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De main d’homme ? Concours Fémis 2007 Dossier personnel d’enquête Thème : la main INTRODUCTION 5 LE MIME 7 LE PEINTRE 12 L’INFOGRAPHISTE 20 CONCLUSION 27 NOTES & BIBLIOGRAPHIE 28 C’est avec beaucoup de joie que j’ai découvert en mars les thèmes du concours. Beaucoup de joie, mais aussi de découragement face à l’ampleur des possibilités de chaque thème. Chacun de ceux à qui j’en parlais, ami, professionnel de domaines divers, ou anciens professeurs, me renvoyait à de nouveaux sujets, de nouvelles pistes, de nouveaux contacts. Des pistes tantôt culturelles, tantôt scientifiques, ou d’autres plus terre à terre, m’étaient constamment proposées. Je suis alors revenu sur la consigne principale de ce dossier : réaliser un dossier personnel d’enquête. J’avais eu très tôt, peut-être même à la première lecture des thèmes, une préférence pour celui de la main, chargée de symboles et l’un des principaux membres de notre corps, celui qui a permis à l’homme d’évoluer (en bien ou en mal). Laissant donc de côté les pistes que j’avais accumulées jusqu’ici, je me suis demandé ce que la main représentait pour moi. Champ toujours trop large, je l’ai resserré jusqu’à établir le parallèle avec ce que je suis, grâce à trois des principales formations que j’ai pu suivre, à savoir : les Arts du Cirque, les Arts graphiques et l’une de ses évolutions technologiques, l’infographie. Quelle est donc, dans ces trois domaines, la part de la main de l’artiste ? Ce travail est-il toujours un travail de main d’homme ? Pour le cirque je me suis interessé à deux spécialités qui jouent beaucoup des mains : le magicien et le mime. Après plusieurs démarches, c’est un mime que j’ai pu, finalement, rencontrer. Quant aux Arts graphiques, de par ma récente formation, je disposais de nombreux contacts, mais, ne souhaitant pas me cantonner aux Arts dits appliqués, j’ai cherché à rencontrer un artiste contemporain. Grâce à un proche, j’ai pu rencontrer un peintre espagnol. Pour l’infographiste, la démarche était similaire : je ne souhaitais pas rencontrer un éxécutant de la 3D travaillant pour le cinéma ou pour les jeux-vidéo, mais quelqu’un qui aurait un rapport, disons, plus intellectuel avec cet outil. Voici le fruit de ces rencontres et de ma réflexion. PAGES DE TEXTE : 13 PAGES DE VISUELS :11 INTRODUCTION Pour ma première rencontre j’ai pris contact avec un mime. Il me donne rendez-vous un dimanche en soirée, mais quand j’arrive il a monté un spectacle dans la cour de son immeuble. Ce jour là, c’est le 24 mars, fête de l’Arbre à Paris. A cette occasion il souhaite planter un arbre dans l’ancien emplacement d’un maronnier, bétonné depuis. Avec la musique à fond, Renaud, le Cirque du Soleil, et d’autres, il monte toute une histoire. Il me racontera plus tard qu’il avait quelques comptes à régler avec ses voisins. Voilà qui serait bien tombé pour un autre thème. Et la soirée s’est déroulée, entre improvisation théâtrale, mime, et séance de marteau-pneumatique, pour faire le trou destiné à accueillir un bonzaï. La cérémonie de l’Arbre s’étant achevée trop tard, l’entretien ne s’est pas fait, et je reprends rendez-vous, un autre jour, plus calme, pour m’entretenir avec lui du rôle de la main chez les mimes. Je rencontre donc Tino Trampoli, chez lui, une fin de matinée. Naturel, sans maquillage, il prend rapidement la parole tout en buvant un café. Morceaux choisis : LE MIME “ Le thème d’aujourd’hui c’est les mains. Des mains d’hommes. J’ai envie de vous dire un peu ce que me disait mon maître, monsieur Jacques Lecoq. Il disait : « regardez, la première empreinte, ça à été le moi ». Pour l’animal qu’était le premier Homme, la preuve de son identité, de son existence, a été la main. Main sur laquelle il a soufflé pour marquer les parois des cavernes dans lesquelles il vivait. Ces mains c’est le début créateur , c’est la main mise, c’est le toucher, c’est la main de l’acte, la main de l’écriture, la main qui juge, la main qui frappe, la main qui tue, la main qui soigne; c’est la main qui transmet dans la création de David l’Energie Créatrice. Mais cette même main marque aussi la fin, le final. Les sentiments, les émotions prennent corps dans notre coeur, dans nos tripes, mais ils s’expriment à travers nos mains, sans réfléchir. Nos mains qui se crispent, qui s’élèvent devant notre visage pour nous protéger d’un mauvais coup. Les mains qui accentuent nos dires. A chaque situation correspond une position des mains précise, qui accentue la compréhenssion. Mais en ce qui me concerne, en tant que mime, ou que clown, je ne m’intéresse pas au tact. Même s’il faut, quand on travaille, avoir le souvenir du tact du support : si je mime que je suis à un comptoir, il y a la dureté du lieu, et disons une relaxation de la main, puisque je suis devant un comptoir sur lequel je bois mon verre d’eau, et je le pose. Et regardez, quand je le prends et je le pose, la main exécute son véritable objectif : mettre l’accent sur l’acte de translation d’un objet. Et ce n’est pas anodin! C’est très très important : quand je saisis mon verre, il doit y avoir un moment dans lequel l’accent, due à la réponse de l’objet sur la main, son poids, est vu et senti par le public. Si je coupe une fleur le public doit voir la fleur. Il faut que le tact parle de la qualité de l’objet. Les mains c’est aussi un monde de souvenirs, c’est l’illustration de l’arbre qui pousse, de l’oiseau qui vole, de l’horizon lointain. Revenons sur la notion d’accent, de décomposition du mouvement. Quand on fait le robot... il n’y a toujours... qu’une seule chose... qui bouge.. à la fois. Et c’est dans les terminaisons, les bras et les jambes, que ça se joue. Le mouvement part de l’intérieur, il est nourrit par l’esprit de l’artiste, et ça sera dans ses mains qu’il pourra se concrétiser, qu’il pourra s’arrêter. Si cet arrêt est juste, si cet arrêt à défini, ou défini un lieu dans l’espace, le spectateur entrera dans cet univers à travers le geste des mains. Un mime qui n’aurait pas de mains, ça serait comme un chanteur sans cordes vocales. Le mime, quand il crée un espace, il le définit avec ses mains (la boite invisible), peut le découper, faire un trou pour en sortir, mais il le respecte avec ses mains. Cet espace, pour ce qui est de la construction de l’artiste, l’espace du jeu (ou du je), existe dans le conscient dans ce qu’on appelle la boule d’existence. Cette boule d’existence est un lieu irréel qui est protégé par les pieds et les mains, et à tout moment en présence de l’autre, je lui donne des indications. Si je me montre avec les mains arrondies, je montre pattes blanches, « je te connais mon frère », « je vous pardonne », c’est la main du prêtre, parce que Dieu avec tant de générosité, crée à l’image de l’homme, par l’homme, donne la pitance. Et c’est sur cette verticalité, Dieu le pouvoir vertical, et vous et nous, les clowns, que se construit un autre personnage de notre culture : le bouffon, qui est lui, observé et éclairé par la main du pouvoir. C’est ce doigt accusateur, ce doigt dont je vous parlais, le doigt de la justice, la main du jugement. Mais se sont les mains aussi de l’homme qui travaillent la terre et qui donnent des formes à cette terre, qui une fois cuite, sera la source, le support, de notre nourriture. Et encore les mains, quand elles sont opposées à la lumière deviennent des monstres terribles capables de bouffer le monde (ombres chinoises). Et c’est toujours les mains qui apportent au jeu intérieur du comédien la résonance de son jeu, la résonance de ses actes. Quand on est devant le juge, on met, humblement, les mains derrière le dos, pour avoir simplement une histoire à raconter, et jamais une histoire à prouver, ça c’est le travail du procureur et de l’avocat. Le juge prendra une position plus équilibrée, pendant que les avocats vont essayer d’exprimer, avec de grands gestes theatraux, les vraies raisons pour lesquelles ce généreux individu a tué sa mère, son père sa femme, la mère de sa femme et les deux enfants d’un précèdent mariage. Mais je voudrais aussi parler des gens qui grâce à ces mains, à des gestes précis, ont crée le langage des sourds muets. Ce sont encore les mains qui viennent remplacer la parole, ces mains qui ont crée, pour la postérité, la littérature des dieux, et des personnages fantastiques, qui ont rédigé l’Histoire. Qui ont fait le scribe du pharaon, dans les temps de l’antiquité égyptienne. On pourrait d’ailleurs considérer la latéralité des positions egyptiennes, sur les fresques, comme un travail de pantomime. Et là on rentre dans une autre catégorie du mime : raconter des histoire à travers le corps. Genre, aidé de pièces musicales, très rependu à la fin du XVIIIe, en Europe, et plus précisément en France. Il y a toujours la technique, même chez nous. Je veux dire, un calligraphe est un mime; un policier de la circulation est un mime, et utilise les mains comme objet définitoire. Un agent siffle, d’accord; mais si tu es dans ta musique, dans ta voiture, tu n’entends rien, tu ne l’entends pas siffler. Quand il se tourne et fait halte avec la main, même si personne n’a entendu siffler, tout le monde s’arrête. Quand il fait un geste de la main, ou se met de coté, et qu’il donne la priorité aux mecs qui viennent derrière, il ne regarde pas si les mecs vont lui rentrer dedans, il met sa main sur la gauche et il sait que les gens qui viennent derrière vont tourner à gauche. Et c’est une convention, comme est la convention au théâtre. J’ai vu récemment un reportage sur une tribus africaine primitive, où les hommes chassent ensemble, où chacun à sa fonction et qui traquent une espèce d’antilope à l’usure. La lance n’intervient qu’à la fin, pour éviter une longue agonie de l’animal après avoir courue plus de 14 heures sans pouvoir s’arrêter. Ces chasseurs courent dans la savane en faisant des gestes précis de la main, et peuvent se dire « l’animal à traversé », « ces traces sont celles ci », « attention parce qu’il y a deux femelles qui courent dans l’autre sens ». Et tout ça se passe à une distance de 20 ou 30 mètres, 5 chasseurs balayent un terrain large de 100m. Et cette gestuelle, et cette façon de courir en profitant de la réfrigération de la paume à l’extérieur en caressant le vent, devient une danse, d’une qualité phénoménale dans laquelle les mains donnent des codes. Au même niveau, d’ailleurs, que les oreilles pointues du puma, qui, lorsqu’elles sont un peu plus en arrière ou un peu plus en avant, permet de communiquer avec sa femelle, à chaque instant, sans faire un son; informer l’autre partenaire du moment de l’attaque, ou lui faire savoir qu’il à trouvé un chemin odorant. Je voudrais parler de Marcel Marceau. Ce monsieur est un saint, un intouchable, et d’une qualité... Il a un numéro, qui est la « naissance du monde » [il me le mime], c’est un régal. C’est toute une évolution à partir d’une position foetale, en arrière embrassé sur lui même, jusqu’à l’explosion totale du cosmos, et tu es vraiment dedans. Créer des univers, les ramener, les réduire, pouvoir les faire disparaître, les récupérer, leur donner un sens, est le travail du mimodrame, du mime moderne, qui peut utiliser toutes les techniques qui sont autour de sa façon de jouer et de sa façon de faire : incorporer les mots, les sons, les onomatopées, et faire un travail des mains de disons... comme une direction orchestrale : un travail de rythme, d’expression et de création d’un espace. (Il imite alors un chef d’orchestre jouant Beethoven, tapant sur son pupitre puis créant un espace musical.) Comment réduire le champ d’action de ces mains d’hommes, et comment ramener du global, de l’universel, au concret, pour expliquer le sens de ces gestes? Gestes concentrés dans la partie la plus sensible de notre corps : les mains, dans lesquelles il y a le plus de terminaisons nerveuses, le plus d’os, de nerfs ou de tendons, que dans la plupart du reste du corps humain. Elle accumule de plus d’éléments sensitifs, car c’est la première qui va pouvoir apporter le plus d’informations de ce qui est à distance, qui peut être dangereux, peut être comestible, ou qui peut être agréable. Avec une complexité extrême, et un pouce opposé qui nous permet de saisir, de prendre, de pousser, de tirer. Dans toutes ces actions de l’homme (pousser tirer toucher, donner, enlever) les gestes que les mains exécutent définissent, dans beaucoup de cas, si, ce qui est dit, est reçu comme vrai inquiètes car elles ne vont aller nul part, car elles ne vont rien recréer. Mais ils ont sur leurs mains la signature d’une vie. Ce sont des mains qui parfois créent des conflits, qui sont hostiles et agressives. Ce sont les mains de la provocation, de la peur et de la protection. Du supplice, du pardon à Dieu, ou peut-être les mains du Malin, en train d’attraper le cou et de serrer jusqu’à la mort. Ces mains qui ont tué ou qui ont caressé. Pour finir j’aimerais dire que ces mains, mes mains, et je ne suis pas peintre, pas écrivain, artisan ou ouvrier, ce sont ces mains qui ont crée ma vie, à qui je dois tout ce que je sais et ce que je fais. J’aimerais faire preuve de reconnaissance envers la valeur de mes professeurs, et la force de personnalité de monsieur Marcel Marceau. Il a crée une sorte de mime silencieux très particulier, mais d’une énorme qualité technique, qui est un travail sur les papillons, sur les méduses, sur les mains créatrices de vie. Il inspire énormément de gens de ma génération et a aussi été traité en études par notre maître, monsieur Jacques Lecoq, que je remercie dans sa tombe pour ce qu’il nous a transmit. Et aussi à madame Annie Fratellini, qui à été professeur de notre école nationale de cirque pendant quelques années, quand j’étais moi même élève, et qui nous a transmis le goût de la pantomime, qui est un genre qui se nourrit aussi du travail des mains. J’ai voulu, dans l’exposé, concentrer mes connaissances pour te donner des références, qui ont été des références qui m’ont été transmises, que je n’ai pas découvert. Tu vois, quand je t’ai parlé du film que j’avais vu avec Etienne Ducroux, autre grand mime (en entretient préliminaire), comment le geste, précis, de prendre un verre, n’est pas anodin, car dans cette prise d’un verre, dans la façon de le traiter et de le respecter, se joue la qualité du jeu, de ce qu’on tient entre les doigts de la main. “ ou faux. Dans le discours politique, la valeur est ajoutée. C’est ce qu’on dit : quelqu’un de très expressif est quelqu’un de très convainquant. Vous verrez qu’il y a deux sortes de publicités : des lettres qui disent clairement « 5% tous crédits », pas besoin de gestes. Au moment où l’on commence à vous mentir, on va utiliser les mains, on va vous expliquer (avec de grands gestes) que « notre projet est solide », que « nos investissements sont concrets », et caetera, tout ça pour vous convaincre « d’investir votre argent, dans notre entreprise ». Je voudrais aussi vous parler du mage, du magicien. Le magicien va faire un geste important quand la réalité est ailleurs. Si je prends ce billet, même devant une caméra, regardez bien, ne perdez pas de vu le papier, et je fais : et 1, et 2... 3 .. 4! (il disparaît) . On fait croire que la réalité est dans un lieu quand celle ci est dans un autre lieu. Et ça c’est la magie, ça c’est la manipulation, ça c’est encore une autre forme de langage des mains, le passe-passe, la magie. Quand je dis manipulation, comme faire apparaître devant un public une cigarette, une carte, ou pire encore un jeu entier de cartes, c’est un travail qui peut prendre entre 15 et 20 ans. Parfois, ce qui parait évident est le résultat d’années de travail, de préparation, de recherche. Des années d’essayages, de travail devant un miroir. Des années à oublier le miroir, pour être le miroir.. qui devient les yeux de ton public, et qui te demande s’il y a justesse, ou pas, dans le geste que tu exécutes. Et que tu puisses prétendre que ton geste part de ton coeur, et qui va toucher le public dans ses yeux. Il est très important de faire la différence entre ce que le public voit et ce qui se passe, ce qui est fait de l’autre côté. C’est un peu le mythe de la caverne de Platon. Cette histoire où un ogre est tout simplement une petite figure près d’une source lumineuse qui fait un monstre sur les remparts d’un château, et qui peut faire basculer une guerre. Les mains ont tout fait. Ce sont des mains qui font accoucher et prennent la tête du bébé; des mains qui creusent, qui coupent le corps pour savoir ce qu’il y avait à l’intérieur et ce qui était la cause de la mort. C’est les mains de la création, du touché, les mains de l’amour, de la caresse, de la claque, de la percussion, de la guitare, du piano, du violon... du flamenco, du takali indien, toutes les danses asiatiques, etc. Les mains de la musique, du rythme, les mains de l’argent, du jeu, des transactions financières. Les mains des hommes... des petites mains qui construisent de grands bâtiments, des petites mains qui dessinent des petits dessins qui deviennent des grandes concrétisations, des cathédrales. Ça c’est la main de l’homme. C’est la main qui détruit aussi, qui pousse un bouton et qui fait exploser des vieilles sculptures monumentales dans une falaise en Afghanistan. Ces mêmes mains, sont les mains tendues du fasciste, les mains révolutionnaires du communisme, les mains victorieuses du pro-américain... du pouce tendu de César qui pouvait décider sur la vie d’un homme. Et aujourd’hui ce même pouce permet aux jeunes de se déplacer en autostop. Les temps ont changés, mais les mains sont toujours restées. La main est un lieu dans lequel toutes les rencontres sont possibles. Les mains des vieux, sont des mains très intéressantes, qui attendent, qui ont vécu, qui ont fait un travail, mais qui sont Ces propos étaient tous illustrés d’une gestuelle des mains très intéressante, un langage gestuel dont le texte ne peut malheureusement pas rendre l’émotion. Tino Trampoli respecte ses mains car elles sont les outils de communication et d’expression primordiales aux mimes. Tout le travail artistique passe par la maîtrise absolue de celles-ci. 10 Pour mon deuxième entretien je me rends dans le quartier Gambetta, l’un des anciens quartiers commerçants de Paris, plus précisément rue de la Chine. Manuel Montero, artiste peintre, m’y a donné rendez-vous. Il habite au dernier étage d’un immeuble, dans un petit appartement qu’il partage avec la journaliste/photographe Eve Livet (auteur, entre-autres de L’Affaire Omar : mensonges et vérités, une longue contre-enquête à propos de l’affaire Omar Raddad). Il me reçoit en tenue de peinture (simple tee shirt noir et jean blanc décousu), il est 18h, la lumière du soleil imprègne la pièce enfumée à travers les volets entre-ouverts. Il fume, et me propose assez rapidement de se mettre à réaliser quelques encres de Chine. Eve, qui est aussi son modèle, étant en déplacement, il préfère cette technique plutôt que la lourde mise en place nécessaire à l’huile. L’encre de Chine lui apporte d’autres contraintes, mais lui permet de dessiner de mémoire, selon un thème qu’il à mûrement réfléchi. Il se nourrit beaucoup d’éléments symboliques, puisés dans d’autres cultures, et dans la mythologie. Certains de ses dessins, ou toiles, peuvent prendre tout leur sens à partir d’un tout petit élément. Il va peindre pendant deux heures, différents formats. Il commence par déposer sur le papier une première couche... de lait. « C’est une sécrétion animale qui va apporter une vie au tableau », qui va évoluer ou se conserver avec lui. Il est méticuleux, réfléchit ses gestes. Tout semble se préparer dans sa tête avant l’exécution de la première ligne. Il regarde, observe, puis se lance. La première série se compose de portraits d’hôtesses de l’air, avec leur symbolique bien sûr, dans des poses sensuelles, sans être vulgaires. Il parle peu, se concentre sur ce qu’il fait. Met les dessins de côté pour bien laisser sécher l’encre (elles resteront là tout le temps de l’entrevue) pour qu’une goutte « traître » n’apparaisse pas en déplaçant la feuille. Puis, il se met à réaliser une dernière peinture, sujet sur lequel il a beaucoup réflechi depuis longtemps mais qu’il n’a jamais osé aborder. Anachronisme réfléchi : il représente Jésus, dans les Cieux, devenu Roi (avec une couronne catholique à la place d’épines) muni d’un téléphone. Il n’est pas très content de lui pour cette série. Il est 21 heures. Je lui demande si je peux lui poser quelques questions. On se met en place, l’entretient à lieu en espagnol. Je m’attaque directement au lien du peintre avec la main, du lien entre la pensée et l’organe. Il me répond que « c’est un thème qui revient dans les grands discours sur la peinture, et sur la peinture comme modèle pour tous les autres arts, comme ...mise en scène de l’acte en général,.. ». Je lui demande quelle est pour lui la part de liberté de la main face aux défauts anatomiques humains, à la volonté de la pensée. « C’est très intéressant quand tu as des gestes... Si tu te refères à la main anatomique, la main médicale, comme un élément du corps humain, c’est une gestuelle plus sensible aux... maladies. Il y a alors des mouvements, je t’en parle avec mon expérience en tant que dessinateur, des mouvements spasmodiques, qui peuvent avoir lieu, indépendants du processus du dessin, à un moment donné. Tu peux avoir un contrôle normal du tracé. Mais surtout quand tu dessines au pinceau, il y a des moments où il y a de petits 12 LE PEINTRE tremblements ou chutes... Je te le dis dans mon cas, il peut y avoir une difficulté pour le dessin. Il y a à la fois une facilité due à la pratique intensive, mais , des fois, au milieu du tracé, je dévie, comme une perte d’attention. Tu prends conscience de l’imperfection de ton oeuvre, ton oeuvre d’art. De là surgit un second état, un second moment, de ton travail avec l’art, ou tu retourne à cette main qui à une sorte d’évanouissement du mouvement. C’est quelque chose que l’on retrouve dans l’hystérie de la Vienne du début du 20e siècle où la femme s’évanouit. La main a un spasme. Il y a un deuxième travail après : toi tu es au milieu de ton dessin, et cela arrive, que ta ligne soudainement ne soit pas ce que tu étais en train de penser. Il y a donc un certain lien de l’art avec le hasard. Ce qui vient de t’arriver, ce symptôme de faute de concentration, d’imperfection dans l’oeuvre, c’est justement quelque chose qu’il faut récupérer comme l’alchimiste récupère la rosée du matin, pour accomplir une oeuvre mystérieuse. Toi tu récupère cette « hystérie », cette débilité, et tu continue à travailler, tu continue à travailler... qu’est ce qui s’est passé ? Mon nez, mon oeil, tu dessines un portrait, moi je pense toujours au modèle que je dessine dans ce portrait, ou un corps, mais disons que c’est un portrait. Et il y a une ligne qui révèle l’imperfection. Là entre tout l’artifice, toute l’astuce (“la astucia”), du peintre comme artiste, comme renard ou poulpe qui s’adapte à tout, qui change de forme, qui a des recours pour retourner la situation, une situation inattendue... il applique son intelligence et transforme à son bénéfice la situation. Cette ligne que tu avais perdue peut se transformer en... elle change d’un coup, ça change la conception originale du dessin et toi tu t’adaptes à cette chose qui est sortie à la surface. Là ça ressemble, dans une certaine mesure, au travail d’un psychanalyste. Il y a là l’écoute de ta débilité, de ta maladie, ou de ton raz le bol avec la perfection de la vie ou la perfection les choses de la réalité. Il y a une seconde option : si je ne peux pas le faire comme ça... je le fais d’une autre façon. Je m’invente autre chose. Et tout ça arrive souvent de façon physiologique dans la main. Cette main, qui a le geste droit, l’évanouissement, et, disons, une espèce de complicité avec le mental, ou avec la tête, qui d’une certaine façon représente l’intelligence dans ce monde de symboles, cette même main continue à travailler. Je ne sais pas si avec ça je construit un discours rigide et hiératique, c’est une première façon de parler. Avec ça je construis si tu veux une sculpture de la main avec ses trois moments. » Je vais le questionner plus en profondeur sur les limites de cette main humaine, qui, comme disait Paul Valery, sont les « égales et rivales de sa pensée ». Mais c’est lui qui m’interroge en retour : « Explique moi ce que tu penses être la main ? C’est un élément anatomique ? C’est un outil ? » Je ne m’attendais pasà cette question... Qu’est ce que la main? Ça a à voir avec l’acte de manipulation et de fabrication des objets... c’est le premier outil de l’homme. Mais les objets sont une extension ... « .. oui mais il s’agit quand même d’abord d’une production liée à l’action. Les objets sont le résultat d’un exercice (le silex etc) » m’intterompt-il. Je lui demande alors, la relation de la main outil avec la main anatomie, et ses imperfections. « Oui, c’est intéressant que ça 14 puisse être un acte anatomique (la peinture) dans l’oeuvre d’art, qu’il y ait une relation du corps avec la création. Ça me parait intéressant parce que si tu veux dans la mémoire physique de ce qu’on est comme corps, il y a le fait d’avoir pendant plus de 10 000 ans entrainé la main à fabriquer les images, en commençant par les hommes des cavernes. Elle peut vieillir. La main est tout le corps en fait. Quand tu es fatigué, la main peut trembler. » Et qu’est ce que tu penses de l’expression “se faire la main”? « Qu’est ce que c’est ? » me répond-il. Le fait d’entrainer la main, c’est un terme très français (il va chercher une cigarette). « “Se faire la main”? Oui effectivement il y a beaucoup de façon de parler du thème. C’est comme les écrivains, il y en a qui prennent le dictionnaire et ils écrivent avec le dictionnaire. Je suis pas sûr de comprendre l’expression française exactement. Se faire la main je l’interprète dans son sens ludique, comme si elle dansait. Comme si le seul plaisir de bouger faisait les choses. » Je redéfini mieux l’expression. Se faire la main c’est... « ...se mettre à dessiner des chats.. pour bien dessiner les chats. Ou des chevaux. » Oui pour le dessin, mais cette expression peut être générale pour toute activité ou pour le corps. « Oui en fait cette idée de se faire la main s’intègre dans une partie de mon travail. D’ailleurs c’est plus présent quand je fais des encres de Chine que dans le crayon de couleur, car ce dernier s’inscrit plus dans cette idée d’une sculpture mentale, quelque chose de “sacré”, disons de l’image de Dieu, faire un objet. Se faire la main c’est pas faire un objet, mais un « semi-objet ». J’ai envie de lui poser quelques questions en cherchant à le faire réagir par rapport au travail du 3e artiste que je rencontrerai pour ce dossier. Je lui explique qu’il s’agit d’un artiste qui crée des installations à base d’intelligence artificielle qui créent, d’une certaine manière, l’oeuvre sans le créateur. « Le créateur n’est pas un être humain alors ? Si je comprend bien, l’artiste de ces création n’est pas un être vivant ? » Ça serait la machine effectivement... « ... mais on peut penser que la machine est un minéral, fait de sillicium, or, cuivre... Mais ça pour nous qui avons une façon de concevoir la réalité qui passe par ces catégories. Peut-être que la machine ne se considère même pas comme minéral. La machine comme créatrice.. qui à une conscience sur elle-même ? Imaginons qu’elle ait conscience d’elle-même.. elle ne va pas se concevoir comme minéral, c’est une définition pensée par l’homme. » C’est du pétrole et du métal, un hybride crée de toutes pièces oui. « Pour nous c’est de la matière. Mais est-ce que pour la machine elle est de la matière? Elle s’en fou de la matière en fait la machine. C’est nous qui la connectons. On la connecte, on la branche, elle se met en marche. Mais elle n’a pas de complexe d’être matériel ou pas. C’est affreux. » C’est humain cette conscience. « Oui, ça c’est humain, mais c’est que elle n’est pas humaine. » C’est une intelligence artificielle. « Si tu veux pour nous la parole à un sens parce qu’il y a un contraste entre le monde de la parole et la matière. Pour la machine il n’y a pas de distance entre la parole qui fait marcher l’appareil, le programme, et la matière dont elle est faite. Parce que pour elle il n’y a pas de problème du moment que l’homme soigne la machine. Mais quand elle va avoir besoin de se gérer elle-même, elle va se trouver avec ce décalage, et là il y a la conscience malheureuse de la parole qui commence à s’installer, mais comment ça se produit ? Et quel est le dialogue entre l’humain et la machine ? Quelle est la parole qui peut passer entre eux ? Est-ce qu’un psychanalyste peut psychanalyser un “computer”? Ou est-ce qu’un computer peut faire une messe pour l’humain ? Est-ce qu’on pourrait faire un computer pour se confesser ? Sans intervention humaine, qui te donne l’absolution? » S’il a des prières en pagaille ? « Mais pour ça il faut la parole » et si on lui dit qu’on est athée, et qu’elle répond “je ne crois pas en toi”? « C’est à dire que l’homme te répondra toujours quelque chose, mais que la machine risque d’être coincée d’un coup. Tu vois, c’est ce qui arrive avec l’ordinateur du moment qu’il à un problème, il s’arrête. » On a peut être un peu quitté le thème ? « Non, ça touche le thème de la question de la main du moment que l’on parle d’outil. L’outil c’est la main; mais l’outil c’est aussi la machine. Et à travers de ça on parle de la conscience que la main à d’elle même ? Parce que la main c’est notre computer, c’est notre machine. Elle est, si tu veux, un miroir en face de nous. Dans le cerveau, il y a une opposition, une constitution miroitante de ton rapport avec l’extrémité qui travaille et le reste du corps. On s’est mis debout et tout d’un coup nos mains se sont libérées et on les à en face. C’est un peut comme si on avait un ordinateur. » C’était un peu ça qui m’intéressait, la dualité homme machine, et donc la création indépendante de l’homme. « Lui il conçoit ça comment ? Quand il parle d’oeuvre par exemple, elle réside où par exemple ? L’oeuvre est l’oeuvre faite par la machine ? Ou l’oeuvre est lui qui fait la machine qui fait l’oeuvre. » Lui il ‘lance’ ça et il dit qu’il faut se séparer de... « donc lui est cabaliste ? Il à une théorie mystique ? Moi j’ai une faiblesse pour la littérature mystique de toutes les cultures. Donc j’ai tendance à ne pas avoir de pudeur à évoquer le mystique, ce qui parfois peut être autrement scandaleux surtout s’il s’agit de partis pris orthodoxes, parce qu’on ne peut pas passer de la Chine au monde juif, chrétien ou encore à la culture totémique hypothétique des hommes primitifs impunément. Mais moi en tant que créateur d’images je suis en perpétuel sautillement... je t’ai dit ça parce qu’il y a une idée de tsimtsoum dans la cabale, qui est un peu l’idée d’infini initial, qui tout d’un coup se contracte et produit le monde limité, le monde qu’on connait et qui à des limites. C’est pour ça qu’il est matériel, qu’il a des choses appréhensives pour nous. Et l’explication que je peux donner, même si je suis juste un débutant, puisque ce n’est pas exactement ma culture, c’est une culture qui m’inspire la curiosité et je sais pas si mon explication est tout à fait correcte. Mais je pense que le tsimtsoum serait une contraction : l’infini décide de se détacher d’une partie de lui même et produire le monde limité. Quand tu dis que cet artiste “lance” avec l’idée de lancer, c’est un peu ça non ? Laisser que le monde se produise. » Oui, puisqu’on a plus de contrôle sur la machine. Il dit aussi qu’il y a l’idée de se détacher de la signature de l’oeuvre, puisque ce n’est plus lui qui la crée, mais l’oeuvre qui se crée seule. « Ça c’est très intéressant. Mais c’est presque inassumable pour un être humain qui quand même à un corps et a 17 besoin d’avoir un rapport aux objets. C’est vrai qu’au Moyen Age on disait qu’un artiste était anonyme. Mais il y a toujours eu d’une certaine façon une signature. On peut te poser la question : “c’est toi qui à sculpté cette partie de la façade de la cathédrale ? -Ah oui cette partie c’est moi qui...” tu vois ? Il y a toujours quelque chose, on assume. On assume pas quand on meurt, on est plus là pour assumer, il reste ce corps. Et je pense que c’est pour ça qu’on parle de la mort de l’art, parce qu’on est arrivé à un point de distance énorme avec ce qu’on est, dans lequel, du moment où on est artiste, on ne peut plus être artiste à la fois. Quand je parle du besoin de retenir la mémoire des animaux, c’est ça qui permet aussi à l’homme d’exister. On est artiste parce qu’on continue à jouer comme des enfants, à croire dans notre propre jeu. Du moment que l’on devient trop sérieux on ne peut pas exister tu vois ? C’est l’expérience, pas seulement des artistes, c’est l’expérience de beaucoup de gens, la folie, c’est l’expérience de la drogue... c’est même l’expérience privée de la sexualité que l’on a tout à chacun un peu restreint à des limites. Mais là dans le moment de l’orgasme on touche à quelque chose qui à rapport à l’image, au jeu, à tout ça.. à la solitude. Qu’est ce qui se passe quand on est peintre ? Disons que c’est beaucoup plus présent dans le quotidien. Donc se faire la main aussi.. c’est passer à travers.. pas s’évanouir pour toujours, s’évanouir juste un instant. Je sais pas, j’ai tendance à parler en poète, mais si tu veux, on à la mauvaise habitude les artistes occidentaux comme nous d’être comme des enfants gâtés ou des idiots savants. C’est à dire de poétiser, de parler en poète. Quand tu vois les gens qui arrivent de la Chine, ils ont une humilité et une capacité de dire des choses simples, surprenantes, étonnantes. Il semble qu’ils ne se soient jamais posé de questions sur rien. Et nonobstant, ils font leur boulot, et peut être c’est même de l’art. C’est une question de destinée de chacun. » L’entretien s’achève ainsi. Manuel Montero est un artiste qui établit avec ses mains un rapport ludique, jouant avec elles et récupérant les erreurs de celles-ci. Erreurs humaines auxquelles il tient, qui sont partie intégrante de son travail, qui le poussent à constamment se faire la main. 18 fait que les artistes n’aient plus à signer l’oeuvre) puisqu’elle sait apprendre, dans une installation où elle même évolue ? Il s’agit d’un décentrement analogue à la révolution copernicienne, abandonner sa position centrale dans l’univers - à quoi vous fait penser un film comme Matrix, avec des théories pour le comprendre. On évolue en perdant une position “asimoviennes”, et la fondation de républiques indépendantes privilégiée. Ici, il s’agit de quitter sa position égocentrique de machines ? Et cette peur « humaine » de ce qui pourrait de créateur qui se croit démiurge pour libérer la création. nous égaler, voire nous dépasser ? Je pense qu’aujourd’hui on va commencer à comprendre C’est une position très archaïque de repli sur soi, de refus la vie et l’intelligence en comprenant, peut-être, qu’on est de l’autre (l’étranger) sur lequel on projette ses propres fanpas les seuls détenteurs de cette merveille qui est la vie et tasmes d’auto-destruction. C’est le tribalisme, le communal’intelligence. utarisme, autant d’attitudes qui semblent malheureusement câblées dans le cerveau humain mais que toute civilisation - Est-ce donc, d’une certaine façon, l’image d’un père qui à tente justement de dépasser. « crée » l’enfant, mais qui le laisse grandir seul, vivre ses pro- Et pour le futur ? Quelle seraient vos attentes et espérances pres expériences ? C’est un peu ça. Pour l’apprentissage des créatures que je (artistiques et techniques) ? crée, il y a la nécessité qu’elles reconnaissent de la régularité La voie actuelle la plus prometteuse est l’accès des machines dans ce qu’elles perçoivent. Les réseaux neuronaux fonctionà l’émotion (selon Damasio il n’y aurait pas de rationalité nent comme ça : reconnaître des régularités dans le monde sans sentiment) et, pourquoi pas à une forme de conscience qui l’entoure, et d’en faire des paterns (des comportements), artificielle. Pour moi l’un de mes rêves serait que les machines qu’il va mémoriser en expériences pertinentes. Je pense puissent rêver… que c’est un peu comme ça que nous fonctionnons nous : quand on s’éveille à la perception, quand le bébé s’éveille à la perception, il voit des choses qui se répètent devant lui, comme le visage de sa mère, et c’est quelque chose qu’il va mémoriser. Il détecte des régularités. Mais d’une certaine manière, il vit ses propres expériences. “ “ “ “ “ “ “ “ “ - C’est le fait que ces fonctions dynamiques et d’animations dites - C’est la « seconde cybernétique » ? Pourriez-vous en parler procèdurales n’existent pas dans la 3D qui vous a poussé à développer votre propre logiciel, anyflo ? Exactement et, à l’époque où je l’ai développé (dans les années 80) il n’existait pas non plus de langage accessible aux artistes, et la vocation d’anyflo était triple : pédagogique (pour les étudiants d’ATI), de recherche (il me permet de tester et d’implémenter facilement de nouveaux algorithmes) et de création (je m’en suis servi pour faire des films et aujourd’hui pour réaliser des installations interactives). un peu? Quels moyens pour la mettre en place ? La seconde cybernétique considère que tout système est plongé dans un environnement avec lequel il est amené à interagir (et donc avec l’observateur ou le spectateur), c’est une évolution comparable à celle de l’enfant qui apprend que l’autre et lui-même sont en interaction dans un monde plus vaste les englobant. Pour mettre en place cette conception on fait appel à l’auto organisation des systèmes complexes (car en effet comment pourrions nous modéliser nous-même des systèmes dont nous ignorons tout), parmi les voies possibles : le connexionnisme (avec les réseaux neuronaux), l’évolutionnisme (avec les algorithmes génétiques et la programmation génétique), la vie artificielle. comportementale... qui interagit avec le public (ex. l’installation des pissenlits) ou est-ce une suite logique ? C’était en effet l’un de ses buts. “ “ - Et donc des installations qui maintenant « apprennent », observent, et évoluent, avec le public ? Oui. Nous percevons ce que nous connaissons. L’apprentissage est un processus dur pour cela. Même un discours clair doit s’aligner sur des grilles de connaissances, mais c’est de la communication, un problème de cultures et cohérences. Se comprendre s’est se remettre en cause, car l’intolérance bloque la communication. D’ailleurs, adapter la communica- “ 20 - Quelle serait, ou devrait être, selon vous, la place de l’homme face à ces machines sensées, réflexives et créatrices ? La place qui a toujours été la sienne et qui fait sa force et sa seule chance de survie : l’adaptabilité. Il a tout à gagner à expérimenter un nouvel « autre ». “ “ “ - Ainsi ce développement avait-il pour but de créer de l’animation “ “ “ “ “ sant à des comportements physiques, en créant des os, des muscles, et par dessus de la peau (contrairement à la 3D en général, qui ne fait qu’animer une peau, « sans muscles »). Vous évoquiez à ce propos Rodin qui avait une approche similaire. Peut-on dire alors que votre travail fait partie d’une recherche d’imitation du réel ? Oui. J’avais évoqué Rodin, parce qu’il dessinait les muscles et le squelette, et qu’il avait une réelle réflexion dynamique qui l’amenait à la sculpture. Avec les techniques de vie artificielle, il ne s’agit plus d’imiter mais de générer ou plus exactement de provoquer une auto-génération. Les modèles biologiques semblent tout indiqués, bien que l’on puisse envisager quantité d’autres méthodes. - D’où le besoin de se détacher de l’oeuvre (vous évoquiez le son bon fonctionnement, etc, est-ce en contradiction avec la démarche de vos travaux ? (à part la limitation technique) Oui, en partie, c’est du aux limitations actuelles des techniques, mais on peut imaginer que dans un univers où tous les objets communiquent il n’y ait plus lieu de parler d’installation mais seulement de fonctionnement ordinaire. “ - Votre travail consiste en partie a créer des d’êtres 3D réagis- tion d’un locuteur vers un autre n’est pas un simple message émetteur/récepteur. “ L’INFOGRAPHISTE Pour la 3e partie j’ai cherché à rencontrer certains artistes contemporains utilisant le medium informatique, dit artistes numériques. C’est lors de cette démarche que j’ai pu contacter Michel Bret, co-fondateur d’une section appelée Arts et Technologies de l’Image (ATI), à l’Université Paris 8. Il est d’accord pour me rencontrer, et m’indique une conférence qu’il donne le jour suivant à cette université. Je m’y rends. Lors de cette première rencontre, où il a exposé une bonne partie de son travail actuel, je lui ai posé quelques questions auxquelles il a bien voulu répondre. Deux semaines plus tard, il a prononcé une autre conférence à l’occasion d’un colloque sur la “Réalité Virtuelle et Arts numérique” à l’auditorium d’Enguien, le 3 avril. En raison du temps limité de parole, et de la simplicité relative du vocabulaire, c’est cette conférence que j’ai repris dans cette 3e partie. Enfin, Michel Bret à réalisé une performance avec un contrebassiste, que j’ai filmé et dont je ferai part. - La définition de votre travail comme « installation » d’une question précédente est-elle juste ? Puisqu’une installation requière un positionnement humain, puis initialiser la machine, surveiller 21 CONFERENCE “ Tout d’abord bonjour. Je vais vous parler d’autonomie, de création, d’émergence, et j’ajouterai un 4e terme qui va être celui de ré-entrance. Alors le but de cette petite manip que je vais vous montrer, c’est de faire un personnage autonome. Mais alors, comment est-ce qu’on peut donner la liberté à quelqu’un ? La liberté ça ne se donne pas, ça se conquiert. Quoi que je fasse, en donnant la liberté, je la contraindrais quelque part en mettant des conditions à cette liberté. Alors pour réfléchir à ce problème on va procéder par phases successives : on va d’abord parler d’une auto organisation au sens faible, et ensuite une auto organisation au sens fort. D’abord au sens faible, ça va consister à faire des apprentissages qu’on appelle supervisés, c’est-à-dire qu’il va y avoir quelqu’un qui va informer cette créature, sur les comportements, les attitudes qu’elle va avoir dans l’univers qu’elle perçoit. Alors pour le moment il ne se passe pas grand chose, parce qu’il n’y a pas de perception. Simplement elle tourne la tête pour nous regarder, parce qu’elle à des comportements plus ou moins câblés qui font qu’elle reste en équilibre dans son champ de pesanteur, elle ne tombe pas, vous voyez. Alors on va lui donner une perception, j’ai apporté une petite webcam ici, qui va nous servir d’oeil artificiel qu’on va mapper sur une rétine artificielle. Voilà, la rétine apparaît en noir. Maintenant si je fais apparaître une image il ne se passe rien parce qu’elle n’a pas de connections entre cette image rétinienne, et ce qui pourrait lui servir d’action : ses muscles. Alors pourquoi elle ne réagit pas ? Et bien parce qu’on sait que ce ne sont pas les yeux qui voient, c’est le cerveau. Alors on va lui fabriquer un petit cerveau. Je vais mettre le capteur, la caméra, et je vais faire un réseau neuronal. Voilà... son cerveau. Alors c’est un réseau neuronal tout simple, un réseau multicouches. Sur la couche d’entrée on a les neurones d’entrées. Chaque neurone est lié à un pixel de la rétine. Alors si je fais apparaître une image, vous voyez qu’on voit très bien ce qui se passe : quand je monte la main, on voit une activation qui se propage sur la couche d’entrée. Cette activation est passée sur la couche cachée, et déjà sur celle-ci, on ne voit plus l’image. On aperçoit que sur la couche cachée les transformations neuronales ont été telles, qu’on ne détecte plus aucune relation entre la géométrie de ce qui se passe, et les activations neuronales. Ensuite de la couche cachée on va vers la couche de sortie, qui sont des neurones moteurs, que nous allons connecter aux muscles des personnages. Voilà, il est connecté. Donc on à ici le schéma perception/action qu’on voit travailler en temps réel. Alors qu’est-ce que j’entends par passer l’information d’une couche à la suivante ? Et bien, les neurones sont connectés par des synapses, dont le poids module le transfert d’information entre deux neurones. Ici on à la matrice des poids, environ 150.000 valeurs. Alors on constate que dans cette matrice il y a toute une zone grise, qui correspond en fait à des 0, c’est à dire à des neurones qui ne sont pas connectés. C’est caractéristique des réseaux multi-couches, c’est d’être faiblement connectés. Par exemple, il y a une connection de l’entrée vers la couche cachée, de la couche cachée vers la couche de sortie, mais il n’y a pas de connection qui fait l’inverse. Il n’y a pas de connections à l’intérieur d’une même couche non plus. Donc c’est un réseau qui en fait est très pauvre, et ne représente pas une quelconque réalité biologique. On sait que les systèmes nerveux de tous les animaux, sont fortement ré-entrant, c’est à dire qu’il y a des connexions inverses. Vous voyez maintenant qu’il ne fait plus n’importe quoi. Alors je vais faire des postions. Je l’accroupis en refermant la main ... si je lève la main, il se lève, puis elle essaye de s’accroupir. Donc elle à appris en environ deux minutes deux gestes, elle a donc appris un certain nombre de règles d’autonomie. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas du clone, elle ne fait pas exactement ce que je fais, on lui a donné six exemples et à partir de ces exemples, elle rentre en activité. Alors je vais lui montrer un autre exemple, par exemple je vais lui dire que si j’écarte ma main elle va avoir une position des jambes écartées. Simplement elle intègre ces nouvelles connaissances à ses connaissances antérieures. Bon c’est pas parfait, à cause des conditions, de mauvaises images, mais c’est intéressant de voir que les réseaux sont adaptatifs à n’importe quel genre de situation. Alors est-ce qu’il a appris cette nouvelle position qui consiste à écarter les jambes ? Oui.. il essait d’écarter les jambes. Donc en quelques minutes on lui à appris un certain nombre de gestes. Alors comment on utilise ça par exemple en chorégraphie ? Et bien on passe en mode interactif, c’est-à-dire qu’on est sur une scène de spectacle, et il y a des danseurs qui arrivent et qui se mettent à danser. Quand ils se baissent, elle se baisse, quand ils remontent, elle remonte, quand ils écartent les jambes, elle écarte les jambes. Mais ce qui est intéressant c’est s’ils font d’autres choses, n’importe quoi, et bien la créature fait d’autres choses, qui ne sont pas n’importe quoi justement. Se sont des gestions cohérents, avec ce qu’on lui a appris. Ce qu’on appelle la propriété de généralisation des réseaux neuronaux, qui permet à partir d’un ensemble d’apprentissages restreints, de pouvoir s’adapter à n’importe quelle situation. Alors là on est proches d’une improvisation. Alors les contraintes ici, c’est des contraintes de sol, et on va donner d’autres types de contraintes, par exemple, la mettre sur un fil. C’est la funambule qu’on a développé avec Marie Hélène Tramus. C’est la même chose, sauf que cette fois, elle est placée sur un fil. Donc elle essaie de récupérer son équilibre en fonction de ce que « spectacteur » fait. Alors se sont des installations interactives d’accès immédiat, il y a pas besoin de comprendre : on se met devant et on acte. On peut s’amuser à la mettre sur un trapèze par exemple, donc là on a changé les contraintes. Si on supprime les contraintes, elle va se mettre à voler. Là elle vole. Bon, on peut lui faire faire d’autres choses amusantes, du vélo (monocycle) et elle interagit toujours avec ce qu’elle à appris. Bon tout ça c’est très amusant, mais c’est pas très sérieux, parce que c’est pas vraiment de l’autonomie ça. On est bien d’accord. Pourquoi ? Parce qu’il y a toujours un professeur pour lui dire ce qu’il faut faire. Alors ce que je vous propose maintenant, c’est de regarder quelque chose sans professeur. Donc je 22 vais créer un nouveau type de réseau : c’est toujours le même capteur, mais cette fois avec un réseau interactif. Regardons à quoi il ressemble : par rapport à tout a l’heure vous voyez qu’il y a beaucoup plus de liaisons. Il y a des liaisons réciproques de la couche cachée vers la couche d’entrée, etc. et la matrice cette fois est complètement pleine. Il n’y a pas de zones grises. C’est un réseau qu’on appelle « complètement connecté », et on va faire un apprentissage sans professeur. Alors c’est un truc qui se fait dans la foulée, comme ça. Je vais lancer la saisie et j’expliquerai après. Alors en haut le personnage analyse les mouvements que j’ai fait, et en dessous c’est son flux de sortie, c’est-à-dire ses actions. Et entre les deux il n’y a rien. Alors maintenant, si je passe en interaction, sans phase d’apprentissage, je ne lui ai rien appris, elle fait des gestes que personne ne lui a montré. Bon c’est encore un peu n’importe quoi, je le reconnais, mais personne ne lui a montré. Alors c’est pas encore très intéressant, parce qu’on est encore dans un stade d’action/réaction, je fais une chose et après tu fais l’autre. On va passer dans un stade où en fait on apprend en observant. Je vais faire un réseau adaptatif, c’est-à-dire que les processus d’observation et d’apprentissage vont être simultanés. Je le lance, fais mes gestes, et on peut directement passer en phase active, sans apprentissage. Alors elle va garder une mémoire de travail en gros, donc elle va continuer à écrire des choses dans sa mémoire, et en dessous si vous regardez bien vous voyez que les pattern (comportements) changent. C’est à dire que le flux de sortie qu’il est en train d’apprendre, change. Donc il réactualise en permanence sa mémoire, qui ressemble à une sorte de petite mémoire autobiographique, c’est une mémoire d’expériences. Et donc ici on a vraiment un fonctionnement autonome au sens fort, c’est-à-dire sans aucun professeur. On a vraiment une autonomie complète. Si je lui refais des gestes que je lui ai fait voir, et il est en train de les reconnaître. Ici un haut/bas de la main lui fait se baisser, ou un droite/gauche. Ce qui est intéressant c’est qu’à aucun moment je lui ai dit qu’il fallait qu’elle se baisse quand je baissais la main, pas plus que je lui ai dit qu’il fallait se balancer quand je secoue la main. Donc ce sont des mouvements qu’il à découvert tout seul. Donc là on a vraiment une autonomie comportementale, dans laquelle on a des êtres avec lesquels on pourrait communiquer du point de vue artistique. Alors justement parlons un peu de la création. Je vais faire un spectacle dans lequel ce système va être en interaction avec un musicien, François Méchali, qui est un grand contre-bassiste français, qui va interagir de façon spontanée avec ce système. Simplement, on va remplacer la caméra par un micro. Donc les réseaux neuronaux vont être alimentés par un signal audio, et on va bien voir ce qui va se passer. Ça va être de l’improvisation en direct et sans énormément de préparation. Alors ça ne va pas être un spectacle au sens « on va ouvrir les rideaux » et regarder ça dans le silence.ça va être un spectacle interactif, avec peut-être des bugs, je ne m’en cache pas. En particulier j’ai renoncé à masquer les manip informatiques que je serais amené à faire. Alors en spectacle c’est pas acceptable... mais entre nous, j’espère que ça le sera. En soirée, pour conclure la journée de conférences des “rencontres de la réalité virtuelle et des arts numériques”, était présenté un “Dialogue entre un solo de contrebasse de François Méchali et des images interactives de Michel Bret”. A cette occasion, pendant 45mn, un musicien jouait, seul sur scène, pendant que les créatures virtuelles de l’infographiste réagissaient, actaient, sur le son du musicien. La première séquence montrait trois écrans où se trouvaient des plumes virtuelles. Le son agissait comme un souffle mélodique sur celles-ci. En fonction des notes, les plumes s’envolaient, tournoyaient, et retombaient. Petit à petit, des danseuses virtuelles sont venues remplacer les plumes, agissant toutes différemment comme le permet le système du créateur. Elles dansaient comme elles voulaient, tandis que le contrebassiste pouvait improviser en les regardant, et créer le dialogue. Les danseuses ont pu utiliser divers accessoires cités dans la conférence, comme des trapèzes, ou des lieux sans gravité générée, et pouvaient donc voler. Enfin, les danseuses virtuelles ont laissé la place à des particules, comme des particules élémentaires, créant des explosions de couleurs, toujours en liaison avec la musique. C’est ainsi que je quitte cet intervenant, artiste numérique, parmi les pionniers de la 3D en France. Pour Michel Bret, la main de l’homme s’efface devant les êtres virtuels qu’il a pourtant crées, mais qu’il pousse à devenir indépendants. La main de l’artiste reste présente, mais il semble que l’indépendance de la créature par rapport à la main de leur créateur ne soit qu’une question de temps. “ 25 CONCLUSION En cherchant à savoir quel est le rôle des mains dans trois domaines que je pensais pourtant bien connaître, j’ai pu en apprendre beaucoup, de ces artistes, et de leur façon de voir et d’utiliser leurs mains, dans tous les sens du terme. Pour Tino Trampoli, “un mime qui n’aurait pas de mains, ça serait comme un chanteur sans cordes vocales”. La main est l’outil de travail, l’outil de representation de son Art. Bien sûr, cette logique peut se généraliser, puisque rares sont les choses que l’on peut faire sans ses mains. La peinture de Manuel Montero, profite d’une imperfection anatomique (l’imperfection humaine), qui crée une relation entre l’art et le hasard“. Il y a une ligne qui révèle l’imperfection” dit-il. Dans les oeuvres de Michel Bret, des êtres virtuels se détachent du créateur et essayent d’en devenir indépendants. “L’homme a tout à gagner à expérimenter un nouvel « autre »”, à profiter de sa force qu’est l’adaptabilité. Comme il l’avait fait en comprenant que la Terre n’était pas le centre de l’univers pour comprendre celui-ci, l’homme devra faire pareil avec son idée égocentrique de l’intelligence et de la vie. Imperfection humaine face à perfection mécanique ? Ces questions restent ouvertes, tout comme celles posés par Michel Bret. L’avenir de l’homme, de l’exploration spatiale, de la découverte de nouveaux mondes loin de la portée humaine, passe aussi par des machines indépendantes, qui devront nécessairement l’être pour des mondes où l’on ignore les règles, et dont seul un être dépourvu de préjugés et prêt à s’adapter, pourra aller. L’homme pourra-t-il partager sa position dominante, dont la main est, avec un cerveau adapté, le principal outil? Le concours d’entrée à la Fémis est pour moi une belle aventure, puisqu’il m’a permis d’effectuer de nombreuses rencontres, aussi bien avec des intervenants, que des camarades de concours, ou encore des élèves de la Fémis. Ma motivation s’en trouve renforcée. 27 - Entretien “le mime” Le mime Marcel Marceau, Somogy éditions d’art, 1996, BIBLIOGRAPHIE REMERCIEMENTS Je tiens à remercier les trois intervenants de ce dossier : Tino Trampoli, Manuel Montero et Michel Bret. Je tiens à remercier les inombrables personnes qui m’ont encouragé, donné des conseils, que j’ai pu rencontrer, ou avec qui j’ai dialogué sur certains forums. Et bien sûr, toutes les personnes qui ont bien voulu lire le dossier et me donner leur avis ou leurs remarques. NOTE SUR LES VISUELS de Valérie Bochenek Le théâtre du geste : mimes et acteurs, Bordas Paris 1987, publié sour la direction de Jacques Lecoq - Entretien“le peintre” Manuel Montero, publié par Eve Livet (2005) Edvard Munch, film de Peter Watkins, 1974 - Entretien “l’infographiste” Corps vivants Virtuels, article de Michel Bret, 2000 Article l’Express du 7 juin 2004 sur Antonio Damasio - Autres Encyclopédies diverses & Wikipedia.org - Livre sur la main La main, bibliothéque des symboles, Pardès, 2005 de Roger Parisot - Citation 4e de couverture : Tous les documents visuels présentés dans ce dossier sont des photos prises par moi, ou des photogrammes tirés de vidéo enregistrées lors des entretiens. Les couvertures sont des photos de mains prises, spécialement pour le dossier, au Musée Rodin. Ce sont les seules oeuvres extérieures choisies pour introduire visuellement ce dossier : en effet, elles ont été évoquées par les trois intervenants, en tant que symbole fort de création. 28 Auguste Rodin, L’Art Entretiens Réunis. Paris, Gallimard, 1967 de Paul Gsell 29 ni beau style, ni beau dessin, ni belle couleur : “ Il n’yil n’ya réellement a qu’une seule beauté, celle de la vérité qui se révèle. “ Auguste Rodin