ECOUTER, COMPRENDRE ET AIDER LA PAROLE DE L`ELEVE

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ECOUTER, COMPRENDRE ET AIDER LA PAROLE DE L`ELEVE
Groupe de Ressources des Personnels d’Education – Académie de Rouen
Conférence disciplinaire C.P.E. – Janvier 2002
Conférencier : Ch. CARRE
ECOUTER, COMPRENDRE ET AIDER
LA PAROLE DE L’ELEVE EN E.P.L.E.
INTRODUCTION A LA COMMUNICATION
On comprend aisément la nécessité de travailler les techniques de communication quand on
sait que 9 adultes sur 10 reconnaissent avoir des difficultés à prendre la parole devant une
assistance.
La prise de parole, le dialogue, l’écoute ne sont que des préoccupations récentes au sein de
l’Education Nationale. En 1976, Haby alors ministre de l’E.N. souhaitait vivement que l’on
« combatte ce mal qu’est l’oral ». Il faut attendre une circulaire de 1992, signée de L. Jospin
pour qu’enfin on réaffirme l’importance de cet outil.
Si l’apprentissage de l’oral consiste à travailler ce temps précis qu’est la prise de parole, il ne
s’agit pas uniquement de cela. L’oral est un processus complexe de gestion des relations entre
les individus. Travailler l’oral revient à se pencher sur :
- ses attitudes, gestes, mimiques, regards
- l’intelligibilité de son oral
- le respect des règles de la communication interpersonnelle
- le contexte spécifique de la communication.
Le rapport BOISSINOT datant de 1999 stipule que les élèves sont surtout sensibles au
manque de communication avec les enseignants et avec l’administration. Ils demandent que
les enseignants suivent une formation à la communication.
Dans notre société on a souvent tendance à considérer la communication comme un outil de
manipulation, de gestion humaine.
Si l’on considère que la prise de parole correspond à une certaine prise de pouvoir, on peut se
demander jusqu’où les adultes sont prêts à laisser la parole aux élèves.
Est-on prêt à accueillir de façon authentique la parole des élèves ? Un établissement peut-il se
mobiliser tout entier autour de l’oral ? Les C.P.E. sont les 1ers concernés par cette démarche
de parole, ils sont par définition des communicants dans l’établissement (animateur,
médiateur, formateur, régulateur).
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Quelques définitions
« Langage : Il s’agit d’une fonction qui n’a pas d’organe propre. C’est un dispositif
anatomique auquel s’ajoute un dispositif physiologique ainsi que des montages intellectuels.
« Langue : Il s’agit du système d’expression parlé propre à une communauté
« Parole : C’est la réalité humaine qui passe par l’expression avec des intentions et de la
valeur.
La communication, propre de l’être humaine ne se résume pas simplement à un échange
d’informations. En effet, les animaux, certaines machines peuvent aussi transmettre de
l’information. Tout est communication, le silence lui même à du sens. Une chose est certaine,
on ne peut pas ne pas communiquer.
La communication est système de rétroaction. L’erreur que l’on commet elle celle de chercher
le point de départ. Selon Shannon, la communication fonctionne comme un téléphone.
Schéma linéaire de Shannon et Weaver
F-b 2
E
R
CANAL
Parasites dont certains peuvent
être acceptables culturellement
Feed-back 1
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Le contenu et la relation
Le contenu est le premier niveau de la communication, celui de l’information brute. Il
concerne les données qui sont transmises sans prendre en compte ni les choix linguistiques, ni
« l’habillage » qui accompagne le message.
La relation englobe le contenu et indique de quelle façon le message doit être transmis ; elle
se situe au niveau de l’interprétation.
Une recherche d’A. MEHRABIAN a montré que dans un discours destiné à convaincre, le
contenu ne représente que 7% de la communication, tandis que le non verbal compte pour
93% (38% pour la voix et 55% pour la gestuelle). Ainsi plus la relation est de bonne qualité,
plus le contenu passe correctement ; en situation de communication « pathologique » il faut
énormément travailler la relation pour qu’une faible part du contenu passe.
Relation
Relation
Contenu
Contenu
Communication
Saine
Communication
« Pathologique »
La communication c’est avant tout de la relation. L’efficacité de notre communication avec
les élèves tient à la qualité de la relation (confiance, respect, écoute) que nous avons réussi à
établir avec eux.
La communication parfaite n’existe pas (illustration : le jeu du téléphone arabe). Des parasites
interviennent dans une situation de communication (bruits de fond). On repère 3 groupes de
filtres : la sélection, la généralisation et la distorsion.
Exemple : Une mère entend son bébé pleurer malgré un important bruit de fond…
Elle se dit :
- « mon bébé pleure » (sélection)
- « mon bébé pleure parce que tous les bébés pleurent » (généralisation)
- « mon bébé pleure parce qu’il a faim » (distorsion).
La communication n’est jamais neutre et, surtout avec les élèves, souvent dissymétrique parce
qu’elle contient des enjeux parfois identitaires, territoriaux, relationnels ou d’influence. Les
messages envoyés sont souvent ambigus.
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Une communication de qualité c’est :
•
•
•
un message clair
une prise ne compte des intérêts et des valeurs de l’autre
sans ambiguïté, ni manipulation, ni agressivité, ni soumission.
La communication n’a pas de réponse à tout, le fait que de bonnes relations de
communication s’établissent entre deux ou plusieurs personnes relève autant de dispositions
personnelles que des techniques que l’on peut travailler.
La situation d’enseignement est une situation de communication « chaude » (froide =
communication médiatisée)
Présence
Directe
Lourd
Tous les sens sollicités
Primat de la relation
Effets forts du contexte
Attachement
Indiciel
Médiatisation
Différée
Léger
1 sens dominant (ouie)
Importance du contenu
Décontextualisation
Détachement
Symbolique
Culturellement, on peut dire que l’oral fait peur parce qu’il « attache ». La parole engage la
personne qui parle et bien entendu celle qui reçoit le message.
La parole a 2 fonctions :
1. elle permet de s’exprimer, de s’affirmer
2. elle permet d’aller vers l’autre : La parole est par excellence la fonction humaine
d’intégration sociale. Afin de communiquer il est nécessaire d’avoir des règles de pensées
communes, des références identiques ainsi qu’un système de valeurs communes. La difficulté
dans nos situations d’enseignement c’est que nous sommes de plus en plus éloignés des
références de nos élèves.
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POURQUOI LES ELEVES SONT-ILS
REFRACTAIRES A LA PRISE DE PAROLE ?
Si prendre la parole donne un certain pouvoir c’est aussi une façon de se dévoiler, de se placer
sous le regard des autres. Ce sont des choses que nos élèves adolescents font difficilement la
plupart du temps.
On observe 5 types d’obstacles à la prise de parole :
1. Culturels
2. Psychologiques (auto censure, timidité, peur du regard des autres,…)
3. Volitifs (liés à la volonté, pratiques de désinformation : le verlan)
4. Phonétiques (mécaniques, défauts de prononciation)
5. linguistiques (connaissances grammaticales, de vocabulaire, certains jeunes ne
possèdent à leur vocabulaire qu’environ 400 mots alors que la moyenne des bacheliers
possède à peu près 2500 mots)
Il ne faut pas oublier non plus que le droit à la parole revient aussi au droit de se taire.
Pyramide des besoins – A. MASLOW
Réalisation
de soi
Besoin de
reconnaissance
Besoin
d’appartenance
Besoin de sécurité
Besoins vitaux
Il s’agit des 5 besoins fondamentaux des individus. Les besoins situés en bas de la pyramide
doivent être satisfaits pour que ceux du haut le soient également.
Quand on s’interroge sur les réticences des élèves face à l’oral, il faut aussi tenir compte des
nombreuses idées reçues telles que :
- l’oral favorise les hypocrites et les démagogues
- l’oral produit des contestataires
- l’oral incite au bavardage
- l’oral est naturel
- seuls les adultes maîtrisent l’oral donc ils sont les seuls à pouvoir parler
- l’oral est chargé de trop d’affectivité
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QUEL RÔLE L’ADULTE DOIT-IL JOUER
POUR PERMETTRE A L’ELEVE DE PRENDRE LA PAROLE ?
Facilitateur – L’adulte doit savoir pratiquer le renforcement positif (encouragement),
l’écoute active. Il faut aussi qu’il sache reconnaître et prenne en compte toutes les
manifestations d’envie de parler. C’est l’adulte, qui dans ces conditions doit permettre la prise
de parole en prévoyant, en offrant les conditions matérielles nécessaires (lieux précis,…) ainsi
qu’une aide à l’organisation et l’autonomie.
Régulateur, médiateur – Il s’agit là de favoriser la parole tout en garantissant le respect
de l’autre. Il faut gérer la confrontation des idées (distribution de la parole, argumentation,
gestion des réactions, dédramatisation, recadrage, etc.).
Formateur – L’adulte doit être en mesure, par l’intermédiaire de situations de
communication authentiques, de former aux différentes techniques de communication (écoute
active, observation, relance, reformulation, l’argumentation, la prise de parole,…).
4 types d’activités à mener en situation de communication
OBSERVER
le non verbal
analyser
agir
-
QUESTIONNER
- q. ouvertes
- alternatives
- fermées
-
-
ECOUTER
en permanence
sans interrompre
sans jugement
REFORMULER
sans déformer
pour contrôler
prouver l’écoute
La méthode des 3P est un conseil à appliquer en situation de communication avec des
jeunes, il s’agit d’un préalable à ces situations de communication particulières.
3 P pour Protection – Permission – Puissance
1. Protection : chaque élève doit se sentir serein et en sécurité dans la classe ou dans
l’établissement. On ne porte pas de jugement sur les personnes elles-mêmes mais sur des
comportements uniquement. On met en place collectivement un système de règles sur pied,
celui-si est expliqué et est applicable à tous sans exception.
2. Permission : chacun a le droit de donner son avis et d’avoir sa propre vision des choses.
3. Puissance : la classe, l’établissement doit permettre à chaque élève de se réaliser
pleinement. L’énergie du collectif doit être profitable à tous.
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LA PAROLE COMME OUTIL DE MEDIATION
ET DE GESTION DES PHENOMENES DE VIOLENCE
« La violence commence là où la parole s’arrête ». La violence est toujours une parole en
défaut, une parole qui manque. L’école se doit d’être un lieu de dignité, de parole et de Loi.
La Loi doit y être clairement posée, expliquée et connue de tous mais elle soit aussi être
respectée par tout le monde sans aucune exception. Il s’agit en fait en respectant les mêmes
règles de montrer une certaine forme de cohésion sociale.
La violence est présente à l’école, y répondre par la création de lieux de parole est une
excellente chose mais il faut encore faire vivre ces lieux et instances ou simplement ces
moments de parole. Il faut rendre la parole authentique. Du côté des adultes il faut être
capable d’accueillir la parole brute (les cris, la violence) pour en faire quelque chose
d’acceptable.
QUELQUES TECHNIQUES
POUR TRAVAILLER LA PRISE DE PAROLE AVEC LES
ELEVES
1. Jeux d’entraînement à la prise de parole
- autour d’un mot
- le jeu des 4 mots
- un seul mot
- Programme GASPAR au Québec qui vise un travail autour de
o Estime de soi
o Confiance en soi
o Capacité à refuser
o Gérer son stress
o Valoriser les acquis
o Nommer ses émotions
o « Bons de violence »
2. L’écoute active
- parler sans interrompre
- monter des signes de compréhension, d’attention
3. Matchs d’improvisation (Québec)
- un thème arrêté
- 2 équipes de 6 joueurs
- 1 arbitre qui sanctionne à chaque « dérapage » (mot grossier, attitude anticommunicante)
4. Théâtre forum et jeu de rôles
- mettre des mots sur les émotions
- travailler sur les conduites à risque
- dédramatiser
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