1 Communion : la vocation d`une communauté religieuse aujourd

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1 Communion : la vocation d`une communauté religieuse aujourd
Communion : la vocation d’une communauté religieuse aujourd’hui.
Luc 2,22-39 La présentation de Jésus au temple. Fête de la vie consacrée.
Dimanche soir 2 février 2014 a eu lieu dans la cathédrale de Lausanne une
célébration de la Parole rassemblant les douze communautés religieuses du canton
de Vaud. Onze communautés de religieuses catholiques et la communauté
protestante des sœurs de Saint Loup.
Ce dimanche est un jour particulier dans la tradition catholique ; c’est la fête de la
présentation de Jésus au Temple, qui est aussi la fête de la vie consacrée.
Jésus est consacré selon la prescription rituelle de l’époque au Seigneur comme tout
garçon premier né. Cette consécration annonce le don de Jésus par amour de Dieu et des
hommes et l’offrande suprême de la Croix.
Cette journée a donc une importance particulière pour toute personne consacrée, qui,
inspirée par le don bouleversant du Christ, aspire à son tour à donner sa vie pour marcher
à sa suite.
Mais puisque c’est le baptême qui, avant tout, nous consacre au Christ, cette fête a aussi
un sens pour chaque chrétien. Tous nous sommes appelés à nous donner à Dieu dans les
responsabilités que nous vivons.
Quand je relis ce récit de la présentation dans le Temple de Jérusalem, je remarque une
première chose : la place de l'Esprit saint. C’est lui qui pousse Siméon vers le Temple et
lui révèle Le Christ.
L'Esprit est à la racine de la vie chrétienne et nous ouvre au Christ. Il fait de nous des
« chrétiens », c’est à dire des personnes reliées au Christ, au Messie en qui se trouve la
plénitude des dons de l’Esprit et qui nous les communique.
S’il n’y a pas de vie chrétienne sans invocation de l’Esprit saint, il n’y a pas non plus de vie
religieuse, de vie communautaire sans vie dans l’Esprit saint.
Si l’Esprit saint a consacré Jésus, c’est lui aussi qui consacre la sœur, le frère qui répond
à son appel pour vivre dans une communauté fraternelle. Chaque personne consacrée
l’est dans LE consacré par excellence : le Christ, le Messie, l’oint de l’Esprit saint.
Dans le temple de Jérusalem, ce jour-là, il y avait une petite communauté habitée par
l’Esprit saint : Marie et Joseph, Siméon et Anne. Quatre personnes qui ne se sont pas
choisies. Quatre personnes d’âges différents, de provenances diverses. Ces quatre
personnes pauvres, obéissantes à la Parole de Dieu et vivant dans la chasteté constituent
déjà une petite communauté, prototype, en quelque sorte, des communautés religieuses
des 2000 années qui suivront.
Les communautés religieuses qui existent aujourd’hui dans notre canton leur ressemblent
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un peu. Certaines sont plus grandes, mais la plupart sont composées de 3 à 5 personnes.
Elles sont très différentes les unes des autres, avec des charismes et des vocations
divers. Pourtant toutes ont quelque chose en commun, ou plutôt quelqu’un en commun.
Ce quelqu’un est Jésus au milieu d’elles, comme Jésus était présent au milieu de Marie et
Joseph, Siméon et Anne.
Siméon et Anne n’ont pas rencontré le Christ seul mais à travers d'autres. Il en est de
même aujourd’hui, c’est à travers nos frères et sœurs, à travers la communauté que nous
pouvons rencontrer le Christ.
Le frère, la sœur ne sont pas un obstacle pour entrer en communion avec Dieu. Ils sont au
contraire un chemin, une grâce à travers lesquelles le Christ vient à moi.
Et dans la mesure où le Christ habite au milieu d’elle - et il y habite plus ou moins
fortement, à la mesure de la force de notre prière et de la radicalité de notre consécration
– la communauté fraternelle peut être un ferment de renouveau, de dynamisme intérieur,
de créativité. Elle peut devenir une réponse aux nouveaux défis, comme elle a relevé les
défis de 2'000 ans de christianisme.
Le mouvement monastique au 4e siècle a été invitation pressante à retrouver le
radicalisme évangélique dans un temps de relâchement.
Les abbayes bénédictines ont été des points de références pour la renaissance civile et
religieuse suite à l’écroulement du monde romain.
Le mouvement des ordres mendiants a constitué un rappel des idéaux évangéliques.
Le mouvement des diaconesses au 19e siècle, qui a touché toutes les Eglises
protestantes et d’où est issue la communauté de Saint Loup, a été une réponse au besoin
diaconal du 19e siècle, comme les communautés de vie apostolique dans l’Eglise
catholique.
Au 20e siècle, la fondation de communauté à vocation œcuménique, comme celle de
Taizé et le surgissement de nouveaux mouvements spirituels ont été une réponse à un
fort appel à la réconciliation. Sans parler de l’extraordinaire renouveau de la vie
monastique dans l’orthodoxie, en particulier en Europe de l’est.
Toute l’histoire de la vie consacrée peut être lue comme une succession d’interventions de
l’Esprit qui guide son Eglise dans la compréhension de sa Parole et de son actualisation.
A travers leurs fondateurs – instruments de l’Esprit – la Parole de Dieu répond aux
exigences de leur temps.
Dans la crise que traverse la vie religieuse en Occident, quel rôle conserve-t-elle ?
Saura-t-elle encore planter les semences de l’Evangile, répondre aux besoins de
l’humanité actuelle ?
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Nous pouvons présumer que l’Esprit a préparé sa réponse pour rencontrer les besoins
d’aujourd’hui.
Quelles sont les aspirations aujourd’hui ? Je vois deux aspirations fondamentales, qui
pourraient paraître contradictoires, mais qui en fait s’appellent l’une l’autre.
D’abord une aspiration à une identité profonde, à la liberté, à l’autonomie légitime, à
l’indépendance.
Puis une aspiration à une vraie communion à l’affranchissement de toute forme de
servitude, à une paix juste entre les peuples, à une réconciliation avec la nature.
Ce désir d’unité est un signe des temps
D’une part, on assiste à la désintégration des structures sociales traditionnelles causées
par la mondialisation et l’urbanisation, le déracinement de beaucoup, les crises d’identité,
le manque d’orientation. A l’heure de la communication, l’homme expérimente comme
jamais l’incommunicabilité, l’isolement, la démotivation.
D’autre part, on voit un fort désir de surmonter les fractures, une aspiration à une vraie de
réconciliation. C’est un motif essentiel de notre société. Paradoxalement le désir de
communion est inversement proportionnel à la réalité de la division et de la solitude.
On recherche aujourd’hui une identité qui ne se replie pas dans l’individualisme égoïste,
mais qui s’ouvre à la rencontre avec les autres réalités sociales, une unité respectueuse
des différences, une harmonie des relations où unité et distinction sont des paramètres
fondamentaux.
Unité et liberté sont les deux dimensions essentielles du vivre humain. Or dans le Dieu
trinitaire, unité, distinction et liberté sont réunies. Chaque personne vit pour l’autre et
reçoit l’autre dans l’amour. L’humanité trouve là son modèle. Elle est créée à l’image d’un
Dieu amour, qui donne et reçoit, vit l’unité dans la liberté et la diversité.
L’oecuménisme révèle ce désir d’unité, ainsi que les rencontres entre les grandes
religions, tout comme la création de multiples organismes internationaux politiques,
sociaux ou économiques. Notre époque est aussi traversée par un grand désir de
communication. Internet et les nouveaux réseaux sociaux en témoignent.
La réponse de l’Esprit au désir d’unité
Le même Esprit qui a mis dans le cœur de l’homme le désir d’unité, a mis dans l’Eglise de
nouveaux dynamismes de communion. C’est une stratégie divine.
Il guide l’Eglise à redécouvrir et à vivre le mystère de la communion, qui constitue sa
nature profonde. Il la rend ainsi capable de répondre aux attentes de l’humanité
d’aujourd’hui.
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Les chrétiens on redécouvert l’Eglise corps du Christ, communion, peuple de Dieu.
L’ecclésiologie de communion, qui était au cœur de la pensée de la Réforme protestante,
est devenue l’idée principale du concile Vatican II dans l’Eglise catholique. Communion
(Koinonia) est aussi le terme central de la théologie œcuménique actuelle.
Les exemples de la petite communauté dans le Temple lors de la présentation de Jésus,
de celle de Nazareth durant la vie cachée de Jésus et de la première communauté de
Jérusalem brillent devant nous.
A chaque époque le S. Esprit a suscité les charismes nécessaires pour répondre aux défis
des temps. Aujourd’hui la floraison des nouvelles communautés et mouvements
ecclésiaux en est une des expressions les plus tangibles.
Les religieux et les religieuses, du fait de la dimension communautaire de leur vie, sont les
premiers à devoir rester à l’écoute de ce que l’Esprit dit à l’Eglise. Le souffle charismatique
dans l’expérience vécue par le fondateur doit continuer à vibrer à l’unisson avec le souffle
qui anime aujourd’hui l’Eglise.
La communauté religieuse, réponse aux signes des temps
En répondant au souffle de l’Esprit, la communauté peut devenir un lieu de communion,
de réconciliation, de réalisation pleine de la personne, un paradigme de la convivialité
animée par les valeurs de l’Evangile, où « tous sont un en Christ » (Gal. 3, 28). Elle est
appelée à rendre visible la communion ecclésiale. Elle est une « parabole de la
communauté », comme aimait à le dire le frère Roger de Taizé, qui écrivait : « Depuis ma
jeunesse, je pense que jamais ne m’a quitté l’intuition qu’une vie de communauté
pouvait être un signe que Dieu est amour, et amour seulement.
Peu à peu montait en moi la conviction qu’il était essentiel de créer une
communauté avec des hommes décidés à donner toute leur vie, et qui cherchent
à se comprendre et à se réconcilier toujours : une communauté où la bonté du
cœur et la simplicité seraient au centre de tout. » (Frère Roger, Dieu ne peut
qu’aimer, p. 40)
Cette redécouverte de la dimension profonde de la communauté, dans l’écoute de ce que
l’Esprit dit à l’Eglise, sera un chemin privilégié du renouvellement de la vie religieuse, alors
qu’elle traverse en Europe une crise sans précédent.
Le renouveau de la vie religieuse vient d’un retour au radicalisme évangélique, au cœur
de l’Evangile, qui est le commandement nouveau, à la réciprocité comme participation à la
communion trinitaire. Dans la communion fraternelle tout grandit et mûrit car ubi caritas et
amor, Deus ibi est : la où sont amour et charité, là Dieu est présent.
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Pour cela il faut prendre du temps pour se rencontrer, s’écouter, se connaître en
profondeur pour se reconnaître. Avant tout projet diaconal, de témoignage ou de
formation, il faut chercher la communion entre nous, ouvrir son cœur à l’autre, croiser les
mains pour prier ensemble, méditer ensemble la Parole par la lectio divina et partager les
inspirations de l’Esprit.
Par cette recherche de communion, la communauté religieuse donne un témoignage non
seulement à l’Eglise mais aussi à la société, en cherchant la paix, en surmontant les
difficultés provenant de la diversité des intérêts, des générations, des races et des
cultures.
Les religieuses et religieux doivent, à leur tour, se laisser interpeller par ces signes des
temps, par ce désir d’unité présent dans le monde et l’Eglise. Ils pourront être conduits à
de nouvelles formes de vie communautaire.
Les chrétiens pourront alors rencontrer en eux des personnes de communion, qui se
réalisent, sont ouvertes et joyeuses, parce qu’elles essayent de surmonter les multiples
barrières qui séparent les hommes entre eux.
Laissons-nous donc interpeller par ces signes des temps !
Reconnaissons la mission prophétique de la communauté religieuse !
Participons, chacun à notre niveau et dans notre état de vie, au projet de communion
auquel l’Esprit saint nous appelle !
Seigneur, comme Siméon et Anne t’ont pris dans leurs bras, que nous t’accueillons dès le
matin et jusqu’au soir dans la prière et la rencontre avec nos frères et sœurs. Qu’en tout
nous vivions tes paroles qui contiennent un seul appel à la miséricorde !
Comme tu as grandis au milieu de Marie et Joseph, viens grandir au milieu de nous ! Alors
nous aussi nous grandirons en force et sagesse, en discernement et connaissance. Et
grandiront aussi l’amitié entre nous et l’élan envers tous.
En cette fête de la vie consacrée, avec Marie et Joseph, Siméon et Anne, petite
communauté où tu es présent, viens au milieu de nous et fais croître notre communion.
Nous regardons à toi, Trinité sainte, communion d’amour, pour recevoir de toi le don de la
communion. Nous t’implorons par nos prières, afin que tu nous donnes ton regard de
miséricorde.
Oui, Seigneur, nous te prenons dans nos bras pour prier ta Parole de vie, rompre la Pain
de l’amitié et habiter en paix avec tous.
Martin Hoegger [email protected]
Saint Loup, 2 février 2014.
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