparaissent
dans des zones d’extension où la lithosphère est étirée et amincie.
20
Figure 3. Carte des volcans actifs dans le monde, représentée à partir de la plateforme cartographique de l’UMR Géosciences
Montpellier (http://submap.gm.univ-montp2.fr/). Source des données: Global Volcanism Program, Department of Mineral
Sciences, National Museum of Natural History, Smithonian Institution (http://volcano.si.edu/).
B. Les séismes et le cycle sismique
1. Notion de cycle sismique
Depuis le grand séisme de San Francisco en 1906, les séismes sont compris comme
résultant du glissement brutal (rupture) le long d’une faille limitant deux blocs de roche. En
effet, les mouvements des plaques engendrent des accumulations de contraintes qui se
concentrent sur les discontinuités mécaniques de la lithosphère : une faille. Une faille est
donc la limite entre deux blocs tectoniques qui se déplacent l'un par rapport à l'autre. Ces
blocs ont donc un déplacement relatif lent et régulier. Si le contact entre les deux blocs
(c’est-à-dire la faille) était « lisse » ou sans résistance, les blocs glisseraient de manière
continue. A l'opposé, si le frottement dû à la rugosité du contact empêche ou ralentit ce
mouvement, alors la faille ne glisse pas : elle est bloquée. Insensibles à ce qui se passe près
de leurs frontières, les plaques se déplacent toujours à la même vitesse. C'est donc leurs
bordures qui vont se déformer en accumulant la déformation élastique crée par le contraste
entre le déplacement en “champ lointain” (c’est-à-dire à une certaine distance des limites
de plaque) et le blocage (total ou partiel) local. Le matériau élastique constituant la plaque
va accumuler la déformation jusqu'à ce qu'elle soit suffisante pour faire “sauter” le blocage
sur la faille : c'est le séisme. Par la suite, la faille va de nouveau se bloquer et le cycle
accumulation lente – rupture sismique se reproduira à l'infini. La déformation en limite de
plaques présentera donc une courbe typique en « dents de scie », alternant de longues
périodes de blocage avec accumulation de déformation et de brefs instants de
déplacements quasi instantanés correspondant à la rupture et au relâchement des
contraintes (Figure 4).
21
Figure 4. Notion de récurrence sismique théorique. A gauche : représentation du déplacement au cours du temps à différentes
distances de la faille et cycle constant de séisme caractéristique (modèle de Ried, exemple d'une plaque à 1 cm/an et séisme
de 2 m tous les 200 ans), situation « idéale » offrant la possibilité d’une prédiction à court terme, mais peu vérifiée dans les
systèmes naturels ; à droite, représentation similaire mais pour des successions de séismes de magnitude variable à intervalle
de temps irréguliers (modèle de Wallace), mettant en évidence des récurrences (périodes de retour) irrégulières, donc sans
prédiction à court terme possible. Le zoom sur un séisme illustre également le fait que le saut co-sismique n'est que l'une des
composantes du cycle, des déplacements pré- et post-sismiques (mal connus) étant susceptibles de contribuer à dissiper de
la déformation, qui n'est donc plus disponible pour un séisme. À l'inverse, la détection de signal pré-sismique pourrait
participer à la prédiction, à la condition qu'il soit systématique et mesurable.
Les modèles les plus simples, établis dans les années 1980, prévoyaient un cycle régulier
avec la répétition de séismes similaires (on parle de séisme caractéristique) à intervalle de
temps constant (on parle de récurrence ou de période de retour). Ce modèle semble
fonctionner dans de très rares cas, mais le plus souvent les cycles sont très irréguliers.
D'une part, le séisme n'absorbe pas forcément toute la déformation accumulée, le reste se
relâchant par du glissement dit asismique avant ou après le séisme, la proportion de ces
contributions au cycle sismique étant variable suivant les contextes sismo-tectoniques.
D'autre part, les lois de frottement sur le plan de faille sont suffisamment complexes pour
imaginer qu'elles puissent varier au cours des cycles, par exemple en augmentant si le
séisme se fait attendre ou au contraire en diminuant s'il a été particulièrement puissant. Ces
mécanisme de rétro-action positive amènent à concevoir l'existence de longues périodes
de quiescence (la faille est collée par un frottement d'autant plus forte qu'elle se renforce
avec le temps) suivies de cascades de séismes de taille variée (la faille rompt d'autant plus
facilement qu'elle a rompu il y a peu). Ce n'est qu'au bout d'un temps assez long, cumulant
beaucoup de cycles sismiques différents, que le déplacement cumulé sera comparable à la
vitesse long terme des plaques tectoniques.
2. Difficultés de la prévision basée sur la notion de cycle
La prévision à moyen terme des séismes est basée sur la notion de temps de retour sur une
faille donnée. Les récurrences sismiques sont notamment évaluées par la connaissance
historique (parfois un millénaire, plus fréquemment quelques centaines d’années), mais
aussi par des études de paléosismicité (plusieurs millénaires) à partir de l'analyse des traces
22
des séismes dans les formations géologies récentes. Dans le cas simple d'une récurrence
stable d'un séisme caractéristique établie sur plusieurs cycles, il est envisageable de prévoir
que le prochain séisme s'approchera du séisme caractéristique et se produira au terme de
la période de retour. On parle de prévision à long terme. L'exemple de la faille de Parkfield
(Californie) montre que des incertitudes larges, de l'ordre de la période de retour, sont à
envisager. Dans tous les autres cas, la prévision se bornera à identifier la localisation et la
taille de la zone bloquée qui accumule de la déformation, ainsi que la quantité de
déformation accumulée au cours du temps sur cette zone, mais ne permettra de formuler
aucune hypothèse sur la taille et la date du prochain séisme.
La récurrence à long terme des séismes peut néanmoins être approchée statistiquement, à
l’échelle régionale, sans connaître le cycle sismique de chaque faille. La distribution du
nombre de séismes dépassant une magnitude donnée suit en effet une loi statistique dite
de Gutenberg-Richter qui établit qu'une unité de magnitude supplémentaire divise par 10 le
nombre de séismes. Cette loi permet de prédire théoriquement la probabilité d’occurrence
(période de retour) d’événements de forte magnitude (souvent peu documentés),
connaissant celle, plus facile à mesurer, des plus petits. Par leur analyse de la
microsismicité, les réseaux d'observation académiques contribuent de ce fait à
l’amélioration de cette prévision à long terme. En associant des connaissances historiques
et paléosismiques, cette approche permet des évaluations probabilistes de l'aléa sismique,
et forme la base des cartes de zonage sismique réglementaires. Mais cette distribution de
Gutenberg-Richter est obtenue en supposant que le taux de sismicité est constant et que la
magnitude de chaque séisme est indépendante de celle des séismes précédents, ce qui est
une approximation très forte, aujourd’hui largement remise en question. Enfin la
détermination d'une magnitude maximale pour une région donnée est beaucoup plus
complexe et cette notion est même très controversée, ce qui est une difficulté majeure pour
certaines évaluations d'aléa sismique, notamment pour les installations à risque spécial.
Quant à la prévision à court terme (quelques heures à quelques mois), elle est depuis une
décennie l'objet de recherches poussées au niveau international. Elle se heurte cependant
au fait que l'on ne dispose pas des moyens permettant d'identifier et d’observer les
mécanismes précédents et déclenchant la rupture.
3. Répliques et précurseurs
Tout séisme est suivi de répliques, lesquelles sont simplement d'autres séismes de
magnitude dans la plupart des cas inférieure à celle du choc initial, affectant des segments
ou aspérités épargnés de la faille principale, ou des failles voisines. Elles sont déclenchées
par une augmentation des contraintes statiques ou dynamiques et l'affaiblissement
transitoire des failles perturbées. Le taux de sismicité de ces répliques décroît en inverse du
temps écoulé après le séisme (loi d'Omori), et la magnitude de la réplique principale est, en
moyenne, inférieure d’environ 1 à celle du choc principal (loi de Bâth). Comme tout
ensemble de séismes, les répliques obéissent à la loi de Gutenberg-Richter. Une fois
encore, ces lois statistiques bien connues sur les corrélations spatio-temporelles des
séismes permettent des prédictions probabilistes fiables, mais nécessairement très
imprécises sur le lieu, la magnitude, et l'instant des plus grosses répliques. Il est ainsi
possible – mais rare - d'observer des répliques de magnitude équivalente à celle du choc
principal : il s'agit alors de « cascades » sismiques, comme un effet de domino d'un
segment de faille à l'autre. Il peut aussi être observé, encore plus rarement, des répliques
23
de magnitude supérieure : on parle alors (mais après coup!) de précurseur pour caractériser
le séisme initial. Plus généralement, de nombreuses études ont montré, que ce soit
statistiquement mais aussi de manière déterministe, que l’occurrence d'un essaim sismique
(grand nombre de séismes de magnitude faible à modérée concentrés dans le temps et
l’espace) conduit à une augmentation nette de la probabilité d'occurrence d'autres forts
séismes à proximité – probabilité dont la valeur reste cependant généralement inférieure à la
dizaine de pourcent pour le mois à venir, et donc délicate à exploiter à des fins d'alerte. Une
meilleure caractérisation de ces essaims, en particulier par la recherche de leur éventuel
forçage par des glissements transitoires des failles profondes et/ou la propagation de «
pulses » de pressions de fluides, est la voie de recherche privilégiée, mais difficile, pour
améliorer nos capacités prédictives.
4. Nouveau regard sur les cycles sismiques et le glissement sur les
failles
Le mécanisme de rupture est donc à haute variabilité, pour de nombreuses raisons liées au
processus d’initiation de la rupture (nucléation), à la complexité géométrique et rhéologique
des failles, à l’hétérogénéité des contraintes accumulées, ou aux propriétés de frottement
de la faille qui varient avec le temps et la vitesse de glissement (régime « durcissant »
favorisant le glissement asismique, ou « adoucissant » favorisant la nucléation de séismes).
Par ailleurs, on sait maintenant que le déclenchement de la rupture sismique est très
sensible aux sollicitations statiques et dynamiques provenant d’autres séismes, même à
grande distance (plusieurs milliers de kilomètres), la notion de “distance de déclenchement”
étant relative à la taille de la source. Ainsi, la notion de séisme caractéristique est
maintenant abandonnée au profit de modèles de rupture plus complexes caractérisées par
des cycles variables (en durée et en magnitude), en sus desquels s’insèrent
éventuellement des mégaséismes sans que l’on sache exactement s’ils s’inscrivent dans la
loi de Gutenberg-Richter et font partie d’un “super cycle” ou non. De plus, à l'intérieur des
plaques, où le taux de chargement tectonique est quasi nul, les rares séismes qui s'y
produisent pourraient être expliqués par des perturbations transitoires dans une lithosphère
sous contrainte, rendant la notion même de cycle sismique ineffective.
Les mesures géodésiques et sismologiques permettent depuis une quinzaine d’années de
cartographier le couplage intersismique entre grandes plaques (notamment dans les zones
de subduction) et d’évaluer quelles zones sont bloquées (et donc susceptibles de rompre
lors d’un futur grand séisme). Des zones où le couplage est plus faible (voire nul) sont aussi
détectées : elles modifient ainsi le bilan de glissement et l’évaluation du cycle et sont aussi
importantes à identifier car elles peuvent jouer le rôle de barrière à la propagation de la
rupture sismique. Enfin des épisodes de glissement lent (plus lent que les séismes
classiques mais plus rapides que le mouvement séculaire des plaques, appelés séismes
lents, ont été observés dans plusieurs zones de subduction. Ces événements sont parfois
équivalents à des séismes de magnitude 7.5. Leur contribution au cycle sismique est
difficile à estimer en cela qu'elle dépend de leur capacité à relâcher tout ou partie des
contraintes accumulées, et ainsi à retarder le prochain séisme ou à en réduire la magnitude,
ou au contraire à préparer l'interface là où se produit le glissement lent à une rupture
prochaine, ou encore à déclencher une rupture dans un segment adjacent par
24
augmentation des contraintes. Tout cela rend encore plus difficile la prédiction de
l’occurrence de grands séismes à court terme, sauf si des phases de nucléations
observables en devenaient des marqueurs.
5. Séismes anthropiques
Des séismes peuvent être déclenchés directement ou indirectement par des activités
humaines. Ils peuvent se produire quand ces activités modifient les conditions de
frottement ou les contraintes sur les failles et fractures de la croûte. On connaît diverses
sources à ces séismes induits par l’activité humaine : la mise en eau ou la vidange rapide
des grands barrages ; l’exploitation des grands aquifères ; l’exploitation pétrolière ou
gazière avec ou sans fracturation hydraulique ; l’exploitation minière, soit au niveau de
l’extraction de matière soit au niveau du stockage des débris (terrils) ; les essais nucléaires.
Ces séismes ont pu atteindre la magnitude 6, et peuvent se produire très longtemps après
que l’activité à leur origine ait débuté, voire même qu’elle ait complètement cessée.
C. Eruptions
prédictives
volcaniques
:
types,
précurseurs,
approches
Les édifices volcaniques ont des tailles et des formes géométriques caractéristiques dues
aux laves émises. Par exemple, les laves basaltiques, très fluides, s’écoulent rapidement
sans s’accumuler à la sortie des conduits éruptifs. Leurs éruptions répétées construisent un
volcan à pente douce, appelé “bouclier” en raison de sa morphologie. Les laves visqueuses
s'écoulent lentement et forment des coulées épaisses de faibles longueurs. Ces laves sont
souvent riches en éléments volatils et sont responsables d’éruptions explosives. La
superposition de coulées épaisses et de couches de cendres volcaniques crée des édifices
coniques aux pentes assez raides appelés stratovolcans. L’activité volcanique est souvent
associée à des édifices bien visibles mais ce n’est pas toujours le cas. Certains systèmes
volcaniques ne font qu'une éruption et ne sont associés à aucun édifice préexistant. Ainsi
les nombreux maars de la province volcanique de l’Eifel, en Allemagne, sont des cratères
d’explosion sans édifices. Certaines éruptions de basalte construisent des plaines ou des
plateaux de lave.
1. Les différents types d'éruptions volcaniques
La plupart des éruptions connues peuvent être regroupées en un petit nombre de
catégories. Ces catégories ont été définies d'après les caractéristiques visibles des
éruptions et de leurs dépôts, mais elles recoupent une classification reposant sur les
différents types d'écoulement possibles.
Les éruptions Pliniennes sont les plus spectaculaires : à la sortie de la bouche éruptive, le
magma est pulvérisé en fragments portés par un jet de gaz volcaniques dont la vitesse est
en général comprise entre 100 et 300 m/s. Une colonne éruptive s’élève dans l'atmosphère
jusqu'à des altitudes dépassant couramment 20 kilomètres. Le mélange volcanique finit par
25
s'étaler latéralement dans la haute atmosphère et par laisser sédimenter les fragments de
magma, qui retombent en pluie vers le sol sur des très grandes surfaces. On retrouve les
résidus de l'éruption "Minoenne" de Santorin (1600 avant J.C.) sur plusieurs centaines de
milliers de kilomètres-carré. La durée typique d'une phase Plinienne est de quelques
dizaines d'heures, mais le débit est considérable : plus de 10 000 tonnes par seconde en
général.
Les coulées pyroclastiques sont dévastatrices : à la sortie de la bouche éruptive, ces
éruptions sont semblables à une éruption Plinienne et ce n'est que dans l'atmosphère
qu'elles acquièrent leur caractère propre. Les débits et quantités de magma émis sont les
mêmes, mais le mélange volcanique ne s'élève qu'à quelques kilomètres du sol et retombe
près du point de sortie. Le matériel érupté, au lieu d'être envoyé à haute altitude dans
l'atmosphère et réparti sur une grande surface, dévale les pentes des édifices volcaniques à
grande vitesse.
Les nuées ardentes sont une forme atténuée des coulées pyroclastiques formées par
l'explosion d'une coulée de lave épaisse. Ce sont des coulées pyroclastiques qui ont
dévasté Herculanum et Pompéï en 79 après J-C. Ce sont des nuées ardentes qui ont détruit
la ville de Saint-Pierre de Martinique en 1902.
Les fontaines de lave sont de plus faibles intensité : vitesses de sortie et quantités de gaz
sont semblables aux éruptions précédentes, mais leurs débits sont bien plus faibles. Les
fragments de basalte sont denses et ne peuvent être entraînés par le jet gazeux à haute
altitude : ils s'accumulent autour de la bouche éruptive et s'agglomèrent en lave massive.
Parfois, avec un débit de lave très faible, le conduit éruptif se remplit de lave jusqu'à
quelques mètres de la surface pendant des années, et des explosions dues à de grosses
poches de gaz volcanique se produisent : on parle alors d'explosion Strombolienne.
Les éruptions phréatiques, par opposition aux précédentes, n'éjectent pas de magma
liquide, mais uniquement des fragments de l'édifice volcanique et de son soubassement. Le
magma y joue un rôle indirect, en réchauffant et vaporisant l'eau contenue dans les roches
qui l'entourent. Ces éruptions sont susceptibles de projeter d'énormes masses rocheuses
mais sont généralement peu dangereuses à quelques kilomètres de distance. Elles
précèdent souvent une éruption magmatique proprement dite, mais pas toujours.
Enfin, les coulées de lave sont de plusieurs types selon la viscosité de la lave et la pente du
volcan. Les éruptions basaltiques peuvent former de vastes champs de coulées sur des
distances extrêmement importantes, même sur un sol horizontal. Les laves du plateau de
Columbia, dans l'Ouest Américain, ont parcouru plusieurs centaines de kilomètres.
La plupart des éruptions ont une longue histoire. Celle du Mont St Helens s'est prolongée
de 1980 à 1989, celle de la Montagne Pelée en 1902, tristement célèbre, a duré un peu plus
de deux ans. Avec le temps, les conditions éruptives changent et le volcan peut passer d'un
régime à un autre. Le passage du régime de panache Plinien à celui de coulée
pyroclastique, puis enfin à une coulée de lave, est une séquence éruptive fréquente. Enfin,
certaines éruptions oscillent d'un régime à un autre. En effet, les magmas sont des roches
fondues aux propriétés très variées. La viscosité d'un magma varie considérablement selon
sa composition chimique. Les basaltes sont les plus fluides, avec une viscosité voisine de
10 Pa.s (Pascal seconde), soit dix mille fois celle de l'eau. Les rhyolites à l'autre extrême
peuvent atteindre une valeur de 1012 Pa.s. Cette énorme variation de viscosité explique en
grande partie la grande diversité des régimes d'éruption volcanique. Au cours de son
26
évolution, un volcan peut passer d'un magma basaltique à une rhyolite et donc changer de
comportement. Les magmas les plus denses sont les basaltes et les moins denses sont les
rhyolites. Les basaltes contiennent en général peu d'eau en solution alors que les rhyolites
peuvent contenir des quantités d'eau importantes (jusqu'à 6-7% en poids). Les magmas ne
sont pas toujours saturés en volatils lorsqu'ils se forment. Leur concentration en eau est
déterminée par la composition des roches-source et par les conditions de la fusion qui
varient significativement d'un volcan à un autre.
Le réservoir d’un volcan, appelé "chambre magmatique", joue un rôle fondamental. Il sert
d'accumulateur de magma et permet l'éruption rapide de grands volumes de magma alors
que la source profonde a un débit lent. En outre, il permet la maturation chimique du
magma. Les parois d’un réservoir de magma cèdent lorsque la pression interne dépasse un
certain seuil. Ceci peut être l’une des conséquences de la cristallisation du magma résidant
et de l’apparition d’une phase vapeur, ou bien plus simplement de la réinjection de magma
primitif. A masse constante, la baisse de densité induit la dilatation et l’augmentation de la
pression. Le gonflement du réservoir se traduit à la surface par des déplacements du sol
dont l'amplitude atteint couramment plusieurs dizaines de centimètres et qui sont
facilement mesurables. La surpression du réservoir ne peut dépasser le seuil de résistance
des roches encaissantes, quel que soit le magma mis en jeu. En outre, ce seuil ne varie pas
significativement d'un type de roche à un autre. La conséquence est importante : d'un
volcan à un autre, les éruptions se font avec à peu près les mêmes pressions, et les
différences de régime et de débit ne peuvent être attribuées qu'aux propriétés des magmas
et à la taille des conduits. D'autres mécanismes peuvent conduire à une éruption en
induisant la dépressurisation du système magmatique. La vaporisation brutale de l'eau
contenue dans les roches encaissantes peut par exemple les faire exploser. L'édifice luimême peut s'effondrer, libérant et décomprimant brutalement le magma.
2. Les signes avant-coureurs reconnus et les difficultés de la prévision
Décréter qu'un volcan est en phase de réveil est impossible sans instruments, d’autant plus
qu’un volcan est rarement parfaitement calme. D’infimes secousses se produisent
inévitablement dans son système hydrothermal et sont détectées par les très sensibles
instruments géophysiques modernes. Des crises se produisent parfois : les tremblements
de terre deviennent plus nombreux, les fumerolles s’activent, de petites déformations sont
détectées. Ces crises sont assez fréquentes et disparaissent aussi brusquement qu’elles
sont apparues. On les attribue à de légères perturbations du système hydrothermal qui ne
présentent aucun danger. La surveillance ne peut donc se limiter à détecter des signes
d’activité, car il y en a quasiment toujours, mais consiste à faire la différence entre une
activité “normale” qui n’annonce aucun réveil, et une activité "anormale" précurseur d’une
éruption. Seules des mesures systématiques d'une série de paramètres pertinents
permettent de trancher, et dans la plupart des cas, une phase de réveil à la suite d’une
longue phase de repos s’étend sur plusieurs semaines.
Dans le cas où l'éruption est déclarée probable, il reste à prévoir quand et sous quelle
forme. La difficulté essentielle provient de notre incapacité à voir le système magmatique en
profondeur. Les méthodes géophysiques d'imagerie du sous-sol sont impuissantes à
27
l'échelle du kilomètre, qui est celle du réservoir et du conduit éruptif. On ne peut donc
établir la présence d’un conduit rempli de magma entre le réservoir et la surface. A fortiori,
on ne peut évaluer l'état du magma au sein du réservoir, ou bien détecter l'apparition d'une
phase gazeuse. On n'est pas non plus capable d'ausculter l'édifice et d'identifier ses zones
de faiblesse. On développe à l’heure actuelle des méthodes particulièrement précises,
appelées "différentielles", qui sont sensibles aux changements d'état entre deux
auscultations. Au final, les temps de récurrence des éruptions sont extrêmement variables
(depuis un minimum de quelques jours jusqu’à un maximum d’un peu plus de six années au
Piton de la Fournaise par exemple) et peuvent sembler chaotiques. Malgré tout, comme
pour les séismes, faute de maîtriser les mécanismes qui conduisent à une éruption, il est
possible de traiter le problème de manière statistique sur des durées longues.
Pour un volcan dont la durée de vie s’étend sur plusieurs centaines de milliers d’années, le
volume du réservoir ne change pas significativement pendant quelques siècles. Dans ces
conditions, les quantités de lave émises à la surface sont nécessairement proches des
quantités produites à la source. On constate effectivement que les volumes éjectés varient
d'une éruption à l'autre, mais que, sur une grande durée, le débit moyen est à peu près
constant. Ceci fournit un outil de prédiction : à partir du temps de repos qui la précède, on
peut estimer avec une faible erreur la quantité de lave qui sera émise lors d’une éruption.
Cette prédiction quantitative est rarement prise en défaut et est très utile : nous ne savons
prévoir ni le temps ni le volume de l'éruption, mais disposons d'une relation entre la
longueur du repos et le volume disponible.
C. Instabilités gravitaires et glissement de terrain
Le terme mouvement de terrain renvoie à différents types d’instabilités gravitaires dont la
typologie s'appuie sur les principes généraux qui régissent ces mouvements, en fonction
des processus dominants mis en œuvre lors de l’apparition du phénomène étudié
(endommagement, rupture, frottement, fluage). Cette classification est nécessaire pour
isoler les mécanismes impliqués et les aléas correspondants : chutes, basculement,
glissement, étalement et écoulement. Ces mouvements de terrain ont des origines
complexes et leurs caractéristiques sont très variables. On distingue selon les processus
mécaniques, physiques ou chimiques (processus très souvent combinés) les mouvements
liés aux séismes, à la dissolution, aux tassements et aux variations de volume selon le
degré d’hydratation des sols et leur plasticité. Ces mouvements ont la particularité de se
décliner selon différentes échelles spatio-temporelles, du régional (séismes, exploitations
minières) au micro-local (poches de dissolution) ; de la seconde (séisme, écroulements) à
plusieurs années (retrait-gonflement) ; de la chute de bloc décimétrique à l'effondrement de
quelques km3. Ces catégories s’appliquent plus ou moins à tous les types de matériaux.
A partir d'informations construites autour de "type de mouvement - matériaux - état distribution - style de l’activité - vitesse - rôle de l’eau", il s’agit d’extraire les fréquences des
évènements en un lieu donné, d’une intensité donnée, c’est-à-dire l’aléa (probabilité d’être
28
affecté par un mouvement de versant d’intensité donné). Les dommages potentiels qu’un
tel évènement peut produire permettent d’évaluer les coûts moyens par an, par exemple, ce
qui est une évaluation du risque. Les phases d'évolution de l'instabilité gravitaire depuis
l'initiation, le déclenchement et la propagation, doivent être quantifiées dans l'espace et
dans le temps pour permettre une évaluation quantitative de l'aléa et des risques
correspondants. Ces phases sont contrôlées par les caractéristiques intrinsèques du site
(morphologie, contexte géomécanique, ce dernier incluant les aspects hydrogéologiques) et
les forçages externes (climat, sismicité, instabilités voisines, facteurs anthropiques). Le
couplage avec les forçages externes induit des phénomènes de cascades entre plusieurs
aléas d'où peut émerger des évènements extrêmes rarement pris en compte dans les
analyses (exemple des déclenchements par séisme, avec formation de lac barrage, puis de
rupture de ces barrages, avec inondation en aval). Dans un tel contexte l’incertitude est
grande lorsqu’il faut localiser avec précision l’aléa alors que la demande d’information
sociétales est en constante augmentation.
Les spécificités des zones exposées, montagnes, côtes, gorges (densité de l’occupation
des sols, concentration, diversité et stratification des activités), rendent compte de leur plus
grand degré de vulnérabilité. Ces spécificités augmentent la complexité de la gestion de ces
risques ; les coûts humains et financiers des dommages s’en trouvent souvent démultipliés.
Enfin, la visibilité de ces dommages implique une réactivité « attendue » des pouvoirs
publics qui éprouvent souvent des difficultés à communiquer sur les risques. Les raisons
sont multiples : freins au développement, mauvaise image auprès des investisseurs, risques
financiers, impératifs électoraux mais aussi, parfois, un grand dénuement face à une
information hétérogène ou indisponible en matière de reconnaissance des zones à risques
et de documents de prévention.
Enfin, dans une communauté où ‘le dire d'expert’ est resté longtemps le seul outil
disponible pour la prévision, le passage aux mesures quantitatives rapproche, en terme de
problématique de prévision et de gestion des incertitudes, la thématique des instabilités
gravitaires de celle des séismes et éruptions volcaniques. En effet, dans un cas, la création
de catalogues d’occurrence d’effondrements et chutes de blocs sur une falaise ou une
région donnée a montré l'émergence de lois robustes pour la distribution fréquence - taille
des événements. Ces distributions permettent d'approcher l'aléa d’effondrement de falaise
de façon probabiliste sur ces zones. Cette nouvelle méthodologie est identique à l'utilisation
opérationnelle des lois de distributions fréquence - magnitude pour les estimations de
temps de retour probabiliste de séismes. Le couplage de ces analyses à des analyses de
propagation spatiale des avalanches rocheuses sur les pentes permet, à l ‘aide de modèles
numériques de terrain et de lois rhéologiques appropriées, de simuler les impacts potentiels
sur les structures et les personnes. Dans un second cas, lors d'une instabilité déclarée, les
réseaux d'auscultation mis en place sur ces mouvements de terrain (déplacements,
sismicité, hydrogéochimie) font de ces sites des analogues proches, au sens des données
collectées, aux édifices volcaniques, avec des problématiques semblables en terme de seuil
d'alarme, de taux de fausse alerte et de durée de l’alarme. Ce type de surveillance est mis
en oeuvre sur des mouvements de versant lents (<10 m/an) à fort impact sociétal, pour
lesquels des accélérations majeures sont potentielles (exemples des glissements de
Séchilienne et de La Clapière, par exemple).
29
D. Tsunamis
Un Tsunami est une onde gravitaire générée par la mise en oscillation de la colonne d'eau
et qui se propage dans l'océan. Il est caractérisé par une grande longueur d'onde (quelques
centaines de kilomètres), une longue période (quelques dizaines de minutes) et une vitesse
de propagation fonction de la hauteur d'eau qui varie de 600 km/h en mer ouverte et
profonde à quelques dizaine de km/h quand il arrive sur le littoral. À l'origine du Tsunami, la
mise en action de la colonne d'eau peut être due à divers phénomènes comme la rupture
d'une faille, un glissement de terrain ou encore une éruption volcanique, à la condition qu'ils
soient sous-marin, ou à tout le moins en bordure de mer. Au large, l'amplitude du
phénomène est généralement faible (quelques dizaines de cm), mesurables par altimétrie
satellitaire ou bouées flottantes (réseau DART). À l'approche des côtes, l'onde est amplifiée
en même temps que sa longueur d'onde et sa vitesse diminuent, au fur et à mesure que la
profondeur diminue (phénomène de « shoaling »). La bathymétrie du fond (dorsales,
canyons sous-marins) et du littoral (baies, lagunes, rias) contribue à focaliser et amplifier le
Tsunami. Sa hauteur peut alors atteindre plusieurs mètres (voir dizaines de mètres) comme
en attestent les marégraphes côtiers ou les capteurs de pression disposés au fond. Les
dégâts causés par le Tsunami sur le littoral se produisent lors de deux phases successives :
l'inondation des côtes (avec parfois déferlement) atteint son niveau maximum appelé « runup » et s'ensuit du retrait, particulièrement destructeur parce que l'eau chargée de débris se
retire souvent avec une vitesse encore plus grande que lors de la montée.
1. Prévision des Tsunamis d’origine sismique - gestion des risques
Les Tsunamis les mieux connus et sans doute les plus étudiés sont ceux de Sumatra en
2004 et du Japon en 2011, tous deux provoqués par des séismes de subduction de
magnitude de l'ordre de 9, et qui sont à l'origine de près de 300 000 morts dans tout le
pourtour de l'océan indien pour le premier et de la catastrophe de Fukushima pour le
second. Ces deux événements illustrent bien la problématique d'aléa et de risque posée par
les Tsunamis, et en particulier la différence entre le champ proche et le champ lointain.
Contrairement aux séismes, les Tsunamis sont donc systématiquement précédés d'un
événement à priori détectable par les réseaux d'observation de tous types (sismographes,
GPS, hydrophones sous-marins, etc...). Contrairement à l'éruption volcanique (ou à la crise
sismique), la durée d'un tsunami est plutôt brève (quelques heures) et bien circonscrite dans
le temps. Aujourd'hui, grâce aux connaissances assez précises de la rupture sismique, des
conditions de propagation dans l'eau et de la bathymétrie des côtes, toutes connaissances
établies au préalable, il est possible d'envisager de calculer et de prévoir assez précisément
les hauteurs d'inondation consécutives à un séisme, partout sur la planète c'est-à-dire dans
la zone du séisme (en champ proche) et partout ailleurs (en champ lointain). Dans le cas des
Tsunamis d'origine sismique (les plus fréquents), la difficulté essentielle est donc plutôt
d'ordre opérationnelle : il s'agit d'abord de détecter l'événement à l'origine du Tsunami et
de déterminer ces caractéristiques (épicentre, magnitude) de manière précise, ce qui
suppose des réseaux d'observation fiables et performants. Il s'agit ensuite d'effectuer les
calculs conduisant à l'estimation des zones inondées rapidement (on dispose de plusieurs
heures pour le champ lointain, mais de seulement quelques minutes pour le champ proche),
ce qui nécessite des modèles exacts et des moyens de calculs puissants. Il faut enfin
30
acheminer cette information cruciale auprès de la population concernée par l'inondation
prévue, depuis les infrastructures et industries côtières exposées (ports, usines, routes, …)
jusqu'au grand public (habitants, touristes, …) de manière à ce que celle ci réagisse de la
manière la plus adéquate. Il apparaît donc clairement qu'une gestion efficace des risques
posés par les Tsunamis implique un travail multi-thématique très complexe, impliquant
sciences dures et sciences sociales ainsi que pouvoirs publics et médias.
b. Le cas particulier des Tsunamis dus à des glissements de terrain
Les glissements de terrains, qu'ils soient sous-marins ou côtiers, peuvent mobiliser une
tranche de sédiments de plusieurs dizaines ou centaines de mètres d'épaisseur qui vont
représenter des millions de mètres cubes (parfois des milliards) de matière déplacée ou
jetée dans l'eau. Dans ce cas, la hauteur d'eau peut alors être considérable à la source
(plusieurs dizaines de mètres), mais diminuer rapidement avec la distance et l'étalement,
contrairement aux séismes majeurs qui produisent une élévation plus faible mais sur une
surface de départ beaucoup plus grande. Le tsunami d'origine gravitaire sera donc plus
local, mais potentiellement très fort dans sa région d'origine. Le scenario le plus dévastateur
est ainsi construit autour de l'explosion d'un volcan marin qui conduirait à l'effondrement de
pans entiers de l'édifice volcanique (plusieurs km de haut et de large sur plusieurs centaines
de mètres d'épaisseur) dans la mer, chose susceptible de générer des hauteurs d'eau de
plusieurs centaines de mètres au départ et qui atteindraient encore des dizaines de mètres
de l'autre coté de l'océan, là où le Tsunami serait focalisé. Rien d'aussi dévastateur dans les
cas les plus courants (seulement quelques millions de mètres cube) mais alors, la difficulté
réside dans la détection de l'événement initial déclencheur qui peut se fondre dans le bruit
environnemental.
31
En résumé
•
La tectonique des plaques est maintenant attestée par les mesures géodésiques. Les
modèles actuels décrivent avec précision la cinématique de 25 à 56 plaques de tailles
très diverses.
Séismes
• La majorité des séismes se produisent aux frontières de plaques. A l’échelle globale, les
enjeux consistent à préciser ces frontières ainsi que la quantité de déformation qui s'y
accumule. Les mesures géodésiques et sismologiques permettent aujourd’hui de
cartographier le couplage intersismique, voire des épisodes de glissement lent,
permettant ainsi de mieux évaluer les zones susceptibles de rompre lors d’un futur
grand séisme. La complexité des mécanismes en jeu, et l’absence de moyens
permettant d'identifier et d’observer les mécanismes précédents le déclenchement de la
rupture, rendent cependant difficile, voire impossible, la prédiction de l’occurrence des
séismes à court terme. Cependant, sur quelques rares segments de faille, des
prévisions probabilistes sont données pour le moment d’occurrence de futurs séismes,
à, l’échelle de décennies. Ce sont par exemple les « big one » californiens ou turs. Cette
approche n’est pas possible en France, par manque d’information historique et
géodésique (liée au très faible taux de déformation tectonique) sur la sismicité de telle
ou telle faille.
•
A long terme, la récurrence des séismes peut être approchée statistiquement. Mais
cette probabilité repose sur des postulats aujourd’hui largement remis en question. Par
ailleurs, la définition d'une magnitude maximale pour une région donnée reste délicate et
controversée
•
Les lois statistiques bien connues sur les corrélations spatio-temporelles des séismes
permettent des prédictions probabilistes fiables, mais nécessairement imprécises, sur le
lieu, la magnitude, et l'instant des plus grosses répliques.
•
L’occurrence d'un essaim sismique (grand nombre de séismes de magnitude faible à
modérée concentrés dans le temps et l’espace) conduit à une augmentation de la
probabilité d'occurrence d'autres forts séismes à proximité. Mais cette augmentation
n’est que de quelques pourcents et reste donc délicate à exploiter à des fins d'alerte.
•
Il existe désormais des évidences indiquant que le déclenchement de la rupture
sismique est très sensible aux sollicitations statiques et dynamiques provenant d’autres
séismes, même à grande distance.
Eruptions volcaniques
• La plupart des volcans sont localisés soit sur les frontières de plaques, soit à l'aplomb
des points chauds qui “émergent” en surface indépendamment de l'existence d'une
plaque. D’autres volcans apparaissent dans des zones d’extension où la lithosphère est
étirée et amincie.
32
•
Les éruptions volcaniques sont regroupées en un petit nombre de catégories, au regard
de leur dynamisme : éruptions Pliniennes, coulées pyroclastiques, nuées ardentes,
fontaines de lave, éruptions phréatiques, coulées de lave. La plupart des éruptions
peuvent durer plusieurs années ; avec le temps, les conditions éruptives changent et le
volcan peut passer d'un régime à un autre.
•
La viscosité d'un magma dépend de sa composition chimique. Les basaltes sont les
plus fluides, les rhyolites sont les plus visqueuses. L’énorme variation de viscosité
explique en grande partie la grande diversité des régimes éruptifs. Au cours de son
évolution, un volcan peut passer d'un magma basaltique à une rhyolite et donc changer
de comportement.
•
Le réservoir d’un volcan, la "chambre magmatique" sert d'accumulateur de magma et
permet l'éruption rapide de grands volumes de magma alors que la source profonde a
un débit lent. Il permet la maturation chimique du magma. D'un volcan à un autre, les
éruptions se font avec à peu près les mêmes pressions, et les différences de régime et
de débit sont imputables aux propriétés des magmas et à la taille des conduits.
•
Décréter qu'un volcan est en phase de réveil est impossible sans instruments. La
surveillance consiste à faire la différence entre une activité “normale” qui n’annonce
aucun réveil, et une activité "anormale" précurseur d’une éruption. Seules des mesures
systématiques d'une série de paramètres pertinents permettent de trancher, et dans la
plupart des cas, une phase de réveil à la suite d’une longue phase de repos s’étend sur
plusieurs semaines.
•
Dans le cas où l'éruption est déclarée probable, il reste à prévoir quand et sous quelle
forme elle va avoir lieu. La difficulté essentielle provient de notre incapacité à voir le
système magmatique en profondeur. Les méthodes géophysiques d'imagerie du soussol sont impuissantes à l'échelle du kilomètre. Faute de maîtriser les mécanismes qui
conduisent à une éruption, il est possible de traiter le problème de manière statistique
sur des durées longues.
•
Le volume du réservoir magmatique d’un volcan ne change pas significativement
pendant quelques siècles. Les quantités de lave émises à la surface ou injectées dans le
volcan sont proches des quantités produites à la source. A partir du temps de repos qui
la précède, on peut estimer avec une faible erreur la quantité de lave qui sera émise lors
d’une éruption. Mouvements de terrains
• Le terme mouvement de terrain renvoie à différents types d’instabilités gravitaires
(endommagement, rupture, frottement, fluage) correspondants à des aléas particulier
(chutes, basculement, glissement, étalement et écoulement).
•
Ces mouvements de terrain ont des origines complexes (séismes, dissolution,
tassements, variations de volume selon le degré d’hydratation des sols et leur plasticité.
Ils se déclinent selon différentes échelles, du régional au micro-local ; de la seconde à
plusieurs années; de la chute de bloc décimétrique à l'effondrement de quelques km3.
•
Les spécificités des zones exposées, montagnes, côtes, gorges (densité de l’occupation
des sols, concentration, diversité et stratification des activités), rendent compte de leur
plus grand degré de vulnérabilité.
33
•
Dans le cas d’instabilité déclarée, sur des mouvements de versant lents (<10 m/an) à
fort impact sociétal, une surveillance est mise en oeuvre.
•
Les glissements de terrains, sous-marins ou côtiers, peuvent mobiliser une tranche de
sédiments de plusieurs dizaines ou centaines de mètres d'épaisseur et provoquer des
tsunamis. La hauteur d'eau peut alors être considérable à la source (plusieurs dizaines
de mètres), mais diminuer rapidement avec la distance et l'étalement.
•
Le tsunami d'origine gravitaire est local, mais potentiellement très fort dans sa région
d'origine. Le scenario le plus dévastateur est celui de l'explosion d'un volcan marin
conduisant à l'effondrement de pans entiers de l'édifice volcanique (plusieurs km de
haut et de large sur plusieurs centaines de mètres d'épaisseur) dans la mer.
Recommandations
Les études sur les processus physiques, là où ils s’expriment de part le monde, et
sur les méthodes d'observation et de caractérisation des phénomènes telluriques
(séismes, éruptions volcaniques, mouvements gravitaires, tsunamis) sont
essentielles pour faire progresser notre connaissance de ces phénomènes et la
chaîne
détection-analyse-prévision.
Ces
approches
fondamentales
et
observationnelles doivent être maintenues, encouragées, intensifiées.
34
CHAPITRE III.
Les phénomènes sismiques en France
A. Le cas de l'hexagone et des zones limitrophes
1. Le contexte géodynamique
Le territoire métropolitain présente une grande variété de contextes sismotectoniques reliés
à une histoire géologique complexe. L’orogenèse hercynienne a notamment laissé
l’empreinte d’un important réseau de failles s’étendant de l’Armorique à l’Alsace en passant
par le Massif Central. Certaines de ces failles, comme le cisaillement sud-armoricain, sont
encore aujourd’hui bien marquées morphologiquement et présentent toujours une activité
sismique. Durant les derniers ~100 millions d’années, la géodynamique de l'ouest de
l’Europe a été dominée par la convergence entre la plaque Afrique et la plaque Eurasie. La
collision continentale entre la partie stable de l’Europe au Nord et un ensemble de microplaques (plaque ibérique, plaque adriatique, bloc corso-sarde …) au Sud a engendré la
formation de systèmes montagneux (Pyrénées, Alpes occidentales) mais également de
bassins océaniques (tel le bassin ligure) et de grabens continentaux (fossé rhénan, sillon
rhodanien, fossé de la Limagne). La mise en place de ces structures s’est effectuée par le
jeu d’un important réseau de failles ayant accumulé des déplacements souvent plurikilométriques.
Aujourd’hui, la vitesse de convergence entre la plaque Afrique et l’Ouest de la plaque
Eurasie est de l’ordre de 3 à 6 mm/an, suivant les études et la zone considérées. Le mode
de convergence est complexe, faisant intervenir des rotations de micro-blocs, mais la quasi
totalité des déformations est absorbées au niveau du Maghreb et de la cordillère bétique.
Les mesures GPS effectuées depuis plus de 20 ans sur le territoire métropolitain par le
RENAG indiquent des taux de déformation horizontale très faibles, proches de la limite de
résolution des séries de données disponibles, ce qui semble indiquer l’épilogue de l’épisode
de collision continentale et d’ouverture des grabens cénozoïques. De ce fait, et
contrairement à ce qui est parfois argué, l’activité sismique de notre territoire ne peut pas
être exclusivement et directement reliée à la collision Afrique-Eurasie. Les régimes de
contraintes actuels sont très souvent différents de ceux qui prévalaient lors de la mise en
place des structures. Ainsi, les systèmes extensifs à l’origine du fossé rhénan et du bassin
ligure sont aujourd’hui le siège de séismes de type décrochant et, respectivement,
compressif. A l’inverse, les zones internes des Alpes et des Pyrénées sont dominées par un
régime extensif. Cette déformation en extension a parfois été expliquée par un
effondrement gravitationnel de ces chaînes sous leur propre poids. Cependant ce modèle
n’est pas en accord avec les récentes données GPS qui indiquent un taux de soulèvement
positif des hautes chaînes pouvant atteindre 2mm/an. Ceci traduit vraisemblablement un
phénomène de rebond isostatique dont le moteur est à rechercher dans l’action combinée
des dernières déglaciations, des processus mantelliques et de l’érosion. Ceci engendre une
35
modification de l’état de contrainte dans la croûte supérieure qui peut générer des
glissements sismiques sur des failles pré-existantes.
Ainsi l’activité sismique du territoire trouve son origine dans la présence d’un réseau de
failles hérité de l’histoire géologique et qui sont aujourd’hui susceptibles de rejouer sous
l’effet de toute une variété de processus, notamment externes. La complexité de ces
phénomènes et la variabilité des échelles spatiales et temporelles mises en jeu rendent
d’autant plus délicate l’évaluation de l’aléa sismique.
2. Aléas et risques sismiques en métropole
a)
c)
b)
Figure 1 :(a) Sismicité historique de la France depuis le
Vème siècle (source http://www.ccr.fr) ; (b) Sismicité
instrumentale sur la période 1962)2009 issue du projet
SI-Hex (source : www.franceseisme.fr) ; (c) Zonage
sismique de la France actuellement en vigueur (source
article D.563-8-1 du code de l’environnement).
36
a) L’activité historique, les régions les plus soumises à l’aléa sismique
L’aléa sismique sur le territoire métropolitain est souvent qualifié de faible ou modéré,
suivant la région considérée. Cette dénomination peut laisser à penser que la survenue de
séismes destructeurs y est très rare voire inexistante. Pourtant la compilation de la sismicité
historique (Figure 1a) de la France durant le dernier millénaire indique que des séismes
« majeurs », c’est à dire caractérisés par une intensité maximale supérieure à VIII ou une
magnitude d’au moins 6, se produisent en moyenne une à deux fois par siècle. Ce type de
séisme est similaire à ceux qui ont par exemple touché l’Italie en 2009 dans le secteur de
l’Aquila et en 2016 dans celui de Norcia.
Parmi les séismes historiques les plus marquants ayant frappé le territoire métropolitain, on
peut citer, de manière non exhaustive, celui de Bâle en 1356 (Imax=IX), de Bigorre en 1660
(Imax=VIII), de Remiremont en 1682 (Imax=VIII), de la mer Ligure en 1887 (Imax=IX, Mw~6.8) ou
celui de Lambesc en 1909 (Imax=VIII, Mw~6). Chacun de ses séismes a engendré des pertes
humaines et détruit de nombreux bâtiments et infrastructures. Ils sont localisés dans les
régions les plus soumises à l’aléa sismique : Pyrénées, Alpes, zone rhénane et Sud-Est de
la France. Cependant d’autres zones du territoire dont l’aléa est considéré comme plus
faible ont également subi dans le passé des séismes majeurs. C’est le cas de l’Auvergne
(séisme de 1490, Imax=VIII), du pays nantais (séisme de 1755, Imax=VII), du Nord de la France
(séisme de Calais en 1580, Imax=VII-VIII) ou de la bordure Nord du bassin aquitain (séisme de
Bordeaux de 1759, Imax=VII-VIII). Ainsi la majorité du territoire à subi durant le dernier
millénaire au moins un séisme ayant produit des dégâts significatifs et souvent des pertes
humaines.
Les séismes ressentis et/ou occasionnant moins de dégâts sont eux beaucoup plus
réguliers. On recense une dizaine de séismes par an perçus par la population sur une faible
extension géographique (magnitude de l’ordre de 3) et de l’ordre d’un séisme par an
ressenti à l’échelle départementale (magnitude autour de 4). Tous les 5 à 10 ans en
moyenne, des séismes de magnitude plus importante (autour de 5) sont ressentis bien plus
largement et engendrent des dégâts sur les bâtiments à proximité de la zone épicentrale.
Durant les 20 dernières années, ce fut notamment le cas des séismes de Saint-Paul-deFenouillet (1996), d’Annecy (1996), de Rambervillers (2003) de Besançon (2004) ou de
Barcelonnette (1997 et 2014).
Cependant, l’absence de séismes très destructeurs depuis celui de Lambesc en 1909 peut
avoir provoqué une perte de conscience de l’importance du risque sismique dans la
mémoire collective.
b) Essaims sismiques
Plusieurs régions du territoire montrent une activité sismique sous forme d’essaims
d’intensité et de récurrence variables. Ainsi, la vallée de l’Ubaye à l’Est de Barcelonnette a
subi plusieurs épisodes d’essaims sismiques au cours des 50 dernières années (1976-1977,
2003-2004, 2012-2015), avec à chaque fois plusieurs milliers d’évènements enregistrés
dont certains ont dépassé la magnitude 5. Des essaims sismiques de moindre envergure
ont également été observés dans les Pyrénées (Saint Paul de Fenouillet, mai 2004) ou dans
37
certaines zones du Massif central (région du fossé d’Ambert, Mont Dore, ...). D’autres
régions présentent parfois plusieurs évènements rapprochés qui pourraient correspondre à
des essaims mais l’absence de mesures temporaires dédiées empêche de caractériser
correctement cette activité. L’origine de ces essaims est encore largement débattue même
si le rôle des fluides est souvent privilégié.
c) Sismicité d’origine humaine
Différentes activités humaines en surface ou en profondeur perturbent le champ de
contrainte sur des failles pré-existantes et sont donc susceptibles d’engendrer un
glissement sismique ou des déformations plus lentes. Parmi ces activités on peut citer
celles associées à une surcharge en surface (par exemple via la mise en eau de barrages),
ou l’extraction/injection de fluides dans des réservoirs souterrains (gisement
d’hydrocarbures, stockage de gaz ou d’eau, géothermie profonde, …) et qui se produisent
soit lors de leur mise en œuvre soit pendant leur exploitation.
Généralement les séismes induits par ces activités sont de faible magnitude. Cependant, à
l’échelle mondiale, quelques séismes importants, parfois de magnitude supérieure à 5, sont
considérés comme ayant été causés par des activités humaines. Hormis peut-être le séisme
de Corençon (25/04/1962,M5.51) pour lequel il n’y a pas consensus, les séismes reconnus
comme induits n’ont jusqu’à présent pas atteint ce niveau sur le territoire français.
Cependant, essentiellement du fait de leur occurrence à faible profondeur, certains d’entre
eux ont été bien ressentis par la population et ont engendré des craintes vis-à-vis des
techniques employées. Ce fut en particulier le cas du séisme du 25/04/1963 (M4.6)
concomitant avec la mise en eau du barrage de Monteynard, celui du 02/09/2013 (M4.1)
très probablement lié à l’exploitation du gisement de gaz de Lacq (Pyrénées-Atlantiques) ou
celui du 11/06/2003 (M2.9) lors de la préparation d’un échangeur géothermique profond à
Soultz-sous-Forêts (Bas-Rhin).
d) Estimation de l’aléa sismique en Métropole
A l'échelle de quelques milliers d'années, la sismicité d’une région donnée est relativement
stable. Ainsi la connaissance du taux de sismicité historique permet d’estimer le taux de
sismicité attendue dans le futur sans toutefois renseigner sur la taille maximale des séismes.
La base de données SisFrance (BRGM, EDF, IRSN) recense 6000 évènements ressentis
durant le dernier millénaire2, dont une centaine d’intensité maximale supérieure à VII (figure
1a). Les principaux séismes historiques qu’elle contient sont souvent pris comme séismes
de référence pour les études d’aléa sismique basées sur une démarche déterministe.
Cependant, la faiblesse des taux de déformation en métropole implique que la période de
retour des séismes majeurs sur une faille donnée est généralement plus importante que la
durée couverte par ce catalogue. Il est donc difficile d’estimer, sur la seule base
d’observations instrumentales ou macrosismiques, le séisme caractéristique ou de
magnitude maximale dans chaque région, et encore moins leur période de retour.
Pour les évènements compris entre 192 et 2009, les magnitudes indiquées sont extraites du catalogue SiHex.
La base SisFrance ne contient pas d’événements au-delà de 2007. Ceux-ci sont disponibles via le BCSF
(www.franceseisme.fr)
1
2
38
Pour tenter de pallier cette limitation, une approche complémentaire consiste à rechercher
et étudier des indices paléosismiques ou néotectoniques de séismes s’étant produit depuis
le Pléistocène (~2 derniers millions d’années) et ayant engendré une rupture ou une
déformation identifiable en surface. La base de données Néopal recense quelques
observations pour la métropole. Cette approche est cependant limitée par le fait que tous
les séismes, mêmes importants, ne se traduisent pas nécessairement par une expression
en surface, notamment lorsque leur foyer est à une profondeur importante, et qu’elle ne
peut s’appliquer aux failles sous-marines. Par ailleurs, les conditions pour la conservation
des paléoruptures en domaine continental ne sont pas toujours propices. Enfin, malgré son
caractère indispensable à l’échelle de l’ensemble du territoire, cette caractérisation n’a pas
été réalisée de manière exhaustive. Cela constitue un véritable défi qui nécessite des
moyens nettement plus importants que ceux qui y ont été dédiés jusqu’à présent.
Alternativement, les réseaux sismologiques (cf. paragraphe suivant) permettent, sous
couvert d’une densité suffisante et d’une instrumentation adéquate, de disposer d’une
vision globalisée mais « instantanée » de l’activité sismique du territoire. Sur la base de
relations (par exemple de type Gutenberg-Richter) entre le taux d’activité microsismique
d’une région et la probabilité d’occurrence d’un séisme majeur, cette approche autorise une
estimation plus homogène de l’aléa, aussi bien à l’échelle du territoire qu’à une échelle plus
locale. En outre, des segments de failles susceptibles de produire des séismes importants
peuvent être révélés à partir de leur signature en terme d’activité microsismique. Enfin,
l’analyse du mouvement du sol généré par des séismes de faible magnitude permet
d’étudier les effets de propagation et les effets de site, paramètres cruciaux dans
l’estimation de l’aléa sismique local. Néanmoins cette approche instrumentale est inadaptée
pour caractériser la magnitude maximale attendue, facteur aujourd’hui considéré comme
crucial pour l’estimation de l’aléa sismique à une échelle régionale.
C’est donc par la combinaison de ces 3 approches qu’une estimation de l’aléa sismique est
menée. Cependant, nous ne disposons pas encore, pour chacune d’entre elles, de données
suffisamment précises et homogènes à l’échelle du territoire.
Fin 2002, sur la base des informations alors disponibles, l'aléa sismique en métropole a été
ré-évalué (le précédent datait de 1991). Il a été considéré un niveau d’aléa correspondant à
10% de probabilité de dépasser dans les 50 prochaines années une certaine accélération
du sol (aléa physique). Le zonage sismique règlementaire (Figure 1) est une simplification de
l'aléa physique et contient 5 zones de sismicité croissante avec une résolution à l'échelle de
la commune. Publié par le Ministère de l'environnement en 2005, il est entré en vigueur en
2011.
Un tel zonage devrait faire l’objet de ré-évaluations régulière pour prendre en compte
l’évolution de nos connaissances de la sismicité historique et instrumentale ainsi que
l’ensemble des travaux, dont ceux issus de la communauté académique, concernant les
zones sismogènes et les différents types de sismicité.
e) Estimation de la vulnérabilité et du risque sismique en Métropole
L'augmentation des populations dans des noyaux urbains de plus en plus grands et
constitués d’un habitat hétérogène de qualité très variable, est l’ingrédient qui positionnent
le milieu urbain parmi les éléments les plus critiques de la chaîne du risque sismique. En
39
effet il y a une forte corrélation entre le nombre de constructions endommagées après un
séisme et celui des victimes et des pertes économiques directes et indirectes. Il convient
alors de connaître la façon dont les constructions se comportent sous l’effet de sollicitations
sismiques afin de gérer, prédire et évaluer leur vulnérabilité et leur intégrité post-sismique.
Déterminer quels sont les bâtiments et les structures les plus vulnérables au niveau d'une
région ou d'une ville est une tâche particulièrement ambitieuse et difficile. Cela nécessite
d’étudier un nombre très important de bâtiments et de types de structure (maçonnerie,
béton armé, portiques, murs porteurs...) avec des moyens financiers bien évidemment
limités. Il est aussi souvent difficile d'avoir accès à toutes les informations nécessaires à ce
type de diagnostic (plans de ferraillage, caractéristiques des matériaux utilisés, code de
dimensionnement utilisé, fondations...). De plus, bien appréhender le comportement
sismique d'une structure existante est bien plus difficile que de dimensionner une nouvelle
structure (suivant les normes parasismiques en vigueur) notamment concernant des
structures pour lesquelles les dispositions constructives n’ont pas (ou partiellement) été
respectées et qui ne peuvent être associées à un modèle « réglementaire » de
comportement.
Les objectifs des analyses de vulnérabilité sont essentiellement de deux natures: (1) estimer
les dommages prévisibles aux personnes et aux biens juste après le séisme en particulier
pour décider des moyens de secours à mettre en place. C’est un des maillons des
exercices Richter pilotés par le BRGM pour la DGPR du ministère en charge des risques. (2)
identifier les bâtiments les plus vulnérables aux séismes de façon à planifier et organiser
une politique de renforcement du bâti existant. Cette identification et/ou remédiation peut
par exemple s’effectuer lors de travaux de rénovation générale.
Dans le premier cas, les études de vulnérabilité viennent en complément de celles qui
définissent l’aléa sismique, à la fois au niveau national et régional (l’étude des failles et des
séismes pouvant s’y produire, les modèles d’atténuation et de prédiction du mouvement
sismique) conduisant à la mise en place du zonage sismique; et au niveau local par les
études des effets de site qui modifient à petit échelle le mouvement sismique (bassin
sédimentaire, vallée alluviale) aboutissant parfois à la définition d’un microzonage sismique
intégré dans des Plans de Prévention des Risques Sismiques (PPRS). Ces effets de site
sont étudiés par des méthodes expérimentales portées vers la caractérisation des
formations géologiques. Des simulations numériques complètent parfois ces études,
permettant de simuler l’amplitude et la variabilité à courte longueur d’onde des mouvements
du sol pour un séisme donné et une région donnée (cf. encart).
Plus localement, des études spécifiques sur des ouvrages précis sont possibles, comme
réalisé sur l’hôtel de ville de Grenoble dans le cadre de l’ANR URBASIS, mêlant approche
expérimentale, modélisation simplifiée et modélisation numérique par élément finis 3D.
Cependant, le coût élevé de ces travaux limite fortement le nombre d’ouvrages étudiés. De
nombreux acteurs académiques (laboratoire des sciences de l’ingénieur comme L3SR à
Grenoble, INSA de Lyon et Toulouse, ENS Cachan…) sont spécialisés dans la modélisation
numérique d’ouvrages spécifiques, permettant l’évaluation de leur sécurité et la simulation
des dommages pour un niveau d’aléa sismique probabiliste ou déterministe. L’institut
SEISM regroupe la plupart des partenaires académiques et non académiques (EDF, IRSN,
40
CEA etc…) autour des thèmes concernés par le génie parasismique, et en particulier liés à
la sureté des installations nucléaires. D’autres initiatives, pilotées par le SNO Réseau
Accélérométrique Permanent (RAP), ont conduit à la mise en place d’un réseau national
d’instrumentation de bâtiments en partenariat avec les collectivités locales, pour observer
les mécanismes en jeu dans les structures pendant des sollicitations sismiques. Ce type
d’observation reste cependant limité à un très faible nombre de bâtiments et ne permet pas
de prendre en compte la complexité de l’habitat et du substratum d’une ville. L’installation
de réseaux denses déployés à l’échelle d’une zone urbaine permettrait certainement de
faire grandement progresser notre connaissance dans ce domaine.
L’ensemble des analyses portant sur l’aléa et la vulnérabilité sismiques permet d’établir des
modèles de prédiction des pertes économiques directes et indirectes, souvent au cœur des
activités des compagnies d’assurance et de ré-assurance.
L’ensemble de ces travaux, à la frontière entre différents instituts et acteurs, est aujourd’hui
globalement peu soutenu par le CNRS-INSU alors même que les données nécessaires et
les compétences existent dans ses différents laboratoires.
ENCART : Exemple d’évaluation du risque sismique et des effets de site à Nice
La ville de Nice et son environnement tectonique ont fait l’objet de nombreuses études scientifiques visant à
mieux caractériser l’aléa sismique et les risques associés. Nous ne pouvons présenter ici l’ensemble de ces
études, mais nous focalisons notre attention sur la mise en évidence et la prise en compte des effets de site
qui peuvent grandement amplifier l’impact des séismes.
Le fait de disposer de réseau d’instruments de mesure permanents permet d’observer les effets de site
associés aux tremblements de terre (ex. Deschamps et al., 2002 ; Duval et al., 2013). La Figure a) illustre cela
pour le séisme de magnitude 4.5 du 25 février 2001 localisé à ~25km au large de Nice.
Figure a). Observation de l’effet de site sur la ville de Nice.
En haut à gauche, localisation des trois stations
sismologiques (NBOR, NROC, NALS) et de l’épicentre du
séisme en mer. A droite, zoom sur la ville de Nice. En
arrière-plan carte géologique (BRGM) avec en bleu les
calcaires jurassiques et en blanc cassé les alluvions
récents. Les sismogrammes (composante Nord) en
accélération sont montrés aux trois stations NBOR, NROC,
RLIB, avec la même échelle verticale. On note une
amplification importante des vibrations à la station NALS et
une amplification modérée à NROC, en comparaison de
celle enregistrée à NBOR. Cet effet de site est lié à la
nature lithologique du sous-sol.
Afin de quantifier et caractériser plus précisément les vibrations du sol qui pourraient être générées par les
futurs séismes au niveau de Nice, des études scientifiques spécifiques ont été conduites pour: 1) identifier
avec plus de précision les failles source potentielles de séismes au large de Nice, notamment en conduisant
des campagnes en mer mettant en œuvre des techniques de mesure fine de la bathymétrie et d’imagerie
géophysique du sous-sol marin. Cela a permis d’identifier la faille en mer la plus probablement à l’origine du
séisme Ligure de 1887 et de préciser son prolongement au large de Nice (Larroque et al., 2011); 2) simuler par
des techniques numériques l’émission et la propagation des ondes sismiques émises par un fort séisme sur
cette faille, dans un modèle de terre tridimensionnel jusqu’au niveau de la ville de Nice (projet ANR QSHA); 3)
utiliser des séismes de magnitude modérée bien enregistrés pour simuler l’impact d’un séisme potentiel plus
important, toujours sur la ville de Nice (Figure b), Salichon et al., 2010) en prenant en compte de manière
réaliste les effets de propagation et d’effets de site.
41
Figure b) : Simulation des effets vibratoires à Nice causés
par un séisme de magnitude 6.3 situé au large, par la
méthode de sommation de sismogrammes générés par
des séismes plus petits (méthode des fonctions de Green
empiriques). Ici le « petit » séisme utilisé comme fonction
de Green empirique est celui du 25 février 2011 de
magnitude 4.5 (figure YY). (a) Carte indiquant la localisation
et les caractéristiques de la source considérée. Triangles
noirs : stations sismologiques où les séismes modérés ont
été enregistrés et où sont simulés les effets du séisme de
magnitude 6.3. (b) Schéma illustrant la méthode de
sommation. (c) Effets vibratoires simulés sous forme de
spectres de réponse (axes horizontaux : période en
secondes ; axes verticaux : accélération en m/s2). Sur
chaque graphe la courbe centrale (trait gras) indique la
réponse moyenne, et les traits en tirets indiquent la
variabilité des simulations. On observe une amplification
maximale des vibrations simulées à la station NALS, en
accord avec les observations réelles de la Figure YY. Des
amplifications moindres mais néanmoins significatives sont
également obtenues à NLIB, NROC, NPOR. D’après
Salichon et al. (2010).
3. Réseaux de détection des séismes et suivi de l’activité sismique
Figure 2 : Etat des réseaux
sismologiques nationaux permanents
en Métrople en Juin 2016 incluant le
réseau dédié du CEA, le Réseau Large
Bande Permanent (RLBP) et le Réseau
Accélérométrique permanent (RAP) ;
les deux derniers correspondant à des
actions spécifiques de l’Infrastructure
de recherche RESIF. Dans ce cadre le
RLBP est amené à croitre fortement
dans les prochaines années.
42
A l’échelle nationale, l’observation de la sismicité et des déformations du territoire
métropolitain est effectuée à l’aide de différents réseaux d’observation permanents installés
et opérés par des structures de recherche académiques (CNRS-INSU, Universités) ou des
organismes d’Etat. Les données de ces réseaux sont notamment analysées en continu pour
le suivi et la caractérisation de l’activité sismique du territoire.
a) Réseau national de surveillance du CEA
Le premier véritable réseau sismologique métropolitain a été bâti par le CEA au début des
années 1960. Historiquement dédié à la détection des essais nucléaires internationaux, ce
réseau a également permis d’initier une activité de surveillance de l’activité sismique de la
métropole. Ce réseau est aujourd’hui constitué d’une quarantaine de stations (figure 2)
basées sur des capteurs courte période. Ils sont complétés, sur une dizaine de sites, par
des capteurs « longue période » ou « large bande ». L’ensemble des données est centralisé
sur le site de Bruyères-le-Châtel où elles sont analysées automatiquement pour détecter la
survenue d’un séisme et prévenir un sismologue d’astreinte si la magnitude dépasse le seuil
de 43 pour la métropole (en pratique cette astreinte est généralement effectuée à partir de la
magnitude 3.5). Celui-ci valide et précise la localisation et émet alors éventuellement un
message d’alerte vers les autorités et différents organismes dont le BCSF. Les données
sont également traitées manuellement en temps différé pour établir le bulletin de sismicité
du LDG. Hormis pour les 6 stations large bande qui sont incluses dans RESIF (cf. ci
dessous), les données des stations opérées par le CEA ne sont pas distribuées
publiquement en temps réel mais sont mises à disposition de la communauté scientifique
en temps différé et sur requête.
La maintenance du réseau, la gestion des données et l’astreinte sismique sont assurés par
~25 sismologiques, ingénieurs et techniciens.
b) Infrastructure de recherche RESIF et réseaux académiques
Depuis 2008, la communauté scientifique française s’est fédérée autour de l’Infrastructure
de recherche RESIF (Réseau sismologique et géodésique français) pour bâtir un système
d’observation pérenne et multi-instruments dédié à la mesure des déformations de la Terre
à différentes échelles de temps et d’espace. Porté par le CNRS et impliquant 8 Universités
ainsi que tous les principaux acteurs du domaine (BRGM, CEA, CNES, IGN, IRD, IRSN,
IFSTTAR), cette infrastructure tend à intégrer et à faire évoluer des réseaux développés
dans le cadre des services nationaux d’observation en sismologie et géodésie de l’INSU.
En métropole, RESIF s’articule autour de plusieurs composantes :
- Le réseau sismologique large-bande permanent (RESIF-RLBP, Figure 2) constitué de
capteurs dont la bande passante et la dynamique permettent d’étudier toute la complexité
du champ d’onde produit par les séismes locaux ou lointains. Aujourd’hui composé
d’environ 70 stations, ce réseaux devrait être étendu dans les prochaines années à ~200
stations (sous-projet RESIF-CLB) pour constituer une véritable antenne sismologique à
l’échelle du territoire métropolitain. Ces stations remplacent progressivement celles du
Réseau National de Surveillance Sismique (RéNaSS), mis en place dans les années 80 et
équipées de capteurs courte période. Les stations du RLBP sont installées et opérés par 8
3
En attente de confirmation du CEA
43
OSU ainsi que par le CEA. La Division Technique de l’INSU assure la maîtrise d’œuvre du
projet associé à son expansion (RESIF-CLB).
- Le réseau accélérométrique permanent (RESIF-RAP, Figure 2) composé d’une centaine de
stations équipées d’accéléromètres de grande dynamique et notamment destinés à la
mesure des mouvements forts causés par les séismes majeurs, à la détermination des
effets de sites et à l'étude de la réponse des bâtiments aux sollicitations sismiques. Ce
réseau, initié à la fin des années 90, est composé de stations de référence (installées au
rocher dans des environnements isolés), de stations situées dans des environnements
urbains et/ou à forte vulnérabilité ainsi que quelques bâtiments instrumentés sur différents
niveaux. Les stations du RAP sont opérées par plusieurs OSU mais également par divers
organismes partenaires de ce service (CEA, BRGM, IFSTTAR, IRSN).
- Le réseau géodésique permanent (RESIF-RENAG) composé de 75 stations GNSS dédiées
à la mesure des déformations lentes de surface dans les différents contextes tectoniques
du territoire. A noter que ces données servent également à la caractérisation des
enveloppes fluides (contenu en eau de la troposphère, surcharges océaniques, …). En
outre, deux gravimètres absolus permanents permettent d’étudier les variations à longue
période du champ de gravité.
- Des parcs mobiles de capteurs sismologiques (Sismob), géodésiques (GPSMob) et
gravimétriques (GMob) qui peuvent être déployés dans des zones d’intérêt scientifique en
France et à l’étranger ainsi qu’après la survenu de séismes importants. Dans ce cadre ils
permettent de suivre le phénomène (étude des répliques ou des déformations post
sismiques) et de mieux en cerner les caractéristiques. Les interventions post-sismiques sont
cependant peu nombreuses sur le territoire métropolitain. Pour les évènements modérés,
ceci est notamment lié à la difficulté à mobiliser très rapidement des équipes mais
également des équipements qui doivent être dédiés et à demeure.
En outre, un système d’information (RESIF-SI) assure désormais la centralisation, la
validation et la distribution libre et en temps réel (pour une partie des données « brutes ») de
l’ensemble des données sismologiques acquises par ces différents réseaux et qui sont
utilisées pour mener des activités de recherche et d’observation. Un unique portail permet
aujourd’hui un accès aisé aux données brutes et validés (http://www.seismology.resif.fr).
c) Suivi de la sismicité par la communauté académique
Les stations et données issues de l’Infrastructure de Recherche RESIF ont pour vocation
première d’être utilisées pour des actions de recherche permettant de mieux caractériser et
comprendre la structure profonde de notre territoire et les séismes s’y produisant. Ces
travaux nécessitent des données de qualité et disponibles rapidement, qui, de fait, peuvent
également contribuer à des activités plus « opérationnelles » de suivi, voire de surveillance,
de la sismicité du territoire.
De par la géométrie des réseaux et la nature de leurs instruments, les stations de RESIFRLBP et RESIF-RAP sont complémentaires et complètent le réseau du CEA. Ainsi une
activité routinière de suivi de la sismicité est effectuée à l’échelle régionale par certains OSU
et à l’échelle nationale par le site central du BCSF-RéNaSS situé à l’EOST. Un traitement
automatique en temps réel des données permet de proposer sur le site web du RéNaSS
(http://renass.unistra.fr) une première localisation des séismes dans un délai de quelques
44
minutes. Ces évènements sont repris quotidiennement en jours ouvrés par deux analystes
qui précisent la localisation et discriminent les séismes naturels des évènements d’origine
anthropique (tirs, explosions, coup de toit minier, …).
D’autre part, pour tout séisme générant une alerte par le LDG, le BCSF déclenche une
enquête afin de recueillir des témoignages, via des questionnaires soumis à des particuliers,
mairies, préfectures et pompiers, sur les effets ressentis et les éventuels dégâts observés.
Ces données macrosismiques, couplées à une analyse des dommages et des vulnérabilités
des bâtiments concernés, permettent d’évaluer des intensités sur l’échelle EMS-98. Elles
sont notamment utilisées pour l’étude des effets de site mais également lors de la
reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle des communes touchées. Pour les
séismes les plus importants, le BCSF coordonne le Groupe d’Intervention Macrosismique
(G.I.M.) qui évalue directement sur le terrain les dégâts occasionnés selon les vulnérabilités
pour une estimation correcte des intensités. Il intervient parfois en parallèle de l’Association
française du génie parasismique (AFPS) dont les activités sont plus focalisées sur le
diagnostic d’urgence.
La réalisation de plusieurs catalogues de sismicité par différents organismes peut parfois
être vue comme complexe et perturbante. Ainsi un même événement peut se voir attribuer
plusieurs localisations et magnitudes différentes. Pour remédier à ce problème, un projet
collaboratif, dénommé SI-Hex (Sismicité Instrumentale de l’Hexagone), a permis aux
différents observatoires du CNRS-INSU impliqués dans la caractérisation de la sismicité
métropolitaine et au CEA-LDG de réaliser un catalogue unifié de la sismicité hexagonale
d’origine naturelle pour la période 1962-2009. Ceci permet de répondre à un besoin émis
par différents acteurs de l’aléa et du risque sismique de disposer d’un catalogue de
référence. La poursuite de ces travaux pour la période postérieure à 2009 est aujourd’hui
programmée dans le cadre de RESIF via un nouvel axe transverse « Sismicité » qui
regroupe de nombreux acteurs du domaine (CNRS-INSU, CEA, Universités, BRGM, IRSN,
IFFSTAR). Cet axe coordonnera également un certain nombre d’actions dédiées à la
réalisation de divers produits (bulletin multi-origines, catalogue de référence, études
macrosismiques historiques et actuelles, cartes d’estimation rapide du mouvement du sol
« ShakeMap ») ainsi qu’un groupe de travail autour de l’aléa sismique. Il s’agit de mieux
intégrer les travaux effectués par les différents partenaires de RESIF, et notamment les
observatoires et services nationaux d’observation, dans la caractérisation de l’activité
sismique et de l’aléa associé sur notre territoire.
d) Modes de financement
Les sources de financement permettant la réalisation des différentes activités d’observation
labellisées par l’INSU sont relativement nombreuses. Elles proviennent essentiellement des
entités suivantes :
- CNRS / INSU : Le soutien récurrent aux services nationaux d’observation inclus dans les
ANO Sismologie et Géodésie-Gravimétrie est principalement dédié au fonctionnement
de ces services et des stations qu’ils opèrent et permet d’assurer la pérennité et la
qualité des mesures.
- Universités : Elles assurent une partie des frais de fonctionnement des OSU et
participent, de manière variable suivant les OSU, au financement des équipements et/ou
45
-
-
-
-
fonctionnement des stations. Il faut noter que les Universités financent une partie
importante du personnel, notamment ingénieur, dédié aux SNO.
Collectivités locales/régionales : Historiquement, certaines collectivités ont fortement
soutenu l’observation sismologique en permettant le développement et la maintenance
des réseaux dans certaines régions (PACA, Pyrénées, …). Cette source de financement
tend cependant à décroître fortement, reportant une part des coûts de fonctionnement
sur le CNRS-INSU et les Universités.
MEEM : Il s’agit d’une source de financement majeure pour le RAP qui a permis le
développement de ce réseau. Le MEEM a également financé quelques travaux de
recherche, permettant de valoriser les données instrumentales (projet SI-Hex) et
macrosismiques notamment pour des problématiques d’estimation de l’aléa ou de la
vulnérabilité. Il contribue également à RESIF en particulier pour ce qui concerne la mise
en place du système d’information et de l’axe transverse « Sismicité »..
EquipEx RESIF-CORE : Ce programme (9.3 M€) est la principale source de financement
pour le développement de plusieurs composantes de RESIF dont en particulier
l’extension du RLBP (projet RESIF-CLB) et la mise en place du Système d’Information
de RESIF. Grâce à RESIF-CORE, les systèmes d’observation métropolitains devraient
atteindre un niveau de qualité équivalent à ceux des autres pays européens et
constitueront une contribution majeure à l’infrastructure européenne EPOS.
Autres organismes (CEA, IRSN, BRGM, IFSTTAR) : Le RLBP et le RAP incluent des
stations opérées par des organismes partenaires qui prennent en charge, entièrement
ou partiellement, les frais liés à l’installation et à la maintenance des stations dont ils
sont propriétaires.
e) Personnel
Les réseaux permanents en métropole intégrés à RESIF fonctionnent sur un mode distribué
où les stations « académiques » sont opérées par plusieurs OSU chacun étant en charge
d’une partie de l’Hexagone. Ce mode de fonctionnement est en partie issu de celui du
RéNaSS, premier réseau académique bâti dans les années 80, et qui correspondait à une
fédération de réseaux régionaux. Ainsi ces structures disposent souvent du personnel et de
l’expertise nécessaire à l’installation et la maintenance de stations et œuvrent, en outre, à
une valorisation des données à l’échelle régionale.
Dans la majorité de ces OSU, la coordination est assurée par un personnel du CNAP dans
le cadre de son activité statutaire d’observation. Plusieurs enseignants-chercheurs issus
des Universités partenaires ou chercheurs CNRS sont cependant fortement impliqués dans
ces services d’observation. Ils ne bénéficient pas toujours de la reconnaissance liée à cette
activité.
Des techniciens et ingénieurs instrumentalistes assurent l’ensemble des tâches nécessaires
au bon fonctionnement des stations sur le terrain. Certain OSU qui opèrent des éléments du
Système d’Information de RESIF disposent en outre d’ingénieurs informaticiens pour la
gestion des données. Globalement, ces ingénieurs sont pour moitié rattaché au CNRS et
pour moitié aux Universités partenaires de ces OSU. En sus des tâches liées à la
maintenance des systèmes d’observation, ces ingénieurs sont très impliqués dans les
évolutions majeures décidées dans le cadre de RESIF, notamment l’extension du RLBP et
la mise en place du Système d’Information et de l’axe transverse « Sismicité ». Malgré un
46
soutien en personnel CDD pendant la durée de l’EquipEx RESIF-CORE, ce personnel
permanent doit et devra faire face à un surcroît de travail lié à ces nouvelles activités et à
l’augmentation du nombre de stations et de systèmes à maintenir.
f) Surveillance de sites sensibles et données associées
Certaines infrastructures nécessitent une surveillance accrue soit du fait de leur vulnérabilité
particulière (centrales nucléaires, sites de stockage souterrain, lignes TGV, …), soit par
l’activité sismique qu’elles sont susceptibles de générer (site d’exploitation de ressources
naturelles profondes, barrages, ...). Les données des réseaux d’observation nationaux sont
susceptibles d’être utilisées dans ce cadre par les opérateurs en charge de ces sites lors
des phases d’exploration ou directement pour la surveillance opérationnelle. Il existe donc
une utilisation commerciale des données académiques, qu’il s’agisse des données brutes
(ex : formes d’onde) ou des différents produits qui en découlent (catalogues de sismicité,
cartes d’intensités …). Cependant il est difficile de quantifier ce type d’utilisation car ces
données sont difficilement traçables. L’utilisation des données issues des réseaux
académiques par d’autres acteurs du monde socio-économique doit être facilitée et mieux
soutenue. Elle pourrait être promue via l’utilisation d’une licence OpenData4 et via la mise à
disposition des données et produits des services d’observation à travers des portails (par
exemple l’Observatoire National des Risques Naturels) plus tournés vers ces secteurs
d’activité et en relation directe avec ses acteurs.
D’autre part, il est généralement nécessaire d’installer de manière complémentaire des
réseaux sismologiques dédiés à proximité des sites sensibles, soit pour caractériser leur
réponse face aux sollicitations sismiques, soit pour surveiller la sismicité générée avec un
meilleur seuil de détectabilité. L’installation et l’opération de ces réseaux locaux, ainsi que
l’exploitation des données associées et le maintien de systèmes de surveillance, ne sont
généralement pas du ressort des services nationaux d’observation nationaux. Ainsi, par
exemple, la surveillance des sites nucléaires est confiée à l’IRSN, celui des sites miniers à
l’INERIS et les systèmes d’arrêt de certains TGV au CEA. Concernant les sites d’exploitation
de ressources naturelles, leur suivi est généralement effectué par les gestionnaires de ces
sites ou des entreprises mandatés.
Mais des laboratoires du CNRS sont parfois sollicités et impliqués dans le suivi de certain
de ces sites. Ces équipes apportent une expertise scientifique et/ou technique et opèrent
parfois eux-mêmes les stations. Ainsi, par exemple, l’IPGP participe avec l’INERIS à l’étude
de la sismicité induite dans les mines abandonnées du bassin houiller de Provence, IsTerre
et l’OMP ont été sollicités par Total et Geopetrol pour le suivi de l’activité sismique du site
de Lacq, et l’EOST est impliqué dans la conception de réseaux de surveillance et la gestion
de données de différents sites de géothermie profonde en Alsace. Cela soulève différentes
questions quant au rôle des unités de recherche dans le processus de surveillance de ces
sites et aussi en cas de crise. Toutefois, ces implications permettent à ces unités de
disposer de jeux de données uniques permettant d’aborder différentes thématiques de
recherche et notamment de mieux comprendre les mécanismes associés au
déclenchement des séismes. Pour faciliter et étendre ces travaux, il sera utile que les jeux
4
https://www.etalab.gouv.fr/licence-ouverte-open-licence
47
de données acquis sur de tels sites industriels par des opérateurs privés ou publics, soient
mis à disposition librement à l’ensemble de la communauté académique.
4. dispositif vis-à-vis des autorités en cas de crise
Gestion de l’alerte
Figure 3 : Carte des témoignages individuels reçus
sur le site internet du BCSF (www.franceseisme.fr)
moins de 6h après le séisme des Charentes (28 Avril
2016, Ml=5.2). Au total plus de 2000 témoignages ont
été collectés pour cet évènement.
Le processus d’alerte rapide des autorités en cas de séisme important en métropole a été
clarifié en 2009. Antérieurement, des messages d’alerte étaient émis à la fois par le site
central du RéNaSS et par le CEA-LDG. Aujourd’hui cette responsabilité incombe
entièrement au CEA-LDG. Dans un délai maximum de 2h (généralement dans les 20
minutes) après un séisme de magnitude supérieure à 4 (mais pratiquement pour des
évènements supérieur à 3.5)5, le CEA-LDG fourni les informations relatives à l’événement
(localisation, magnitude) au COGIC 6 . Un message équivalent est également transmis à
certains opérateurs de sites sensibles (barrages, …). Le CEA-LDG gère également la
surveillance d'installations soumises à des aléas sismiques locaux (centres CEA, TGV
Méditerranée...) et émet dans ce cadre des alertes spécifiques, automatiques, dans un délai
de l’ordre de quelques minutes.
Le message d’alerte fourni par le CEA-LDG est également transmis au BCSF qui relaye
cette information sur son site (http://www.franceseisme.fr), lance un appel à témoignage et
effectue automatiquement une première estimation des intensités à partir des témoignages
reçus. Les intensités déterminées automatiquement à partir des témoignages reçus sont
mises à jour régulièrement (toutes les 5 min actuellement) sur le site web (cf. Figure 3). Une
synthèse est transmise à de nombreux groupes et organismes dont le COGIC, le MEEM et
les différents observatoires. Elle fournit des informations complémentaires à celles du CEALDG qui s’avèrent précieuses pour la gestion de crise.
Pour compléter l’aide aux acteurs de la gestion de crise, la production de cartes rapide de
l’accélération du sol (« ShakeMap »), fournie dans les minutes suivant le séisme, est
5
En attente de confirmation du CEA
6
Centre Opérationnel de gestion interministérielle des crises
48
actuellement testée par différents organismes. Ces cartes se basent sur une prédiction de la
décroissance théorique des amplitudes des vibrations avec la distance, corrigée avec des
mesures en temps réel issues des stations sismologiques permanentes ainsi que des
données macrosismiques. Elles prennent en compte les effets de site et de propagation
dans la limite des connaissances disponibles. Exprimées dans différentes unités
(accélération, PGV, intensité EMS-98, …) elles permettraient d’estimer rapidement les
dégâts potentiels aux différentes infrastructures. Un premier outil opérationnel, impliquant le
BRGM, l’OMP et le BCSF côté français, a été développé pour les Pyrénées dans le cadre
du projet européen SisPyr. Dans le cadre de l’axe transverse “Sismicité” de RESIF, un
groupe de travail a récemment été mis en place avec comme objectif la génération de ces
cartes à l’échelle nationale.
Lors d'un séisme, en croisant toutes ces données mises à disposition rapidement
(localisation, magnitude, intensités, mesures instrumentales, carte d’accélération, …) avec
d’autres informations préexistantes (vulnérabilités, micro-zonage, …), il devient possible
d’estimer les dégâts et d'en déduire les victimes potentielles. Ce type d’estimation est par
exemple effectué par l’USGS pour les séismes majeurs dans le monde via un outil nommé
« PAGER» dont la fiabilité des résultats varie selon les cas. A l’échelle de la France, un outil
similaire apparait être en cours de développement au BRGM (fiche « SeisAid » diffusée
après le séisme de La-Rochelle 2016). Cependant, la sensibilité de tels outils aux données
d'entrée et aux paramètres de modélisation est très importante. Il apparait donc important
que l’ensemble des acteurs fournisseurs de données ou travaillant sur de tels modèles
soient impliqués dans la conception de ce type d’outil afin de limiter l'écart entre la réalité et
les estimations. Ceci permettrait une meilleure appropriation de leurs résultats notamment
en gestion de crise. En outre, une clarification des actions et missions collectives (multiorganismes) et individuelles serait utile.
D’autre part, la communauté académique peut être amenée à effectuer différentes
expertises et analyses en période de crise pour des évènements d’origine naturelle ou
anthropique. Ainsi certains spécialistes ont été sollicités suite à l’accident d’AZF en 2001.
Toujours en guise d’exemple, les conventions d’exploitation des sites de géothermie
profonde en Alsace mentionnent que la DREAL peut solliciter l’EOST pour ré-analyser
certains évènements induits majeurs.
Au delà de ces expertises effectuées dans un cadre statutaire bien défini, certains OSU sont
parfois sollicités directement par les mairies ou préfectures pour apporter rapidement des
compléments d’information sur un événement ou pour estimer la qualité d’un ouvrage (cas
par exemple de la mairie de Chamonix, dont l’hôtel de ville est instrumenté dans le cadre du
RAP, suite au séisme du 8/9/2005, Ml=5.3).
Notons enfin que des exercices de simulation de crise sismique, appelés exercices Richter,
ont été mis en place depuis quelques années. Ils permettent d’aborder différents aspects
de cette gestion de crise depuis l’alerte jusqu’à l’organisation des secours. On peut
regretter que la communauté académique, notamment à travers les activités de ses
différents services nationaux d’observation, ne soit que peu sollicitée dans leur préparation
et leur exécution, malgré son rôle important dans l’observation et l’analyse du phénomène.
49
g) Gestion de la communication
La communication en phase de crise est complexe. Les messages automatiques fournis par
le CEA-LDG et le BCSF ou les informations paramétriques disponibles sur les différents, et
sans doute trop nombreux, sites web produisant une information sur l’activité sismique
(sites du CEA-LDG, du RéNaSS, du BCSF, du CSEM et des Observatoires régionaux) ne
sont que rarement suffisants pour satisfaire aux besoins d’information des autorités
(préfectures, mairies, …), des médias et du grand public.
Par la caution scientifique qu’ils incarnent souvent à leurs yeux, les laboratoires de
recherche et les observatoires sont souvent très sollicités. Le BCSF-RéNaSS est
particulièrement exposé. Même si ces structures se sont parfois organisées en interne, elles
ne disposent pas toujours d’un personnel en nombre suffisant et correctement formé pour
répondre dans la temporalité de la gestion médiatique d’une crise sismique. En outre, les
informations factuelles fournies (localisation, magnitude, type de magnitude) sont parfois
divergentes suivant la source de l’information divulguée. De plus, les chercheurs sont
parfois sollicités pour émettre un avis sur le phénomène en cours, ses conséquences ou
une prédiction sur son issue. La multiplicité des interlocuteurs, disposant chacun de sa
propre expertise et de sa propre manière de communiquer, aboutit souvent à toute une
variété de réponses et d’analyses qui peut être préjudiciable à une bonne compréhension
du phénomène et de l’état des connaissances.
On notera enfin qu’il est aujourd’hui important de communiquer également à travers les
réseaux sociaux qui constituent un élément important de la chaine d’information et dont
l’analyse peut même s’avérer bénéfique sur le plan scientifique (détermination des
intensités, perception du risque sismique, …).
B. Le cas des Antilles
1. Le contexte géodynamique de subduction induit un risque majeur
L’arc volcanique des Petites Antilles est lié aux processus de subduction dus à la
convergence des plaques Caraïbe et Américaines depuis l’Eocène inférieur (~50-40 Ma) à
une vitesse de 2cm/an. Ce contexte de subduction induit contraintes, déformations à long
terme et sismicité. Le taux de sismicité associé à cette faible vitesse de convergence est
modéré par rapport aux zones de subduction rapides mais n’exclut pas des séismes
majeurs comme celui de 1843 (M>8, à l’est de la Guadeloupe et d’Antigua). Le taux de
couplage de la subduction déduit des données GPS est globalement faible le long de l’arc
antillais (Figure 4). Néanmoins, l’enregistrement de la sismicité montre nettement des
variations latérales. Au nord de la Guadeloupe, les séismes en compression définissent
clairement la limite de la plaque plongeante avec la plaque Caraïbe. Entre la Guadeloupe et
la Martinique, la sismicité se distribue plutôt en essaim et seuls quelques séismes en
50
compression ont été enregistrés face à la Martinique. Au sud de la latitude 15°N, la sismicité
est plus faible et plus diffuse, en lien avec un prisme d’accrétion important alimenté par les
grands fleuves sud-américains. La disparition du prisme d’accrétion au nord de la Barbade,
l’entrée en subduction des rides de Tiburon et de Barracuda entre lesquelles se trouve la
limite diffuse des plaques sud- et nord-américaines et l’oblicité progressive de la direction
de convergence font partie des facteurs qui influent sur la sismicité des Petites Antilles.
Figure 4 : Contexte tectonique des territoires français
des Antilles. La sismicité régionale (M>4) depuis 1972
provient du catalogue CDSA, les mécanismes au foyer
pour les séismes supérieurs à 4.5 proviennent du
catalogue CGMT (Ekström et al., 2012), le code
couleur correspondant à l’échelle de profondeur
indiquée en bas à gauche. Les zones de rupture des
séismes de 1843 (M>8) et de 1839 (M~7,5)
proviennent de Bernard et Lambert (1988), Feuillet et
al. (2011) et Hough (2013) Le taux de couplage de la
subduction inséré à droite provient de Symithe et al.
(2015).
2. Le type d’aléas et de risques aux Antilles
Malgré plus de 40 millions d’années de subduction, la connaissance des séismes passés
est restreinte aux données historiques des intensités de quelques séismes forts pour les
400 dernières années et aux données instrumentales de plus en plus complètes depuis
environ 50 ans. La figure 5 reprend les principales familles de séismes générés par la
subduction et les exemples régionaux les plus marquants.
51
Figure 5 : Représentation schématique des principales familles de séismes aux Antilles.
Les séismes très forts et majeurs de 1839 et 1843 sur 2 segments différents de la
subduction (Figure 4) sont les seuls exemples de séisme probablement générés à l’interface
de subduction, mais l’absence de tsunami associé au séisme de 1843 dont la magnitude a
dû dépasser 8.3 rend l’analyse de ce séisme ambiguë et suggère qu’il a dû se produire à
une profondeur anormalement importante pour un séisme de subduction. Ce séisme
(Imax=VIII-IX, M>8) a causé la destruction de Pointe-à-Pitre par ses effets directs et l’incendie
qui a suivi et a causé plus de 3000 victimes. Le séisme de 1839 (Imax=VIII, M~7,5) a détruit la
moitié des bâtiments de Fort-de-France et causé plus de 300 morts. Le manque de
connaissance des séismes passés empêche d’estimer leur temps de retour.
Les Petites Antilles sont également caractérisées par une sismicité intraplaque importante
(Figure 5), responsable par exemple du séisme des Saintes de 2004 (Imax=VIII , M=6,3) par
des séismes de profondeur intermédiaire comme celui de la Martinique de 2007 (Imax=VI ,
M=7,4), et par des séismes avant-fosse. Cependant la fenêtre de temps des catalogues
sismiques ne permet pas d’établir précisément une cartographie de toutes les failles
actives.
Le zonage sismique en vigueur depuis 2011 classe les territoires français des Antilles en
zone 5 (sismicité forte) sur une échelle de 1 à 5 (voir http://www.planseisme.fr/Zonagesismique-de-la-France.html). Les séismes aux Antilles sont classés parmi les risques
naturels majeurs. A ce titre, le risque sismique est inclus dans les Plans de Prévention des
Risques Naturels (PPRN) établis en Martinique (2004, ré-évalué en 2013) et en
Guadeloupe (2008). Une grande partie des actions du Plan Séisme Antilles (PSA) a consisté
à réduire de la vulnérabilité des bâtiments publics, dont les bâtiments de gestion de crise et
les infrastructures et réseaux, les établissements d’enseignement, les établissements de
santé, les résidences de logements sociaux et les établissements scolaires. Les 4 axes de la
seconde phase du PSA pour la période 2016-2020, déjà présents sur la première phase de
2007 à 2013, sont : 1- la réduction de la vulnérabilité, 2- l’accompagnement des acteurs de
l’aménagement et de la construction (formation des professionnels du bâtiment, etc), 3- la
sensibilisation aux risques sismiques et tsunami, 4- l’amélioration de la connaissance.
52
3. Les réseaux de détection des séismes et déplacement du sol : Quels
sont–ils, gérés et financés par qui ? Combien de stations ? Combien de
personnel ? Comment se fait l’archivage et la mise à disposition des
données, pour qui ?
Les Observatoires Volcanologiques et Sismologiques (OVS) de Martinique et de
Guadeloupe gérés par l’IPGP ont installé et maintiennent des réseaux sismologiques (codes
réseaux MQ, GL, WI, RA) et géodésiques GNSS permanents depuis plusieurs dizaines
d’années, pour le suivi des volcans, l’enregistrement de la sismicité régionale et l’étude des
mouvements forts (Figure 6). La majorité des chercheurs des OVS provient du corps des
CNAP (Conseil National des Astronomes et des Physiciens) alors que les ingénieurs, les
techniciens et les administratifs peuvent dépendre directement du MESR, du CNRS ou des
Collectivités locales avec lesquelles les OVS ont des conventions. Le faible nombre de
personnel en observatoire rend ces structures extrêmement sensibles à la mobilité de ses
agents, et il n’est pas rare qu’un poste reste non pourvu plusieurs années.
Figure 6 : Carte des réseaux sismologiques. A gauche, couverture des réseaux large-bandes régionaux opérés
par les OVS (WI) et les partenaires régionaux, dont le SRC-UWI, en charge de la surveillance sismique des îles
anglophones. A droite, réseaux sismologiques (WI, MQ, G, RA) et géodésiques de Martinique.
Une partie du réseau accélérométrique des Antilles (20 stations, réseau RA) fait partie du
Réseau Accélérométrique Permanent (RAP) dont l’IPGP est membre. Les stations sont
fournies par le GIS-RAP, et une dotation annuelle de fonctionnement de quelques milliers
d’euros est attribuée par le GIS-RAP à l’IPGP. Une autre partie du réseau accélérométrique
comprend les accéléromètres en continu associés aux stations multiparamètres
53
(accéléromètre, sismomètre et GNSS) à transmission satellitaire installées récemment dans
les îles françaises et dans l’arc antillais (réseau WI, voir paragraphe suivant).
Ce réseau WI ainsi que les autres réseaux sismologiques et géodésiques et leurs systèmes
de télécommunication, sont financés et maintenus par l’IPGP, avec un soutien annuel du
CNRS-INSU et des collectivités locales (CTM en Martinique et CG en Guadeloupe).
Un effort important a été réalisé ces 10 dernières années pour améliorer la géométrie du
réseau régional (WI), moderniser les stations, fiabiliser leur mode de transmission en utilisant
le système VSAT (Very Small Aperture Terminal) et en rendant redondants les centres de
réception satellitaire dans les OVS de Martinique et Guadeloupe. L’objectif de cet effort était
l’amélioration de la qualité des données, tant pour la recherche et l’observation sismique et
volcanique régionale que pour la participation au système d’alerte aux tsunamis de la
Caraïbe. Ces modernisations ont été financées des projets régionaux, CPER en Guadeloupe
et Interreg Caraïbe en Martinique et représentent un réseau de 16 de stations
multiparamètres, dont 12 sur les îles françaises (Martinique, Guadeloupe et SaintBarthélémy). Les efforts futurs devront porter sur de l’instrumentation permanente en mer,
afin de mieux étudier les mécanismes de la subduction antillaise.
Des catalogues sismiques sont produits à partir des données sismologiques, traitées en
temps réel dans les OVS à partir de la suite d’outils de SeisComp3. Après validation par les
analystes des OVS, les catalogues sismiques mensuels des OVS [1] sont disponibles sur le
site du Centre de Données Sismologiques des Antilles (CDSA, http://www.seismesantilles.fr/) et diffusés aux opérateurs sismiques nationaux (CEA et EOST) et régionaux
(Seismic Research Center de l’Université des West Indies, SRC-UWI ; le Puerto Rico
Seismic Network PRSN ; la Fundación Venezolana de Investigaciones Sismológicas,
Funvisis ; Montserrat Volcano Observatory, MVO). Comme sur le territoire métropolitain,
l’existence de plusieurs catalogues de sismicité par différents organismes (OVSM et OVSG,
mais aussi SRC-UWI) peut parfois être vue comme complexe et perturbante. Ainsi un même
événement peut se voir attribuer plusieurs localisations et magnitudes différentes et avant la
mise en place du réseau WI, être localisé avec des réseaux de stations indépendants. Pour
palier à ce problème, un projet collaboratif, dénommé CDSA, a été conduit entre 2003 et
2014 par l’IPGP, le BRGM et l’Université des Antilles (UA). Ce projet a permis d’obtenir un
catalogue régional commun couvrant la période de 1972 à 2013.
Enfin, l’ensemble des données sismiques et accélérométriques et leurs métadonnées sont
disponibles en temps réel dans les Centres de Données de l’IPGP
(http://centrededonnees.ipgp.fr/descriptif.php?&lang=FR),
de
RESIF
(https://portal.resif.fr/?New-available-data-from-RESIF&lang=en) et celles du réseau WI qui
contribuent au système d’alerte aux tsunamis de la Caraïbe sur IRIS
(http://ds.iris.edu/gmap/WI).
Le BRGM possède des réseaux permanents ou temporaires dédiés à des études
thématiques dont les données ne sont pas disponibles. Le Conseil Général de Martinique,
devenu la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) possède un réseau de 30 stations
accélérométriques (http://www.cgste.mq/accelero/). Ce réseau connaît des difficultés de
maintenance et sa rénovation est à l’étude.
54
4. Quel dispositif vis-à-vis des autorités en cas de crise, quelles
autorités, en Guadeloupe et en Martinique?
A la différence du territoire national continental, une limite inférieure de magnitude ne peut
être définie pour l’édition d’un bulletin sismique aux Antilles : un séisme régional M>5 peut
ne pas être ressenti par la population, alors qu’un séisme de magnitude 3 (e.g. la crise des
Saintes) peut générer des accélérations notables. En conséquent, pour chaque séisme
ressenti, les OVS émettent un communiqué (Figure 7) contenant les caractéristiques du
séisme (épicentre, profondeur, magnitude) associées à une carte des intensités prédites. Ce
communiqué est adressé par différents moyens de dissémination (fax et/ou email) aux
autorités, aux organismes d’urgence, aux médias, mais aussi directement à toute personne
abonnée à la liste de diffusion des OVS. Un bulletin au format standard GSE est également
envoyé au BCSF (http://www.franceseisme.fr/) qui met en ligne l’événement pour recevoir
les témoignages et aux média, par différents moyens de dissémination (fax et email), mais
aussi directement à la population par email. Les OVS fonctionnent en horaires ouvrés. En
dehors des heures ouvrées, un système d’astreinte téléphonique (reposant sur le volontariat
du personnel des OVS) basé sur la détection automatique d’un séisme fort avise le
responsable d’astreinte qui se rend à l’observatoire pour y traiter l’événement. Le délai
avant l’émission de ce communiqué dépend donc de l’heure à laquelle s’est produit le
séisme. Pendant les heures ouvrées, il est émis dans les 30-45 mn suivant le séisme et
dans le cas contraire, dans les 2h. Un système automatique de localisation est en place
dans les OVS, mais actuellement les communiqués d’information ne sont diffusés qu’après
un traitement manuel et la validation par les analystes des observatoires.
Figure 7 : Exemple de communiqué émis par les OVS
à chaque séisme ressenti.Les caractéristiques du
séisme apparaissent dans le titre. Les valeurs des
intensités prédites calculées suivant la loi
d’atténuation de Beauducel et al. (2011) sont données
pour chaque commune (tableau de gauche) et sous
forme d’isocontours (en chiffres romains), les terres
émergées sont colorées suivant l’échelle d’intensité
reportée (en bas).
55
Pour un séisme ayant généré une alerte par les OVS et dont l’intensité suivant les premiers
témoignages atteint lV-V, le BCSF déclenche une enquête macrosismique afin de recueillir
des témoignages auprès de particuliers, de mairies, de préfectures et des pompiers sur les
effets ressentis et les éventuels dégâts causés. Ces données macrosismiques, couplées à
une analyse des dommages et des vulnérabilités des bâtiments concernés, permettent
d’évaluer des intensités sur l’échelle EMS-98. Elles sont notamment utilisées notamment
pour l’étude des effets de site mais également lors de la reconnaissance de l’état de
catastrophe naturelle des communes touchées. Pour les séismes les plus importants, le
BCSF coordonne le Groupe d’Intervention Macrosismique (G.I.M.) qui évalue directement
sur le terrain les dégâts occasionnés. Une première formation G.I.M. a eu lieu en Martinique
en 2012, une prochaine est programmée en Guadeloupe fin 2016.
L’organisation des interactions entre les autorités et les OVS en cas de crise sismique est la
même en Martinique, en Guadeloupe et pour les Iles du Nord (Saint-Martin et SaintBarthélémy) et se traduit par des volet ORSEC particuliers. Pour la Martinique, le dispositif
ORSEC « Risque sismique » a été promulgué en 1999. La mise à jour de 2008, plus
complète, n’a pas été validée. MétéoFrance, le BRGM et l’OVSM y apparaissent comme
experts scientifiques faisant partie de l’organisation du PC fixe et ont en charge
l’information sur la situation météorologique et sur le phénomène et son évolution (risque de
répliques ou de glissements gravitaires). Dans la rubrique VI – Fiches mission/Actions des
services, l’Observatoire et le BRGM doivent assurer l’information du Directeur des
opérations de secours (DOS, i.e., le Préfet) dans leur domaine. Pour l’OVSM, il s’agit
d’informer sur la localisation et la magnitude du séisme, sur l’estimation de son intensité de
surveiller les éventuelles répliques, et pour le BRGM de conseiller le DOS sur la stabilité des
zones et de délimiter les zones à évacuer et l’expertise des bâtiments. La diffusion des
communiqués des OVS (ainsi que le délai de diffusion après le séisme) n’est pas
conventionné et repose sur le volontariat du personnel en observatoire, en particulier en
dehors des heures ouvrées.
5. Les tsunamis : un risque induit par les séismes, les volcans et les
glissements gravitaires
Les départements français des Antilles se situent dans le bassin Caraïbe, identifié par
l’Unesco comme l’un des 4 bassins tsunami-géniques mondiaux. La spécificité de la
menace tsunami aux Antilles tient à son contexte tectonique et géographique. Les tsunamis
menaçant les îles peuvent être générés :
- par des phénomènes locaux (propagation en quelques minutes) comme des
effondrements de falaise ou de flancs de volcan en bordure de littoral,
- par des phénomènes régionaux (propagation en quelques dizaines de minutes à quelques
heures) comme des éruptions volcaniques d’îles voisines ou de forts séismes au niveau de
la zone de subduction,
- ou encore par des phénomènes trans-océaniques (propagation en plusieurs heures).
Ces sources impliquent qu’il existe un continuum temporel entre les temps d’arrivée des
vagues depuis l’événement tsunami-génique et nos côtes, de l’ordre de la minute à
56
plusieurs heures et des amplitudes de vagues très variables du centimètre à plusieurs
mètres.
Depuis 2005, les recherches ont permis de construire des bases de données des tsunamis
historiques dans les Antilles. Sur cette période de temps très limitée (~500 ans), des
dizaines d’événements ont été identifiés. La National Oceanographic and Atmospheric
Agency (NOAA, https://www.ngdc.noaa.gov/hazard/tsu_db.shtml) maintient à jour une base
de données des événements (Dunbar and McCullough, 2012) dont 74 recensés dans la
Caraïbe (Figure 8) et les événements ayant impacté les côtes des îles françaises sont
identifiées dans la base de données du BRGM (http://tsunamis.brgm.fr/).
Figure 8 : Cartographie des tsunamis
historiques extraits de la base de
données
de
la
NOAA. Chaque
observation est reportée sous la forme
d’un rectangle dont la taille est
proportionnelle à la hauteur de vague
observée à la côte. La sélection d’un
événement (disque vert) génère un
encadré (au centre) contenant la nature
de l’observation. Les îles françaises
(Martinique,
Guadeloupe,
SaintBarthélémy et Saint-Martin) ont toutes
été impactées pendant la période
historique (1492 à ce jour).
Pour les îles françaises, les scénarios de référence sont :
- Le tsunami transocéanique généré par le séisme de Lisbonne de 1755, avec des
hauteurs de vagues de 1 à 3 m sur les côtes Est des îles françaises de la Caraïbe,
- Le tsunami régional généré par le séisme des Iles Vierges en 1867 (2 m en Guadeloupe),
- Les tsunamis locaux liés à l’éruption de la Montagne Pelée en mai 1902. Le tsunami du
5 mai (Figure 9) fut généré par un lahar, les suivants par l’arrivée en mer de nuées
ardentes. Celui du 8 mai (plusieurs mètres à St Pierre et 1m à Fort-de-France) a été
observé dans la plupart des îles de l’arc antillais.
57
Figure 9 :
Photographie du
tsunami de 1 m du 5
mai 1902 à Saint
Pierre (Lacroix,
1904).
En revanche, les rares séismes historiques de subduction (Martinique 1839; Guadeloupe
1843) n’ont pas généré de tsunami notable. Il est néanmoins probable que la zone de
subduction antillaise a le potentiel pour produire de larges séismes tsunami-géniques,
même si les temps de récurrence sont plus longs que dans le Pacifique.
Les grands axes de la recherche actuelle sont orientés vers l’identification de tsunamis
antérieurs à la période historique (paléo-tsunamis), la définition de scénarios maximisant et
de scénarios d’inondation. Ces recherches sont essentiellement menées par des
organismes implantés régionalement, dont pour la France l'Université des Antilles (UA), le
BRGM et l'IPGP. Une étude du zonage tsunami pour 6 communes de Martinique est en
cours, co-financée par la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) et la Direction de
l’Equipement, de l’Aménagement et du Logement (DEAL) de Martinique. Elle s’appuie sur
les bases de données de tsunamis historiques dans la Caraïbe. Sur la base des résultats de
ces études ou en prenant une hauteur de mise en sécurité de 15m au-dessus du niveau de
la mer, une étude de l’UMR GRED (U. Montpellier 3) a produit des itinéraires d’évacuation
dans quelques communes pilotes. La démarche va être étendue pour l’ensemble des
communes littorales
L’ensemble du littoral antillo-guyanais est exposé aux tsunamis. C’est précisément dans
cette zone côtière que se concentrent la plus forte densité de population ainsi que les
infrastructures d’importance vitale (communications portuaires et aéroportuaires, stockage
de carburant, production électrique) et touristiques. Ainsi, malgré des phénomènes de
moindre ampleur et une probabilité d’occurrence moins élevée que dans le Pacifique, le
risque pour les îles françaises de la Caraïbe est évalué comme important. Les coûts
financiers, structurels, politiques, sociaux et humains qui pourraient résulter d’une
catastrophe type tsunami majeur seraient particulièrement pénalisants pour le
développement de ces territoires.
58
6. Le système d’alerte aux tsunamis dans les îles françaises de la Caraïbe
Suite au séisme de Sumatra de décembre 2004, la Commission Océanographique
Intergouvernementale (COI, http://www.ioc-tsunami.org/index.php?lang=fr) de l’UNESCO a
créé un cadre pour le déploiement de systèmes d’alerte précoce aux tsunamis dans l’océan
Indien, dans les Caraïbes et en Méditerranée. Chacun de ces bassins tsunami-géniques
fonctionne de manière indépendante. Dans le cas de la Caraïbe, la France participe au
Groupe de Coordination Intergouvernementale pour les Tsunamis et autres Systèmes
d’Alerte des Risques Côtiers dans la Caraïbe et les Régions Adjacentes (ICG/Caribe EWS
en anglais ou GIC/SATCAR en français) qui représente 28 pays caribéens et se subdivise en
quatre groupes de travail. Chacun de ces groupes correspond à un des aspects du système
d’alerte : la détection instrumentale, l’évaluation des risques, l’alerte et la réponse de
sécurité civile, et enfin la sensibilisation et la préparation des populations.
La détection instrumentale est assurée par les opérateurs de réseaux (sismologiques et
marégraphiques) régionaux, dont pour la France l'IPGP (16 stations du réseau sismologique
WI et 2 marégraphes), le SHOM (3 marégraphes) et le Conseil Général de Martinique (2
marégraphes). La modernisation de cette instrumentation et de sa transmission a été
réalisée grâce à 2 CPER Guadeloupe à l’OVSG et un projet Interreg Caraïbe à l’OVSM, cofinancés par les Régions Antillaises et l’Europe, avec un soutien du Plan Séisme Antilles.
La transmission en temps réel de ces données, ainsi que celles des autres pays de la zone,
permet au Pacific Tsunami Warning Center (PTWC, http://ptwc.weather.gov), le prestataire
de services relatifs aux tsunamis (TWSP) i.e., le centre régional d'alerte, de fournir en
quelques minutes les informations aux centres d’alerte nationaux (NTWC) de chaque pays,
via des organismes en veille H24, les Points Focaux (TWFP).
Par définition (IOC/TOWS-WG-VII/3, 2016), un Point Focal (TWFP) est un Point de contact
disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 (un bureau, une unité opérationnelle ou un
poste, et non un individu) désigné officiellement par le NTWC ou le gouvernement pour
recevoir et diffuser les informations relatives aux tsunamis émises par un prestataire de
services relatifs aux tsunamis du GIC, conformément aux procédures opérationnelles
normalisées du pays. Le TWFP peut ou non être le NTWC. En avril 2015, la France a
désigné MétéoFrance Martinique et MétéoFrance Guadeloupe comme Points Focaux
respectivement pour la Martinique et la Guadeloupe et les Iles du Nord.
Par définition (IOC/TOWS-WG-VII/3, 2016), un centre national d'alerte aux tsunamis (NTWC)
est un centre officiellement désigné par le gouvernement pour jouer un rôle de surveillance
et émettre des alertes aux tsunamis et autres communiqués analogues sur le territoire
national conformément aux procédures opérationnelles normalisées du pays. En avril 2015,
la France a désigné comme centres d’alerte nationaux aux tsunamis les Préfectures de
Martinique et de Guadeloupe et Saint-Martin, à travers leurs Services Interministériels de
Défense et de Protection Civile (SIDPC) : les SIDPC sont en charge d’émettre des
communiqués d’information ou d’alerte vers les communes et de mettre en œuvre les
procédures opérationnelles associées à ce phénomène telle que prévues par leur dispositif
ORSEC. Les dispositifs ORSEC « Tsunami » régionaux et zonaux sont en cours
d’élaboration et de validation dans les îles françaises des Antilles. L’organisation actuelle de
59
la réponse en cas de crise est limitée par l’absence de veille H24 des SIDPC (ainsi qu’en
métropole) pour la gestion de l’ensemble des situations de crise (pas uniquement tsunami)
qui peuvent survenir dans les Antilles françaises.
Que ce soit dans le cas de figure d’un tsunami assez lointain pour permettre l’évacuation
planifiée de la population ou dans le cas de figure d’un tsunami en champ proche où
l’évacuation doit être spontanée, l’information et l’éducation des populations est une
composante très importante d’un système d’alerte aux tsunamis. Dans le cas d’un tsunami
en champ proche (temps d’arrivée inférieur à 30mn), des actions de sensibilisation
récurrentes (e.g., la semaine REPLIK en Martinique et SISMIK en Guadeloupe, et la
participation à l’exercice annuel CaribeWave organisé par le GIC/SATCAR) permettent de
faire connaître les signes de reconnaissance d’un tsunami, ses caractéristiques, et les bons
réflexes à adopter en cas de séisme fort. Une partie de la prévention et de l’information des
populations est réalisée à travers des actions du Plan Séisme Antilles
(http://www.planseisme.fr/-Espace-Plan-Seisme-Antilles-.html), piloté par les Préfectures et
les DEAL et à travers des actions des collectivités régionales. Les Rectorats jouent
également un rôle important en relayant et appuyant les actions de sensibilisation dans les
écoles, collèges et lycées.
En 10 ans, la réponse des départements français des Antilles s’est structurée pour faire face
à la menace tsunami : certains projets ont permis de poser les bases du système d’alerte
aux tsunamis, en particulier au niveau de la détection instrumentale; le PTWC est le
fournisseur d’alerte au tsunami ; l’éducation des populations est en cours. Néanmoins, la
mise en place de plans d’évacuation se heurte à la définition insuffisante de scénarios,
limitée par la méconnaissance des phénomènes antérieurs à la découverte du nouveau
monde. L’identification de paléo-tsunamis doit donc être une priorité dans les axes de
recherche à développer. Par ailleurs, les systèmes de diffusion de l’alerte vers les
populations,
similaires
au
Système
d’Alerte
aux
Populations
(SAIP,
http://www.interieur.gouv.fr/Alerte/Le-SAIP-en-4-clics) prévu en métropole, doivent encore
être financés. Enfin, que ce soit au niveau des autorités ou au niveau des opérateurs de
réseaux, aucune subvention récurrente n’existe dans les départements français des Antilles,
en particulier pour assurer le fonctionnement dans la durée des systèmes mis en place, et
pour prendre en charge la participation de l’ensemble des acteurs intervenant dans les
groupes de travail du GIC/SATCAR.
C. Autres régions : Nouvelle-Calédonie et Vanuatu
1. Contexte géodynamique – sismique :
a) Le contexte géodynamique de la Nouvelle-Calédonie
La Nouvelle-Calédonie se situe à proximité de la frontière convergente entre les plaques
Pacifique et Australie, une des régions sismiques les plus actives du globe (Figure 10). Plus
précisément elle se situe en bordure de la plaque Australienne, laquelle subducte sous la
60
plaque Pacifique et l’arc du Vanuatu, la vitesse de convergence étant de 12 cm/an entre les
îles loyauté de la Nouvelle-Calédonie et le sud de l’arc du Vanuatu. Un à deux séismes de
magnitude ≥ 7.0 se produit chaque année le long de la zone de subduction du Vanuatu.
Figure 10 : Sismicité instrumentale de
l’arc des Nouvelles-Hébrides
Cependant les catalogues mondiaux tels que celui du NEIC (National Earthquake
Information Center) n’enregistrent que les événements de magnitude > 4.5 environ, et on
connaît mal la sismicité régionale moyenne.
b) Le contexte local de la Nouvelle-Calédonie
La sismicité de la Nouvelle-Calédonie est illustrée sur la figure 11 où sont superposées des
informations provenant de réseaux différents et de périodes différentes.
61
Figure 11 : Sismicité superficielle de la
Nouvelle-Calédonie.
Les
cercles
rouges correspondent aux séismes du
catalogue du NEIC. Les cercles vert,
jaune
et
mauve
correspondent
respectivement aux séismes localisés
par R. Louat (1977), M. Régnier (1999)
et R. Pillet (2005)
La sismicité de l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie, issue des catalogues du « National
Earthquake Information Center » (NEIC, http://neic.usgs.gov) pour la période de 1960 à
2002 correspond à de séismes relativement forts (magnitude minimum de l’ordre de 4) car
enregistrés et localisés par le réseau mondial. Outre la zone sismique associée à la
subduction du Vanuatu à l’Est des îles Loyauté, cinq zones ou nœuds de sismicité se
distinguent dans le voisinage de la Grande-Terre de Nouvelle-Calédonie.
Deux de ces séismes, supérieurs à la magnitude de 5.0 et localisés par le NEIC se situent
dans le lagon sud à proximité de la passe de Mato, au large de Nouméa. Cette zone
sismique, caractérisée par les plus forts séismes de Nouvelle-Calédonie (hors le front actif
de la zone de subduction du Vanuatu) et située à 60-70 km de la capitale Nouméa, est une
menace potentielle pour le Sud de la Grande-Terre.
Compte tenu de la localisation des stations sismologiques et de la présence de la capitale
Nouméa, seule la sismicité du sud de la Nouvelle-Calédonie a fait l'objet d’études détaillées.
Ces auteurs ont établi les premières cartes de sismicité de cette zone, confirmant une
activité sismique non négligeable autour de la capitale Nouméa (sud-est de Grande Terre),
dans la chaîne au nord de Nouméa et dans le lagon sud.
c) Le réseau
Le réseau sismologique de Nouvelle-Calédonie (http://www.seisme.nc) est composé de
sept stations sismologiques combinant capteurs large bande et accélérométrique, réparties
sur l'ensemble du territoire de la Nouvelle-Calédonie, mais plus particulièrement sur les
zones sismiquement actives, en l'occurrence le Sud de la Grande Terre ainsi que les îles
Loyauté (Figure 12). Le réseau est enregistré à la FDSN (International Federation of Digital
Seismograph Networks), sous l’acronyme ND. Les données de ses sept stations (canaux au
standard RESIF) sont publiques et librement accessibles en temps réel sur le site de l’IRIS
(http://www.iris.edu/hq).
62
Figure 12 : Carte des stations du réseau sismologique de Nouvelle Calédonie (ND) ; figurent également les deux
stations Géoscope (G) de Dzumac (DZM) et Port-Laguerre (NOUC)
Les données large bande et accélérométriques sont incorporées dans la base de données
nationales RESIF et RAP, en passant par les serveurs des nœuds de collecte de
OCA/Géoazur+EOST (large bande) et de l’OSUG/ISTERRE (accéléromètres).
La construction du RSNC a été rendue possible par l’obtention d’une subvention de la
Commission Européenne d’un montant de 450.000 € (hors participation de l’IRD) fin 2008.
Le RSNC a été mis en place en 2010 et 2011 et est totalement opérationnel depuis début
2012.
Réseau commun Nouvelle-Calédonie/Vanuatu
Dès 2010, le logiciel Seiscomp 3 (détection et localisation automatique des séismes) a été
mis en place à Nouméa, et à partir de 2011 les données et méthodologies ont été partagées
avec le VMGD (Vanuatu Meteorological and Geohazards Department), et on peut parler dès
cette date de réseau commun NC/Vanuatu (Figure 13).
63
Figure 13 : Carte du réseau commun NC/Vanuatu ; figurent également les deux stations Géoscope (G) de
Dzumac (DZM), Port-Laguerre (NOUC) et Santo (SANC).
Le réseau international ORSNET (Oceania Regional Seismic NETwork)
Le succès du réseau commun NC/Vanuatu a très vite attiré l’attention des pays insulaires
de la région, et grâce à l’obtention de plusieurs financements a pu naître le réseau
international ORSNET (Figure 14), qui correspond à une fédération des réseaux nationaux
des pays et territoires suivants : Nouvelle Calédonie, Vanuatu, Papouasie-Nouvelle-Guinée
(PNG), Salomon, Fidji, Samoa, et Tonga. Le serveur du réseau, inauguré en mars 2014, est
installé au centre IRD de Nouméa et fonctionne selon le principe suivant : chaque pays
participant lui donne accès à ses propres données, et peut en retour, récupérer les flux
Seedlink (signaux sismiques en temps réel) de l’ensemble des pays participants. Le réseau
ORSNET a été inauguré officiellement en mai 2014 par l’Ambassadeur de France à Port-Vila
(Vanuatu). Une convention avec le PTWC (centre d’alerte tsunami du Pacifique) est en cours
qui permettra à celui-ci l’accès aux données ORSNET. ORSNET fonctionne depuis son
inauguration comme un centre d’alerte sismologique pour le Pacifique Sud-Ouest.
64
Figure 14 : Le réseau international ORSNET. Les stations en rouge sont les stations publiques accessibles.
Devraient être intégrées en 2016 dix stations de Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG). A
terme, ORSNET comprendra une soixantaine de stations temps réel.
d) Personnel et financement
Le fonctionnement de ces réseaux et la gestion des données sont assurés sur site par 3
personnes de l’IRD. Outre le financement initial de la Commission Européenne, le
fonctionnement est désormais assuré par la Nouvelle-Calédonie. Le budget 2016 est de 5
millions de francs CFP (42.000 €).
65
En résumé
I
-
L’aléa sismique en Métropole est qualifié de modéré mais des évènements importants,
engendrant des dégâts aux bâtiments et/ou des victimes, se produisent de manière
décennale à centennale
-
La complexité du contexte géodynamique et la faiblesse des taux de déformations
actuels compliquent la caractérisation de l’aléa sismique en Métropole
-
La communauté académique participe à la connaissance de l’aléa sismique du territoire
essentiellement à travers le suivi de l’activité sismique. Elle est moins présente dans les
approches historiques et paléosismologiques, pourtant indispensables pour améliorer
l’estimation de cet aléa
-
A l'instar d’autres acteurs du domaine (IRSN, BRGM, …), la communauté académique
mène différentes études sur les effets de site ou la réponse des bâtiments aux
sollicitations sismiques. Elle reste cependant peu impliquée dans la définition du zonage
sismique à l’échelle nationale ou à des échelles plus locales
-
Lasismicitéinduitegénèreunaléaetunrisquesismiqueparticulieràappréhender
etdontlaperceptionsociétaleestgrandissante.Departsonexpertiseenrecherche
etenobservation,lacommunautéacadémiqueaunrôlemajeuràjouerdansce
domaine.
II
-
A travers ses Services Nationaux d’Observation, la communauté académique dispose
de réseaux sismologiques et géodésiques de qualité permettant un suivi fin de la
sismicité du territoire. Ces réseaux sont complémentaires de celui du CEA plus axé sur
la surveillance des séismes importants
-
L’infrastructure de recherche RESIF coordonne et fait évoluer ces moyens d’observation
via une collaboration entre les organismes impliqués. RESIF a permis d’initier certaines
évolutions majeures dont la densification du réseau large bande permanent, la création
d’un Système d’Information pour la distribution des données et un nouvel axe
transverse “Sismicité” visant à réaliser différents produits de référence sur la sismicité et
l’aléa sismique
-
Les données issues des réseaux d’observation académiques sont utiles au monde
socio-économique et leur utilisation doit être facilitée
-
Lesréseauxsismologiquesdesurveillancedesitesindustriels,auxquelsla
communautéacadémiqueestparfoisassociée,génèrentdesdonnéesutilespourla
recherchefondamentale.L’ouverturedetellesdonnéesdoitêtreencouragée.
66
III
- Pour la métropole, l’alerte sismique est effectuée par le CEA.
-
La communauté académique participe à l’estimation rapide des effets des séismes à
travers la collecte et la diffusion d’informations macrosismiques et instrumentales.
-
La réalisation de “ShakeMap”, issues des moyens d’observation et des travaux de la
communauté académique, et leur distribution en temps quasi réel sont utiles à la gestion
de crise. L’axe transverse « Sismicité » de RESIF met actuellement en place ce type
d’outil à l’échelle nationale.
-
La communauté académique devrait être impliquée dans la conception des outils
d’estimation rapide des dégâts utilisant les informations scientifiques qu’elle produit
ainsi que dans les exercices de gestion de crise sismique.
-
La communauté académique est très sollicitée, et de fait impliquée, dans l'information
des autorités et des citoyens lors de séismes en France ou dans le monde.
IV – Antilles
- Le contexte tectonique et la sismicité historique indiquent un risque sismique élevé dans
les départements français des Antilles.
-
La prise en compte du risque et la réduction de la vulnérabilité sont les axes majeurs du
Plan Séisme Antilles.
-
La connaissance de l’aléa est très incomplète en partie à cause d’une fenêtre de temps
d’observation courte (~500 ans) et de la complexité du contexte sismo-tectonique des
Antilles.
V
-
-
L’ensemble des réseaux sismologiques et géodésiques des Antilles françaises est opéré
par les Observatoires Volcanologiques et Sismologiques de l’IPGP qui mettent à
disposition en temps réel les données des stations sismologiques. Ces OVS sont très
sensibles à la mobilité de leur personnel.
Des projets régionaux et européens ont récemment permis une modernisation et une
extension de ces réseaux pour les adapter à l’étude de l’arc antillais. L’évolution de ces
réseaux devrait être une extension en domaine marin, plus proche de la subduction.
VI
- Malgré des connaissances limitées à la période historique (~500 ans), le contexte
tectonique de la subduction et la concentration des enjeux en zone côtière induisent un
risque tsunami important dans les départements français des Antilles. Le Plan Séisme
Antilles prend en charge la réduction de la vulnérabilité aux Antilles.
67
-
Les interactions avec les autorités sont fondées sur les bulletins des OVS et sur les
dispositifs particuliers « séismes » et « tsunami » ORSEC.
-
La recherche actuelle est axée sur l’identification des sources (paléo-tsunamis et paléoséismes) pouvant générer des tsunamis afin d’établir les scénarios maximisant
permettant de réaliser des modèles d’inondation
VII
- Depuis la création du GIS/SATCAR par l’Unesco en 2005, la France participe à la mise
en place du système d’alerte dans la Caraïbe : des réseaux de détection ont été installés
et transmettent leurs données en temps réel au centre d’alerte fournisseur pour la
Caraïbe ; pour les îles françaises, les Points Focaux et les Centres d’Alertes Nationaux
ont été nommés ; les dispositifs ORSEC tsunamis sont rédigés et l’alerte arrive
actuellement jusqu’aux mairies et aux organismes d’urgence ; la sensibilisation des
populations se fait à travers des actions récurrentes.
-
Il n’existe pas de budget récurrent pour le maintien des réseaux de détection. La
participation des représentants français auprès du GIS/SATCAR est prise sur les fonds
propres des organismes qui y contribuent. Le financement d’un système d’alerte type
sirène pour les populations côtières n’est pas identifié. La gestion de crise est pénalisée
par l’absence de fonctionnement H24 des SIDPC.
Recommandations
1) Pérenniser les dispositifs d’observation sismologiques et géodésiques en assurant leur
fonctionnement long terme et leurs indispensables évolutions, de manière à faire
progresser les connaissances fondamentales nécessaires à une meilleure estimation de
l’aléa sismique.
2) Poursuivre les actions initiées dans l’axe transverse « Sismicité » de RESIF afin de
mettre en place des produits issus des données des observatoires (catalogue et bulletin
de référence de la sismicité, cartes d’intensités, ShakeMap, …), et favoriser leur
utilisation par d’autres acteurs que ceux de la recherche académique.
3) Renforcer des actions de recherche fondamentale et appliquée impliquant
significativement la communauté académique sur l’estimation de l’aléa, la vulnérabilité
et le risque associés aux séismes naturels et induits, et allant de l’échelle locale à celle
de tout le territoire.
68
4) Développer et favoriser les interactions entre les acteurs de la recherche académique et
ceux des autres organismes fortement impliqués dans l’estimation de l’aléa et du risque
sismique et sa gestion pendant et hors périodes de crise.
69
CHAPITRE IV
Les phénomènes volcaniques en France
A. Le volcanisme en France
La France métropolitaine n’est située ni sur une limite de plaque ni sur une zone volcanique
active. Le volcanisme récent (quelques milliers d’années à dizaines de milliers d’années) y
est exprimé, d’une part dans la chaîne des Puys, et d’autre part dans le Vivarais en
Ardèche, sans toutefois présenter un risque d’éruption à court terme. Le territoire de la
France peut également être soumis aux effets d’éruptions ayant lieu dans des zones
volcaniques actives proches (Islande, Italie, Grèce principalement). L’éruption en Islande en
2010 a montré combien les effets de ces éruptions pouvaient être importants sur
l’économie française et européenne.
Les Antilles françaises sont dans une situation très différente puisque situées à proximité
d’une limite de plaques en subduction (entre les plaques Caraïbes et Amérique du Nord),
qui plus est sur un arc volcanique actif. Le risque volcanique est fort dans les Antilles
françaises, lié bien entendu aux volcans de la Soufrière en Guadeloupe et de la Montagne
Pelée en Martinique, mais également aux volcans situés dans les îles à proximité.
L’île de La Réunion est également exposée aux risques volcaniques. Sans être à proximité
de limite de plaque tectonique, elle doit son origine à l’expression d’un panache mantellique
profond générateur d’un volcanisme intense.
B. La Réunion et le Piton de la Fournaise
1. Rappel du contexte géodynamique de l’île et de l’histoire géologique du
volcan
L’île de La Réunion est située dans un environnement océanique appartenant à la plaque
tectonique africaine. Localisée à 800 km à l’Est de Madagascar, elle forme, avec l’île
Maurice voisine et l’île Rodrigues, un ensemble volcanique dit de « point-chaud ». L’origine
de ce volcanisme est attribuée à l’existence d’un panache mantellique profond. Cette
particularité géodynamique se traduit par le fait que les magmas émis par les volcans de La
Réunion sont essentiellement de composition basique, et conduisent donc principalement,
mais pas exclusivement, à des éruptions effusives (principalement sous forme de fontaines
et de coulées de lave).
Les volcans de La Réunion (Piton de la Fournaise et Piton des Neiges) forment un ensemble
culminant à plus de 3 070 m d’altitude qui reposent sur le plancher océanique à plus de 4
70
000 m de profondeur, soit un relief (parties émergée et immergée comprises) de 7 000 m de
hauteur environ. L’édification de cet ensemble volcanique s’étale sur une durée
probablement supérieure à 10 millions d’années.
Figure 1 : L’éruption d’avril 2007 au
Piton de la Fournaise
Si on ne connaît pas d’éruption du Piton des Neiges plus jeune que 12 000 ans, le Piton de
la Fournaise est un des volcans parmi les plus régulièrement actifs de la planète. Son
activité éruptive apparaît continue durant les derniers 450 000 ans, marquée par de grands
épisodes volcano-tectoniques ayant engendré des glissements de flancs et la formation de
caldeiras de grande taille dont la plus récente (Enclos Fouqué, zone totalement inhabitée)
est le site de la très grande majorité des éruptions actuelles.
Les premières éruptions dont nous avons la connaissance datent de peu après l’arrivée de
l’homme sur l’île, au milieu du 17e siècle. Le 18e siècle et le 19e siècle furent marqués par
des éruptions importantes donnant des coulées atteignant les zones littorales, et des
explosions et effondrements au sommet du volcan (cratères-puits et caldeiras de petite
taille). Si l’activité fut essentiellement effusive, avec des longues coulées de lave fluide et
des explosions relativement modestes, plusieurs éruptions violentes sont mentionnées.
Elles peuvent être associées à l’émission de fines particules de verre volcanique
(dénommées cheveux de Pélé) jusque dans les zones éloignées du volcan (retombées à StDenis lors de plusieurs éruptions), ou à des violentes explosions sommitales, d’origine
phréatique ou phréato-magmatique, projetant blocs et cendres sur une large surface. A
noter également que nombreuses sont les coulées qui arrivent à l’océan, distant du sommet
de 10 km. L’entrée en mer de la lave chaude est génératrice d’explosions produisant des
panaches de gaz chargés de cendres fines et de sables noirs.
Enfin, lors de chaque éruption des gaz volcaniques (principalement CO2, SO2, H2S, HF) sont
libérés, en quantité souvent proportionnelle au volume de l’éruption. Ces gaz peuvent, selon
le sens du vent, incommoder des personnes dites fragiles.
71
2. Présentation de l’observatoire
L’observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise est fonctionnel depuis le début de
l’année 1980. Son implantation, appelée de longue date par les scientifiques (déjà le
Professeur Alfred Lacroix demandait qu’un observatoire volcanologique soit construit à La
Réunion dans les années 1930), a été décidée à la suite de l’éruption de 1977 dont les
coulées de lave détruisirent en partie le village de Piton Sainte-Rose sur le flanc nord-est du
volcan. Situé à Bourg Murat à environ une quinzaine de kilomètres du sommet du volcan,
l’observatoire n’a cessé de se développer et de s’accroître au cours du temps. Sous la
tutelle de l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), il compte aujourd’hui une
douzaine de personnels scientifiques et techniques rattachés à l’IPGP, au CNRS (INSU) et
au Conseil Départemental de La Réunion, qui travaillent en collaboration avec les
personnels de l’IPGP basé à Paris, mais également avec des scientifiques et techniciens
d’autres institutions françaises et internationales.
L’observatoire maintient des réseaux d’observation capables de suivre l’activité sismique
liée au volcan, ses déformations de surface, son activité thermique et ses émissions de gaz,
de pyroclastites et de laves. L’Institut de Physique du Globe de Paris et l’Observatoire de
Physique du Globe de Clermont-Ferrand (OPGC) contribuent au Service National
d’Observation en Volcanologie (SNOV) afin d’établir de longues séries temporelles de
données fournies par des instruments de télédétection au sol ou à bord de satellites, et des
analyses en laboratoire, ou sous forme de développements méthodologiques ou
instrumentaux.
Le réseau sismique est composé de vingt-deux stations large bande à trois composantes
(Figure 2), cinq stations à trois composantes courtes périodes et quatorze stations
analogiques à une composante verticale.
Figure 2 : Carte du réseau de stations
sismiques de l’OVPF fin 2015. Les
triangles bleus représentent les stations
large bande, les triangles verts, les
stations
courte
période
trois
composantes, et les triangles rouges, les
stations à composante verticale et
transmission analogique.
Le suivi des déformations de surface est effectué par mesure depuis des satellites
(interférométrie radar), par des réseaux de mesure au sol, et par des mesures hybrides
satellites/sol (réseau GNSS : Global Navigation Satellite System). Le réseau GNSS
72
permanent de l’OVPF comprend vingt-six stations : dix sur le cône terminal, six sur le flanc
Est dans les Grandes Pentes et le Grand Brûlé, une sur la coulée de 2007, huit sur le
pourtour extérieur de l’Enclos et une au Maido (en jaune sur la figure 3). A cela vient
s’ajouter l’accès aux données de la station de l’IGN : REUN (situé à l’observatoire, en rouge
sur la figure 3), et les données des huit stations du réseau privé Lél@ (en bleu). L’ensemble
de ces stations couvre ainsi la totalité de La Réunion.
Figure 3 : Localisation des stations
GNSS sur l’île de la Réunion dont les
positions sont calculées à l’OVPF.
Les déplacements du sol sont également suivis par interférométrie radar (Figure 4) à travers
une collaboration entre l’OVPF et l’OPGC à Clermont-Ferrand dans le cadre du Service
National d’Observation en Volcanologie (SNOV – service OI2). Les interférogrammes
calculés permettent de déterminer les déplacements induits par les différentes éruptions sur
une large surface. Des produits dérivés (composantes EW et verticales des déplacements,
cartes de cohérence, cartes de coulées) sont également fournis.
73
Figure 4 : Interférogramme ALOS-2
calculé entre le 24/01/2015 et le
07/03/2015 montrant les déformations
de surface liées à l’éruption de février
2015 au Piton de la Fournaise (Service
d'observation OI2 composante du
SNOV, OPGC-IPGP).
Le réseau au sol (figure 5) est constitué également de dix inclinomètres, implantés dans des
cavités naturelles, en tunnel ou dans des forages (six à l’intérieur de l’Enclos Fouqué, trois
en bordure de l’Enclos Fouqué et une à l’extérieur, à 8 km du sommet dans le tunnel de
Rivière de l’Est), et de trois extensomètres (trois composantes : ouverture, cisaillement,
mouvement vertical), installés sur des fractures préexistantes.
Figure 5 : Localisation des stations
du réseau inclinométrique (triangles)
et extensométrique (carrés) de
l’OVPF.
74
Le suivi thermique permet une quantification des flux de lave et le calcul des volumes de
matière émis. Il est effectué, dans le cadre du SNOV, grâce à une collaboration OVPFOPGC (service d’observation HotVolc, à partir du satellite MSG), et dans le cadre d’une
collaboration avec l’Université de Turin (service MIROVA, à partir d’images MODIS). Des
mesures in situ réalisées à l’aide de caméras thermiques permettent de calibrer les mesures
issues du secteur spatial.
Le réseau géochimique de suivi des émissions gazeuses est constitué de stations fixes
comprenant trois stations DOAS (mesure du SO2), une station MultiGaS (détermination des
excès de H2O, CO2, SO2 et H2S par rapport à l’atmosphère) et trois stations de mesure du
flux de CO2 par le sol, et de l’instrumentation portable du même type. Les stations
permanentes sont couplées à des capteurs qui permettent de quantifier les paramètres
environnementaux (P, T, rh, vitesse et direction du vent, pluviométrie).
Un suivi géochimique, pétrologique et des textures magmatiques des produits émis
(projections et laves) est effectué dans le cadre du SNOV grâce à une collaboration OVPF OPGC.
3. Ce que l’on sait du fonctionnement du Piton de la Fournaise depuis qu’il est
observé
Depuis l’implantation de l’Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise en 1980, et
jusqu’en 2016, soixante-six éruptions et vingt-six crises sismiques non associées à une
éruption, ont été suivies. Cela représente en moyenne une éruption tous les sept à huit
mois. À cela, il faut rajouter trois effondrements au sommet du volcan (formation d’une
caldera en 2007 et de cratères-puits en 1986 et 2002), six entrées de laves en mer et autant
d’événements coupant la route traversant le Grand Brûlé, deux coulées hors enclos, deux
coulées dans le rempart Nord à proximité des zones habitées, et plusieurs grands incendies
nés du contact entre la lave active et la végétation, et menaçant des installations.
Cette activité éruptive et volcano-tectonique fréquente est variable d’un point de vue
dynamique mais, pour l’essentiel, elle est déterminée par l’écoulement de laves fluides à
haute température (< 1200°) et l’éjection aux évents éruptifs de pyroclastites (bombes,
lapilli, cendres) formant un cône de projections, et de panaches de gaz et aérosols. Les
épisodes d’effondrement s’accompagnent d’explosions plus violentes, d’origine phréatique
(vaporisation des eaux d’infiltration) ou phréato-magmatique (interaction eau/magma),
pouvant projeter des blocs et cendres sur l’ensemble du cône sommital du volcan.
Si l’essentiel de cette activité est contenue dans la dépression constituée par la caldera de
l’Enclos Fouqué, quelques éruptions peuvent intéresser les zones dites « hors Enclos » et
voir leurs coulées ou même l’ouverture de fissures éruptives affecter les zones habitées.
Depuis l’implantation de l’observatoire, ce fut notamment le cas en 1986 et 1998. Enfin,
certaines éruptions comme celle de 2007, bien qu’alimentées depuis des évents situés dans
la dépression de l’Enclos Fouqué, peuvent avoir des conséquences importantes sur les
populations, en particulier du fait de l’émission de panaches de gaz importants depuis
l’évent éruptif et par l’entrée en mer des coulées de lave.
75
Figure 6 : Nombre
d’éruptions recensées
depuis la création de
l’Observatoire
Volcanologique
du
Piton de la Fournaise
L’implantation de l’observatoire volcanologique est récente (trente six ans d’observation).
Cette courte période de suivi des éruptions et phénomènes volcaniques ne peut
complètement rendre compte de ce que peut réellement être l’activité du Piton de la
Fournaise, pas plus que les descriptions et relations écrites laissées depuis l’arrivée des
premiers habitants à La Réunion (moins de quatre siècles). Les travaux entrepris sur les
éruptions dites « préhistoriques » (antérieures à l’arrivée des premiers habitants) ont permis
de caractériser plusieurs événements plus rares mais également plus violents que ceux de
la stricte période d’observation. Parmi ceux-ci, certains intéressent directement des zones
plus excentrées du volcan et aujourd’hui densément peuplées, par l’ouverture de fissures
éruptives, l’émission de coulées de laves, ou encore la mise en place de produits
pyroclastiques issus d’éruptions explosives. Ces éruptions, géologiquement récentes
(parfois vieilles de quelques centaines d’années seulement) doivent être prises en compte
dans les scénario d’éruptions possibles au Piton de la Fournaise. Bien qu’à très faible
occurrence, ce sont ces éruptions qui impacteraient le plus d’enjeux.
4. La prévision des éruptions et ses limites, les relations avec les autorités,
notamment en cas de crise
La fréquence des éruptions du Piton de la Fournaise constitue à la fois un atout et un
handicap :
• Un atout car l’expérience aujourd’hui acquise par l’observation des précurseurs et
signaux accompagnant les soixante-six éruptions suivies par l’observatoire a permis
d’obtenir une bonne connaissance de son fonctionnement actuel, permettant
d’anticiper la survenue d’une éruption, et d’expérimenter des méthodes et outils
nouveaux pour l’observation volcanologique ;
• Un handicap car la fréquence des éruptions impose des contraintes fortes de
présence, de relevés, de prélèvements, d’interprétations, pour des opérations de
surveillance, et même parfois d’alerte, à un personnel en trop petit nombre ;
• Un handicap également car la régularité de cette activité dans son déroulement peut
faire oublier que des événements éruptifs de nature différente ou/et de plus forte
76
intensité, pouvant présenter un plus grand risque, sont également potentiellement
possibles.
Chaque volcan a son mode de fonctionnement propre. Ce constat est largement démontré
par les observations faites en routine sur de nombreux volcans, par le biais des
observatoires volcanologiques. Si quelques lois générales sont bien entendu applicables,
les volcans sont des systèmes complexes au sein desquels de nombreux paramètres
conditionnent la capacité à engendrer une éruption, mais également à déterminer quel sera
son déroulement.
La prévision des éruptions est réalisée sur la base de l’enregistrement continu de l’activité
sismique du volcan, de ses déformations de surface et de ses émanations gazeuses, et de
la connaissance obtenue par l’observation et l’étude des éruptions passées. Il s’agit, à partir
de données obtenues en surface, de déterminer les déplacements du magma en
profondeur, les changements d’état du volcan, et les évolutions possibles. Ce travail
requiert une expertise forte, donc un personnel qualifié dans l’observatoire, et une grande
disponibilité. La connaissance géologique de l’activité passée du volcan, l’expérience
acquise dans l’observation et l’interprétation des phénomènes accompagnant les éruptions
sont des éléments clefs d’une bonne prévision. Ceci implique que les volcans soient l’objet
d’études géologiques et volcanologiques (au sens de l’étude des dynamismes et régimes
éruptifs passés), et qu’ils soient l’objet d’une observation à long terme de leur activité
géophysique, géochimique et magmatologique.
Le fait que le Piton de la Fournaise, volcan très actif, soit surveillé de façon continue depuis
plus de trois décennies par l’observatoire, permet de bien connaître son activité
géophysique en période de repos. Dès lors une modification simultanée de plusieurs des
paramètres enregistrés permet de détecter une situation « anormale » pouvant précéder une
éruption. D’une façon générale, au Piton de la Fournaise, l’augmentation du taux de
sismicité, une inflation de la zone centrale du volcan, une recrudescence des émanations
gazeuses, sont des signes qui accompagnent une migration profonde du magma ou une
surpression du réservoir magmatique.
Deux phases peuvent être identifiées dans cette période pré-éruptive :
• Une première phase de transit profond du magma et/ou d’instabilités affectant le ou
les réservoirs magmatiques. Cette phase peut être longue de plusieurs jours à
plusieurs mois, et elle s’accompagne d’une variation progressive des signaux
précurseurs de l’éruption. Durant cette phase, l’observatoire alerte les autorités en
charge de la sécurité civile, la surveillance exercée par l’observatoire est renforcée,
et la phase de "vigilance" du plan ORSEC-volcan Piton de la Fournaise est alors
enclenchée par les autorités locales. Cette procédure permet de mettre en garde les
services concernés si une éruption est amenée à se produire dans les
semaines/mois à venir et de restreindre l'accès du public aux chemins balisés. À ce
stade, il n’y a pas de certitude que la phase d’instabilité engendre une éruption à
court terme. Plusieurs de ces phases d’instabilité peuvent parfois se succéder avant
qu’une éruption ne survienne.
77
•
Une seconde phase correspondant à la migration rapide du magma vers la surface.
L’accélération des signaux précurseurs dans les heures, voire les minutes,
précédant l’éruption permet de détecter cette migration rapide du magma en
surface, et permet même de déterminer quelle zone du volcan sera concernée par la
future éruption. L’observatoire dispose alors de nombreux indices pour pouvoir
indiquer qu’une éruption est imminente. La faible profondeur (1 à 3 km) du réservoir
magmatique le plus superficiel du Piton de la Fournaise fait que la migration
magmatique vers la surface peut être très rapide (de quelques dizaines de minutes à
quelques dizaines d'heures), ce qui rend difficile la mise en place de mesures de
protection complémentaires. Durant cette phase, l'observatoire alerte les autorités
locales qui déclenchent alors l'alerte 1- "Eruption probable ou imminente" du plan
ORSEC-volcan Piton de la Fournaise. Au cours de cette phase, les populations
présentes sur le site sont évacuées (il faut savoir que ce n'est pas moins de 400 000
visiteurs par an qui se rendent sur le volcan, dont la moitié entreprend l'ascension
sur la zone sommitale). Lorsque le trémor volcanique apparaît sur les
enregistrements sismiques, l'observatoire alerte les autorités qui déclenchent alors
l'alerte 2-"Eruption en cours" du plan ORSEC-volcan Piton de la Fournaise. Dans de
rares cas, cette migration peut être stoppée avant que le magma n’atteigne la
surface. L’éruption alors annoncée, « avorte ».
Comme sur tout volcan surveillé dans le monde, l’observatoire volcanologique est au cœur
du dispositif en matière de prévision et de suivi des éruptions. Il assure l’observation (la
surveillance) instrumentale continue du volcan ; il a capacité à interpréter les phénomènes ;
il constitue le centre de décision et de diffusion de l’information. Les relations entre
l’observatoire volcanologique et les autorités en charge de la sécurité civile (préfecture,
services de l’État, collectivités) sont donc essentielles. Les procédures sont préétablies
dans le plan ORSEC-volcan propre à l’activité volcanique, notamment en ce qui concerne
les restrictions d’accès au site du volcan et la diffusion des informations. Ces procédures
doivent être respectées, ce qui est parfois difficile face à la pression médiatique et
populaire. Ces diverses procédures, l’historique, la densité et la spécificité du réseau de
mesures, l’expertise des agents de l’observatoire et celle des collaborateurs, la confiance
des autorités locales et de la population sont à l’image de l’importance du rôle sociétal que
joue l’observatoire sur le territoire de La Réunion.
Depuis le 21 Septembre 2016, l'IPGP et l'Etat (via la préfecture) ont signé une "convention
relative à la surveillance de l'activité volcanique du Piton de la Fournaise", définissant les
tâches de l'IPGP-OVPF lors des crises éruptives et des phases de vigilance prévus dans la
mise en place du dispositif Orsec ORSEC spécifique « Volcan Piton de la Fournaise ».
C. Soufrière et Montagne Pelée : les volcans français des Antilles
1. Contexte géodynamique des Antilles, Volcans de l’Arc des Antilles, et
des caractéristiques communes des volcans antillais.
78
La zone de subduction de l’arc des Antilles, où la plaque océanique Atlantique plonge dans
le manteau supérieur, est le site de production de magma à des profondeurs de 50 à 200
km. Ces magmas sont produits par la fusion partielle du manteau supérieur et de la croûte
surmontant la plaque qui plonge, fusion facilitée par l’apport des sédiments et des fluides
portés par la lithosphère océanique plongeante. En fonction des contributions relatives de
ces composants, des magmas variés sont générés (depuis les basaltes jusqu’aux andésites
principalement). Ces magmas, moins denses que l’encaissant, montent vers la surface où
ils produisent le volcanisme de l’arc antillais. L’accumulation des produits volcaniques
permet la construction des édifices volcaniques, d’abord sur les fonds océaniques, puis
ensuite en surface quand l’édifice émerge de l’océan pour créer une île. La forme de ces
édifices est le bilan des processus qui les construisent (apports magmatiques) et de ceux
qui le détruisent (altération chimique, altération physique, instabilités gravitaires).
Sous l’édifice volcanique, les magmas résident plus où moins longtemps à des faibles
profondeurs, quelques kilomètres. Dans ces conditions, des processus d’évolution
magmatique ont le temps de se développer pour produire des magmas différenciés. Ils sont
enrichis en silice, en éléments incompatibles et en éléments volatils (eau, carbone, soufre,
halogènes) et appauvris en éléments compatibles (éléments constitutifs des cristaux
formés). Les amplitudes variables de ces processus de fusion partielle et de différenciation
magmatique expliquent la variété des magmas produits. Elle va des basaltes, laves fluides,
jusqu’aux rhyolites, en passant par les andésites (les plus communes), plus visqueuses.
Le style de l’activité éruptive d’un volcan est déterminé par la capacité du magma à
exsolver et libérer ses gaz dissous. Un dégazage facilité par une faible viscosité du magma
(essentiellement fonction de la composition chimique, de la température, de la teneur en
eau, gaz et cristaux du magma) ou une ascension lente du magma depuis le réservoir
conduira à une éruption de type effusif (e.g. coulée de lave, croissance de dôme). En
revanche, un magma très visqueux ou ayant une ascension rapide peut conduire à des
rétentions et surpressions gazeuses au sein du magma, dont la détente brutale pourra
conduire à la fragmentation du magma et à une éruption explosive (e.g. écoulements
pyroclastiques, éruption Plinienne). Pour les magmas d’Arc, de type andésitique ou plus
acide, le rôle des gaz (dissous et exsolvés sous forme de bulles) est donc essentiel pour la
détermination du type éruptif. Si les types d’éruption sont variables, y compris pour un
même édifice volcanique, les éruptions elles-mêmes restent des évènements rares en
raison d’un taux de production magmatique relativement faible et d’un piégeage d’une
grande partie des magmas dans la croûte.
Dans les enregistrements géologiques ou historiques de l’activité volcanique de l’Arc des
Antilles, plusieurs types d’événements ont été reconnus et peuvent agir en même temps,
par exemple :
• les éruptions magmatiques, auxquelles sont associés des produits volcaniques
mettant en jeu du magma juvénile : coulées de lave et de pyroclastes, projections de
scories ou de cendres ; e.g. Montagne Pelée (1902, 1932) ; Soufrière de Guadeloupe
(1530) ; Soufrière Hills, Montserrat (1996-2016)
• les éruptions phréatiques, résultant de la mise en surpression du système
hydrothermal et de sa détente brutale entrainant la pulvérisation de l’édifice (sans
79
•
•
magma juvénile)
e.g. Soufrière (1976, 1956) … ; L’éruption peut être
phréatomagmatique si du magma juvénile est présent dans les éjectas
les lahars ou coulées de boue, résultants d’un charriage de produits volcaniques
par les cours d’eau ou de fortes pluies le long des pentes d’un volcan. Ces lahars
peuvent être synchrones ou non d’une éruption volcanique.
les déstabilisations de flanc & avalanches de débris, pouvant conduire à des
tsunamis lorsqu’il y a une entrée importante de matière en mer (quinze événements
importants identifiés sur les 12 000 dernières années ; e.g.: Soufrière Hills,
Montserrat (1997, 2003, 2006), Montagne Pelée (1902), Dominique, Sainte Lucie).
2. Ce que l’on sait du fonctionnement des volcans français des Antilles
depuis qu’ils sont observés
a. Genèse des magmas.
La fusion de plaque subduite et du manteau sus-jacent à grande profondeur (> 15-20 km)
génère des basaltes calco-alcalins primitifs, dont la différenciation jusqu’à de faibles
profondeurs dans la croûte (~ 4-6 km) va produire les magmas andésitiques que l’on
observe au cours des éruptions récentes de la Soufrière et de la Montagne Pelée. De par
leur genèse dans un contexte de subduction océanique, ces magmas sont très riches en
volatils, notamment en eau (4-6 pds% dans les liquides andésitiques).
b. Evolution des dômes.
Au cours de l’ascension du magma dans le conduit volcanique, la forte teneur en silice (~ 60
pds%) et le dégazage continu du magma contribuent à le rendre de plus en plus visqueux.
Ainsi, il se met communément en place sous forme de dôme, voire d’aiguille. Par instabilité
gravitaire, ce dôme peut générer des nuées ardentes canalisées dans les vallées (e.g. 192932 à la Montagne Pelée). Cependant lorsque suffisamment de gaz restent piégés dans le
magma à la faveur d’une ascension plus rapide (quelques jours), la détente de ces gaz à
proximité de la surface peut générer les violents écoulements pyroclastiques, appelés
déferlantes, que la Montagne Pelée a connus en 1902 (e.g. 8 Mai 1902). Dans un cas
extrême d’ascension très rapide du magma (en quelques heures), le magma peut alors se
fragmenter dans le conduit et produire une éruption très explosive de type Plinien (e.g.
douze éruptions Pliniennes ont été répertoriées sur la période d’activité récente de la
Montagne Pelée, dont la dernière en ~1350). Sur ces deux volcans, il semble donc que la
clé du style de l’éruption magmatique est la vitesse d’ascension du magma dans le conduit
volcanique.
c. Système hydrothermal.
Le risque d’une éruption phréatique est grand sur ces volcans dont la pluviométrie
sommitale peut avoisiner les 8 m d’eau/an. Les signes précurseurs sont variés
(augmentation de la température des gaz émis, de la sismicité superficielle, de la
déformation du sommet), et parfois difficilement interprétables en termes d’éruption
imminente. Cependant, une éruption phréatique est souvent annonciatrice d’une éruption
magmatique (bien que pas systématiquement ; e.g. Soufrière 1976).
80
3. Présentation des observatoires
Les Observatoires Volcanologiques et Sismologiques de la Guadeloupe et de la Martinique
sont organisés pour observer, décrire et modéliser les phénomènes volcaniques et
sismiques. Cette surveillance de l’activité sismo-volcanique exercée sur le long terme est
l’unique moyen de progresser dans la compréhension des processus générateurs de cette
activité tellurique. Concernant l’activité volcanique, ces avancées sont essentielles pour
améliorer les capacités de prévision des conditions conduisant à une éruption, ou à un
enchainement d’éruptions et pour apprécier leurs amplitudes (scénarii de crise).
Principalement les techniques d’observations utilisées sont la sismologie (enregistrement
des vibrations du milieu générées par des causes diverses…), la déformation de l’édifice et
de son contexte (inflation/déflation causées par la mise en place ou la vidange d’un magma
dans l’édifice, …), la géochimie des éléments volatils libérés par le dégazage du magma
(Trajectoires T, P, fO2, … obtenues à partir des gaz, des éjectas, où des éléments dissous
dans les eaux des sources hydrothermales).
Un premier observatoire fut construit en Martinique en 1903, après l’éruption catastrophique
de 1902, à la suite de l’action d’Alfred Lacroix. Cet observatoire fonctionnera jusqu’en 1925.
Comme le volcan ne donnait plus de signe d’activité, son fonctionnement fut stoppé,
seulement quatre ans avant l’éruption de 1929-1932, donnant ainsi un très bon exemple de
ce qui ne doit pas être fait.
L’Observatoire Volcanologique et Sismologique de Martinique existe depuis 1935 (rattaché
à l’IPGP depuis 1946), celui de Guadeloupe fut crée en 1950. Ces observatoires surveillent
bien entendu l’activité volcanique des volcans sur lesquels ils sont installés, mais ils opèrent
également un réseau sismique régional permettant de suivre l’activité sismique tectonique
et les tsunamis à l’échelle de l’arc antillais.
À la Martinique, l'OVSM informe de l'activité volcanique et sismique par le biais de bulletins
trimestriels. Il communique sur les séismes ressentis en Martinique, mais également sur les
autres événements telluriques (glissements de terrain, par exemple) survenant dans la
région. L’observatoire met en œuvre les méthodes de la sismologie, de la mesure des
déformations de surface (GNSS, inclinométrie et géodésie de surface), un dispositif de
surveillance des lahars et écoulements boueux mis en place dans la rivière du Prêcheur, un
suivi des sources thermales.
En Guadeloupe, l'OVSG informe de l'activité volcanique et sismique par le biais de bulletins
mensuels. Il communique sur les séismes ressentis en Guadeloupe, mais également,
comme en Martinique, sur les autres événements telluriques (glissements de terrain).
L’observation effectue un suivi de l’activité de La Soufrière de Guadeloupe par le biais de la
sismologie, de la mesure des déformations de surface (GNSS, inclinométrie, extensométrie,
géodésie de surface, gravimétrie), de mesures physico-chimiques sur les fumerolles et
sources thermales, de mesures météorologiques.
81
Figure 7 : Le réseau sismologique
déployé en Martinique (Source IPGP)
Figure 8 : Les réseaux
de
surveillance
de
l’Observatoire
Volcanologique
et
Sismologique
de
Guadeloupe
(Source
IPGP)
82
4. La prévision des éruptions et ses limites, les relations avec les autorités,
notamment en cas de crise
La prévision des éruptions sur les volcans antillais doit être considérée sous divers aspects.
La faible fréquence des éruptions, la diversité des dynamismes et des scénarios éruptifs
possibles, sont sources de difficultés dans l’appréhension des phénomènes pouvant
survenir. Nous pouvons raisonnablement considérer que toute phase éruptive sera
précédée d’une période d’instabilité longue de plusieurs mois, voire de plusieurs années,
permettant un échelonnement graduel des stades de surveillance et d’alerte (voir Figure 9).
Ainsi, un volcan « sans alerte » (vert) ou en « vigilance » (jaune) ne présente pas, a priori, de
risque d’éruption à court terme. En revanche, lorsque le stade de « pré-alerte » (orange), où
a fortiori le stade « d’alerte » (rouge), sont atteint, la situation peut rapidement évoluer, avec
un enchainement de situations dont la prévision reste difficile. La surveillance instrumentale,
la connaissance du passé éruptif et/ou géologique du volcan, l’expérience acquise sur des
sites similaires (l’éruption de Montserrat, par exemple pour les Antilles), l’exposition des
populations et infrastructures, doivent être considérées de façon globale dans une
anticipation des scénarios possibles. Cette situation peut se prolonger durant plusieurs
semaines, mois, années, avant le déclenchement des manifestations éruptives, mais
également pendant. La relation observatoire/scientifiques/autorités, et par extension avec
les populations, est ici primordiale en cas de crise. Elle doit être anticipée avant la crise par
la mise en place de plans et procédures.
Pour les volcans français, les relations avec les autorités sont définies dans des « Plans de
Secours Spécialisé Eruption volcanique ». En Martinique par exemple, le « Plan de Secours
Spécialisé (PSS) Eruption volcanique Montagne Pelée » a été mis en application en 2002.
Actuellement, le dispositif ORSEC (Organisation des Secours) volcan pour la Martinique, qui
se substituera au PSS, est en cours de rédaction, et le plan ORSEC de zone Antilles qui vise
à préparer et mettre en œuvre les décisions du Préfet de zone pour les îles françaises des
Antilles (Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy) a été approuvé en mars
2016.
Dans les plans régionaux, les Observatoires Volcanologiques et Sismologiques (OVS) sont
en charge de l’évaluation scientifique de la situation à partir de l’interprétation de leurs
données et des signes extérieurs. Ces plans se basent sur des actions associées à
différents niveaux d’activité volcanique. Ces différents niveaux d’activité sont associés à un
code couleur, semblable à celui adopté par l’aviation civile, à un délai prévisionnel avant
une éruption, aux actions à engager par les autorités, y compris concernant la
communication auprès du grand public (Figure 9).
83
Figure 9 : Codification des niveaux d’activité volcaniques aux Antilles intégrée aux dispositifs volcans de
Martinique et Guadeloupe et aux plans ORSEC.
En période de repos, les communiqués des OVS (mensuels ou trimestriels) sont destinés
tant aux autorités qu’aux médias et au grand public. En cas de modification de l’activité, les
autorités sont les seuls destinataires des bulletins d’information. Trois cas de figure sont
alors envisagés par la Préfecture:
• le stade de pré-alerte : constitution d’une cellule de suivi à la sous-préfecture,
préparation à la crise, information des populations, etc.
• le stade d’alerte : déclenchement du Plan par le Préfet sur avis du CSERV (le
CSERV, Conseil Supérieur d’Evaluation du Risque Volcanique, sous tutelle du
Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, jugé peu
84
•
opérationnel, a été supprimé par arrêté ministériel en 2007) et de l’Observatoire,
constitution des postes de commandement, information des populations, etc.
le stade d’évacuation : ordre d’évacuation par commune.
D’après le plan spécialisé, une cellule scientifique dont la direction est assurée par le
directeur de l’OVS est mise en place. Son rôle est de rassembler et synthétiser les avis
scientifiques, vérifier les informations sur l’événement, valider les communiqués de presse
préfectoraux, aider à la prise de décision.
Par ailleurs, concernant l’émission de cendres volcaniques dans l’atmosphère, un document
a été signé en 2015 par chaque directeur des OVS concernant les responsabilités de
chaque observatoire volcanologique et sismologique pour la fourniture d’information
relative à l’activité volcanique intéressant l’aviation civile, et envoyé à la DGAC (Direction
Générale de l’Aviation civile). A travers ce document, les OVS sont responsables de la
fourniture d’informations à jour pour le volcan qu’ils observent, au centre de
contrôle/d’information de vol de Piarco (Trinidad et Tobago), au centre de veille
météorologique de Port of Spain (Trinidad et Tobago), et au centre d’avis de cendres
volcaniques (VAAC) de Washington (Etats-Unis), sur l’activité volcanique existante ou
prévue, et les nuages de cendre volcanique, fondée sur les éléments les plus récents
émanant de sources d’observation directes ou éloignées.
Enfin, pour les éruptions qui concerneraient d’autres volcans de l’arc des Antilles que les
volcans français, une collaboration existe entre les OVS et le Seismic Research Center de
l’Université des West Indies (SRC-UWI). Le SRC-UWI est en charge de la surveillance
sismique et volcanologique de la majorité des îles anglophones de l’arc. Dans le cas de
Montserrat, la durée de l’éruption et la collaboration entre le SRC-UWI et l’IPGP dans la
gestion du Montserrat Volcano Observatory (MVO) ont permis la mise en place d’échanges
systématiques et rapides d’informations. Dans le cas d’une modification du niveau d’activité
d’un autre volcan de l’arc, l’expérience de l’éruption sous-marine du Kick’em Jenny en
juillet 2015 a montré que les messages postés sur les réseaux sociaux des îles anglophones
étaient repris dans les quelques dizaines de minutes suivant leur publication dans les îles
françaises. En 2015, les contenu des messages concernant le Kick’em Jenny, en particulier
sur le risque tsunami associé, avaient créé un début d’affolement en Martinique et des
communications contradictoires dans les médias. Il est convenu (de manière informelle)
depuis que le SRC-UWI avisera en amont de toute communication les OVS en cas de
reprise d’activité de l’un des volcans qu’ils surveillent. Les Préfectures essayent quant à
elles d’obtenir des accords de ce type avec les responsables de la gestion du risque dans
les îles volcaniques voisines.
A cause du souvenir de l’éruption de 1902, la perception du risque volcanique en Martinique
est fort, mais seule une éruption type Péléen est envisagée. En Guadeloupe, la perception
du risque volcanique est essentiellement liée à l’éruption phréatique de 1976. Les autorités,
comme les populations, focalisent sur ces derniers exemples historiques, avec le danger de
ne pas envisager les autres formes d’éruptions qui pourraient survenir.
85
En résumé
Forces et faiblesses
•
Notre compréhension du fonctionnement actuel et passé des systèmes volcaniques
présents sur le territoire français a beaucoup progressé durant les trente à quarante
dernières années, d’une part grâce aux nombreux travaux réalisés sur la géologie de
ces volcans et la connaissance de leur histoire éruptive, d’autre part du fait du suivi
permanent de leur activité grâce aux observatoires volcanologiques dont ils sont
dotés.
•
Les observatoires volcanologiques et sismologiques de la Guadeloupe, de La
Réunion et de la Martinique sont des outils performants, utilisant des technologies
de pointe dans le suivi de l’activité géophysique et géochimique des volcans sur
lesquels ils sont implantés. Leur expérience est une force. Lors d’une crise
volcanique, quel que soit le volcan concerné, l’observatoire volcanologique est
toujours au centre des décisions. Il coordonne l’information scientifique.
•
En revanche, les observatoires volcanologiques ne disposent pas actuellement des
moyens humains pour maintenir un dispositif permanent de déclenchement de
l’alerte et de communication de l’alerte. Des moyens spécifiques à la surveillance et
à la gestion de crise sont nécessaires, et ceci ne peut pas reposer uniquement sur
des moyens et dispositifs mis en place pour des problématiques de recherche.
•
La communauté scientifique française en volcanologie est organisée et cordonnée
dans le cadre des dispositifs nationaux portés par l’INSU du CNRS : Service
National d’Observation en Volcanologie (SNOV), Observatoire des Sciences de
l’Univers (OSU). Si cette organisation permet d’avoir une stratégie nationale en
matière d’observation des volcans et en assure la pérennisation à long terme, elle ne
comprend pas de structure opérationnelle à caractère national (avec une
reconnaissance des Ministères concernés) dédiée à l’expertise et la communication
en cas de crise volcanique majeure.
•
Le caractère quasi exclusivement ultra-marin du volcanisme en France, couplé au
fonctionnement institutionnel dans les territoires d’Outre-Mer (rotation régulière des
personnels des Préfectures et forces de l’ordre impliqués dans la gestion des
crises), se traduit par une expérience faible à nulle de ce risque chez les
représentants des autorités. Il y a nécessité à les sensibiliser à ce risque dès leur
arrivée dans les Outre-Mer.
86
•
Les procédures de gestion de crise sont préparées par l’intermédiaire des plans
ORSEC-volcan. Ils permettent de définir, avant la crise éruptive, les niveaux d’alerte
propres à chaque volcan et les procédures à mettre en œuvre. Ils ont l’avantage
d’instaurer un dialogue indispensable entre les autorités en charge de la protection
civile et les observatoires volcanologiques.
•
Un retour d'expérience (RETEX) doit être organisé après chaque crise pour identifier
les points forts sur lesquels s'appuyer et les points faibles à travailler pour se
préparer aux futures crises. Ces RETEX doivent tenir compte des perceptions des
populations qui sont le plus souvent, à tort, considérés comme des éléments
extérieurs à la gestion des crises alors qu'ils en sont les premiers acteurs. Ainsi, la
gestion des crises doit se doubler d'une réflexion sur la gouvernance des crises,
faute de quoi elle ne saurait être totalement efficace.
•
Une faiblesse majeure réside dans l’absence de dispositif préétabli de
communication au plan national, et ceci, tant entre les scientifiques et les autorités,
que vers les médias. Ceci peut-être très préjudiciable, particulièrement en cas de
crise volcanique majeure et de longue durée. Ces contacts pris en amont des crises
permettent d’instaurer des liens de confiance entre les acteurs, ou, à défaut
d’anticiper d'éventuelles tensions afin de les prendre en compte et de les minimiser
dans la gestion d'une crise future. Ces liens peuvent être créés de façon informelle
ou par le biais d'exercices cadre ou terrain.
•
-
La responsabilité des scientifiques en matière de communication porte sur :
Une formulation compréhensible et partagée, capable de faire passer la notion
d’incertitude dans les avis rendus.
La nécessité de rendre publique rapidement le contenu de l’expertise.
L’explication des divergences éventuelles en cas de débat scientifique. Il faut tendre
vers un consensus, sans taire les divergences, et, si besoin, dire les limites de notre
capacité d’expertise.
Le droit de réponse des scientifiques doit être respecté, surtout si la communication
est encadrée par des non-scientifiques.
-
-
Recommandations
•
Il faut toujours avoir présent à l’esprit qu’aucune éruption volcanique n’est vraiment
inoffensive. Même les coulées de lave peuvent se révéler mortelles.
87
•
La prévision ne peut se limiter à une déclaration sur la probabilité d’une éruption. Il
faut aussi donner des informations sur son intensité, son régime, sa durée
potentielle.
•
Il est indispensable de prendre en compte le fait qu’en volcanologie les crises
peuvent être longues (plusieurs mois/années). Ceci doit être anticipé.
•
La prévision des éruptions nécessite une bonne connaissance des modes de
fonctionnement propres à chaque édifice volcanique. Cela implique que chaque
volcan soit l’objet d’études géologiques et volcanologiques (au sens de l’étude des
dynamismes et régimes éruptifs passés), et qu’il soit l’objet d’une observation à long
terme de son activité géophysique, géochimique et magmatologique.
•
Les observatoires volcanologiques sont au cœur du dispositif en matière de
prévision et de suivi des éruptions. Ils assurent une observation (surveillance)
instrumentale continue du volcan. Ils constituent le centre de décision et de diffusion
de l’information.
•
En revanche, ils ne disposent pas des moyens pouvant être consacrés aux missions
d’alerte et de communication de l’alerte.
•
L’absence d’organisation préalable du système de communication en période de
crise est une faiblesse.
88
CHAPITRE V.
Les phénomènes gravitaires en France
A. Contexte phénoménologique
Le terme mouvement de terrain renvoie à différents types d’instabilités gravitaires dont la
typologie s'appuie sur les principes généraux qui régissent ces mouvements, en fonction
des processus dominants mis en œuvre lors de l’apparition du phénomène étudié
(endommagement, rupture, frottement, fluage). Cette classification est nécessaire pour
isoler les mécanismes impliqués et les aléas correspondants : chutes, basculement,
glissement, étalement et écoulement. Ces mouvements de terrain ont des origines
complexes et leurs caractéristiques sont très variables. On distingue selon les processus
mécaniques, physiques ou chimiques (processus très souvent combinés) les mouvements
liés aux séismes, à la dissolution, aux tassements et aux variations de volume selon le
degré d’hydratation des sols et leur plasticité. Ces mouvements ont la particularité de se
décliner selon différentes échelles spatio-temporelles, du régional (séismes, exploitations
minières) au micro-local (poches de dissolution) ; de la seconde (séisme, écroulements) à
plusieurs années (retrait-gonflement) ; de la chute de blocs décimétriques à l'effondrement
de quelques km3. Ces catégories s’appliquent plus ou moins à tous les types de matériaux.
A partir d'informations construites autour de "Type de mouvement - matériaux - étatdistribution-style de l’activité – vitesse - rôle de l’eau", il s’agit d’extraire les fréquences des
évènements en un lieu donné, d’une intensité donnée, c’est-à-dire l’aléa d’être affecté par
un mouvement de versant d’intensité donné. Les dommages potentiels qu’un tel évènement
peut produire permettent d’évaluer les coûts moyens par an, par exemple, ce qui est une
évaluation du risque. Les phases d'évolution de l'instabilité gravitaire depuis l'initiation, le
déclenchement et la propagation, doivent être quantifiées dans l'espace et dans le temps
pour permettre une évaluation quantitative de l'aléa et des risques correspondants. Ces
phases sont contrôlées par les caractéristiques intrinsèques du site (morphologie, contexte
géomécanique, ce dernier incluant les aspects hydrogéologiques) et les forçages externes
(climat, sismicité, instabilités voisines, facteurs anthropiques). Le couplage avec les
forçages externes induit des phénomènes de cascades entre plusieurs aléas d'où peut
émerger des évènements extrêmes rarement pris en compte dans les analyses (exemple
des déclenchements par séisme, avec formation de lac barrage, puis de rupture de ces
barrages, avec inondation en aval). Dans un tel contexte l’incertitude est grande lorsqu’il
faut localiser avec précision l’aléa alors que la demande d’information sociétales est en
constante augmentation.
Les spécificités des zones exposées, montagnes, côtes, gorges (densité de l’occupation
des sols, concentration, diversité et stratification des activités) rendent comptent de leur
plus grand degré de vulnérabilité. Ces spécificités augmentent la complexité de la gestion
89
de ces risques ; les coûts humains et financiers des dommages s’en trouvent souvent
démultipliés. Enfin, la visibilité de ces dommages implique une réactivité « attendue » des
pouvoirs publics qui éprouvent souvent des difficultés à communiquer sur les risques. Les
raisons sont multiples : freins au développement, mauvaise image auprès des investisseurs,
risques financiers, impératifs électoraux mais aussi, parfois, un grand dénuement face à une
information hétérogène ou indisponible en matière de reconnaissance des zones à risques
et de documents de prévention.
Dans une communauté où ‘le dire d'expert’ est resté longtemps le seul outil disponible pour
la prévision, le passage aux mesures quantitatives rapproche, en terme de problématique
de prévision et de gestion des incertitudes, la thématique instabilités gravitaires de celle des
séismes et éruptions volcaniques. En effet, dans un cas, la création de catalogues
d’occurrence d’effondrements et chutes de blocs sur une falaise ou une région donnée, a
montré l'émergence de loi robuste pour la distribution fréquences-tailles des évènements.
Ces distributions permettent d'approcher l'aléa effondrement de falaise de façon
probabiliste sur ces zones. Cette nouvelle méthodologie est identique à l'utilisation
opérationnelle des lois de distributions fréquences-magnitudes pour les estimations de
temps de retour probabiliste de séismes. Le couplage de ces analyses à des analyses de
propagations spatiales des avalanches rocheuses sur les pentes permet, à l‘aide de
modèles numériques de terrains et de lois rhéologiques appropriées, de simuler les impacts
potentiels sur les structures et les personnes. Dans un second cas, lors d'une instabilité
déclarée, les réseaux d'auscultation mis en place sur ces mouvements de terrain
(déplacements, sismicité, hydrogéochimie) font de ces sites des analogues proches, au
sens des données collectées, aux édifices volcaniques ; avec des problématiques
semblables en terme de seuil d'alarme, de taux de fausse alerte et de durée de l’alarme. Ce
type de surveillance est mis en oeuvre sur des mouvements de versant lents (<10 m/an à
fort impact sociétal, pour lesquels des accélérations majeurs sont potentielles (Séchilienne,
La Clapière, par exemple).
B. Typologie et exposition historique et contemporaine
Sans entrer dans une analyse détaillée, la typologie mise en place pour les mouvements de
terrains illustre bien l'état d’exposition en France, avec environ 200 victimes (1915-2015)
induits par ces différents types d'instabilités gravitaires (hors avalanches de neige et
pratique sportive). En terme tant de dommage aux structures qu'en pertes humaines, les
instabilités gravitaires sont des couts majeurs pour la société.
Dans le cas des éboulements et écroulements, une mécanique gravitaire assistée par
l’action du climat conduit au détachement de blocs et à leur chute sur la pente. Ils
impactent spécifiquement les zones littorales (cas d’une victime cette été sur les plages des
falaises normandes), et les routes de montagnes (falaises du Vercors , 2 victimes en 2004;
la route du littoral à l'île de la Réunion 2 victimes en 2006, route coupée durant 5 semaines)
Si pour ces trois exemples les volumes impliquées sont mineurs, de l'ordre de la dizaine de
m3, l'évolution des falaises et des versants rocheux engendre des chutes de blocs de toutes
90
tailles jusqu'à des écroulements en masse atteignant plusieurs millions de m3 (Mt Granier,
en 1248, 4-5 108 m3, 5 000 victimes). Sans atteindre encore le bâti, ces destructions
affectent souvent les infrastructures routières gênant, par là même, les activités des villes et
mettant aussi en cause leur attractivité touristique. On notera que pour ce type
d'éboulement le changement climatique en cours peut remettre en cause les hypothèses de
stationnarités qui sont nécessaires pour les estimations probabilistes d'aléa. De plus, dans
le contexte d'un séisme modéré M5-6 l'impact des éboulements rocheux est peu étudié
dans les alpes françaises, alors qu’une susceptibilité avérée ne peut être rejetée.
Les glissements et coulées boueuses, ou coulées de solifluxion se distinguent des
précédents par leur transition solide fluide sous l'effet de l'eau, ce qui permet la mise en
mouvement des matériaux sur de faibles pentes. Les glissements consistent en une
descente massive et relativement rapide de matériaux le long d’un versant. Leur vitesse et
leur ampleur en font souvent des phénomènes spectaculaires pouvant transporter des
milliers de cubages de matériaux en une seule fois (71 victimes dans la coulée boueuse du
plateau d'Assy en 1971, 4 en Beaumont, Isère, en 1994). La solifluxion ne peut affecter que
des matériaux à forte capacité d’absorption d’eau (argiles, marnes, limons, lœss ou altérites
argileuses). Ces glissements sont récurrents dans les régions où la pluviosité (et les
épisodes orageux) est importante, les sols meubles, à la suite d’une pratique agricole
intensive, comme dans le Pays de Caux. Dans ce contexte, une coulée de boue a, en 30
minutes, coupé en deux la ville de Fécamp et provoqué une victime en mai 2000.
Sans être exhaustif on citera aussi les mouvements de retrait-gonflement des argiles qui
induisent de fortes variations de volume de formations à forte composante argileuse en
fonction de leur teneur en eau. Ces variations produisent des gonflements (période humide)
et des tassements (périodes sèches). La fréquence d’apparition est assez grande. Sa
répartition spatiale est très vaste et sa localisation n’a rien à voir avec une quelconque
zonation climatique mais plutôt avec une zonation géologique (présence de matériaux
argileux). Plus de 5 000 communes sont touchées dans 75 départements depuis 1989, ceci
sans compter l’épisode de sécheresse de l’année 2003. En Île-de-France, 40% des
communes ont fait l’objet d’un ou de plusieurs arrêtés de catastrophe naturelle. C’est un
risque « atypique » en raison de ses effets différés dans le temps (plusieurs années parfois)
et de sa grande variabilité spatiale à grande échelle. L’appréhension des dégâts est de
l’ordre du micro-local, à l’échelle du bâti ou de la parcelle, et non du bassin versant. Il fut
longtemps peu médiatisé car il n’entraîne aucun risque humain. En revanche, les coûts qu’il
engendre sont considérables et les dommages aux biens sont parfois irréversibles. A tel
point que ce risque, conjugué aux risques, d’inondation a failli mettre en péril le système
d’indemnisation français des catastrophes naturelles (2 milliards d'euros de dommage pour
l'épisode 1989-1992).
C. Quel dispositif vis-à-vis des autorités en cas de crise, quelles
autorités ?
En France, les risques gravitaires dits « rapides » auxquels appartiennent les écoulements
torrentiels, les mouvements de terrain et les avalanches constituent les principaux risques
naturels en montagne. Dans des zones de montagnes et côtières, où l’occupation humaine
91
est en croissance, ils apparaissent difficilement acceptables aux yeux de la population, des
décideurs et des médias.
De manière simplifiée, la gestion des risques comprend des phases dédiées à l’alerte et aux
secours et des phases de prévention. La première inclut la prévision temporelle
indispensable pour la gestion temporelle du risque. Elle permet de prendre les décisions
adéquates à l’avance (évacuations, fermetures de routes, etc.) pour éviter les catastrophes
en période de crise. La seconde correspond à des objectifs de gestion à moyen et long
terme des territoires soumis aux risques naturels. La prévention se développe
essentiellement sur trois axes : la connaissance des phénomènes, le contrôle de
l’occupation du sol et les travaux de protection.
Ces actions reposent toutes sur la connaissance des conditions d’occurrence, de la
propagation des écoulements et des effets des ouvrages de protection. Sur ces bases des
principes de gestion sont établis puis mis en œuvre dans des études d’ingénierie et des
actions règlementaires telles que le zonage des risques
1. Construction progressive d'une gestion spatiale du risque gravitaires
La maîtrise des aléas gravitaires contribue à organiser localement les activités depuis
longtemps, par exemple en interdisant le pastoralisme dés 1860. Forme primitive,
l’évitement consiste à renoncer à s’installer dans les zones dangereuses. La connaissance
empirique, liée à une observation fine du territoire et à l’expérience, permet la signalisation
du danger. L’institutionnalisation du modèle gravitaire d’une échelle communautaire à une
administration nationale résulte d’une double évolution : les progrès scientifiques et
l’affirmation des pouvoirs centraux. Par l’augmentation des sites vulnérables (habitat,
routes, etc.), cette colonisation transforme la nature des menaces physiques. Chaque
époque recompose des règles correspondant à ces menaces et ses besoins : activités
forestières, agraires, hydro-industrielles, touristiques, sportives.
a. Etat actuel de la gestion spatiale des risques gravitaires
Le premier principe agit sur les conditions de déclenchement du phénomène pour réduire
sa puissance, son extension ou sa période de retour. Matériellement, cette approche
nécessite des ouvrages de protection, active ou passive, et la restriction des accès ou des
usages dans les zones de déclenchement (avalanches en particulier).
Le deuxième principe réglemente l’utilisation des territoires exposés pour en diminuer la
vulnérabilité par des zonages, plus ou moins contraignants, qui définissent les usages du
sol (autorisations, interdictions, conditions saisonnières, types de pratiques). Enfin,
l’organisation des secours, la sensibilisation des populations et les restrictions d’accès
(spatiales, temporelles, conditions de formation ou d’équipement individuel) constituent une
prérogative de l’autorité publique, qui complète cette réduction du danger, mais avec des
différences régionales. Historiquement, l’endiguement des flux est réalisé par les
92
populations et les pouvoirs publics. A partir du XIXe, la prédominance de l’investissement
des autorités locales et nationales accentue la protection par l’ouvrage. Mais, malgré ses
réussites en routine et ses prouesses exceptionnelles sur certains terrains, la technique
connait aussi des limites. Les premières réglementations datent des années 1930. Souvent
ignorées au-delà de l’espace ou l’urgence qui motivent leur rédaction, ces lois tardent à
bénéficier de la panoplie réglementaire et budgétaire nécessaire à leur fonctionnement
normal : décrets, règlements, modifications législatives connexes (droit de propriété),
budgets publics (en particulier pour indemniser les expropriations), etc. Régalienne et
providentielle, l’affirmation étatique reste souvent de principe tant les activités locales
échappent à l’aménagement préventif étatique du territoire. En parallèle, la doctrine
exclusive binaire (permis/interdit) est remplacée par une doctrine tolérante ternaire
(conditions d’urbanisation graduelles selon l’aléa, la vulnérabilité et les dispositifs de
mitigation). Cette évolution doctrinale permet la relance du zonage du risque durant les
années 1980. La loi française de 1982 sur l’indemnisation des catastrophes, sur la
protection du sol prévoient des cartes des risques et le contrôle de l’urbanisation selon la
menace. Cependant les différentes lacunes constatées conduisent à un renforcement des
législations au cours des années 1990 et 2000. La loi française de 1995 sur la protection de
la nature crée les Plans de Prévention des Risques Naturels Prévisibles. Le zonage a une
valeur réglementaire ; il s’impose au Plan local d’urbanisme (PLU). Réalisé à une échelle
fine, parfois cadastrale, le zonage distingue au moins trois zones : interdiction de
construction en aléa fort, réglementation de construction en aléa modéré et autorisation
sans condition en aléa négligeable.
En France, la sécurité est un souci des habitants et une obligation des municipalités, qui fait
du maire le premier responsable publique de la sécurité. Mais, source de légitimité, la
maîtrise de la sécurité fonde les interventions de l’Etat à travers la régulation des usages, la
protection des biens et des personnes et la solidarité nationale. Grand aménageur, souvent
même gigantesque propriétaire domanial (armée, eaux et forêts, énergie), l’Etat a ainsi
imposé un aménagement protecteur du territoire. Il régule les activités nocives, organise les
interdépendances, développe des connaissances, propose des solutions techniques,
finance des équipements et, éventuellement, secoure les sinistrés. Cet investissement
pluriséculaire est suffisamment efficace et légitime pour lentement atrophier les capacités
locales de défense, de protection, de régulation des interdépendances entre activités, voire
même de connaissance du territoire et de perception des menaces.
Malgré la décentralisation des investissements publics, l’Etat conserve une grande part de
prérogatives en matière de prévention territoriale : zonage du risque, information du public.
Les conseils généraux et régionaux ne disposent pas de responsabilités spécifiques malgré
leur emprise territoriale croissante sur les activités (édifices scolaires, transports, routes,
secours, solidarité, santé) et des initiatives scientifiques (observatoires départementaux,
organismes de pilotage scientifique). Avec la gestion des routes, le Conseil Général est
réglementairement impliqué, indirectement, dans la maîtrise des risques naturels (protection
et fermeture des routes). Facultatives, les interventions des Conseils Généraux et Régionaux
sont disparates selon les priorités locales. Les risques gravitaires bénéficient aussi des
progrès de caractérisation de la vulnérabilité, avec un effort croissant de diagnostic pour
93
calibrer l’objectif de sécurité. En France, des informations sur les risques naturels figurent
obligatoirement lors des transactions immobilières. Les communes sont tenues d’informer
les populations par les DICRIM et dans le cadre des PPR. De manière générale, les mises
en gardes micro-locales se multiplient pour inciter à la prudence et alléger la responsabilité
de l’Etat.
2. Détails des organismes d’états impliqués dans la gestion du risque
Actuellement, la communauté académique n’est pas formellement impliquée dans la
gestion opérationnelle des risques gravitaires, à l’exclusion de quelques interventions
individuelles de chercheurs en tant qu’experts. Différents organismes sont impliqués, sous
couverts d’au moins trois ministères de tutelles (Industrie, Agriculture, Environnement..). A
titre d’exemple, les CEREMA (Au 1er janvier 2014, les huit CETE, le CERTU, le CETMEF et le
SETRA ont fusionné pour donner naissance au CEREMA : Centre d’Etudes et d’Expertise
sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement) ont la responsabilité directe
des principaux glissements lents à impact majeur. On notera des implications sur différents
cas et à différentes échelles de l’IRSTEA, les RTM régionaux, et les conseils généraux. Ces
derniers déléguant les mises en œuvres techniques de la surveillance opérationnelle à des
opérateurs privés. L’analyse exhaustive de l’organisation complexe des responsabilités
dans le contexte des instabilités gravitaires est en cours, pour être incluse dans le
document final.
94
Recommandations
Dans le contexte, nous proposons ci dessous les bases de propositions d’actions
scientifiques qui ont pour objectifs d’améliorer la compréhension de la physique des
instabilités gravitaires et son impact sur la gestion des aléas associés. Il est important que
ces actions couvrent les 3 volets initiation – déclenchement - propagation tant pour la
physique de ces phénomènes que pour les impacts sur la gestion de l’aléa.
- nécessité d’augmenter (et de pérenniser) le nombre de bases de données quantitatives
partagées (de préférence multidisciplinaires) sur des épisodes (y compris de courte durée)
représentatives de cas spécifiques dans les alpes françaises. Cet effort doit couvrir les 3
phases précédemment citées comme, phase d’initiation du mouvement gravitaire, phase
de déclenchement et phase de propagation de ce dernier.
- nécessité d’évoluer depuis une notion d’aléa spatial statique (carte), vers un aléa
probabiliste indépendant du temps, puis dépendant du temps (sur la base des mesures de
réseaux de déformations et d’endommagement au sol et via l’imagerie satellitaire régionale,
couplées à des mesures hydro-météorologiques). Par ce dernier aspect on doit ici pouvoir
accéder au couplage multi-aléas où par exemple la réponse à de fortes pluies (ou séisme)
peut déclencher une cascade d’événements gravitaires, ces derniers induisant des lacbarrages. Dans le contexte volcanique, la cascade gonflement du volcan, instabilités de
flanc, avalanches de débris fait émerger le phénomène tsunami local avec les impacts
associés. Ces thémes soulignent l’importance du développement d’axes de recherche
transversaux.
- prise en compte quantitative d’un couplage multi-aléa, en particulier réponses aux
séismes et changement climatiques. Ici encore dans le contexte de modifications des
propriétés hydro-mécaniques du sous sols à différentes échelles de temps
(endommagement lié aux séismes ou éruption volcaniques ; épisode pluvieux ; cycle annuel
gel-dégel ; réchauffement climatique) la transversalité des analyses doit être renforcée
entre spécialistes de terre interne et ceux des enveloppes externes, pour aboutir vers des
arbres de décisions opérationnels concernant ces phénomènes rares, tant pour l’analyse de
la robustesse des phénomèmes précurseurs, que pour les larges fluctuations des distances
de propagations liées aux variables mécaniques de l’écoulement gravitaire.
- amélioration des liens entre recherches académiques et gestionnaires du risque, qui au
delà du partage des mesures doit permettre des transferts de méthodologies et des
interactions sur des axes de recherche pour répondre à des problématiques de gestions
opérationnelles.
95
CHAPITRE VI
Situation
de
communication
crise,
responsabilité,
information,
Chaque événement tellurique confronte la communauté scientifique et les organismes de
recherche concernés au problème de la communication en période de crise. Les media
contactent directement nombre de scientifiques, voire des experts auto-proclamés, qui ne
sont pas toujours les mieux placés pour donner un avis « pertinent » ; les acteurs
gestionnaires des crises sollicitent les scientifiques pour leur expertise ; les institutions ont
l’obligation, en cas de crise majeure, de communiquer via les media pour expliquer l’origine
des phénomènes et répondre au questionnement de la société. Une telle dispersion dans la
communication relative à des phénomènes pour lesquels les incertitudes sur les prévisions
sont peu contrôlables, nuit, tant à l’efficacité de la réponse scientifique en temps de crise,
qu’à la crédibilité de cette dernière.
La complexité des processus en jeu souvent difficile à expliquer à un public non spécialiste,
le manque de circuit de communication clairement préétabli, le manque de formation en
matière de communication de crise, placent le scientifique dans une situation qu’il n’est pas
toujours à même de maîtriser. On peut aussi, dans certains cas, constater une pléthore
d’informations mal étayées mise en ligne trop rapidement, ou une communication
institutionnelle trop lente par rapport au temps de réaction des media, en raison de la
nécessaire interaction avec les scientifiques proches de l’observation et de l’analyse de la
crise.
Le jugement rendu en première instance envers les sismologues italiens à la suite du séisme
de l’Aquila en avril 2009, a clairement re-posé la question de la responsabilité des
scientifiques et experts et de leur protection juridique.
Il est donc important de bien définir d’une part la chaîne de transmission de l’information
vers les autorités devant assurer la sécurité des personnes et des biens, et d’autre part les
circuits de la communication à destination du public et des media pour une bonne
information sur l’observation et la compréhension de phénomènes à l’origine des crises
telluriques.
Mettre en place de bonnes procédures d’information et de communication revient à savoir
déterminer : 1) quand informer/communiquer ; 2) qui informer et qui doit informer ; 3) avec
quels outils et supports informer ; 4) quels types d’information transmettre. Cependant ces
procédures doivent s’adapter à la nature des interlocuteurs : le moment d’informer les
autorités, qui ont la responsabilité de déclencher le plan ORSEC7, n’est pas celui d’informer
7
Selon l’importance de la crise le plan ORSEC peut être lancé au plan communal, départemental, zonal lorsque plusieurs
départements sont atteints ou national. Dans le premier cas la gestion de la crise incombe au maire de la commune, si le
sinistre couvre plusieurs communes, le préfet devient Directeur des opérations de secours. En cas de catastrophe couvrant
96
les media; les documents et informations techniques à transmettre aux autorités, avec la
plus-value de l’analyse et de l’interprétation, n’est pas à communiquer dans les mêmes
termes aux médias et au public. Il est donc utile d’aborder les deux problématiques
séparément.
En ce qui concerne l’information des autorités et acteurs des collectivités territoriales, il
convient de codifier le déroulement d’une crise tellurique en termes de degré de gravité afin
que le scientifique choisisse la meilleure attitude à avoir pour communiquer durant toute la
durée de l’évènement et en fonction de son type (séisme, éruption volcanique, glissement
de terrain). De même, il serait souhaitable de développer une concertation entre acteurs de
la recherche académique, géo-scientifiques, mais aussi psycho-sociologues du risque,
ingénieurs et experts en parasismique et gestionnaires du risque au sens large afin
d’identifier les types d’informations et de documents nécessaires à la prise de décision pour
la protection des personnes et des biens.
A. Comment définir l’évolution d’une crise, décider de son début et
de sa fin ?
Toutes les crises telluriques ont des points communs en ce sens que pour les scientifiques,
une crise correspond à l’occurrence d’événements présentant un net contraste par rapport
à l’activité habituelle dans une région donnée, sans que ces événements aient
nécessairement un impact potentiel sur la population et la société. Pour les autorités, et
plus généralement pour la société, la « crise » est l’occurrence d’un événement, ou d’une
série d’événements, susceptibles de produire des dommages, ou d’être ressentis par la
population et générant de ce fait, au minimum, une inquiétude. C’est cette deuxième
acception qui est considérée dans ce chapitre. Toutefois, la distinction peut être subtile, si
on considère le fait qu’un phénomène sans conséquence pour les populations et
potentiellement détectable uniquement par les scientifiques peut être le signe avant-coureur
d’un événement plus important (question particulièrement difficile à évaluer). Se pose alors
la question aux scientifiques de la transmission d’informations aux autorités sur ce qui
est en train de se produire.
1. Le cas des séismes
§
a. Nature des informations fournies par les scientifiques et servant à la définition de la crise
sismique
Les informations de base à fournir aussi rapidement et avec autant de fiabilité que possible
aux autorités sont les : date, latitude, longitude, profondeur, magnitude des séismes. Il est
raisonnable de définir une magnitude minimale en dessous de laquelle les informations ne
sont pas fournies car insignifiantes en termes d’impact. Vient ensuite l’éclairage que le
plusieurs départements, un préfet de zone dirige les opérations de secours. Enfin en cas de catastrophe nationale, c’est le
ministre de l’intérieur et le Centre Opérationnel de Gestion Interministériel de Crises qui gèrent les opérations.
97
scientifique doit apporter pour resituer les séismes observés par rapport à la sismicité
instrumentale et historique de la région concernée, dans leur contexte tectonique, et de
donner des éléments sur l’évolution possible de la crise.
Il n’existe pas de méthode universelle de calcul de magnitude permettant d’en obtenir la
valeur de manière unique avec une très grande précision. Il existe différentes définitions de
magnitude et différentes manières de la calculer. Même si un certain consensus voit le jour
pour utiliser une magnitude commune (la magnitude de moment Mw), les valeurs obtenues
varient de quelques dixièmes de degrés (parfois plus) suivant la méthode utilisée, suivant
les enregistrements sismiques disponibles. Ceci explique pourquoi les magnitudes
annoncées en première instance par divers instituts dans le monde peuvent être différentes.
Il est donc inapproprié de se baser sur un seuil unique et précis de magnitude pour définir si
on est en état de crise sismique ou pas (et pour déclencher les actions en conséquence).
Une approche basée sur une réponse graduée en fonction de plusieurs seuils de magnitude
serait plus appropriée.
Les valeurs de latitude, longitude, et profondeur des séismes sont également sujet à une
incertitude, qui devrait être communiquée. Nous ne discutons pas ici du fait de savoir si le
ou les séismes sont géographiquement proches ou pas (en latitude et longitude) des sites
de peuplement ou des infrastructures à risques. Cet aspect n’est pas du ressort des
scientifiques qui ne disposent généralement pas des informations précises à ce sujet.
Toutefois un interfaçage entre les scientifiques à même de contextualiser les informations
sismologiques d’une part, et les acteurs opérationnels de la gestion du risque au niveau des
collectivités territoriales d’autre part, est souhaitable afin de permettre à ces derniers de
mieux évaluer l’impact potentiel de la crise au niveau des zones vulnérables.
Pour évaluer l’impact potentiel d’un séisme, le critère de magnitude peut être suffisant en
métropole. Toutefois pour des séismes de grande ampleur (M > 6), représenter la source
d’émission des ondes sismiques par un point unique (l’hypocentre) est réducteur et fausse
les analyses des effets destructeurs, pouvant biaiser l’organisation des secours. En effet,
dans ce cas les ondes sont émises par une rupture qui dépasse la quinzaine de kilomètres
pour M=6, la cinquantaine pour M=7 et la centaine pour M>8 et la localisation de cette
rupture par rapport aux sites environnants joue un rôle majeur sur l’impact du séisme. La
prise en compte de ces effets, dit de source étendue, par opposition à une source
ponctuelle ou foyer, pour l’alerte sismique n’est encore qu’expérimentale mais fait l’objet de
programmes de recherche. Aux Antilles, où la profondeur des séismes peut varier entre
quelques kilomètres et plus de 100 km et produire des dégâts très différents, les
observatoires émettent dès l’obtention des paramètres du séisme une carte des intensités
prédites. L’intensité permet de définir l’impact par commune.
§
b. Définition de la crise et de son démarrage
Du point de vue des processus physiques (au sens large), et dans un souci de classification
et nécessairement de simplification, une crise sismique peut prendre deux formes
principales, désignées « crise sismique classique » et « essaim sismique « (en italique dans
ce qui suit) :
98
Crise sismique classique
Elle démarre par un événement dépassant un certain seuil de magnitude, appelé choc
principal, et se poursuit par une séquence de répliques, généralement de plus faible
magnitude. La valeur seuil de magnitude prise en compte pour déclarer l’état de crise peut
être différente d’un pays à l’autre (un pays où la sismicité est plus forte est susceptible de
prendre en considération une valeur plus élevée pour le seuil), mais il s’agit là
essentiellement d’une décision de caractère « politique ».
Dans le cas d’une crise sismique classique, les cas de figures peuvent être variés : répliques
abondantes à presque inexistantes pour une même magnitude du choc principal ;
possibilité de déclenchement d’un second choc plus fort que le premier ; séquence de forts
événements sur des failles différentes. Pour ces deux dernières situations, il faut une
conjonction de phénomènes, telle qu’une perturbation de contraintes (au sens de
perturbation des forces tectoniques appliquées sur les failles) associée à un état proche de
la rupture sur une ou des faille(s) voisine(s). La communication pendant une séquence de
répliques est critique et doit faire face à la pression des populations à intégrer leur habitat.
Puisque les structures fragilisées lors du choc principal peuvent continuer à s'endommager,
se pose alors la question de la vulnérabilité évolutive des constructions au cours d'une
séquence, à intégrer lors de la communication vers les autorités et les populations
affectées.
Essaim sismique
Il s’agit d’une série inhabituelle de séismes faibles à modérés (M < 6.5 généralement) se
produisant de manière rapprochée dans le temps et dans l’espace. Il faut donc que la
fréquence des séismes présente une augmentation brutale par rapport au taux habituel
dans la zone concernée. Dans le cas d’un essaim sismique, le séisme le plus fort de
l’essaim n’occupe pas une place systématique dans la séquence temporelle, et sa
magnitude maximale peut être très variable.
Que ce soit pour une crise sismique classique ou un essaim sismique, des analyses
statistiques, établies localement ou bien à échelle plus mondiale, permette une prévision du
comportement à venir de la crise en termes uniquement probabilistes.
La question des précurseurs est particulièrement délicate, et a été à l’origine de
nombreuses polémiques et discussions dans le cas du séisme de l’Aquila 2009. Comme
indiqué au chapitre III, à l’occurrence d’un essaim sismique est associée une augmentation
de la probabilité d’occurrence d’un séisme plus fort à proximité. Toutefois, cette probabilité
augmentée reste très faible, et se pose la question (difficile) de l’information à transmettre
aux autorités responsables du déclenchement ou non d’actions opérationnelles de grande
ampleur et de la diffusion de consignes préventives conséquentes pour la population. En
effet, la mise en œuvre d’une alerte systématique dans ce cas de figure, qui serait invalidée
dans plus de neuf cas sur dix, pourrait être rapidement contre-productive (refus d’action,
perte de crédibilité,…). Mais certaines actions, sur une population bien informée et
préparée, pourraient toutefois s'avérer utiles dans des contextes spécifiques - par exemple
en cas de grande vulnérabilité de nombreux bâtiments. Une réflexion approfondie sur ces
questions de communication en cas d'essaim sismique parait donc indispensable entre
99
experts des sciences de la Terre, des sciences humaines et sociales, des ingénieurs du
génie parasismique et des autorités.
C. Définition de la fin de la crise sismique
Du point de vue scientifique, que ce soit pour une crise sismique classique ou pour un
essaim sismique, le critère de fin de crise est le retour « à la normale » du niveau de
sismicité dans la zone concernée, dans la pratique cela revient à observer un taux de petits
séismes identique à ce qu’il était avant la crise.
Ce critère de fin de crise reste néanmoins essentiellement empirique, car nous n’avons pas
encore pleinement identifié les paramètres physiques intrinsèques qui contrôlent l’évolution
temporelle d’une crise sismique (redistribution des contraintes et des fluides,
endommagement des matériaux, importance relative des processus élastiques et
anélastiques,…), et pour les paramètres que nous connaissons, les moyens de les mesurer
sont encore insuffisants. Les avancées dans ce domaine ont été importantes au cours des
dernières décennies, mais appréhender des processus en profondeur avec des mesures
essentiellement restreintes à la surface de la Terre reste un défi très difficile.
Dans la majorité des cas, la fin de crise ainsi définie sera suivie par une période longue
(plusieurs années au moins) de calme relatif dans la zone concernée, cependant il est
possible que la crise sismique favorise le déclenchement anticipé d’une nouvelle crise
sismique associée à la rupture d’un segment adjacent de la même faille ou bien d’une faille
voisine. Le fait qu’il n’y ait pas de comportement systématique, mais plutôt un cas de figure
dominant avec de nombreuses exceptions, complique grandement la prévision et la
communication sur le sujet.
Du point de vue sociétal, la fin de crise est une notion vague, qui diffère grandement suivant
que l’on est dans la zone impactée par le séisme ou pas. Loin de la zone affectée, la fin de
crise va de paire avec la fin de la couverture médiatique. Pour les populations à proximité, la
diminution de la fréquence des répliques ressenties est un facteur important, leur
permettant de réinvestir leur habitat et de quitter les hébergements provisoires, mais elle
inclut aussi la période de reconstruction, d’indemnisation, etc... Au retour à la normale, est
associé le fait que l’attention de la société peut se concentrer de nouveau sur les mesures
de prévention (éducation, évolution des zonages sismique et des normes parasismiques,
exercices de type Richter, améliorations des moyens d’observation, recherche scientifique,
…) qui doivent être planifiées avec responsabilité mais avec un caractère d’urgence moins
marqué.
2. Le cas des éruptions volcaniques
La définition de la crise volcanique donnée dans le chapitre II fait état d’une situation durant
laquelle un volcan montre des signes d’instabilité ou d’activité interprétés pour laisser
augurer de la survenue d’une éruption et de risques associés. Une crise peut, ou non,
conduire à une éruption dangereuse, mais elle conduit dans tous les cas à des situations
anxiogènes et/ou à des perturbations socio-économiques pour les populations concernées.
100
Pour les scientifiques en charge de l’observation, la situation de crise débute dès lors
que sont observés des signes d’activité traduisant une modification notable par rapport au
« bruit de fond » habituel du volcan en période de repos. Cette notion floue fait appel à une
bonne connaissance du comportement du volcan en période calme. Pour les volcans
français dont l’activité géophysique et géochimique est suivie en permanence de longue
date, le début de crise implique une variation concordante de plusieurs des paramètres
suivis et leur interprétation en terme de transfert magmatique ou de modification du
système hydrothermal du volcan. Dès lors, les autorités sont informées par la direction des
observatoires volcanologiques, en concertation avec la direction de l’IPGP, de cette activité
inhabituelle. A ce stade, et tant qu’il n’y a pas de signes sensibles pour la population,
comme des émanations de gaz, une activité sismique ressentie liée au volcan, ou des
mesures de protections mises en place, la communication vers les média et le public n’a
pas nécessairement de raison d’être mais doit néanmoins être préparée. Ce type de
situation peut durer plusieurs semaines ou mois.
Pour les autorités, et plus généralement pour la société, la crise volcanique débute
lorsque les signaux anormaux sont suffisamment nets pour être visibles ou ressentis et pour
que la mise en place de mesures particulières soit nécessaire (mobilisation de personnels,
fermeture d’accès, …).
Dans ce cas, une information du public directement, ou via les média, devient nécessaire. Il
appartient en premier lieu aux autorités territoriales, aux responsables scientifiques
directement impliqués dans le suivi de la crise, mais aussi aux responsables de l’organisme
en tutelle de se concerter pour définir : 1) si on a affaire à une crise d’ampleur locale ou
nationale, 2) le moment de communiquer, 3) les personnes habilitées à communiquer, 4) les
messages à transmettre portant sur les données et la description des phénomènes, leurs
origines, et si possible leur évolution probabiliste. Ces messages doivent faire l’objet d’un
texte écrit, un communiqué, pour servir de support à toute communication orale, qu’il
s’agisse de déclaration, de conférence de presse ou d’interview. Cette procédure est
d’ailleurs potentiellement applicable à tout type de crise tellurique.
§
a. Nature des informations fournies par les scientifiques et servant à la définition de la crise
volcanique
Le suivi de l’activité des volcans français est réalisé dans les Observatoires Volcanologiques
et Sismologiques de la Martinique et de la Guadeloupe pour les Antilles, et à l’Observatoire
Volcanologique du Piton de la Fournaise à La Réunion, sous la responsabilité de l’Institut de
Physique du Globe de Paris. Sur ces volcans, le suivi de l’activité sismique et des
déformations de surface constitue le socle principal du suivi en temps réel. Ces données
permettent d’évaluer en permanence l’état du volcan. En complément, un suivi de divers
paramètres géochimiques propres aux éléments volatils (fumeroles, émanations diffuses de
gaz, sources) fournit également des informations sur un possible changement du
comportement du système hydrothermal du volcan ou un transfert magmatique.
L’ensemble de ces éléments est transmis à la Préfecture concernée sous forme d’un
bulletin d’événements. Aux Antilles, le plan ORSEC prévoit la répartition de la responsabilité
de communiquer en fonction de l’importance de la crise (cf tableau ci-dessous). Dés lors
que la Préfecture prend des mesures de protection et informe la population, l’observatoire
101
doit être en mesure de répondre aux sollicitations des média, qui se traduisent
généralement par des demandes d’interviews pour les journaux, les radios, les télévisions. Il
appartient aux responsables de l’observatoire, là encore, de préparer un texte qui soit une
trame pour une interview et qui pose bien les limites de la connaissance de l’événement afin
de garder, tant que faire se peut, la maîtrise de l’interview.
Figure 1: Définition des niveaux d’activité volcanique pour les volcans français des Antilles (ici le cas de la
Montagne Pelée en Martinique) mis en place en concertation entre les OVS et les Préfectures. La ligne
«Décision»indiquequipeutchangerleniveaud’alerteetquicommuniqueoupilotelacommunicationsur
l’activitévolcaniquesuivantleniveauatteint.
§
b. Définition de la crise, son démarrage et son suivi
La crise volcanique a ceci de particulier que son démarrage n’est pas forcément le plus
difficile à prévoir, ce qui n’est pas le cas de son déroulement dans sa forme et sa durée. Le
démarrage de la crise est détecté par une variation significative des multiples paramètres
enregistrés par les observatoires volcanologiques par rapport à une situation de calme
inter-éruptif. Les observatoires en charge de la surveillance des volcans ont une bonne
expérience de l’interprétation de ces paramètres, et savent donc généralement bien
détecter le début de crise lorsque celui-ci est marqué.
Le suivi de la crise est alors réalisé en déterminant les variations dans le temps
(accélération/ralentissement, apparition de nouveaux signaux, modification du régime
éruptif …) des paramètres enregistrés. La mise en place d’un suivi renforcé peut alors être
décidé, soit par un plus grand nombre de personnels impliqués, soit par la mise en place
d’instrumentations et mesures nouvelles. Le suivi et l’interprétation de l’évolution d’une
crise volcanique peuvent s’avérer particulièrement délicats.
La durée de la phase pré-éruptive peut être longue, plusieurs mois dans le cas du Piton de
la Fournaise à La Réunion, volcan fréquemment actif, probablement plus en cas de
réactivation de la Soufrière de Guadeloupe ou de la Montagne Pelée à la Martinique,
volcans à l’activité moins fréquente. Au-delà de cette phase pré-éruptive, l’éruption en ellemême peut également être longue (jusqu’à six mois au Piton de la Fournaise en 1998,
plusieurs années pour des volcans du type des volcans antillais). Durant cette phase
éruptive, des changements de régime éruptif sont possibles induisant des effets différents
sur l’environnement du volcan. La crise doit donc être considérée comme une situation
pouvant être de longue durée, demandant une adaptation particulière des personnels
scientifiques et en charge de la protection civile, et une communication suivie.
102
c. La fin de crise volcanique
Scientifiquement, la fin de crise intervient dès lors que le volcan ne montre plus de signe
d’activité présentant un risque pour les populations. Ceci ne correspond pas
nécessairement avec l’arrêt de l’activité éruptive. Nombreux sont les cas où des signaux
géophysiques persistent ou reprennent après la fin d’une phase éruptive, pouvant conduire
à une nouvelle éruption.
D’autre part, divers phénomènes peuvent être la conséquence indirecte d’une éruption,
prolongeant les situations d’instabilité au-delà de la durée propre de la crise éruptive. Deux
exemples peuvent être mentionnés:
− Les éboulements et effondrements faisant suite à une vidange magmatique de fort
volume ; l’effondrement de la caldeira du sommet du Piton de la Fournaise à La
Réunion en est une bonne illustration ;
− La remobilisation des retombées cendreuses par les eaux météoriques pour former
des coulées boueuses ou lahars pouvant engendrer des dégâts importants sur les
flancs du volcan.
3. Le cas des instabilités gravitaires
Dans le contexte de l’hexagone, où séismes et effets climatiques sont modérés, la notion de
crise n’est définie, pour l’aléa gravitaire, que du point de vue des autorités quant à l’aspect
vulnérabilité. Un contexte de « crise » en tant qu’augmentation rapide du nombre des
glissements de terrain sur une zone géographique donnée, dans un intervalle de temps
court (quelques heures) sur le territoire français, ne peut être observé qu’à la suite d’un
séisme significatif (M>5-6). Dans ce contexte, une procédure, en cours de réflexion au
niveau mondial, cherche à définir via un zonage préliminaire dans les minutes suivant le
séisme déclencheur, des zones de mouvements de terrains probables en fonction de la
magnitude du séisme et du type de rupture. L’implémentation opérationnelle d’une telle
procédure n’est pas encore effectuée.
Dans le contexte des mouvements de terrain, une situation de crise correspond à la
convergence spatiale (sur un site donné) de mesures extraordinaires s’écartant
significativement par rapport aux mesures précédentes. En ce qui concerne les sites
instrumentés (donc mouvement de terrains en cours) les seuils qui permettent de déclarer la
situation de crise sont ajustés localement de façon empirique pour éviter les temps de
fausses alarmes tout en ne négligeant pas les occurrences d’évènements majeurs. Parmi
les exemples significatifs, on citera le cas de Séchilienne dont l’effondrement peut impacter
les moyens de communication dans une vallée alpine majeure.
Les scientifiques de la communauté académique des UMR/UMS ne sont que peu ou pas
impliqués8, si ce n’est via les sollicitations de la commission d’experts ; cette dernière étant
en charge des validations, à moyens et longs termes, de la gestion court terme des services
8
Dans le cas des Antilles, il est écrit dans les procédures ORSEC qu’en cas de crise, le BRGM est sollicité comme expert et
doit se rendre au PC de crise pour l’évaluation des risques gravitaires associés au séisme qui vient de déclencher l’activation
d’une cellule de crise.
103
opérationnels (CEREMA - Au 1er janvier 2014, les huit CETE, le CERTU, le CETMEF et le
SETRA ont fusionné pour donner naissance au CEREMA : Centre d’Etudes et d’Expertise
sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement).
Pour les scientifiques, une crise d’aléa gravitaire correspond à l’occurrence d’événements
présentant un net contraste par rapport l’activité habituelle dans une région donnée. Cette
état de crise peut correspondre soit à une augmentation des déplacements d’un
mouvement lent en cours, soit à une augmentation tant spatiale que temporelle du taux
d’instabilités gravitaires, souvent couplée à un forçage externe au mouvement de terrain
(pluie ou fonte de neige, déformation induite par un séisme ou une éruption volcanique).
Pour les autorités, et plus généralement pour la société dans le contexte de déformation
tectonique faible en France métropolitaine, la « crise gravitaire », contrairement au séisme,
et du fait de la lenteur relative des phases d’initiation et de propagation lors de mouvements
de terrain de masse, est relative à la proximité de l’occurrence d’un événement, ou d’une
série d’événements gravitaires, susceptibles de produire des dommages.
On notera encore que dans le contexte du versant de Séchilienne, plusieurs « crises », en
tant qu’état de pré-alerte des services en charge de la surveillance, ont eu lieu depuis 1990,
sans occurrence d’éboulement majeur ayant impacté les personnes ou les structures.
Toutefois, la gestion de cette crise potentielle en terme de protection a conduit à
l’application de la loi montagne et donc l’évacuation – expulsion d’un village. Pour ces
personnes, la crise (sociale cette fois) a eu lieu en l’absence d’événement gravitaire. Il en fut
de même en ce qui concerne l’évacuation-expulsion par application de la loi montagne d’un
hameau sur le glissement d’Avignonet. Pour ces deux versants instables isérois, sous la
surveillance continue via, en particulier, le Service National d’Observation du CNRS-INSU,
OMIV (Observatoire Multidisciplinaire des Instabilités de Versants), avec les nouvelles
méthodologies de surveillance des sites de mouvements de terrain mis en œuvre lors de
cette dernière décennie, les procédures du transfert d’informations et du relais entre les
scientifiques et les services opérationnels est à mettre en place.
Enfin pour conclure, il est important de noter une symétrie des problématiques de
prévisions, (incluant les notions de pré-alerte, alerte, après dépassement de valeurs seuils
(empiriques) de paramètres de surveillance du site) entre la gestion de l’aléa gravitaire et les
gestions des aléas sismiques et volcaniques. Le gestionnaire de ces aléas est confronté
pour chaque tentative de prévision à de très forts taux des fausse alarmes et des durée
d’alertes, ces derniers étant encore trop rarement quantifiés dans les diagrammes d’erreurs
incluant le nombre de succès à la prédiction (événements dans une fenêtre d’alarme), le
nombre d’échecs (absence d’évènements durant la période d’alarme), le nombre de fausses
alarmes et le tout normalisé par les durées d’alarmes. Le nombre d’occurrences
d’événements hors alarme, est inclus dans cette évaluation qui est pertinente pour tout type
d’alea (séisme, éruption, mouvement de terrain).
104
B. L’information des autorités en cas de crise intérieure et en cas
de crise extérieure pouvant impacter le territoire français
1. L’alerte rapide officielle des autorités
Il est impératif que les messages d’alerte rapide aux autorités proviennent d’une source
unique mandatée officiellement pour le faire. Actuellement, en ce qui concerne les séismes
et pour le territoire métropolitain, cette mission incombe au LDG/CEA. Aux Antilles, bien
qu’ils ne soient pas officiellement mandatés dans les textes pour cela, ce sont les
observatoires sismologiques et volcanologiques de l’IPGP qui alertent les autorités, en cas
de séisme comme en cas d’activité volcanique.
Paragraphe à préciser ultérieurement
La procédure suivie actuellement par le LDG/CEA consiste à transmettre de
manière systématique et automatique aux autorités compétentes, RAPPELER LES
QUELLES un message d’alerte précisant la magnitude, la localisation (latitude,
longitude, mais pas la profondeur), et l’heure origine, dès qu’un séisme dont la
magnitude dépasse un certain seuil (magnitude 4) se produit sur le territoire
métropolitain ou dans les régions frontalières. Il est donc du ressort des autorités
locales concernées (maire pour la commune, préfet pour le département) de décréter
ou non l’état de crise et de déclencher les actions nécessaires pour y faire face.
9
Fournir 7/7 jours et 24/24h des informations rapides et fiables sur l’heure précise, la
localisation et la magnitude des séismes requiert des moyens importants en termes
d’astreinte de personnel, de sécurisation matérielle et informatique. C’est la raison pour
laquelle cette tâche a été attribuée au LDG/CEA qui dispose de l’infrastructure et des
moyens nécessaires. De plus, le CENALT (Centre d’alerte tsunami) étant localisé au
LDG/CEA, une certaine mutualisation des moyens est possible.
Le BCSF (Bureau central sismologique français) lance, quant à lui, automatiquement l’appel
à témoignages pour la détermination des intensités observées et ressenties, et rend
publique sur son site ces informations macrosismiques. Les informations paramétriques
disponibles sur les différents, et sans doute trop nombreux, sites web produisant une
information sur l’activité sismique (sites du CEA-LDG, du RéNaSS, du BCSF, du CSEM et
des Observatoires régionaux) sont généralement insuffisants pour satisfaire aux besoins
d’information et de compréhension des autorités (préfectures, mairies, ...), des médias et du
grand public.
La production d’informations complémentaires telle que des « ShakeMap » (cartes
d’estimation de la secousse en terme d’intensité ou d’amplitude maximale du mouvement
du sol), mécanisme au foyer, extension de la rupture, directivité, évaluation des dommages
et des pertes…, sont aujourd’hui en cours de développement (cf. chapitre IV) (des
9
A préciser
105
procédures de ce types sont déjà en place au BRGM) ; mais leur transmission vers les
autorités doit encore être clarifiée. En effet, elles peuvent permettre aux services de secours
de préciser où seraient localisés potentiellement les dommages les plus importants. Mais
l’utilisation de ces informations « plus sophistiquées » requiert un minimum d’explication
préalable. Dans le cas contraire, elles pourraient apporter plus de confusion que
d’éclaircissement. A l’heure actuelle, elles ne font pas l’objet de transmission systématique
aux autorités de la part des scientifiques. Elles peuvent être déterminées au niveau des
centres sismologiques nationaux ou régionaux, qui ne disposent généralement pas de
moyens d’astreintes ni forcément des matériels pour en assurer une transmission fiabilisée.
En outre, le délai nécessaire à l’obtention de ces informations complémentaires est très
variable. Le délai dépend de la volonté et de la disponibilité des sismologues, ainsi que des
moyens à leur disposition au moment de la crise. A certains endroits, des outils de calcul
automatique de ces paramètres ont été mis en place, mais s’ils sont diffusés, les résultats
sont, pour l’instant, adressés essentiellement à la communauté scientifique, en particulier au
sein du groupe transverse « Sismicité » de RESIF. Le BCSF met pour sa part les cartes des
mécanismes au foyer sur son site.
Plusieurs alternatives sont à examiner : par exemple, ces informations additionnelles
pourraient être d’abord analysées puis traitées par les scientifiques sous forme d’éléments
synthétiques concernant l’impact sur les dommages potentiels à fournir aux autorités. Une
autre piste serait que des recommandations soient regroupées au sein d’un document
unique (national) explicitant les informations complémentaires qui pourraient être transmises
aux autorités, en précisant par qui et sous quelle forme. Des formations pourraient être
organisées à ce sujet, ciblées vers les personnels des collectivités territoriales.
Concernant l’activité des volcans, comme il a été rappelé, aucun organisme n’est
officiellement mandaté pour donner l’alerte. Les observatoires volcanologiques implantés
sur les volcans actifs français dans les départements d’Outre Mer jouent, de fait, le rôle de
« donneur d’alerte », compte tenu du fait que les réseaux d’observation qu’ils déploient et
les personnels qui y travaillent sont en capacité de suivre l’évolution de ces volcans. En
revanche, l’Institut de Physique du Globe de Paris, Grand Etablissement tutelle des
observatoires volcanologiques et sismologiques, n’a pas mandat pour porter un dispositif
d’alerte fonctionnant 24/24h et 7/7 jours.
Les personnels et réseaux d’observation des observatoires sont financés par le Ministère de
l’Enseignement Supérieur et de la Recherche car l’observation à long terme est l’une des
clefs de la compréhension du fonctionnement de ces systèmes complexes. Mais, hors mis
pour le réseau accélérométrique (RAP), les Ministères chargés en France des dispositifs de
surveillance et d’alerte ou de la protection civile ne participe pas au financement des
observatoires volcanologiques. Le paradoxe réside dans le fait que, comme sur tous les
volcans dans le monde, l’observatoire exerce une surveillance instrumentale permanente du
volcan. Les données liées à l’activité sont transmises à l’observatoire et enregistrées en
temps réel ou quasi temps réel, 24/24h. L’information concernant l’activité du volcan et son
évolution est donc accessible dans les observatoires, et les Préfectures en charge
localement de la sécurité civile font donc appel aux compétences des observatoires pour le
suivi des crises volcaniques, sans que ceux-ci soient mandatés pour cela, ni même
106
disposent des moyens humains répondant aux contraintes d’un service d’alerte
opérationnel.
2. Le suivi de la crise
Concernant l’activité volcanique, les observatoires volcanologiques exercent donc le suivi
de la crise éruptive par les enregistrements de l’activité géophysique et géochimique, et en
réalisant des observations de l’activité de surface et des prélèvements. Outre l’IPGP,
d’autres personnels des universités et organismes de recherche peuvent être impliqués
dans le suivi de la crise, sous la coordination du responsable de l’observatoire
volcanologique concerné. Ce suivi peut être réalisé dans le cadre du Service National
d’Observation en Volcanologie (SNOV) du CNRS/INSU, impliquant des personnels et
moyens de l’Institut de Physique du Globe de Paris et de l’Observatoire de Physique du
Globe de Clermont-Ferrand.
Les informations sont transmises par le responsable de l’observatoire volcanologique aux
services de la Préfecture. Les procédures mises en place sont fixées dans les Dispositifs
spécifiques ORSEC « Volcan » préalablement établis entre les services de l’observatoire et
ceux de la Préfecture. Toutefois, là encore, ce dispositif se heurte à la disponibilité limitée
des personnels scientifiques qui doivent, dans un même temps, collecter les données et
prélèvements nécessaires au suivi scientifique, réaliser le traitement, l’interprétation et la
modélisation des données, informer de façon la plus précise et la plus compréhensive
possible les autorités, dans un dispositif ne permettant pas les astreintes.
L’observatoire est également directement sollicité par les media qui cherchent à recueillir
des informations sur l’activité en cours et son évolution.
Point à vérifier et préciser
En matière d’activité sismique, si de nouveaux séismes se produisent dont la
magnitude dépasse le seuil d’alerte (quel est-il ?) le LDG/CEA envoie aux autorités
compétentes de nouveaux messages d’alerte (un par séisme dans ce cas). Il s’agit là
de la seule modalité « obligatoire » de communication sur le suivi de crise).
Pour aider à la mise en place des opérations scientifiques visant à intervenir rapidement sur
le terrain pour installer des sismomètres et des stations GPS additionnels, et observer les
éventuelles traces en surface produites par les séismes, le CNRS-INSU s’est doté d’une
cellule « post-sismique »10 . Dans les faits, ces actions sur le terrain contribuent à améliorer
le suivi de la crise. En cas de crise jugée majeure nécessitant une communication nationale,
le CNRS-INSU-communication et la cellule post-sismique se mettent en relation et
travaillent de concert pour produire, en relation avec les scientifiques les plus experts, une
information sur la crise, destinée à un large public et publiée via son site web et la lettre
électronique d’information et éventuellement par communiqué de presse. Les séismes de
La Rochelle avril 2016, mais surtout les grands séismes mondiaux (Sumatra 2004, Pakistan
2005, Chili 2007, Haïti 2010, Chili 2010, Tohoku 2011, Mexique 2012, Sichan 2013, Iran
10
(https://sites.google.com/site/cellulepostsismique/
107
2013, Chili 2014, Népal 2015, Chili 2015, Equateur 2016) ont ainsi été couverts
médiatiquement. L’information reprise par les sites des laboratoires et des délégations
régionale (CNRS) est donc déclinée à la fois au niveau national (direction du CNRS-INSU) et
au niveau régional (laboratoires et délégations du CNRS). Ce dernier niveau permettant
souvent de justifier l’implication des financeurs locaux, voire de l’Europe au travers des
projets inter-frontaliers (Interreg), dans les infrastructures d’observation.
Par la caution scientifique qu’ils incarnent, les différents observatoires sismologiques, voire
les sismologues individuellement, notamment souvent ceux de la région concernée par la
crise, ainsi que le BCSF-RENASS et le CEA/LDG, sont sollicités par les media régionaux
et/ou nationaux et par les autorités locales/nationales, pour fournir des informations et des
explications sur la crise en cours. Il n’existe pas à l’heure actuelle de texte officiel ou de
procédure prédéfinie sur l’organisation de cette communication au cours de la crise. Même
si ces structures se sont parfois organisées en interne, elles ne disposent pas toujours d’un
personnel en nombre suffisant et correctement formé pour répondre dans la temporalité de
la gestion médiatique d’une crise sismique. En outre, les informations factuelles fournies
(localisation, magnitude, type de magnitude) sont parfois divergentes suivant la source de
l’information divulguée, ce qui rend la communication plus délicate. De plus, les chercheurs
sont souvent sollicités pour émettre un avis sur le phénomène en cours, ses conséquences
ou une prédiction sur son issue. Il est à noter qu’en cas de grand séismes à l’étranger, et
même de séismes modéré en France, les chaînes d’information des media ne contactent
pas « un observatoire » mais en premier lieu quelques sismologues dont ils ont pu avoir le
numéro de téléphone mobile ! La multiplicité des interlocuteurs, disposant chacun de sa
propre expertise et de sa propre manière de communiquer, aboutit souvent à toute une
variété de réponses et d’analyses qui peut être préjudiciable à une bonne compréhension
du phénomène et de l’état des connaissances.
3. Comment améliorer les relations avec les autorités et l’information du
public
Comme on l’a dit, il est nécessaire de bien distinguer ce qui concerne l’information des
autorités susceptibles de devoir prendre des décisions impactant la collectivité (mise en
alerte des services de secours, préparation des moyens d’intervention, jusqu’à l’évacuation
éventuelle de zones habitées…) et ce qui concerne l’information du public (généralement au
travers des média). Toutefois, le cas de l’Aquila a montré l’imbrication possible des deux
aspects, avec des conférences de presse faisant suite à des réunions regroupant des
experts scientifiques et les autorités.
Il ne fait pas de doute que le public doive recevoir des informations de la part des
scientifiques en charge du suivi et de l’analyse de la sismicité, de l’activité volcanique ou
gravitaire. La difficulté est de définir la forme la plus adéquate que doit prendre cette
communication. Parmi les questions qui se posent :
- Qui doit en priorité communiquer sur la crise ? Faut-il organiser cela ? Comment ?
- Quelles précautions faut-il prendre dans cette communication pour informer utilement tout
en évitant autant que possible les difficultés rencontrées dans le cas de l’Aquila ?
108
Il ne fait aucun doute non plus qu'afin d'assimiler cette information parfois complexe dans
une chaîne de décision, un niveau de formation est requis, maillon indispensable à une
meilleure compréhension des informations transmises.
a. Améliorer les liens entre pouvoirs publics, recherche, gestionnaires du risque et autres
opérateurs
En dehors des départements d’outremer, Réunion, Martinique, Guadeloupe où des relations
étroites sont entretenues avec les autorités (préfets, protection civile)) et où les scientifiques
participent directement à la rédaction des dispositifs du plan ORSEC, on constate au niveau
national l’absence de lien étroit entre les directions du CNRS-INSU, de l’IPGP (en charge
des observatoires volcanologiques) et les structures compétentes du Ministère de l’Intérieur
et du Ministère en charge de l’Environnement, même si localement, les Observatoires des
sciences du l’Univers peuvent avoir des contacts établis avec ces structures.
Par ailleurs, si des relations existent entre organismes de recherche, elles sont quasiment
inexistantes entre organismes de recherche et autres acteurs et agences du risque. De fait,
la recherche est isolée, ses connaissances, données acquises et avancées sont mal
connues et donc pas, ou peu, prises en compte par les gestionnaires du risque.
Afin de tisser des liens pérennes au plus haut niveau entre responsables des tutelles,
(ministère de l’intérieur, ministère de l’environnement de l’énergie et de la mer, ministère en
charge de la recherche), des organismes de recherche, de la protection civile, et des
opérateurs du risque, il serait souhaitable d’organiser une « Réunion annuelle des
responsables de toute la chaîne du risque » Une telle conférence permettrait de maintenir
des liens étroits entre responsables, ce qui fait défaut depuis de nombreuses années, et
représenterait un espace pour dresser régulièrement un état des lieux concernant les
moyens, l’avancée des connaissances et des circuits de transfert d’information en période
de crise, ainsi qu’en dehors des crises. Elles devraient permettre d’évaluer la pertinence des
dispositifs existants et le degré d’organisation en cas de crise majeure.
Au niveau régional, des liens étroits sont à établir ou renforcer entre les responsables
scientifiques locaux dans ces domaines de risque tellurique, les acteurs locaux des
collectivités territoriales et des gestionnaires des crises afin de définir ensemble la
procédure la plus efficace d’alerte et d’échange d’informations en cas de crise et la nature
des informations et documents à échanger. Le CNRS-INSU pourrait mandater explicitement
ou officialiser des correspondants (directeurs d’OSU par exemple). Ce lien pourrait être
conforté, par ailleurs, par une implication plus grande, demandée aux scientifiques, auprès
de tous les organismes et acteurs du risque, en participant plus activement, par exemple,
aux Assises nationales des risques organisée par le MEEM.
En dehors des liens à établir ou renforcer à tous les niveaux, il a été noté qu’il n’y a pas,
dans le cadre du CNRS-INSU, d’actions sur projets sur les scénarios de crise et leurs
impacts sociaux économiques proposées aux laboratoires ; la Mission Interdisciplinaire du
CNRS pourrait être sollicitée pour développer des programmes dans ce domaine. Des
109
travaux sur ce sujet existent cependant, conduits à l’initiative des scientifiques dans
plusieurs laboratoires.
C. La communication vers les media et le public
En premier lieu, il faut rappeler que l’information de la population et des media concernant
la gestion de crise, en cas de crise grave avérée mettant en péril les personnes et les biens,
est du ressort des autorités.
La responsabilité des scientifiques en matière de communication porte sur une formulation
compréhensible et partagée, capable de faire passer la notion d’incertitude dans les avis
rendus, la nécessité de rendre publique rapidement le contenu de l’expertise et l’explication
des divergences éventuelles en cas de débat scientifique. Il faut tendre vers un consensus,
sans taire les divergences, et, si besoin, dire les limites de notre capacité d’expertise. Le
droit de réponse des scientifiques doit être respecté, surtout si la communication est
encadrée par des non-scientifiques.
Cette communication via les scientifiques a pour rôle de décrire les phénomènes, de rendre
compte des observations, de leur donner un sens pour permettre à chacun de comprendre
et d’apprécier la situation et d’être, dans une certaine mesure, maître de ses décisions.
L’absence de crise majeure en métropole depuis des décennies n’a pas rendu, jusqu’à
maintenant, nécessaire d’écrire des procédures de communication à partager entre
laboratoires et services de communication, notamment du CNRS. Le développement des
moyens de communication qui permet à chaque laboratoire d’afficher des informations en
cas de crise, l’attente démultipliée de la société, l’immédiateté de la demande médiatique,
les grandes catastrophes (Haïti, Sumatra, Japon, l’Aquila, Eruptions de la Soufrière de
MontSerrat, du volcans islandais Eyjafjoll …) qu’il a fallu expliquer, commenter, ont changé
la donne. La question qui se pose désormais est : si une catastrophe tellurique majeure
survenait en France, comment devrait être gérée la communication scientifique pendant la
crise? L’attente de la communauté scientifique est que des procédures soient établies et
disponibles dans les laboratoires sans attendre qu’une crise grave survienne.
Selon la gravité de la crise, en cas de communication scientifique officielle jugée nécessaire
par les organismes de recherche et de réponse des scientifiques aux sollicitations des
medias, la communication doit être centrée sur les données observées, leur sens en temps
que mesure, leur signification en terme de processus local, et à plus grande échelle dans le
contexte géodynamique. Les informations concernant une évolution possible ou probable
sont à donner avec prudence et circonspection et lorsque que, en l’état de nos
connaissances, aucune prévision d’évolution n’est raisonnablement possible, le fait peut
être dit.
A l’heure actuelle, pour ce qui concerne les unités du CNRS-INSU (UMR/UMS/OSUs),
l’information envers le public et les média est soumise aux règles tacites de communication
du CNRS, que les laboratoires et scientifiques maitrisent mal, voire pas du tout. Tous les
organismes impliqués dans la recherche en lien avec catastrophes telluriques et connus des
110
médias, peuvent être sollicités par ces derniers. En cas de séisme par exemple, des
particuliers contactent également ces organismes directement, sur des questions les
touchant personnellement en lien avec les événements sismiques ressentis ou bien
supposés. Il en est de même dans les territoires d’outremer lorsque qu’une crise ou une
manifestation des volcans survient. Cette situation assez floue n’exclue pas que les médias
donnent la parole à des experts auto proclamés, sans formation scientifique rigoureuse. En
outre, des scientifiques peu préparés à prendre la parole peuvent s’y sentir contraints par la
pression des médias, et parfois par celle de leurs collègues.
Les difficultés autour de la communication sur les crises telluriques sont de plusieurs
ordres. Tout d’abord il n’y a pas de schéma unique, chaque crise ayant sa particularité. La
première difficulté est de décider à partir de quel moment une communication officielle est
nécessaire. La décision est collective impliquant pour le CNRS, la direction du CNRS-INSU,
les responsables scientifiques les plus proches de la crise et les plus experts des
mécanismes en jeu et les services de communication. Ce qui suppose une alerte précoce
de la hiérarchie de l’institution. La seconde difficulté est de trouver le bon équilibre entre
des déclarations imprudentes et un relativisme trop généralisé. Ou comment faire passer un
message audible et signifiant sur des notions que l’on ne peut appréhender qu’en termes de
probabilités et/ou de statistiques ? Une communication directe de valeurs de probabilité a
toutes les chances d’être mal interprétée par le public et les médias, s’il n’a pas été
sensibilisé en dehors des périodes de crise, d’où la nécessité d’accompagner l’énoncé des
faits, par la présentation vulgarisée des notions en jeu et des explications contextuelles. La
troisième est de désigner la ou les personnalités scientifiques pouvant s’exprimer
officiellement.
1. Pour améliorer cette situation plusieurs mesures sont proposées
En l’absence de crise, un effort plus important doit être fait aussi bien à destination des
gestionnaires des risques, des medias, que du grand public, pour faire progresser le niveau
de connaissance concernant les phénomènes telluriques. De nombreuses initiatives existent
(Sismos à l’Ecole, les visites des OSU, la fête de la science, des documents pédagogiques,
…), mais elles n’impactent pas l’ensemble de la population. On peut envisager :
a) Pour l’information du public, des medias, des acteurs du risque
• L’organisation d’une « Journée nationale de sensibilisation et d’information sur les
risques telluriques », mobilisant les organismes de recherche, les autorités, les
acteurs du risque et les medias, permettrait d’informer simultanément, pour une
synergie forte, les acteurs de la prévention et de la gestion de crise, les média, le
grand public, les enseignants et scolaires. Une telle manifestation renouvelée
chaque année devrait contribuer à maintenir le niveau de connaissance
nécessaire à tous.
• La participation des scientifiques à la rédaction des dispositifs spécifiques
ORSEC « Volcan », « Séisme » et « Tsunami » avec les autorités départementales
ou zonales.
• L’édition d’un corpus de fiches/affiches ou livret guide/affiches, en partenariat
avec les ministères, les organismes et acteurs du risque, donnant (à diffuser via
des sites d’information) aux médias, enseignants, public, préfectures, pompiers…
111
•
•
les notions de base que chacun devrait connaître. De tels documents existent
déjà dans la sphère d’organismes (par exemple le Plan séismes) ou de
laboratoires, mais ces documents ne couvrent pas l’ensemble de la chaîne,
depuis l’explication des processus et des méthodes d’observation, aux
manifestations possibles d’un événement tellurique jusqu’aux mesures à prendre
en cas de crise. Un document commun de référence faciliterait la diffusion,
l’accessibilité, le référencement et permettrait de s’y référer en cas de crise pour
rappeler les notions de base. La journée d’information serait l’occasion de
rediffuser ce document, actualisé régulièrement.
Des actions volontaires des scientifiques en période « calme » pour sensibiliser
les médias et le public, lors de conférences ou visites de laboratoires, sur le rôle
et les attributions des observatoires. Il en existe déjà, elles sont à encourager et
multiplier.
Des actions de formation des autorités, acteurs du risque, media, devraient être
mises en place plus largement par les scientifiques, de façon régulière, à
l’échelon local. Les crises telluriques requièrent des connaissances et une
approche singulière, dont la culture n’est que peu présente dans notre société qui
n’est pas quotidiennement confrontée à ce type de risques, comme cela peutêtre le cas dans d’autres pays.
b) Pour les relations avec les media
Pour ce qui est de la communication des scientifiques en temps de crise tellurique vers
les media, il faut distinguer l’émission d’information et la réponse aux demandes
d’information ou d’explication des media.
- La décision de communiquer – quand, comment, qui, pour quel type d’information appartient aux directions des organismes en concertation avec les laboratoires et
scientifiques les plus impliqués dans l’observation et l’analyse de l’événement, si
besoin avec les autorités gérant la crise, et les structures de communication. Pour le
CNRS, compte tenu du nombre de laboratoires et scientifiques susceptibles d’être
concernés, il est souhaitable que les règles déjà en vigueur au sein du CNRS en
temps normal, et renforcée en temps de crise, soient écrites et accessibles aux
scientifiques pour un meilleur fonctionnement.
-
En période de crise tellurique, les laboratoires généralement en charge d’un système
d’observation (réseau sismologique intégré dans RESIF, observatoire
volcanologique, OMIV…) sont très sollicités pour des demandes d’interviews,
d’intervention dans les journaux radio ou télévisés. Il serait illusoire de vouloir
s’appuyer par principe sur un porte-parole unique. Certains scientifiques sont bien
rodés à cet exercice et en maîtrisent les limites, d’autres moins aguerris, intervenant
parfois malgré eux, courent le risque de tenir des propos difficilement
compréhensibles ou sujet à controverse. Pour améliorer cette situation, il est
conseillé :
• De mettre en place un réseau d’experts scientifiques communicants, inter
organismes, volontaires et habilités à s’exprimer dans les médias en cas de
crise, et formés à la communication de crise. Chacun serait identifié pour un
112
•
•
•
type d’expertise particulière (en plus des généralités de base), la liste des
experts serait transmise aux média, aux responsables locaux, aux services
de communication permettant la sollicitation et l’intervention des meilleurs
experts pour chacune des crises. Le réseau devant être mis à jour
annuellement.
De proposer aux scientifiques du domaine, dans le cadre de la formation
permanente, une formation à la communication de crise.
Que les recommandations de base sur la manière de gérer une requête des
media et de se préparer à une interview soient écrites et disponibles dans les
laboratoires.
De pérenniser la cellule post-sismique de l’INSU pour rassembler entre
spécialistes les données et références bibliographiques, confronter les
analyses et interprétation. Cette cellule permet d’ores et déjà aux
scientifiques de se concerter rapidement, mais elle sert aussi de lien étroit et
rapide avec la direction et la communication du CNRS-INSU, voire de
décider d’actions de communication. Il n’existe pas de structure équivalente
en volcanologie, il est conseillé que le SNOV mette en place un dispositif
équivalent.
Enfin, devront être examinés la question des applications grand public, de l’utilisation des
réseaux sociaux, de portail d’information unique, inter-organismes. Communiquer à travers
les réseaux sociaux peut d’ailleurs constituer un élément important de la chaîne
d’information dont l’analyse peut même s’avérer bénéfique sur le plan scientifique
(détermination des intensités, perception du risque sismique, ...).
113
En résumé
•
Pour les scientifiques, une crise tellurique correspond à l’occurrence d’événements
présentant un net contraste par rapport à l’activité habituelle dans une région donnée,
sans nécessairement d’impact sur la population et la société.
•
Pour les autorités et la société, la « crise » est l’occurrence d’événements susceptibles
de produire des dommages ou d’être ressentis par la population et générant de ce fait, au
minimum, une inquiétude.
•
Il est impératif que les messages d’alerte rapide aux autorités proviennent d’une source
unique mandatée officiellement pour le faire. Concernant les séismes et pour le territoire
métropolitain, cette mission incombe au LDG/CEA. Aux Antilles, bien qu’ils ne soient pas
officiellement mandatés dans les textes pour cela, ce sont les observatoires
sismologiques et volcanologiques de l’IPGP qui alertent les autorités, en cas de séisme
comme en cas d’activité volcanique.
•
Fournir 7/7 jours et 24/24h des informations rapides et fiables sur l’heure précise, la
localisation et la magnitude des séismes requiert des moyens importants en termes
d’astreinte de personnel, de sécurisation matérielle et informatique.
•
L’Institut de Physique du Globe de Paris, Grand Etablissement, tutelle des observatoires
volcanologiques et sismologiques, n’a pas mandat pour porter un dispositif d’alerte
fonctionnant 24/24h et 7/7 jours.
•
Concernant les essaims sismiques, une réflexion approfondie sur les questions de
communication paraît indispensable entre experts des sciences de la Terre, des sciences
humaines et sociales, des ingénieurs du génie parasismique et des autorités.
•
Il est convient de distinguer la chaîne de transmission de l’information vers les autorités
qui ont la responsabilité de déclencher le plan ORSEC des circuits de la communication
à destination du public et des media.
•
En cas de crise grave avérée mettant en péril les personnes et les biens, l’information de
la population et des media concernant la gestion de crise est du ressort des autorités.
•
Mettre en place de bonnes procédures d’information et de communication revient à
savoir déterminer : 1) quand informer/communiquer ; 2) qui informer et qui doit informer ;
3) avec quels outils et supports informer ; 4) quels types d’information transmettre. Les
documents et informations techniques à transmettre aux autorités, avec la plus-value de
l’analyse et de l’interprétation, ne sont pas à communiquer dans les mêmes termes aux
médias et au public.
114
•
En cas de crise grave, nécessitant une information du public directement, ou via les
média, il appartient aux autorités territoriales, aux responsables scientifiques directement
impliqués dans le suivi de la crise, mais aussi aux responsables de l’organisme en tutelle
de se concerter pour juger 1) de l’ampleur de la crise (locale ou nationale), 2) le moment
de communiquer, 3) les personnes habilitées à communiquer, 4) les messages à
transmettre.
•
Les messages doivent faire l’objet d’un texte écrit, un communiqué, pour servir de
support à toute communication orale, qu’il s’agisse de déclaration, de conférence de
presse ou d’interview.
•
Aux Antilles les procédures d’information/communications sont fixées dans les Dispositifs
spécifiques ORSEC « Volcan » préalablement établis entre les services de l’observatoire
et ceux de la Préfecture.
•
La responsabilité des scientifiques en matière de communication porte sur une
formulation compréhensible et partagée, capable de faire passer la notion d’incertitude
dans les avis rendus, la nécessité de rendre publique rapidement le contenu de
l’expertise et l’explication des divergences éventuelles en cas de débat scientifique. Il
faut tendre vers un consensus, sans taire les divergences, et, si besoin, dire les limites
de notre capacité d’expertise.
•
Le droit de réponse des scientifiques doit être respecté, surtout si la communication est
encadrée par des non-scientifiques.
•
Cette communication via les scientifiques a pour rôle de décrire les phénomènes, de
rendre compte des observations, de leur donner un sens pour permettre à chacun de
comprendre et d’apprécier la situation et d’être, dans une certaine mesure, maître de ses
décisions.
•
Les informations concernant une évolution possible ou probable sont à donner avec
prudence et circonspection et lorsque, en l’état de nos connaissances, aucune prévision
d’évolution n’est raisonnablement possible, le fait doit être dit.
•
L’absence de crise majeure en métropole depuis des décennies n’a pas rendu, jusqu’à
maintenant, nécessaire d’écrire des procédures de communication à partager entre
laboratoires et services de communication, notamment du CNRS. Le développement des
moyens de communication, l’attente démultipliée de la société, l’immédiateté de la
demande médiatique ont changé la donne. La question qui se pose désormais est : si
une catastrophe tellurique majeure survenait en France, comment devrait être gérée la
communication scientifique pendant la crise?
•
En cas de crise sismique nécessitant une communication nationale, le CNRS-INSUcommunication se met en relation avec la cellule post-sismique pour produire, en relation
115
avec les scientifiques les plus experts, une information sur la crise, destinée à un large
public et publiée.
•
Plus généralement, l’attente de la communauté scientifique est que des procédures
soient établies et disponibles dans les laboratoires sans attendre qu’une crise grave
survienne.
•
On constate au niveau national l’absence de lien étroit entre les directions du CNRSINSU, de l’IPGP et les structures compétentes du ministère de l’intérieur et du ministère
en charge de l’environnement concernant les risques telluriques.
•
Les relations sont quasiment inexistantes entre organismes de recherche et autres
acteurs et agences du risque. De fait, la recherche est isolée, ses connaissances,
données acquises et avancées sont mal connues et donc pas, ou peu, prises en compte
par les gestionnaires du risque.
•
Il n’y a pas, dans le cadre du CNRS-INSU, d’actions sur projets sur les scénarios de crise
et leurs impacts sociaux économiques proposées aux laboratoires ;
Recommandations
•
Demander la participation des scientifiques à la rédaction des dispositifs spécifiques
ORSEC « Volcan », « Séisme » et « Tsunami » avec les autorités départementales ou
zonales.
•
Afin de tisser des liens pérennes au plus haut niveau entre responsables des tutelles,
(ministère de l’intérieur, ministère de l’environnement de l’énergie et de la mer, ministère
en charge de la recherche), des organismes de recherche, de la protection civile, et des
opérateurs du risque, organiser une rencontre annuelle des responsables de toute la
chaîne du risque qui permette de dresser régulièrement un état des lieux concernant les
moyens, l’avancée des connaissances et des circuits de transfert d’information en
période de crise, ainsi qu’en dehors des crises.
•
Au niveau régional, des liens étroits sont à établir ou renforcer entre les responsables
scientifiques, les acteurs locaux des collectivités territoriales et des gestionnaires des
crises.
•
Pour l’information de tous les publics et une meilleure connaissance partagée de tout ce
qui concerne les processus, aléas, risques telluriques, proposition d’une « Journée
nationale annuelle de sensibilisation et d’information sur les risques telluriques »,
mobilisant les organismes de recherche, les autorités, les acteurs du risque et les media,
les scolaires.
116
•
Proposition d’édition d’un corpus de fiches/affiches ou livret guide/affiches, en partenariat
avec les ministères, les organismes et acteurs du risque, donnant (à diffuser via des sites
d’information) aux médias, enseignants, public, préfectures, pompiers… regroupant les
notions de base que chacun devrait connaître, à actualiser régulièrement.
•
Poursuite des actions volontaires des scientifiques en période « calme » pour sensibiliser
les médias et le public, lors de conférences ou visites de laboratoires, sur le rôle et les
attributions des observatoires.
•
Formation des autorités, acteurs du risque, media, à proposer par les scientifiques à
l’échelon local.
•
Pour le CNRS, écrire et mettre à la disposition des scientifiques et laboratoire les
procédures de communication en cas de crise, ainsi que les recommandations de base
sur la manière de gérer une requête des media et de se préparer à une interview.
•
Pour répondre aux mieux aux sollicitations médiatiques en temps de crise il est proposé
de mettre en place un réseau d’experts scientifiques communicants, inter organismes,
volontaires et habilités à s’exprimer dans les médias en cas de crise, et formés à la
communication de crise. Chacun étant identifié pour un type d’expertise particulière.
•
Proposer aux scientifiques du domaine, dans le cadre de la formation permanente, une
formation à la communication de crise.
•
Il n’existe pas en volcanologie de structure équivalente à la cellule post-sismique, il est
conseillé que le SNOV mette en place un dispositif équivalent.
•
Devront être examinés la question des applications grand public, de l’utilisation des
réseaux sociaux, de portail d’information unique, inter-organismes.
•
Solliciter la Mission Interdisciplinaire du CNRS pour développer des programmes dans ce
domaine sur les scénarios de crise et leurs impacts sociaux économiques.
117
__________________________________
Novembre 2017 – Document de travail
INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES DE L’UNIVERS
3, rue Michel-Ange -75016 Paris
www.insu.cnrs.fr 118

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