La vraie Légende de Saint Hubert

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La vraie Légende de Saint Hubert
LA VRAIE LÉGENDE DE SAINT HUBERT
par M. ANDRÉ DE MARICOURT
Pour M. le marquis de Noailles.
« La Saint-Hubert !... » C'est pour nous autres Français un beau jour de vénerie, l'évocation des
hautes futaies qui se rouillent sous les caresses trop pâles du soleil de novembre, la senteur enivrante des feuilles mouillées. l'animal de chasse qui courre au plus profond des halliers. Il en va autrement au « Grand-Duché » et en Belgique, où le saint est plus spécialement honoré, comme je le
disais ailleurs, en qualité de guérisseur incomparable de la rage.
Les magnifiques fêtes qui du 1er au 10 juin se sont célébrées en son honneur par toutes les
Flandres, nous incitent à rappeler ici quelques-uns des traits de sa poétique légende, que les temps
actuels (assez impropres à l'hagiographie) laissent se perdre dans les brumes.
Hubert florissait, au septième siècle, au royaume d'Austrasie. Les Bollandistes et Jacques de Voragine tiennent pour probable qu'il appartenait à l'estoc de nos rois mérovingiens. Hélas ! nous
n'avons pas chez nous ces bardes irlandais qui permettent de faire remonter les généalogies orales
jusque dans la nuit des temps, mais des recherches qu'il serait trop long de reproduire ici me laissent
croire, par déductions et présomptions, que cette rumeur est fondée. Hubert descendrait des Mérovingiens comme les Montesquiou s'y rattachent par Hunald et Waïfre.
Suivant Hadulphe Happaré (1535) et Romuald Hancer (1649), les premières années d'Hubert
s'écoulèrent à la Cour de Thierry III et, par la suite, il s'attacha à la fortune de Pépin d'Héristal, ce
qui explique sa présence en ces sombres forêts d'Ardennes où il se livra aux ardeurs de la chasse.
Un saint jour de Noël, Hubert, insoucieux de fêter l'Enfant-Dieu, s'apprêtait à courre le cerf aux
environs de la ville de Tongres. La population était marrie de cette impiété grave, mais ses do-
léances ne frappaient point le cœur endurci du veneur.
Insoucieux de ses prières, Hubert faisait battre le bois. On lui signalait en forêt de Luise un animal de blancheur immaculée et, la lèvre gourmande, l’œil allumé, il faisait sonner l'attaque. Bientôt,
les chiens lui permettaient de suivre les traces du cerf jusqu'à la porte d'un saint ermite.... Le bien
aller, la vue sonnant en perfection, l'animal, fourbu, revenait au lancer et s'arrêtait courtoisement devant la porte dudit ermite.
Alors, chenu, branlant, vieux comme Mathusalem, le saint homme apparaît sur le seuil et, d'une
voix lointaine, agitant son bâton d'un air coléreux, il dit à Hubert : « Monseigneur, oyez mes paroles
C'est aujourd'hui fête de dévotion et non point de carnage. Faites pénitence et priez le Très-Haut ou
bien il vous arrivera malemort. »
Hubert passe outre. Il s'apprête à daguer lorsque.... ô surprise.... le miracle bien connu des annalistes s'opère. Une croix lumineuse apparaît entre les bois de l'animal, qui s'auréole d'une mystérieuse beauté.
Hubert fit ce que tout homme sensé aurait fait, car il faut convenir qu'un pareil hallali était sans
précédents ! Il s'écroula à genoux et, renonçant parfaitement au monde, il prie. Il va même plus loin,
car il entre en religion et se condamne à une vie simple et mortifiée. Celle-ci, au vrai, n'alla point
sans quelque grandeur, car il vécut et mourut plus tard évêque de la ville de Tongres.
Telle est la plus ancienne légende manuscrite des vertus de Monsieur Saint-Hubert. La plupart de
celles qui sont connues du public passent sous silence l'épisode du saint ermite, lequel joua, cependant, un rôle assez considérable. Elle a été extraite du chartrier de l'abbaye de Solesmes et conservée par Mgr le Duc de Chartres, qui en avait grand soin.
Hubert, d'ailleurs, eut quelques consolations en abandonnant sa vie de veneur. Une chronique du
douzième siècle nous apprend que la Vierge elle-même lui dépêcha un ange qui lui remit, en gage
de dilection, une étole sacrée, conservée au monastère d'Anduïn, en Luxembourg. Celle-ci a gardé
l'appréciable vertu de guérir de la rage et d'apaiser tes « animaux furieux et déments ».C'est bien làquelque chose d'appréciable.
Après une vie toute ointe de vertus précieuses, Hubert, ayant eu révélation de ses fins prochaines, se rendit au château de Tervueren.... un de ces grands et bas logis en bois comme les aimaient les princes mérovingiens où il souffrit de grandes et horribles douleurs. Elles' n'empêchaient
point le courageux prélat de chanter des psaumes qui résonnaient à tous les échos de la forêt où, si
souvent, il avait aimé courre. Dieu l'appela à la gloire éternelle cependant qu'il prononçait une dernière fois son saint nom.
Ceci se passa en l'an de grâce 727 au trentième jour du mois de mai, et son fils Floribert (j'oubliais de dire qu'Hubert avait été marié) lui succéda sur le siège épiscopal.
Son corps fut transporté en l'église collégiale de Saint-Pierre de Liège, où il fit de nombreux miracle, et, seize ans après, eut lieu l'exaltation de son corps, qui fut trouvé en odeur de sainteté et de
conservation parfaite. C'est en l'an 825 seulement qu'il fut transféré à Andùïn. Là, la sévère abbaye
de Saint-Hubert domine toute une contrée faite de beauté et de grâce où, dans le fracas de la vie moderne, cet oasis de la mystique nous rejette un moment, sans souci des onze siècles révolus, dans
une incomparable atmosphère médiévale.
André de Maricourt