de feuillus nobles en plantation après 15 à 18 ans

Transcription

de feuillus nobles en plantation après 15 à 18 ans
aménagement forestier
de feuillus nobles en
plantation après 15 à 18 ans
Tout au long de ma carrière d’ingénieur forestier, j’ai réalisé que la place réservée aux plantations de feuillus
était négligeable au Québec et que tout semblait se dérouler autour des résineux. Selon les statistiques du
ministère des Ressources naturelles et de la Faune en 2011, il s’est ensemencé 2 619 000 plants feuillus,
incluant 907 000 peupliers hybrides (PEH) et 153 540 000 plants résineux au Québec (Jean Gagnon, com.
pers. 2011). Cette production de feuillus me parait trop faible. En aout 1992, j’ai eu la chance d’acquérir une
propriété forestière de 18 hectares (ha) dans le comté de Bellechasse dont la tenure se compose d’environ
15 ha de forêt et 3 ha de vieilles friches abandonnées.
par claude fortin, ing.f.
Dans mes temps libres, j’ai donc décidé de créer sur ma
terre un arboretum (arbres pouvant atteindre 10 m et
plus) de toutes les espèces indigènes du Québec. Présentement, il se compose de 53 espèces indigènes et de
40 espèces exotiques. Ceci dans le but de montrer que toutes
ces espèces peuvent pousser dans cette région et de vérifier leur
potentiel de croissance et leur développement. Cet article présente
les résultats du mesurage de la croissance (hauteur, diamètre
à hauteur de poitrine et longueur du tronc libre de branches) de
dix essences feuillues 15 à 18 ans après leur mise en terre.
Mon lot est situé dans la municipalité de Saint-Raphaël de
Bellechasse (latitude : 46°47’N longitude : 70° 42’O) à une altitude
de 220 mètres. Selon la nouvelle nomenclature du système des
unités homogènes du Québec méridional (Grondin et coll.. 2007),
mon terrain ce situe dans l’unité FOTt3a.
Description des friches reboisées et production des semis
Les friches arbustives sont âgées d’environ trente ans et elles sont réparties
en ilots de moins d’un hectare à travers la forêt mélangée. La composition
floristique se compose principalement par ordre d’importance de : cornouillers
stolonifères, ronces, amélanchiers glabres, cerisiers de Virginie et de
Pennsylvanie, aulnes rugueux et érables rouges.
Il faut distinguer deux catégories de plants, la première, des plants à
racines nues âgés de trois ans, qui sont : les caryers ovale et cordiforme, les
chênes blanc et pédonculé (anglais). Lors de la plantation, la hauteur moyenne
des caryers était inférieure à 1 m et celle des chênes d’environ 1 m. Quant
aux plants des autres essences feuillues, ils furent produits en récipients sur
deux ans chez moi, la première année en Styrobloc 28-340 et transplantés
le printemps suivant en pots carrés de trois litres. La hauteur moyenne était
d’environ 1 m au moment du reboisement. Il faut noter que tous ces arbres
proviennent de graines non sélectionnées ou améliorées génétiquement.
1 800 463-4862
www.cardinalsaw.com
Distributeur exclusif des équipements
Morbark pour l’Est du Canada
Hiver
2012
Progrès
14
Forestier
Source : Crusier
Croissance et développement
Frêne blanc de 11 ans
Chêne blanc de 14 ans
La préparation du terrain, établissement et entretien de la plantation
La plantation a été faite par trouée en laissant les espèces compagnes. Avec une débroussailleuse,
j’enlevais sur un diamètre d’environ 2 m toute la végétation et par la suite, je creusais un trou
d’environ 30 cm de profondeur par 30 cm de diamètre. L’espacement entre les plants varie de
5 à 8 m. Le choix de l’essence se faisait en fonction du drainage. Avant la mise en terre, les plants
en pots étaient fertilisés jusqu’à saturation avec une solution de 15-30-15 (N-P-K) à raison d’un
gramme par litre. Au printemps de la deuxième et de la troisième saison, j’ai appliqué environ
100 g de 21-7-7 dont 25 % de l’azote (N) était sous la forme d’urée enrobée de soufre pour permettre une libération lente. Chaque automne, un protecteur spiralé est placé sur le tronc et retiré
au printemps, pour les protéger des rongeurs, et ce, jusqu’à ce que le diamètre au collet atteigne
environ 10 cm. Après 18 ans, les dégâts sont presque nuls. Les dégâts causés par les lièvres sont
plus élevés, mais les plants feuillus rejettent
facilement (production de rejets de souche) et
poursuivent leur croissance. La population de
cerfs de Virginie est bon an mal an d’environ
six à huit bêtes et leur broutage ne cause pas
de dégâts majeurs. Les pires dégâts ne sont pas
en quantités, mais en sévérités, ils sont causés
par les chevreuils mâles en période de rut, qui
avec leur panache annellent l’arbre ou le casse
tout simplement. Les espèces les plus touchées
sont par ordre d’importance : le tilleul, le pin
blanc, les autres pins et le chêne rouge. Les
arbres attaqués ont plus ou moins 2 m. La perte
est d’environ un arbre par année. Quelques
rares plants survivent : ceux ayant été annelés
que partiellement ou produisent des rejets de
souches. Concernant le taux de mortalité, je ne
peux pas le quantifier, car je n’ai pas enregistré
les pertes, mais je le considère très faible. La
taille de formation et l’élagage s’effectuent
au début mai, sauf les noyers qui se font à la
mi-juin. Au début du mois de juillet, je dégage
les semis pour que leurs cimes soient toujours
au soleil, et cela jusqu’à ce que la canopée soit
libérée des espèces concurrentes.
The mark of responsible forestry
Issu de forêts bien gérées
SW-COC-003559
©1996 Forest Stewardship Council
C.A. SPENCER INC.
Un inventaire de 5 000 000 de PMP de bois séchés d’essences variées disponibles
en tout temps. Mise à jour quotidienne sur Internet caspencer.ca
Nous sommes acheteurs de billots de bois francs pour nos divisions scieries :
Bois Hunting inc.
Lennoxville (Québec) J1M 1Z3
819 562-8202
Scierie Carrière Ltée
Lachute (Québec) J8H 3Y1
450 562-8578
COUR DE DISTRIBUTION, SÉCHOIRS
2930, boul. Dagenais Ouest, Laval (Québec) H7P 1T2
Téléphone : 450 622-2420 1-800-361-0789
Internet : http//www.caspencer.ca
Fax : 450 628-2632
courriel : [email protected]
Hiver
2012
Progrès
15
Une source fiable pour
l’approvisionnement de
bois francs de qualité
depuis 1908 !
Merci à tous nos clients
et fournisseurs pour
le support durant
toutes ces années.
Forestier
Tableau 1. Croissance de dix essences feuillues 15 à 18 ans après leurs mises en terre sur un site
privé du comté de Bellechasse.
Essence
Année de mesure
après la plantation
hauteur
(m)
Diamètre à hauteur
de poitrine (cm)
Longueur de tronc
sans branches (m)
18
18
15
15
18
18
17
18
17
18
7,6 ± 0,6
7,4 ± 1,2
10,1 ± 0,8
11,0 ± 0,7
9,9 ± 0,4
11,8 ± 0,8
10,5 ± 0,9
10,9 ± 0,8
10,5 ± 0,7
12,9 ± 1,0
9 ± 2,3
9 ± 1,1
15 ± 1,1
17 ± 3,6
16 ± 3,3
17 ± 2,3
19 ± 2,3
16 ± 1,3
17 ± 2,3
20 ± 1,7
2,3 ± 0,2
2,7 ± 0,4
3,8 ± 0,4
4,3 ± 0,6
3,3 ± 0,4
4,5 ± 0,7
4,0 ± 0,7
4,2 ± 0,3
3,9 ± 0,4
3,9 ± 0,3
Caryer cordiforme1
Caryer ovale1
Frêne blanc2
Frêne rouge2
Noyer noir2
Cerisier tardif2
Chêne blanc1
Chêne à gros fruits2
Chêne pédonculé1
Chêne rouge2
Moyennes et écarts-types de cinq arbres par essence (n=5).
1
Plants produits à racines nues.
2
Plants produits en pots de 3 litres.
Le mesurage de la plantation
Pour chacune des dix essences feuillues (huit indigènes et deux exotiques), la croissance des arbres a été mesurée sur les cinq individus
les plus performants, 15 à 18 ans après la plantation. Les paramètres
mesurés sont la hauteur en mètre, le diamètre à hauteur de poitrine
(DHP) en centimètre et la longueur du tronc libre de branches en mètre,
ce qui représente le futur bois de sciage et de déroulage sans nœud.
Les hauteurs ont été mesurées avec une perche télescopique de 11 m
et le diamètre avec un pied à coulisse. Pour les arbres de plus de 11 m,
nous avons élevé l’instrument jusqu’au sommet de l’arbre, puis marqué
sur le tronc l’endroit où se situait la base de la perche, pour ensuite
mesurer la longueur entre la marque et le bas de l’arbre. Les mesures
furent prises le 9 mai 2011 avant le débourrement des arbres et les
résultats des mesures prises 15 à 18 ans après le reboisement sont
présentés dans le tableau 1.
Résultats et discussion
Pour la majorité des dix espèces mesurées, les résultats sont très éloquents. Les quatre espèces de chêne, le cerisier tardif et les frênes ont
une hauteur moyenne de plus de 10 m avec un DHP de 15 cm et plus.
La hauteur moyenne des chênes rouges est de 12,9 m avec un DHP de
20 cm après 18 ans. La longueur de tronc sans branche est déjà d’une
grume de déroulage et presque deux pour quelques espèces. Cela
s’explique par la taille et l’élagage qui ont été effectués régulièrement.
Les caryers, essences poussant beaucoup plus au sud, ont atteint 7,4 m
de hauteur moyenne, il faut noter que l’implantation du système
racinaire de ce genre prend cinq à six ans avant une bonne reprise de
la croissance en hauteur. Cette période est d’environ deux à trois ans
pour les autres essences feuillues. Une autre essence plus méridionale,
le chêne blanc à atteint une hauteur moyenne de 10,5 m et 19 cm de
DHP moyen. Pour ce qui est du chêne pédonculé (anglais), une espèce
d’Europe introduite au Québec, il s’est bien d’adapté ici puisqu’il a
atteint une hauteur moyenne de 10,5 m avec un DHP moyen de 17 cm.
Quant au noyer noir, il démontre une bonne croissance, j’ai remarqué
une grande sensibilité au Nectria spp., une sélection de génotypes
résistants à cette pathologie serait à réaliser.
The mark of responsible forestry
Issu de forêts bien gérées
SW-COC-004823
SW-CW-004823
©1996 Forest Stewardship Council
Acheteur de billots de bois franc,
sapin, épinette, pruche,
pin blanc, pin rouge.
Voyage mélangé accepté.
Pour la liste des prix, communiquez avec :
André Sévigny, président
Gilles Larivière, d. g.
Francis Boulay, vendeur
tél. : 450 266-1480
téléc. : 450 263-6444
15, chemin West-Brome
Ville de Lac Brome
J0E 2P0
Hiver
2012
Progrès
16
Forestier
réussi à affaiblir certains mythes sur la croissance des feuillus nobles en plantation dans
des régions non ciblées du Québec.
Remerciements
Chêne rouge de 15 ans
Friche avec un chêne pédonculé 3 ans après
la plantation
Recommandations et conclusion
J’ai effectué ce travail par plaisir et par intérêt personnel, car je voulais démontrer que la croissance des feuillus nobles pouvait donner de bons résultats dans une région autre que celles du
sud-ouest du Québec, en plantant des semis de gros gabarit. Selon moi, il serait souhaitable
d’augmenter la quantité de plants de feuillus nobles mis en terre au Québec. J’en profite pour
solliciter une reprise de la recherche sur les feuillus nobles, car elle s’est effritée année après
année. Redémarrer un programme d’amélioration génétique et développer une technique de
production de plants feuillus de fortes dimensions (PFD) et revoir les méthodes de préparation
de terrain et de plantation seraient des atouts. En espérant avoir suscité un intérêt nouveau et
Hiver
2012
Progrès
17
Forestier
Je voudrais remercier M. Louis Parrot, Ph.D.,
pour ses conseils, pour nos échanges, nos
discussions sur le sujet et pour m’avoir
fourni les caryers et les chênes blancs. J’en
profite aussi pour remercier Patrick Lupien,
ing. f., avec qui j’ai eu beaucoup de plaisirs à
échanger, de son passage comme étudiant à
la Faculté de foresterie, de géographie et de
géomatique (Université Laval) à aujourd’hui.
Je veux souligner tout le travail qu’il accomplit
pour promouvoir le reboisement des feuillus
nobles, incluant ses magnifiques guides sur la
sylviculture des feuillus. Je tiens aussi à remercier Jean Gagnon, ing. f., M. Sc., chercheur à
la Direction de la recherche forestière (DRF)
du ministère des Ressources naturelles et de
la Faune, pour la révision de ce texte et pour
ses commentaires judicieux.
Source : Claude Fortin, ing. f., retraité du
Centre d’étude de la forêt, Université Laval.

Documents pareils