Noël 2016 A Messe de Minuit - Abbaye de la Fille-Dieu

Transcription

Noël 2016 A Messe de Minuit - Abbaye de la Fille-Dieu
Noël 2016 A
Messe de Minuit
Voici donc le signe central de l’histoire des hommes ; il a quelque chose des autres dates qui
marquent le temps dans l’histoire : l’avènement d’un règne, une grande victoire, le début d’une
dynastie… Mais quand Dieu agit, c’est plus surprenent encore. La Providence de Dieu crée pour
l’événement une constellation parfaite : ce signe, cette nuit, c’est un Enfant, et parmi les plus
pauvres de la planète, obligé de naître dans une étable au milieu des animaux, les hommes
n’ayant pas voulu de Lui : Il est venu chez les siens et les siens ne L’ont pas reçu. Il y a là, pourtant,
tout un émerveillement, une gentillesse, une bienveillance qui sont une formidable espérance :
oui, cela est toujours possible, même dans des circonstances contraires, tragiques, qui semblent
exclure ce que l’on appelle communément le bonheur : par Joseph, le Messie descend de David, et
il doit même venir au monde dans sa ville d’origine, par le truchement fortuit d’un recensement :
Rome pouvait-elle savoir qu’elle contribuait mystérieusement à sa chute et à son relèvement
dans la foi chrétienne ? Il doit naître comme un Enfant, car ainsi le veut la prophétie, et dans
cette petitesse, la splendeur de Dieu se manifeste. Le chant des anges exprime un lien parfait
entre la gloire la plus merveilleuse d’En-Haut et l’extrême pauvreté d’en-bas, car rien n’est
impossible à Dieu. De même, c’est dans l’obscurité de la nuit, image de ce monde plongé dans le
péché depuis la faute d’Adam, que resplendit une paix et une justice qui ne peuvent en effet
survenir que du ciel, tant les hommes sont incapables de les produire et de les assurer. L’alliance
que Dieu avait voulue est maintenant établie pour toujours. Le nouveau souverain est en même
temps Dieu fort et Prince de la paix, et Jésus expliquera deux choses à ce propos : que c’est une
vraie paix qu’Il apporte, non un compromis, une trêve, une paix des cimetières, et qu’Il doit pour
cela se servir du glaive de la vérité qui seule rend les hommes libres de toute domination,
intérieure et extérieure. Le sommet de cette libération, c’est l’abolition de la mort dans la
Résurrection, et cette vie nouvelle est offerte à tous les hommes de bonne volonté. Le Messie
n’est pas envoyé aux fils d’Israël seulement, mais à tous ceux qui veulement bien Le reconnaître
et L’accueillir. Ici se profile déjà la croix. Les Pères des premiers siècles le disaient déjà : « Il a été
fait homme pour pouvoir mourir. » Pouvons-nous seulement entrevoir de loin cet abaissement
inimaginable de Dieu dans l’Incarnation, et plus encore dans l’anéantissement de la Croix ? Nous
souvenons-nous assez que l’amour a été jusque là ? Tout cela, la Vierge très sainte l’avait
intimement préparé dès le premier instant de sa vie. Elle aussi a renoncé à tout par amour de
Celui qui devait venir par Elle. Elle ne se croyait pas digne des prévenances de Dieu, mais Elle
accueille pleinement son projet, à rebours des procédés humains. Elle n’a même pas revendiqué
d’être fille d’abraham, digne des promesses. Son humilité a fermé la porte à toute prétention,
tout désir même légitime, comme Jésus ne vient pas à l’humanité à travers des privilèges
naturels, même d’ordre religieux : Elle ne veut être que la servante du Seigneur, comme Lui sera
le Serviteur souffrant, Celui qui lave les pieds des disciples. Oui, comme dit l’apôtre, Dieu a bien
choisi ce qu’il y a de faible et d’insignifiant dans le monde pour confondre les puissants et les
sages. Et cette humilité nous confond et nous juge, nous émeut et nous touche, nous qui sommes
si souvent revendicateurs de notre dignité ! On attendait un roi puissant et c’est un Enfant qui
sourit qui nous arrive. On craignait un juge, et c’est un avocat qui nous est envoyé. Dieu est
décidément toujours meilleur qu’on croit. Mais il ne faudrait jamais être surpris par ses manières
déroutantes. Oui, vraiment, cette nuit comme le jour illumine ! Que cette joie rejoigne en ce
moment tous ceux qui ne voient pas la fin de leur nuit, qu’elle fasse taire le vacarme des bombes,
qu’elle rapproche les ennemis, qu’elle redonne confiance aux désespérés, et qu’au milieu de
toute douleur brille la lumière qui vient d’En-Haut. Alors, nous saurons qu’Il n’est pas venu en
vain, même s’il y a encore tant à faire pour qu’Il soit accueilli comme Il le mérite. Avec Marie,
gardons fidèlement au cœur tout ce qui nous est dit aujourd’hui, et cette joie, nul ne pourra nous
l’enlever.