Virginie DUPONT - Gestion et Finances Publiques
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Virginie DUPONT - Gestion et Finances Publiques
international Virginie DUPONT Conseiller expert, ADETEF La coopération technique avec l’Ouzbékistan : une coopération prometteuse ort de ses 28 millions d’habitants, l’Ouzbékistan, Etat le plus peuplé d’Asie centrale, dispose d’un réel potentiel économique et a un rôle stratégique et géopolitique important à jouer. En effet, cet Etat « à la croisée des chemins » est une zone de stabilité dans une région aux prises avec les extrémismes islamistes et dispose de ressources naturelles importantes, telles que l’or et le gaz. Ces atouts en font un partenaire naturel pour des échanges institutionnels. La coopération entre le ministère des Finances de la république d’Ouzbékistan et les ministères français en charge de l’Economie et des Finances, balbutiante dans les années 1990, s’est aujourd’hui beaucoup développée. F Carte d’identité du pays Date d’indépendance : 31 août 1991. Population : 28 millions d’habitants. Superficie : 447 400 km2 (approximativement la taille de l’Espagne ou de la Californie). Chef d’Etat : Islam Karimov (depuis l’indépendance), ancien premier secrétaire du PC de la république d’Ouzbékistan depuis juin 1989. Régime politique : régime présidentiel fort. PIB : 22,4 Mds$ (2007). Religion : islam sunnite majoritaire. Monnaie : le soum. DES LIENS DE COOPÉRATION, GAGES DE PROGRÈS SIGNIFICATIFS DANS LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES Le Trésor public français, modèle pour l’Ouzbékistan, Etat en création Les premiers liens de coopération entre la DGCP et le ministère des Finances ouzbek remontent au début des années 1990. Les relations ont été relancées en septembre 2000 à la demande du ministre des Finances ouzbek, M. Azimov, afin d’organiser une remise à niveau de vingt responsables régionaux chargés de la gestion des finances publiques. Suite à cette visite, ce sont l’organisation et les méthodes de travail du Trésor public français qui ont été retenues comme axes de coopération privilégiés, dans la perspective de la création d’une administration similaire en Ouzbékistan. Trésor ouzbek (2004), qui s’est fortement inspiré des procédures et de la réglementation françaises. La coopération couvre des thématiques essentielles telles que l’application des standards internationaux en matière de comptabilité publique, la réforme de la procédure des achats publics ou l’informatisation de la gestion budgétaire et comptable. Par ailleurs, plusieurs fonctionnaires (six à ce jour) du ministère des Finances ouzbek ont pris part à la scolarité des inspecteurs (cycle long) à l’Ecole nationale du Trésor public des cadres A. Ces jeunes, formés en France, constituent des points d’appui indispensables dans le cadre de la coopération technique et ils contribuent de plus à promouvoir les points positifs du système français à l’étranger. Cette coopération efficace et très appréciée de nos partenaires se poursuivra en renforçant la technicité des échanges. Une réglementation douanière alignée sur les standards européens Une coopération dans le domaine douanier a également été initiée avec nos collègues ouzbeks à partir de 1996. En effet, dans le cadre d’un financement de l’UE, un expert douanier d’ADETEF a effectué une mission de moyenne durée en Ouzbékistan (trois mois et demi d’intervention) afin de réformer la loi tarifaire ouzbeke. Cette mission s’inscrivait dans une triple perspective : adhésion à l’OMC, négociation d’un accord de partenariat avec l’UE, nécessité de modernisation des douanes ouzbekes. La mission s’est révélée très utile, la nouvelle loi adoptée se rapprochant des standards européens. De plus, l’intervention des experts français a fait l’objet d’une évaluation très positive de la part des autorités ouzbekes. Par ailleurs, la DGDDI, en partenariat avec ADETEF, a mis en œuvre un programme de formation d’équipes de maîtres-chiens de la douane d’Ouzbékistan. En 2001, M. Jamshed Kouchkarov, vice-ministre des Finances, a pris les premiers contacts avec les représentants du Trésor public. Une mission d’évaluation a permis de faire une analyse de l’existant et de lister les propositions françaises. L’accompagnement du projet de création du centre de formation du ministère des Finances ouzbek Depuis lors, des missions d’experts français et des visites en France de fonctionnaires ouzbeks ont contribué à la mise en place du La coopération technique engagée par la France depuis 1999 a permis de préconiser la création d’un centre de formation dédié 750 No 10 - Octobre 2009 - international à la professionnalisation des agents du Trésor public. Dès 2004, le ministère des Finances ouzbek a décidé la création d’un centre de formation pour les futurs agents du Trésor et les comptables des organismes budgétaires. L’assistance de la France a été sollicitée dans ce cadre. Un plan détaillé de mise en place du centre de formation a été rédigé par ADETEF fin 2005. Le centre de formation du Trésor public ouzbek a été officiellement créé par décret gouvernemental en avril 2007, largement sur la base des recommandations qui avaient été faites. Dans un deuxième temps, le nouveau centre de formation a demandé à être accompagné. La coopération en cours porte principalement sur une aide à la mise en route, avec notamment une forte attente en termes de contenus et de conception de modules pédagogiques portant sur les finances publiques. Un séminaire « formation de formateurs à la création d’outils pédagogiques » s’est déroulé au centre de formation du ministère des Finances ouzbek du 18 au 24 mars 2009. Coanimé par les experts d’ADETEF et de l’IGPDE, il a permis des échanges d’expériences entre Français et Ouzbeks et a rappelé les fondamentaux en matière de pédagogie pour adultes ainsi que les étapes d’élaboration des actions de formation. Ce séminaire organisé par le PNUD a suscité une médiatisation importante (journaux, radio, télévision et Internet). L’élargissement de la coopération à d’autres secteurs d’activité du ministère des Finances Suite à une visite en France sur le thème de la lutte contre le blanchiment d’argent organisée au profit de fonctionnaires ouzbeks en 2007, ADETEF a signé en 2008 un accord de coopération triennal quadripartite (ADETEF / PNUD / comité des impôts / ministère des Finances) qui porte sur les thématiques plus larges du programme de réforme de la gestion des finances publiques du PNUD. En effet, le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) assiste actuellement le ministère des Finances ouzbek dans la réalisation de sa réforme des finances publiques : réforme de la législation fiscale, révision du Code budgétaire, mise en place d’une programmation budgétaire à moyen terme, réforme de la gestion du fond de pensions, application des standards internationaux en matière comptable et audit dans le secteur privé. Le PNUD apporte conseil et appui (définition et organisation des thèmes à traiter, rédaction de cahier des charges, suivi des dossiers) et soutien opérationnel et logistique (organisation d’événements sur place, relais pour l’organisation de missions d’études...). L’accord de 2008 a dynamisé les échanges administratifs avec l’Ouzbékistan. Il se décline en plans de sept ou huit actions annuelles et ouvre de nouvelles perspectives de coopération bilatérale. UNE COOPÉRATION EXEMPLAIRE A DE NOMBREUX ÉGARDS Une coopération particulièrement efficace La coopération technique avec nos partenaires ouzbeks se démarque d’autres coopérations par son efficacité. En effet, cette coopération s’est révélée fructueuse à plusieurs points de vue : – la partie ouzbeke a su fidéliser ses interlocuteurs de la coopération, ce qui a favorisé le transfert des connaissances, leur capitalisation d’une mission à l’autre et a évité les redites. La préparation des actions en a été largement facilitée ; – la demande ouzbeke a correspondu à de vrais besoins sur des projets concrets (création du Trésor public, création du centre de formation du ministère des Finances, projet de réforme de la - No 10 - Octobre 2009 gestion des finances publiques du PNUD), avec des objectifs ciblés et des délais impératifs correspondant à une volonté politique et à une crédibilité technique de nos interlocuteurs. C’est bien l’engagement fort des élites administratives dans les réformes qui a permis de rendre les actions de coopération plus efficaces ; – le professionnalisme des équipes (jeunes formés à l’étranger) est réel. La plupart des experts rencontrés ont un haut niveau de qualification et de formation ou ont une grande expérience professionnelle. Par ailleurs, la présence dans les équipes projets des anciens stagiaires de l’ENT joue un rôle très positif. En effet, les stagiaires, à leur retour, sont bien positionnés et valorisés au sein de l’organisation administrative ouzbeke. Les différents experts français qui se sont déplacés en Ouzbékistan ont tous porté une appréciation très positive sur la qualité de l’accueil, la technicité des échanges et le sérieux de nos partenaires. Par ailleurs, l’appréciation de l’évolution de l’Ouzbékistan par le FMI est globalement assez positive : d’après M. John Zohrab, conseiller régional pour le FMI, qui travaille sur le suivi du projet Trésor public, les réformes sont lentes à se mettre en place, mais les Ouzbeks font peu d’erreurs. En quelques années, il a pu constater des avancées significatives : – réintégration des fonds extra-budgétaires au Trésor ; – fermeture des comptes dans les banques commerciales ; – nouvelle classification budgétaire conforme aux normes GFS 2001 ; – sélection de ministères pilotes pour la mise en place d’une programmation budgétaire à moyen terme (santé, éducation...). Un capital d’influence français L’assistance technique française est très attendue : les Ouzbeks ont une haute considération et une grande confiance pour la France en général et son administration en particulier. Les raisons en sont variées : organisation administrative éloignée du modèle anglo-saxon, centralisation des flux financiers, contrôle financier ex ante. Ces particularités sont proches des modes de pensée et d’organisation ouzbekes. Par ailleurs, la partie ouzbeke a manifesté à plusieurs reprises sa satisfaction et sa reconnaissance, en raison de la compétence des experts français. La coopération est continue depuis 1999, sans interruption, des demandes nouvelles ont émergé. Les Ouzbeks souhaitent la présence d’experts long terme français au sein de leur administration. Il faut souligner que l’approche française en matière d’assistance technique convient aux Ouzbeks : la mise en place de mesures graduelles et la prudence sont à chaque fois préconisées, des réformes progressives, avec la mise en place de systèmes robustes et en phase avec l’état des finances publiques, les capacités administratives et l’environnement politique sont en effet recommandées en général par nos experts. Par exemple, il est préférable de mettre en place une organisation comptable basée sur le principe de caisse qui fonctionne et qui permet d’avoir une vision claire et transparente de l’exécution budgétaire, plutôt qu’une comptabilité en droits constatés (complexe à mettre en place pour le secteur public) inachevée et incomplète qui ne donnera pas satisfaction aux décideurs publics. DES PERSPECTIVES MULTILATÉRALES ET RÉGIONALES Un potentiel de financements multilatéraux La coopération bilatérale est un tremplin pour le développement de la coopération multilatérale. La coopération bilatérale de longue date et notre connaissance de l’organisation des finances 751 international publiques de la république d’Ouzbékistan constituent des atouts indéniables pour remporter des appels d’offres dans ce pays. ADETEF a donc commencé à rechercher des financements auprès des grands bailleurs. Après une période de rapprochement avec les Etats-Unis, suite à l’intervention américaine en Afghanistan, l’Ouzbékistan s’était ensuite isolé sur la scène internationale, notamment suite au massacre d’Andijan, qui a amené une série de représailles de la part des démocraties occidentales. Les perspectives de financement de la part de l’Union européenne et de la Banque mondiale étaient alors faibles. La situation a évolué et, peu à peu, les bailleurs de fonds réinvestissent l’Asie centrale. Du fait de son élargissement géographique, l’UE s’est rapprochée de l’Asie centrale et entend renforcer sa coopération avec la région. La stratégie pour l’Asie centrale (2007-2013) a pour objectif de promouvoir la stabilité et la sécurité de ces pays, de réduire la pauvreté et améliorer les conditions de vie dans la région, et de faciliter une coopération régionale entre les pays d’Asie centrale, et entre l’Asie centrale et l’UE (tout particulièrement dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’enseignement supérieur, et de l’environnement). La présidence française de l’Union européenne a organisé, en septembre 2008, un forum UE - Asie centrale qui a permis, pour la première fois, de réunir les ministres des Affaires étrangères des pays européens et d’Asie centrale, la commissaire européenne en charge des relations extérieures et de la politique de voisinage, le haut représentant pour la PESC, les ministres des Affaires étrangères des pays candidats à l’UE (Turquie, Croatie, ARYM) et des organisations internationales et régionales travaillant dans la région. Les participants ont adopté une déclaration commune dans laquelle ils se sont engagés à renforcer leur dialogue politique sous toutes ses formes, renforcer la stabilité régionale, renforcer la lutte contre le terrorisme, développer leur coopération en matière de stabilisation de la situation et de reconstruction de l’Afghanistan, combattre ensemble les trafics illicites, renforcer leur coopération en matière d’énergie, d’eau et d’environnement et contribuer à l’élaboration d’une approche globale de la sécurité de l’Asie centrale. Ainsi, des projets d’appels d’offres voient le jour, essentiellement dans les domaines de l’éducation, de la justice, de la société civile et du développement économique. La BERD finance aussi certains projets, tandis que la Banque mondiale envisage de lancer des projets sur plusieurs thèmes (la réforme du plan comptable et la mise en place d’un système d’audit interne au Trésor). Une veille toute particulière est effectuée par ADETEF sur ces projets potentiels. 752 Une expérience qui incite à regarder les pays voisins Les relations institutionnelles des ministères économique et financier avec trois autres pays d’Asie centrale (Kirghizistan, Tadjikistan, Turkménistan) sont encore ponctuelles : la coopération est tournée essentiellement vers l’accueil de délégations étrangères sur le thème de la gestion de la dette publique ou l’informatisation de la gestion des finances publiques par exemple. Toutefois, ADETEF a déjà tenté de répondre à des appels d’offres internationaux dans le domaine de la réforme des finances publiques au Kirghizistan et au Tadjikistan notamment. Par ailleurs, la mission économique d’Almaty encourage les directions et ADETEF à s’intéresser au Kazakhstan. Le Kazakhstan, pays à fort potentiel énergétique, a bénéficié de la signature au niveau présidentiel d’un accord de partenariat stratégique en juin 2008 avec la France, ce qui a renforcé la coopération économique entre les deux pays, notamment dans le domaine de l’énergie. La réunion d’une commission mixte franco-kazakhe ainsi que le projet d’un déplacement présidentiel, prévu en octobre 2009, constituent des opportunités pour développer la coopération institutionnelle avec le Kazakhstan. 0 L’Ouzbékistan est un pays relativement jeune mais, comme le souligne la devise nationale, « l’Ouzbékistan est un futur grand Etat ». Confronté à de nombreux défis, dont celui de rénover ses finances publiques, il progresse lentement mais les élites administratives font preuve d’un grand pragmatisme qui permet d’éviter de nombreux écueils. Nos ministères français ont contribué utilement à ces réformes et attestent de la qualité et du professionnalisme des experts de Bercy. No 10 - Octobre 2009 -